CHAINE D’OR SUR L’ÉVANGILE DE SAINT JEAN
Édition numérique, http ://docteurangelique.free.fr,
Les œuvres complètes de
saint Thomas d'Aquin
Explication suivie des QUATRE EVANGILES
par le docteur angélique
SAINT THOMAS D’AQUIN
composée des interprètes grecs et latins, et surtout des ss. Pères
admirablement coordonnés et enchaînés
de manière à ne former qu’un seul texte suivi et appelé à juste titre
la
CHAINE D’OR
Edition où le texte corrigé par le P. Nicolaï a été revu avec le plus grand soin sur les textes originaux grecs et latins
TRADUCTION NOUVELLE
par
M. L’ABBE J.-M. PERONNE
Chanoine titulaire de l’Eglise de Soissons, ancien professeur d’Ecriture sainte et d’éloquence sacrée
Tome premier
PARIS
LIBRAIRIE DE LOUIS VIVÈS, ÉDITEUR
rue Delambre, 9
1868
Sancti Thomae de Aquino, Catena aurea
in quatuor Evangelia, Expositio in Ioannem |
EXPLICATION
SUIVIE DES QUATRE ÉVANGILES PAR
SAINT THOMAS L’ÉVANGILE DE
JÉSUS-CHRIST SELON SAINT JEAN |
Prooemium |
PRÉFACE
|
[85973] Catena in Io.,
pr. Vidi
dominum sedentem super solium excelsum et elevatum; et plena erat domus a
maiestate eius; et ea quae sub ipso erant, replebant templum. Glossa. Divinae
visionis sublimitate illustratus Isaias propheta dixit vidi dominum sedentem
et cetera. Hieronymus, super Isaiam. Quis sit iste dominus qui videtur, in
Evangelista Ioanne plenius discimus, qui ait : haec dixit Isaias, quando
vidit gloriam Dei, et locutus est de eo : haud dubium quin Christum
significet. Glossa. Unde ex verbis istis materia huius Evangelii, quod
secundum Ioannem describitur, designatur. Ex Eccles. Hist. Quia enim
nativitatem salvatoris secundum carnem vel Matthaeus, vel Lucas
descripserant, reticuit hic Ioannes, et a theologia atque ab ipsa eius
divinitate sumit exordium; quae pars sine dubio ipsi velut eximio per spiritum
sanctum reservata est. Alcuinus. Unde cum omnibus divinae Scripturae
paginis Evangelium excellat, quia quod lex et prophetae futurum praedixerunt,
hoc completum dicit Evangelium; inter ipsos autem Evangeliorum scriptores
Ioannes eminet in divinorum mysteriorum profunditate : qui a tempore
dominicae ascensionis per annos sexaginta quinque verbum Dei absque
adminiculo scribendi usque ad ultima Domitiani tempora praedicavit; sed post
occisionem Domitiani, cum, Nerva permittente, de exilio rediisset Ephesum,
compulsus ab episcopis Asiae, de coaeterna patri divinitate Christi scripsit
adversus haereticos, qui Christum ante Mariam fuisse negabant. Unde merito in
figura quattuor animalium aquilae volanti comparatur, quae volat altius
cunctis avibus, et solis radios irreverberatis aspicit luminibus.
Augustinus, in Ioannem. Transcendit enim Ioannes omnia cacumina terrarum,
transcendit omnes campos aeris, transcendit omnes altitudines siderum,
transcendit omnes choros et legiones Angelorum : nisi enim transcenderet ista
omnia quae creata sunt, non perveniret ad eum per quem facta sunt omnia.
Augustinus, de Cons. Evang. Ex quo intelligi datur, si diligenter
advertas, tres Evangelistas temporalia facta domini et dicta quae ad
informandos mores vitae praesentis maxime valerent, prosecutos, circa activam
virtutem fuisse versatos; Ioannem vero facta domini multo pauciora narrantem,
dicta vero eius, praesertim quae Trinitatis unitatem et vitae aeternae
felicitatem insinuarent, diligentius et uberius conscribentem, in virtute
contemplativa commendanda suam intentionem praedicationemque tenuisse. Unde
animalia tria, per quae tres alii Evangelistae designantur, sive leo, sive
homo, sive vitulus, in terra gradiuntur : quia tres Evangelistae in his
maxime occupati sunt quae Christus in carne operatus est, et quae praecepta
mortalis vitae exercendae carnem portantibus tradidit; at vero Ioannes supra
nubila infirmitatis humanae velut aquila volat, et lucem incommutabilis
veritatis acutissimis atque firmissimis oculis cordis intuetur : ipsam enim
maxime divinitatem domini, qua patri est aequalis, intendit, eamque praecipue
suo Evangelio, quantum inter homines sufficere credidit, commendare curavit.
Glossa. Potest igitur Evangelista Ioannes cum Isaia propheta dicere vidi
dominum sedentem super solium excelsum et elevatum, inquantum acumine visus
sui Christum in divinitatis maiestate regnantem inspexit; quae quidem etiam
sua natura excelsa est, et super omnia alia elevata. Dicat etiam Evangelista
Ioannes et plena erat domus a maiestate eius : quia per ipsum narrat omnia
esse facta, et suo lumine omnes homines in hunc mundum venientes illustrari.
Dicat etiam quod ea quae sub ipso erant, replebant templum; quia dicit verbum
caro factum est; et vidimus gloriam quasi unigeniti a patre, plenum gratiae
et veritatis, secundum quod de plenitudine eius nos omnes accepimus. Sic
igitur praemissa verba materiam huius Evangelii continent, in quo ipse
Ioannes dominum super solium excelsum sedentem insinuat, divinitatem Christi
ostendens; et terram ab eius maiestate impleri ostendit, dum omnia per eius
virtutem in esse producta ostendit, et propriis perfectionibus repleta; et
inferiora eius, idest humanitatis mysteria, templum, idest Ecclesiam, replere
docet, dum in sacramentis humanitatis Christi et gratiam et gloriam fidelibus
repromittit. Chrysostomus, in Ioannem. Quando igitur barbarus hic et
indisciplinatus talia loquitur quae nullus eorum qui in terra sunt hominum
novit unquam, si hic solus esset, miraculum magnum esset. Nunc autem cum his
et aliud isto maius tribuit argumentum, quod a Deo inspirata sunt ei quae
dicuntur hic, scilicet quod omnes audiunt, et suadet omnibus per omne tempus.
Quis ergo non admirabitur habitantem in eo virtutem? Origenes. Ioannes
interpretatur gratia Dei, sive in quo est gratia, vel cui donatum est. Cui
autem theologorum donatum est ita abscondita summi boni penetrare mysteria,
et sic humanis mentibus intimare? |
Le prophète Isaïe, éclairé des splendeurs d'une vision toute divine,
dit : « J'ai vu le Seigneur assis sur un trône sublime et élevé, et la maison
était pleine de sa majesté, et le bas de ses vêtements remplissait le temple.
— S. Jérôme : (sur Isa). Saint
Jean l'évangéliste nous apprend quel est celui qui apparut à Isaïe,
lorsqu'après avoir cité une de ses prophéties, il ajoute : « Isaïe dit ces
choses, lorsqu'il vit sa gloire, et qu'il parla de lui, » et nul doute que
dans sa pensée, il ne soit question du Christ. — La Glose : Voilà donc dans ces paroles le sujet de l'Evangile,
qui porte le nom de saint Jean. — L’histoire
ecclésiastique : (3, 34). Saint Matthieu et saint Luc ayant raconté ce
qui avait rapport à la naissance temporelle du Sauveur, saint Jean n'en dit
rien; il commence son Evangile par l'exposé de sa naissance éternelle et
divine, et nul doute que cette mission ne lui ait été réservée par l'Esprit
saint comme au plus éminent des évangélistes. Alcuin : L'Evangile est de beaucoup supérieur à
toutes les autres parties de l'Ecriture, parce que nous y voyons
l'accomplissement de toutes les prédictions de la loi et des prophètes; mais
saint Jean tient à son tour le premier rang parmi les autres évangélistes, à
cause de la profondeur des mystères qui lui ont été révélés. Après
l'ascension du Sauveur, il se contenta pendant soixante-cinq ans de prêcher
de vive voix la parole de Dieu sans rien écrire, jusqu'aux dernières années
de Donatien. Mais après la mort de cet empereur, Nerva, son successeur, ayant
permis au saint Apôtre de revenir à Ephèse, il écrivit à la prière des
évoques d'Asie, sur la divinité du Christ, coéternel au Père, contre les
hérétiques, qui niaient que Jésus-Christ fût antérieur à Marie. Aussi est-ce
avec raison que parmi les quatre animaux symboliques, il est comparé à
l'aigle qui vole plus haut que tous les autres oiseaux, et fixe d'un regard
intrépide les rayons du soleil sans en être ébloui. — S. Augustin : (sur S. Jean, chap. 1). Il s'élève au-dessus de
tous les espaces de l'air, au-dessus de toutes les hauteurs des astres,
au-dessus de tous les chœurs et de toutes les légions des anges. Et, en effet,
à moins de s'élever au-dessus de toutes les créatures, comment pourrait-il
parvenir jusqu'à celui par qui tout a été créé ? S. Augustin : (de l'acc. des Evang., 1, 5). Si donc vous
prêtez une sérieuse attention, vous verrez que les trois premiers évangélistes
qui se sont attachés principalement dans leur récit aux faits de la vie
mortelle de Nôtre-Seigneur, et aux paroles qui tendent à la sanctification de
la vie présente, semblent avoir eu pour objet la vie active; saint Jean, au
contraire, raconte peu de faits de la vie de Notre Seigneur, mais il
reproduit dans toute leur étendue et avec le plus grand soin ses discours,
surtout ceux qui traitent de l'unité des trois personnes divines et du
bonheur de la vie éternelle, et parait avoir eu pour dessein et pour fin dans
son récit, de relever le mérite de la vie contemplative. Aussi les trois
animaux, emblèmes des trois autres évangélistes (le lion, l'homme, le
taureau), marchent sur la terre, parce que ces trois évangélistes ont eu pour
but principal de rapporter les actions de la vie mortelle du Sauveur, et les
préceptes de morale qui doivent diriger les hommes dans le cours de cette vie
périssable et mortelle. Mais pour saint Jean, semblable à l'aigle, il prend
son vol au-dessus des nuages de la faiblesse humaine, et contemple d'un œil
intrépide et assuré la lumière de l'immuable vérité. Il s'applique surtout à
faire ressortir la divinité du Seigneur, qui le rend égal à son Père, et à en
donner aux hommes dans son Evangile, une idée aussi étendue que l'intelligence
humaine le permet. La Glose : Saint Jean l'évangéliste peut donc dire
comme le prophète Isaïe : « J'ai vu le Seigneur sur un trône élevé et sublime
», lui qui, par la pénétration de son regard, a contemplé le Christ régnant
dans toute la majesté de la divinité, dont la nature est élevée au-dessus de
toutes les créatures. Il peut dire aussi : « Et le temple était rempli de sa
majesté, » lui qui déclare que tout a été fait par lui et qu'il éclaire de sa
lumière tous ceux qui viennent en ce monde. Il peut dire encore « ce qui
était au-dessous de lui remplissait le temple, » lui qui nous révèle en ces
termes le mystère de l'incarnation : « Et le Verbe s'est fait chair, et il a
habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, sa gloire comme Fils unique,
né du Père, plein de grâce et de vérité, et nous avons tous reçu de sa
plénitude. » Les paroles du prophète contiennent donc tout le sujet de cet
Evangile. Saint Jean nous représente le Seigneur assis sur un trône élevé, en
nous montrant la divinité de Jésus-Christ; nous voyons la terre remplie de sa
majesté, lorsqu'il nous montre toutes les créatures tirées du néant par sa
puissance et comme remplies de ses divines perfections. Il nous enseigne
encore que ce qui est au-dessous de lui (les mystères accomplis dans son
humanité), remplit le temple (c'est-à-dire l'Eglise), lorsqu'il nous découvre
dans les mystères de l'incarnation et de la rédemption de Jésus-Christ une
source abondante de grâce et de gloire pour les fidèles. S. Jean Chrysostome : (hom. 1 sur S. Jean). Comment donc ce
barbare, cet homme sans lettres, a-t-il pu parler un langage si sublime, et
révéler des vérités qu'aucun homme ne connut jamais avant lui ? Cela serait
déjà un prodige extraordinaire; mais une preuve plus forte encore, que c'est l'inspiration
divine qui lui a dicté tout ce qu'il raconte dans son Evangile, c'est que les
hommes de tous les siècles l'écoutent et se rendent dociles à ses divines
leçons. Qui donc n'admirerait la vertu toute-puissante qui habite en lui ? Origène : (hom. 2 sur div. endr. de l'Evang). Jean
signifie la grâce de Dieu, ou celui en qui est la grâce, ou celui à qui elle
a été donnée. Mais de tous ceux qui ont traité des choses divines, à qui
a-t-il jamais été donné de pénétrer aussi profondément les mystères cachés du
souverain bien, et de les enseigner aux hommes ? |
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Caput 1 Lectio 1 [85974] Catena in Io., cap. 1 l. 1 Chrysostomus
in Ioannem. Omnibus aliis Evangelistis ab incarnatione incipientibus,
Ioannes transcurrens conceptionem, nativitatem, educationem, augmentationem,
mox de aeterna nobis generatione narrat, dicens in principio erat verbum.
Augustinus Lib. 83 quaest. Quod Graece logos dicitur, Latine et rationem
et verbum significat; sed hoc melius verbum interpretatur, ut significetur
non solum ad patrem respectus, sed ad illa etiam quae per verbum facta sunt
operativa potentia. Ratio autem, etsi nihil per eam fiat, recte ratio dicitur.
Augustinus in Ioannem. Quotidie autem dicendo verba viluerunt nobis, quia
sonando et transeundo viluerunt. Est verbum et in ipso homine quod manet
intus : nam sonus procedit ex ore. Est verbum quod vere specialiter dicitur
illud quod intelligis de sono, non ipse sonus. Augustinus
de Trin. Quisquis autem potest intelligere verbum, non solum antequam
sonet, verum etiam antequam sonorum eius imagines cogitatione volvantur, iam
potest videre per hoc speculum atque in hoc aenigmate aliquam verbi
similitudinem, de quo dictum est in principio erat verbum. Necesse est enim
cum id quod scimus loquimur, ut ex ipsa scientia quam memoria tenemus,
nascatur verbum, quod eiusmodi sit omnino cuiusmodi est illa scientia de qua
nascitur. Formata quippe cogitatio ab ea re quam scimus, verbum est, quod in
corde dicimus; quod nec Graecum est, nec Latinum, nec linguae alicuius. Sed
cum id opus est in eorum quibus loquimur proferre notitiam, aliquod signum
quo significetur assumitur. Proinde verbum quod foris sonat,
signum est verbi quod intus latet, cui magis verbi competit nomen : nam illud
quod profertur carnis ore, vox verbi est, verbumque et ipsum dicitur propter
illud a quo ut foris appareat sumptum est. Basilius. Hoc autem verbum
non est humanum verbum. Quomodo enim erat in principio humanum verbum, ultimo
loco accipiente homine generationis principium? Non igitur in principio
verbum erat humanum, sed nec Angelorum : omnis enim creatura infra saeculorum
terminos est, a creatore essendi sumens principium. Sed
audi Evangelium decenter : ipsum enim, unigenitum verbum dixit.
Chrysostomus in Ioannem. Si autem quis dixerit : cur patrem dimittens, mox
nobis de filio loquitur? Quoniam ille quidem manifestus omnibus erat, etsi
non ut pater, sed ut Deus, unigenitus autem ignorabatur : ideo decenter eam,
quae de isto est, cognitionem confestim initio studuit imponere his qui
nesciebant eum; sed neque patrem in his quae de filio sunt sermonibus tacuit.
Propter hoc autem et verbum eum vocavit. Quia enim docturus erat quod hoc
verbum unigenitus est filius Dei; ut non passibilem aestimet quis
generationem, praeveniens verbi nuncupatione, destruit perniciosam suspicionem,
esse ex Deo filium impassibiliter ostendens. Secunda vero ratio est, quia ea
quae sunt patris nobis annuntiare debebat. Non simpliciter vero eum verbum
dixit, sed cum articuli adiectione, a reliquis ipsum separans. Consuetudo
enim est Scripturae verba vocare leges Dei et praecepta : hoc autem verbum
substantia quaedam est, hypostasis, ens, ex ipso proveniens impassibiliter
patre. Basilius. Quare igitur verbum? Quia impassibiliter natum est;
quia est generantis imago, totum in seipso generantem demonstrans, nihil inde
separans, sed in seipso perfectum existens. Augustinus de Trin. Sicut
enim scientia nostra illi scientiae Dei, sic nostrum verbum quod nascitur de
nostra scientia, dissimile est illi verbo Dei, quod natum est de patris
essentia. Tale est autem, ac si dicerem de patris scientia, de patris
sapientia; vel, quod est expressius, de patre scientia, de patre sapientia.
Verbum ergo Dei patris unigenitus filius, per omnia patri similis et aequalis
: hoc enim est omnino quod pater, non tamen pater : quia iste filius, ille
pater : ac per hoc novit omnia quae novit pater; sed ei nosse de patre est,
sicut esse : nosse enim et esse ibi unum est; et ideo patri, sicut esse non
est a filio, ita nec nosse. Proinde, tamquam seipsum dicens, pater genuit verbum
sibi aequale per omnia : non enim seipsum integre perfecteque dixisset, si
aliquid minus aut amplius esset in eius verbo quam in seipso. Nostrum autem
verbum interius, quod invenimus esse utcumque illi simile, quantum sit etiam
dissimile, non pigeat intueri. Est enim verbum mentis nostrae quandoque
formabile, nondum formatum, quiddam mentis nostrae, quod hac atque hac
volubili quadam motione iactamus, cum a nobis nunc id, nunc illud, sicut
inventum fuerit vel occurrerit, cogitatur; et tunc fit verum verbum quando
illud quod nos diximus volubili motione iactare, ad id quod scimus pervenit,
atque inde formatur, eius omnimodam similitudinem capiens; ut quomodo res
quaeque scitur, sic etiam cogitetur. Quis non videat quanta sit hic
dissimilitudo ab illo Dei verbo, quod in forma Dei sic est ut non ante fuerit
formabile, postea formatum, non aliquando possit esse informe, sed sit forma
simplex, et simpliciter aequalis ei de quo est? Quapropter ita dicitur illud
Dei verbum, ut Dei cogitatio non dicatur; ne aliquid esse quasi volubile
dicatur in Deo, quod nunc habeat, nunc accipiat formam ut verbum sit, eamque
possit amittere, atque informiter quodammodo volutari. Augustinus de
Verb. Dom. Est enim verbum Dei forma quaedam non formata, sed forma omnium
formarum, forma incommutabilis, sine lapsu, sine defectu, sine tempore, sine
loco, superans omnia, existens in omnibus fundamentum quoddam, in quo sunt,
et fastigium sub quo sunt. Basilius. Habet autem et verbum nostrum
exterius divini verbi similitudinem quamdam : nam nostrum verbum totam
declarat mentis conceptionem : quae namque mente concepimus, ea verbo
proferimus. Et quidem cor nostrum quasi fons quidam est : verbum vero
prolatum quasi quidam rivulus manans ex ipso. Chrysostomus in Ioannem. Considera
etiam in Evangelista prudentiam spiritualem. Noverat homines id quod
antiquius est et quod est ante omnia maxime honorantes et ponentes Deum :
propter hoc primum dicit principium : in principio, inquit, erat verbum.
Origenes in Ioannem. Plura autem sunt signata ab hoc nomine principium.
Est enim principium, sicut itineris et longitudinis, secundum illud : initium
boni itineris iustorum exercitium. Est autem principium et generationis,
iuxta illud : hoc est principium creaturae domini. Sed etiam Deum non
enormiter asseret aliquis omnium principium. Illud etiam ex quo sicut ex
praeiacente materia alia fiunt, principium est penes eos qui credunt illam
ingenitam. Est enim principium secundum speciem; sicut Christus principium
eorum est qui secundum imaginem Dei formati sunt. Est etiam principium
disciplinae, secundum illud : cum deberetis esse magistri propter tempus,
rursus indigetis ut doceamini quae sunt elementa exordii sermonum Dei. Duplex
enim est documenti principium : hoc quidem natura, hoc vero quoad nos; ut si
dicatur, initium sapientiae fore natura quidem Christum, inquantum sapientia
et verbum Dei est; quoad nos vero inquantum verbum caro factum est. Tot
igitur significatis ad praesens nobis de principio occurrentibus, potest
accipi illud ex quo quid est agens. Conditor enim Christus est velut
principium, secundum quod sapientia est; ut verbum in principio, quasi in
sapientia sit. Plura enim bona de salvatore dicuntur. Velut igitur vita in
verbo est, sic verbum in principio, idest in sapientia erat. Considera vero
si possibile est secundum hoc significatum accipere nos principium, prout
secundum sapientiam, et exempla quae in ea sunt, fiunt omnia; vel quia
principium filii pater est, et principium creaturarum, et omnium entium; per
illud in principio erat verbum, verbum filium intelligas in principio, idest
in patre, dictum fore. Augustinus de Trin. Aut in principio sic dictum
est ac si diceretur : ante omnia. Basilius. Praevidit enim spiritus
sanctus futuros quosdam invidentes gloriae unigeniti, qui praeferrent sophismata
ad subversionem auditorum : quia si genitus est, non erat; et antequam
genitus esset, non erat. Ne igitur talia garrire praesumant, spiritus sanctus
ait in principio erat verbum. Hilarius de Trin. Transeunt tempora,
transeunt saecula, tolluntur aetates : pone aliquid quod voles tuae opinionis
principium : non tenes tempore : erat enim unde tractatur. Chrysostomus
in Ioannem. Sicut autem quis cum stat in navi secus littus, videt
civitates et portus, cum vero eum aliquis in medium pelagi duxerit, a prioribus
quidem desistere facit, non tamen alicubi defigit ei oculum, ita Evangelista
hic super omnem nos ducens creaturam, suspensum dimittit oculum, non dans
suspicere aliquem finem ad superiora : hoc enim in principio erat semper et
infinite essendi significativum est. Augustinus de Verb. Dom. Sed
dicunt : si filius est, natus est; hoc fatemur. Adiungunt deinde : si natus
est patri filius, erat pater antequam ei filius nasceretur; hoc respuit
fides. Ergo ait : rationem mihi redde quomodo et filius nasci potuit patri,
ut coaevus esset ei a quo natus est. Post patrem enim nascitur filius, utique
patri morituro successurus. Similitudines adhibent de creaturis; et nobis
laborandum est ut et nos inveniamus similitudines earum rerum quas astruimus.
Sed quomodo possumus in creatura invenire
coaeternum, quando in creatura nil invenimus aeternum? Sed si possunt
inveniri haec duo coaeva, generans et generatum, ibi intelligimus coaeterna.
Ipsa quidem sapientia dicta est in Scripturis candor lucis aeternae, dicta est
imago patris. Hinc capiamus similitudinem, ut inveniamus coaeva,
ex quibus intelligamus coaeterna. Nemo autem dubitat, quod splendor de igne
exit. Ponamus ergo ignem patrem illius splendoris : mox quidem ut lucernam
accendo, simul cum igne et splendor existit. Da mihi hic ignem sine
splendore, et credo tibi patrem sine filio fuisse. Imago existit de speculo,
hominis intuentis speculum; existit imago mox ut aspector extiterit : sed
ille qui inspicit erat antequam accederet ad speculum. Ponamus ergo aliquid natum
super aquam, ut virgultum, aut herbam : nonne cum imagine sua nascitur? Si
ergo semper esset virgultum, semper esset et imago de virgulto. Quod autem de
alio est, utique natum est. Potest ergo semper esse generans, et semper cum
illo quod de eo natum est. Sed dicet aliquis : ecce intellexi aeternum
patrem, coaeternum filium; tamen sicut effusum splendorem minus igne
lucentem, aut sicut effusam imaginem minus quam virgultum existentem dicimus.
Non, sed aequalitas omnimoda est. Non credo, ait, quia non invenisti
similitudinem. Fortassis autem invenimus in creatura quomodo intelligamus
filium et coaeternum patri, et nequaquam minorem; sed non illud possumus
invenire in uno genere similitudinum. Iungamus ergo ambo genera : unum unde
ipsi dant similitudines, et alterum unde nos dedimus. Dederunt enim illi
similitudinem ex his quae praeceduntur tempore ab his a quibus nascuntur,
sicut homo de homine; sed tamen homo et homo sunt eiusdem substantiae. Laudamus
ergo in ista nativitate aequalitatem naturae : deest aequalitas temporis. In
illo autem genere similitudinum quod nos dedimus de splendore ignis et de
imagine virgulti, aequalitatem naturae non invenis, invenis coaevitatem.
Totum ergo ibi quod hic ex partibus singulis et rebus singulis invenitur; et
non hoc solum quod in creaturis, totum invenio ibi sed tamquam in creatore. Ex gestis
Conc. Ephes. Propterea alicubi quidem filium appellat patris, alicubi
autem verbum nominat, alicubi autem splendorem vocat Scriptura divina;
singula horum nominum de ipso dicens, ut intelligas ea quae de Christo
dicuntur, esse contra blasphemiam : quia enim tuus filius eiusdem tibi
naturae fit, volens sermo ostendere unam substantiam patris et filii, dicit
filium patris, qui ex eo natus est unigenitus. Deinde quoniam nativitas et
filius apud nos ostentationem praebent passionis; ideo hunc filium appellat
et verbum, impassibilitatem nativitatis eius nomine isto demonstrans. Sed
quoniam pater quispiam factus ut homo, indubitanter senior filio suo
demonstratur; ne hoc ipsum etiam de divina natura putares, splendorem vocat
unigenitum patris : splendor enim nascitur quidem ex sole, non autem
intelligitur sole posterior. Coexistere ergo semper patri
filium splendor tibi denuntiet; impassibilitatem nativitatis ostendat verbum;
consubstantialitatem filii nomen insinuet. Chrysostomus
in Ioannem. Sed dicunt illi, quoniam hoc, idest in principio, non aeternitatem
ostendit simpliciter : etenim et de caelo istud et de terra dictum. In
principio, inquit Genesis, fecit Deus caelum et terram. Sed quid commune
habet erat ad fecit? Sicut enim quod est, cum de homine quidem dicitur,
tempus praesens significat tantum; cum autem de Deo, id quod est semper et
aeternaliter; ita et erat de nostra quidem cum dicitur natura, praeteritum
significat tempus; cum autem de Deo, aeternitatem ostendit. Origenes. Sum
enim verbum duplicem habet significationem : aliquando enim temporales motus
secundum analogiam aliorum verborum declarat, aliquando substantiam
uniuscuiusque rei, de qua praedicatur, sine temporali motu ullo designat;
ideo et substantivum vocatur. Hilarius de Trin. Respice igitur ad
mundum, intellige quid de eo scriptum est : in principio fecit Deus caelum et
terram. Fit ergo in principio quod creatur, et aetates continet quod in
principio continetur ut fieret. Piscator autem illitteratus, indoctus, liber
a tempore, solutus a saeculis est, vicit omne principium : erat enim quod
est, neque in tempore aliquo concluditur ut coeperit quod erat potius in
principio quam fiebat. Alcuinus. Contra eos ergo qui propter
temporalem nativitatem dicebant Christum non semper fuisse, incipit
Evangelista de aeternitate verbi, dicens in principio erat verbum. Lectio 2 [85975] Catena in Io., cap. 1 l. 2 Chrysostomus
in Ioannem. Quia maxime Dei hoc est proprium, aeternum et sine principio esse; hoc
primum posuit : deinde ne quis audiens in principio erat verbum, ingenitum
verbum dicat, confestim hoc removit dicens et verbum erat apud Deum. Hilarius de
Trin. Sine principio enim est apud Deum, et qui abest a tempore, non abest
ab auctore. Basilius. Rursus hoc dicit propter blasphemantes quod non
erat. Ubi ergo erat verbum? Non in loco incircumscriptibilia continentur. Sed
ubi erat? Apud Deum : neque pater loco, neque filius circumscriptione aliqua
continentur. Origenes in Ioannem. Utile est etiam inducere, quod
verbum dicitur ad aliquos fieri, puta ad Osee, vel Isaiam, aut Ieremiam : ad
Deum autem non fit, quasi prius non ens apud ipsum : ex eo igitur quod
iugiter est in eo, dicitur et verbum erat apud Deum : quia nec a principio a
patre separatus est. Chrysostomus in Ioannem. Non etiam dixit : in Deo
erat, sed apud Deum erat, eam quae secundum hypostasim eius est aeternitatem
nobis ostendens. Theophylactus. Videtur autem mihi quod Sabellius ex
hoc dicto subversus est. Ipse enim dicebat, quod pater et filius et spiritus
sanctus una est persona, quae aliquando ut pater apparuit, aliquando ut
filius, aliquando ut spiritus sanctus. Manifeste vero confunditur ex hoc
verbo : et verbum erat apud Deum. Hic enim Evangelista alium declarat esse
filium, alium Deum, scilicet patrem. Lectio 3 [85976] Catena in Io., cap. 1 l. 3 Hilarius de
Trin. Dices : verbum sonus vocis est, enuntiatio negotiorum, et elocutio
cogitationum : hoc verbum in principio apud Deum erat, quia sermo
cogitationis aeternus est, cum qui cogitat sit aeternus. Sed quomodo in
principio erat quod neque ante tempus, neque post tempus est? Et nescio an
ipsum possit esse in tempore. Loquentium enim sermo neque est antequam
loquantur, et cum locuti erunt, non erit : in eo enim ipso quod loquuntur,
dum finiunt, iam non erit id unde coeperunt. Sed si primam sententiam rudis
auditor admiseras, in principio erat verbum, de sequenti quid quaeris : et
verbum erat apud Deum? Numquid audieras de Deo, ut sermonem reconditae
cogitationis acciperes; aut fefellerat Ioannem quid esset momenti inter
inesse et adesse? Id enim quod in principio erat, non in
altero esse, sed cum altero praedicatur. Statum igitur
verbi et nomen expecta; dicit namque et Deus erat verbum. Cessat sonus vocis
et cogitationis eloquium. Verbum hic res est, non sonus; natura, non sermo;
Deus, non inanitas est. Hilarius de Trin. Simplex autem nuncupatio est,
et caret offendiculo adiectionis alienae. Ad Moysen dictum est : dedi te Deum
Pharaoni : sed numquid non adiecta nominis causa est, cum dicitur Pharaoni?
Moyses enim Pharaoni Deus datus est, dum timetur, dum oratur, dum punit, dum
medetur. Et aliud est Deum dari, et aliud Deum esse. Memini quoque et
alterius nuncupationis, ubi dicitur : ego dixi : dii estis; sed in eo indulti
nominis significatio est; et ubi refertur ego dixi, loquentis potius sermo
est, quam rei nomen. Cum autem audio et Deus erat verbum, non dictum solum
audio verbum, sed demonstratum esse intelligo quod Deus est. Basilius. Sic
igitur excludens accusationem blasphemantium et quaerentium quid est verbum,
respondet et Deus erat verbum. Theophylactus. Vel aliter continua.
Postquam verbum erat apud Deum, manifestum est quod duae personae erant,
quamvis una natura in duabus existat; unde dicitur et Deus erat verbum; ita
ut una natura sit patri et filio, cum sit una deitas. Origenes. Adiciendum
etiam, quod verbum in eo quod fit ad prophetas, illustrat prophetas
sapientiae lumine : apud Deum vero est verbum obtinens ab eo quod sit Deus;
unde praelocavit hoc quod est verbum erat apud Deum, ei quod est Deus erat
verbum. Chrysostomus in Ioannem. Et non ut Plato, hoc quidem
intellectum quemdam, hoc vero animam mundi esse dicens : haec enim procul
sunt a divina natura. Sed dicunt : pater cum articuli adiectione dictus est
Deus, filius autem sine hac. Quid ergo, cum apostolus dicat : magni Dei et
salvatoris nostri Iesu Christi; et rursus : qui est super omnia Deus; sed et
Romanis scribens dicit : gratia vobis, et pax a Deo patre nostro sine
adiectione articuli. Sed et superfluum erat hic apponere superius continue
adiectum. Non igitur etsi non est adiectus filio articulus, propter hoc
filius minor est Deus. Lectio 4 [85977] Catena in Io., cap. 1 l. 4 Hilarius de
Trin. Quia dixerat Deus erat verbum, trepido in dicto, et me insolens
sermo commovet, cum unum Deum prophetae nuntiaverunt. Sed ne quo ultra
trepidatio mea progredi possit, reddit sacramenti tanti piscator
dispensationem, et refert ad unum omnia, sine contumelia, sine abolitione,
sine tempore, dicens hoc erat in principio apud Deum : apud unum ingenitum
Deum, ex quo ipse unius unigenitus Deus est, praedicatur. Theophylactus. Et
rursus ne suspicio diabolica aliquos conturbaret, ne forte cum verbum Deus
sit, insurrexerit contra patrem, ut aliqui fabulantur gentilium, et separatus
a patre fuerit ipsi patri contrarius, dicit hoc erat in principio apud Deum;
quasi dicat : hoc Dei verbum nunquam a Deo extitit separatum.
Chrysostomus in Ioannem. Vel ne audiens in principio erat verbum,
aeviternum quidem aestimes, seniorem vero spatio aliquo patris vitam
suscipias, induxit hoc erat in principio apud Deum : non enim fuit unquam
solitarius ab illo; sed semper Deus apud Deum erat. Vel quia dixerat Deus
erat verbum, ut non aestimet quis minorem esse deitatem filii, confestim
cognoscitiva propriae deitatis ponit, et aeternitatem assumens, cum dicit hoc
erat in principio apud Deum; et quod factum est adiciens omnia per ipsum
facta sunt. Origenes. Vel aliter. Postquam praemiserat tres
propositiones Evangelista, resumit tria in unum, dicens hoc erat in principio
apud Deum. In primo enim trium didicimus in quo erat verbum, quia in
principio erat; in secundo apud quem, quia apud Deum; in tertio quid erat
verbum, quia Deus. Velut ergo demonstrans verbum praedictum, Deum, per
hoc quod dicit hoc, et colligens in propositionem quartam hoc quod est in
principio erat verbum, et verbum erat apud Deum, et Deus erat verbum, ait hoc
erat in principio apud Deum. Quaerat autem aliquis, cur non est dictum : in
principio erat verbum Dei, et verbum Dei erat apud Deum, et Deus erat verbum
Dei. Quisquis autem unicam veritatem fatebitur esse; palam est quoniam et
demonstratio eius, quae est sapientia, una est. Sed si veritas una, et
sapientia una, verbum quoque quod veritatem enuntiat, et sapientiam expandit
in his qui susceptibiles sunt, unum siquidem erit. Nec hoc dicimus
inficiantes verbum Dei fore, sed ostendentes utilitatem omissionis huius
vocabuli Dei. Ipse quoque Ioannes in Apocalypsi dicit : et nomen eius verbum
Dei. Alcuinus. Qualiter autem ponit substantivum verbum erat? Ut
intelligeres omnia tempora praevenisse coaeternum Deo patri verbum. Lectio 5 [85978] Catena in Io., cap. 1 l. 5 Alcuinus.
Postquam dixit de natura filii, de operatione eius subiungit, dicens omnia
per ipsum facta sunt; idest, quidquid est, sive in substantia, sive in aliqua
proprietate. Hilarius de Trin. Vel aliter. Erat quidem verbum
in principio, sed potuit non esse ante principium. Sed quid ille? Omnia per
ipsum facta sunt. Infinitum est per quod fit omne quod factum est; et cum ab
eo sint omnia, et tempus ab eo est. Chrysostomus in Ioannem. Moyses
quidem incipiens Scripturam veteris testamenti, de sensibilibus nobis
loquitur, et haec enumerat per multa : in principio enim fecit Deus caelum et
terram. Deinde inducit, quoniam et lux facta est, et firmamentum et stellarum
naturae, et genera animalium. Evangelista vero haec omnia excedens uno verbo
comprehendit, ut cognita auditoribus, ad altiorem festinans materiam, totum
hunc librum instituens non de operibus, sed de conditore. Augustinus
super Genesim. Cum enim dicitur omnia per ipsum facta sunt, satis
ostenditur et lux per ipsum facta, cum dixit Deus : fiat lux; et similiter de
aliis. Quod si ita est, aeternum est, quod ait Deus : fiat lux, quia verbum
Dei, Deus apud Deum, patri coaeternus est, quamvis creatura temporalis facta
sit. Cum enim verba sint temporis, cum dicimus : quando et aliquando;
aeternum tamen est in verbo Dei, quando aliquid fieri debeat; et tunc fit
quando fieri debuisse in illo verbo est, in quo non est quando et aliquando :
quoniam totum illud verbum aeternum est. Augustinus super Ioannem. Quomodo
ergo potest fieri ut verbum Dei factum sit, quando Deus per verbum fecit
omnia? Si et verbum ipsum factum est, per quod aliud verbum factum est? Si
hoc dicis, quia est verbum verbi, per quod factum est illud; ipsum dico ego
unigenitum filium Dei. Si autem non dicis verbum Dei, concede non factum
verbum per quod facta sunt omnia. Augustinus de Trin. Et si factum non
est, creatura non est; si autem creatura non est, eiusdem cum patre
substantiae est, omnis enim substantia quae Deus non est, creatura est : et
quae creatura non est, Deus est. Theophylactus. Solent autem Ariani
dicere, quod sicut per serram ostium fieri dicimus, quasi per organum, sic et
per filium omnia facta fuisse dicuntur, non quod ipse sit factor, sed
organum; et sic facturam aiunt filium, tamquam factum ad hoc ut per eum omnia
fierent. Nos autem ad huiusmodi fictores mendacii simpliciter respondemus. Si
enim, ut dicitis, pater creasset ad hoc filium ut eo tamquam organo uteretur,
videretur quod inhonorabilior sit filius quam quae facta sunt; sicut ea quae
per serram sunt facta, ipso organo nobiliora existunt; nam serra propter ipsa
facta est. Sic et propter ipsa quae facta sunt, ut aiunt, pater creavit filium;
tamquam si non deberet Deus cuncta creare, nequaquam filium produxisset. Quid
his verbis insanius? Sed aiunt : quare non dixit quod omnia verbum fecit; sed
usus est hac praepositione per? Ne filium ingenitum intelligeres, et sine
principio, et Dei conditorem. Chrysostomus in Ioannem. Sed si
praepositio per conturbat te, et quaeris in Scriptura quod ipsum verbum omnia
faceret, audi David : initio tu, domine, terram fundasti, et opera manuum
tuarum sunt caeli. Quod autem hoc de unigenito dixerit,
addisces ab apostolo utente hoc verbo in epistola ad Hebraeos de filio. Si vero de
patre hoc prophetam dixisse dicis, Paulum vero filio adaptasse; idem fit
rursus. Neque enim id filio convenire dixisset, nisi vehementer consideraret
quoniam quae sunt dignitatis, cohonorabilia sunt utrique. Si rursus per
praepositio aliquam subiectionem tibi videtur inducere, cur Paulus eam de
patre ponit? Fidelis dominus, per quem vocati sumus
in societatem filii eius. Et iterum : Paulus apostolus per voluntatem Dei.
Origenes. Erravit etiam in hoc Valentinus, dicens verbum esse quod
mundanae creationis praestitit causam creatori. Sed si sic se habet veritas
rerum, prout ipse intelligit, oportebat scriptum fore per creatorem universa
consistere a verbo, non autem e contra per verbum a creatore. Lectio 6 [85979] Catena in Io., cap. 1 l. 6 Chrysostomus
in Ioannem. Ut non aestimes, dum dicit omnia per ipsum facta sunt, illa omnia
solum dicere eum quae a Moyse dicta sunt, convenienter inducit et sine ipso
factum est nihil, sive visibile quid, sive intelligibile. Vel aliter. Ne hoc
quod dixit omnia per ipsum facta sunt, de signis suspiceris nunc dici, de
quibus reliqui Evangelistae locuti sunt, inducit et sine ipso factum est
nihil. Hilarius de Trin. Vel aliter. Hoc quod dicitur, omnia per ipsum
facta sunt, non habet modum : est ingenitus qui factus a nemine est, est et
ipse genitus ab innato. Reddidit auctorem cum socium professus est, dicens
sine ipso factum est nihil; cum enim nihil sine eo, intelligo non esse solum
: quia alius est per quem, alius sine quo non. Origenes. Vel aliter.
Ne existimares ea quae per verbum facta sunt, per se existentia, non contenta
a verbo, ait et sine ipso factum est nihil; hoc est, nihil factum est extra
ipsum; quia ipse ambit omnia, conservans ea. Augustinus de quaest. Nov.
et Vet. Testam. Vel dicens sine ipso factum est nihil, nullo modo ipsum
facturam esse suspicari debere edocuit. Quomodo enim potest dici : ipse est
factura, cum nihil dicatur Deus sine ipso fecisse? Origenes super
Ioannem. Vel aliter. Si omnia per verbum facta sunt : de numero vero
omnium est malitia, et totus fluxus peccati; et haec per verbum facta sunt;
et hoc est falsum. Quantum igitur ad significata, nihil et non ens, unum
sunt. Videtur autem apostolus non entia prava dicere : vocat Deus ea quae non
sunt tamquam ea quae sunt. Totaque pravitas nihil dicitur, dum absque verbo
facta est. Augustinus in Ioannem. Peccatum enim non per ipsum factum
est : et manifestum est quia peccatum nihil est, et nihil fiunt homines cum
peccant. Et idolum non per verbum factum est : habet quidem formam quamdam
humanam, et ipse homo per verbum factus est; sed forma hominis in idolo non
per verbum facta est : scriptum est enim : scimus quod nihil est idolum. Ergo
ista non sunt facta per verbum; sed quaecumque facta sunt naturaliter,
universa natura rerum, omnis omnino creatura ab Angelo usque ad vermiculum.
Origenes. Valentinus autem exclusit ab omnibus per verbum factis quae sunt
in saeculis facta, quae credit ante verbum extitisse, praeter evidentiam
loquens; siquidem quae putantur ab eo divina, removentur ab omnibus, quae
autem, velut ipse putat, penitus destruuntur, vere dicuntur omnia. Quidam
enim falso dicunt Diabolum non esse creaturam Dei : inquantum enim Diabolus
est, creatura Dei non est : is autem cui accidit esse Diabolum, divina est
creatura; ac si diceremus, homicidam creaturam Dei non esse, qui tamen in eo
quod homo est, creatura Dei est. Augustinus de natura boni. Non autem
sunt audienda deliramenta hominum, qui nihil hoc loco aliquid intelligendum
esse putant, quia ipsum nihil in fine sententiae positum est; nec intelligunt
nihil interesse utrum dicatur : sine ipso nihil factum est, an sine ipso
factum est nihil. Origenes. Si accipiatur verbum pro eo quod in
quolibet hominum est, quia et ipsum insitum est cuilibet ab eo quod in
principio erat verbum, etiam sine hoc verbo nihil committimus, simpliciter
accipiendo quod dicitur nihil. Ait enim apostolus quod sine lege peccatum
mortuum erat; adveniente vero mandato peccatum revixit : non enim reputatur
peccatum, lege non existente; sed nec peccatum erat, non existente verbo :
quia dominus dicit : si non venissem et essem illis locutus, peccatum non
haberent. Quaelibet enim excusatio deficit volenti dare responsum de crimine,
dum verbo praesente ac iudicante quid est agendum, non obedit quis illi. Nec
propter hoc inculpandum est verbum, sicut nec magister, per cuius disciplinam
non remanet locus excusationis discipulo delinquenti velut de ignorantia. Omnia
ergo per verbum facta sunt, non solum naturalia, sed etiam quae ab
irrationabilibus fiunt. Lectio 7 [85980] Catena in Io., cap. 1 l. 7 Beda
in Ioannem. Quia Evangelista dixit omnem creaturam factam esse per verbum,
ne quis forte crederet mutabilem eius voluntatem, quasi qui subito vellet
facere creaturam quam ab aeterno nunquam ante fecisset, ideo docere curavit,
factam quidem creaturam in tempore; sed in aeterna creatoris sapientia,
quando et quos crearet semper fuisse dispositum; unde dicit quod factum est
in ipso, vita erat. Augustinus in Ioannem. Potest autem sic punctari :
quod factum est in ipso; et postea dicatur vita erat. Ergo totum vita est, si
sic pronuntiaverimus : quid enim non in illo factum est? Ipse est enim
sapientia Dei, et dicitur in Psalmo 103, 24 : omnia in sapientia fecisti.
Omnia igitur sicut per illum, ita et in illo facta sunt. Si ergo quod
in illo factum est, vita est, ergo et terra vita est, et lapis vita est.
Inhonestum est sic intelligere, ne nobis subrepat secta Manichaeorum, et
dicat quia habet vitam lapis, et habet vitam paries : solent enim ista
delirantes dicere; et cum reprehensi fuerint ac repulsi, quasi de Scripturis
proferunt dicentes : ut quid dictum est : quod factum est in ipso, vita erat?
Pronuntia ergo sic quod factum est : hic subdistingue; et deinde infer in ipso
vita erat. Facta est enim terra; sed ipsa terra quae facta est non est vita.
Est autem in ipsa Dei sapientia spiritualiter ratio quaedam qua terra facta
est; haec vita est. Sicut arca in omni opere non est vita; arca in arte vita
est, quia vivit anima artificis. Sic ergo quia sapientia Dei, per quam facta
sunt omnia, secundum artem continet omnia quae fiunt per ipsam artem, non
haec continuo sunt vita; sed quidquid factum est, vita est in illo. Origenes. Potest
autem et sic distingui sine errore : quod factum est in ipso, et postea
dicatur vita erat; ut sit sensus : omnia quae per ipsum et in ipso facta
sunt, in ipso vita sunt, et unum sunt. Erant enim,
hoc est in ipso subsistunt causaliter, priusquam sint in seipsis effective. Sed si
quaeris, quomodo et qua ratione omnia quae per verbum facta sunt, in ipso
vitaliter et uniformiter et causaliter subsistunt, accipe exempla ex
creaturarum natura. Conspice quomodo omnium rerum quas mundi huius sensibilis
globositas comprehendit, causae simul et uniformiter in isto sole, qui est
maximum mundi luminare, subsistunt; quomodo numerositas herbarum et fructuum
in singulis seminibus simul continetur; quomodo multiplices regulae in arte
artificis unum sunt, et in animo disponentis vivunt; quomodo infinitus
linearum numerus in uno puncto unum subsistit; et huiusmodi varia perspice
exempla, ex quibus velut physicae theoriae pennis poteris arcana verbi mentis
acie inspicere, et quantum datur humanis rationibus, videre quomodo omnia
quae per verbum sunt facta, in ipso vivunt et facta sunt. Hilarius de
Trin. Vel aliter potest legi : in eo quod dixerat sine ipso factum est
nihil, posset aliquis perturbatus dicere : est ergo aliquid per alterum
factum, quod tamen non sit sine eo factum; et si aliquid per alterum, licet
non sine eo, iam non per eum omnia; quia aliud est fecisse, aliud est
intervenisse facienti. Enarrat ergo Evangelista quid non sine
eo factum sit, dicens quod factum est in eo. Hoc igitur non sine eo quod in
eo factum est : nam id quod in eo factum est, etiam per eum factum est :
omnia enim per ipsum et in ipso creata sunt. In ipso autem
creata, quia nascebatur creator Deus; sed ex hoc sine eo nihil factum est,
quod tamen in eo factum est, quia nascens Deus vita erat, et qui vita erat,
non posteaquam natus erat, factus est vita. Nihil ergo sine eo fiebat ex his
quae in eo fiebant, quia vita est in quo fiebant; et Deus qui ab eo natus
est, non posteaquam natus est, sed nascendo quoque extitit. Chrysostomus
in Ioannem. Vel aliter. Non apponemus finale punctum, ubi dicitur sine
ipso factum est nihil, secundum haereticos. Illi enim volentes spiritum
sanctum creatum dicere, aiunt quod factum est in ipso, vita erat. Sed ita non
potest intelligi. Primum quidem neque tempus erat hic spiritus sancti
meminisse; sed si de sancto spiritu hoc dictum est, age, secundum eorum
interim legamus modum : ita enim nobis hoc inconveniens erit; cum enim
dicitur quod factum est in ipso, vita erat, spiritum sanctum dicunt dictum
esse vitam; sed vita haec et lux invenitur esse; inducit enim vita erat lux
hominum. Quocirca, secundum eos, lucem omnium hunc spiritum dicit. Quod autem
superius verbum dicit, hic consequenter et Deum et vitam et lucem nominat.
Verbum autem caro factum est : erit igitur spiritus sanctus incarnatus, non
filius. Ideo dimittentes hunc modum legendi, ad decentem veniamus lectionem
et expositionem; hoc autem est cum dicitur omnia per ipsum facta sunt, et
sine ipso factum est nihil quod factum est; ibi quiescere fac sermonem;
deinde ab ea quae deinceps est dictione incipe, quae dicit in ipso vita erat;
ac si dicat sine eo factum est nihil quod factum est, idest factibilium.
Vides qualiter hac brevi adiectione omnia correxit supervenientia
inconvenientia. Inducens enim sine eo factum est nihil, et adiciens quod
factum est, et intelligibilia comprehendit, et spiritum sanctum excepit :
spiritus enim sanctus factibilis non est. Haec igitur quae dicta sunt, de
conditione rerum dixit Ioannes. Inducit autem et eum qui est de providentia
sermonem, dicens in ipso vita erat. Quemadmodum in fonte qui generat abyssos,
et in nullo minoratur fons; ita et in operatione unigeniti quaecumque credas
per eum facta esse, non minor ipse factus est. Nomen autem vitae hic non
solum conditionis est, sed et providentiae rerum, quae est secundum permanentiam
earum. Cum autem audis quoniam in ipso vita erat, ne compositum aestimes :
sicut enim pater habet vitam in seipso, ita dedit et filio vitam habere. Ergo
sicut patrem non utique dices compositum esse, ita nec filium. Origenes
in Ioannem. Vel aliter. Oportet scire, quod salvator quaedam dicit non
sibi esse, sed aliis; quaedam vero et sibi et aliis. In hoc ergo quod dicitur
quod factum est in verbo, vita erat, scrutandum est an sibi et aliis vita
est, vel aliis tantum; et si aliis, quibus aliis. Idem autem est vita et lux;
lux autem hominum est : fit itaque hominum vita, quorum est lux; et sic in eo
quod dicitur vita, salvator dicitur non sibi, sed aliis. Haec quidem vita
verbo praeexistenti aderit, ex eo quod expiata a peccatis anima sit serena,
et vita inseratur ei qui verbi Dei se susceptibilem statuit. Unde verbum
quidem in principio non dixit factum : non enim erat quando principium verbo
careret. Vita autem hominum non semper erat in verbo; sed haec vita hominum
facta est, eo quod vita est lux hominum : cum enim homo non erat, nec lux
hominum erat, luce secundum habitudinem ad homines intellecta; et ideo dicit
quod factum est in verbo, vita erat; non autem : quod erat in verbo, vita
erat. Invenitur autem alia littera non incongrue habens : quod factum est in
eo, vita est. Si autem intelligamus vitam hominum quae in verbo fit, eum esse
qui dixit : ego sum vita, fatebimur neminem infidelium Christi vivere, sed
cunctos esse mortuos qui non vivunt in Deo. Lectio 8 [85981] Catena in Io., cap. 1 l. 8 Theophylactus.
Dixerat
in ipso vita erat, ne putares quod absque vita sit verbum; nunc ostendit quod
vita sit spiritalis, et lux rationalibus cunctis; unde dicitur et vita erat
lux hominum; quasi dicat : lux ista non est sensibilis, sed intellectualis,
illuminans ipsam animam. Augustinus super Ioannem. Ex ipsa enim vita
illuminantur homines, pecora non illuminantur, quia non habent rationales
mentes, quae possint videre sapientiam; homo autem factus ad imaginem Dei,
habet rationalem mentem, per quam possit percipere sapientiam. Ergo illa vita
per quam facta sunt omnia, lux est, et non quorumcumque animalium, sed
hominum. Theophylactus. Non autem dixit : lux est solum Iudaeis, sed
omnium hominum; omnes enim homines, inquantum intellectum et rationem
recepimus ab eo quod nos condidit verbo, intantum ab eo illuminari dicimur :
nam ratio nobis tradita, per quam rationales dicimur, lux est ad operanda nos
dirigens et non operanda. Origenes in Ioannem. Non est autem
praetermittendum quod vitam praemittit luci hominum : inconsequens enim erat
illuminari non viventem, et advenire illuminationi vitam. Si autem idem est
vita erat lux hominum, quod solum hominum, erit Christus lux atque vita
solorum hominum. Hoc autem opinari haereticum est. Non igitur quidquid
dicitur aliquorum, illorum solum est : scriptum est enim de Deo, quod sit
Deus Abraham, Isaac et Iacob; non tamen istorum tantum patrum dictus est
Deus. Non ergo ex eo quod dicitur lux hominum, excluditur quin sit aliorum.
Alius vero contendit ex eo quod scriptum est : faciamus hominem ad imaginem
nostram : quod quidquid ad imaginem ac similitudinem Dei factum est,
intelligi debet per hominem. Sic igitur lux hominum lux cuiuslibet rationalis
creaturae est. Lectio 9 [85982] Catena in Io., cap. 1 l. 9 Augustinus
in Ioannem. Quia vita illa est lux hominum, sed stulta corda capere istam lucem
non possunt, quia peccatis suis aggravantur, ut eam videre non possint; ne
ideo cogitent quasi absentem esse lucem, quia eam videre non possunt,
sequitur et lux in tenebris lucet, et tenebrae eam non comprehenderunt.
Quomodo enim homo positus in sole caecus, praesens est illi sol, sed ipse
soli absens est; sic omnis stultus caecus est, et praesens est illi
sapientia. Sed cum caeco praesens est, oculis eius absens est : non quia illa
ipsi absens est, sed quia ipse absens est ab illa. Origenes in
Ioannem. Tenebrae autem huiusmodi hominum non natura sunt, secundum illud
Pauli : eramus aliquando tenebrae, nunc autem lux in domino. Origenes.
Vel aliter. Lux in tenebris fidelium animarum lucet, a fide inchoans, ad
spem trahens. Imperitorum vero cordium perfidia et ignorantia
lucem verbi Dei in carne fulgentis non comprehenderunt. Sed iste sensus
moralis est. Physica vero horum verborum theoria talis est. Humana natura,
etsi non peccaret, suis propriis viribus non lucere posset : non enim
naturaliter lux est, sed particeps lucis : capax siquidem sapientiae est, non
ipsa sapientia. Sicut ergo aer per semetipsum non lucet, sed tenebrarum
vocabulo nuncupatur; ita nostra natura dum per seipsam consideratur, quaedam
tenebrosa substantia est, capax ac particeps lucis sapientiae : et sicut aer
dum solares radios participat, non dicitur per se lucere, sed solis splendor
in eo apparere; ita rationabilis nostrae naturae pars, dum praesentiam verbi
Dei possidet, non per se res intelligibiles et Deum suum, sed per insitum
sibi divinum lumen cognoscit. Lux itaque in tenebris lucet : quia Dei verbum
vita et lux hominum in nostra natura, quae per se investigata et considerata,
informis quaedam tenebrositas invenitur, lucere non desinit : et quoniam ipsa
lux omni creaturae est incomprehensibilis, tenebrae eam non comprehenderunt. Chrysostomus
in Ioannem. Vel aliter totum ab illo loco et vita erat lux hominum. Primum
nos de conditione docuerat; deinde dicit et quae secundum animam bona
praebuit nobis veniens verbum; unde dicit et vita erat lux hominum. Non dicit
: lux Iudaeorum; sed universaliter hominum : non enim Iudaei solum, sed et
gentes ad hanc venerunt cognitionem. Non autem adiecit : et Angelorum;
quoniam ei de natura humana sermo est, quibus verbum venit evangelizans bona.
Origenes. Quaerunt autem quare non verbum lux hominum dictum est, sed vita
quae in verbo fit; quibus respondemus : quia vita quae ad praesens, non ea
quae communis est rationalium et irrationalium dicitur, sed quae adiungitur
verbo quod in nobis fit per participationem verbi primarii, ad discernendum
apparentem vitam et non veram, et cupiendam veram vitam. Prius ergo
participamus vitam quae apud quosdam quidem est potentia, non actu lux; qui
scilicet non sunt avidi perquirere quae ad scientiam pertinent; apud quosdam
vero et actu lux efficitur, qui, secundum apostolum, aemulantur dona meliora,
scilicet verbum sapientiae. Si tamen et tunc idem est vita et lux hominum,
nullus manens in tenebris perfecte vivere comprobatur, nec quisquam viventium
consistit in tenebris. Chrysostomus in Ioannem. Vita enim adveniente
nobis, solutum est mortis imperium; et luce lucente nobis, non ultra sunt
tenebrae; sed semper manet vita quam mors superare non potest, nec tenebrae
lucem; unde sequitur et lux in tenebris lucet. Tenebras mortem et errorem
dicit : nam lux quidem sensibilis non in tenebris lucet, sed sine illis;
praedicatio vero Christi in medio erroris regnantis fulsit; et eum disparere
fecit, et in vitam mortem fecit mortuus Christus, ita eam superans ut eos qui
detinebantur reduceret. Quia igitur neque mors eam superavit, neque error;
sed fulgida est eius praedicatio ubique, et lucet cum propria fortitudine;
propterea subdit et tenebrae eam non comprehenderunt. Origenes. Est
etiam sciendum, quod sicut lux hominum nomen est duarum spiritualium rerum,
sic et tenebrae : dicimus enim hominem lucem possidentem, opera lucis
perficere, et etiam cognoscere quasi illustratum lumine scientiae; et e
contrario tenebras dicimus illicitos actus, et eam quae videtur scientia, non
est autem. Sicut autem pater lux est, et in eo tenebrae non sunt ullae, sic
et salvator. Sed quia similitudinem carnis peccati subiit, non incongrue de
eo dicitur, quod tenebrae in eo sunt aliquae, ipso in se suscipiente nostras
tenebras ut eas dissiparet. Haec igitur lux, quae facta est vita hominum,
radiat in tenebris animarum nostrarum, et venit ubi princeps tenebrarum harum
cum genere bellat humano. Hanc lucem persecutae sunt tenebrae : quod patet ex
his quae salvator et eius filii sustinent, pugnantibus tenebris contra filios
lucis. Verum quia Deus patrocinatur, non invalescunt; unde non apprehendunt
lucem, vel quia celeritatem cursus lucis subsequi non valent propter propriam
tarditatem, vel quia si supervenientem expectant, fugantur luce
appropinquante. Oportet autem id considerare, quod non semper tenebrae in
sinistra parte sumuntur, sed quandoque in bona, posuit tenebras latibulum
suum, dum ea quae sunt erga Deum, ignota et imperceptibilia sunt. De hac ergo
laudata caligine dicam, quoniam versus lucem pergit, illamque apprehendit :
quia quod erat caligo, dum ignorabatur, in lucem cognitam vertitur ei qui
didicit. Augustinus de Civ. Dei. Hoc autem initium sancti Evangelii
quidam Platonicus aureis litteris perscribendum, et per omnes Ecclesias in
locis eminentissimis proponendum esse dicebat. Beda in
Ioannem. Nam alii Evangelistae Christum in tempore natum describunt,
Ioannes vero eumdem in principio testatur fuisse, dicens in principio erat
verbum. Alii inter homines eum subito apparuisse commemorant; ille ipsum apud
Deum semper fuisse testatur, dicens et verbum erat apud Deum. Alii eum verum
hominem, ille verum confirmat Deum, dicens et Deus erat verbum. Alii hominem
apud homines eum temporaliter conversatum; ille Deum apud Deum in principio
manentem ostendit, dicens hoc erat in principio apud Deum. Alii magnalia quae
in homine gessit perhibent; ille quod omnem creaturam per ipsum Deus pater
fecerit, docet, dicens omnia per ipsum facta sunt, et sine ipso factum est
nihil. Lectio 10 [85983] Catena in Io., cap. 1 l. 10 Augustinus
in Ioannem. Ea quae dicta sunt superius, de divinitate Christi dicta sunt, qui sic
venit ad nos secundum quod apparuit homo. Quia igitur sic erat homo ut
lateret in illo Deus, missus est ante illum magnus homo, per cuius
testimonium inveniretur plusquam homo. Et quis est hic? Fuit homo.
Theophylactus. Non Angelus, ut suspicionem multorum destrueret.
Augustinus. Et quomodo posset iste verum de Deo dicere, nisi missus a Deo?
Chrysostomus in Ioannem. Nihil de reliquo humanum esse aestimo eorum quae
dicuntur ab illo : non enim quae eius sunt, sed quae mittentis omnia loquitur
: ideo et Angelus nuncupatus est a propheta dicente : ego mitto Angelum meum.
Angeli enim virtus est nihil proprium dicere. Hoc autem quod dicit fuit
missus, non eius qui ad esse processus ostensivum est. Sicut autem Isaias
missus fuit non aliunde quam a mundo, sed a statu quo vidit dominum sedentem
super solium excelsum et elevatum, ad plebem; sic et Ioannes a deserto ad
baptizandum mittitur; ait enim : qui misit me baptizare, ille mihi dixit :
super quem videris spiritum descendentem et manentem super eum, hic est qui
baptizat in spiritu sancto. Augustinus. Quid vocabatur? Cui nomen erat
Ioannes. Alcuinus. Idest gratia Dei, vel in quo est gratia, qui
gratiam novi testamenti, idest Christum, suo testimonio primum mundo
innotuit. Vel Ioannes interpretatur cui donatum est, quia per gratiam Dei
donatum est illi regem regum non solum praecurrere, sed etiam baptizare.
Augustinus in Ioannem. Quare venit? Hic venit in testimonium, ut
testimonium perhiberet de lumine. Origenes in Ioannem. Quidam
improbare nituntur edita de Christo testimonia prophetarum, dicentes non
egere testibus Dei filium habentem credulitatis sufficientiam tum in his quae
protulit salubribus verbis, tum in mirabilibus operibus suis. Siquidem et
Moyses credi meruit per verbum et virtutes, non egens praeviis testibus. Ad
hoc dicendum est, quod multis existentibus causis inducentibus ad credendum,
plerumque quidam ex hac demonstratione non admirantur, ex alia vero habent
causam ut credant. Deus autem est qui pro cunctis hominibus homo factus est.
Constat igitur quosdam ex dictis propheticis ad Christi admirationem coactos,
mirantes tot prophetarum ante eius adventum voces, constituentes nativitatis
eius locum, et alia huiusmodi. Illud quoque advertendum, quod prodigiosae
virtutes ad credendum provocare poterant eos qui tempore Christi erant, non
autem post longa tempora : nam fabulosa quaedam aestimata fuerunt : plus enim
peractis virtutibus facit ad credulitatem quae cum virtutibus quaeritur
prophetia. Est autem et tale quid dicere, quod quidam in hoc quod testimonium
perhibent Deo, honorati sunt. Privare vult ergo chorum prophetarum ingenti
gratia qui dicit, illos non oportere de Christo testimonium exhibere. Accessit
autem his Ioannes, ut testimonium de luce perhibeat.
Chrysostomus in Ioannem. Non ea indigente testimonio, sed propter quid, ipse
Ioannes docet, dicens ut omnes crederent per illum. Sicut enim carnem induit,
ne omnes perderet; ita et praeconem hominem misit, ut cognatam audientes
vocem, facilius advenirent. Beda. Non
autem ait : ut omnes crederent in illum : maledictus enim homo qui confidit
in homine; sed ut omnes crederent per illum; hoc est, per illius testimonium
crederent in lucem. Theophylactus. Si vero aliqui non crediderint,
excusabilis permanet ipse : nam sicut si aliquis includens se in domo
caliginis, et ipsum solis radius non illustret, ipse causam tribuit, et non
sol; sic Ioannes, ut omnes crederent, missus fuit; sed si minime consecutum
est, ipse huius rei causa non extitit. Chrysostomus. Quia vero multum
apud nos maior qui testatur, eo cui testimonium perhibet, et dignior fide
esse videtur; ne quis et de Ioanne hoc suspicetur, hanc suspicionem destruit,
dicens non erat ille lux; sed ut testimonium perhiberet de lumine. Si vero
non huic instans opinioni hoc resumpsit ut testimonium perhiberet de lumine,
superfluum esset quod dicitur, et magis iteratio sermonis quam explanatio doctrinae.
Theophylactus. Sed dicet aliquis : ergo neque Ioannem, neque sanctorum
quempiam lucem esse vel fuisse dicemus. Sed si sanctorum aliquem lucem
velimus dicere, ponemus lucem absque articulo; ut si interrogatus fueris
utrum Ioannes est lux sine articulo, secure concedas; si vero cum articulo,
non concedas. Non enim est ipsa lux principalior; sed lux dicitur quia
secundum participationem lucem habeat a vero lumine. Lectio 11 [85984] Catena in Io., cap. 1 l. 11 Augustinus
in Ioannem. De quo lumine Ioannes testimonium perhibeat, ostendit dicens erat lux
vera. Chrysostomus in Ioannem. Vel aliter. Quia superius de Ioanne
dixerat, quod venit et missus est ut testetur de luce, ne quis hoc audiens
propter testantis recentem praesentiam, de eo cui testimonium perhibetur,
talem quamdam suspicionem accipiat, reduxit mentem, et ad eam quae supra omne
principium est, transmisit existentiam, dicens erat lux vera. Augustinus.
Quare additum est vera? Quia et homo illuminatus dicitur lux; sed vera lux
illa est quae illuminat; nam et oculi nostri dicuntur lumina, et tamen nisi
aut per noctem lucerna accendatur, aut per diem sol exeat, lumina illa sine
causa patent; unde subdit quae illuminat omnem hominem. Si omnem hominem,
ergo et ipsum Ioannem. Ipse ergo illuminabat, a quo se demonstrari volebat.
Quomodo enim plerumque fit ut in aliquo corpore radiato cognoscatur ortus
esse sol quem oculis videre non possumus; quia etiam qui saucios habet
oculos, idonei sunt videre parietem illuminatum, aut aliquid huiusmodi; sic
omnes ad quos venerat Christus, minus erant idonei eum videre. Radiavit
Ioannem, et per illum confitentem se illuminatum cognitus est ille qui
illuminat. Dicit autem venientem in hunc mundum, nam si illinc non recederet,
non esset illuminandus; sed ideo hic illuminandus, quia illinc recessit ubi
homo poterat esse illuminatus. Theophylactus. Erubescat Manichaeus,
qui conditoris maligni et tenebrosi nos asserit creaturas : non enim
illuminaremur, si veri luminis creaturae non essemus. Chrysostomus in
Ioannem. Ubi sunt etiam qui non dicunt eum verum Deum? Hic enim lux vera
dicitur. Sed si illuminat omnem hominem venientem in hunc mundum, qualiter
tot sine lumine permanserunt? Non enim omnes cognoverunt Christi culturam.
Illuminat igitur omnem hominem quantum ad eum pertinet; si autem quidam
mentis oculos claudentes noluerunt recipere lucis huius radios, non a lucis
natura obtenebratio est eis, sed a malitia eorum, qui voluntarie privant
seipsos gratiae dono : nam gratia quidem ad omnes effusa est; qui vero nolunt
dono hoc frui, sibi ipsis hanc imputent caecitatem. Augustinus Enchir. Vel
quod dicitur illuminat omnem hominem, sic intelligimus : non quia nullus est
hominum qui non illuminetur; sed quia nisi ab ipso nullus illuminatur.
Beda. Sive naturali ingenio, sive sapientia divina : sicut enim nemo a
seipso esse, sic etiam nemo a seipso sapiens esse potest. Origenes. Vel
aliter. Non de his qui de occultis seminum causis in species corporales
procedunt, debemus intelligere quod illuminat omnem hominem venientem in hunc
mundum; sed de his qui spiritualiter per regenerationem gratiae, quae datur
in Baptismate, in mundum veniunt invisibilem. Eos itaque vera lux illuminat
qui in mundum virtutum veniunt, non eos qui in mundum vitiorum ruunt.
Theophylactus. Vel aliter. Intellectus nobis traditus, ac nos dirigens,
qui et naturalis ratio nominatur, dicitur lux tradita nobis a Deo. Sed
quidam male ratione utentes, seipsos obscuraverunt. Lectio 12 [85985] Catena in Io., cap. 1 l. 12 Augustinus
in Ioannem. Lux quae illuminat omnem hominem venientem in hunc mundum, huc
venit per carnem : quia dum hic esset per divinitatem, a stultis, caecis et
iniquis videri non poterat, de quibus supra dictum est tenebrae eam non
comprehenderunt : et ideo dicitur in mundo erat. Origenes. Ut
enim qui loquitur, dum loqui cessat, vox eius esse desinit, et evanescit, sic
caelestis pater, si verbum suum loqui cessaverit, effectus verbi, hoc est
universitas verbo condita, non subsisteret. Non autem putes quia sic erat in
mundo quomodo in mundo est terra, pecora, et homines; sed quomodo artifex
regens quod fecit; unde sequitur et mundus per ipsum factus est. Non enim sic
fecit quomodo facit faber : qui enim fabricat, extrinsecus est ad illud quod
fabricat. Deus autem infusus mundo, fabricat ubique positus, et non recedit
ab aliquo : praesentia maiestatis facit quod facit, et gubernat quod facit. Sic
ergo erat in mundo, quomodo per quem factus est mundus.
Chrysostomus. Et iterum, quia in mundo erat, sed non ut mundi
contemporaneus, propter hoc induxit et mundus per ipsum factus est; per hoc
et rursus te deducens ad aeternam existentiam unigeniti; qui enim audierit
quoniam opus eius hoc totum, et si valde insensibilis fuerit, cogetur
concedere ante opera esse factorem. Theophylactus. Simul autem hic et
Manichaei subvertit rabiem, qui malignum conditorem cuncta produxisse
dicebat; necnon et Arii, qui filium Dei dicebat creaturam. Augustinus. Quid
est autem mundus per ipsum factus est? Caelum, terra, mare et omnia quae in
eis sunt, mundus dicitur. Iterum in alia significatione, dilectores mundi
mundus dicuntur; de quo sequitur et mundus eum non cognovit. Num enim caeli,
aut Angeli, aut sidera non cognoverunt creatorem, quem confitentur Daemonia,
omnia undique testimonium perhibuerunt? Sed qui non cognoverunt eum? Qui amando
mundum, dicti sunt mundus : amando enim mundum, habitamus corde in mundo :
nam qui non diligunt mundum, carne versantur in mundo, sed corde inhabitant
caelum; sicut apostolus dicit : nostra conversatio in caelis est. Amando
igitur mundum, hoc appellari meruerunt ubi habitant. Quomodo enim cum dicimus
: mala est illa domus aut bona, non parietes incusamus aut laudamus, sed
inhabitantes, sic et mundum dicimus qui inhabitant mundum amando.
Chrysostomus in Ioannem. Qui autem Dei erant amici, eum cognoverunt, etiam
ante corporalem praesentiam : unde et Christus ait quoniam Abraham pater
vester exultavit ut videret diem meum. Cum ergo nos interpellant gentiles,
dicentes : quid est quod in ultimo tempore venit nostram operaturus salutem,
tanto tempore negligens nos? Dicimus, quoniam et ante hoc in mundo erat, et
providebat operibus suis, et omnibus dignis cognitus erat : et si eum mundus
non cognovit, hi tamen quibus mundus non erat dignus, eum cognoverunt. Dicens
autem mundus eum non cognovit, breviter causam ignorantiae praebuit. Mundum
enim vocat homines qui soli mundo affixi sunt, et quae mundi sunt sapiunt. Nihil
autem ita turbat mentem, ut liquefieri amore praesentium. Lectio 13 [85986] Catena in Io., cap. 1 l. 13 Chrysostomus
in Ioannem. Dixit quod mundus eum non cognovit, de superioribus loquens
temporibus; sed de reliquo sermonem induxit ad praedicationis tempora, et ait
in propria venit. Augustinus in Ioannem. Quia
scilicet omnia per ipsum facta sunt. Theophylactus. Vel per propria
mundum intelligas, sive Iudaeam, quam pro hereditate elegerat.
Chrysostomus in Ioannem. In propria ergo venit, non gratia suae
necessitatis, sed gratia beneficii suorum. Sed unde venit
qui omnia implet, et ubique adest? Ea quidem quae ad nos condescensione hoc
operatus est : quia enim in mundo existens, non putabatur adesse, eo quod
nondum cognoscebatur, dignatus est induere carnem. Manifestationem vero hanc
et condescensionem adventum vocat. Misericors autem existens Deus omnia
facit, ut nos secundum virtutem splendeamus; et propter hoc quidem nullum
necessitate, suasione vero et beneficiis volentes ad se attrahit; et
propterea venientem eum hi quidem susceperunt, alii vero non receperunt.
Nullum enim vult invitum neque coactum habere famulatum : invitum enim trahi,
par est cum eo qui totaliter non servit; unde sequitur et sui eum non
receperunt. In Ioannem. Iudaeos nunc suos dicit, ut populum peculiarem; sed
et omnes homines ut ab ipso factos : et sicut superius pro communi
verecundatus natura dicebat, quoniam mundus per ipsum factus conditorem non
cognovit, ita et hic rursus pro Iudaeorum anxius indevotione gravius ponit
accusationem, dicens et sui eum non receperunt. Augustinus. Si
autem omnino nullus recepit, nullus ergo salvus factus est. Nemo enim salvus
fiet, nisi qui Christum receperit venientem; et ideo addit quotquot autem
receperunt eum. Chrysostomus in Ioannem. Sive sint servi sive liberi,
sive Graeci sive barbari, sive insipientes sive sapientes, sive mulieres sive
viri, sive pueri, sive senes, omnes eodem digni facti sunt honore, de quo
sequitur dedit eis potestatem filios Dei fieri. Augustinus. Magna
benevolentia. Unicus natus est, et noluit manere unus; non timuit habere
coheredes, quia hereditas eius non fit angusta, si eam multi possederint.
Chrysostomus. Non autem dixit, quoniam fecit eos filios Dei fieri; sed
dedit eis potestatem filios Dei fieri; ostendens quoniam multo opus est
studio, ut eam, quae in Baptismo adoptionis formata est, imaginem
incontaminatam semper custodiamus : simul autem ostendens quoniam potestatem
hanc nullus nobis auferre poterit, nisi nos ipsi auferamus. Si enim qui ab
hominibus dominium aliquarum rerum suscipiunt, tantum habent robur quantum
fere hi qui dederunt; multo magis nos qui a Deo potimur hoc honore. Simul
autem ostendere vult quoniam haec gratia advenit volentibus et studentibus :
etenim in potestate est liberi arbitrii et gratiae operatione filios Dei
fieri. Theophylactus. Vel quia in resurrectione
filiationem perfectissimam consequemur, secundum quod apostolus dicit :
adoptionem filiorum Dei expectantes redemptionem corporis nostri. Dedit ergo
potestatem filios Dei fieri, idest hanc gratiam in futura gratia consequendi.
Chrysostomus. Et quia in his ipsis ineffabilibus bonis, hoc quidem est
Dei, scilicet dare gratiam; illud vero hominis, idest praebere fidem,
subiungit his qui credunt in nomine eius. Quid igitur
non dicis nobis, o Ioannes, quod eorum sit supplicium qui eum non receperunt?
Quia numquid isto supplicio fiet maius quando praeiacente eis potestate
filios Dei fieri, non fiant, sed volentes seipsos tanto privant honore? Sed
etiam inextinguibilis eos suscipiet ignis, quod postea manifestius revelabit. Augustinus. Credentes
ergo quia filii Dei fiunt et fratres Christi, utique nascuntur; nam si non
nascuntur, filii quomodo esse possunt? Sed filii hominum nascuntur ex carne
et sanguine, et ex voluntate viri, et complexu coniugii. Illi autem quomodo
nascuntur subdit qui non ex sanguinibus, tamquam maris et feminae. Sanguina
vel sanguines non est Latinum; sed quia Graece positum est pluraliter, maluit
ille qui interpretabatur, sic ponere, et quasi minus Latine loqui secundum
grammaticos, et tamen explicare veritatem secundum auditum infirmorum. Ex
sanguinibus enim maris et feminae homines nascuntur. Beda. Sciendum
etiam est, quia in Scripturis sanctis sanguis, cum dicitur pluraliter,
peccatum significare solet; unde : libera me de sanguinibus. Augustinus
in Ioannem. In eo autem quod sequitur neque ex voluntate carnis, neque ex
voluntate viri, carnem pro femina posuit : quia de costa facta cum esset,
Adam dixit : hoc nunc os de ossibus meis, et caro de carne mea. Ponitur ergo
caro pro uxore quomodo aliquando spiritus pro marito : quia ille imperare
debet, ista servire. Quid enim peius est domo ubi femina habet imperium super
virum? Hi ergo neque ex voluntate carnis, neque ex voluntate viri, sed ex Deo
nati sunt. Beda. Carnalis enim singulorum generatio a complexu
coniugii duxit originem : at vero spiritualis spiritus sancti gratia
ministratur. Chrysostomus. Hoc autem narrat Evangelista, ut vilitatem
et humilitatem prioris partus, qui est per sanguinem et voluntatem carnis,
addiscentes, et altitudinem secundi, qui per gratiam et nobilitatem est,
cognoscentes, magnam quamdam hic suscipiamus intelligentiam et dignam dono
ipsius qui genuit, et multum post hoc studium demonstremus. Lectio 14 [85987] Catena in Io., cap. 1 l. 14 Augustinus
in Ioannem. Cum dixisset ex Deo nati sunt, quasi ne miraremur et horreremus tantam
gratiam, et nobis incredibile videretur, quia homines ex Deo nati sunt; quasi
securitatem faciens, ait et verbum caro factum est. Quid ergo miraris quia
homines ex Deo nascuntur? Attende ipsum Deum ex hominibus natum. Chrysostomus
in Ioannem. Vel aliter. Cum dixisset quoniam ex Deo nati sunt qui
susceperunt eum, huius honoris posuit causam, hoc scilicet verbum fieri
carnem : factus est enim proprius filius Dei hominis filius, ut filius
hominum faciat filios Dei. Cum autem audieris quoniam verbum caro factum est,
ne turberis : neque enim substantiam convertit in carnem; hoc enim vere
impium est intelligere; sed manens quod est, servi formam assumpsit. Quia
enim sunt qui dicunt, quoniam phantasmata quaedam fuerint omnia quae
incarnationis sunt; eorum blasphemiam destruens, hanc dictionem factum est
posuit, non transmutationem substantiae, sed carnis verae assumptionem
repraesentare volens. Si vero dixerint : quoniam Deus omnipotens est, quare
et in carnem transmutari non potuit? Dicemus quod transmutari ab illa
incommutabili natura omnino procul est. Augustinus de Trin. Sicut
autem verbum nostrum vox quodammodo corporis fit assumendo eam in qua
manifestatur sensibus hominum, sic verbum Dei caro factum est, assumendo eam
in qua et ipsum manifestaretur sensibus hominum. Et sicut verbum nostrum fit
vox, nec mutatur in vocem, ita verbum Dei caro quidem factum est; sed absit
ut mutaretur in carnem : assumendo quippe illam, non in eam se consumendo, et
hoc nostrum vox fit, et illud caro factum est. Ex gestis Concilii
Ephesini. Sermo etiam quem proferimus, quo in alterutris locutionibus utimur,
sermo est incorporeus, non aspectui subiectus, non tactu tractabilis; sed cum
sermo induerit litteras et elementa, visibilis fit, aspectu comprehenditur,
tactu tractatur, sic et verbum Dei, quod naturaliter invisibile est, visibile
fit; et quod natura incorporeum est, invenitur esse tractabile. Alcuinus.
Cum etiam credamus animam incorpoream corpori coniungi, ut ex his duobus
fiat unus homo, facilius possumus credere divinam substantiam incorpoream
animae in corpore coniungi in unionem personae; ita ut verbum in carnem non
sit conversum, nec caro in verbum; cum nec corpus in animam, nec anima
convertatur in corpus. Theophylactus. Apollinarius autem Laodicensis
in hoc verbo haeresim statuit : dicebat enim, quod Christus animam rationalem
non habuit sed tantum carnem; habens divinitatem pro anima, quae corpus
dirigit et gubernat. Augustinus contra Serm. Arian. Si autem moventur
in eo quod scriptum est, quod verbum caro factum est, nec ibi anima
nominatur; intelligant carnem pro homine positam, a parte totum, figuratae
locutionis modo, sicuti est : ad te omnis caro veniet; item quod ex operibus
legis non iustificabitur omnis caro; quod apertius alio loco dicitur : non
iustificabitur homo ex operibus legis. Sic itaque dictum est verbum
caro factum est; ac si diceret : verbum homo factum est.
Theophylactus. Evangelista volens ostendere inenarrabilem Dei
condescensum, carnem commemorat, ut illius admiremur misericordiam, quoniam
propter nostram salutem quod omnino remotum et distans est ab eius natura,
assumpsit, scilicet carnem; anima namque habet aliquam propinquitatem ad
Deum. Si autem verbum incarnatum est, et humanam animam non assumpsit;
sequeretur quod adhuc animae nostrae curatae non essent : quod enim non
assumpsit, non sanctificavit. Et qualis derisio, cum anima prius peccaverit,
ut carnem assumendo sanctificaverit, id quod est principalius infirmum
reliquerit? Subvertitur ex hoc dicto Nestorius, qui dicebat quod non Deus
verbum ipse idem factus est homo ex sacro conceptus sanguine virginis; sed
virgo peperit hominem qui omnis virtutis dotatus erat specie, et Dei verbum
illi erat coniunctum : et ex hoc duos filios asserebat : unum natum de
virgine, scilicet hominem; alterum de Deo, scilicet Dei filium, homini illi
coniunctum secundum gratiae habitudinem et amorem. Contra quem Evangelista
dixit, quod ipsum verbum factum est homo, non quod verbum inveniens hominem
virtuosum, se sibi coniunxerit. Cyrillus ad Nestorium. Carnem enim
animatam anima rationali uniens verbum sibi secundum subsistentiam,
ineffabiliter et inintelligibiliter factus est homo, et appellatus est filius
hominis, non secundum voluntatem solam aut beneplacitum, sed neque in
assumptione personae solius. Diversae quidem quoad unionem collatae naturae;
unus autem ex ambabus Christus et filius; non quasi differentia naturarum
interempta propter adunationem. Theophylactus. Addiscimus ergo per hoc
quod dicitur verbum caro factum est, quia ipsum verbum est homo, et filius
Dei existens factus est filius mulieris; quae principaliter Dei genitrix
nuncupatur, tamquam Deum in carne genuerit. Hilarius de Trin. Quidam
autem volentes unigenitum Deum, qui in principio apud Deum erat Deus verbum,
non substantivum Deum esse, sed sermonem vocis emissae, ut quod loquentibus
verbum suum, hoc sit patri Deo filius, argute subrepere volunt, ne subsistens
verbum Deus, et manens in forma Dei Christus homo natus sit : ut cum hominem
illum humanae potius originis causa quam spiritualis conceptionis sacramentum
animaverit, non Deus verbum hominem se ex partu virginis efficiens extiterit;
sed, ut in prophetis spiritus prophetiae, ita in Iesu verbum Dei fuerit. Et
arguere nos solent, quod Christum dicamus esse natum non nostri corporis
atque animae hominem, cum nos verbum carnem factum, nostrae similitudinis
natum hominem praedicemus, ut vere Dei filius vere filius hominis natus sit;
et ut per se sibi assumpsit ex virgine corpus, ita ex se sibi animam
assumpsit; quae utique ab homine numquam gignentium originibus praebetur : et
cum ipse ille filius hominis sit, quam ridicule praeter Dei filium, qui
verbum caro factum est, alium nescio quem tamquam prophetam verbo Dei
animatum praedicabimus, cum dominus Iesus Christus et Dei filius et hominis
filius sit? Chrysostomus. Ne autem ab eo quod dictum est verbum caro
factum est, inconvenienter suspiceris versionem illius incorruptibilis
naturae, subdit et habitavit in nobis. Quod enim habitat, non idem est cum
habitaculo, sed aliud : aliud autem dico secundum naturam : unione vero et
copulatione unum est Deus verbum caro, neque confusione facta, neque
destructione substantiarum. Alcuinus. Vel habitavit in nobis, idest
inter homines conversatus est. Lectio 15 [85988] Catena in Io., cap. 1 l. 15 Chrysostomus
in Ioannem. Cum dixisset, quod filii Dei facti sumus, et non aliter quam per hoc quod
verbum caro factum est; rursus ipsius dicit et aliud lucrum et vidimus
gloriam eius : quam utique non vidissemus, nisi per consortium humanitatis
visus esset nobis. Si enim Moysi non sustinuerunt faciem glorificatam videre,
sed velamine opus fuit; qualiter divinitatem nudam existentem, inaccessibilem
etiam ipsis superioribus virtutibus, nos lutei et terrestres sufferre
possemus? Augustinus in Ioannem. Vel aliter. Verbum caro factum est, et
habitavit in nobis, ista nativitate collyrium fecit, unde tergerentur oculi
nostri, ut possimus videre maiestatem eius per eius humanitatem; et ideo
dicitur et vidimus gloriam eius. Gloriam eius nemo posset videre, nisi
humilitate carnis sanaretur. Irruerat enim homini quasi pulvis in oculum de
terra : oculus iste sauciatus erat, et terra illuc mittitur ut sanetur : caro
te obcaecaverat, caro te sanat. Carnalis enim anima facta erat, consentiendo
carnalibus affectibus; inde fuerat oculus cordis caecatus : medicus fecit
tibi collyrium, quoniam sic venit ut de carne vitia carnis extingueret.
Verbum enim caro factum est, ut possis dicere vidimus gloriam eius.
Chrysostomus. Subdit autem, quasi unigeniti a patre : quia multi
prophetarum glorificati sunt, puta Moyses, Eliseus et alii multi quicumque
miracula ostenderunt; sed et Angeli hominibus apparentes, et eam quae est
propriae naturae coruscantem lucem manifestantes, sed et Cherubim et Seraphim
cum multa gloria visa sunt a propheta. Ab omnibus his nos abducens
Evangelista, et supra omnem naturam et conservorum nostrorum claritatem
erigens mentem, ad ipsum nos perducit verticem; quasi dicat : non ut
prophetae aut alterius hominis, vel Angeli, aut Archangeli, aut alicuius
superiorum virtutum, est gloria quam vidimus; sed quasi ipsius regis, ipsius
naturalis filii unigeniti. Gregorius Moralium. In sacro enim eloquio
sicut et quasi aliquando non pro similitudine ponitur, sed pro veritate; unde
et istud, quasi unigeniti a patre. Chrysostomus. Ac si diceret :
vidimus gloriam qualem decebat, et conveniens est habere unigenitum et naturalem
filium. Consuetudo enim multorum, regem valde ornatum videntium, est ut cum
aliis enarrantes non possunt universalem repraesentare claritatem, hoc
inducunt : quid oportet multa dicere? Quasi rex ibat. Sic et Ioannes dicit
vidimus gloriam eius, gloriam quasi unigeniti a patre. Angeli enim apparentes
ut servi, et dominum habentes, omnia agebant; ipse vero ut dominus cum humili
forma apparens. Sed et creaturae dominum cognoverunt, stella magos vocans,
Angeli pastores, puer exultans in utero : sed et pater testatus est de
caelis, et Paraclytus super ipsum advenit; sed et ipsa rerum natura omni tuba
clarius clamavit, quoniam rex caelorum advenerat : etenim Daemones fugiebant,
infirmitatis species solvebantur, mortuos dimittebant sepulchra, et animas a
malitia ad virtutis verticem agebat. Quid utique
quis dicat praeceptorum philosophiam, caelestium legum virtutem, angelicae
urbanitatis bonam ordinationem? Origenes. Eius autem quod
sequitur, plenum gratiae et veritatis, duplex intellectus est. Potest enim de
humanitate ac divinitate incarnati verbi accipi; ita ut plenitudo gratiae
referatur ad humanitatem, secundum quam Christus caput est Ecclesiae et
primogenitus creaturae universae : quoniam maximum et principale gratiae
exemplum, qua nullis praecedentibus meritis homo efficitur Deus, in ipso
primordialiter manifestatum est. Potest etiam plenitudo gratiae Christi de
spiritu sancto intelligi, cuius septiformis operatio humanitatem Christi
implevit. Plenitudo vero veritatis ad divinitatem refertur. Origenes in
Ioannem. Si vero plenitudinem gratiae et veritatis de novo testamento
mavis intelligere, non incongrue pronuntiabis plenitudinem gratiae novi
testamenti esse per Christum donatam, et legalium symbolorum veritatem in
ipso esse impletam. Theophylactus. Vel plenum gratia, prout eius
verbum gratiosum erat, dicente David : diffusa est gratia in labiis tuis; et
veritate, secundum quod Moyses et prophetae loquebantur aut operabantur in
figura, Christus autem cum veritate. Lectio 16 [85989] Catena in Io., cap. 1 l. 16 Alcuinus.
Dixerat superius fuisse missum hominem ad perhibendum testimonium; hic
determinat testimonium suum, quod manifeste praecursor pronuntiavit; unde
dicitur Ioannes perhibet testimonium de ipso. Chrysostomus in Ioannem. Vel
aliter hoc inducit; ac si dicat : non aestimetis quod nos qui fuimus cum eo
multo tempore et mensae ipsius communicavimus, propter gratiam hoc testemur;
quia Ioannes, qui antea eum non viderat, nec ei commoratus fuerat, ei
testimonium perhibebat. Multoties autem Evangelista revolvit eius
testimonium, quia multam admirationem huius viri habebant Iudaei. Et alii
quidem Evangelistae antiquorum meminerunt prophetarum, dicentes : hoc factum
est ut impleatur quod dictum est per prophetam; hic autem altiorem et
recentiorem testem inducit, non intendens a servo dominatorem facere fide
dignum, sed auditorum imbecillitati condescendens. Quemadmodum
enim nisi servi formam assumpsisset, non ita facile susceptibilis factus
esset; ita nisi servi voce auditum conservorum praeexcitasset, nequaquam
multi Iudaeorum verbum Christi suscepissent. Sequitur et clamat; idest, cum
propalatione, cum libertate, sine subtractione omnia praedicat. Non autem a
principio dixit, quoniam hic est filius Dei unigenitus naturalis; sed clamat
dicens hic erat quem dixi : qui post me venit, ante me factus est, quia prior
me erat. Quemadmodum enim matres avium, non confestim pullos suos volationem
docent; sed primo quidem extra nidum educunt, postea vero aliam multo
velociorem volationem apponunt; sic et Ioannes non confestim Iudaeos ad alta
duxit, sed interim paululum a terra eos evolare docuit, dicens, quod Christus
melior eo erat; quod non parum interim erat. Et vide qualiter sapienter
inducit testimonium : non enim solum apparentem Christum monstrat; sed et
antequam apparuisset eum praedicat; quod significatur in hoc quod dicit hic
erat de quo dixi. Hoc autem fecit ut facile susceptibilis esset Christus,
hominum mente iam praedetenta ab aliis quae de eo dicta erant, et nihil ad
hoc humilitas habitus noceret. Ita enim humili et communi omnibus forma
Christus utebatur, ut si simul et verba haec audissent de eo, et eum
considerassent, Ioannis testimonium derisissent.
Theophylactus. Dicit autem qui post me venit, videlicet secundum tempora
nativitatis : sex enim mensibus prior Christo Ioannes erat secundum
humanitatem. Chrysostomus. Vel hoc non dicit de ea generatione quae
est ex Maria : iam enim natus erat Christus quando haec a Ioanne dicebantur;
sed de adventu eius ad praedicationem. Dicit autem ante me factus est; idest,
clarior est et honorabilior; ac si dicat : non quia prior veni ad
praedicandum, ex hoc maiorem me esse illo existimetis. Theophylactus. Ariani
vero hanc litteram sic exponunt, volentes ostendere quod Dei filius non est a
patre genitus, sed factus, sicut una alia creatura. Augustinus in
Ioannem. Non ergo intelligitur : factus est antequam ego essem factus; sed
antepositus est mihi. Chrysostomus. Si autem quod dicitur ante me
factus est, de productione ad esse intelligeretur, superfluum esset quod
additur quia prior me erat. Quis enim est ita insipiens ut ignoret quoniam ex
quo ante eum factus est, prior eo erat? Aliter autem e contrario oporteret
dicere, scilicet : prior me erat, quia ante me factus est. Ergo quod dicit
ante me factus est, de honore intelligitur : hoc enim quod futurum erat,
factum dicit, quia consuetudo erat antiquorum prophetarum de futuris quasi de
iam praeteritis loqui. Lectio 17 [85990] Catena in Io., cap. 1 l. 17 Origenes.
Sermo
iste in persona Baptistae de Christo testantis prolatus est; quod plurimos
fallit, ex hic usque illuc ille enarravit, credentes in persona Ioannis
apostoli recitari, inconsequens autem est putare, subito et quasi
intempestive interrumpi Baptistae sermonem ex verbo discipuli; et cuique
scienti percipere dictorum collationem, in propatulo constat series dicti;
dixerat enim ob hoc ante me factus est, qui prior me erat. Ex hoc autem
coniecto priorem me fore, quod ex eius plenitudine ego quidem, et ante me
prophetae accepimus gratiam secundam pro prima. Pertigerunt
enim et illi post figuras per spiritum ad veritatis speculationem. Hinc etiam
perpendimus ex plenitudine eius accipientes, legem quidem per Moysen fore
datam, gratiam autem et veritatem per Iesum Christum, nedum fore datam, sed
factam; patre quidem legem dante per Moysen, gratiam et veritatem faciente
per Iesum. Sed si Iesus est qui dicit : ego sum veritas,
quomodo veritas fit per Iesum? Sed intelligendum est, quod ipsa veritas
substantialis (ex qua prima veritate et eius imagine sculptae sunt multae
veritates in his qui veritatem tractant) nequaquam per Iesum Christum facta
est, nec prorsus per aliquem; sed veritas, puta quae consistit in Paulo et
apostolis, per Iesum Christum facta est. Chrysostomus in Ioannem. Vel
aliter. Coniungit hic testimonio Ioannis Baptistae suum testimonium Ioannes
Evangelista, dicens et de plenitudine eius nos omnes accepimus. Non
praecursoris est verbum, sed discipuli; quasi dicat : etiam nos omnes
duodecim, et omnis plenitudo fidelium, et qui nunc sunt, et futurorum, de
plenitudine eius accepimus. Augustinus in Ioannem. Quid autem
accepistis? Et gratiam pro gratia : ut nescio quid nos voluerit intelligere
de plenitudine eius accepisse, et insuper gratiam pro gratia : accepimus enim
de plenitudine eius primo gratiam, et rursus accepimus gratiam pro gratia.
Quam gratiam primo accepimus? Fidem. Vocatur enim gratia, quia gratis datur.
Hanc ergo accepit gratiam primam peccator, ut eius peccata dimitterentur; et
iterum gratiam pro gratia; idest, pro hac gratia in qua ex fide vivimus, recepturi
sumus aliam, idest vitam aeternam : vita enim aeterna quasi merces est fidei
: sed quia ipsa fides gratia est, vita aeterna gratia est pro gratia. Non
erat ista gratia in veteri testamento : quia lex minabatur, non opitulabatur;
iubebat, non sanabat : languorem ostendebat, non auferebat, sed praeparabat
medico venturo cum gratia et veritate; unde sequitur quia lex per Moysen data
est; gratia et veritas per Iesum Christum facta est. Mortem enim temporalem
et aeternam occidit mors domini tui : ipsa est gratia quae promissa et non
habita erat in lege. Chrysostomus in Ioannem. Vel
accepimus gratiam pro gratia; idest, pro veteri novam. Sicut enim est
iustitia et iustitia, adoptio et adoptio, circumcisio et circumcisio, ita
gratia et gratia; sed illa quidem ut typus, haec vero ut veritas. Hoc autem
induxit, ostendens quoniam et Iudaei gratia salvabantur, sed et nos omnes
gratia salvi sumus : misericordiae autem et gratiae fuit legem suscipere.
Propterea cum dixisset gratiam pro gratia, ostendens magnitudinem eorum quae
data sunt, subdit quia lex per Moysen data est, gratia et veritas per Iesum
Christum facta est. Et supra quidem Ioannes ad seipsum comparans Christum,
ait ante me factus est : hic autem Evangelista ad eum qui illo tempore magis
in admiratione apud Iudaeos erat quam Ioannes, Christi comparationem facit,
scilicet ad Moysen. Et considera prudentiam. Non personarum, sed rerum
comparationem facit, gratiam et veritatem legi opponens; et huic addit data
est, quod ministrantis erat; huic autem facta est, quod est regis cum
potestate omnia operantis : cum gratia quidem, quia cum potestate omnia
dimittebat peccata. Et gratiam quidem eius Baptismatis donum, et adoptio quae
per spiritum nobis datur, et alia multa ostendunt : veritatem autem plenius
sciemus si figuras veteris legis didicerimus : ea enim quae in novo
testamento perficienda erant, in veteri testamento figurae praescripserunt,
quas Christus veniens adimplevit. Unde figura data est per Moysen, veritas
per Christum facta est. Augustinus de Trin. Vel gratiam referamus ad
scientiam, veritatem ad sapientiam : in rebus enim per tempus ortis illa
summa gratia est, quod homo in unitate personae coniunctus est Deo : in rebus
vero aeternis summa veritas recte tribuitur Dei verbo. Lectio 18 [85991] Catena in Io., cap. 1 l. 18 Origenes
in Ioannem. Incongrue Heracleon asserit hoc promulgatum fuisse non a Baptista, sed
a discipulo : nam si illud de plenitudine eius nos omnes accepimus, a
Baptista prolatum est, quomodo non est sequens, ipsum de gratia Christi suscipientem,
et secundam pro prima gratia, confitentemque, legem per Moysen fore traditam,
gratiam vero et veritatem per Iesum Christum prodiisse; intellexisse qualiter
Deum nemo vidit unquam, quodque unigenitus, cum in patris gremio requiescat,
interpretationem ipsi Ioanni, nec non omnibus his qui de perfectione
gustaverint, concesserit? Non enim nunc primitus annuntiavit : nam priusquam
Abraham fieret, docet nos Abraham exultasse, ut videret eius gloriam. Chrysostomus
in Ioannem. Vel aliter. Evangelista ostendens multam eminentiam donorum
Christi ad ea quae per Moysen dispensata sunt, vult de reliquo causam
rationalem differentiae dicere : nam ille quidem famulus existens, minorum
rerum factus est minister; hic vero dominator et regis filius existens, multo
maiora nobis attulit coexistens semper patri, et videns eum : propter hoc ita
intulit, dicens Deum nemo vidit unquam. Augustinus ad Paulinam. Quid
ergo est quod Iacob dicit : vidi dominum facie ad faciem; et quod de Moyse
scriptum : quia loquebatur cum Deo facie ad faciem; et illud quod propheta
Isaias loquens de seipso ait : vidi dominum Sabaoth sedentem in throno?
Gregorius Moralium. Sed patenter datur intelligi quod quamdiu hic
mortaliter vivitur, videri per quasdam imagines potest Deus; sed per ipsam
naturae suae speciem non potest; ut anima gratia spiritus afflata, per
figuras quasdam Deum videat; sed ad ipsam vim eius essentiae non pertingat.
Hinc est enim quod Iacob, qui Deum se vidisse testatur, nonnisi Angelum vidit
: hinc est quod Moyses, qui cum Deo facie ad faciem loquitur, dicit : ostende
mihi temetipsum manifeste, ut videam te. Ex qua eius petitione colligitur,
quia eum sitiebat per incircumscriptae naturae suae claritatem cernere, quem
iam coeperat per quasdam imagines videre. Chrysostomus. Si autem
antiqui patres ipsam viderunt naturam, nequaquam differenter considerassent :
simplex enim quaedam est et infigurabilis; non sedet, neque stat, neque
ambulat; haec enim corporum sunt : unde et per prophetam dicit : ego visionem
multiplicavi eis, et in manibus prophetarum assimilatus sum; hoc est,
condescendi eis, non quod eram apparui : quia enim filius Dei per veram
carnem appariturus erat nobis, primo excitavit eos videre Deum, sicut
possibile erat eis videre. Augustinus ad Paulinam. Sed cum scriptum sit
: beati mundo corde, quoniam ipsi Deum videbunt, et iterum : cum apparuerit,
similes ei erimus, quoniam videbimus eum sicuti est, quid est quod hic
dicitur Deum nemo vidit unquam? An fortasse respondetur, quod illa testimonia
de videndo Deo sunt, non de viso? Ipsi enim Deum videbunt, dictum est, non
viderunt; et non vidimus, sed : videbimus eum sicuti est : Deum enim nemo
vidit unquam : vel in hac vita sicuti ipse est, vel etiam in Angelorum vita,
sicut visibilia ista quae corporali visione cernuntur. Gregorius
Moralium. Si vero a quibusdam potest in hac corruptibili carne viventibus,
sed tamen inaestimabili virtute crescentibus, quodam contemplationis acumine
aeterna claritas Dei videri; hoc ab hac sententia non abhorret, quoniam
quisquis sapientiam, quae Deus est, videt, huic vitae funditus moritur, ne
iam eius amore teneatur. Augustinus super Genesim. Nisi enim ab hac
vita quisque quodammodo moriatur, sive omnino exiens de corpore, sive ita
aversus et alienatus a carnalibus sensibus, ut merito nesciat, sicut
apostolus ait utrum in corpore, an extra corpus sit, non in illam rapitur et
subvertitur visionem. Gregorius. Sciendum vero est, quod fuere
nonnulli qui Deum dicerent in illa regione beatitudinis in claritate sua
conspici, sed in natura minime videri. Quos nimirum minor inquisitionis
subtilitas fefellit : neque enim illi simplici et incommutabili essentiae
aliud est claritas, aliud natura. Augustinus ad Paulinam. Si autem
dicitur, in hoc quod scriptum est Deum nemo vidit unquam, homines tantummodo
intelligendos : nam hoc apostolus planius explicans : quem nemo, inquit,
hominum vidit, sed nec videre potest, ut ita dictum sit Deum nemo vidit
unquam, ac si diceretur : nullus hominum, quaestio illa solvi videbitur, ut
non sit huic sententiae contrarium quod dominus ait : Angeli eorum semper
vident faciem patris mei; ut scilicet Angelos Deum videre credamus, quem nemo
vidit unquam, scilicet hominum. Gregorius. Sunt tamen nonnulli qui
nequaquam Deum videre nec Angelos suspicantur. Chrysostomus in Ioannem. Dicentes,
quod ipsum quod Deus est, non solum prophetae, sed nec Angeli viderunt, neque
Archangeli. Sed si interrogaveris eos, audies de substantia nihil
respondentes. Gloria vero in excelsis Deo non solum cantantes, sed et in
terra pax hominibus bonae voluntatis. Et si a Cherubim et Seraphim
concupiveris aliquid discere, mysticam sanctimonii melodiam audies, et
quoniam plenum est caelum et terra gloria eius. Augustinus ad Paulinam. Quod
quidem intantum verum est, quia Dei plenitudinem nullus non solum oculis
corporis, sed vel ipsa mente aliquando comprehendit. Aliud est enim videre,
aliud totum videndo comprehendere : quandoquidem id videtur quod praesens
utcumque sentitur; totum autem comprehenditur videndo quod ita videtur ut
nihil eius lateat videntem, aut cuius fines circumspici possunt.
Chrysostomus. Sic igitur solus patrem videt filius et spiritus sanctus.
Quod enim creabilis est naturae, qualiter poterit videre quod increabile est?
Ita igitur nullus novit Deum, ut filius; unde sequitur unigenitus filius, qui
est in sinu patris, ipse enarravit. Ne propter nominis communionem unum
quemdam eorum qui gratia facti sunt filiorum esse existimes eum, primo quidem
adiectus est articulus. Si vero hoc non sufficit tibi, audi aliud nomen
unigenitus. Hilarius de Trin. Naturae quidem fides non satis explicata
videbatur ex nomine filii, nisi proprietatis virtus per exceptionis
significantiam adderetur; praeter filium enim et unigenitum nihil
cognominans, suspicionem penitus adoptionis exclusit, cum veritatem nominis
unigeniti natura praestaret. Chrysostomus. Sed et aliud posuit, dicens
qui est in sinu patris. Etenim in sinu conversari multo plus est quam
simpliciter videre : nam qui simpliciter videt, non omnino eius quod videt
cognitionem habet : qui vero in sinu conversatur, nihil ignorabit. Cum igitur
audieris quod nullus cognoscit patrem nisi filius, nequaquam dicas, quoniam
etsi plus omnibus novit patrem, sed non quantus est novit eum : propterea
Evangelista in sinu patris eum morari dicit, ut non aestimemus per id aliud
significatum quam familiaritatem unigeniti, et coaeternitatem ad patrem.
Augustinus in Ioannem. In sinu enim patris, idest in secreto patris : non
enim Deus habet sinum, quemadmodum nos habemus in vestibus; aut cogitandus
est sic sedere quomodo nos; aut forte cinctus est, ut sinum haberet : sed
quia sinus noster intus est, secretum patris sinus patris vocatur. Qui ergo
in secreto patris novit patrem, ipse enarravit quod vidit. Chrysostomus
in Ioannem. Sed quid enarravit? Quoniam unus est Deus. Sed et hoc reliqui
prophetae et Moyses clamant : quid ergo plus didicimus a filio in sinibus
paternalibus existente? Primum quidem ipsa haec quae alii narraverunt, sunt
enarrata ex operatione unigeniti; deinde quoniam multo maiorem suscepimus
doctrinam per unigenitum, et cognovimus quoniam spiritus est Deus, et quod
eos qui adorant eum, in spiritu et veritate adorare oportet, et quoniam Deus
pater est unigeniti. Beda. Praeterea sciendum, quia si ad praeteritum
referatur quod ait enarravit, homo factus enarravit quid de Trinitatis
unitate sentiendum, qualiter ad eius contemplationem properandum, quibus
actibus sit perveniendum. Si vero referatur ad futurum,
tunc enarrabit cum electos suos ad visionem claritatis suae inducet. Augustinus. Fuerunt
autem homines qui dicerent, vanitate cordis sui decepti : pater invisibilis
est, filius autem visibilis est. Si ergo propter carnem filius visibilis
dicitur, et nos concedimus, et est Catholica fides; si autem, ut ipsi dicunt,
antequam incarnaretur, multum delirant, si Christus sapientia Dei et virtus
Dei est : sapientia enim Dei videri oculis non potest. Si verbum hominis
oculis non videtur, verbum Dei sic videri potest? Chrysostomus. Non
igitur soli ipsi proprium est Deum nemo vidit unquam, sed et filio : quia, ut
Paulus dicit, est imago Dei invisibilis; qui vero invisibilis imago est, et
ipse invisibilis est. Lectio 19 [85992] Catena in Io., cap. 1 l. 19 Origenes.
Secundum
legitur hoc testimonium a Ioanne Baptista de Christo prolatum, incipiente
primo illic : hic est de quo dixi, et desinente ibi : ipse enarravit.
Theophylactus. Vel aliter. Postquam superius dixit Evangelista, quod
Ioannes testabatur de Christo : ante me factus est, nunc subiungit quando
praemissum testimonium reddiderit Christo Ioannes; unde dicit et hoc est testimonium
Ioannis, quando miserunt Iudaei ab Hierosolymis sacerdotes et Levitas ad
Ioannem. Origenes. Iudaei quidem ab Hierosolymis, ut cognati
existentes Baptistae de stirpe sacerdotali existentis, sacerdotes et Levitas
destinant, sciscitaturos quis esset Ioannes; eos scilicet qui reputati sunt
secundum electionem ab aliis differre; et ab electo Hierosolymorum loco.
Ioannem itaque quaerunt cum tanta veneratione; erga Christum autem nihil
huiusmodi factum legitur a Iudaeis. Sed quod erga Ioannem Iudaei, hoc Ioannes
erga Christum prosequitur, per proprios discipulos interrogans : tu es qui
venturus es, an alium expectamus? Chrysostomus in Ioannem. Sic autem
fide dignum aestimaverunt esse Ioannem, ut ei de seipso dicenti crederent;
unde dicitur ut interrogarent eum : tu quis es? Augustinus in Ioannem. Non
autem mitterent nisi moverentur excellentia auctoritatis eius, quia ausus est
baptizare. Origenes. Ioannes autem, ut videtur, discernebat ex
quaestione, sacerdotum et Levitarum dubitationem, ne forte Christus esset
baptizans; apertius tamen illud profiteri cavebant, ne temerarii putarentur.
Quapropter merito, ut eorum opinio fallax de eo primitus aboleretur, ac
subinde veritas propalaretur, quod non sit Christus ante omnia manifestat;
unde sequitur et confessus est, et non negavit : et confessus est : quia non
sum ego Christus. Hic etiam adiciamus, quia tempus adventus Christi populum
recreabat quodammodo iam praesens existens, legisperitis ex sacris Scripturis
illius tempus speratum colligentibus : propter quod Theodas non modicam
multitudinem quasi Christus congregavit, et post illum Iudas Galilaeus in
diebus professionis. Cum ergo ferventius Christi
expectaretur adventus, Iudaei transmittunt ad Ioannem, per hoc quod est tu
quis es? Conicere volentes si ipse se Christum fateretur. Non autem ex eo
quod dicit non sum ego Christus, negavit : ex hoc enim ipso confessus est
veritatem. Gregorius in Evang. Negavit plane quod non
erat, sed non negavit quod erat, ut veritatem loquens, eius membrum fieret
cuius sibi nomen fallaciter non usurparet. Chrysostomus in Ioannem. Vel
aliter. Passi erant Iudaei quamdam humanam passionem ad Ioannem. Indignum
enim aestimabant, subici eum Christo propter multa quae Ioannis claritatem
demonstrabant : quorum primum erat genus illustre, principis enim sacerdotum
filius erat; deinde dura educatio, humanorum despectio. In Christo
autem contrarium videbatur : genus humile, quod ei exprobrabant dicentes :
nonne hic est fabri filius? Dieta communis, et vestimenta nihil plus multis
habentia. Quia igitur Ioannes continue ad Christum mittebat, volentes magis
Ioannem habere magistrum, mittunt ad eum, opinantes per blanditias eum
allicere ad confitendum se Christum esse. Non ergo quosdam contemptibiles
mittunt, ut ad Christum, ministros et Herodianos, sed sacerdotes et Levitas;
et non quoscumque, sed eos qui erant ex Hierosolymis, hoc est honorabiliores;
et ad hoc mittunt ut interrogarent tu quis es? Non quasi ignorantes, sed
volentes eum inducere ad hoc quod dixi : unde Ioannes ad mentem et non ad interrogationem
eis respondit et confessus est, et non negavit; et confessus est : quia non
sum ego Christus. Et vide sapientiam Evangelistae. Tertio quasi idem dicit,
et virtutem Baptistae indicans, et malitiam et amentiam Iudaeorum. Devoti
enim famuli est, non solum non rapere gloriam domini, sed oblatam a multis
respuere. Turbae quidem ex ignorantia ad hanc venerunt suspicionem ut Ioannem
Christum aestimaret; hi vero a maligna mente, ex qua interrogabant eum,
aestimantes per blanditias attrahere ad hoc quod volebant : nisi enim
excogitassent hoc, respondenti non sum ego Christus, dixissent : non hoc
suspicati sumus, non hoc venimus interrogaturi. Sed capti et manifesti
effecti ad aliud veniunt; unde sequitur et interrogaverunt eum : quid ergo?
Elias es tu? Augustinus. Noverant enim quod praecessurus erat
Elias Christum : non enim alicui ignotum erat nomen Christi apud Hebraeos;
sed non putabant illum esse Christum; nec tamen omnino putaverunt Christum
non esse venturum; et cum sperarent futurum, offenderunt in praesentem.
Sequitur et dixit : non sum. Gregorius in Evang. Ex his verbis nobis
quaestio valde implexa generatur. Alio quippe in loco inquisitus a discipulis
dominus de Eliae adventu, respondit : si vultis scire, Ioannes ipse est
Elias. Requisitus autem Ioannes dicit non sum Elias. Quomodo ergo propheta
veritatis est si eiusdem veritatis sermonibus concors non est? Origenes. Dicet
aliquis quod se ignorabat Ioannes esse Eliam; et hoc nimirum utentur
documento qui assistunt iteratae incorporationis rationi, tamquam anima denuo
induente corpora. Quaerunt enim Iudaei per Levitas ac sacerdotes, an esset
Elias, cum iteratae corporis assumptionis documentum verax arbitrantur, quasi
paternum existens, nec alienum ab arcanorum suorum doctrina. Ob hoc itaque dicit
Ioannes : Elias non sum; nam nescit primaevam vitam propriam. Qualiter autem
videtur rationabile, si tamquam propheta spiritu illuminatus est, et de Deo
et unigenito tanta narravit, ignorasse de seipso an unquam eius anima fuerit
in Elia? Gregorius in Evang. Sed si subtiliter veritas ipsa
requiratur, hoc quidem quod inter se contrarium sonat, quomodo contrarium non
sit invenitur. Ad Zachariam namque de Ioanne Angelus dixit : ipse praecedet
ante illum in spiritu et virtute Eliae, quia scilicet sicut Elias secundum
domini adventum praeveniet, ita Ioannes praevenit primum; sicut ille
praecursor venturus est iudicis, ita iste praecursor factus est redemptoris.
Ioannes igitur in spiritu Elias erat, in persona Elias non erat. Quod autem
dominus fatetur de spiritu, hoc Ioannes denegat de persona : quia et iustum
sic erat ut discipulis dominus spiritalem de Ioanne sententiam diceret, et
Ioannes turbis carnalibus non de suo spiritu, sed de corpore responderet.
Origenes. Respondit ergo Levitis et sacerdotibus : non sum, coniectans
propositum quaestionis eorum : non enim sapiebat praemissa examinatio, si
idem spiritus esset in utroque; sed si Ioannes esset ipse Elias qui assumptus
est, nunc apparens, secundum quod a Iudaeis expectabatur, absque nativitate.
Primus autem arbitrans resumptionem corporum, dicet, quod inconsequens est
filium Zachariae tanti sacerdotis in senio natum, super omnem humanam
expectationem, ignorari a sacerdotibus et Levitis ipsum natum fuisse; maxime
Luca testante quod factus est timor in omnibus habitantibus circa eos. Sed
forsan quoniam prope finem Eliam expectabant ante Christum, quasi tropice
sciscitari videntur : an es tu qui praenuntias Christum venturum? Et caute
respondit : non sum. Sed nihil mirabile. Sicut in salvatore, pluribus scientibus
ex Maria nativitatem eius, quidam fallebantur putantes eum Ioannem Baptistam
vel Eliam, aut aliquem prophetarum; sic et in Ioanne quosdam ortus eius ex
Zacharia non latebat; et quidam dubitabant, si forsan qui expectabatur Elias
apparuit in Ioanne. Quoniam vero cum plures in Israel editi fuerint
prophetae, unus de quo Moyses prophetaverat, praesertim expectabatur, iuxta
illud : prophetam vobis suscitabit Deus ex fratribus vestris : sicut mihi,
illi parebitis; tertio sciscitantur, non si foret propheta simpliciter, sed
cum articulo, ut in Graeco ponitur; unde sequitur propheta es tu? Per
singulos enim prophetas noverat populus Israel neminem eorum fore hunc quem
Moyses prophetaverat, qui sicut Moyses medius staret inter Deum et homines,
et accepto testamento a Deo traderet discipulis. Hoc autem illis nomen non
Christo attribuentibus, sed arbitrantibus alium a Christo ipsum fore, Ioannes
scivit quoniam et Christus ille propheta esset; unde subditur et respondit :
non. Augustinus in Ioannem. Vel quia Ioannes maior erat quam propheta
: quia prophetae longe praenuntiaverunt, Ioannes praesentem demonstrabat.
Sequitur dixerunt ergo ei : quis es, ut responsum demus his qui miserunt nos?
Quid dicis de teipso? Chrysostomus in Ioannem. Vides hic vehementius
insistentes et interrogantes; hunc autem cum mansuetudine eas quae non erant
verae suspiciones destruentem, et eam quae est vera ponentem : unde sequitur
ait : ego vox clamantis in deserto. Augustinus. Isaias illud dixit; in
Ioanne prophetia ista completa est. Gregorius in Evang. Scitis autem
quod unigenitus filius verbum patris vocatur. Ex ipsa autem nostra locutione
cognoscimus, quia prius vox sonat, ut verbum possit audiri. Ioannes ergo
vocem se asserit esse, quia verbum praecedit, et per eius ministerium, patris
verbum ab hominibus auditur. Origenes. Ineleganter autem Heracleon de
Ioanne et prophetis considerans, ait, quoniam verbum quidem salvator est, vox
autem per Ioannem intelligitur; solus enim sonus est omnis gradus
propheticus. Cui dicendum, quod si non significativam vocem dederit tuba,
nemo se accinget ad praelium. Si ergo nil aliud quam sonus est vox
prophetica, quomodo transmittit nos ad illam salvator? Scrutamini Scripturas.
Dicit autem Ioannes se esse vocem non clamantem in deserto, sed clamantis in
deserto, eius scilicet qui stabat et clamabat : si quis sitit, veniat ad me,
et bibat. Clamat enim ut distantes auditu percipiant, et gravem habentes
auditum sentiant immensitatem eorum quae dicuntur. Theophylactus. Vel
quia veritatem manifeste annuntiat : omnes enim qui in lege erant, obscure
loquebantur. Gregorius. Vel in deserto Ioannes clamat, quia quasi
derelictae ac destitutae Iudaeae solatium redemptoris annuntiat.
Origenes. Opus autem vocis in deserto clamantis est ut anima a Deo
destituta, ad rectam faciendam viam domini revocetur, nequaquam pravitatem
serpentini gressus prosequendo : secundum contemplationem quidem sublimatam
in veritate absque permixtione mendacii, et secundum actionem post congruam
speculationem licitum opus referentem; unde sequitur dirigite viam domini,
sicut dixit Isaias propheta. Gregorius. Via domini ad cor dirigitur,
cum veritatis sermo humiliter auditur; via domini ad cor dirigitur, cum ad
praeceptum vita praeparatur. Lectio 20 [85993] Catena in Io., cap. 1 l. 20 Origenes.
Facta
responsione versus sacerdotes et Levitas, denuo missum est a Pharisaeis; unde
dicitur et qui missi fuerant erant ex Pharisaeis. Quantum enim ex ipso
sermone coniecturari contingit, dico tertium hoc esse testimonium. Vide tamen
quomodo iuxta sacerdotalem et leviticam personam est cum mansuetudine
prolatum illud tu quis es? Nihil enim arrogans vel
protervorum in eorum quaestione continetur, sed cuncta decentia veros Dei
ministros. Sed Pharisaei secundum suum nomen divisi et
importuni ex discordia contumeliosas voces praetendunt Baptistae; unde
sequitur et dixerunt ei : quid ergo baptizas, si tu non es Christus, neque
Elias, neque propheta? Non quasi scire volentes, sed prohibere eum a
Baptismo. Deinde vero nescio quo pacto proni ad Baptismum iverunt ad Ioannem.
Huius autem solutio est, quia Pharisaei non credentes accedunt ad Baptisma,
sed ex hypocrisi, cum timerent populum. Chrysostomus in Ioannem. Vel ipsi
idem sacerdotes et Levitae ex Pharisaeis erant. Et quia blanditiis eum non
valuerunt supplantare, accusationem ei immittere tentant, cogentes eum dicere
quod non erat; unde sequitur et interrogaverunt eum, et dixerunt : quid ergo
baptizas, si tu non es Christus, neque Elias, neque propheta? Quasi audaciae
videbatur esse baptizare, si Christus non erat, nec praecursor illius, nec
praeco, idest propheta. Gregorius in Evang. Sed sanctus quisque etiam
cum perversa mente requiritur, a bonitatis suae studio non mutatur. Unde
Ioannes quoque ad verba invidiae praedicamenta respondit vitae; unde sequitur
respondit eis dicens : ego baptizo in aqua. Origenes. Ad
illud enim quid ergo baptizas? Quid aliud afferri decebat, nisi proprium
Baptismum carnale praetendere? Gregorius. Ioannes enim non spiritu,
sed aqua baptizat : quia peccata solvere non valebat : baptizatorum corpora
per aquam lavat, sed tamen animas per veniam non lavat. Cur ergo baptizat qui
peccata per Baptismum non relaxat? Nisi ut praecursionis suae ordinem
servans, scilicet qui nasciturum nascendo praevenerat, baptizaturum quoque
dominum baptizando praeveniret; et qui praedicando factus est praecursor
Christi, baptizando etiam praecursor eius fieret imitatione sacramenti; qui
inter haec mysterium redemptionis nostrae annuntians, hanc in medio hominum
et stetisse asserit et nesciri; sequitur enim medius autem vestrum stetit
quem vos nescitis : quia per carnem dominus apparens, et visibilis extitit
corpore, et invisibilis maiestate. Chrysostomus. Hoc autem dixit,
quoniam decens erat Christum commixtum esse populo, ut unum multorum, se
ubique humilem esse docentem. Cum autem dixit quem vos nescitis, scientiam
hic cognitionem certissimam dicit; puta quis est, et unde. Augustinus in
Ioannem. Humilis enim non videbatur, et propterea lucerna accensa est.
Theophylactus. Vel medius erat Pharisaeorum dominus; sed ignorabant eum,
quia ipsi Scripturas se scire putabant : et inquantum in illis
praenuntiabatur dominus, medius eorum erat, scilicet in cordibus eorum; sed
nesciebant eum, eo quod Scripturas non intelligebant. Vel aliter. Medius
quidem erat, inquantum mediator Dei existens et hominum Christus Iesus medius
Pharisaeorum extitit, volens illos Deo iungere; sed ipsi nesciebant eum. Origenes.
Vel aliter. Hoc edito ego baptizo in aqua, ad illud quid ergo baptizas? Ad secundum si
tu non es Christus? Praeconium de praecedenti Christi substantia proponit,
quod tanta sit ei virtus quod invisibilis sit sua deitate, cum sit praesens
cuilibet et totum per orbem diffusus : quod notatur ex illo medius vestrum
stetit. Hic enim per totam orbis machinam effluxit, sic ut quae creantur, per
ipsum creentur; omnia enim per ipsum facta sunt : unde palam est quod
inquirentibus a Ioanne quid ergo baptizas? Ipse medius erat. Vel quod dicitur
in medio vestrum stetit, intelligendum est de nobis hominibus. Cum enim simus
rationales, in medio nostrum existit; ex eo quod principale, scilicet cor, in
medio totius corporis insitum est. Qui ergo verbum in medio gerunt, non autem
cognoscunt de illius natura, nec de quo fonte manavit, nec quomodo consistit
in eis; hi verbum in medio sui obtinentes ignorant, quod tamen Ioannes
agnovit : unde exprobrando dicit ad Pharisaeos quem vos nescitis. Quia
expectantes Pharisaei Christi adventum, nihil tam arduum de eo
contemplabantur, solum hominem sanctum existimantes eum esse. Dicit autem
stetit : nam stat pater invariabilis existens et impermutabilis : stat quoque
verbum eius ad salvandum continuo, quamvis carnem suscipiat, quamvis medium
hominum stet invisibile. Ne vero putet aliquis alium esse invisibilem ad
omnes homines venientem, vel ad universum orbem, ab eo qui humanatus est et
in terra comparuit, subdit qui post me venit, hoc est qui post me appariturus
est. Non autem idem denotatur hic per hoc quod dicit post, et cum Iesus nos
post se invitat; illic enim sequi post ipsum praecipitur nobis, ut eius indagando
vestigia, perveniamus ad patrem : hic autem ut pateat quid sequatur ex
Ioannis dogmatibus : venit enim ut cuncti credant per eum, praeparati ad
perfectum verbum per minora. Dicit ergo ipse est qui post me venit. Chrysostomus
in Ioannem. Ac si diceret : ne aestimetis totum in meo consistere
Baptismate; si enim meum Baptisma perfectum esset, alius non veniret post me,
aliud Baptisma daturus. Sed haec praeparatio est illius, et transibit in
proximo, ut umbra et imago; sed oportet eum qui veritatem imponet, venire
post me : si enim hoc esset perfectum, nequaquam secundi locus quaereretur;
et ideo subdit qui ante me factus est, hic est honorabilior et clarior.
Gregorius. Sic namque dicitur ante me factus est, ac si dicatur :
antepositus est mihi. Post me ergo venit, quia postmodum natus; ante me autem
factus est, quia mihi praelatus. Chrysostomus. Ne autem existimes
comparabilem esse excellentiam hanc, incomparabilitatem ostendere volens,
subiungit cuius ego non sum dignus ut solvam corrigiam calceamenti; quasi
dicat : intantum est ante me ut ego neque in ultimis ministrorum vocari
dignus sim : calceamentum enim solvere ultimi ministerii res est.
Augustinus. Unde et si dignum se diceret tantummodo corrigiam calceamenti
solvere, multum se habuisset. Gregorius in Evang. Vel aliter. Mos apud
veteres fuit ut si quis eam quae sibi competeret, accipere uxorem nollet,
ille ei calceamentum solveret qui ad hanc sponsus iure propinquitatis
veniret. Quid igitur inter homines Christus, nisi sanctae Ecclesiae sponsus
apparuit? Recte ergo Ioannes se indignum esse ad solvendam corrigiam eius
calceamenti denuntiat; ac si aperte dicat : redemptoris vestigia non denudare
valeo; quia sponsi nomen mihi immeritus non usurpo. Quod tamen intelligi et
aliter potest. Quis enim nesciat quod calceamenta ex mortuis animalibus
fiant? Incarnatus vero dominus veniens, quasi calceatus apparuit, qui in
divinitate sua morticina nostrae corruptionis assumpsit. Corrigia ergo
calceamenti est ligatura mysterii. Ioannes ergo solvere corrigiam calceamenti
eius non valet : quia incarnationis mysterium nec ipse investigare sufficit;
ac si patenter dicat : quid mirum si mihi ille praelatus est quem post me
quidem natum considero, sed nativitatis eius mysterium non comprehendo?
Origenes in Ioannem. Quidam vero non inepte dixit, hoc sic intelligendum.
Non sum ego tanti ut causa mei descendat a magnalibus, ac carnem quasi
calceamentum suscipiat. Chrysostomus in Ioannem. Et quia Ioannes cum
decenti libertate ea quae de Christo sunt, omnibus praedicabat, propterea
Evangelista et locum designat, dicens haec in Bethania facta sunt trans
Iordanem, ubi erat Ioannes baptizans. Non enim in domo, neque in angulo
Christum praedicabat, sed Iordanem transiens in media multitudine,
praesentibus omnibus qui ab eo baptizabantur. Quaedam vero exemplariorum
certius habent in Bethabora : Bethania enim non ultra Iordanem, neque in
deserto erat, sed prope Hierosolymam. Glossa. Vel duae sunt Bethaniae
: una trans Iordanem, altera citra non longe a Ierusalem, ubi Lazarus fuit
suscitatus. Chrysostomus. Hoc autem et propter aliam causam designat :
quia enim res non antiquas narrabat, sed ante parvum tempus contingentes,
praesentes et videntes testes facit eorum quae dicuntur, demonstrationem a
locis tribuens. Alcuinus. Bethania vero domus
obedientiae interpretatur; per quam innuitur quia per obedientiam fidei omnes
ad Baptisma debent pervenire. Origenes. Bethabora vero interpretatur
domus praeparationis, et convenit cum Baptismo praeparantis domino plebem
perfectam. Iordanis autem interpretatur descensus eorum. Quis autem erit hic
fluvius nisi salvator noster, per quem ingredientem in hunc mundum mundari
convenit, non suum descendentem descensum, sed humani generis? Hic segregat
donatas a Moyse, ab his quae per Iesum donantur, sortes; huius rivuli
laetificant civitatem Dei. Sicut autem draco latitat in Aegyptiaco fluvio,
ita Deus in isto. Pater enim est in filio; et qui proficiscuntur illuc ubi se
lavent, opprobrium Aegypti deponunt, ac apti ad perceptionem hereditatis
parantur, necnon a lepra mundantur, et duplicis capaces sunt gratiae, ac
prompti fiunt ad susceptionem spiritus almi, in aliud flumen nequaquam
descendente spiritali columba. Trans Iordanem vero Ioannes baptizat, ut
praecursor venientis non innocentes sed peccatores vocaret. Lectio 21 [85994] Catena in Io., cap. 1 l. 21 Origenes.
Post testimonium Ioannis, iam videtur Iesus veniens ad eum, non solum
adhuc perseverantem, sed et potiorem effectum : quod per diem secundariam
designatur; unde dicitur altera die vidit Ioannes Iesum venientem ad se.
Pridem autem Iesu mater protinus ut illum concepit, ad matrem Ioannis
praegnantem proficiscitur, et per vocem pervenientem ad aures Elisabeth ex
Mariae salutatione exultat Ioannes conceptus in utero; hic autem post Ioannis
testimonium, ipse videtur a Baptista, accedens ad eum. Prius autem
auditu aliorum instruitur aliquis, ac deinde oculate inspicit illa. Per
hoc autem quod Maria ad Elisabeth venit minorem, et filius Dei ad Baptistam,
ad fervorem opitulandi minoribus, et ad modestiam admonemur. Verum unde ad
Baptistam venit salvator, non hic dicitur; sed ex dictis Matthaei colligimus
dicentis : tunc venit Iesus a Galilaea ad Iordanem ad Ioannem, ut
baptizaretur ab eo. Chrysostomus in Ioannem. Vel
aliter. Matthaeus adventum Christi ad Baptismum praesentialiter dicit;
Ioannes autem, et rursus eum ivisse ad Ioannem ostendit post Baptisma; et hoc
manifestat quod postea dicit quia vidi spiritum descendentem et cetera.
Partiti enim sunt sibi Evangelistae tempora narrationis : Matthaeus enim ea
quae antequam ligaretur Ioannes Baptista praeteriens, festinat ad ea quae
deinceps sunt tempora; sed Ioannes his maxime immoratur, quae scilicet ante
incarcerationem Ioannis fuerunt; unde hic dicitur altera die vidit Ioannes
Iesum venientem ad se. Cuius igitur gratia secundo post Baptismum ad eum
veniebat? Quia ipsum baptizaverat cum multis; ut nullus suspicetur quoniam ex
eadem causa ex qua et alii, ad Ioannem veniret; puta peccata confessurus, aut
in poenitentiam abluendus in flumine. Propterea ergo accedit, dans
Ioanni occasionem corrigendi hanc suspicionem, quam Ioannes per verba
correxit; unde sequitur et ait : ecce agnus Dei, ecce qui tollit peccatum
mundi. Qui igitur ita purus erat ut aliorum peccata absolvere posset,
manifestum est quoniam non ut confiteretur peccata accedit, sed ut occasionem
det Ioanni loquendi de ipso. Venit etiam secundo, ut hi qui priora audierant,
certius recipiant quae praedicta sunt, et alia rursus audiant. Dicit autem
ecce agnus Dei, innuens quod hic est qui olim quaerebatur, rememorans
prophetiae Isaiae, et umbrae quae secundum Moysen erat, ut a figura facilius
eos ducat ad veritatem. Augustinus in Ioannem. Si autem agnus Dei est
innocens, et Ioannes agnus; an non et ipse est innocens? Sed omnes ex illa
propagine veniunt de qua cantat gemens David : ego in iniquitatibus conceptus
sum. Solus ergo ille agnus qui non sic venit : non enim in iniquitate
conceptus est, nec in peccatis mater eius eum in utero aluit, quem virgo
concepit, virgo peperit, quia fide concepit, et fide suscepit. Origenes
in Ioannem. Sed cum quinque offerantur animalia in templo : tria
terrestria : vitulus, ovis et capra; volatilia vero duo : turtur et columba;
et de ovibus tria adducantur : aries, ovis, agnus; de genere ovium agnum
memoravit : agnum enim in oblationibus quotidianis offerri videmus, unum
quidem mane, alterum vero vespere. Quaenam autem oblatio alia potest esse
quotidiana a rationali natura comprehendenda, nisi verbum vigens, agnus
typice nuncupatum? Hoc nempe censebitur oblatio matutina ad frequentiam
intellectus in divinis relatum : neque enim anima pati potest ut summis
iugiter insistat, eo quod corporis terrestris et gravis coniugium est
sortita. Ex hoc etiam verbo quod Christus est agnus, coniectare de pluribus
poterimus : et quodammodo vespere pertingemus ad corporalia procedentes. Qui
autem hunc obtulit agnum ad immolandum, Deus fuit in homine reconditus,
magnus sacerdos, qui dixit : nemo tollit animam meam a me, sed ego pono eam;
unde dicitur agnus Dei : ipse enim nostros languores accipiens, totius mundi
tollens peccata, mortem quasi Baptismum suscepit. Apud Deum enim non
pertransit incorrectum quidquid agimus quod disciplina indigeat, quae per
difficilia exercetur. Theophylactus. Vel dicitur Christus agnus Dei,
inquantum Deus pater mortem Christi acceptavit pro nostra salute, vel
inquantum eum pro nobis tradidit morti : sicut enim dicere consuevimus : haec
oblatio est talis hominis, idest quam talis homo obtulit; sic et Christus
dicitur agnus Dei, dantis scilicet filium suum pro nostra salute in mortem.
Et ille quidem agnus typicus nullius omnino peccatum sustulit; hic vero
peccatum universi orbis terrarum : periclitantem enim mundum eruit ab ira
Dei; unde subdit ecce qui tollit peccatum mundi. Non autem dixit : qui
tollet, sed qui tollit peccatum mundi, quasi semper hoc faciente ipso : non
enim tunc solum tulit cum passus est, sed ex illo tempore usque ad praesens
tollit, non semper crucifixus; unam enim pro peccatis obtulit oblationem, sed
semper purgans per illam. Gregorius Moralium. Tunc autem ab humano
genere plene peccatum tolletur, cum per incorruptionis gloriam nostra
corruptio permutabitur : esse namque a culpa liberi non possumus, quousque in
corporis morte tenemur. Theophylactus. Sed quare non dixit : peccata
mundi, sed peccatum? Ut videlicet per hoc quod dixit peccatum, universaliter
peccatum videretur innuere; sicut consuevimus dicere, quod homo eiectus est
de Paradiso, idest omne genus humanum. Beda. Vel peccatum mundi
dicitur originale peccatum, quod est commune totius mundi; quod quidem
peccatum originale et singulorum superaddita Christus per gratiam relaxat.
Augustinus. Qui enim de nostra natura peccatum non assumpsit, ipse est qui
tollit nostrum peccatum. Nostis, quia quidam homines dicunt : nos tollimus
peccata ab hominibus quia sancti sumus : si enim non fuerit sanctus qui
baptizat, quomodo tollit peccatum alterius, cum sit ipse homo plenus peccato?
Contra istas disputationes hic legamus ecce qui tollit peccatum mundi, ut non
sit praesumptio hominibus in homines. Origenes. Sicut tamen iugi
oblationi agni cognatae sunt reliquae oblationes legales, sic huius agni
oblationi cognatae oblationes videntur mihi effusiones sanguinis martyrum,
quorum patientia et confessione et promptitudine ad bonum, obtunduntur
machinationes impiorum. Theophylactus. Quia vero superius illis qui ex
Pharisaeis venerant Ioannes dixerat quod medius vestrum stat quem vos
nescitis, hic ignorantibus demonstrat, dicens hic est de quo dixi : post me
venit vir qui ante me factus est. Vir dominus dicitur propter aetatis
perfectionem : nam triginta annorum baptizatus est; vel quia spiritualis
animae vir est, et Ecclesiae sponsus; unde Paulus : despondi vos uni viro
virginem castam exhibere Christo. Augustinus in Ioannem. Post me autem
venit, quia posterior natus est; ante me factus est, quia praelatus est mihi.
Gregorius in Evang. Praelationis autem eius causas aperit, cum subiungit
quia prior me erat; ac si aperte dicat : inde me etiam post natus superat quo
eum nativitatis suae tempora non angustant : nam qui per matrem in tempore
nascitur, sine tempore est a patre generatus. Theophylactus. Ausculta,
o Ari. Non dixit : quia prior me creatus est, sed quia prior me erat. Audiat
hoc Pauli Samosateni abusio, quod non ex Maria sumpsit primordium; quia si
essendi principium sumpsit ex virgine, qualiter prior extitit praecursore? Nam
manifestum est quod praecursor Christum in sex mensibus superabat secundum
humanam generationem. Chrysostomus in Ioannem. Ut autem
non videatur ex amicitia propter cognationem ei testimonium perhibere, quia
cognatus eius erat secundum carnem, propterea dicit ego nesciebam eum. Et secundum
rationem hoc contingit : etenim in deserto conversatus est Ioannes. Miracula
vero quaecumque Christo puero existente facta sunt, puta quae circa magos, et
quaecumque talia, ante multum contigerant tempus, Ioanne et ipso valde puero
existente. In medio vero tempore ignotus omnibus existebat;
propter quod subdit sed ut manifestetur in Israel, propterea veni ego in aqua
baptizans. Hinc enim manifestum est quoniam et illa signa quae
quidam dicunt a Christo in pueritia facta, mendacia et fictiones sunt. Si
enim a prima aetate miracula fecisset Iesus, nequaquam neque Ioannes eum
ignorasset, nec reliqua multitudo indiguisset magistro ad manifestandum eum.
Non igitur ipse Christus Baptismate indigebat, neque aliquam aliam causam
habebat illud lavacrum quam praemonstrationem facere eius fidei quae est in
Christum. Non enim dixit : ut mundem eos qui baptizantur, neque : ut liberem
a peccatis, veni baptizans; sed ut manifestetur in Israel. Sed numquid sine
Baptismate non licebat praedicare et inducere turbas? Sed facilius ita factum
est : nequaquam enim cucurrissent omnes, si sine Baptismate praedicatio facta
esset. Augustinus in Ioannem. Ubi ergo cognitus est dominus, superfluo
ei via parabatur, quia cognoscentibus se, ipse factus est via. Itaque non
duravit diu Baptisma Ioannis, sed quoadusque demonstratus est dominus
humilis. Ergo ut daretur nobis a domino humilitatis exemplum ad percipiendam
salutem Baptismi, suscepit Baptismum servi; et ne praeponeretur Baptismus
servi Baptismo domini, baptizati sunt alii Baptismo conservi. Sed qui
baptizati sunt Baptismo conservi, oportebat ut baptizarentur Baptismo domini;
qui autem baptizantur Baptismo domini, non opus habent Baptismo conservi. Lectio 22 [85995] Catena in Io., cap. 1 l. 22 Chrysostomus
in Ioannem. Quia Ioannes testatus est ita magnum quid quod sufficiens erat
auditores omnes stupefacere, puta quod totius orbis terrarum solus ipse
peccata tolleret, volens credibilius id facere, reduxit hoc ad Deum et
spiritum sanctum. Posset enim aliquis dicere Ioanni : qualiter igitur
tu cognovisti eum? Respondet quod per descensum spiritus sancti; unde
sequitur et testimonium perhibuit Ioannes, dicens : quia vidi spiritum
descendentem quasi columbam de caelo, et mansit super eum. Augustinus
de Trin. Non autem tunc unctus est Christus spiritu sancto quando super
eum baptizatum velut columba descendit : tunc enim corpus suum, scilicet
Ecclesiam suam, praefigurare dignatus est, in qua praecipue baptizati
accipiunt spiritum sanctum. Absurdissimum enim est ut credamus eum cum iam
triginta esset annorum (eius enim aetatis a Ioanne baptizatus est) accepisse
spiritum sanctum; sed venisse ad illud Baptisma, sicut sine ullo omnino
peccato, ita non sine spiritu sancto. Si enim de famulo eius et praecursore
ipso Ioanne scriptum est : spiritu sancto replebitur ab utero matris suae;
qui quamvis seminatus a patre, tamen spiritum sanctum in utero formatus
accepit : quid de homine Christo intelligendum est vel credendum, cuius
carnis ipsa conceptio non carnalis, sed spiritualis fuit? Augustinus de
agone Christiano. Non autem dicimus solum Christum verum corpus habuisse,
spiritum autem sanctum fallaciter apparuisse oculis hominum : sicut enim non
oportebat ut homines falleret filius Dei, sic nec spiritus sanctus. Sed
omnipotenti Deo, qui universam creaturam ex nihilo fabricavit, non erat
difficile verum corpus columbae sine aliarum columbarum ministerio figurare;
sicut ei non fuit difficile verum corpus in utero virginis sine virili semine
fabricare. Augustinus in Ioannem. Duobus autem modis ostendit
visibiliter dominus spiritum sanctum; per columbam super dominum baptizatum;
per ignem vero super discipulos congregatos : ibi simplicitas, hic fervor
ostenditur. Ergo ne spiritu sanctificati dolum habeant, in columba
demonstratum est; et ne simplicitas frigida remaneat, in igne demonstratum
est. Nec movet, quia linguae divisae sunt : noli
dissipationem timere, unitatem in columba cognosce. Sic ergo oportebat demonstrari
spiritum sanctum venientem super dominum, ut cognoscat unusquisque, si habeat
spiritum sanctum, simplicem se esse debere sicut columbam, et habere cum
fratribus veram pacem, quam significant oscula columbarum. Osculantur et
corvi, sed laniant; a laniatu innocens est natura columbarum : nam corvi de
morte pascuntur, columba nonnisi de frugibus terrae vivit. Si etiam gemunt
columbae in amore, nolite mirari, quia in columbae specie voluit demonstrari
spiritus sanctus; ipse enim interpellat pro nobis gemitibus inenarrabilibus. Non
autem spiritus sanctus in semetipso, sed in nobis gemit, quia gemere nos
facit. Qui enim novit in pressura se esse mortalitatis huius, peregrinari se
a domino, quamdiu propter hoc gemit, bene gemit : spiritus illum docuit gemere.
Multi autem gemunt, infelicitate terrena, vel quassati damnis, vel
aegritudine corporis praegravati; sed non columbae gemitu gemunt. Unde ergo
debuit demonstrari spiritus sanctus unitatem quamdam designans, nisi per
columbam, ut pacatae Ecclesiae diceretur : una est columba mea? Unde debuit
humilitas figurari nisi per avem simplicem et gementem? Apparuit ibi sancta
et vera Trinitas : pater in voce dicente : tu es filius meus dilectus;
spiritus sanctus in columba. In ista Trinitate missi sunt apostoli baptizare
in nomine patris et filii et spiritus sancti. Gregorius
Moralium. Dicit autem manentem super eum : in cunctis namque fidelibus
spiritus sanctus venit, sed in solo mediatore semper singulariter permanet :
quia eius humanitatem nunquam deseruit, ex cuius divinitate procedit. Sed cum
de eodem spiritu discipulis dicatur : apud vos manebit, quomodo singulare
signum erit quod in Christo permanet? Quod citius cognoscemus, si dona
spiritus discernamus. In his enim donis, sine quibus ad vitam perveniri non
potest, spiritus sanctus in electis omnibus semper permanet; ut sunt
mansuetudo, humilitas, fides, spes, caritas; in illis autem quibus per
ostensionem spiritus non nostra servatur vita, sed aliorum quaeritur, non
semper manet, sed aliquando se a signorum ostensionibus subtrahit, ut
humilius eius virtutes habeantur. Christus autem
in cunctis eum semper et continue habuit praesentem.
Chrysostomus in Ioannem. Ne autem aliquis aestimet spiritus Christum
indiguisse sicut et nos, hanc etiam destruit suspicionem, ostendens quod
spiritus sancti descensio solum pro manifestando Christo facta est; unde
sequitur et ego nesciebam eum; sed qui misit me baptizare in aqua, mihi dixit
: super quem videris spiritum descendentem et manentem super eum, hic est qui
baptizat in spiritu sancto. Augustinus in Ioannem. Quis autem
misit Ioannem? Si dicamus : pater, verum dicimus; si dicamus : filius, verum
dicimus. Manifestius autem est ut dicamus : pater et filius. Quomodo ergo
nesciebat eum a quo missus est? Si enim non noverat eum a quo voluit
baptizari, temere dicebat ego a te debeo baptizari. Noverat ergo eum : quid
ergo est quod dicit et ego nesciebam eum? Chrysostomus. Sed cum dicit
nesciebam eum, anterius tempus dicit, non tempus quod est prope Baptismum,
cum prohibebat eum, dicens ego a te debeo baptizari. Augustinus in
Ioannem. Sed legantur alii Evangelistae, qui planius illud dixerunt; et
inveniemus apertissime tunc descendisse columbam cum dominus ab aqua
ascendit. Si ergo post Baptisma descendit columba, et antequam baptizaretur
dixit illi Ioannes ego a te debeo baptizari; ante Baptismum illum noverat :
quomodo ergo dixit ego nesciebam eum; sed qui misit me baptizare? et cetera.
Hoc audivit Ioannes, ut nosceret eum quem non noverat, an forte ut plenius
nosset quem iam noverat? Noverat quidem dominum, noverat filium Dei, noverat
quia ipse baptizaret in spiritu sancto. Ante enim quam veniret ad fluvium
Christus, cum multi ad Ioannem concurrerent, ait illis qui post me venit,
maior me est : ipse vos baptizabit in spiritu sancto et igne. Sed quid? Non
noverat, potestatem Baptismi ipsum dominum habiturum et sibi retenturum (ne
Paulus aut Petrus diceret : Baptismus meus, sicut invenis dixisse :
Evangelium meum), sed ministerium plane transiturum in bonos et malos? Quid
tibi faciat malus minister, ubi bonus est dominus? Ecce post Ioannem
baptizatum est, post homicidam non est baptizatum : quia Ioannes dedit
Baptismum suum, homicida dedit Baptismum Christi; quod sacramentum tam
sanctum est ut nec homicida ministrante polluatur. Potuit autem dominus, si
vellet, potestatem dare alicui servo suo ut daret Baptismum suum tamquam vice
sua, et constituere tantam vim in Baptismate translato in servum, quantam vim
haberet Baptisma datum a domino. Hoc noluit ut in illo esset spes
baptizatorum a quo baptizatos se agnoscerent; et noluit servum ponere spem in
servo. Si autem daret hanc potestatem servis, tot essent Baptismata quot
essent servi; et quomodo dictum est Baptisma Ioannis, sic diceretur Baptisma
Petri vel Pauli. Per hanc ergo potestatem, quam solum sibi Christus retinuit,
stat unitas Ecclesiae, de qua dictum est : una est columba mea. Potest autem
fieri ut aliquis habeat Baptismum praeter columbam; ut prosit ei Baptismus
praeter columbam, non potest. Chrysostomus. Et quia pater vocem emisit
praedicans filium, superveniet spiritus sanctus vocem trahens super caput
Christi, ne quis praesentium existimaret dici de Ioanne quod dictum est de
Christo. Sed dicet aliquis : qualiter non crediderunt Iudaei, si viderunt
spiritum? Sed talia non solum indigent oculis corporis, sed magis visione
mentis. Si namque miracula facientem videntes, intantum ebrii erant a livore
ut contraria his quae videbantur, enuntiarent; qualiter solo adventu spiritus
sancti in specie columbae expulissent incredulitatem? Quidam vero dicunt, non
omnes vidisse spiritum, sed solum Ioannem, et eos qui devotius dispositi
erant. Etsi enim sensibilibus oculis possibile erat videre in specie columbae
spiritum descendentem; non tamen propter hoc necesse est omnibus hoc fuisse
manifestum. Etenim Zacharias in specie sensibili multa consideravit, et
Daniel, et Ezechiel; sed et Moyses multa vidit, qualia aliorum nullus : unde
subdit Ioannes et ego vidi, et testimonium perhibui, quia hic est filius Dei.
Agnum quidem eum vocaverat; et quoniam in spiritu baptizare debebat, dixit,
filium autem ante hoc nusquam. Augustinus in Ioannem. Oportebat enim
ut ille baptizaret qui est filius Dei unicus, non adoptatus. Adoptati filii
ministri sunt unici; unicus autem habet potestatem, adoptati ministerium. Lectio 23 [85996] Catena in Io., cap. 1 l. 23 Chrysostomus
in Ioannem. Quia multi his quae a principio Ioannes dicebat non
attendebant, secunda rursus eos excitat voce; unde dicitur altera die iterum
stabat Ioannes, et ex discipulis eius duo. Beda. Stabat quidem
Ioannes, quia illam virtutum arcem conscenderat, a qua nullis tentationum
posset improbitatibus deici : stabant cum illo discipuli, quia magisterium
illius corde sequebantur immobili. Chrysostomus. Sed quare non totum
mundum circuivit, in omni loco Iudaeae praedicans eum; sed stabat circa
flumen, expectans eum venire, ut ostenderet venientem? Quia scilicet per
opera Christi hoc fieri volebat. Vide etiam qualiter hoc maioris
aedificationis fuit : quia enim parvam immisit scintillam, repente flamma in altum
elevata est. Alter autem etsi circumiens hoc dixisset, videretur ex studio
quodam humano fieri quae fiebant, et suspicione plenum esset eius praeconium.
Igitur prophetae quidem et apostoli omnes absentem Christum praedicaverunt;
hi quidem ante praesentiam secundum carnem, illi vero post assumptionem :
unde ut ostendatur quod non voce solum, sed et oculis eum ostendebat,
subditur et respiciens Iesum ambulantem, dixit : ecce agnus Dei.
Theophylactus. Respiciens, inquit, quasi oculis innuens gratiam et admirationem
quam habebat in Christo. Augustinus in Ioannem. Ioannes quidem amicus
sponsi erat; non quaerebat gloriam suam, sed testimonium perhibebat veritati
: non enim voluit apud se remanere discipulos suos, ut non sequerentur
dominum; sed magis ostendit quem sequerentur, dicens ecce agnus Dei.
Chrysostomus. Non longum facit sermonem : quoniam unum solum in studio
habebat, adducere eos, et coniungere Christo : sciebat enim quoniam de
reliquo non indigerent eo testante. Non autem singulariter discipulis loquitur
de his Ioannes, sed eis publice cum omnibus : quia ex communi doctrina
suscipientes sequelam Christi, firmi de reliquo permanserunt, non propter
gratiam Christi sequentes eum, sed propter suum lucrum : et non facit
sermonem suum deprecativum, sed admiratur solum praesentem, et demonstrat eis
praeparationem propter quam venit, et modum praeparationis : agnus enim
utrumque insinuat : et dicit agnus, cum articuli adiectione, excellentiam
eius ostendens. Augustinus in Ioannem. Iste enim singulariter dicitur
agnus solus sine macula, sine peccato; non cuius maculae abstersae sunt, sed
cuius macula nulla fuerit : singulariter hic est agnus Dei, quia singulariter
huius agni sanguine solo homines redimi potuerunt. Hic est agnus quem lupi
timent, qui leonem occisus occidit. Beda. Ideo etiam agnum vocat, quia
dona sui velleris sponte largiturum, ex quo vestem nobis nuptialem facere
possumus, idest exempla vivendi nobis relicturum, praevidit, quibus in
dilectione calefieri deberemus. Alcuinus. Mystice autem stat Ioannes,
cessat lex, et venit Iesus, idest gratia Evangelii, cui ipsa lex perhibet
testimonium. Ambulat Iesus discipulos collecturus. Beda. Ambulatio
etiam Iesu dispensationem incarnationis, qua ad nos venire ac nobis exempla
vivendi praebere dignatus est, insinuat. Lectio 24 [85997] Catena in Io., cap. 1 l. 24 Alcuinus.
Ioanne
perhibente testimonium quia Iesus esset agnus Dei, discipuli qui prius erant
cum Ioanne, magistri imperium implentes, secuti sunt Iesum; unde dicitur et
audierunt eum duo discipuli loquentem, et secuti sunt Iesum. Chrysostomus
in Ioannem. Considera autem, quia quando dixit : post me veniens ante me
factus est, et quoniam non sum dignus solvere corrigiam calceamenti eius,
nullum cepit; sed quando de dispensatione locutus est, et ad humiliora
sermonem duxit dicens ecce agnus Dei, tunc secuti sunt eum discipuli. Multi
enim non ita adducuntur cum aliquid magnum et excelsum de Deo dicatur, sicut
cum benignum et amicum hominum audiunt, et aliquid ad salutem hominum
pertinens. Considerandum autem, quod Ioannes dicit ecce agnus Dei, et
Christus nihil loquitur : nam et sponsus cum silentio adest : alii eum
inducunt, et sponsam in manu eius ponunt; quam cum acceperit, de ea disponit.
Ita Christus venit copulaturus sibi Ecclesiam, nihil ipse dixit; sed accessit
solum amicus eius Ioannes, dexteram ei sponsae imposuit, per sermones suos
animas hominum in manus ei ponens; quos accipiens ita disposuit ut ultra ad
Ioannem non redirent. Sed aliud hic observandum est : sicut
enim in nuptiis non puella ad sponsum vadit, sed ipse ad eam festinat, ita
hic contingit : non enim in caelum ascendit hominum natura; sed ad eam filius
Dei accessit, et ad domum duxit paternam. Et quidem alii
discipuli Ioannis erant qui non solum secuti non sunt, sed et zelotype ad Christum
dispositi erant; qui autem meliores erant, simul audierunt et secuti sunt,
non quasi magistrum priorem contemnentes, sed ab eo persuasi, promittente
quod baptizaret in spiritu sancto Christus. Et vide discipulorum studium cum
verecundia fieri : neque enim mox ascendentes interrogaverunt Iesum de
necessariis et maximis rebus; neque publice, sed singulariter ei loqui
studuerunt; unde sequitur conversus autem Iesus, et videns eos sequentes se,
dicit eis : quid quaeritis? Hinc erudimur quia cum nos bene velle
inceperimus, tunc Deus dat nobis multas salutis occasiones. Interrogat autem,
non ut discat, sed ut per interrogationem magis eos familiares faciat, et
ampliorem fiduciam det, et ostendat eos auditione dignos.
Theophylactus. Vide autem quod sequentibus se dominus convertit faciem, et
respexit : quia nisi per bonam operationem ipsum secutus fueris, ad visionem
faciei eius numquam pertinges, neque ad domum eius poteris pervenire.
Alcuinus. Ergo illi discipuli tergum ipsius sequebantur ut viderent, et faciem
domini videre non poterant; ideo convertit se, et quodammodo de sua maiestate
descendit, ut possint discipuli faciem illius contemplari. Origenes. Forte
autem non frustra post sextum testimonium desinit Ioannes eos contestari, et
Iesus secundum septimum dicit quid quaeritis? Chrysostomus in Ioannem. Sed
illi non solum sequendo, sed interrogando amorem suum ad Christum
manifestaverunt; unde sequitur qui dixerunt ei : Rabbi (quod dicitur
interpretatum magister), ubi habitas? Nondum ab eo aliquid discentes,
magistrum eum vocant, ad discipulatum se impellentes, et causam ostendentes
propter quid sequebantur. Origenes. Congrua vero provectis ex Ioannis
testimonio prolatio depromens Christum doctorem, ac exprimens desiderare
habitaculum filii Dei contueri. Alcuinus. Nolunt enim transitorie uti
eius magisterio, sed inquirunt ubi maneat, ut et tunc in secreto verbis
illius imbui, et exinde saepius possent eum visitare et plenius instrui.
Mystice autem volunt sibi ostendi in quibus Christus habitet, ut eorum exemplo
se tales exhibeant in quibus velit habitare. Vel quod Iesum ambulantem
vident, et statim ubi maneat quaerunt, nos monet, ut cum incarnationem eius
ad mentem reducimus, sollicito corde eum rogemus ut mansionem aeterni
habitaculi nobis ostendat : unde quia videt bene petentes, libere eis sua
reserat arcana; unde sequitur dicit eis : venite et videte; quasi dicat :
habitaculum meum explicari non potest sermone, sed opere demonstratur. Venite
ergo credendo et operando, et videte intelligendo. Origenes. Vel
per hoc quod dicit venite, ad actionem invitat; per hoc autem quod dicit
videte, ad contemplationem. Chrysostomus. Christus autem non
dicit eis signa domus neque locum, sed attrahit eos ad sequendum. Non dixit :
non est tempus nunc, audietis cras, si quid vultis discere; sed ut ad amicos
et familiares loquitur. Qualiter ergo alibi ait : filius hominis non habet
ubi caput reclinet, hic autem dicit venite et videte ubi habito? Sed per hoc
quod dixit : non habet ubi caput suum reclinet demonstravit quod habitaculum
proprium non habebat, non quod in domo non maneret; sequitur enim venerunt,
et viderunt ubi maneret, et manserunt ibi die illo. Cuius autem gratia
manserunt non adiungit Evangelista, quia manifestum erat quod propter
doctrinam. Augustinus. Quam beatum autem diem duxerunt, quam beatam
noctem. Aedificemus ergo et nosmetipsi in corde nostro, et faciamus domum,
quo veniat ille et doceat nos. Theophylactus. Non frustra autem et
tempus notavit Evangelista, cum subdit hora autem erat quasi decima; ut tam
doctores quam discipulos erudiret, quod doctrina propter tempus non est
praetermittenda. Chrysostomus. Multum enim studium
demonstrabant ad audiendum, in eo quia neque ab hora aversi sunt, cum sol
esset ad occasum. Et multis quidem carni servientibus tempus quod est
post escas, non est aptum ad quippiam necessariorum, eo quod corpus escis
gravatur. Ioannes vero, cuius isti erant discipuli, non erat talis : sed cum
multo maiori sobrietate vespere degens quam nos mane. Augustinus.
Numerus etiam iste legem significat, quia in decem praeceptis data est
lex. Venerat autem tempus ut impleretur lex per dilectionem, quae a Iudaeis
impleri non poterat per timorem; unde et decima hora dominus audivit Rabbi :
magister enim legis non est nisi dator legis. Sequitur erat
autem Andreas frater Simonis Petri unus ex duobus qui audierant a Ioanne, et
secuti fuerant eum. Chrysostomus in Ioannem. Cuius autem gratia
alterius nomen non ponitur? Quidam dicunt, propterea quia hic qui scribit est
qui secutus est eum. Quidam vero dicunt, quod ille alius non insignis erat :
quae igitur utilitas si didicerimus nomen illius? Neque enim septuaginta
duorum discipulorum nomina Evangelista posuit. Alcuinus. Vel duo
discipuli qui secuti sunt Iesum, sunt Andreas et Philippus. Lectio 25 [85998] Catena in Io., cap. 1 l. 25 Chrysostomus
in Ioannem. Andreas quae a Iesu didicit non detinuit apud seipsum; sed festinat,
et currit cito ad fratrem, traditurus ei bona quae suscepit; unde dicitur
invenit hic primum fratrem suum Simonem, et dixit ei : invenimus Messiam
(quod est interpretatum Christus). Beda. Hoc est enim vere dominum
invenire, vera illius dilectione fervere, fraternae quoque salutis curam
gerere. Chrysostomus in Ioannem. Et quidem non dixerat Evangelista
quae Christus fuerat sequentibus se locutus; sed ex his quae hic dicuntur
licet addiscere. Quaecumque enim Andreas didicit, in brevi ostendit, magistri
virtutem, qui persuaserat eis, et eorum desiderium quod prius habuerant,
repraesentans : hoc enim verbum invenimus, est patientis pressuram propter
absentiam et exultantis postquam apparuit quod expectabatur. Augustinus
in Ioannem. Messias autem Hebraice, Graece Christus, Latine unctus dicitur
: chrisma enim unctio est : ille autem singulariter unctus est : unde omnes
Christiani unguntur, secundum quod in Psal. 44 dicitur : unxit te Deus Deus
tuus oleo exultationis prae participibus tuis : participes enim eius sunt
omnes sancti; sed ille est singulariter sanctus, et singulariter unctus.
Chrysostomus. Et ideo non dixit Messiam simpliciter, sed cum adiectione
articuli. Considera vero ex ipso principio obedientem Petri mentem :
confestim enim cucurrit nihil tardans; unde sequitur et adduxit eum ad Iesum.
Sed nullus facilitatem ei imponat, si non prius multa perquirens ita sermonem
suscepit; conveniens enim est, et fratrem diligentius ei dixisse hoc, et per
longa verba; sed Evangelistae ubique multa intermittunt, breviloquii curam
habentes. Aliter autem neque dictum est quoniam credidit simpliciter, sed
quoniam duxit eum ad Iesum, illum ei de quo dixerat traditurus, ut omnia ab
illo discat. Ipse autem dominus incipit revelare ea quae deitatis sunt, et
paulatim ea aperire praedicationibus. Non enim minus quam signa, prophetiae
adducunt : hoc enim est maxime opus Dei, quod neque imitari Daemones possunt
: nam in miraculis quidem et phantasia fit utique; futura autem praedicere
cum certitudine, illius solius incorruptibilis est naturae; unde sequitur
intuitus autem eum Iesus dixit : tu es Simon filius Ioanna; tu vocaberis
Cephas (quod interpretatur Petrus). Beda. Intuitus autem est eum non
exterioribus oculis solum, sed et aeterno divinitatis intuitu vidit cordis
eius simplicitatem, animi sublimitatem, cuius merito cunctae esset
praeferendus Ecclesiae. Neque autem in Petri vocabulo, quasi Hebraeo vel
Syro, aliam interpretationem quaerere oportet : quia idem est Graece et
Latine Petrus, quod Syriace Cephas; et in utraque lingua nomen a petra
derivatur. Vocatur autem Petrus ob firmitatem fidei, qua illi petrae adhaesit
de qua apostolus ait : petra autem erat Christus; qui sperantes in se ab
hostis insidiis reddit tutos, et spiritualium charismatum fluenta ministrat.
Augustinus in Ioannem. Non est autem magnum quia dominus dixit cuius
filius esset iste : omnia enim nomina sanctorum suorum sciebat, quos ante
constitutionem mundi praedestinavit. Illud autem magnum quia mutavit ei
nomen, et fecit de Simone Petrum. Petrus autem a petra; petra vero Ecclesia :
ergo in Petri nomine figurata est Ecclesia. Et quis securus est, nisi qui
aedificat supra petram? Intentum autem te fecit dominus : nam si antea Petrus
vocaretur, non ita videres mysterium petrae, et putares casu eum sic vocari,
non providentia Dei. Ideo eum voluit aliud prius vocari, ut ex ipsa
commutatione nominis, sacramenti vivacitas commendaretur. Chrysostomus. Ideo
etiam nomen mutavit, ut ostendat quia ipse est qui vetus testamentum dedit et
nomina transmutavit, qui Abram Abraham vocavit, et Sarai Saram, et Iacob
Israelem. Igitur multis quidem et a nativitate nomina imposuit, ut Isaac et
Samson; aliis autem post eam quae a progenitoribus est nuncupationem, ut
Petro et filiis Zebedaei : nam quibus quidem a prima aetate debebat virtus
clarescere, ex tunc nomina susceperunt; quibus autem postea debebat augeri,
postea nuncupatio posita est. Augustinus de Cons. Evang. Non autem
parva repugnantia potest putari si iuxta Iordanem, antequam Iesus isset in
Galilaeam, ad testimonium Ioannis Baptistae secuti sunt eum duo, quorum unus
erat Andreas, qui fratrem suum Simonem adduxit ad Iesum; quando et nomen ut
Petrus nominaretur accepit; cum ab aliis Evangelistis dicatur, quod eos in
Galilaea piscantes invenerit, atque ad discipulatum vocaverit : nisi quia
intelligendum est, non sic eos vidisse dominum iuxta Iordanem ut ei iam
inseparabiliter inhaererent; sed tantum cognovisse qui esset, eumque miratos
ad propria remeasse. Non autem quis arbitretur quod tunc Petrus nomen
accepit, ubi ait illi dominus : tu es Petrus, et super hanc petram aedificabo
Ecclesiam meam; sed ubi commemoratur ei dictum esse tu vocaberis Cephas (quod
interpretatur Petrus). Alcuinus. Vel aliter. Nondum imponit ei nomen,
sed praesignat quod postea fuit ei impositum, quando dixit ei Iesus : tu es
Petrus, et super hanc petram aedificabo Ecclesiam meam. Mutaturus autem nomen
Christus, voluit ostendere etiam nomen illud quod a parentibus datum erat,
non carere virtutis significatione. Simon enim obediens interpretatur, Ioanna
gratia, Iona columba; quasi dicat : tu es obediens, filius gratiae, vel
filius columbae, idest spiritus sancti : quia humilitatem de spiritu sancto
accepisti, ut vocante Andrea, videre me desiderares. Non enim dedignatus est
maior minorem sequi : quia non est ordo aetatis ubi est meritum fidei. Lectio 26 [85999] Catena in Io., cap. 1 l. 26 Chrysostomus
in Ioannem. Postquam accepit Christus hos discipulos, venit de reliquo ad
alios convertendum, scilicet Philippum et Nathanaelem; unde dicitur in
crastinum autem voluit exire in Galilaeam. Alcuinus. A Iudaea
scilicet, ubi erat Ioannes baptizans, deferens honorem Baptistae, ne videatur
magisterium eius minuere, dum adhuc statum habet. Vocaturus
etiam discipulum ad sequendum, voluit exire in Galilaeam, idest in
transmigrationem factam vel revelationem; ut sicut ipse proficiebat sapientia
et aetate et gratia apud Deum et homines, et sicut passus est et resurrexit,
et ita intravit in gloriam suam; sic etiam suos sequaces ostenderet et exire
et proficere in virtutibus, et per passiones ad gaudia transmigrare debere;
unde sequitur et invenit Philippum, et dicit ei Iesus : sequere me. Sequitur
qui imitatur humilitatem et passionem eius, ut sit socius resurrectionis et
ascensionis. Chrysostomus. Et vide quod antequam aliquis ei adhaereret, nullum
vocavit : nam si quidem nullo iam sponte adveniente attraxisset, fortassis
resiliissent : nunc autem a seipsis eligentes sequi dominum, firmi de reliquo
permanserunt. Philippum autem vocat, magis notum ei existentem, quia in
Galilaea nutritus erat. Sed unde Philippus secutus est Christum? Nam Andreas
quidem audiens a Ioanne Baptista, Petrus autem ab Andrea; hic autem a nullo
aliquid discens, solum dicente Christo ad eum sequere me, confestim persuasus
est. Conveniens est autem Philippum a Ioanne audientem sequi Christum, vel
etiam vocem Christi hoc operatam esse. Theophylactus. Non enim
simpliciter omnibus vox Christi dicebatur, sed fidelium interiora ad eius
inflammabat amorem : deinde quia in corde Philippi de Christo cogitatio
inerat, et in libris Moysi assidua lectio, ut expectaret Christum, statim cum
vidit, credidit. Forte autem ab Andrea et Petro de Christo aliquid didicit,
quia ex eadem patria erant; quod Evangelista videtur innuere per hoc quod
subdit erat autem Philippus a Bethsaida civitate Andreae et Petri.
Chrysostomus. Christus etiam hinc suam virtutem ostendit, quod a terra
nullum ferente fructum, nam a Galilaea propheta non surgit, inclytos
discipulos elegit. Alcuinus. Bethsaida etiam domus venatorum
interpretatur; quo nomine civitatis curavit Evangelista ostendere quales tunc
iam animo erant Philippus, Petrus et Andreas, et quales officio erant futuri,
idest capiendis ad vitam animabus intenti. Chrysostomus. Non solum
autem Philippus a Christo persuasus est, sed praeco aliis fit; unde sequitur
invenit Philippus Nathanael, et dicit ei : quem scripsit Moyses in lege et
prophetae, invenimus Iesum filium Ioseph a Nazareth. Vide qualiter sollicitam
mentem habebat, et continue meditabatur quae sunt Moysi, et expectabat
adventum Christi. Et quidem quod Christus debebat venire, noverat prius;
quoniam autem hic Christus erat, ignorabat. Dicit autem quem scripsit Moyses
et prophetae, credibilem faciens suam praedicationem, et ex hinc persuadens
auditorem quod circa legem et prophetas sollicitus erat, et omnia perscrutans
cum veritate ut et Christus testatus est. Si vero dicit filium Ioseph, ne
turberis : eius enim filius aestimabatur esse. Augustinus in Ioannem. Cui
scilicet desponsata erat mater eius : nam quod ea intacta conceptus et natus
sit, bene noverunt ex Evangelio omnes Christiani. Addit autem et locum : a
Nazareth. Theophylactus. Non quia in ea natus erat, sed nutritus.
Generatio enim eius multis erat incognita; sed quod in Nazareth esset
nutritus, cognitum erat. Et dixit ei Nathanael : a Nazareth potest aliquid
boni esse? Augustinus. Ambas pronuntiationes potest consequens vox
Philippi sequi : sive sic pronunties, tamquam confirmans : a Nazareth potest
aliquid boni esse : et ille dicat veni et vide; sive sicut dubitans, et totum
interrogans : a Nazareth potest aliquid boni esse? Veni et vide. Cum ergo
sive illo modo, sive isto pronuntietur, non repugnent verba sequentia,
nostrum est quaerere quid potius intelligamus in his verbis. Nathanael enim
doctissimus legis, cum audisset Philippum dicentem invenimus Iesum, audito a
Nazareth, erectus est in spem, et dixit a Nazareth potest aliquid boni esse.
Scrutatus enim erat Scripturas, et sciebat, quod non facile alii Scribae et
Pharisaei noverant, quia inde erat expectandus salvator. Alcuinus. Qui
singulariter sanctus est, innocens, impollutus; de quo propheta : exiet virga
de radice Iesse, et Nazaraeus (idest flos) de radice eius ascendet. Vel
potest hic versiculus sub dubitatione interrogative proferri.
Chrysostomus. Audiverat enim Nathanael a Scripturis quod a Bethlehem
oporteret Christum venire, secundum illud : et tu, Bethlehem terra Iuda, ex
te exiet dux qui regat populum meum Israel. Cum igitur audivit a Nazareth,
dubitavit, non inveniens convenire enuntiationem Philippi cum prophetica
praedicatione. Nazaraeum autem vocant prophetae ab educatione et
conversatione. Considera vero eius in inquirendo prudentiam et mansuetudinem
: non enim dixit : decipis me, Philippe; sed interrogat dicens a Nazareth
potest aliquid boni esse? Valde autem et Philippus prudens erat; non enim
interrogatus frangitur, sed immoratur, virum volens ducere ad Christum; unde
sequitur dicit ei Philippus : veni et vide. Trahit quidem eum ad Christum,
sciens de reliquo eum non contradicturum, si verba et doctrinam illius
gustaverit. Lectio 27 [86000] Catena in Io., cap. 1 l. 27 Chrysostomus
in Ioannem. Nathanael non suscipiendo ex Nazareth Christum esse, eam quae
illi erat circa Scripturas diligentiam ostendit; in non respuendo vero eum
qui annuntiaverat, multum desiderium quod habebat circa Christi praesentiam
monstravit. Sciebat enim quod poterat Philippus circa locum falli; unde
sequitur vidit Iesus Nathanael venientem ad se, et dicit de eo : ecce vere
Israelita, in quo dolus non est : quia nihil ad gratiam vel odium loquebatur.
Augustinus
in Ioannem. Vel aliter. Quid est in quo dolus non est? Forte non habebat
peccatum? Forte illi medicus non erat necessarius? Absit. Nemo sic natus est
ut medico illo non egeret. Dolus enim est cum aliud agitur, et aliud fingitur
: quo modo ergo in illo dolus non erat, si peccator est? Fatetur se
peccatorem; si enim peccator est et iustum se dicit, dolus est in ore ipsius.
Ergo in Nathanaele confessionem peccati laudavit, non indicavit non esse
peccatorem. Theophylactus. Sed Nathanael laudatus non acquievit
extemplo, sed expectavit, adhuc volens aliquid manifestius discere; et
interrogat; sequitur enim dicit ei Nathanael : unde me nosti?
Chrysostomus. Ipse quidem igitur ut homo investigabat, Iesus autem ut Deus
respondebat : sequitur enim respondit Iesus et dixit ei : priusquam te
Philippus vocaret, cum esses sub ficu, vidi te : non ut homo eum intuens, sed
ut Deus desuper cognoscens. Vidi, inquit, te, idest morum tuorum
mansuetudinem. Dicit autem cum esses sub ficu : quoniam nullus ibi erat, sed
soli Philippus et Nathanael singulariter loquebantur : propter hoc dictum est
quod videns eum a longe dixit ecce vere Israelita; ut scires quoniam antequam
appropinquaret Philippus, haec loquebatur Christus, et insuspicabile fiat
Christi testimonium. Noluit autem Christus dicere : non sum ex Nazareth, ut
annuntiavit tibi Philippus; sed ex Bethlehem, ut non faceret altercabilem
sermonem; neque etiam per hoc dedisset argumentum sufficiens quod ipse esset
Christus; sed ostendit se Christum per hoc quod praesens erat loquentibus
illis. Augustinus. Quaerendum est enim an aliquid significet arbor
fici. Invenimus arborem fici maledictam, quia sola folia habuit, et fructu
caruit. In origine humani generis Adam et Eva, cum peccavissent, de foliis
ficus subcinctoria sibi fecerunt. Folia ergo ficulneae intelliguntur peccata.
Erat autem Nathanael sub arbore fici, tamquam sub umbra mortis; ac si dominus
ei dicat : o Israel, sine dolo quisquis es, o popule Iudaeus ex fide,
antequam te per apostolos meos vocarem, et cum esses sub umbra mortis, et tu
me non videres, ego te vidi. Gregorius Moralium. Vel cum esses sub
ficu, vidi te; idest, positum te sub umbra legis elegi. Augustinus de
Verb. Dom. Recordatus est autem Nathanael se fuisse sub ficu ubi non erat
Christus praesentia corporali, sed scientia spirituali; et quia sciebat se
solum fuisse sub ficu, agnovit in illo divinitatem. Chrysostomus in
Ioannem. Sic ergo ab hac praedicatione, et ab eo quod mentem scrutatus est
eius, et quia cum adversus eum dicere videretur, non culpavit, sed laudavit,
cognovit quoniam vere est Christus; unde sequitur respondit ei Nathanael, et
ait : Rabbi, tu es filius Dei, tu es rex Israel; quasi dicat : tu es qui
expectabaris, tu es qui quaerebaris. Quia enim argumentum inaltercabile
suscepit, venit ad confessionem, et in mora priori diligentiam ostendens, et
in posteriori confessione devotionem. Multi autem legentium sermonem hunc
anxiantur : Petrus enim qui post miracula et doctrinam confessus est, quoniam
filius est Dei, beatificatur, ut a patre revelationem iam suscipiens;
Nathanael autem ante signa et doctrinam hoc dicens, nihil tale audivit. Est
igitur huius causa, quoniam verba quidem eadem locutus est Petrus et
Nathanael, non autem eadem mente; sed Petrus quidem confessus est filium Dei
ut Deum verum; hic autem ut hominem nudum; dicens enim ei tu es filius Dei,
induxit tu es rex Israel; Dei autem filius non Israelis est rex solum, sed et
orbis terrarum universi. Hoc etiam manifestum est ex his quae consequuntur.
Nam Petro nihil postea addidit Christus : sed quasi perfecta eius existente
fide, Ecclesiam se dixit in confessione illius fabricaturum esse. Nathanael
autem, quasi multa parte et maiori confessionis deficiente, ad maiora
educitur; nam sequitur et dixit ei : quia dixi tibi : vidi te sub ficu,
credis : maius his videbis; quasi dicat : magnum tibi visum est hoc esse quod
dixi, et propterea me regem Israelis confessus es : quid igitur dices cum
maius videbis? Et quid sit istud maius, ostendit subdens et dicit eis : amen,
amen dico vobis, videbitis caelum apertum, et Angelos Dei ascendentes et
descendentes super filium hominis. Vide qualiter paulatim eum a terra
abducit, et facit quod non ultra aestimet Christum esse hominem solum : cui
enim Angeli ministrant, qualiter hic homo purus esset? Per hoc igitur suadet
Angelorum se esse dominatorem : sicut enim in proprium regis filium
descenderunt et ascenderunt in eum ministri regales; hoc quidem in tempore
crucis, hoc vero in tempore resurrectionis et ascensionis; sed et ante hoc,
quando accesserunt et ministrabant ei, et quando evangelizabant eius
nativitatem. Futurum vero a praeterito probavit; qui enim in praeteritis
virtutem eius agnoverat, et de futuris audiens facilius suscepit.
Augustinus de Verb. Dom. Recolamus autem veterem historiam, quando Iacob
in somniis vidit scalam a terra pertingentem usque in caelum, et dominus
incumbebat super eam, et Angeli ascendebant et descendebant per eam. Denique
ipse Iacob quia intellexit quid viderit, posuit lapidem et fudit oleum : dum
unxit lapidem Iacob, numquid idolum fecit? Significavit, non adoravit.
Agnoscitis chrisma, agnoscite et Christum. Ipse est lapis quem reprobaverunt
aedificantes. Si ergo Iacob vidit scalam, qui est Israel appellatus, et
Nathanael iste vere Israelita erat; convenienter somnium Iacob dominus dixit
ei; quasi dicat : cuius nomine te appellavi, ipsius somnium in te apparuit :
videbis enim caelum apertum, et Angelos Dei ascendentes et descendentes super
filium hominis. Si autem ad illum descendunt, et ad illum ascendunt, et
sursum est, et hic est : sursum in se, deorsum in suis. Augustinus in
Ioannem. Sunt autem Angeli Dei boni praedicatores praedicantes Christum;
hoc est super filium hominis ascendunt et descendunt, sicut Paulus, qui
ascenderat usque ad tertium caelum, descendit usque ad lac potum parvulis
dandum. Dixit autem maius his videbis; quia plus est quod nos dominus vocatos
iustificavit, quam quod vidit iacentes sub umbra mortis. Quid enim nobis
proderat, si ibi mansissemus ubi nos vidit? Quaeritur autem quare Nathanael,
cui tantum testimonium perhibuit filius Dei, inter duodecim apostolos non
invenitur? Intelligere autem debemus, ipsum eruditum fuisse et peritum legis
: propterea noluit illum dominus inter discipulos ponere, quia idiotas
elegit, unde confunderet mundum. Volens enim
superborum frangere cervices, non quaesivit per oratorem piscatorem; sed de
piscatore lucratus est imperatorem. Magnus Cyprianus orator; sed prius Petrus
piscator; per quem postea crederet non tantum orator, sed etiam imperator. |
CHAPITRE
PREMIER.
Verset 1.
Au commencement était le Verbe. S. Jean Chrysostome : (hom. 3 sur S. Jean). Tandis que tous les
autres Evangélistes commencent par l'incarnation du Sauveur, saint Jean, sans
s'arrêter à sa conception, à sa naissance, à son éducation, aux progrès
successifs de ses premières années, raconte immédiatement en ces termes la
génération éternelle : « Au commencement était le Verbe. » — S. Augustin : (Liv. des 83 quest). Le
mot grec λόγος signifie également en latin raison et
verbe, mais ici la signification de verbe est préférable, parce qu'elle
exprime mieux les rapports, non-seulement avec le Père, mais avec les
créatures qui ont été faites par la puissance opérative du Verbe. La raison,
au contraire, même quand elle n'agit pas, s'appelle toujours raison. S. Augustin : (Traité 3 sur S. Jean). L'usage journalier
de la parole, lui fait perdre de son prix à nos yeux, et nous en faisons peu
de cas, à cause de la nature passagère du son dont elle est revêtue. Or, il
est une parole dans l'homme lui-même qui reste dans l'intérieur de son âme,
car le son est produit par la bouche. La parole véritable, à laquelle
convient particulièrement ce nom, est celle que le son vous fait entendre,
mais ce n'est pas le son lui-même.— S.
Augustin : (de la Trinité, 15, 10). Celui qui peut comprendre la parole
non-seulement avant que le son de la voix la rende sensible, mais avant même
que l'image des sons se présente à la pensée, peut voir déjà dans ce miroir
et sous cette image obscure quelque ressemblance du Verbe dont il est dit : «
Au commencement était le Verbe. » En effet, lorsque nous énonçons ce que nous
savons, le verbe doit nécessairement naître de la science que nous possédons,
et ce verbe doit être de même nature que la science dont il est l'expression.
La pensée qui naît de ce que nous savons est un verbe qui nous instruit
intérieurement, et ce verbe n'est ni grec, ni latin, il n'appartient à aucune
langue. Mais lorsque nous voulons le produire au dehors, nous sommes obligés
d'employer un signe qui eu soit l'expression. Le verbe qui se fait entendre
an dehors est donc le signe de ce verbe qui demeure caché à l'intérieur, et
auquel convient bien plus justement le nom de verbe. Car ce qui sort de la
bouche, c'est la voix du verbe, et on ne lui donne le nom de verbe ou de
parole, que par son union avec la parole intérieure, qui est son unique
raison d'être. S. Basile de Césarée : (hom. sur ces par). Le Verbe dont parle ici
l'Evangéliste n'est pas un verbe humain; comment, en effet, supposer au
commencement l'existence du verbe humain, alors que l'homme fut créé le
dernier de tous les êtres ? Ce Verbe qui était au commencement, n'est donc
point le verbe humain, ce n'est point non plus le verbe des anges; car toute
créature est postérieure à l'origine des siècles, et a reçu du Créateur le
principe de son existence. Elevez-vous donc ici à la hauteur de
l'Evangéliste, c'est le Fils unique qu'il appelle le Verbe. S. Jean Chrysostome : (hom. 2 sur S. Jean). Mais pourquoi saint
Jean nous parle-t-il immédiatement du Fils, sans rien dire du Père ? C'est
que le Père était connu de tous les hommes, sinon comme Père, du moins comme
Dieu; le Fils unique, au contraire, n'était pas connu. Voilà pourquoi l'Evangéliste
s'applique dès le commencement à en donner la connaissance à ceux qui ne
l'avaient pas. Disons plus, le Père lui-même est compris dans tout ce qu'il
dit du Fils. C'est pour cette raison qu'il lui donne le nom de Verbe. Il veut
enseigner que le Verbe est le Fils unique de Dieu, il détruit donc par avance
toute idée d'une génération charnelle, en montrant que ce Verbe a été
engendré de Dieu d'une manière incorruptible. Une seconde raison pour
laquelle il lui donne ce nom, c'est que le Fils de Dieu devait nous faire
connaître ce qui concerne le Père. Aussi ne l'appelle-t-il pas simplement
Verbe, mais il le distingue de tous les autres verbes, en ajoutant l'article.
L'Ecriture a coutume d'appeler verbe ou parole les lois et les commandements
de Dieu; mais le Verbe dont il est ici question est une substance, une
personne, un être qui est né du Père par une naissance exempte de corruption
et de douleur. S. Basile de Césarée : (hom. précéd). Mais pourquoi est-il le Verbe
? parce que sa naissance est sans douleur, parce qu'il est l'image de celui
qui l'a engendré, qu'il le reproduit tout entier en lui-même, sans aucune
division, et en possédant comme lui toute perfection. — S. Augustin : (de la Trin., 15, 13). De même qu'il existe une
grande différence entre notre science et celle de Dieu, le verbe qui est le
produit de notre science est aussi bien différent du Verbe de Dieu qui est né
de l'essence même du Père; comme si je disais qu'il est né de la science du
Père, de la sagesse du Père, ou ce qui est plus expressif encore, du Père,
qui est science, du Père, qui est sagesse. Le Verbe de Dieu, Fils unique du
Père, est donc semblable et égal à son Père en toutes choses; car il est tout
ce qu'est le Père, il n'est cependant pas le Père, parce que l'un est le Fils,
et l'autre le Père. Le Fils connaît tout ce que connaît le Père, puisqu'il
reçoit du Père la connaissance en même temps que l'être. Connaître et exister
sont ici une seule et même chose; et ainsi le Fils n'est point pour le Père
le principe de la connaissance, parce qu'il n'est pas pour lui le principe de
l'existence. C'est donc en s'énonçant lui-même, que le Père a engendré le
Verbe qui lui est égal en toutes choses; car il ne se serait pas énoncé dans
toute son intégrité et dans toute sa perfection, si son Verbe lui était
inférieur ou supérieur en quelque chose. N'hésitons pas à considérer quelle
distance sépare de ce Verbe divin notre verbe intérieur, dans lequel nous
trouvons cependant quelque analogie avec lui. Le verbe de notre intelligence
ne reçoit pas immédiatement sa forme définitive, c'est d'abord une idée vague
qui s'agite dans l'intérieur de notre âme, et qui est le produit des
différentes pensées qui se présentent successivement à notre esprit. Le verbe
véritable n'existe, que lorsque de ces pensées qui s'agitent et se succèdent
dans notre âme, naît la connaissance qui donne à son tour naissance au verbe,
et ce verbe ressemble en tout à cette connaissance; car la pensée doit
nécessairement avoir la même nature que la connaissance dont elle est le
produit. Qui ne voit quelle différence extrême dans le Verbe de Dieu, qui
possède la forme et la nature de Dieu sans l'avoir acquise par ces divers
essais de formation, sans qu'il puisse jamais la perdre, et qui est l'image
simple et consubstantielle du Père ? C'est la raison pour laquelle
l'Evangéliste l'appelle le Verbe de Dieu, plutôt que la pensée de Dieu; il ne
veut pas qu'on puisse supposer en Dieu une chose qui soit soumise au
changement, ou au progrès du temps; qui commence à prendre une forme qu'elle
n'avait pas auparavant, et qu'elle peut perdre un moment après en retombant
dans les vagues agitations de l'intelligence. — S. Augustin : (serm. 38 sur les par. du Seig). C'est qu'en effet
le Verbe de Dieu est la forme qui n'a jamais été soumise à la formation,
c'est la forme de toutes les formes, la forme immuable, exempte de
vicissitudes, de décroissance, de toute succession, de toute étendue
mesurable, la forme qui surpasse toutes choses, qui existe en toutes choses,
qui est le fondement sur lequel reposent toutes choses, et le faîte qui les
couvre et les domine. S. Basile de Césarée : (hom. précéd). Notre verbe extérieur a
quelque ressemblance avec le Verbe de Dieu. Notre verbe, en effet, reproduit
la conception de notre esprit, car nous exprimons par la parole ce que notre
intelligence a préalablement conçu. Notre cœur est comme une source, et la
parole que nous prononçons est comme le ruisseau qui sort de cette source. S. Jean Chrysostome : (hom. précéd). Remarquez ici la prudence
spirituelle de l'Evangéliste. Il savait que les hommes avaient de tout temps
rendu des honneurs divins à l'être qu'ils reconnaissaient exister avant
toutes les créatures et qu'ils appelaient Dieu. C'est donc par cet être qu'il
commence en lui donnant le nom de principe, et bientôt celui de Dieu : « Dans
le principe était le Verbe. » — Origène
: Ce nom de principe ou de commencement a plusieurs significations. Il
peut signifier le commencement d'un chemin ou d'une longueur quelconque,
comme dans ces paroles : « Le commencement de la bonne voie est de faire la
justice. » (Pr 16, 5). Il signifie encore le principe ou commencement de la
génération, comme dans ces paroles du livre de Job : « Il est le commencement
des créatures de Dieu; et l'on peut, sans rien dire d'extraordinaire,
affirmer que Dieu est le commencement ou le principe de toutes choses. Pour
ceux qui regardent la matière comme éternelle et incréée, elle est le
principe de tous les êtres qui ont été tirés de cette matière préexistante.
Le mot principe a encore une signification plus particulière, comme lorsque
saint Paul dit que le Christ est le principe de ceux qui ont été faits à
l'image de Dieu. (Col 1) Il y a encore le commencement ou le principe de la
discipline et de la morale chrétienne, et c'est dans ce sens que le même
Apôtre dit aux Hébreux : « Lorsqu'on raison du temps, vous devriez être
maîtres, vous avez encore besoin qu'on vous enseigne les premiers
commencements do la parole de Dieu. » (Hé 5, 12). Le mot principe a lui-même
deux sens différents, il y a le principe considéré dans ses rapports avec
nous. Ainsi le Christ est par nature le principe de la sagesse, on tant qu'il
est la sagesse et le Verbe de Dieu; et il est pour nous ce môme principe en
tant que Verbe fait chair. Parmi tontes ces significations différentes du mot
principe, nous pouvons choisir ici celle qui exprime le principe agissant;
car le Christ créateur est comme le principe en tant qu'il est la sagesse, et
le Verbe dans le principe, est la même chose que le Verbe dans la sagesse; car
le Sauveur est la source d'une infinité de biens. De même donc que la vie
était dans le Verbe, ainsi le Verbe était dans le principe, c'est-à-dire dans
la sagesse. Considèrez, si d'après cette signification, il est possible
d'entendre le principe, dans ce sens que c'est suivant les règles de cette
sagesse, et les idées exemplaires qu'elle renferme, que toutes choses ont été
faites. Ou bien encore, comme le Père est le principe du Fils, le principe
des créatures et de tous les êtres, il faut entendre ces paroles : « Dans le
principe était le Verbe, » dans ce sens que le Verbe qui était le Fils, était
dans le principe, c'est-à-dire dans le Père. — S. AUG, (de la Trin., 6, 2).
Ou bien encore, ces paroles : « Au commencement, » dans le principe,
signifient : « Avant toutes choses. » — S.
Basile de Césarée : (hom. précéd). Le Saint-Esprit a prévu que des
envieux et les détracteurs de la gloire du Fils unique chercheraient à
détruire par leurs sophismes la foi des fidèles en disant : S'il a été
engendré, on ne peut pas dire qu'il était, et avant d'être engendré, il
n'était pas. C'est pour fermer par avance la bouche à ces blasphémateurs, que
l'Esprit saint dit : « Au commencement était le Verbe. » S. Hilaire : (de la Trin., 2). Tous les temps sont
dépassés, tous les siècles sont franchis, toutes les années disparaissent;
imaginez tel principe que vous voudrez, vous ne pouvez circonscrire celui-ci
dans les limites du temps, il existait avant tout les temps. S. Jean Chrysostome : (hom. 2 sur S. Jean). Lorsqu'un homme monte
sur un navire, tant qu'il est près du rivage, il voit se dérouler devant lui
les ports et les cités, mais dès qu'il est avancé en pleine mer, il perd de
vue ces premiers objets, sans que ses yeux puissent s'arrêter sur aucun
point. Ainsi l'Evangéliste, en nous élevant au-dessus de toutes les
créatures, laisse notre regard comme suspendu et sans objet, et ne lui permet
d'entrevoir ni aucunes bornes dans les hautes régions où il l'a transporté,
ni aucunes limites où il puisse se fixer, car ces paroles : « Au
commencement, » expriment à la fois l'Etre infini et éternel. S. Augustin : (serm. 38 sur les par. du Seign). On fait
cette objection : S'il est Fils, donc il est né. Nous l'avouons. Ils ajoutent
: S'il est né un Fils au Père, il était Père avant la naissance de son Fils.
La foi rejette cette conclusion. Mais, poursuit-on, expliquez-moi donc
comment le Père a pu avoir un Fils, qui fut coéternel au Père dont il est né,
car le fils naît après son père pour lui succéder après sa mort. Ils vont
chercher leurs comparaisons dans les créatures, il nous faut donc aussi
trouver des comparaisons à l'appui des vérités que nous défendons. Mais
comment pouvoir trouver dans toute la création un être coéternel, alors
qu'aucune créature n'est éternelle ? Si nous pouvions trouver ici-bas deux
êtres absolument contemporains, l'un qui engendre, l'autre qui est engendré,
nous pourrions avoir une idée de l'éternité simultanée du Père et du Fils. La
sagesse nous est représentée dans l'Ecriture comme l'éclat de la lumière éternelle
et comme l'image du Père. Cherchons dans ces deux termes une comparaison qui,
à l'aide de deux choses existant simultanément, puisse nous donner l'idée de
deux êtres coéternels. Personne n'ignore que l'éclat de la lumière vient du
feu; supposons donc que le feu est le père de cet éclat, dès que j'allume une
lampe, le feu et la lumière existent simultanément. Donnez-moi du feu sans
lumière, et je vous concéderai que le Père n'a point eu de Fils. L'image doit
son existence au miroir, cette image se produit dès qu'un homme se regarde
dans un miroir, mais celui qui se regarde dans un miroir existait avant de
s'en approcher. Prenons encore comme objet de comparaison une plante on un
arbuste nés sur le bord des eaux, est-ce que leur image ne naît pas simultanément
avec eux ? Si donc cet arbuste existait toujours, l'image de l'arbuste aurait
la même durée. Or, ce qui vient d'un être est vraiment né de lui; l'être qui
a engendré peut donc toujours avoir existé avec celui qui est né de lui. Mais
on me dira : Je comprends que le Père soit éternel, et que le Fils lui soit
coéternel, mais de la même manière que je comprends l'éclat du feu moins
brillant que le feu lui-même, ou comme l'image de l'arbuste qui se produit
dans les eaux, moins réelle et moins parfaite que l'arbuste lui-même. Non,
l'égalité est parfaite et absolue. Je ne le crois point, me réplique-t-on,
parce que vos comparaisons ne sont pas justes. Peut-être, cependant,
trouverons-nous dans les créatures des choses qui nous feront comprendre
comment le Fils est coéternel au Père, sans lui être inférieur, mais ce ne
sera pas dans un seul objet de comparaison. Joignons donc ensemble deux
comparaisons différentes, celle qu'ils donnent eux-mêmes et celle que nous
apportons. Ils ont emprunté leur comparaison aux êtres qui sont postérieurs
par le temps à ceux qui leur donnent naissance, par exemple, à l'homme qui
naît d'un autre homme; mais cependant ces deux hommes ont une même nature.
Nous trouvons donc dans cette naissance l'égalité de nature, mais nous n'y trouvons
pas l'égalité d'existence. Au contraire, dans cette autre comparaison
empruntée à l'éclat du feu et à l'image de l'arbuste, vous ne trouvez pas
l'égalité de nature, mais l'égalité de temps. Vous trouvez donc réunies en
Dieu les propriétés qui sont disséminées dans plusieurs créatures, et vous
les trouvez réunies, non pas comme elles sont dans les créatures, mais avec
la perfection qui convient au Créateur. actes du concile d'ephèse. L'Ecriture appelle le Fils, tantôt le Fils
du Père, tantôt le Verbe, tantôt l'éclat de la lumière éternelle, et elle
emploie tour à tour ces divers noms en parlant du Christ, pour les opposer
aux blasphèmes de l'hérésie. Votre fils est de même nature que vous;
l'Ecriture, pour vous montrer que le Père et le Fils ont une même nature,
appelle le Fils, qui est né du Père, son Fils unique. Mais comme la naissance
d'un fils rappelle l'idée de souffrance et de douleur qui accompagnent
inséparablement la génération humaine, la sainte Ecriture appelle le Fils de
Dieu le Verbe, pour éloigner toute idée de souffrance de la génération
divine. Et encore, tout père est incontestablement plus âgé que son fils,
mais il n'en est pas de même pour la nature divine, et c'est pour cela
qu'elle appelle le Fils unique du Père, l'éclat de la lumière éternelle. En
effet, la lumière naît du soleil, mais elle ne lui est point postérieure. Le
nom d'éclat de la lumière éternelle vous montre donc que le Fils est
coéternel au Père, le nom de Verbe vous prouve l'impassibilité de sa
naissance, et le nom de Fils, sa consubstantialité avec le Père. S. Jean Chrysostome : (hom. 2 sur S. Jean). On objecte encore :
Ces paroles : « Au commencement, » ne signifient pas simplement et
nécessairement l'éternité, car n'est-il pas dit de la création du ciel et de
la terre : « Au commencement, Dieu fit le ciel et la terre ? » Mais qu'a de
commun cette expression : « Il était, » avec cette autre : « Il fit ? »
Lorsqu'on dit d'un homme : « Il est » cette expression marque le temps
présent; lorsqu'on l'applique à Dieu, elle signifie celui qui existe toujours
et de toute éternité. De même l'expression : « Il était, » appliquée à notre
nature, signifie le temps passé, mais lorsqu'il s'agit de Dieu, elle exprime
son éternité. — Origène : (hom. 2.
sur div. sujets). Le verbe être a une double signification, tantôt il exprime
les différentes successions de temps, lorsqu'il se conjugue avec d'autres
verbes; tantôt il exprime la nature de la chose dont on parle sans aucune
succession de temps, c'est pour cela qu'il est appelé verbe substantif. — S. Hilaire : (De la Trin., 2). Jetez
donc un regard sur le monde, comprenez ce qui est écrit du monde : « Au
commencement Dieu créa le ciel et la terre. » Ce qui est créé reçoit donc
l'existence au commencement, et ce qui se trouve renfermé dans le principe
qui lui donne l'existence se trouve également renfermé dans les limites du
temps. Or, ce simple pécheur, sans lettres, sans science, s'affranchit des
bornes du temps, remonte avant tous les siècles et s'élève au-dessus de tout
commencement. Car ce qui était, c'est ce qui est, ce qui n'est circonscrit
par aucune durée, et qui était au commencement ce qu'il est, bien plutôt
qu'il n'était fait. — Alcuin : C'est
donc contre ceux qui alléguaient la naissance temporelle du Christ, pour
enseigner qu'il n'avait pas toujours existé, que l'Evangéliste commence son
récit par l'éternité du Verbe : « Au commencement était le Verbe. » Et le Verbe était en Dieu. S. Jean Chrysostome : (hom. 2 sur S. Jean). C'est surtout le
propre de Dieu d'être éternel et sans commencement, c'est ce que
l'Evangéliste a établi tout d'abord, mais de peur qu'on ne vînt à conclure de
ces paroles : « Au commencement était le Verbe, » que le Verbe n'a pas été
engendré, il ajoute aussitôt pour repousser cette idée : « Et le Verbe était
en Dieu. » — S. Hilaire : (De la
Trin., 2). Il est dans le Père sans aucun commencement, il n'est point soumis
à la succession du temps, mais il a un principe de son existence. — S. Basile de Césarée : (hom. précéd).
Il s'exprime encore de la sorte contre ceux qui osaient blasphémer que le
Verbe n'était pas. Où donc était le Verbe ? Il n'était pas dans un lieu, car
ce qui ne peut être circonscrit, ne peut être soumis aux lois de l'espace.
Mais où était-il donc ? Il était en Dieu. Or, ni le Père, ni le Fils, ne
peuvent être contenus dans aucun espace. Origène : Il est utile de faire remarquer que nous
lisons dans l'Ecriture, que le verbe ou la parole a été faite ou adressée à
quelques-uns, par exemple à Osée, à Isaïe, à Jérémie; mais le Verbe n'est pas
fait en Dieu comme une chose qui n'existe pas en lui. C’est donc d’un être
qui est éternellement en lui, que l'Evangéliste dit : « Et le Verbe était
avec Dieu, » paroles qui prouvent que, même au commencement le Fils n'a
jamais été séparé du Père. — S. Jean Chrysostome
: (hom. 3 sur S. Jean). Il ne dit pas : Il était en Dieu, mais : « Il
était avec Dieu, » nous montrant ainsi son éternité comme personne distincte.
— Théophylactus : L’erreur de
Sabellius se trouve détruite par ces paroles. Cet hérétique enseignait que le
Père, le Fils et le Saint-Esprit ne formaient qu’une seule personne, qui se
manifestait tantôt comme le Père, tantôt comme le Fils, et tantôt comme le
Saint-Esprit; mais quoi de plus fort pour le confondre que ces paroles : « Et
le Verbe était en Dieu ? » car l’Evangéliste déclare ouvertement que le Fils
est différent du Père, qu il désigne ici par le nom de Dieu. Et le Verbe était Dieu. S. Hilaire : (De la Trin., 2). Vous me direz : Le Verbe,
c'est le son de la voix l'énoncé des choses, l'expression des pensées. Le
Verbe était dans le principe avec Dieu, parce que la parole, expression de la
pensée, est éternelle, lorsque celui qui pense est éternel lui-même. Mais
comment le Verbe était-il au commencement, lui qui n'est ni avant, ni après
le temps; je ne sais même s'il peut exister dans le temps ? Lorsque les
hommes parlent, leur parole n'existe pas avant qu'ils ouvrent la bouche, et
lorsqu'ils ont fini de parler, elle n'existe plus; au moment même où ils
arrivent à la fin de leurs discours, le commencement a cessé d'exister; Mais
si vous avez admis, tout ignorant que vous êtes, ces premières paroles : « Au
commencement était le Verbe, » pourquoi demander ce que signifient les
suivantes : « Et le Verbe était avec Dieu. » Est-ce que vous pouviez supposer
qu'en Dieu le Verbe était l'expression d'une pensée cachée, ou bien Jean
aurait-il ignoré la différence qui existe entre ces deux termes : Etre et
assister ? Ce qui était au commencement vous est présenté comme étant, non
pas dans un autre, mais avec un autre. Faites donc attention au nom et à la
nature qu'il donne au Verbe : « Et le Verbe était Dieu. » Il n'est plus
question du son de la voix, de l'expression de la pensée; ce verbe est un
être subsistant et non pas un son, c'est une substance, une nature et non une
simple expression, ce n'est pas une chose vaine, c'est un Dieu. — S. Hilaire : (De la Trin., 7).
L'Evangéliste lui donne le nom de Dieu sans aucune addition étrangère qui
puisse être matière à difficulté. Il a bien été dit à Moïse : « Je t'ai
établi le dieu de Pharaon. » (Ex 7, 1). Mais on voit immédiatement la raison
de cette dénomination dans le mol qui l'accompagne : « de Pharaon, »
c'est-à-dire, que Moïse a été établi le dieu de Pharaon, pour s'en faire
craindre et prier, pour le châtier et pour le guérir; mais il y a une grande
différence entre ces deux choses : Etre établi le dieu de quelqu'un et être
véritablement Dieu. Je me rappelle encore un autre endroit des Ecritures où
nous lisons : « J'ai dit : Vous êtes des dieux. » (Ps 81) Mais il est facile
de voir que ce nom n'est donné ici que par simple concession; et ces paroles
: « J'ai dit, » expriment bien plutôt une manière de parler que la réalité du
nom qui est donné. Au contraire, lorsque j'entends ces paroles : « Et le
Verbe était Dieu; » je comprends que ce n'est point une simple dénomination,
mais une véritable démonstration de sa divinité. S. Basile de Césarée : (homél. précéd). C'est ainsi que
l'Evangéliste réprime les calomnies et les blasphèmes de ceux qui osent
demander : Qu'est-ce que le Verbe ? Il répond : « Et le Verbe était Dieu. » —
Théophylactus : On peut encore
donner une autre liaison de ces paroles avec ce qui précède. Puisque le Verbe
était avec Dieu, il est évident qu'il y avait deux personnes distinctes,
n'ayant toutes deux qu'une seule et même nature; c'est ce qu'affirmé
l'Evangéliste : « Et le Verbe était Dieu, » c'est-à-dire, que le Père et le
Fils n'ont qu'une même nature, comme ils n'ont qu'une même divinité. — Origène : Ajoutons que le Verbe ou la
parole que Dieu adressait aux prophètes, les éclairait, de la lumière de la
sagesse; au contraire, le Verbe qui est avec Dieu, reçoit de Dieu la nature
divine, et voilà pourquoi saint Jean a fait précéder ces paroles : « Et le
Verbe était Dieu; » de ces autres : « Et le Verbe était avec Dieu ou en Dieu.
» — S. Jean Chrysostome : (hom. 4
sur S. Jean). Et il n'est pas Dieu dans le sens de Platon, qui l'appelle
tantôt une certaine intelligence, tantôt l'âme du monde, toutes choses
complètement étrangères à sa nature divine. Mais on nous fait cette objection
: Le Père est appelé Dieu avec addition de l'article, et le Fils sans
l'article. Que dit en effet l'apôtre saint Paul ? « Du grand Dieu et notre
Sauveur Jésus-Christ. » (Tite, 2, 13). Et dans un autre endroit : « Qui est
Dieu au-dessus de toutes choses? » (Rm 9, 5). C'est-à-dire, que le Fils est
appelé Dieu sans article. Nous répondons que la même observation peut
s'appliquer au Père. En effet, saint Paul écrivant aux Philippiens, dit : «
Qui ayant la forme et la nature de Dieu (έν
μορφή Θεού, sans article), n'a
point cru que ce fût pour lui une usurpation d'être égal à Dieu. » (Ph 2, 6).
Et dans son Epître aux Romains : « Grâce et paix soient à vous de la part de
Dieu (άπό Θεού, sans article), notre Père,
et de Jésus-Christ Notre Seigneur. » (Rm 1, 7). D'ailleurs, il était
parfaitement inutile de mettre ici l'article, alors qu'on l'avait employé
mainte fois dans ce qui précède. Donc le Fils n'est pas Dieu dans un sens
plus restreint, parce que le nom de Dieu qui lui est donné n'est pas précédé
de l'article. Verset 2.
Il était au commencement avec
Dieu. S. Hilaire : (De la Trin., 2). Ces paroles : « Et le
Verbe était Dieu, » m'étonnent, et cette locution inusitée me jette dans le
trouble, lorsque je me rappelle que les prophètes ont annoncé un seul Dieu.
Mais notre pêcheur calme bientôt ce trouble en donnant la raison d'un si
grand mystère; il rapporte tout à un seul Dieu, et fait ainsi disparaître
toute idée injurieuse à la divinité, toute pensée d'amoindrissement ou de succession
de temps, en ajoutant : « Il était au commencement avec Dieu, » avec Dieu qui
n'a pas été engendré, et dont il est proclamé seul le Fils unique, qui est
Dieu. — Théophylactus : Ou encore,
c'est pour prévenir ce soupçon diabolique qui pouvait en troubler plusieurs,
que le Seigneur étant Dieu, s'était déclaré contre son Père (comme l'ont
imaginé les fables des païens), et séparé de son Père pour se mettre en
opposition avec lui, que l'Evangéliste ajoute : « Il était au commencement
avec Dieu, » c'est-à-dire, le Verbe de Dieu n'a jamais eu d'existence séparée
de celle de Dieu. S. Jean Chrysostome : (hom. 4 sur S. Jean). Ou bien encore ces
paroles : « Au commencement était le Verbe, » tout en établissant l'éternité
du Verbe, pouvaient laisser croire que la vie du Père avait précédé, ne
fût-ce que d'un moment la vie du Fils; saint Jean va au-devant de cette
pensée, et se hâte de dire : « Il était dans le commencement avec Dieu, » il
n'en a jamais été séparé, mais il était toujours Dieu avec Dieu. Ou encore,
comme ces paroles : « Et le Verbe était Dieu, » pouvaient donner ù penser que
la divinité du Fils était moindre que celle du Père, il apporte aussitôt un
des attributs particuliers de la divinité, c'est-à-dire, l'éternité, en
disant : « Il était au commencement avec Dieu; et il fait ensuite connaître
quelle a été son œuvre, en ajoutant : « Toutes choses ont été faites par lui.
» Origène : Ou bien encore, l'Evangéliste résume les
trois propositions qui précèdent dans cette seule proposition : « Il était au
commencement avec Dieu. » La première de ces propositions nous a appris quand
était le Verbe, il était au commencement; la seconde, avec qui il était, avec
Dieu; la troisième, ce qu'il était, il était Dieu. Voulant donc démontrer que
le Verbe dont il vient de parler est vraiment Dieu, et résumer dans une
quatrième proposition les trois qui précèdent : « Au commencement était le
Verbe, et le Verbe était avec Dieu, et le Verbe était Dieu, » il ajoute : «
Il était au commencement avec Dieu. » Demandera-t-on pourquoi l'Evangéliste
n'a pas dit : « au commencement était le Verbe de Dieu, et le Verbe de Dieu
était avec Dieu, et le Verbe de Dieu était Dieu ? » Nous répondons que pour
tout homme qui reconnaît que la vérité est une, il est évident que la
manifestation de la vérité, manifestation qui est la sagesse, doit être
également une. Or, s'il n'y a qu'une seule vérité et qu'une seule sagesse, la
parole qui est l'expression de la vérité, et qui répand la sagesse dans ceux
qui sont capables de la recevoir, doit aussi être une. En donnant cette
réponse, nous sommes loin de dire que le Verbe n'est pas le Verbe de Dieu,
mais nous voulons simplement montrer l'utilité de l'omission du mot Dieu.
D'ailleurs, saint Jean lui-même dit dans l'Apocalypse : « Et son nom est le Verbe
de Dieu. » — Alcuin : Mais
pourquoi s'est-il servi du verbe substantif, « il était ? » Pour vous faire
comprendre que le Verbe de Dieu, coéternel à Dieu le Père, précède tous les
temps. Verset 3.
Toutes choses ont été faites
par lui. Alcuin : Après avoir exposé la nature du Fils,
l'Evangéliste fait connaître ses œuvres : « Toutes choses ont été faites par
lui, » c'est-à-dire, tout ce qui existe comme substance ou comme propriété. —
S. Hilaire : (De la Trin., 2). On
pouvait dire encore : Le Verbe était au commencement, mais il a pu ne pas
exister avant le commencement? Saint Jean répond : « Toutes choses ont été
faites par lui. » Celui par qui a été fait tout ce qui est fait est un être
infini, et comme toutes choses viennent de lui, il est aussi le principe du
temps. S. Jean Chrysostome : (hom. 4 sur S. Jean). Moïse commence
l'histoire de l'Ancien Testament, par le récit détaillé de la création des
choses extérieures : « Au commencement, dit-il, Dieu fit le ciel et la terre;
» paroles qu'il fait suivre de la création de la lumière, du firmament, des
étoiles et des différentes espèces d'animaux. L'Evangéliste, an contraire,
abrège et résume tout ce récit en un seul mot, comme étant connu de ses
auditeurs; il entreprend un sujet plus sublime, et consacre tout son
Evangile, non aux œuvres de la création, mais à la gloire du Créateur. — S. Augustin : (de la Gen., à la lett.
2). Ces paroles : « Toutes choses ont été faites par lui, » nous prouvent
suffisamment que la lumière elle-même a été faite par lui, lorsque Dieu dit :
« Que la lumière soit, » de même que tous les autres ouvrages de la création.
Mais s'il en est ainsi, puisque le Verbe de Dieu, qui est Dieu lui-même, est
coéternel à Dieu le Père, cette parole que Dieu prononce : « Que la lumière
soit, » est éternelle, bien que la créature n'ait été faite que dans le
temps. Ces expressions que nous employons, quand, alors, désignent un temps
déterminé, mais quand une chose doit être faite par Dieu, elle est éternelle
dans le Verbe de Dieu, et elle est faite au moment où le Verbe a résolu de la
faire, car dans ce Verbe, il n'y a aucune de ces successions de temps
indiquées par ces expressions quand, alors, parce que le Verbe tout entier
est éternel. S. Augustin : (Traité 1 sur S. Jean). Comment donc
pourrait-il se faire que le Verbe de Dieu ait été fait, alors que c'est par
le Verbe que Dieu a fait toutes choses ? Et si ce Verbe a été fait, par quel
autre Verbe a-t-il été fait ? Si vous dites qu'il est le Verbe du Verbe par
lequel il a été fait, moi je l'appelle le Fils unique de Dieu. Mais si vous
ne l'appelez pas le Verbe du Verbe, reconnaissez qu'il n'a pas été fait,
puisque toutes choses ont été faites par lui. — S. Augustin : (De la Trin., 6). S'il n'a pas été fait, il n'est
pas créature, il a la même nature que son Père, car toute substance qui n'est
pas Dieu est créature, et la substance qui n'a pas été créée est
nécessairement la nature divine. Théophylactus : Tel est le langage que tiennent les Ariens;
tout a été fait par le Fils, comme nous disons qu'une porte a été faite avec
une scie qui a servi d'instrument à l'ouvrier, c'est-à-dire, qu'il n'a pas
agi comme créateur, mais comme instrument. Et ils prétendent que le Fils a
été fait pour servir d'instrument à la création des autres êtres. Nous
répondons simplement aux auteurs de ce mensonge : Si, comme vous le dites, le
Père avait créé le Fils, pour s'en servir comme d'un instrument, la nature du
Fils serait beaucoup moins noble que celle des autres créatures qui ont été
faites par lui. De même qu'une scie est d'un rang inférieur à celui des
ouvrages qu'elle sert à faire, puisqu'elle n'existe que pour eux; c'est par
le même dessein, disent-ils, que Dieu a créé le Fils, comme si Dieu n’eût
jamais produit son Fils, dans l'hypothèse où il n'aurait pas dû créer
l'univers. Peut-on tenir un raisonnement plus insensé ? Mais, ajoutent-ils,
pourquoi l'Evangéliste n'a-t-il pas dit que le Verbe a fait toutes choses, et
s'est-il servi de la préposition par : « Toutes choses ont été faites par lui
? » C'est afin que vous ne croyez pas que le Fils n'a pas été engendré, qu'il
est sans principe, et comme le créateur de Dieu. — S. Jean Chrysostome : (hom. 5 sur S. Jean). Si du reste cette
expression : « Par lui » vous déconcerte, et que vous vouliez trouver dans
l'Ecriture un témoignage que le Verbe a tout fait lui-même, écoutez David : «
Au commencement, Seigneur, vous avez créé la terre, et les cieux sont les
œuvres de vos mains. » (Ps. 101) C’est du Fils que le Roi-prophète parle
ainsi, comme vous l'apprend l'apôtre saint Paul, qui lui applique ces paroles
dans son Epître aux Hébreux (He 1). Si vous prétendez que c'est du Père que
le Roi-prophète a voulu parler, et que saint Paul applique ces paroles au
Fils, notre raisonnement conserve toute sa force, car saint Paul ne les
aurait jamais appliquées au Fils, s'il n'avait été profondément convaincu que
le Père et le Fils ont la même puissance et la même divinité. Si la
préposition par vous parait indiquer une infériorité quelconque, pourquoi
saint Paul remploie-t-il à l'occasion du Père ? « Dieu, écrit-il aux
Corinthiens, par lequel vous avez été appelés à la société de son Fils
Jésus-Christ, Nôtre-Seigneur, est fidèle; » (1 Co 1, 9) et encore : « Paul,
Apôtre par la volonté de Dieu ? » — Origène
: Valentin est aussi tombé dans l'erreur, en disant que le Verbe avait
été pour le Créateur la cause de la création du monde. Car si les choses
étaient telles qu'il les affirme, l'Evangéliste aurait dû dire : que le Verbe
a tout fait par le Créateur, et non que le Créateur a tout fait par le Verbe. Et sans lui rien n'a été fait. S. Jean Chrysostome : (hom. 5 sur S. Jean,) Ces paroles : « Toutes
choses ont été faites par lui, » ne comprennent pas seulement les êtres dont
Moïse nous rapporte la création; aussi saint Jean ajoute-t-il expressément :
« Et sans lui rien n'a été fait, » soit des choses visibles, soit des
invisibles. Ou encore : c'est afin qu'on ne fût point tenté de restreindre
aux miracles racontés par les autres évangélistes, ces paroles : « Toutes
choses ont été faites par lui, » qu'il ajoute : « Et sans lui rien n'a été
fait. » — S. Hilaire : (De la
Trin., 2). Ou encore : Ces paroles : « Toutes choses ont été faites par lui,
» ont un sens indéterminé. Or, il y a un être qui n'a pas été engendré et qui
n'a été fait par personne; il y a un Fils qui a été engendré par celui qui
n'a pas eu de naissance, et l'Evangéliste fait nécessairement supposer que le
Père est l'auteur de toutes choses, en parlant de celui qui lui est si
étroitement associé, et en disant : « Sans lui rien n'a été fait. » Car
puisque rien n'a été fait sans lui, je conclus nécessairement qu'il n'est pas
seul, mais qu'il y eu a un par qui tout a été fait, et un autre sans lequel
rien n'a été fait. — Origène : (homélie
2 sur divers sujets). Ou encore : L'Evangéliste veut aller au-devant de cette
pensée qu'il y a des choses qui sont faites par le Verbe, et d'autres qui
existent par elles-mêmes indépendamment du Verbe, et c'est pour cela qu'il
ajoute : « Et sans lui rien n'a été fait, » c'est-à-dire, rien n'a été fait
en dehors de lui, car il embrasse, contient et conserve toutes choses. — S. Augustin : (Quest. sur l'Anc. et
le Nouv. Test., 97). Ou bien encore : Ces paroles : « Sans lui rien n'a été
fait, » éloignent de nous jusqu'à l'idée que le Verbe soit une simple créature.
Comment soutenir, en effet, qu'il est une créature, lorsque l'Evangéliste
affirme que Dieu n'a rien fait sans lui ? Origène : (Traité sur S. Jean). Ou bien encore, si
toutes choses ont été faites par le Verbe, et qu'au nombre de ces choses se
trouve le mal et tout le malheureux courant du péché, le Verbe serait donc
l'auteur du mal et du péché, ce qu'il est impossible d'admettre. Le néant et
le non être sont deux termes qui ont la même signification. L'Apôtre lui-même
semble appeler le mal le non être, lorsqu'il dit : « Dieu appelle les choses
qui sont comme celles qui ne sont pas; » (Rm 4) ainsi sous le nom de rien, il
faut comprendre le mal qui a été fait sans le Verbe. — S. Augustin : (Traité 1 sur S. Jean). En effet, le péché n'a
point été fait par le Verbe, et il est évident que le péché c'est le rien, ou
le non être, et que les hommes tombent dans le rien, lorsqu'ils commettent le
péché. L'idole, non plus, n'a pas été faite par le Verbe; elle a bien une
forme humaine, et c'est par le Verbe que l'homme a été fait. Mais la forme
humaine n'a pas été donnée à l'idole par le Verbe, car il est écrit : « Nous
savons qu'une idole n'est rien. » (1 Co 8) Donc aucune de ces choses n'a été
faite par le Verbe, mais il est l'auteur de tout ce qui existe dans la
nature, et de tout l'ensemble des créatures depuis l'ange jusqu'au
vermisseau. Origène : (Traité 2 sur S. Jean). Valentin retranche
du nombre des choses qui ont été faites par le Verbe, celles qui ont été
faites dans les siècles, et dont il fait remonter l'existence avant le Verbe;
opinion contraire à toute évidence; car les choses qu'il regarde comme
divines ne sont point comprises dans toutes ces choses qui ont été faites par
le Verbe, et celles qui, de son avis, sont sujettes à la destruction, en font
évidemment partie. Quelques-uns prétendent, mais à tort, que le démon n'est
pas une créature de Dieu; ce n'est qu'en tant qu'il est démon, qu'il n'est
pas créature de Dieu, mais celui qui a eu le malheur de devenir un démon, est
vraiment l'œuvre de Dieu; ainsi, disons-nous qu'un homicide n'est point
l'œuvre et la créature de Dieu, bien cependant que comme homme il soit
véritablement son œuvre. S. Augustin : (de la nature du bien, 25). Il ne faut point
s'arrêter à l'opinion absurde de ceux qui prétendent qu'il faut entendre ici
le rien d'un certain ordre d'êtres, parce que ce mot rien se trouve placé à
la fin de la phrase; ils ne comprennent pas qu'il n'y a aucune différence
entre ces deux manières de s'exprimer : « Sans lui, rien n'a été fait, » ou :
« Sans lui n'a été fait rien. » Origène : (Traité 2 sur S. Jean). Si l'on prend le
verbe dans le sens qu'il se trouve en chacun de nous, et qu'il nous a été
donné par le Verbe qui était au commencement, ou peut dire que nous ne
faisons rien sans ce verbe, en prenant le mot rien dans son sens le plus
simple. L'Apôtre dit : « Que sans la loi, le péché était mort, mais que le
commandement étant survenu, le péché est ressuscité; » (Rm 7, 8-9) car le
péché n'est pas imputé, lorsque la loi n'est pas encore. Le péché n'existait
pas non plus, avant que le Verbe descendît sur la terre, au témoignage de Notre
Seigneur lui-même : « Si je n'étais pas venu, et que je ne leur eusse point
parlé, ils n'auraient pas de péché. (Jn 15) En effet, il ne reste aucune
excuse à celui qui veut se justifier de ses fautes, alors qu'il a refusé
d'obéir au Verbe qui était présent, et qui lui indiquait ce qu'il devait
faire. Nous ne devons cependant ni inculper ni accuser le Verbe, pas plus
qu'on ne peut accuser un maître dont les leçons ont ôté à son élève tout
moyen de rejeter ses fautes sur son ignorance. Donc toutes choses ont été
faites par le Verbe, non-seulement les choses de la nature, mais tous les
êtres privés de raison. Verset 4.
Ce qui a été fait était vie en
lui. S. Bède : L'Evangéliste vient de dire que toute
créature a été faite par le Verbe; mais afin qu'on ne pût supposer dans le
Verbe une volonté changeante (comme si par exemple il avait voulu faire une
créature à laquelle il n'aurait jamais songé de toute éternité), il prend soin
de nous enseigner que la création a eu lieu, il est vrai, dans le temps, mais
que le moment et l'objet de la création ont toujours existé dans la pensée de
l'éternelle sagesse, vérité qu'expriment ces paroles : « Ce qui a été fait
était vie en lui. » S. Augustin : (Traité 1 sur S. Jean) On peut ainsi
ponctuer ce texte : « Ce qui a été fait en lui, était vie, » et si nous
adoptons cette ponctuation, il faut dire : Tout était vie, car qu'y a-t-il
qui ne soit fait par lui ? Il est la sagesse de Dieu, et nous lisons dans le
Psaume 103 : «Vous avez tout fait dans la sagesse. » Toutes choses ont donc
été faites en lui comme elles ont été faites par lui. Mais si tout ce qui a
été fait en lui est vie, donc la terre est vie, donc la pierre est vie aussi.
Gardons-nous de cette interprétation inconvenante qui nous serait commune
avec les manichéens, et nous ferait tenir avec eux ce langage absurde, qu'une
pierre, qu'une muraille ont en elles la vie. Essaie-t-on de les reprendre et
de les réfuter ? ils cherchent à s'appuyer sur les Ecritures et nous disent :
Pourquoi est-il écrit : « Ce qui a été fait en lui, était vie ? » Il faut
donc préférer cette ponctuation : « Ce qui a été fait, était vie en lui. »
Quel est le sens de ces paroles ? La terre a été faite, mais la terre qui a
été faite n'est point la vie; ce qui est vie, c'est cette raison, cette
pensée éternelle qui existent dans la sagesse de bien, et en vertu de
laquelle la terre a été faite. Ainsi la vie n'est point dans un meuble
quelconque, lorsqu'il est exécuté; ce meuble, ce bâtiment, si l'on veut, est
vie dans son plan, parce qu'il est vivant dans la pensée, dans le dessein de
l'ouvrier ou de l'architecte; de même comme la sagesse de Dieu, par laquelle
toutes choses ont été faites, contient dans ses plans éternels tout ce qui se
fait d'après ces plans, bien que ces choses ne soient point en elles-mêmes la
vie, elles sont vivantes dans celui qui les a faites. Origène : (hom. sur div. suj). On peut donc sans
craindre d'erreur séparer ainsi les deux membres de cette phrase : « Ce qui a
été fait en lui, était vie, » et voici quel serait le sens : Toutes les
choses qui ont été faites par lui et en lui sont vivantes et une même chose
en lui. Car elles étaient, c'est-à-dire elles existaient en lui, comme dans
leur cause, avant d'exister effectivement en elles-mêmes. Demandera-t-on
comment toutes les choses qui ont été faites par le Verbe sont vivantes eu
lui, et subsistent en lui d'une manière uniforme comme dans leur cause ? La
nature des êtres créés vous en offre des exemples. Voyez comment toutes les
choses que renferme la sphère de ce monde visible subsistent comme dans leur
cause et d'une manière uniforme dans le soleil, qui est le plus grand des
astres; comment le nombre infini des végétaux et des fruits est contenu dans
chacune des semences; comment les règles multipliées viennent se réduire à
l'unité dans l'art de l'ouvrier, et sont comme vivantes dans l'esprit qui les
met en ordre; comment enfin le nombre infini des lignes subsiste comme une
seule unité dans un seul point. De ces différents exemples puisés dans la
nature, vous pourriez vous élever comme sur les ailes de la contemplation du
monde physique jusqu'aux oracles du Verbe, pour les considérer avec toute la
pénétration de l'esprit, et pour voir autant que cela est donné à des
intelligences créées, comment toutes les choses qui ont été faites par le
Verbe sont vivantes et ont été faites en lui. S. Hilaire : (de la Trin., 2). On peut encore lire et
entendre ces paroles d'une autre manière. En entendant l'Evangéliste dire : «
Sans lui rien n'a été fait, » quelque esprit troublé pourrait dire : II y a
donc quelque chose qui a été fait par un autre, et qui cependant n'a pas été
fait sans lui, et si quelque chose a été fait par un autre, bien que non sans
lui, toutes choses n'ont pas été faites par lui; car il y a une grande
différence entre faire soi-même, et s'associer à l'opération d'un autre.
L'Evangéliste expose donc que rien n'a été fait sans lui en disant : « Ce qui
a été fait en lui, » donc ce qui a été fait en lui n'a pas été fait sans lui.
Car ce qui a été fait en lui, a été fait aussi par lui, au témoignage de
l'Apôtre : « Toutes choses ont été créées par lui et en lui. (Col 1, 16).
C'est pour lui aussi que toutes choses ont été créées, parce que le Dieu
créateur s'est soumis à une naissance temporelle; mais ici rien n'a été fait
sans lui de ce qui a été fait en lui, parce que le Dieu qui voulait naître
parmi nous était la vie; et celui qui était la vie, n'a pas attendu sa
naissance pour devenir la vie. Rien donc de ce qui se faisait en lui, ne se
faisait sans lui, parce qu'il est la vie qui produisait ces choses, et le
Dieu qui a consenti à naître parmi nous, n'a pas attendu sa naissance pour
exister, mais il existait aussi en naissant. S. Jean Chrysostome : (hom. 4 sur S. Jean). Ou encore dans un
autre sens, ne plaçons pas après ces paroles : « Sans lui rien n'a été fait,
» le point qui termine la phrase, comme font les hérétiques qui prétendent
que l'Esprit saint a été créé, et qui lui appliquent celles qui suivent : «
Ce qui a été fait en lui, était la vie. » En effet, cette explication est
inadmissible. D'abord ce n'était pas le moment de parler de l'Esprit saint;
mais supposons qu'il soit question de l'Esprit saint, et admettons leur
manière de lire le texte, leur explication n'en sera ni moins absurde ni
moins inconvenante. Ils prétendent donc que ces paroles : « Ce qui a été fait
en lui était la vie, » s'appliquent à l'Esprit saint qui est la vie. Mais
cette vie est en même temps la lumière, car nous lisons à la suite : « Et la
vie était la lumière des hommes. » Donc d'après ces hérétiques, c'est
l'Esprit saint qui est appelé ici la lumière de tous. Mais ce que
l'Evangéliste appelait plus haut le Verbe, c'est ce qu'il appelle ici Dieu,
la vie et la lumière. Or, comme le Verbe s'est fait chair, ce sera donc
l'Esprit saint qui se sera incarné et non le Fils. Il faut donc renoncer à
cette manière de lire le texte, et adopter une lecture et une explication
plus raisonnables. Or, voici comme on doit lire : « Toutes choses ont été
faites par lui, et sans lui rien n'a été fait de ce qui a été fait, » et
arrêter là le sens de la phrase, puis recommencer ensuite : « En lui était la
vie, comme s'il disait : « Sans lui rien n'a été fait de ce qui a été fait, »
c'est-à-dire de tout ce qui devait être fait. Vous voyez comment en ajoutant
deux mots au premier membre de phrase, on fait disparaître toute difficulté.
En effet, en disant : « Sans lui rien n'a été fait, » et en ajoutant : « De
ce qui a été fait, » l'Evangéliste embrasse toutes les créatures visibles et
invisibles, et exclut évidemment l'Esprit saint, car l'Esprit saint ne peut
être compris parmi les créatures qui pouvaient être faites et appelées à la
vie. Ces paroles de saint Jean ont donc pour objet la création de l'univers;
il en vient ensuite à l'idée de la Providence dont il parle en ces termes : «
En lui était la vie. » De même que vous ne pouvez épuiser ni diminuer une de
ces sources profondes qui donnent naissance aux grands fleuves et alimentent
les mers, ainsi vous ne pouvez supposer la moindre altération dans le Fils
unique, quelles que soient les œuvres que vous croyiez qu'il ait faites. Ces
paroles : « En lui était la vie, » ne se rapportent pas seulement à la
création, mais à la Providence qui conserve l'existence aux choses qui ont
été créées. Gardez-vous toutefois de supposer rien de composé ou de créé dans
le Fils, en entendant l'Evangéliste tous dire : « En lui était la vie, » car
a comme le Père a en soi la vie, ainsi a-t-il donné au Fils d’avoir la vie en
soi. » (Jn 5) Ne supposez donc rien de créé dans le Fils, pas plus que vous
ne le supposez dans le Père. Origène : (Traité 3 sur S. Jean). On peut donner
encore cette autre explication : Il faut se rappeler que dans le Sauveur
certains attributs ne sont point pour lui, mais pour les autres, et certains
autres sont tout à la fois pour lui et pour les autres. Gomment donc doit-on
ici entendre ces paroles : « Ce qui a été fait dans le Verbe, était vie en
lui ? » Signifient-elles qu'il était la vie pour lui et pour les autres, ou
qu'il ne l'était que pour les autres ? et s'il ne l'était que pour les
autres, quels sont ces antres ? Le Verbe est à la fois vie et lumière. Or, il
est la lumière des hommes, il est donc aussi la vie de ceux dont il est la
lumière, et ainsi lorsque l'Evangéliste dit qu'il est la vie, ce n'est point
pour lui, mais pour ceux dont il est la lumière. Cette vie est inséparable du
Verbe de Dieu, et elle existe par lui, aussitôt qu'elle a été faite, il faut,
en effet, que la raison ou le Verbe soit comme préexistant dans l'âme pour la
purifier, et lui donner une pureté exempte de tout péché, afin que la vie
puisse s'introduire et se répandre dans celui qui s'est rendu capable de
recevoir le Verbe de Dieu. Aussi l'Evangéliste ne dit pas que le Verbe a été
fait au commencement; car on ne peut supposer de commencement où le Verbe de
Dieu n'existât point, mais la vie des hommes n'était pas toujours dans le
Verbe; cette vie des hommes a été faite, parce que cette vie était la lumière
des hommes. En effet, avant que l'homme existât, il n'était pas la lumière
des hommes, cette lumière ne pouvant se comprendre que dans ses rapports avec
les hommes. C'est pourquoi saint Jean dit : « Ce qui a été fait était vie
dans le Verbe, » et non pas : Ce qui était dans le Verbe était vie. D'après
une autre variante qui n'est pas dénuée de fondement, on lit : « Ce qui a été
fait en lui, était vie. » Or, si nous comprenons que la vie des hommes qui
est dans le Verbe, est celle dont il a dit : « Je suis la vie, » (Jn 11, 14)
nous en conclurons qu'aucun de ceux qui refusent de croire à Jésus-Christ n'a
la vie en lui, et que tous ceux qui ne vivent pas en Dieu sont morts. Et la vie était la lumière des
hommes. Théophylactus : L'Evangéliste vient de dire : « En lui
était la vie, » pour éloigner de vous cette pensée, que le Verbe n'avait
point la vie. Il vous enseigne maintenant qu'il est la vie spirituelle et la
lumière de tous les êtres raisonnables : « Et la vie était la lumière des
hommes; » comme s'il disait : Cette lumière n'est point sensible, c'est une
lumière toute spirituelle qui éclaire l'âme elle-même. — S. Augustin : (Traité 1 sur S. Jean). C'est cette vie qui éclaire
tous les hommes; les animaux sont privés de cette lumière, parce qu'ils n'ont
point d'âmes raisonnables, capables de voir la sagesse. L'homme, au
contraire, qui a été fait à l'image de Dieu, est doué d'une âme raisonnable
qui lui permet de comprendre la-sagesse. Ainsi cette vie qui a donné
l'existence à toutes choses, est en même temps la lumière, qui éclaire non
pas indistinctement tous les animaux, mais les hommes raisonnables. Théophylactus : Il ne dit pas que cette lumière éclaire
seulement les Juifs, c'est la lumière de tous les hommes. Tous les hommes, en
effet, par là même qu'ils reçoivent l'intelligence et la raison du Verbe qui
les a créés, sont éclairés de cette divine lumière; car la raison qui nous a
été donnée, et qui fait de nous des êtres raisonnables, est la lumière qui
nous éclaire sur ce que nous devons faire et sur ce que nous devons éviter. Origène : N'oublions pas de remarquer que le Verbe est
la vie avant d'être la lumière des hommes; il eût été peu logique de dire
qu'il éclairait ceux qui n'avaient point la vie, et de faire précéder la vie
par la lumière. Mais si ces paroles : « La vie était la lumière des hommes, »
doivent s'entendre exclusivement des hommes, il en faudra conclure que
Jésus-Christ n'est la lumière et la vie que des hommes seuls, ce qui est
contraire à la foi. Lors donc qu'une chose est affirmée de quelques-uns, ce
n'est pas à l'exclusion des autres. Ainsi, il est écrit de Dieu, qu'il est le
Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob; évidemment, il n'est pas exclusivement
le Dieu de ces patriarches. De ce qu'il est la lumière des hommes, il ne
s'ensuit donc point qu'il ne soit pas également la lumière pour d'autres. Il
en est qui s'appuient sur ces paroles : « Faisons l'homme à notre image et à
notre ressemblance, » pour soutenir qu'il faut ici comprendre sous le nom
d'hommes tous les êtres qui ont été faits à l'image et à la ressemblance de
Dieu; et ainsi la lumière des hommes, c'est la lumière qui éclaire toute
créature raisonnable. Verset 5.
Et la lumière luit dans les
ténèbres et les ténèbres ne l'ont pas comprise. S. Augustin : (Traité 1 sur S. Jean). Cette vie était donc
la lumière des hommes, mais les cœurs des insensés ne peuvent comprendre
cette lumière, appesantis qu'ils sont par leurs péchés qui leur dérobent la
vue de cette divine lumière. Toutefois, qu'ils ne croient pas que cette
lumière est loin d'eux, parce qu'ils ne peuvent la voir : « Et la lumière
luit dans les ténèbres, dit l'Evangéliste, et les ténèbres ne l'ont pas
comprise. » Placez un aveugle devant le soleil, le soleil lui est présent,
mais il est comme absent pour le soleil. Or, tout insensé est un aveugle; la
sagesse est devant lui, mais comme elle est devant un aveugle, elle ne peut
éclairer ses yeux, non parce qu'elle est loin de lui, mais parce qu'il est
loin d'elle. Origène : (Traité 3 sur S. Jean). Si la vie est la
même chose que la lumière des hommes, aucun de ceux qui sont dans les
ténèbres ne vit véritablement, comme aucun de ceux qui sont vivants n'est
dans les ténèbres, car tout homme qui a la vie est dans la lumière, comme
réciproquement tout homme qui est dans la lumière a la vie en lui. Or,
d'après ce que nous avons dit des contraires, nous pouvons comprendre et
apprécier ici les contraires dont l'Evangéliste ne parle pas. Le contraire de
la vie c'est la mort, et le contraire de la lumière des hommes, ce sont les
ténèbres qui couvrent leur intelligence. Donc celui qui est dans les ténèbres
est aussi dans la mort, et celui qui fait des œuvres de mort ne peut être que
dans les ténèbres; celui au contraire qui fait des œuvres de lumière, ou
celui dont les œuvres brillent devant les hommes, et qui a toujours présent
le souvenir de Dieu, n'est point dans la mort, d'après cette parole du Psaume
sixième : « Celui qui se souvient de vous n'est point redevable à la mort. »
Que les ténèbres des hommes et de la mort soient telles de leur nature ou
pour d'autres causes, c'est une autre question. Or, nous étions autrefois
ténèbres, mais nous sommes devenus lumière en Notre Seigneur (Ep 5), si nous
sommes tant soit peu initiés à la sainteté et à la vie spirituelle. Tout
homme qui a été autrefois ténèbres, l'a été comme l'apôtre saint Paul, tout
en demeurant capable de devenir lumière dans le Seigneur. — (Hom. 2 sur div.
suj). Ou bien encore, dans un autre sens, la lumière des hommes, c'est Notre
Seigneur Jésus-Christ, qui s'est manifesté lui-même dans la nature humaine à
toute créature raisonnable et intelligente, et a révélé aux cœurs des fidèles
les mystères de sa divinité qui le rend égal au Père; ce que saint Paul
exprime en ces termes : « Vous étiez autrefois ténèbres, vous êtes maintenant
lumière dans le Seigneur. » Dites donc : « La lumière luit dans les ténèbres,
» parce que le genre humain tout entier était plonge, non par nature, mais
par suite du péché originel dans les ténèbres de l'ignorance qui lui
dérobaient la connaissance de la vérité; or Jésus-Christ, après être né d'une
Vierge, a brillé comme une vive lumière dans le cœur de tous ceux qui veulent
le connaître. Il en est toutefois qui persistent à demeurer dans les ténèbres
épaisses de l'impiété et de l'incrédulité, voilà pourquoi l'Evangéliste
ajoute : « Et les ténèbres ne l'ont point comprise, » c'est-à-dire, la
lumière luit dans les ténèbres des urnes fidèles, ténèbres qu'elle dissipe en
faisant naître la foi et en conduisant à l'espérance. Mais l'ignorance et la
perfidie des cœurs privés de la véritable sagesse n'ont pu comprendre la
lumière du Verbe de Dieu qui brillait dans une chair mortelle. Telle est
l'explication morale de ces paroles; en voici le sens littéral : La nature
humaine, en la supposant même exempte de péché, ne pourrait pas luire par ses
propres forces, car de sa nature elle n'est pas lumière, mais capable
seulement de participer à la lumière; elle peut recevoir la sagesse, mais
elle n'est pas la sagesse elle-même. L'air qui nous environne ne luit point
par lui-même et ne mérite que le nom de ténèbres. Ainsi notre nature,
considérée en elle-même, est une certaine substance ténébreuse, capable
d'être éclairée par la lumière de la sagesse. Lorsque l'atmosphère est
pénétrée par les rayons du soleil, on ne peut pas dire qu'elle luit par
elle-même, mais qu'elle est éclairée par la lumière du soleil; ainsi, lorsque
la partie intelligente de notre nature jouit de la présence du Verbe, ce
n'est point par elle-même qu'elle arrive à la connaissance de son Dieu et des
autres choses intelligibles, mais par la lumière divine, qui l'éclairé de ses
rayons. La lumière luit donc dans les ténèbres, parce que le Verbe de Dieu,
qui est la vie et la lumière des hommes, ne cesse de répandre cette lumière
dans notre nature qui, considérée en elle-même, n'est qu'une substance
ténébreuse et informe, et comme la lumière par elle-même est incompréhensible
à toute créature, c'est avec raison que l'Evangéliste ajoute : « Et les
ténèbres ne l'ont point comprise. » S. Jean Chrysostome : (hom. 4 sur S. Jean). On peut encore
expliquer ces paroles dans un autre sens : L'Evangéliste a voulu d'abord nous
parler de la création, et il nous apprend ensuite les biens spirituels dont
le Verbe nous a comblés en venant parmi nous, en disant : « Et la vie était
la lumière des hommes. » Il ne dit pas : Il était la lumière des Juifs, mais
il était la lumière de tous les hommes sans exception; car ce ne sont pas
seulement les Juifs, mais les Gentils, qui sont parvenus à la connaissance du
Verbe. S'il n'ajoute pas qu'il était la lumière des anges, c'est qu'il parle
seulement ici de la nature humaine à laquelle le Verbe de Dieu est venu
annoncer de si grands biens. Origène : (Traité 1 sur S. Jean). On nous demande
pourquoi ce n'est point le Verbe qui est appelé la lumière des hommes, mais
la vie qui est dans le Verbe ? Nous répondons que la vie dont il est ici
question n'est pas la vie qui est commune aux créatures raisonnables, mais
celle qui est unie au Verbe et qui nous est donnée par la participation à ce
Verbe primitif et essentiel, pour nous faire discerner la vie apparente et
sans réalité et désirer la véritable vie. Nous participons donc premièrement
à la vie qui, pour quelques-uns, n'est point encore la possession actuelle de
la lumière, mais la faculté de la recevoir, parce qu'ils n'ont point un désir
assez vif de ce qui peut leur donner la science. Pour d'autres, au contraire,
cette vie est la participation actuelle à la lumière, ce sont ceux qui,
suivant le conseil de l'Apôtre, recherchent les dons les plus parfaits (1 Co
12), c'est le Verbe de la sagesse qui est suivi de près par les enseignements
de la science. S. Jean Chrysostome : (hom. 4 sur S. Jean). Ou bien encore, la vie
dont parle ici l'Evangéliste, n'est pas seulement celle que nous avons reçue par
la création, mais la vie éternelle et immortelle qui nous est préparée par la
providence de Dieu. Lorsque nous entrons en possession de cette vie, l'empire
de la mort est à jamais détruit, et dès que cette lumière brille à nos yeux,
les ténèbres disparaissent sans retour; ni la mort ne peut triompher de cette
vie qui est éternelle, ni les ténèbres obscurcir celte lumière qui ne
s'éteindra jamais. « Et la lumière luit dans les ténèbres. » Ces ténèbres,
c'est la mort et l'erreur, car la lumière sensible ne luit pas dans les
ténèbres, mais elles disparaissent à son approche, tandis que la prédication
de Jésus-Christ a brillé au milieu de l'erreur qui étendait son règne sur
toute la terre et l'a chassée devant elle; et Jésus-Christ, par sa mort, a
changé la mort en vie et a remporté sur elle un triomphe si complet, qu'il a
délivré ceux qu'elle retenait captifs. C'est donc parce que cette prédication
n'a pu être vaincue ni par la mort, ni par l'erreur, et qu'elle brille de
toute part du plus vif éclat et par sa propre force, que l'Evangéliste ajoute
: « Et les ténèbres ne l'ont point comprise. » Origène : (Traité 4 sur S. Jean). Il faut savoir que
le mot ténèbres, comme le nom d'hommes, signifie deux choses spirituelles.
Nous disons d'un homme qui est en possession de la lumière, qu'il fait les
œuvres de la lumière, et qu'il puise la connaissance au sein même de la
lumière de la science. Tout au contraire, nous appelons ténèbres les actes
coupables et la fausse science qui n'a que l'apparence de la science. Mais de
même que le Père est lumière et qu'il n'y a point en lui de ténèbres (1 Jn 1,
5), ainsi en est-il du Sauveur. Toutefois, comme il a revêtu la ressemblance
de la chair du péché (Rm 8), on peut dire sans inconvenance, qu'il y a en lui
quelques ténèbres, puisqu'il a pris sur lui nos ténèbres pour les dissiper.
Cette lumière, qui est devenue la vie des hommes, brille au milieu des
ténèbres de nos âmes, et répand ses clartés là où le prince de ces ténèbres
est en guerre avec le genre humain. (Ep 6) Les ténèbres ont persécuté cette
lumière, comme le prouve ce que le Sauveur et ses disciples ont eu à souffrir
dans ce combat des ténèbres contre les enfants de lumière. Mais grâce à la
protection divine, ces ténèbres restent sans force, et ne peuvent s'emparer de
la lumière, ou parce que la lenteur naturelle de leur marche ne leur permet
pas de suivre la course rapide de la lumière, ou parce qu'elles sont mises en
fuite à son approche si elles attendent son arrivée. Remarquons que les
ténèbres ne sont pas toujours prises en mauvaise part, et qu'elles sont
quelquefois le symbole d'une bonne chose, par exemple, dans ce passage du
Psalmiste : « Il a choisi sa retraite dans les ténèbres, » c'est-à-dire, que
tout ce qui a rapport à Dieu, est comme caché et incompréhensible pour
l'intelligence humaine. Les ténèbres, entendues dans ce sens, conduisent à la
lumière et finissent par la saisir, car ce que l'ignorance couvrait comme
d'un nuage devient une lumière éclatante pour celui qui a cherché à la
connaître. — S. Augustin : (De la
cité de Dieu, 10, 3). Un platonicien a dit que le commencement de ce saint
Evangile devrait être écrit en lettres d'or et placé dans l'endroit le plus
éminent de toutes les Eglises. — S.
Bède : En effet, les autres Evangélistes racontent la naissance
temporelle du Christ; saint Jean nous affirme qu'il était au commencement.
Les autres le font descendre aussitôt du haut du ciel parmi les hommes; saint
Jean déclare qu'il a toujours été avec Dieu : « Et le Verbe était avec Dieu.
» Les trois premiers évangélistes décrivent sa vie mortelle au milieu des
hommes; saint Jean nous le présente comme Dieu étant avec Dieu au
commencement : « Il était au commencement avec Dieu. » Les trois autres
racontent les grandes choses qu'il a faites comme homme; saint Jean nous
enseigne que Dieu le Père a fait toutes choses par lui : « Toutes choses ont
été faites par lui, et rien n'a été fait sans lui. » Versets 6-8.
S. Augustin : (Traité 2 sur S. Jean). Tout ce qui précède
avait pour objet la divinité de Jésus-Christ, qui, en venant à nous, s'est
revêtu d'une forme humaine. Mais comme dans le Verbe fait chair, l'humanité
cachait un Dieu; un homme extraordinaire fut envoyé devant lui, pour
découvrir en lui, par son témoignage, un caractère supérieur à l'homme. Et
quel a été cet envoyé ? « Il y eut un homme. » — Théophylactus : Ce ne fut pas un ange, pour détruire les idées
qu'un grand nombre s'était faites de la nature de Jean-Baptiste. — S. Augustin : Et comment pourra-t-il
nous dire la vérité en parlant de Dieu ? « Il fut envoyé de Dieu. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 6 sur S.
Jean). Gardez-vous de croire que cet envoyé de Dieu tienne un langage
purement humain, ce n'est point de lui-même qu'il vient parler, toutes ses
paroles lui sont dictées par celui qui l'a envoyé; c'est pour cela qu'un
prophète lui donne le nom d'ange en parlant de lui : « Voici que j'envoie mon
ange, » car un ange (ou envoyé), ne dit rien de lui-même, et ne fait que
transmettre les ordres de celui qui l'envoie. Ces paroles : « Il fut envoyé,
» ne signifie pas un acte qui tend à donner l'être, mais qui destine à
l'accomplissement d'un ministère. De même qu'Isaïe ne fut pas appelé d'autre
part que du monde où il était, et qu'il fut envoyé au peuple du moment qu'il
eut vu le Seigneur assis sur un trône sublime et élevé; ainsi Jean fut envoyé
du désert pour baptiser, comme il l'atteste lui-même : « Celui qui m'a envoyé
baptiser, m'a dit : Celui sur lequel vous verrez, » etc. S. Augustin : Comment s'appelait-il ? « Son nom était
Jean. » — Alcuin : c'est-à-dire,
grâce de Dieu ou celui en qui était la grâce de Dieu, c'est-à-dire, celui
qui, le premier, a fait connaître Jésus-Christ au monde par son témoignage.
Ou bien encore, le nom de Jean signifie il a été donné, parce qu'il lui a été
donné par la grâce de Dieu, non-seulement d'être le précurseur du Roi des
rois, mais de le baptiser. S. Augustin : Pourquoi fût-il envoyé ? « Il vint comme
témoin pour rendre témoignage à la lumière. » Origène : (Traité 5 sur S. Jean). Il en est qui
cherchent à jeter le blâme sur les témoignages que les prophètes ont rendus à
Jésus-Christ, et qui prétendent que le Fils de Dieu n'a pas besoin de
témoins, et qu'il présente des motifs suffisants de crédulité, soit dans ses
enseignements salutaires, soit dans ses miracles tout divins. Moïse lui-même,
disent-ils, ne mérita créance que par ses paroles et ses miracles, sans avoir
besoin d'être précédé par des témoins. Nous répondons qu'il est un grand
nombre de motifs qui peuvent déterminer la foi, mais que tel motif, malgré sa
force apparente, ne produira sur quelques-uns aucune impression, tandis que
tel autre sera tout-puissant pour les amener à la foi. Or, Dieu a des moyens
à l'infini pour amener les hommes à croire qu'un Dieu a daigné se faire homme
pour sauver les hommes. Aussi est-ce un fait certain que les oracles des
prophètes en ont forcé un grand nombre à croire à la divinité de
Jésus-Christ, étonnés qu'ils étaient de voir que tant de prophètes l'avaient
annoncé avant son avènement, et prédit d'une manière précise le lieu de sa naissance,
et d'autres circonstances semblables. Il faut encore remarquer que les
miracles opérés par Jésus-Christ, avaient plus de force pour amener à la foi
ceux qui en étaient témoins ou ses contemporains, mais que plusieurs siècles
après ils pouvaient n'avoir plus la même puissance, et passer même aux yeux
de quelques-uns pour des fables. Donc, lorsqu'un long espace de temps nous
sépare de ces miracles, le motif le plus fort de crédibilité, ce sont les
prophéties jointes aux miracles. Disons encore, que par ce témoignage rendu à
Dieu, plusieurs se sont couverts de gloire. C'est donc vouloir enlever au
chœur des prophètes la grâce signalée qui lui a été faite, que de contester
l'utilité des témoignages qu'ils ont rendus à Jésus-christ. Jean est venu se joindre
à ces prophètes, en rendant lui-même témoignage à la lumière. — S. Jean Chrysostome : (hom. 5 sur S.
Jean). Ce n'est pas sans doute que la lumière eût besoin de témoignage, mais
l'Evangéliste nous apprend le vrai motif de la mission de Jean, dans les
paroles suivantes : « Afin que tous crussent par lui. » Le Fils de Dieu a
pris une chair mortelle pour sauver tous les hommes d'une perte inévitable,
et c'est par suite du même dessein qu'il envoie devant lui un homme pour
précurseur, afin que cette voix d'un de leurs semblables les déterminât plus
facilement à venir à lui. — S. Bède : L'Evangéliste
ne dit pas : Afin que tous crussent en lui, (car maudit est l'homme qui met
sa confiance dans l'homme), (Jr 7, 5) mais : « Afin que tous crussent par
lui, » c'est-à-dire, que tous par son témoignage crussent à cette lumière. — Théophylactus : Que quelques-uns
aient refusé de croire, Jean n'en est pas responsable. Si un homme s'enferme
dans une maison obscure, et se prive ainsi de voir les rayons du soleil, la
faute n'en est pas au soleil mais bien à lui-même; ainsi Jean a été envoyé,
afin que tous crussent par lui; si ce but n'a pas été entièrement atteint, le
saint précurseur n'en est pas la cause. S. Jean Chrysostome : (hom. 6 sur S. Jean). D'après l'opinion commune,
celui qui rend témoignage nous paraît ordinairement supérieur à celui qui est
l'objet de son témoignage, et plus digne de foi; aussi l'Evangéliste se hâte
de détruire ici ce préjugé en ajoutant : « Il n'était pas la lumière, mais il
était venu pour rendre témoignage à la lumière. » Si telle n'a pas été son
intention en répétant ces paroles : « Pour rendre témoignage à la lumière, »
ce membre de phrase est complètement superflu. Ce n'est pas un développement
de la doctrine, c'est une répétition de mots inutiles. Théophylactus : Mais la conclusion de ces paroles n'est-elle
pas que ni Jean-Baptiste, ni aucun autre saint n'ont été ou ne sont la
lumière ? Si nous voulons donner à un saint le nom de lumière, il faut
employer le mot lumière sans article; si l'on vous demande, par exemple :
Jean est-il la lumière ? répondez qu'il est lumière, sans mettre l'article,
mais non pas la lumière avec l'article; car il n'est pas la lumière par
excellence, et il n'est lumière, que parce qu'il est entré en participation
de la vraie lumière. Verset 9.
S. Augustin : (Traité 2 sur S. Jean). Nous voyons ici
quelle est cette lumière à laquelle Jean-Baptiste rend témoignage : «
Celui-là était la vraie lumière. » — S.
Jean Chrysostome : (hom. 6 sur S. Jean). Ou bien encore, l'Evangéliste
venait de dire que Jean-Baptiste avait été envoyé et était venu pour rendre
témoignage à la lumière. Or, ce témoignage d'un homme envoyé tout récemment
pouvait faire croire à l'origine récente aussi de celui à qui il rendait
témoignage; il élève donc aussitôt nos pensées vers cette existence
antérieure à tout commencement, et qui ne doit jamais avoir de fin : «
Celui-là était la vraie lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde.» —
S. Augustin : (Traité 2 sur S.
Jean). Pourquoi saint Jean ajoute-t-il le mot vraie ? C'est qu'on donne aussi
à l'homme qui est éclairé le nom de lumière, mais la vraie lumière est celle
qui éclaire elle-même. Nos yeux aussi sont appelés des lumières, et cependant
c'est en vain que ces lumières sont ouvertes, si pour les éclairer, on
n'allume une lampe pendant la nuit, où si dans le jour le soleil ne répand
sur eux ses clartés. Aussi l'Evangéliste ajoute : « Qui éclaire tout homme. »
Si elle éclaire tout homme, elle éclaire donc Jean lui-même. Elle éclairait
donc celui qu'elle avait choisi pour lui rendre témoignage. Il arrive souvent
que le soleil nous fait connaître son lever par la lumière qu'il fait
rayonner sur les corps, et cependant nous ne pouvons le voir de nos yeux.
Ainsi ceux qui ont les yeux trop malades ou trop faibles pour voir le soleil,
peuvent cependant les arrêter sur un mur qui réfléchit sa lumière, sur une
montagne, sur un arbre ou sur tout autre objet semblable. Il en était de même
de ceux au milieu desquels Jésus-Christ était venu, et qui étaient encore
beaucoup moins capables de le voir. Il a donc éclairé Jean de ses rayons, et
Jean, qui confessait hautement la source d'où lui venait cette lumière, fit
connaître ainsi celui qui l'éclairait. Il ajoute : « Venant en ce monde, »
c'est qu'en effet, si l'homme ne venait pas en ce monde, il n'aurait pas
besoin d'être éclairé, mais il faut qu'il soit éclairé, parce qu'il a quitté
l'endroit où il aurait joui toujours de cette divine lumière. — Théophylactus : Que le manichéen
rougisse d'oser dire que nous sommes l'œuvre d'un Créateur mauvais et
ténébreux; car jamais nous ne pourrions être éclairés si nous n'étions les
créatures de la vraie lumière. S. Jean Chrysostome : (hom. 8 sur S. Jean). Où sont aussi ceux qui
prétendent que Jésus-Christ n'est pas le vrai Dieu ? alors qu'il est appelé
ici la vraie lumière. Mais s'il éclaire tout homme venant en ce monde,
comment se fait-il qu'un si grand nombre soient demeurés dans les ténèbres ?
Car tous n'ont pas connu le culte qui est dû à Jésus-Christ. Il éclaire tout
homme, autant qu'il dépend de lui. Mais s'il en est qui ont fermé
volontairement les yeux de leur âme pour ne point recevoir les rayons de
cette divine lumière, les ténèbres dans lesquelles ils demeurent plongés, ne
viennent pas de la nature delà lumière, mais de la malice de ceux qui se
privent volontairement du don de la grâce. Car la grâce a été répandue sur
tous les hommes et ceux qui ont refusé de la recevoir, ne doivent imputer
qu'à eux-mêmes leur aveuglement. — S.
Augustin : (Enchirid,, 109). Ces paroles : « Qui éclaire tout homme, »
veulent dire non pas que tous les hommes sans exception sont éclairés, mais
que personne ne peut l'être que par cette lumière. — S. Bède : Il nous éclaire, soit en nous donnant la raison, soit
en répandant en nous sa divine sagesse; car nous ne pouvons nous donner la
sagesse, pas plus que nous n'avons pu nous donner l'existence. Origène : (hom. 2 sur div. suj). Ou bien encore, nous
ne devons pas entendre ces paroles : « Qui éclaire tout homme venant en ce
monde, » de ceux qui entrent dans le monde avec un corps formé d'après les
principes secrets qui président à la génération, mais de ceux qui entrent
dans le monde invisible par la régénération spirituelle de la grâce conférée
par le baptême. Voilà pourquoi cette lumière éclaire ceux qui entrent dans le
monde des vertus, et non pas ceux qui se précipitent dans le monde des vices. Théophylactus : Ou bien encore, cette lumière qui nous est
donnée de Dieu, c'est l'intelligence dont il nous a doués pour nous diriger
ici-bas, intelligence qui s'appelle aussi la raison naturelle, mais un grand
nombre, par le mauvais usage dé la raison, se sont jetés eux-mêmes dans les
ténèbres. Verset 10.
S. Augustin : (Traité 2 sur S. Jean). La lumière qui
éclaire tout homme venant en ce monde, est venue sur la terre sous le voile
d'une chair mortelle; car tant qu'elle n'y était que par la divinité, elle
était invisible pour les insensés, pour les aveugles et pour les méchants
dont saint Jean a dit plus haut : « Les ténèbres ne l'ont point comprise, »
c'est pour cela qu'il dit ici : « Il était dans le monde. » — Origène : (hom. 2 sur div. suj).
Lorsque celui qui parle cesse de parler, sa voix cesse de se faire entendre;
de même si le Père céleste ne faisait plus entendre son Verbe, l'œuvre du Verbe,
c'est-à-dire l'univers qu'il a créé, cesserait d'exister. — S. Augustin : (Traité 2 sur S. Jean).
N'allez pas croire qu'il était dans le monde comme sont dans le monde la
terre, les animaux, les hommes, ou comme le ciel, le soleil, les étoiles; il
y était comme un ouvrier qui dirige l'ouvrage sorti de ses mains : « Et le
monde a été fait par lui. » Toutefois il n'a pas créé le monde comme un
ouvrier fait son ouvrage, car l'ouvrier est en dehors de l'ouvrage qu'il
travaille, Dieu, au contraire, est comme répandu dans le monde qu'il crée, il
est présent partout, et il n'est pas un seul être qui soit en dehors de son
immensité. C'est donc par la présence de sa divinité, qu'il fait tout ce
qu'il crée, et qu'il gouverne tout ce qu'il a créé. Il était donc dans le
monde, comme le Créateur du monde. S. Jean Chrysostome : (hom. 8 sur S. Jean). Et encore, comme il
était dans le monde, mais sans être contemporain du monde, l'Evangéliste
ajoute : « Et le monde a été fait par lui, et il vous élève ainsi jusqu'à l'existence
éternelle du Fils unique. » En effet, en entendant dire que tout cet univers
est son ouvrage, fût-on d'une intelligence bornée, on sera forcé de
reconnaître qu'il existait avant son ouvrage. — Théophylactus : Saint Jean confond en même temps l'erreur
insensée de Marcion, qui prétendait que c'était un mauvais principe qui avait
créé toutes choses, et celle des ariens qui osaient soutenir que le Fils de
Dieu était une simple créature. S. Augustin : (comme précéd). Que signifient ces paroles :
« Le monde a été fait par lui ? » On appelle monde le ciel, la terre, la mer,
et tout ce qu'ils contiennent. Dans un autre sens, on donne encore ce nom à
ceux qui aiment le monde, et c'est de ce monde qu'il est dit : « Le monde ne
l'a point connu. » On ne peut dire, en effet, ni du ciel, ni des anges, ni
des astres, qu'ils n'ont pas connu le Créateur, dont les démons eux-mêmes
confessent la puissance. Toutes les créatures lui ont donc rendu témoignage.
Quels sont ceux qui ne l'ont point connu ? Ceux qui sont appelés le monde,
parce qu'ils aiment le monde, car en aimant le monde, nous habitons de cœur
dans le monde; ceux, au contraire, qui n'aiment pas le monde, sont de corps
dans le monde, mais ils habitent le ciel par le cœur, suivant ces paroles de
l'Apôtre : « Pour nous, nous vivons déjà dans le ciel. » (Ph 3) C'est donc
parce qu'ils ont aimé le monde, qu'ils ont mérité eux-mêmes le nom du monde
où ils habitent. Lorsque nous disons d'une maison qu'elle est bonne ou
qu'elle est mauvaise, ce n'est point aux murailles que s'adressent notre
blâme ou nos louanges, mais à ceux qui l'habitent; c'est ainsi que nous
appelons monde ceux qui habitent le monde par leurs affections. — S. Jean Chrysostome : (hom. 8 sur S.
Jean). Quant aux amis de Dieu, ils l'ont connu avant même qu'il eût rendu sa
présence sensible, c'est-à-dire avant son avènement en ce monde, comme le
prouvent ces paroles du Sauveur : « Abraham, votre père, a tressailli du
désir de voir mon jour. » (Jn 8, 56). Lors donc que les Gentils nous
adressent ce reproche. Pourquoi le Sauveur n'est-il venu opérer notre salut
que dans les derniers temps, après tant de siècles écoulés, sans qu'il ait
pensé à nous ? Nous leur répondons, qu'avant même son avènement, il était
dans le monde, sa providence s'étendait à toutes ses œuvres, et il était
connu de tous ceux qui en étaient dignes; et si le monde ne l'a pas connu,
ceux dont le monde n'était pas digne, ont mérité de le connaître. En disant :
« Le monde ne l'a point connu, » il a indiqué sommairement la cause de cette
ignorance; car le monde ici sont les hommes qui ne sont attachés qu'au monde,
qui n'ont de goût et d'affection que pour le monde; or rien ne trouble autant
l'âme que l'amour énervant des choses présentes. Versets 11-13.
S. Jean Chrysostome : (hom. 9 sur S. Jean). Ces paroles : « Le
monde ne l'a point connu, » doivent s'entendre des temps qui ont précédé
l'incarnation. Celles qui suivent : « Il est venu dans son héritage, » se
rapportent aux temps de la prédication de l'Evangile.— S. Augustin : (Traité 2 sur S. Jean). « Il est venu dans son
héritage, » parce que toutes choses ont été faites par lui. — Théophylactus : On peut donc entendre
ici ou le monde, ou la Judée, qu'il avait choisie pour héritage. — S. Jean Chrysostome : (hom. 9 et 10
sur S. Jean). Il est venu dans son héritage, non pas dans un motif d'intérêt
personnel (car Dieu n'a besoin de personne), mais pour combler les siens de
bienfaits. Mais d'où a pu venir celui qui remplit tout de son immensité, et
qui est présent partout ? C'est par un effet de sa grande condescendance
qu'il est venu jusqu'à nous; il était au milieu du monde, sans que le monde
pensât à sa présence, parce qu'il n'eu était pas connu; il a donc daigné se
revêtir d'un corps sensible. C'est cette manifestation et cette
condescendance, qu'il appelle sa présence ou son avènement (hom. 11) Or,
Dieu, plein de bonté et de miséricorde, ne néglige rien de ce qui peut nous
élever à une vertu éminente. Aussi ne veut-il s'attacher personne par force
ou par nécessité, et ne veut nous attirer à lui que par la persuasion et par
les bienfaits. De là vient que les uns le reçurent, et que les autres
refusèrent de le recevoir; car il ne veut pas qu'on soit à son service malgré
soi et comme par contrainte; celui qui le sert forcément et de mauvaise grâce,
est à ses yeux comme celui qui refuse complètement de le servir : « Et les
siens ne l'ont pas reçu. » (hom. 9). L'Evangéliste appelle les Juifs les
siens, comme étant son peuple privilégié, ou bien tous les hommes comme étant
tous ses créatures. Dans l’étonnement où le jetait la conduite insensée du
genre humain, il s'est écrié plus haut : « Le monde a été fait par lui, et le
monde n'a point connu son Créateur; » ici l'ingratitude des Juifs le remplit
d'indignation, et il lance contre eux cette accusation bien plus grave : « Et
les siens ne l'ont pas reçu. » S. Augustin : (Traité 1 sur S, Jean). Mais si personne
absolument ne l'a reçu, personne donc n'est sauvé; car la condition
essentielle du salut, c'est de recevoir Jésus-Christ, aussi l'Evangéliste
ajoute : « Tous ceux qui l'ont reçu, » etc. — S. Jean Chrysostome : (hom. 10 sur S. Jean). Esclaves ou hommes
libres, grecs ou barbares, savants ou illettrés, hommes ou femmes, enfants ou
vieillards, tous ont été rendus dignes du même honneur : « Il leur a donné le
pouvoir de devenir enfants de Dieu. »— S.
Augustin : (comme précéd). Quelle extrême bonté ! il était né Fils
unique, et il n'a pas voulu demeurer seul; il n'a pas craint d'avoir des
cohéritiers, parce que son héritage ne peut être amoindri par le partage
qu'il en fait. — S. Jean Chrysostome :
(hom. 10). Il ne dit pas qu'il les fit enfants de Dieu, mais qu'il leur à
donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, nous apprenant ainsi que ce
n'est qu'au prix de grands efforts que nous pouvons conserver sans tache ce
caractère de l'adoption qui a été imprimé et gravé dans notre âme par le
baptême. Il nous enseigne encore que personne ne peut nous ôter ce pouvoir,
si nous-mêmes ne consentons à nous en dépouiller. Ceux à qui les hommes
délèguent une partie de leur puissance ou de leur autorité, la possèdent
presque à l'égal de ceux qui la leur ont donnée; à plus forte raison en
sera-t-il ainsi de nous qui avons reçu cet honneur de Dieu même. Il veut
encore nous apprendre que cette grâce n'est donnée qu'à ceux qui la veulent
et qui la recherchent; car c'est le concours du libre arbitre et de
l'opération de la grâce, qui nous fait enfants de Dieu. — Théophylactus : Ou bien encore, il
veut parler ici de cette filiation parfaite, dont la résurrection doit nous
mettre en possession, d'après ces paroles de l'Apôtre : « Attendant l'effet
de l'adoption divine, la rédemption de notre corps. » (Rm 8) Il nous a donc
donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, c'est-à-dire d'obtenir cette
grâce dans la vie future. S. Jean Chrysostome : (hom. 10). Comme dans la distribution de ces
biens ineffables, il appartient à Dieu de donner la grâce, de même qu'il
appartient à l'homme de faire acte de foi, saint Jean ajoute : « A ceux qui
croient en son nom. » Pourquoi ne nous dites-vous pas, saint Evangéliste,
quel sera le supplice de ceux qui n'ont pas voulu le recevoir ? Mais quel
supplice plus grand pour ceux qui ont reçu le pouvoir de devenir enfants de
Dieu, que de refuser de le devenir, et de se priver volontairement d'un si
grand honneur ? Toutefois ce ne sera pas leur seul supplice, ils seront
condamnés à un feu qui ne s'éteindra jamais, comme l'Evangéliste le déclarera
plus ouvertement dans la suite. (Jn 3) S. Augustin : (même traité). Ceux qui croient en son nom
deviennent donc enfants de Dieu et frères de Jésus-Christ, et prennent par là
même une nouvelle naissance. Comment, en effet, sans cette seconde naissance
pourraient-ils devenir enfants de Dieu ? Les enfants dès hommes naissent de
la chair et du sang, delà volonté de l'homme et de l'union des époux. Mais
comment naissent les enfants de Dieu ? Ils ne sont pas nés des sangs,
c'est-à-dire, de l'homme et de la femme. Le mot sangs (sanguina ou sanguines)
n'est pas latin, mais comme cette expression est au pluriel dans le texte grec,
le traducteur aima mieux la rendre de la sorte, sauf à employer un mot peu
conforme aux règles de la latinité, pour faire mieux comprendre la vérité aux
esprits moins intelligents. En effet, les enfants naissent du mélange du sang
de l'homme et de la femme. — S. Bède :
Il est bon aussi de remarquer que dans la sainte Ecriture, le mot sang au
pluriel signifie ordinairement le péché, comme dans ce passage du Psaume 50 :
« Délivrez-moi des sangs (de sanguinibus). » S. Augustin : (même traité). Dans les paroles suivantes :
« Ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l'homme; » la chair est
synonyme de la femme, en souvenir de sa création. Lorsque, en effet, elle eut
été créée d'une côte du premier homme, Adam lui dit : « Voici l'os de mes os
et la chair de ma chair. » Le mot chair signifie donc ici la femme, de même
que souvent l'esprit est le symbole du mari, parce que son rôle est de
commander, et celui de la femme de servir. Quelle maison plus mal ordonnée,
en effet, que celle où la femme commande au mari ? Les enfants de Dieu ne
sont donc nés ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l'homme, mais
de Dieu. — S. Bède : La génération
charnelle de tous les hommes tire son origine de l'union des époux, tandis
que la génération spirituelle a pour principe la grâce de l'Esprit saint. S. Jean Chrysostome : (hom. 10 sur S. Jean). L'Evangéliste, en
parlant ainsi, veut nous faire comprendre d'un côté la bassesse de la
première génération qui vient du sang et de la volonté de la chair, et
l'élévation de la seconde qui vient de la grâce et ennoblit notre nature,
afin que nous ayons une haute idée de la grâce qui nous a engendrés, et que
nous ne négligions rien pour la conserver. Verset 13.
S. Augustin : (même traité). Cette idée d'une naissance
qui vient de Dieu était de nature à inspirer un sentiment d'étonnement mêlé
de frayeur, et il pouvait même paraître incroyable que les hommes soient nés
de Dieu. Aussi l'Evangéliste s'empresse de nous rassurer, en ajoutant : « Et
le Verbe a été fait chair. » Qu'y a-t-il d'étonnant que des hommes naissent
de Dieu ? Considérez Dieu lui-même qui a voulu naître des hommes. — S. Jean Chrysostome : (hom. 11 sur S.
Jean). Ou bien encore : après avoir dit que ceux qui l'ont reçu ont reçu de
Dieu une nouvelle naissance, il fait connaître la cause d'un si grand
honneur, c'est que le Verbe s'est fait chair, car le propre Fils de Dieu est
devenu le Fils de l'homme, afin de rendre les hommes enfants de Dieu. Lorsque
vous entendez dire que le Verbe s'est fait chair, ne vous laissez pas
troubler par ces paroles. Il n'a point changé en chair la nature divine
(interprétation qui serait une impiété), mais il a pris la forme d'esclave en
demeurant ce qu'il est. C'est pour confondre les blasphèmes de ceux qui
prétendent que tout ce qui a rapport à l'incarnation était fantastique et
imaginaire que l'Evangéliste s'est servi de cette expression : « A été fait,
» expression qui ne signifie pas un changement de substance, mais l'union du
Fils de Dieu à une chair véritable. S'ils viennent nous dire que Dieu étant
tout-puissant, a bien pu changer en chair sa nature divine, nous répondrons
que Dieu peut tout ce qui n'atteint pas directement son être divin. Or, toute
idée de changement est directement opposée à cette nature immuable. S. Augustin : (De la Trin., 15, 11) De même que notre
Verbe ou notre parole devient en quelque sorte la voix du corps en s'unissant
à elle pour se manifester aux sens des hommes, ainsi le Verbe de Dieu s'est
fait chair, en s'unissant à elle pour se manifester aussi aux hommes; notre
parole devient voix, mais elle n'est pas changée en voix; ainsi le Verbe de
Dieu s'est fait chair, mais loin de nous la pensée qu'il ait été changé en
chair. Il s'est uni à la chair, mais il ne s'est pas transformé en chair, il
s'est fait chair comme notre parole se fait voix. — CONS. D’EPH. La parole
qui sort de nos lèvres et dont nous faisons usage dans nos rapports avec les
autres hommes, est une parole incorporelle qui n'est sensible ni à la vue, ni
au toucher; mais lorsqu'elle s'est comme revêtue de lettres et de formes
extérieures, elle devient visible et accessible à la vue comme au toucher. De
même le Verbe de Dieu qui, par sa nature, est invisible, est devenu visible;
il est incorporel aussi par sa nature, et il a pris un corps accessible au
toucher. — Alcuin : (Liv. 1, chap.
1, sur S. Jean). Ces paroles : « Le Verbe s'est fait chair, » ne doivent pas
s'entendre dans un autre sens que celui-ci : Dieu s'est fait homme en prenant
un corps et une âme. De même que chacun de nous est un composé d'un corps et
d'une âme qui ne forment qu'un seul homme; ainsi Jésus-Christ, depuis son
incarnation, ne fait qu'une seule personne formée de la divinité, d'un corps,
et d'une âme. La divinité du Verbe a daigné s'unir à cette nature humaine
qu'elle avait choisie spécialement pour qu'elle devînt une seule personne en
Jésus-Christ. La nature divine n'a subi dans cette union aucune altération,
aucun changement, elle s'est simplement unie à la nature humaine qu'elle
n'avait pas auparavant. (Liv. 3, de la foi en la Trin., chap. 9). C'est une
vérité incontestable que le Fils de Dieu a pris, non pas la personne, mais la
nature humaine pour l'unir à sa personne divine et éternelle; l'homme a comme
passé en Dieu, non point par un changement de nature, mais par son union avec
la personne divine. Il n'y a donc point deux Christs, il n'y a qu'un seul
Christ, Dieu et homme tout à la fois. (Liv. 1, cont. Félix d'Urgel). Cette
union du Verbe avec la chair est tellement ineffable, que pour l'exprimer,
nous disons que le Verbe s'est fait chair, quoique le Verbe n'ait pas été
changé en chair, et cette chair est appelée Dieu, bien qu'elle ne soit pas
elle-même changée en la nature divine. (Liv. 3). Nous confessons donc qu'il y
a dans la seule personne de Jésus-Christ deux natures unies entre elles par
un lien si ineffable, que chacune d'elles conservant ses propriétés, cette
sainte et admirable union nous présente, non pas un changement ou une
altération de la divinité, mais une élévation sublime pour l'humanité,
c'est-à-dire, que Dieu n'a pas été changé en l'homme, mais l'homme glorifié
en Dieu, etc. (Dans la Glose). Nous croyons qu'une âme incorporelle peut être
unie à un corps, et que l'union de ces deux substances fait un seul homme;
nous devons croire plus facilement que la nature divine qui est incorporelle,
s'est unie à une âme jointe à un corps pour former une seule personne, de
manière que le Verbe n'a pas été changé en chair, ni la chair dans le Verbe,
pas plus que le corps ne se change en âme, ni l'âme en corps. Théophylactus : Apollinaire de Laodicée a voulu appuyer son
hérésie sur ces paroles; il prétendait que le Christ n'avait point eu d'âme
raisonnable, mais seulement un corps ayant pour âme la divinité qui
gouvernait et dirigeait le corps. — S.
Augustin : (cont. Les Ar., ch. 9). Vous êtes impressionné de ce qu'il est
écrit que le Verbe s'est fait chair, sans qu'il soit question de l'âme ? Mais
rappelez-vous que la chair est souvent mise pour l'homme tout entier en vertu
de cette locution figurée qui emploie la partie pour le tout, comme dans ces
paroles : « Toute chair viendra à vous. » (Ps 64) Et dans ces autres : «
Nulle chair ne sera justifiée par les œuvres de la loi. » Ce que l'Apôtre
explique plus clairement dans l'Epître aux Galates : « L'homme ne sera point
justifié par les œuvres de la loi. » (Ga 2) Ces paroles : « Le Verbe s'est
fait chair, » ont donc la même signification que celles-ci : « Le Verbe s'est
fait homme. » Théophylactus : Si l'Evangéliste nomme de préférence la
chair, c'est pour nous montrer la condescendance inénarrable de Dieu, et nous
faire admirer sa miséricorde qui l'a porté à s'unir pour notre salut, à ce
qui est séparé de sa nature par une distance incommensurable, c'est-à-dire la
chair. L'âme, en effet, a quelques points de rapprochement avec Dieu. Mais si
le Verbe, en s'incarnant, n'avait pas pris une âme humaine, il s'ensuivrait
que nos âmes ne seraient ni guéries ni rachetées, car le Sauveur n'a
sanctifié que ce qu'il s'est uni. C'est l'âme qui, la première s'est rendue
coupable, ne serait-il donc pas ridicule de supposer qu'il se soit uni la
chair pour la sanctifier, tandis qu'il aurait délaissé la partie la plus
noble de l'homme, comme aussi la plus malade ? Ainsi se trouve encore
détruite l'hérésie de Nestorius, qui enseignait que ce n'est pas le
Verbe-Dieu qui s'est fait homme et qui a été conçu du sang d'une Vierge, mais
que la Vierge a enfanté un homme, orné et enrichi de toutes les vertus, et
que le Verbe de Dieu s'était uni. Il concluait de là qu'il y avait en
Jésus-Christ deux fils, l'un né de la Vierge, qui était homme, l'autre né de
Dieu, c'était son luis, qui était uni à cet homme par les liens de la grâce
et de la charité. L'Evangéliste lui a répondu d'avance, en affirmant que
c'est le Verbe lui-même qui s'est fait homme, et non pas que le Verbe a fait
choix d'un homme vertueux pour s'unir à lui. S. Cyrille d’Alexandrie : (Lett. 8 à Nestor.; 4 dans l'édit. lat). Le
Verbe s'est fait homme en s'unissant une chair animée d'une âme raisonnable,
par une union ineffable et incompréhensible, qui ne fait en lui qu'une seule
personne, et il a été appelé Fils de l'homme, non par suite d'une simple
union de volonté ou de bon vouloir, ni parce qu'il avait pris la simple
personnalité de l'homme, mais par suite de l'union véritable de deux natures
différentes qui n'ont formé qu'un seul Christ et qu'un seul Fils, sans que
cette union étroite ait détruit la différence des deux natures. Théophylactus : De ces paroles : « Le Verbe s'est fait
chair, » nous concluons que le Verbe s'est fait homme, et que tout en
demeurant Fils de Dieu, il est devenu fils de la femme, à qui nous donnons le
nom distinctif de mère de Dieu, parce qu'elle a véritablement engendré Dieu
selon la chair. S. Hilaire : (De la Trin., 10). Il en est qui veulent que
le Fils unique de Dieu, c'est-à-dire, le Dieu Verbe, qui était en Dieu au
commencement, ne soit pas Dieu substantiellement, mais seulement la parole
d'une voix qui s'est produite, c'est-à-dire, que le Fils serait pour Dieu le
Père, ce que la parole est pour ceux qui la profèrent. Par suite de cette
erreur, ils cherchent à nier, par leurs raisonnements insidieux, que le
Verbe-Dieu soit né comme homme et comme Christ, en demeurant Dieu. Ils
donnent à cette conception et à cette naissance une cause toute naturelle, et
refusent de leur reconnaître un caractère mystérieux et divin, de sorte que
dans leur sentiment, le Dieu Verbe n'a pas reçu son humanité d'un enfantement
virginal, mais il a été simplement dans la personne de Jésus, comme l'esprit
de prophétie était dans les prophètes. Ils nous reprochent d'ailleurs de dire
que le Christ, dans sa naissance, n'a pas pris un corps et une âme semblables
au nôtre, alors que nous professons hautement que le Verbe fait chair a pris
en naissant une nature comme à la nôtre, et qu'il est vrai fils de Dieu, en
même temps qu'il est né vrai Fils de l'homme. Mais de même qu'il avait reçu
de la Vierge un corps qu'il avait lui-même créé, c'est de lui-même aussi que
vient l'âme qu'il s'est unie, et qui d'ailleurs n'est jamais donnée à l'homme
par voie de génération. Or, puisqu'il est certain qu'il est à la fois Fils de
l'homme et Fils de Dieu, n'est-il pas ridicule de supposer en dehors du Fils
de Dieu, du Verbe fait chair, je ne sais quel prophète, animé par le Verbe de
Dieu, alors qu'il est certain que le Seigneur Jésus-Christ est à la fois Fils
de Dieu et Fils de l'homme ? — S. Jean
Chrysostome : (hom. 10 sur S. Jean). L'Evangéliste détruit par avance la
fausse idée que ces paroles : « Le Verbe s'est fait chair, » pourraient faire
naître dans certains esprits, d'un changement ou d'une transformation de
cette nature incorruptible, en ajoutant : « Et il a habité parmi nous. » Car
celui qui habite n'est pas une même chose avec le lieu qu'il habite, il en
diffère. Je parle ici de la différence de nature, car en vertu de l'union
étroite qui existe entre les deux natures, le Dieu Verbe fait chair, ne forme
qu'une seule personne sans aucune confusion, comme sans destruction de ces
deux natures. — Alcuin : Ou bien
encore : « Il a habité parmi nous, » c'est-à-dire, il a vécu et conversé
parmi les hommes. Verset 14.
S. Jean Chrysostome : (hom. 11 sur S. Jean). Nous avons donc été
faits enfants de Dieu et en vertu du mystère du Verbe fait chair;
l'Evangéliste nous fait connaître un nouveau bienfait de l'incarnation : « Et
nous avons vu sa gloire; » car jamais nous n'aurions pu la voir, si lui-même
ne s'était manifesté à nous sous une forme semblable à la nôtre. En effet, si
les Hébreux n'ont pu soutenir l'éclat du visage glorifié de Moïse, qu'il
fallut couvrir d'un voile, comment, nous, dont l'origine et les instincts
sont tout terrestres, pourrions-nous soutenir à découvert la vue de la
Divinité, inaccessible même aux vertus supérieures des cieux. S. Augustin : (Traité 2 sur S. Jean). Ou bien encore, ces
paroles : « Le Verbe s'est fait chair, et il a habité parmi nous, » nous
apprennent que le Verbe a fait du mystère de sa naissance comme un collyre
pour éclaircir les yeux de notre cœur, et nous permettre de voir sa Majesté à
travers son humanité : « Et nous avons vu sa gloire. » Personne ne pourrait
voir sa gloire, s'il n'était guéri par l'humilité de son incarnation. L'œil
de l'homme était comme obscurci par la poussière soulevée de la terre, il
avait les yeux malades, et Dieu lui met comme de la terre sur les yeux pour
les guérir. La chair vous avait aveuglé, c'est la chair qui vous guérit.
L'âme était devenue charnelle en donnant son consentement aux affections de
la chair, et c'est ainsi que l'œil du cœur avait été aveuglé. Le médecin vous
a fait un collyre en venant revêtu d'une chair mortelle pour réprimer les
vices de la chair, car le Verbe s'est fait chair, afin que vous puissiez dire
: « Nous avons vu sa gloire. » S. Jean Chrysostome : (hom. 12 sur S. Jean). Saint Jean ajoute : «
Comme la gloire du Fils unique. » C'est, qu'en effet, un grand nombre de
prophètes ont été glorifiés, tels que Moïse, Elie, Elisée, et beaucoup
d'autres qui ont opéré de grands miracles. Il en est de même des anges qui,
en apparaissant aux hommes, ont fait briller à leurs yeux la gloire qui est
propre à leur nature; c'est ainsi que les chérubins et les séraphins ont été
vus par le prophète, environnés d'une gloire éclatante. L'Evangéliste nous
élève bien au-dessus de cette gloire, au-dessus de toute nature et de toute
gloire créée, et nous conduit jusqu'au faite de tous les biens. Or voici le
sens de ses paroles : La gloire que nous avons vue n'est pas la gloire d'un
prophète, d'un homme ordinaire, ni même d'un ange, d'un archange, ou de
quelqu'une des puissances supérieures, mais c'est comme la gloire du
dominateur lui-même, du roi, du Fils unique par nature. — S. Grégoire : (Moral., 18, 6). En
effet, dans les saintes Ecritures, les particules, de même, comme (sicut,
quasi), n'indiquent pas toujours une simple ressemblance, mais quelquefois
une parfaite identité, comme dans ces paroles : « Comme du Fils unique du
Père. » — S. Jean Chrysostome : (hom.
12 sur S. Jean). Ceux qui ont vu un roi dans toute sa gloire et sa majesté,
dans l'impuissance où ils sont de rendre comme ils le voudraient l'impression
produite sur eux par tant d'éclat et de splendeur, s'expriment ordinairement
de la sorte : Pourquoi vous en dirai-je davantage ? C'était comme un roi.
Saint Jean s'exprime de la même manière : « Nous avons vu sa gloire comme,
celle du Fils unique du Père. » Lorsque les anges apparaissaient, c'était
toujours comme des serviteurs qui exécutent les ordres de leur maître; mais
le Fils de Dieu, quoique sous une forme humaine, se révèle comme étant le
Seigneur. D'ailleurs, les créatures le reconnaissent comme leur Maître;
l'étoile, en appelant les mages à son berceau; les anges, en annonçant sa
naissance aux bergers; l'enfant (Jean-Baptiste), en tressaillant dans le sein
de sa mère. Le Père lui-même lui a rendu témoignage du haut des cieux, et le
Paraclet en descendant sur lui lors de son baptême. Que dis-je, toute la
nature a proclamé bien plus haut que la multitude qu'il était le roi des
cieux. Il mettait les démons en fuite, il guérissait toutes les maladies,
faisait sortir les morts de leurs tombeaux, retirait les âmes de l'abîme du
mal pour les conduire au sommet des plus éminentes vertus. Qui pourrait dire
la sagesse de ses préceptes, la force de ses lois divines et la belle
harmonie de la vie toute angélique qu'il est venu établir parmi les hommes ? Origène : (hom. 2 sur div. suj). Les paroles qui
suivent : « Plein de grâce et de vérité, » peuvent s'entendre de deux
manières différentes, c'est-à-dire de l'humanité et de la divinité du Verbe
incarné. Ainsi la plénitude de la grâce se rapporterait à l'humanité, par
laquelle le Christ est le chef de l'Eglise et le premier né de toute
créature. En effet, c'est en lui que s'est manifesté le plus grand et le plus
merveilleux effet de la grâce, en vertu de laquelle l'homme est devenu dieu sans
aucun mérite de sa part. La plénitude de la grâce eu Jésus-Christ peut encore
s'entendre de l'Esprit saint, dont les sept dons remplirent l'humanité du
Sauveur. (Is 11) La plénitude de la vérité se rapporte à la divinité. Si vous
aimez mieux appliquer au Nouveau Testament cette plénitude de grâce et de
vérité, vous pourriez dire avec beaucoup de vraisemblance que la plénitude de
la grâce du Nouveau Testament nous a été donnée par Jésus-Christ, et que la
vérité des symboles figuratifs de la loi s'est accomplie en lui. — Théophylactus : Ou encore, il est
plein de grâce, à cause de la grâce de ses paroles, comme le prédit David : «
La grâce est répandue sur vos lèvres » (Ps 44); il est plein de vérité, en
comparaison de Moïse et des prophètes qui parlaient ou agissaient eu figure,
tandis que toutes les paroles comme toutes les actions de Jésus-Christ
étaient vérité. Verset 15.
Alcuin : Nous avons vu plus haut qu'un homme avait
été envoyé pour rendre témoignage; l'Evangéliste rapporte ici le témoignage
que le Précurseur rend publiquement à l'élévation de l'humanité en
Jésus-Christ et à l'éternité de son existence divine : « Jean rend témoignage
de lui. » — S. Jean Chrysostome : (hom.
13 sur S. Jean). Ou bien, tel est le motif qui a déterminé l'Evangéliste à
rapporter ce témoignage : Ne croyez pas, semble-t-il dire, que c'est pour
avoir longtemps vécu avec le Sauveur et nous être assis à la même table, que
nous lui rendons ainsi un témoignage de reconnaissance; car Jean-Baptiste qui
ne l'avait pas vu auparavant, qui n'avait point vécu avec lui, lui rend le
même témoignage. Il revient à plusieurs reprises sur ce témoignage, et le
reproduit avec le plus grand soin sous différentes formes, parce que les
Juifs avaient Jean-Baptiste en très-grande estime. Les autres évangélistes
ont invoqué les oracles des anciens prophètes. « Ceci s'est fait, disent-ils,
afin que fût accomplie la parole du prophète. » Saint Jean, au contraire,
produit un témoin plus élevé, et aussi plus récent, non qu'il prétende donner
du crédit au Maître par le témoignage du serviteur, mais pour s'accommoder à
la faiblesse de ses auditeurs. Si le Fils de Dieu n'eût pris la forme de
serviteur, il n'eût pu être reçu par les hommes; de même s'il n'eût préparé
par la voix de son serviteur l'esprit de ses semblables, peu de Juifs eussent
consenti à recevoir la parole de Jésus-Christ : « Et il dit à haute voix,»
c'est-à-dire qu'il parle publiquement, avec confiance et en toute liberté, et
sans rien dissimuler. Toutefois, il ne commence point par dire que Jésus est
le Fils unique de Dieu par nature, mais il dit à haute voix : « Voici celui
dont je disais : Celui qui doit venir après moi, a été fait pins grand que
moi, parce qu'il était avant moi. » Les mères des petits oiseaux n'apprennent
pas tout de suite à voler à leurs petits; ils commencent par les faire sortir
de leur nid, puis les laissent se reposer, puis les exercent de nouveau, et
enfin leur font prendre un essor plus rapide dans les airs. Jean-Baptiste
fait de même, il ne porte pas tout d'abord les Juifs à de hautes
considérations, mais il les élève insensiblement au-dessus de la terre en
leur disant que le Christ était au-dessus de lui, ce qui était un grand
point. Et voyez avec quelle prudence il lui rend témoignage. Il n'attend pas
que Jésus soit présent pour le faire connaître, il l'annonce avant qu'il eût
paru au milieu des Juifs. C'est ce qu'indiquent ces paroles : « Voici celui
dont je disais, » etc. Jean-Baptiste agit de la sorte pour préparer les
esprits à recevoir plus facilement Jésus-Christ, sans être arrêté par ses
humiliations volontaires et l'extrême simplicité de son extérieur. En effet,
le Sauveur avait un extérieur si simple et si ordinaire, que si les Juifs
n'avaient entendu parler de lui qu'après l'avoir vu, ils se seraient moqués du
témoignage de Jean. Théophylactus : Il dit : « Celui qui vient après moi, » dans
l'ordre de la naissance temporelle; Jean-Baptiste, en effet, précédait le
Christ de six moissons ce rapport.— S.
Jean Chrysostome : (hom. 13). Ou bien encore,-il ne parle pas ici de la
naissance de Jésus du sein de Marie; car Jésus était déjà né, quand
Jean-Baptiste tenait ce langage, mais du commencement de sa vie évangélique.
Il dit : « il a été fait avant moi, » c'est-à-dire qu'il est plus illustre et
plus digne d'honneur et de gloire. Ne croyez pas, semble-t-il dire, que je
sois plus grand que lui, parce que je le précède dans la carrière de la
prédication. — Théophylactus : Les
ariens interprètent ce passage, dans ce sens que le Fils de Dieu n'est pas
engendré du Père, mais qu'il a été fait comme toutes les autres créatures. — S. Augustin : (Traité 3 sur S. Jean).
Ces paroles ne veulent donc pas dire : Il a été fait avant que je fusse fait
moi-même, mais il a été placé au-dessus de moi. S. Jean Chrysostome : (hom. précéd). Si ces paroles : « Il a été
fait avant moi, » devaient s'entendre du commencement de l'existence, il
serait fort inutile d'ajouter : « Parce qu'il était avant moi. » Car qui est
assez ignorant, pour ne pas savoir que celui qui a été fait avant lui était
avant lui ? Si telle avait été son intention, voici comme il aurait dû
s'exprimer : Il était avant moi, parce qu'il a été fait avant moi. Ces
paroles : « Il a été fait avant moi, » doivent donc s'entendre d'une priorité
d'honneur, et Jean-Baptiste présente comme étant déjà accompli ce qui devait
se faire, selon la coutume des prophètes qui parlaient des choses à venir
comme si elles étaient déjà passées. Versets 16-17.
Origène : (Traité 5 sur S. Jean). Ces paroles sont la
continuation du témoignage que Jean-Baptiste rend à Jésus-Christ, et on se
trompe en attribuant les réflexions qui suivent à saint Jean l'Evangéliste,
jusqu'à ces paroles : « Le Fils unique, qui est dans le sein du Père, nous
l'a fait connaître. » C'est faire violence au texte que de supposer que le
discours du Précurseur est interrompu par les réflexions de l'Evangéliste, et
l'enchaînement des paroles est ici visible pour qui est capable de le saisir.
Jean-Baptiste venait de dire : « Il a été fait plus grand que moi, parce
qu'il était avant moi. » Or, poursuit-il, je suis porté à croire et à
conclure qu'il est avant moi, parce que nous avons reçu, moi, et les
prophètes avant moi, une seconde grâce après la première; car l'esprit de
Dieu, après les symboles figuratifs, les a conduits jusqu'à la contemplation
de la vérité. En recevant ainsi de sa plénitude, nous comprenons que la loi a
été donnée par Moïse, et que la grâce et la vérité ont été données ou plutôt
ont été faites par Jésus-Christ; car Dieu le Père a donné la loi par Moïse,
et il a fait la grâce et la vérité par Jésus-Christ. Mais puisque Jésus a dit
: « Je suis la vérité, » comment la vérité a-t elle pu être faite par lui ?
Nous répondons que la vérité substantielle, la vérité première qui est le
principe et le modèle de toutes les vérités qui existent dans l'esprit de
ceux qui enseignent la vérité, n'a été faite ni par Jésus-Christ ni par aucun
autre; la vérité qui a été faite par Jésus-Christ est donc celle que nous
remarquons dans saint Paul et dans les autres Apôtres. — S. Jean Chrysostome : (hom. 13 sur S. Jean). On peut dire encore
que saint Jean l'Evangéliste joint ici son témoignage à celui de
Jean-Baptiste. Ainsi ces paroles : « Et nous avons reçu tous de sa plénitude,
» etc., ne sont pas les paroles du Précurseur, mais celles du disciple, et
voici quel en est le sens : Et nous autres aussi, les douze Apôtres, et toute
la multitude des fidèles présents et futurs, nous avons tous reçu de sa
plénitude. S. Augustin : (Traité 3 sur S. Jean). Et qu'avez-vous donc
reçu ? « Grâce pour grâce, » c'est-à-dire que nous avons reçu de sa plénitude
je ne sais quoi d'ineffable, et ensuite grâce pour grâce. Ainsi nous avons
reçu de sa plénitude, d'abord la grâce, et nous avons reçu ensuite grâce pour
grâce. Quelle est la première grâce que nous avons reçue ? La foi, qui est
appelée grâce, parce qu'elle est donnée gratuitement. Le pécheur a donc reçu
cette première grâce qui a été pour lui le principe de la rémission de ses
péchés; et il a de nouveau reçu grâce pour grâce, c'est-à-dire que, pour cette
grâce qui nous fait vivre de la foi, nous en recevrons une autre,
c'est-à-dire la vie éternelle. Car la vie éternelle est comme la récompensé
de la foi, et comme la foi est une grâce, la vie éternelle est aussi une
grâce donnée pour une autre grâce. Cette grâce n'existait pas dans l'Ancien
Testament, parce que la loi menaçait sans porter secours; elle commandait
sans guérir, elle montrait le mal sans le faire disparaître, et se contentait
de préparer les hommes à recevoir le médecin qui devait venir avec la grâce
et la vérité. Voilà pourquoi l'Evangéliste ajoute : « La loi a été donnée par
Moïse, mais la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ, » car la mort
de votre Seigneur a détruit la mort temporelle et la mort éternelle; et c'est
là cette grâce que la loi promettait et ne donnait pas. S. Jean Chrysostome : (hom. 14 sur S. Jean). Ou bien, nous avons
reçu grâce pour grâce, c'est-à-dire une grâce nouvelle pour la grâce
ancienne. De même, en effet, qu'il y a justice et justice, adoption et adoption,
circoncision et circoncision, il y a aussi grâce et grâce, la première comme
figure, la seconde comme vérité. Jean-Baptiste parle de la sorte pour prouver
aux Juifs qu'eux-mêmes n'étaient sauvés que par grâce, et que nous-mêmes,
tous tant que nous sommes, nous ne pouvons arriver au salut par une autre
voie. Ce fut donc une véritable grâce, et un acte de miséricorde que la loi
qui fut donnée aux Juifs. Aussi l'Evangéliste, voulant faire ressortir la
grandeur des dons qui ont été faits, ajoute : « La loi a été donnée par
Moïse, mais la grâce, » etc. Il avait plus haut établi une comparaison entre
Jésus-Christ et lui, en disant : « Il a été fait plus grand que moi. » Ici
saint Jean fait cette comparaison entre Jésus-Christ et Moïse qui fut pour
les Juifs l'objet d'une bien plus grande admiration que Jean-Baptiste. Et
voyez quelle est ici sa prudence : Il n'établit pas la comparaison entre les
personnes, mais entre les choses, et il oppose la grâce et la vérité à la
loi, aussi bien que cette expression : « A été donnée, » à cette autre : « A
été faite. » Il dit de la loi qu'elle a été donnée, c'était l'œuvre d'un
serviteur qui transmet ce qu'il a reçu selon l'ordre qui lui a été imposé.
Ces paroles, au contraire : « La grâce et la vérité ont été faites, » indiquent
un roi qui remet tous les péchés par sa puissance, c'est ce que faisait Jésus
: « Vos péchés vous sont remis (Mc 2, 9), et encore : « Afin que vous sachiez
que le Fils de l'homme a le pouvoir de remettre les péchés, » etc. (Mc 2, 10
et 11). Vous voyez comme la grâce a été faite par Jésus-Christ, considérez
comment la vérité nous est aussi venue de la même manière. Le don du baptême,
le bienfait de l'adoption qui nous est donné par le Saint-Esprit, et une
multitude d'autres dons sont les preuves et les fruits de la grâce. Quant à
la vérité, nous comprendrons mieux comment elle est venue par Jésus-Christ,
si nous avons une connaissance parfaite des figures de la loi; car tout ce
qui devait s'accomplir dans le Nouveau Testament a été annoncé et figuré dans
l'Ancien, et c'est Jésus-Christ qui est venu accomplir toutes ces figures.
C'est ainsi que la figure a été donnée par Moïse, et que la vérité a été
faite par Jésus-Christ. S. Augustin : (de la Trin., 13, 20). Ou bien encore, nous
pouvons rapporter la grâce à la science, et la vérité à la sagesse. Parmi les
choses qui ont pris naissance dans le cours des temps, la grâce par
excellence qui nous a été donnée, c'est que l'homme ait été uni à Dieu en
unité de personne; et dans les choses de l'éternité, la vérité suprême et par
excellence doit s'entendre du Verbe de Dieu. Verset 18.
Origène : (Traité 6 sur S. Jean). C'est sans aucune
raison qu'Héracléon prétend que ces paroles ne sont point de Jean-Baptiste,
mais de l'Evangéliste. En effet, si les paroles qui précèdent : « Nous avons
tous reçu de sa plénitude, » ont été dites par le saint Précurseur, comment
ne pas admettre comme conséquence, que celui qui avait reçu de la plénitude
de Jésus-Christ et une seconde grâce pour la première, celui qui avait
déclaré que la loi avait été donnée par Moïse, et que la grâce et la vérité
étaient venues par Jésus-Christ, ait compris comment personne n'a jamais vu
Dieu, mais que le Fils unique, qui repose dans le sein du Père, a donné la
connaissance de ces mystères, non-seulement à Jean, mais à tous ceux qui
marchent dans les voies de la perfection ? Et ce n'est pas la première fois
que celui qui est dans le sein du Père les révélait, comme si avant les
Apôtres, personne n'avait été digne de recevoir cette révélation; car lui qui
existait avant qu'Abraham fût fait, nous apprend qu'Abraham a tressailli du
désir de voir son jour, et qu'il en a été rempli de joie. S. Jean Chrysostome : (hom. 15 sur S. Jean). Ou bien, c'est
l'Evangéliste lui-même qui, pour faire ressortir la prééminence des dons que
Jésus-Christ nous a faits sur ceux dont Moïse a été le dispensateur, nous
indique le véritable motif de cette supériorité. Moïse, simple serviteur, a
été le dispensateur de grâces moins importantes; Jésus, au contraire, le
souverain Seigneur et Fils de roi, a répandu sur nous des grâces d'un ordre
bien supérieur, lui dont l'existence est éternelle comme celle du Père, et
qui jouit éternellement de sa présence. Voila l'explication de ces paroles :
« Personne n'a jamais vu Dieu. » — S.
Augustin : (Lettre 112 à Pauline). Que signifient donc ces paroles de
Jacob : « J'ai vu le Seigneur face, à face, » (Gn 32) et ce qui est écnt de
Moïse, qu'il parlait à Dieu face à face (Ex 33), et encore ce que le prophète
Isaïe dit de lui-même : « J'ai vu le Seigneur des armées assis sur un trône ?
» (chap. 6)— S. Grégoire : (Moral.,
28, 18) Ces textes nous donnant clairement à comprendre que pendant cette vie
mortelle, on peut bien voir Dieu sous certaines figures, mais jamais dans la
claire manifestation de sa nature, c'est-à-dire que, l'âme comme inspirée par
la grâce de l'Esprit saint, le voit comme à travers ces figures, mais sans
pouvoir jamais parvenir à la vue intime de son essence. C'est ainsi que
Jacob, qui affirme qu'il a vu Dieu, n a vu cependant qu'un ange; c'est ainsi
encore que Moïse, qui parlait à Dieu face à face, lui fait cette prière : «
Manifestez-vous à moi ouvertement, afin que je vous voie et que je vous
connaisse ». D'où nous pouvons conclure qu'il avait soif de voir dans toute
sa splendeur cette nature infinie qu'il avait commencé à voir dans des
figures imparfaites. S. Jean Chrysostome : (hom. précéd). Si les patriarches de
l'Ancien Testament avaient véritablement vu la nature divine, ils ne
l'auraient point vue sous des formes différentes, car cette divine nature est
simple et sans figure, on ne peut la supposer ni assise, ni debout, ni en
marche, toutes choses qui ne conviennent qu'aux corps. Aussi écoutez comment
Dieu parle par son prophète : « J'ai multiplié pour eux les visions, et ils
m'ont représenté à vous sous des images différentes. » (Os 12) C'est-à-dire,
je me suis accommodé à leur faiblesse; je ne leur ai pas apparu tel que
j'étais. Comme le Fils de Dieu devait se manifester à nous dans une chair
véritable, il les préparait dès lors à voir Dieu, autant que cela leur était
possible. S. Augustin : (Lettr. à Pauline). Mais comment concilier
ces paroles : « Bienheureux ceux qui ont le cœur pur, parce qu'ils verront
Dieu, » (Mt 5) et ces autres : « Lorsqu'il apparaîtra, nous lui serons
semblables, parce que nous le verrons tel qu'il est, » avec celles-ci : «
Personne n'a jamais vu Dieu ? » On peut répondre que les témoignages qu'on
vient de citer ont pour objet la vision future de Dieu, et non la vision
actuelle. Le texte dit en effet : « Ils verront Dieu, » et non : Ils ont vu
Dieu; de même encore : « Nous le verrons tel qu'il est, » et non pas : Nous
l'avons vu. Or, Jean dit ici : « Personne n'a jamais vu Dieu, » ou dans cette
vie tel qu'il est, ou même dans la vie des anges, où Dieu n'est pas vu comme
le sont les objets extérieurs par les yeux du corps. S. Grégoire : (Moral., 18, 28). Que cependant, même dans
cette chair corruptible, des âmes qui ont fait d'immenses progrès dans la
vertu puissent voir la splendeur divine avec les yeux perçants de la
contemplation cela n'est nullement en contradiction avec ces paroles; car
celui qui a le bonheur de voir la sagesse qui est Dieu, meurt entièrement à
la vie présente, et s'affranchit ainsi de toutes ses affections. S. Augustin : (De la Gen.; explic.
littér., 27) Si, en effet on ne meurt à cette vie soit en se séparant
réellement du corps, sent en se détachant si parfaitement des sens
extérieurs, qu'on puisse dire avec l’Apôtre, qu’on ne sait si on est avec son
corps ou en dehors de son corps (2 Co 12), ou ne peut être élevé jusqu'à la
hauteur de cette contemplation. S. Grégoire : (Moral., 18, 28). Il en est qui ont prétendu
que, même dans cette région du bonheur, Dieu pourra être vu dans sa gloire,
mais nullement dans sa nature. Leurs recherches plus subtiles qu approfondies
les ont induits en erreur, car pour cette essence simple et immuable la
gloire n'est pas différente de la nature. S. Augustin : (Lettre à Pauline). Dira-t-on que ces
paroles : « Personne n'a jamais vu Dieu, » doivent s'entendre des hommes
seuls, comme l'explique plus ouvertement l'Apôtre, quand il dit : « Qu’aucun
homme ou que nul homme n'a vu et ne peut voir. » (1 Tm 6) La difficulté se
résout d'elle-même, et ces paroles : « Personne n’a jamais vu Dieu, » ne sont
nullement en opposition avec ces autres du Sauveur : « Leurs anges voient
toujours la face de mon Père, » (Mt 18) puisqu'il est facile de comprendre
que les anges voient Dieu, qu'aucun homme n'a jamais pu voir. — S. Grégoire : (Moral., 18, 28).
D'autres cependant soutiennent qu'il est impossible, même aux anges de voir
Dieu. — S. Jean Chrysostome : (hom.
précéd). Certainement, ni les prophètes, ni les anges, ni les archanges,
n'ont jamais vu ce qu'est Dieu en lui-même. Si vous interrogez les anges, ils
ne vous diront rien de la substance divine, ils se contentent de chanter : «
Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes de
bonne volonté. » (Lc 2) Désirez-vous apprendre quelque chose de plus des
chérubins et des séraphins ? Vous n'entendrez sortir de leur bouche que cette
hymne mystérieuse de la sainteté de Dieu : « Le ciel et la terre sont pleins
de sa gloire. » (Is 6) — S. Augustin :
(Lett. à Pauline). Ces paroles sont encore vraies en ce sens, que
personne n'a jamais pu comprendre, non-seulement des yeux du corps, mais par
les forces de son esprit, la plénitude de l'essence divine. Il y a, en effet,
une grande différence entre la simple vision et la compréhension parfaite.
Nous voyons ce dont nous apercevons la présence de quelque manière que ce
soit, mais nous comprenons une chose quand nous la voyons si parfaitement,
qu'aucune des parties qui la composent n'échappe à nos investigations. — S. Augustin : Il n'y a donc que le
Fils et l'Esprit saint qui puissent voir le Père, car comment une simple
créature pourrait-elle voir une nature incréée ? Personne donc ne connaît le
Père, si ce n'est le Fils : « Le Fils unique, qui est dans le sein du Père,
nous l'a fait connaître. » Et de peur que le nom de Fils vous donne à penser
qu'il s'agit ici d'au de ceux qui sont devenus fils de Dieu par sa grâce,
l'article précède le mot Fils (ό υίος). Et si cela
ne suffit pas encore, on vous dit que c'est le Fils unique. S. Hilaire : (De la Trin., 6) Le nom de Fils ne
paraissait pas encore assez explicite pour exprimer la nature divine, si
Jean-Baptiste n'y ajoutait une propriété qui le rend exclusif et
incommunicable. En effet, par l'emploi de ces seuls mots : Fils et unique, il
exclue toute idée d'adoption, puisque la nature divine seule peut remplir
toute la signification de ce nom. — S.
Jean Chrysostome : (hom. précéd). Il ajoute encore une autre preuve de la
même vérité : « Qui est dans le sein du Père, » privilège bien supérieur à
celui de voir simplement Dieu. Celui qui ne fait que le voir, n'a pas une connaissance
parfaite de ce qu'il voit. Mais celui qui demeure dans le sein du Père, ne
peut rien ignorer de ce qui est en Dieu. Lors donc que vous entendez ces
paroles : « Personne ne connaît le Père, si ce n'est le Fils, » ne les prenez
pas dans ce sens que le Fils a du Père une connaissance supérieure à celle de
tous les hommes, mais qui cependant n'embrasse point l'immensité de son être,
car l'Evangéliste vous dit qu'il demeure dans le sein du Père, pour vous
faire comprendre son union intime avec le Père, et son existence coéternelle
avec lui. — S. Augustin : (Tr. 3
sur S. Jean. ) « Dans le sein du Père, » c'est-à-dire, dans le secret du
Père, car Dieu n'a pas de sein comme celui que nous formons avec nos
vêtements, il ne s'assoie point comme nous, il ne porte pas de ceinture qui
puisse former un sein. Mais on appelle le secret du Père le sein du Père,
parce que le sein chez nous est comme une partie intime de nous-mêmes. C'est
donc celui qui a connu le Père dans le secret du Père, qui nous a raconté ce qu'il
a vu. S. Jean Chrysostome : (hom. précéd). Comment nous l'a-t-il raconté
? Eu proclamant qu'il n'y a qu'un seul Dieu; mais c'est ce que Moïse et les
prophètes avaient fait avant lui. Que nous a donc fait connaître de plus le
Fils, qui demeurait dans le sein du Père ? Il nous a enseigné d'abord que les
prophètes n'ont annoncé l'existence d'un seul Dieu que par la vertu du Fils
unique; secondement, que nous avons reçu par ce Fils unique des grâces bien
plus grandes et plus abondantes; troisièmement, que Dieu est esprit, et que
ceux qui l'adorent doivent l'adorer en esprit et en vérité (Jn 4), et enfin
que Dieu est le Père du Fils unique. — S.
Bède : Si on rapporte au passé ce mot (enarravit), il a raconté, nous
dirons que le Fils de l'homme nous a l'ait connaître ce que nous devions
penser et croire de l'unité de la Trinité, comment nous devons nous élever
jusqu'à la contemplation d'un si grand mystère et par quelles œuvres nous
pouvons y parvenir. Si on traduit ce mot au futur, le sens sera que le Fils racontera
ce qu'il a vu dans le sein du Père, lorsqu'il introduira ses élus dans les
célestes clartés de la vision éternelle. — S. Augustin : (Traité 3). Il s'est trouvé des hommes qui, trompés
par la vanité de leur cœur, ont dit : Le Père est invisible, le Fils, au
contraire, est visible. Si dans leur pensée, le Fils est visible, parce qu'il
s'est revêtu d'un corps sensible, nous sommes de leur avis, et c'est aussi ce
qu'enseigne la foi catholique; mais s'ils prétendent qu'il était visible
avant même son incarnation, ils tombent dans une grave absurdité.
Jésus-Christ est la sagesse et la vertu de Dieu, or la sagesse de Dieu ne
peut pas être vue des yeux du corps. La parole, le verbe de l'homme est
invisible pour les yeux de l'homme, comment le Verbe de Dieu pourrait-il être
visible ? — S. Jean Chrysostome : (hom.
préc). Ce n'est donc pas au Père seul que se rapportent ces paroles : «
Personne n'a jamais vu Dieu, mais elles sont également vraies du Fils, dont
saint Paul a dit : « Il est l'image du Dieu invisible, » or, celui qui est
l'image d'un être invisible, est invisible lui-même. Versets 19-23.
Origène : (Traité 6 sur S. Jean). C'est ici le second
témoignage que nous voyons Jean-Baptiste rendre à Jésus-Christ, puisque le
premier commence à ces paroles : « Voici celui dont je disais : celui qui
doit venir après eux, » etc., et se termine par ces autres : « C'est lui qui
l'a raconté. » — Théophylactus : On
peut dire encore que l'Evangéliste, après avoir rapporté le témoignage rendu
par Jean-Baptiste à Jésus-Christ : « Il a été fait plus grand que moi, »
etc., nous fait connaître l'époque à laquelle le saint précurseur a rendu ce
témoignage : « Et tel est le témoignage de Jean, lorsque les Juifs lui
envoyèrent, » etc. — Origène : (Traité
6). Les Juifs qui envoient cette députation étaient parents de Jean-Baptiste,
comme étant eux-mêmes de race sacerdotale, et ils envoient pour demander à
Jean qui il était, des prêtres et des lévites de Jérusalem, c'est-à-dire, des
hommes élevés au-dessus des autres, et par leur vocation, et par la ville
qu'ils habitaient. Ils s'adressent donc à Jean avec les marques du plus grand
respect, jamais ils n'agirent de cette manière à l'égard du Sauveur. Mais la
démarche qu'ils font aujourd'hui auprès de Jean-Baptiste, le saint précurseur
la fit lui-même à l'égard de Jésus-Christ, en envoyant ses propres disciples
lui demander : « Etes-vous celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre
un autre ? »— S. Jean Chrysostome : (hom.
16 sur S. Jean). Jean-Baptiste était à leurs yeux si digne de foi, qu'ils
étaient disposés à croire au témoignage qu'il rendrait de lui-même : « Ils
envoyèrent pour demander : Qui êtes vous ? » — S. Augustin : (Traité 4 sur S. Jean). Ils ne lui auraient pas
envoyé cette députation, s'ils n'avaient été frappés du caractère de
supériorité qui brillait en sa personne et en vertu duquel il donnait le
baptême. — Origène : (Traité 6 sur
S. Jean). Jean-Baptiste démêlait dans la question des prêtres et des lévites
le doute où ils étaient, s'il n'était pas le Christ qui baptisait, doute
qu'ils se gardaient bien de produire au dehors, de crainte de paraître
téméraires. Aussi s'empresse-t-il tout d'abord de détruire cette opinion
erronée, et de préparer ainsi les voies à la vérité, en déclarant ouvertement
qu'il n'est pas le Christ. Ajoutons que le temps où le Christ devait venir
était pour le peuple juif un temps d'espérance et de joie dont il jouissait
par avance, parce que les docteurs de la loi recueillaient dans les saintes
Ecritures les témoignages qui attestaient que ce temps était proche; c'est ce
qui explique comment Théodas réunit autour de lui une assez grande multitude
de peuple, et après lui Judas, le Galiléen, au temps du dénombrement du
peuple. (Ac 5) Comme l'avènement du Christ était alors l'objet des plus ardents
désirs et de l'attente universelle, les Juifs envoient demander à Jean : «
Qui êtes-vous ? » pour savoir s'il avouerait qu'il était le Christ. Or, en
disant : « Je ne suis point le Christ; » il ne nie pas, mais au contraire,
confesse ouvertement la vérité. — S.
Grégoire : (hom. 7 sur les Evang). Il nie clairement ce qu'il n'est pas,
mais il ne nie pas ce qu'il est. Son langage, est celui de la vérité, et il
mérite ainsi de devenir le membre de celui dont il ne voulait pas usurper
injustement le nom. S. Jean Chrysostome : (hom. 16 sur S. Jean). On peut dire encore
que les Juifs avaient à l'égard de Jean-Baptiste, des sentiments beaucoup
trop humains. Ils regardaient comme indigne de lui d'être inférieur au
Christ, à cause de l'éclat extraordinaire qui entourait toutes les
circonstances de sa vie, sa naissance illustre (il était fils du prince des
prêtres), son éducation austère, et le mépris qu'il faisait des choses
humaines. Jésus-Christ, au contraire, paraissait venir d'une famille obscure,
comme les Juifs le lui reprochaient : « Est-ce qu'il n'est pas le fils du
charpentier ? » et sa manière de se nourrir et de se vêtir n'avait rien qui
le distinguât des autres hommes. Or, comme Jean envoyait continuellement à
Jésus-Christ, et que les Juifs cependant préféraient l'avoir pour maître, ils
lui envoient une députation, dans l'espérance de l'amener par leurs
flatteries, à déclarer qu'il était le Christ. Ce ne sont donc point des
hommes du peuple qu'ils lui députent (comme lorsqu'ils envoient au Christ des
serviteurs et des hérodiens), mais des prêtres et des lévites, et encore
n'étaient-ce pas les premiers venus, mais des prêtres de Jérusalem,
c'est-à-dire, les plus honorables et les plus distingués d'entre eux. Ils lui
envoient donc demander : « Qui êtes-vous ? » non pas qu'ils ignorent ce qu'il
est, mais parce qu'ils veulent l'amener à donner une réponse conforme à leurs
désirs. Aussi Jean-Baptiste répond à leurs pensées plutôt qu'à leur question
: « Il confessa, et il ne le nia point, il confessa : Je ne suis pas le
Christ. » Et voyez la sagesse de l'Evangéliste, il répète trois fois à peu
près la même expression, pour faire ressortir la vertu de Jean-Baptiste, et
la malice insensée des Juifs; car c'est le devoir d'un serviteur fidèle,
non-seulement de ne pas ravir la gloire qui appartient à son maître, mais de
la rejeter quand elle lui est offerte, même par un grand nombre. C'était par
ignorance que le peuple conjecturait que Jean-Baptiste pourrait être le
Christ, tandis que c'est avec mauvaise intention que les prêtres et les
lévites lui adressent cette question, espérant l'amener par leurs flatteries
au résultat qu'ils désiraient. Si telle n'avait pas été leur intention,
lorsque Jean leur eut répondu : « Je ne suis pas le Christ, » ils se fussent
empressés de dire : Nous n'avons jamais eu cette pensée, ce n'est pas ce que
nous sommes venus vous demander. Mais honteux de voir leur pensées ainsi
dévoilées, ils passent aussitôt à une autre question : « Qui êtes-vous donc,
lui dirent-ils ? Etes-vous Elie ?» — S.
Augustin : (Traité 4 sur S. Jean). Ils savaient qu'Elie devait précéder
le Christ, car le nom du Christ n'était ignoré de personne chez les Juifs.
Ils ne croyaient pas que Jean-Baptiste fût le Christ, ils n'avaient pas
cependant perdu toute espérance de l'avènement prochain du Christ, et avec
cette espérance, la venue du Christ fut pour eux comme une véritable pierre
de scandale. « Et il répondit : Je ne le suis pas. » — S. Grégoire : (hom. 7). Cette réponse donne lieu à une difficulté
assez grande : les disciples de Jésus l'ayant un jour questionné sur
l'avènement d'Elie, il leur répondit : « Puisque vous voulez le savoir, c'est
Jean lui-même qui est Elie. » (Mt 11) Ici on demanda à Jean-Baptiste lui-même
s'il est Elie, et il répond : « Je ne le suis pas. » Comment peut-il être le
prophète de la vérité, si ces paroles sont en désaccord avec celles de la
vérité ? — Origène : (Traité
précédent). On dira peut-être que Jean-Baptiste ignorait qu'il fût Elie, et
c'est l'opinion que soutiennent ceux qui professent la doctrine de la
transmigration des âmes dans de nouveaux corps. Les Juifs lui demandent donc
par les prêtres et les lévites s'il était Elie, parce qu'ils admettent comme
véritable le dogme de la transmigration successive des âmes, dogme conforme à
leurs traditions et à leurs doctrines secrètes; et Jean-Baptiste leur répond
: « Je ne suis pas Elie, » parce qu'il ignore sa première existence dans un
autre corps. Mais comment peut-on supposer raisonnablement que Jean, qui,
comme prophète, a été inondé des lumières de l'Esprit saint, et nous a révélé
de si grandes vérités sur Dieu et sur son Fils unique, ait pu ignorer que son
âme avait autrefois animé le corps d'Elie ? — S. Grégoire : (hom. 7). Si l'on veut examiner à fond cette
difficulté, on trouvera le moyen de concilier cette contradiction apparente.
Que dit, en effet, l'ange à Zacharie ? « Il marchera devant lui dans l'esprit
et la vertu d'Elie, » c'est-à-dire, que Jean-Baptiste devait précéder le
premier avènement, comme Elie devra un jour précéder le second; de même
qu'Elie sera le précurseur du Juge, ainsi Jean-Baptiste devait être le
précurseur du Rédempteur; Jean-Baptiste était donc Elie en esprit, mais il ne
l'était pas en personne. Ce que le Sauveur affirme de l'esprit d'Elie, Jean
le nie de la personne. Il était juste, en effet, que le Seigneur parlât de
Jean à ses disciples dans un sens spirituel, tandis que Jean devait répondre
au peuple encore grossier, en niant dans le sens littéral, qu'il fût Elie en
personne. Origène : Jean répondit donc aux prêtres et aux
lévites; « Je ne le suis pas, » en devinant l'intention qui avait dicté leur
demande. Cette question, en effet, avait pour but de savoir, non pas s'il
avait le même esprit qu'Elie, mais s'il était en réalité cet Elie, qui avait
été enlevé dans les cieux, et qui, sans passer par une nouvelle naissance,
apparaissait de nouveau conformément à l'attente des Juifs. Ceux qui croient
à la transmigration des âmes dans de nouveaux corps, diront qu'il est
invraisemblable que des prêtres et des lévites pussent ignorer la naissance
d'un fils, que Zacharie, prêtre si distingué, eut dans sa vieillesse, surtout
lorsque saint Luc nous atteste qu'à sa naissance, tous les habitants du
voisinage furent remplis de crainte, et que le bruit de ces merveilles se
répandit dans tout le pays des montagnes de Judée. Peut-être, comme ils
savaient qu'Elie viendrait avant Jésus-Christ vers la fin du monde,
demandent-ils à Jean-Baptiste, dans le sens figuré : « Est-ce vous qui
annoncez l'arrivée du Christ, qui doit venir à la fin du monde ? » Et il
répond avec sagesse : « Non, ce n'est pas moi. » Un grand nombre savait que
Jésus était né de Marie, mais quelques-uns ne laissaient pas de tomber dans
cette erreur qu'il pouvait être Jean-Baptiste, ou Elie, ou quelqu'un des
prophètes; il n'y a donc rien d'étonnant que, tandis que les uns savaient
parfaitement que Jean-Baptiste était fils de Zacharie, d'autres fussent dans
le doute s'il n'était pas le prophète Elie qu'ils attendaient. Mais comme il
avait paru plusieurs prophètes en Israël, l'objet de leur attente était
surtout en prophète que Moïse avait annoncé en ces termes : « Dieu vous
suscitera un prophète du milieu de vos frères, vous lui obéirez comme à moi.
» (Dt 5, 5; Ex 24, 7-8). C'est ce qui explique la troisième question qu'ils
font à Jean-Baptiste, non pas s'il était simplement prophète, mais s'il était
le prophète avec l'article, comme porte le texte grec : « Etes-vous le
prophète ? » Le peuple d'Israël savait, qu'aucun des prophètes n'avait été
celui que Moïse avait annoncé, et qui devait, à l'exemple de ce législateur
du peuple de Dieu, être le médiateur entre Dieu et les hommes, et transmettre
à ses disciples le testament ou l'alliance qu'il recevait de Dieu. Or, tandis
que les Juifs refusaient de reconnaître dans Jésus-Christ ce prophète prédit
par Moïse, et voulaient attribuer ce nom à un autre que lui, Jean savait que
Jésus était vraiment ce prophète. Aussi répond-il : « Je ne le suis pas. » — S. Augustin : (Traité précéd).
Peut-être répond-il de la sorte, parce qu'il était plus grand qu'un prophète,
les prophètes ayant prédit le Christ longtemps à l'avance, tandis que Jean le
montrait présent au milieu des hommes. « Ils lui dirent donc : Qui êtes-vous, afin que nous donnions une
réponse à ceux qui nous ont envoyés ? » — S. Jean Chrysostome : (hom. 16 sur S. Jean). Voyez comme ils
insistent et le pressent de nouvelles questions, et comme Jean-Baptiste leur
répond avec douceur en détruisant toutes leurs fausses idées et leur faisant
connaître ce qu'il était en vérité : « Il répondit : Je suis la voix de celui
qui crie dans le désert. » — S.
Augustin : (Traité précéd). Cette prophétie d'Isaïe a reçu son
accomplissement dans la personne de Jean-Baptiste. — S. Grégoire : (hom. 7). Vous savez que le Fils unique de Dieu est
appelé le Verbe du Père; or, notre langage nous aide à nous rendre compte de
ce fait, que la voix doit retentir d'abord, pour que le verbe ou la parole
puisse être entendue. Jean affirme donc qu'il est la voix, parce qu'il
précède le Verbe, et que c'est par son ministère que le Verbe du Père a été
connu des hommes.— Origène : Héracléon,
dans ses réflexions absurdes sur Jean et les prophètes, reconnaît que le
Sauveur est bien le Verbe, et que Jean est la voix, parce que tout prophète
n'est qu'un son. Nous lui répondrons par ces paroles de l'Apôtre : « Si la
trompette ne rend qu'un son confus, qui est-ce qui se préparera au combat ? »
(1 Co 14) Si donc la voix des prophètes n'est qu'un son, comment le Sauveur
nous ordonne-t-il de recourir à cette voix ? « Scrutez les Ecritures, nous
dit-il. » (Jn 5, 1). Or, Jean déclare qu'il est non pas la voix qui crie dans
le désert, mais « la voix de celui qui crie dans le désert, » c'est-à-dire,
de celui qui se tenait debout et disait à haute voix : « Si quelqu'un a soif,
qu'il vienne à moi et qu'il boive. » (Jn 7) Il parle à haute voix pour se
faire entendre de ceux qui étaient éloignés, et aussi pour faire comprendre à
ceux qui ont l'ouïe dure, l'importance des vérités qu'il leur enseignait. — Théophylactus : Ou bien encore, Jean
est la voix, parce qu'il annonce ouvertement la vérité, tandis que sous la
loi le langage des prophètes était couvert d'obscurité. — S. Grégoire : (hom. 7). Ou encore,
Jean criait dans le désert, parce qu'il venait annoncer la consolation du
Rédempteur à la Judée, semblable à un lieu désert et abandonné. — Origène : (Traité précéd). La voix
qui crie dans le désert est nécessaire à l'âme abandonnée de Dieu, pour la
ramener dans les voies droites qui conduisent à lui, sans qu'elle s'égare
davantage dans les voies tortueuses du serpent mauvais, pour l'élever par la
méditation jusqu'à la contemplation de la vérité sans mélange d'erreur, et
faire succéder à cette méditation sérieuse la pratique des bonnes œuvres.
Voilà le sens de ces paroles : « Rendez droite la voie du Seigneur, comme a
dit le prophète Isaïe. » — S. Grégoire
: (hom. 7). La voie du Seigneur va droit au cœur, lorsqu'on écoute avec
humilité la parole de vérité; elle va droit au cœur lorsqu'elle le prépare à
l'accomplissement des divins préceptes. Versets 24-28.
Origène : (Traité 7 sur S. Jean). Après que
Jean-Baptiste eut fait cette réponse aux prêtres et aux lévites, les
pharisiens l'interrogèrent de nouveau : « Or, ceux qui avaient été envoyés,
étaient des pharisiens.» Autant qu'il est permis de le conjecturer d'après le
contexte, ce fut là le troisième témoignage. On peut remarquer que les
prêtres et les lévites avaient fait au saint Précurseur une question pleine
de convenance et conforme ù leur caractère : « Qui êtes-vous ? » Cette
question n'est ni insolente ni déplacée, tout y est digne de vrais ministres
de Dieu. Mais les pharisiens, justifiant la signification de leurs noms, qui
veut dire divisés, importuns et fâcheux, font à Jean-Baptiste, par esprit de
division, une question blessante : « Ils l'interrogèrent, et lui dirent :
Pourquoi donc baptisez-vous, si vous n'êtes ni le Christ, ni Elie, ni le
Prophète ? » Ce n'est point qu'ils désirent eu savoir la raison, ils veulent
tout simplement l'empêcher de baptiser. Avec cela, je ne sais quel motif les
portait encore à recevoir le baptême de Jean. Pour expliquer cette conduite,
il faut dire que les pharisiens venaient recevoir ce baptême sans y croire,
par hypocrisie, et par crainte du peuple. — S. Jean Chrysostome : (hom. 15 sur S, Jean). On peut dire encore
que les prêtres et les lévites eux-mêmes étaient du nombre des pharisiens;
ils n'ont pu triompher de Jean par leurs flatteries, ils cherchent donc à
l'accuser pour le forcer de faire un aveu contraire à la vérité : « Et ils
l'interrogèrent et lui dirent : Pourquoi baptisez-vous, si vous n'êtes ni le
Christ, ni Elie, ni le Prophète ? » Comme si c'était une témérité
impardonnable de baptiser, sans être le Christ, ou son précurseur, ou son
héraut, c'est-à-dire un prophète. S. Grégoire : (hom. 7). Mais l'amour de la bonté dans les
saints est à l'épreuve même des questions malveillantes qui leur sont
adressées. Aussi Jean-Baptiste ne répond à ces paroles dictées par un
sentiment de jalousie, que par les enseignements de la vie : « Il leur
répondit : Moi, je baptise dans l'eau. » — Origène : (Traité 8 sur S. Jean). Quelle autre réponse
convenait-il de faire à cette question : « Pourquoi baptisez-vous ? » que de
bien définir la nature de son baptême qui était un baptême purement corporel. S. Grégoire : (hom. 7). En effet, Jean-Baptiste ne
baptisait pas dans l'esprit, mais dans l'eau, parce que son baptême ne
pouvait effacer les péchés; ce baptême lavait dans l'eau les corps de ceux
qui venaient le recevoir, mais ne purifiait pas les âmes par le pardon.
Pourquoi donc baptise-t-il, puisque son baptême ne peut remettre les péchés ?
C'était pour remplir encore ici son office de précurseur; sa propre naissance
avait précédé la naissance du Seigneur, son baptême devait aussi précéder le
baptême du Sauveur. Il avait été le précurseur du Christ en l'annonçant aux
Juifs, il était juste qu'il le fût aussi par un baptême qui était la figure
du sacrement do baptême, et qu'en baptisant de la sorte, il annonçât le
mystère de la rédemption, et déclarât que le Rédempteur se trouvait au milieu
d'eux, sans en être connu : « Mais il y en a un au milieu de vous que vous ne
connaissez pas. » C'est qu'en effet, le Seigneur s'étant manifesté dans un
corps sensible, il était visible dans son corps, et invisible dans sa majesté. S. Jean Chrysostome : (hom. 16). Jean-Baptiste parlait de la
sorte, parce que le Sauveur était mêlé au peuple, comme un homme ordinaire,
pour nous apprendre qu'il voulait en tout pratiquer l'humilité. Ces paroles :
« Que vous ne connaissez pas, » doivent s'entendre d'une connaissance
parfaite, qui s'étendit par conséquent à la nature du Sauveur et à son
origine divine. — S. Augustin : (Traité
4 sur S. Jean). Son humilité le couvrait comme d'un voile qui ne permettait
pas de le voir, c'est pour cola qu'il fallut allumer une lampe. — Théophylactus : Ou bien le Seigneur
était au milieu des pharisiens sans en être connu, parce qu'ils prétendaient
savoir les Ecritures; comme le Seigneur s'y trouve annoncé, il était au
milieu d'eux, c'est-à-dire au milieu de leurs cœurs, mais ils ne le
connaissaient pas, parce qu'ils ne comprenaient pas les Ecritures. Ou bien
encore, Jésus-Christ était au milieu des pharisiens, en tant que médiateur de
Dieu et des hommes pour les unir à Dieu, mais les pharisiens ne le connaissaient
pas. Origène : (Traité 7) Ou bien encore, après avoir
répondu à la première partie de leur question : « Pourquoi baptisez-vous ? »
en leur disant : « Moi, je baptise, dans l'eau, » il répond à la seconde
partie : « Si vous n'êtes pas le Christ, » en faisant l'éloge de la nature
supérieure et divine du Christ, dont la puissance est si grande qu'il est
invisible dans sa divinité, bien qu'il soit présent partout, et comme répandu
dans tout ce vaste univers, ce qu'il veut exprimer par ces paroles : « Il y
en a un au milieu de vous que vous ne connaissez pas. » En effet, il est
répandu dans tout cet univers, et en pénètre toutes les parties, tout ce qui
est créé ne l'est que par lui; car toutes choses ont été faites par lui. Il
était donc évidemment au milieu de ceux qui demandaient à Jean-Baptiste : «
Pourquoi baptisez-vous ? » Ou bien encore, ces paroles : « Il y en a un au
milieu de vous, » doivent s'entendre de nous tous; car il est au milieu de
nous, en tant que nous sommes des êtres raisonnables, puisque la partie la
plus excellente de notre âme, c'est-à-dire notre cœur, se trouve au milieu de
notre corps. Ceux donc qui portent le Verbe au milieu d'eux, mais qui ne
connaissaient ni sa nature, ni son origine, ni la manière dont il est en eux,
ont le Verbe au milieu d'eux, sans le connaître. Mais pour Jean, ils le
connaissent, de là ce reproche qu'il leur fait : « Il y en a un au milieu de
vous que vous ne connaissez pas. » Les pharisiens qui attendaient la venue du
Christ, n'apercevaient en lui rien d'aussi élevé, et le regardaient
simplement comme un homme vertueux, voilà pourquoi Jean-Baptiste leur
reproche d'ignorer l'excellence et la supériorité du Sauveur. Il leur dit : «
Il est, il se tient au milieu de vous, » car de même que le Père reste
toujours immuable et au-dessus de tonte vicissitude, ainsi le Verbe se tient
aussi toujours prêt à nous sauver, c'est dans ce but qu'il s'est incarné, et
qu'il se tient au milieu des hommes comme invisible et sans en être connu. Et
pour ne pas laisser à penser que celui qui est invisible, qui pénètre le cœur
de tous les hommes, et l'univers tout entier, est différent de celui qui
s'est incarné et qui s'est manifesté sur la terre, Jean-Baptiste ajoute : «
C'est lui qui doit venir après moi, » c'est-à-dire qui doit se manifester aux
hommes après moi. L'expression après, n'a pas ici le même sens que dans ces
paroles où Jésus nous invite à marcher après lui. (Mt 16; Lc 9) D'un côté, le
Sauveur nous ordonne de le suivre, afin de pouvoir parvenir jusqu'au Père en
marchant sur ses traces; de l'autre, Jean-Baptiste veut nous faire connaître
le but et la fin de sa prédication : il est venu pour préparer les hommes,
par la foi, à recevoir des enseignements plus parfaits que ceux qu'il leur
donnait. — S. Jean Chrysostome : (hom.
préced). Il leur dit donc : « C'est lui qui doit venir après moi, »
c’est-à-dire : Ne croyez pas que mon baptême contienne et donne toute
perfection, s'il en était ainsi, un autre ne viendrait pas après moi pour
donner un baptême différent. Mon baptême en est la préparation, il passera
comme une ombre et une image pour faire place à la réalité; car il faut que
celui qui doit annoncer la vérité, vienne après moi. Si mon baptême était
parfait, il n'y aurait pas lieu de lui en substituer un second. Aussi a-t-il soin
d'ajouter : « Qui a été fait plus grand que moi, » c'est-à-dire qui est plus
illustre et plus digne d'honneur et de gloire que moi. — S. Grégoire : Ces paroles : « Il a été fait avant moi, » veulent
dire, il m'a été préféré. Il vient après moi; parce que sa naissance a suivi
la mienne, mais il a été fait avant moi, parce qu'il a été placé au-dessus de
moi. S. Jean Chrysostome : (hom. 16 sur S. Jean). Mais Jean-Baptiste ne
veut pas laisser supposer qu'on puisse établir une comparaison entre le
Christ et lui, et pour montrer que sa gloire est incomparable, il ajoute : «
Je ne suis pas digne de dénouer la courroie de sa chaussure, » c'est-à-dire
il est tellement élevé au-dessus de moi, que je ne suis pas digne d'être
compté au nombre de ses derniers serviteurs, car c'est un des derniers
offices, que de dénouer la courroie des chaussures.—S. Augustin : (Traité 4 sur S. Jean). Se juger digne seulement de
dénouer la courroie de sa chaussure, eût déjà été dans Jean-Baptiste un grand
acte d'humilité. — S. Grégoire : (hom.
préc). On peut encore donner cette explication. C'était un usage chez les
anciens Juifs, que lorsqu'un homme refusait de prendre pour femme celle que
la loi lui faisait un devoir d'épouser, celui qui devait l'épouser alors par
ordre de parenté, était la chaussure au premier. Or, sous quel titre
Jésus-Christ s'est-il surtout manifesté parmi les hommes ? comme l'Epoux de
la sainte Eglise. C'est donc avec raison que Jean-Baptiste se déclare indigne
de dénouer la courroie de sa chaussure, comme s'il faisait ouvertement un
aveu : Je ne suis pas digne de déchausser les pieds du Rédempteur, parce que
je ne veux pas usurper injustement le titre d'époux. On peut encore
l'entendre dans un autre sens. Qui ne sait que les chaussures sont faites de
la peau des animaux, que l'on dépouille après leur mort ? Or, le Sauveur par
son incarnation, apparut comme ayant les pieds couverts d'une chaussure, en
unissant sa divinité à notre nature mortelle et corruptible. La courroie de
la chaussure est donc comme le lien de cette union mystérieuse. Jean-Baptiste
ne peut dénouer la courroie de sa chaussure, parce qu'il ne peut approfondir
lui-même le mystère de l'incarnation, et il semble tenir ce langage : Qu'y
a-t-il d'étonnant qu'il ait été placé au-dessus de moi, lui qui est né, il
est vrai, après moi, mais dont la naissance est pour moi un mystère
incompréhensible ?— Origène : Un
auteur a donné de ce passage cette interprétation qui a quelque vraisemblance
: Je n'ai pas assez d'importance pour que le Fils de Dieu descende pour moi
des hauteurs des cieux et se revête d'un corps mortel comme d'une chaussure. S. Jean Chrysostome : (hom. 17 sur S. Jean). Jean-Baptiste
prêchait publiquement les prérogatives du Christ avec une indépendance pleine
de dignité, et l'Evangéliste désigne le lieu où il faisait entendre sa voix :
« Ceci se passa à Béthanie, au delà du Jourdain, où Jean baptisait. » Ce
n'est ni dans l'intérieur d'une maison, ni dans un lieu retiré qu'il
annonçait Jésus-Christ, c'était au-delà du Jourdain, au milieu d'une
nombreuse multitude, et en présence de ceux qu'il avait baptisés. Quelques
exemplaires portent, et peut-être avec plus de raison : « A Bethabara, » car
Béthanie n'est ni au delà du Jourdain, ni dans le désert, mais près de
Jérusalem. — La Glose : Ou bien,
il faut admettre deux endroits du nom de Béthanie, l'un au delà du Jourdain,
et l'autre près de Jérusalem, et où Lazare fut ressuscité. — S. Jean Chrysostome : (hom. 17).
C'est encore pour un autre motif que l'Evangéliste fait connaître le nom du
lieu où Jean baptisait. Il racontait des faits dont la date n'était pas
éloignée, et remontaient à quelque temps seulement auparavant; il appelle
donc en témoignage de la véracité de son récit ceux qui avaient été les
témoins oculaires de ces faits, qu'il confirme par la désignation des lieux
où ils se sont passés. Alcuin : Béthanie signifie maison d'obéissance, ce
qui nous apprend que c'est par l'obéissance de la foi, que tous les hommes
doivent parvenir au baptême. — Origène : (Traité 7 sur S. Jean. ) Béthanie signifie
encore maison de la préparation, et cette signification se rapporte
parfaitement au baptême de Jean, qui avait pour fin de préparer au Seigneur
un peuple parfait. Le mot Jourdain veut dire leur descente; or, quel est ce
fleuve, si ce n'est notre Sauveur qui purifie tous ceux qui entrent dans le
monde, en descendant et en s'humiliant non pour lui-même, mais dans la
personne du genre humain. Ce fleuve sépare les terres et les villes données
par Moïse, de celles qui ont été données par Josué, et les eaux rapides de ce
fleuve portent la joie dans la cité de Dieu. (Ps 45, 5) De même que le
serpent se cache dans le fleuve d'Egypte, ainsi Dieu se cache dans ce fleuve,
car le Père est dans le Fils, et ceux qui viennent pour se purifier dans ses
eaux, se dépouillent Je l'opprobre de l'Egypte, et se rendent dignes d'avoir
part à l'héritage, ils sont purifiés de la lèpre, et ils méritent de recevoir
une double grâce et de voir descendre en eux l'Esprit de Dieu, car la colombe
spirituelle ne descend point sur un autre fleuve. C'est au delà du Jourdain
que Jean donne son baptême, comme précurseur de celui qui venait appeler non
les justes, mais les pécheurs. Versets 20-31.
Origène : (Traité 6 sur S. Jean). Après ce témoignage
de Jean-Baptiste, Jésus vient à lui; le saint Précurseur, non-seulement
persévère dans son témoignage, mais il expose des effets plus merveilleux
encore de la venue du Rédempteur, et qui sont comme figurés par le second
jour dont il est question : « Le jour suivant, Jean vit Jésus venant à lui. »
Autrefois la mère de Jésus, aussitôt qu'elle l'eut conçu, était allé visiter
la mère de Jean qui était encore enceinte, et aussitôt que la voix de Marie,
qui saluait sa parente, eut frappé les oreilles d'Elisabeth, Jean tressaillit
dans le sein de sa mère. Ici Jean-Baptiste voit venir à lui et s'approcher de
lui Jésus lui-même, à qui il a rendu témoignage. Il est dans l'ordre que
l'homme soit d'abord instruit par le témoignage des autres, avant de juger
par ses yeux de la vérité de ce qui lui a été enseigné. La visite de Marie à
Elisabeth, qui était son inférieure, et la démarche du Fils de Dieu, qui
vient trouver Jean-Baptiste, nous apprennent l'humilité et le zèle avec
lequel nous devons nous rendre utiles à ceux qui sont nos inférieurs. Nous ne
voyons pas ici de quel endroit le Sauveur vint trouver Jean-Baptiste, mais
nous pouvons le conclure de ces paroles de saint Matthieu : « Alors Jésus
vint de la Galilée sur les bords du Jourdain, pour être baptisé par lui. »
(Mt 2) — S. Jean Chrysostome : (hom.
17). Ou bien, saint Matthieu raconte l'arrivée de Jésus-Christ sur les bords
du Jourdain pour recevoir le baptême, et saint Jean une autre démarche du
Sauveur pour se rendre près de Jean-Baptiste après son baptême, c'est ce que
semble indiquer la suite de son récit : « J'ai vu l'Esprit descendre du ciel
comme une colombe, » etc. Les Evangélistes se sont comme partagé, en effet,
les diverses époques de la vie de Jésus. Saint Matthieu passe sous silence
tous les faits qui ont précédé la prison de Jean-Baptiste, et passe
immédiatement aux événements qui l'ont suivie; tandis que saint Jean
s'attache surtout à raconter les faits qui ont eu lieu avant que le saint
Précurseur fût jeté dans les fers. C'est ce qu'il fait en ces termes : « Le
lendemain, Jean vit Jésus, » etc. Pourquoi Jésus vient-il trouver
Jean-Baptiste une seconde fois après son baptême ? parce que le Sauveur avait
été baptisé avec un grand nombre d'autres, et qu'il ne voulait pas qu'on put
soupçonner qu'il était venu trouver Jean-Baptiste pour le même motif,
c'est-à-dire pour confesser ses péchés, ou recevoir dans le Jourdain le
baptême de pénitence. Il revient donc trouver Jean-Baptiste, pour lui donner
occasion de détruire cette fausse opinion, ce que Jean fait en ces termes : «
Et il dit : Voici l'Agneau de Dieu, » etc. Il était de toute évidence, en
effet, que celui dont la sainteté infinie devait effacer les péchés des
autres, ne venait pas pour confesser ses péchés, mais pour donner occasion à
Jean-Baptiste de lui rendre témoignage. Disons encore qu'il vient une seconde
fois pour confirmer la vérité des premiers témoignages dans l'esprit de ceux
qui les avait entendus, et les préparer à en recevoir d'autres. Jean-Baptiste
dit : « Voici l'Agneau de Dieu, » pour signifier que c'est cet Agneau qui
était autrefois attendu, pour rappeler la prophétie d'Isaïe, les symboles
figuratifs de la loi ancienne, et conduire ainsi plus facilement les hommes à
la vérité par les figures. S. Augustin : (Traité 4 sur S. Jean). Si un agneau est
innocent, et que Jean soit un agneau, n'est-il pas innocent par là même ?
Mais tous les hommes descendent de cette race coupable dont David disait en
gémissant : « Voici que j'ai été conçu dans l'iniquité. » (Ps 50) Il n'y a
donc que cet Agneau qui ne soit point né de cette race. Il n'a point été
conçu dans l'iniquité, et sa mère ne l'a point nourri dans son sein d'un sang
impur. Il a été conçu par une vierge, enfanté par une vierge, parce qu'elle
l'a conçu par la foi, et que c'est par la foi qu'elle lui a donné le jour. Origène : (Traité 6 sur S. Jean). On offrait dans le
temple comme victimes cinq espèces d'animaux, trois choisies parmi les
animaux terrestres, le veau, la brebis et la chèvre, deux parmi les oiseaux,
la tourterelle et la colombe. L'espèce ovine en fournissait trois : le
bélier, la brebis et l'agneau, et parmi ces trois derniers, Jean-Baptiste
choisit l'agneau comme figure du Sauveur, parce que l'agneau était la victime
des sacrifices qu'on offrait chaque jour, l'un le matin et l'autre le soir.
Or, quel est ce sacrifice que la nature raisonnable doit offrir à Dieu chaque
jour, si ce n'est le Verbe toujours plein de force, de vie et de beauté, et
qui nous est ici représenté sous la figure d'un agneau ? C'est lui qui sera
notre sacrifice du matin, qui applique notre intelligence à la méditation des
vérités divines, car notre âme ne peut toujours être appliquée à des choses
aussi relevées, à cause de son étroite union avec ce corps mortel qui
l'appesantit. De cette vérité que Jésus-Christ est un agneau, nous pourrions
tirer encore plusieurs conséquences très-utiles, et nous arriverions ainsi
jusqu'au sacrifice du soir, qui représente les choses corporelles. Or, celui
qui a offert cet agneau en sacrifice, c'est Dieu qui était comme caché dans
l'homme; c'est le grand-prêtre qui a dit : « Personne ne m'ôte la vie, mais
je la donne de moi-même, » (Jn 10) et c'est pour cela qu'il est appelé
l'Agneau de Dieu; car il a pris sur lui toutes nos infirmités (Is 53); il a
effacé tous les péchés du monde (1 P 2); et a reçu la mort comme un baptême.
(Lc 12) Dieu, en effet, ne laisse passer sans les reprendre et les châtier
aucune de nos actions contraires à sa loi, et ce n'est qu'au prix des plus
grands efforts qu'elles peuvent être ramenées à cette règle divine. Théophylactus : Ou bien encore, Jésus-Christ est appelé
l'Agneau de Dieu, en ce sens que sa mort a été acceptée par Dieu le Père pour
notre salut, ou parce qu'il l'a livré lui-même à la mort pour nous sauver.
C'est ainsi que nous avons coutume de dire : « Cette offrande est de tel
homme, » c'est-à-dire que cet homme l'a offerte; de même Jésus-Christ est
appelé l'Agneau de Dieu, parce que Dieu a offert son Fils à la mort pour
notre salut. L'agneau figuratif n'a effacé le péché d'aucun homme; l'Agneau
véritable a effacé le péché du monde tout entier qu'il a délivré de la colère
de Dieu, aux châtiments de laquelle il était exposé. C'est pour cela que
Jean-Baptiste dit : « Voici celui qui efface le péché du monde. » Il ne dit
pas : Qui effacera, mais : « Qui efface les péchés du monde, » c'est-à-dire
qu'il continue toujours de le faire. Ce n'est pas seulement dans sa passion
et sur la croix qu'il efface le péché du monde, il n'a cessé de l'effacer
depuis sa mort jusqu'à présent, il n'est pas toujours crucifié, il est vrai,
puisqu'il n'a offert qu'un seul sacrifice pour nos péchés, mais il ne cesse
de les effacer par la vertu de ce sacrifice. S. Grégoire : (Moral., 8, 20). Il ôtera entièrement le
péché du genre humain, lorsque notre corruption sera remplacée par la
glorieuse incorruptibilité; car nous ne pouvons être affranchis de tout péché
tant que nous sommes retenus captifs dans ce corps de mort. — Théophylactus : Mais pourquoi dit-il
: « Le péché du monde, » et non pas : Les péchés du monde ? C'est pour
renfermer dans cette dénomination générale l'universalité des péchés, comme
lorsque nous disons : l'homme a été chassé du paradis, c'est-à-dire le genre
humain tout entier. S. Bède : Ou bien, le péché du monde signifie le péché
originel, qui est commun au genre humain tout entier. Or, c'est ce péché
originel, et tous ceux que les hommes y ont ajoutés, que Jésus-Christ efface
par sa grâce. — S. Augustin : (Traité
4 sur S. Jean). Celui qui, en prenant notre nature, n'a point pris notre
péché, est celui-là même qui efface notre péché. Vous savez qu'il est des
hommes qui tiennent ce langage : Nous remettons les péchés aux hommes, parce
que nous sommes saints; car si celui qui baptise n'a pas la sainteté, comment
peut-il effacer le péché d'un autre, lui dont l'âme est souillée par toute
sorte de péchés ? A ces prétentions, nous nous contentons d'opposer ces
paroles : « Voici celui qui efface le péché du monde, » paroles qui
détruisent toute confiance présomptueuse dans les hommes. — Origène : (comme préced). De même
qu'au sacrifice de l'agneau figuratif les autres sacrifices prescrits par la
loi se trouvaient joints par un lien étroit, ainsi au sacrifice de l'Agneau
véritable, viennent s'unir par un lien non moins intime, d'autres sacrifices
semblables, le sacrifice des martyrs qui répandent leur sang, et dont la
patience, la foi et le zèle ardent détruisent et anéantissent tous les
obstacles que les impies voudraient apporter au bien. Théophylactus : Jean-Baptiste avait dit précédemment à ceux
qu'on lui avait envoyés : « Il y en a un au milieu de vous que vous ne
connaissez pas, » il le fait connaître maintenant à ceux qui l'ignoraient : «
C'est celui dont j'ai dit : Un homme vient après moi, » etc. Il appelle le
Seigneur un homme, parce qu'il avait atteint la plénitude de l'âge, puisqu'il
fut baptisé à l'âge de trente ans; ou encore, parce qu'il est le mari
spirituel de l'âme et l'époux de l'Eglise, ce qui a fait dire à saint Paul :
« Je vous ai fiancés à un seul homme qui est Jésus-Christ, pour vous
présenter à lui comme une vierge toute pure, » (2 Co 2) — S. Augustin : (Traité 4 sur S. Jean).
Il est venu après moi, parce que sa naissance a suivi la mienne, mais « il a
été fait avant moi, » c'est-à-dire qu'il a été placé au-dessus de moi. — S. Grégoire : (hom. 7 sur les Evang).
La raison de cette prééminence de Jésus, c'est, ajoute-t-il : « Qu'il était
avant moi, » c'est-à-dire, quoique ma naissance précède lu sienne, il ne
laisse pas d'être au-dessus de moi, parce que son existence n'est point
limitée par l'époque de sa naissance, car celui qui a voulu naître d'une mère
dans le temps, a été engendré par son Père on dehors de toute succession de
temps. — Théophylactus : Ecoutez
ces paroles, ô Arius ! Jean ne dit pas : Il a été créé avant moi, mais : « Il
était avant moi. » Que les sectateurs de Paul de Samosate entendent aussi ces
paroles, et qu'ils apprennent que Jésus ne tire pas sa première origine de
Marie, car s'il avait reçu d'elle le principe de son existence, comment
aurait-il pu exister avant son précurseur, puisqu'il est évident que la naissance
de Jean-Baptiste précédait de six mois la naissance temporelle de
Jésus-Christ ? S. Jean Chrysostome : (hom. 17 sur S. Jean). On pouvait soupçonner
Jean-Baptiste d'obéir à la voix de l'amitié ou aux liens du sang qui
l'unissaient à Jésus-Christ en lui rendant un si glorieux témoignage; aussi
se hâte-t-il d'ajouter : « Et moi, je ne le connaissais pas, » ce qui devait
paraître vraisemblable, puisque Jean avait toujours vécu dans le désert. Les
prodiges qui avaient entouré le berceau de Jésus enfant, par exemple, lors de
l'adoration des mages, ou dans d'autres circonstances semblables, remontaient
à une époque déjà éloignée, et au temps de la première enfance de
Jean-Baptiste. Depuis, le Sauveur avait passé sa vie dans l'obscurité, et
sans être connu de personne, comme le déclare Jean-Baptiste lui-même : « Mais
c'est afin qu'il fût manifesté en Israël, que je suis venu baptiser dans
l'eau. » Donc tous ces prétendus miracles avec lesquels Jésus se serait joué
dès son enfance, sont autant de fictions dénuées de fondement. Si Jésus avait
fait des miracles dès sa première enfance, Jean l'aurait connu de quelque
manière, et le peuple n'eût pas en besoin qu'on le lui fit connaître. Ce
baptême n'était donc nullement nécessaire au Sauveur, et il n'avait d'autre raison
que de préparer les hommes à croire en Jésus-Christ. Aussi Jean-Baptiste ne
dit pas : Je suis venu pour purifier ceux qui reçoivent mon baptême, ou pour
les délivrer de leurs péchés, mais : « Je suis venu, afin qu'il fût manifesté
eu Israël. » Mais ne pouvait-il donc faire connaître Jésus-Christ, et
déterminer le peuple à croire en lui, sans qu'il fût nécessaire de baptiser ?
Oui, sans doute, mais il atteignait ainsi plus facilement ce but, car la
foule ne se fût pas empressée d'accourir à lui, si la prédication n'eût pas
été suivie du baptême. S. Augustin : (Traité 4 sur S. Jean). Mais dès que le
Seigneur fut connu, il était inutile de lui préparer les voies, puisqu'il
devenait lui-même la voie pour ceux qui le connaissaient. Aussi le baptême de
Jean ne dura plus longtemps, et seulement jusqu'à ce qu'il eût fait connaître
suffisamment le Sauveur, si humble dans tout son extérieur. (Tr. 5). C'est
donc pour nous donner un exemple d'humilité, et nous engager à recevoir le
baptême qui efface les péchés et nous donne le salut, que le Seigneur a
daigné être baptisé des mains de son serviteur. Mais afin que le baptême du
serviteur ne fût pas mis au-dessus du baptême du Seigneur, d'autres reçurent
aussi le baptême du serviteur. Or ceux qui recevaient le baptême du
serviteur, devaient encore nécessairement recevoir le baptême du Seigneur,
tandis que ceux qui recevaient le baptême du Seigneur, n'avaient nul besoin
du baptême du serviteur. Versets 32-34.
S. Jean Chrysostome : (hom. 17 sur S. Jean). Le témoignage que
Jean-Baptiste avait rendu à Jésus, qu'il pouvait seul remettre les péchés du
monde entier, avait pour objet un mystère si relevé qu'il pouvait jeter dans
l'étonnement et la stupeur ceux qui l'entendaient, et c'est pour le rendre
plus digne de foi qu'il le fait remonter jusqu'à Dieu et à l'Esprit saint. En
effet, on pouvait dire à Jean : « Comment donc l'avez-vous connu ? » C'est,
répond-il par l'Esprit saint qui est descendu sur lui : « Et Jean rendit
encore ce témoignage : J'ai vu l'Esprit saint descendre sur lui, » etc. — S. Augustin : (de la Trin., 15, 20).
Ce n'est pas cependant que Jésus n'ait reçu l'onction de l'Esprit saint, que
lorsqu'il descendit sur lui, après son baptême, sous la forme d'une colombe.
Le Sauveur daignait alors représenter son corps mystique, c'est-à-dire son
Eglise, dans laquelle surtout ceux qui sont baptisés reçoivent l'Esprit
saint. Il serait, en effet, de la dernière absurdité de croire que Jésus ne
reçut l'Esprit saint qu'à l'âge de trente ans, puisqu'il avait cet âge lorsqu'il
fut baptisé et qu'il vint recevoir le baptême de Jean sans aucun péché, mais
aussi sans avoir reçu l'Esprit saint. Il est écrit de Jean, son serviteur et
son précurseur : « Il sera rempli de l'Esprit saint dès le sein de sa mère, »
et quoiqu'il eût un homme pour père, il reçut l'Esprit saint dès le sein de
sa mère, que devrons-nous donc penser et croire de Jésus-Christ fait homme,
lui dont la conception dans le sein de sa mère eut pour principe, non point
la chair, mais l'Esprit ? S. Augustin : (du comb. chrét., 22) Nous ne disons pas que
Jésus-Christ seul avait un véritable corps, tandis que l'Esprit saint ne se
manifesta aux yeux des hommes que sous une apparence trompeuse. Il est aussi
indigne de l'Esprit saint que du Fils de Dieu, d'induire les hommes en
erreur. Aussi disons-nous que Dieu, qui a créé tout de rien, a pu fort bien
créer un véritable corps de colombe sans l'intermédiaire d'aucun oiseau de
cette espèce, avec la même facilité qu'il forma un véritable corps dans le
sein de la Vierge, sans le concours d'aucun homme. S. Augustin : (Traité 6, sur S. Jean). L'Esprit saint
s'est manifesté aux hommes sous deux formes visibles différentes, sous la
forme d'une colombe lorsqu'il descendit sur Notre Seigneur après son baptême,
et sous la forme de langues de feu quand il descendit sur les Apôtres réunis.
D'un côté, c'est le symbole de la simplicité, de l'autre, l'emblème de la
ferveur. La forme de la colombe apprend à ceux qui ont été sanctifiés par
l'Esprit saint, à fuir toute duplicité; et le feu enseigne à la simplicité, à
ne point faire ses actions avec froideur. Ne vous étonnez pas que les langues
soient divisées. Ne craignez pas la division, reconnaissez dans la colombe le
symbole de l'unité. Il fallait que l'Esprit saint descendît sur Notre
Seigneur sous la forme d'une colombe, pour apprendre à tous les chrétiens
qu'on reconnaîtra qu'ils ont reçu l'Esprit saint, s'ils ont la simplicité de
la colombe et s'ils vivent avec leurs frères dans cette paix véritable que
figurent les baisers des colombes. Les corbeaux donnent aussi des baisers,
mais en même temps ils déchirent; la colombe ne sait point déchirer, les
corbeaux se nourrissent de corps qui ont été mis à mort, ce que ne fait pas
la colombe, qui ne se nourrit que des fruits de la terre. Que si la colombe
fait entendre des gémissements d'amour, ne soyons pas surpris que l'Esprit
saint ait voulu apparaître sous la forme d'une colombe, lui qui prie pour
nous par ses gémissements ineffables. (Rm 9) Ce n'est point en lui même, mais
en nous que l'Esprit saint gémit par les gémissements qu'il nous inspire.
Celui qui gémit d'être accablé sous le poids de ce corps mortel, et de vivre
éloigné du Seigneur, gémit d'une manière agréable à Dieu. Mais il en est
beaucoup qui gémissent d'être privés de la félicité de ce monde, ou d'être
brisés par les épreuves, accablés sous le poids écrasant des infirmités du
corps, ce ne sont pas là les gémissements de la colombe. Sous quelle forme
devait se manifester l'Esprit saint pour représenter l'unité, si ce n'est
sous la forme de la colombe, afin de pouvoir dire à l'Eglise, après lui avoir
donné la paix; « Ma colombe est unique ? » (Ct 6) Quel symbole plus
convenable de l'humilité, que cet oiseau simple et gémissant ? La sainte et
véritable Trinité apparut tonte entière dans cette circonstance; le Père,
dans cette voix qui dit : « Vous êtes mon Fils bien-aimé. » Le Fils dans
celui qui est baptisé, et l'Esprit saint dans la colombe. C'est au nom de
cette Trinité, que les Apôtres ont été envoyés pour baptiser au nom du Père,
et du Fils, et du Saint-Esprit. (Mt 28) S. Grégoire : (Moral., 28, 41). Jean-Baptiste ajoute : «
Et demeurer sur lui, » car l'Esprit descend, il est vrai, dans le cœur de
tous les fidèles, mais c'est dans le médiateur seul qu'il demeure d'une
manière spéciale, parce qu'il ne s'est jamais séparé de l'humanité de Jésus,
de la divinité duquel il procède. Or le Sauveur parlant à ses disciples de
cet Esprit, leur dit aussi : « Il demeurera en vous. » (Jn 16) A quel titre
particulier demeure-t-il donc en Jésus-Christ ? C'est ce qu'il nous sera
facile de reconnaître si nous faisons une distinction entre les dons de
l'Esprit saint. S'agit-il des dons sans lesquels il est impossible de
parvenir à la vie, comme la douceur, l'humilité, la foi, l'espérance et la
charité, l'Esprit saint demeure dans tous les fidèles. Mais quant aux dons
qui out pour objet la manifestation de l'Esprit saint, et qui tendent moins à
conserver la vie spirituelle en nous qu'à l'établir dans les autres, l'Esprit
saint ne demeure pas toujours en ceux qui ont reçu ces dons, et il se dérobe
quelquefois à l'éclat des miracles pour rendre plus humbles les vertus qu'il
a inspirées; Jésus-Christ, au contraire, a eu toujours et en tontes
circonstances l'Esprit saint en lui. S. Jean Chrysostome : (hom. 17 sur S. Jean). Que personne ne pense
que Jésus-Christ eut besoin de recevoir l'Esprit saint, comme nous avons
besoin de le recevoir nous-mêmes; Jean-Baptiste détruit jusqu'à l'ombre de ce
soupçon, en déclarant que l'unique motif de la descente du Saint-Esprit sur
Jésus était de le faire connaître : « Et moi je ne le connaissais pas, mais
celui qui m'a envoyé baptiser dans l'eau, m'a dit : Celui sur qui tu verras
l'Esprit saint descendre et se reposer, c'est lui qui baptise dans l'Esprit
saint. » — S. Augustin : (Traité 5
sur S. Jean). Mais qui donc a envoyé Jean-Baptiste ? Si nous disons : le
Père, nous disons vrai; si nous disons : le Fils, nous disons vrai encore,
mais beaucoup plus vrai, si nous disons le Père et le Fils. Mais comment
pouvait-il ne pas connaître celui qui l'avait envoyé ? S'il ne connaissait
pas celui des mains duquel il voulait recevoir le baptême, il parlait donc
d'une manière inconsidérée, lorsqu'il lui disait : « C'est moi qui dois être
baptisé par vous. » Il le connaissait donc, pourquoi donc alors affirme-t-il
qu'il ne le connaissait pas ? — S.
Jean Chrysostome : (hom. 17 sur S. Jean). Jean-Baptiste, en disant : « Je
ne le connaissais pas, » veut parler d'une époque antérieure et non de celle
du baptême, où il dit à Jésus : « C'est moi qui dois être baptisé par vous. »
S. Augustin : (Traité 5 sur S.
Jean). Si nous lisons les autres évangélistes qui se sont étendus davantage
sur le baptême du Sauveur, nous y verrons de la manière la plus claire que la
colombe est descendue sur le Seigneur, lorsqu'il sortit de l'eau. Or, si la
colombe n'est descendue qu'après le baptême, et que Jean-Baptiste ait dit à
Jésus avant son baptême : « C'est moi qui dois être baptisé par vous, » il le
connaissait donc avant son baptême; et comment alors a-t-il pu dire : « Je ne
le connaissais pas, mais celui qui m'a envoyé baptiser m'a dit : Celui sur
lequel vous verrez descendre l'Esprit saint ? » etc. Sont-ce ces dernières
paroles qui lui ont fait connaître celui qu'il ne connaissait pas ?
Jean-Baptiste savait que le Sauveur était le Fils de Dieu, il savait
également qu'il baptiserait dans l'Esprit saint. Car avant que Jésus-Christ
se rendît sur les bords du Jourdain, alors que le peuple venait en foule
trouver Jean-Baptiste, il leur dit : « Celui qui vient après moi est plus
grand que moi, c'est lui qui vous baptisera dans l'eau et dans le feu. » Mais
que ne savait donc pas Jean-Baptiste ? Il ne savait pas que le pouvoir du
baptême devait appartenir exclusivement en propre au Seigneur, qui devait le
conserver, de manière à ce que ni Pierre ni Paul ne pussent dire : « Mon
baptême, » comme nous voyons que Paul a dit : « Mon Evangile; » et que
l'administration de ce sacrement devait être confié également aux bons et aux
mauvais. Que vous importe un mauvais ministre, alors que le Seigneur est bon
? On a rebaptisé après le baptême de Jean-Baptiste, ou n'a point rebaptisé
après le baptême d'un homicide, parce que Jean n'a donné que son baptême, et
que l'homicide a donné le baptême de Jésus-Christ, et que la sainteté de ce sacrement
est si grande, qu'elle ne peut être souillée par un ministre coupable
d'homicide. Le Seigneur aurait pu, s'il avait voulu, donner à l'un de ses
serviteurs le pouvoir d'administrer le baptême en son propre nom, et
attribuer au sacrement de baptême conféré au nom de son serviteur, une
efficacité aussi grande que celle du baptême donné par le Seigneur lui-même.
Il ne l'a pas voulu, afin que ceux qui reçoivent son baptême missent toute
leur espérance en celui au nom duquel ils reconnaîtraient avoir été baptisés,
et il n'a point voulu qu'un serviteur plaçât son espérance dans un autre
serviteur. S'il avait transmis ce pouvoir à ses serviteurs, il y aurait
autant de baptêmes qu'il y a de serviteurs; et comme on a dit le baptême de
Jean, on aurait dit aussi le baptême de Pierre ou de Paul. Ce pouvoir que
Jésus-Christ s’est exclusivement réservé, est le fondement de l'unité de
l'Eglise, dont il est dit : « Une seule est ma colombe. » (Ct 6) Il peut se
faire que quelqu'un ait reçu le baptême d'un autre que de la colombe, mais il
est impossible que ce baptême ait pour lui la moindre efficacité. S. Jean Chrysostome : (hom. 17 sur S. Jean). Le Père avait fait
entendre sa voix pour proclamer son Fils, l'Esprit saint descend des cieux
pour fixer les paroles du Père sur la tête de Jésus-Christ, afin que personne
ne fût tenté d'attribuer à Jean ce qui ne convenait qu'à Jésus-Christ. Mais
comment, me dira-t-on, les Juifs ne crurent-ils pas s'ils ont vu l'Esprit
saint descendre sur Jésus ? C'est que de telles apparitions n'exigent pas
seulement les yeux du corps, mais encore ceux de l'âme. Lorsqu'ils furent
témoins des miracles que faisait Jésus, l'envie égara leur raison à ce point
qu'ils affirmaient le contraire de ce qu'ils avaient vu; comment donc
veut-t-on que la seule apparition de l'Esprit saint ait pu dissiper leur
incrédulité ? Suivant quelques-uns, tous ne virent pas l'Esprit saint, mais
seulement Jean-Baptiste, et ceux dont les dispositions étaient meilleures;
car bien qu'il fût possible de voir des yeux du corps l'Esprit saint
descendre sous la forme d'une colombe, il n'était pas nécessaire que tous
fussent témoins de cette apparition miraculeuse. Le prophète Zacharie (Za
1-6); Daniel (Dn 7-10); Ezéchiel (Ez 1; 3; 8; 10-11; 37; 40; etc).,
n'eurent-ils pas plusieurs visions sous des formes sensibles, sans qu'aucun
autre en fût témoin ? Moïse lui-même, n'a-t-il pas vu des choses qui n'ont
été révélées à aucun autre ? c'est pour cela que Jean-Baptiste ajoute : «
J'ai vu et j'ai rendu témoignage que celui-ci est le Fils de Dieu. » Il lui
avait donné le nom d'Agneau de Dieu, il avait annoncé qu'il baptiserait dans
l'Esprit saint, mais jusqu'ici il ne l'avait point appelé Fils de Dieu. — S. Augustin : (Traité 7 sur S. Jean).
C'était au Fils unique de Dieu, et non point à un Fils adoptif que devait
être réservé le pouvoir de baptiser. Les fils adoptifs sont les ministres du
Fils unique, le Fils unique a seul le pouvoir du baptême, les fils adoptifs
n'eu ont que l'administration. Versets 35-36.
S. Jean Chrysostome : (Hom. 17 sur S. Jean). Plusieurs peut-être
n'avaient pas prêté grande attention aux premiers discours de Jean-Baptiste,
il multiplie donc coup sur coup les témoignages pour les rendre plus
attentifs : « Le lendemain, dit l'Evangéliste, Jean était encore là avec deux
de ses disciples. » — S. Bède : (hom.
pour la vigil. de S. And). Jean se tenait encore là, parce qu'il s'était
élevé dans la pratique des vertus à une telle hauteur, qu'il ne pouvait en
être renversé par aucune tentation, par aucune épreuve. Ses disciples étaient
avec lui, parce qu'ils suivaient les enseignements de leur Maître avec un
cœur plein de docilité et de constance. S. Jean Chrysostome : (hom. précéd). Mais pourquoi Jean-Baptiste,
au lieu de parcourir toute la Judée pour annoncer Jésus en tous lieux, se
tient-il sur les bords du Jourdain, attendant pour le faire connaître, que le
Sauveur vienne le trouver ? Parce qu'il réservait cette mission aux oeuvres
mêmes de Jésus-Christ. Considérez d'ailleurs combien cette conduite fut plus
utile à l'édification des âmes. Jean-Baptiste ne fit que jeter une petite
étincelle, et on vit aussitôt s'allumer un grand incendie. Si un autre eût
parcouru la Judée pour annoncer Jésus-Christ, on eût pu l'accuser d'agir par
un motif tout humain, et sa prédication eût donné lieu à mille soupçons.
C'est pour cette raison que les prophètes et les Apôtres ont annoncé
Jésus-Christ lorsqu'il n'était pas présent, les uns avant son avènement et
son incarnation, les autres après son ascension. Mais voyez comme
Jean-Baptiste rend témoignage non-seulement de la voix, mais des yeux : « Et
regardant Jésus qui s'avançait, il dit : Voici l'Agneau de Dieu. » — Théophylactus : Il regarde Jésus,
comme-pour exprimer par son regard les sentiments de joie et d'admiration que
lui fait éprouver la présence de Jésus-Christ. S. Augustin : (Traité 7 sur S. Jean). Jean était l'ami de
l'Epoux, il ne cherchait point sa propre gloire, mais rendait témoignage à la
vérité, aussi ne voulut-il point retenir près de lui ses disciples et les
empêcher de suivre le Seigneur, et c'est lui, au contraire, qui leur montre
celui qu'ils devaient suivre en leur disant : « Voici l'Agneau de Dieu. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 17 sur S.
Jean). Il ne leur fait pas de longs discours, il n'a qu'une chose en vue,
c'est de les amener et de les unir à Jésus-Christ, il savait que pour le
reste, ils n'auraient pas besoin de son témoignage. Pourquoi encore
Jean-Baptiste ne s'adresse-t-il pas à ses disciples en particulier, mais leur
dit-il publiquement devant tout le peuple : « Voici l'Agneau de Dieu. » En se
déterminant à suivre Jésus-Christ, par suite d'un enseignement qui
s'adressait à tous, leur résolution fut beaucoup plus ferme et plus
constante, et ce ne fut pas eu considération de leur Maître, mais dans leur
intérêt, qu'ils s'attachèrent au Sauveur. Remarquons encore que le discours
de Jean-Baptiste ne contient aucune prière, aucune instance, il se contenta
d'exprimer son admiration à la vue de Jésus-Christ, défaire connaître la
grâce qu'il apporte an monde, et de quelle manière il doit purifier les âmes,
deux choses que signifie le nom d'Agneau. Il l'appelle l'Agneau avec
l'article δ άμνός, c'est-à-dire l'Agneau par
excellence. — S. Augustin : (Traité
7 sur S. Jean). Le Sauveur est en effet l'Agneau proprement dit, le seul qui
soit sans péché, dont on n'a pas en besoin de laver les souillures, mais qui
a été sans souillure aucune. Il est par excellence l'Agneau de Dieu, parce
que ce n'est que par le sang de cet Agneau, que les hommes ont pu être
rachetés. C'est cet Agneau que redoutent les loups, et qui a donné la mort au
lion après que lui-même avait été mis à mort. — S. Bède : Il s'appelle encore Agneau, parce qu'il devait nous
laisser en don gratuit sa toison pour nous en faire une robe nuptiale,
c'est-à-dire qu'il a voulu nous laisser les exemples de sa vie, pour nous
communiquer les saintes ardeurs de la charité. Alcuin : Dans le sens figuré, Jean s'arrête, c'est-à-dire que la
loi cesse, et Jésus vient, c'est-à-dire la grâce de l'Evangile, à laquelle la
loi elle-même rend témoignage. Jésus se met en marche pour réunir ses
disciples. — S. Bède : Cette
marche de Jésus représente la divine économie de l'incarnation, par laquelle
il a daigné venir jusqu'à nous, et nous laisser les exemples d'une vie
sainte. Versets 37-41.
Alcuin : Les disciples de Jean ayant entendu le
témoignage qu'il rendait à Jésus, qu'il était l'Agneau de Dieu, se montrèrent
dociles à ses conseils et suivirent Jésus : « Les deux disciples
l'entendirent parler ainsi, et suivirent Jésus. » S. Jean Chrysostome : (hom. 17 sur S. Jean). Remarquez que lorsque
Jean-Baptiste se contentait de dire : « Celui qui vient après moi, est avant
moi, et je ne suis pas digne de dénouer la courroie de sa chaussure, » il n'a
pris ni gagné personne; mais aussitôt qu'il parle de son incarnation et par
là même de ses humiliations, en disant : « Voici l'Agneau de Dieu, » ses
disciples se mettent aussitôt à la suite de Jésus. Il en est un très-grand
nombre qui se sentent moins attirés à Dieu par les considérations élevées sur
sa nature divine, que par l'exposé de sa bonté, de sa miséricorde et de ce
qu'il a fait pour le salut des hommes. Remarquez que tandis que Jean-Baptiste
prononce ces paroles : «Voici l'Agneau de Dieu, » Jésus ne dit rien. En
effet, d'après les usages reçus, l'époux reste dans le silence, d'autres lui
amènent l'épouse, et la lui remettent entre les mains; mais aussitôt qu'il
l'a prise pour épouse, il lui témoigne tant d'affection, qu'elle ne se
souvient plus de ceux qui l'ont conduite à son époux. Ainsi lorsque
Jésus-Christ vient pour épouser l'Eglise, il ne dit rien non plus,
Jean-Baptiste, son ami, s'approche seul, lui présente la main droite de son
épouse, lorsque par ses discours il remet comme entre ses mains les âmes des
hommes. Jésus les accueille et leur témoigne aussi tant d'amour qu'elles ne
retournent plus à Jean-Baptiste. Remarquons encore que dans la célébration
des noces, ce n'est pas la jeune fille qui va au-devant de sou époux, c'est
lui-même qui vient la trouver (quand ce serait un fils de roi qui épouserait
une humble servante); Notre Seigneur Jésus-Christ a fait de même; la nature
humaine n'est point montée dans les cieux, c'est le Fils de Dieu qui est venu
la trouver et qui l'a conduite dans la maison paternelle. Il y eut sans doute
d'autres disciples de Jean, qui non-seulement ne suivirent point
Jésus-Christ, mais qui nourrirent contre lui des sentiments d'envie, et se
montrèrent jaloux de sa gloire. Mais ceux dont les dispositions étaient
meilleures s'attachèrent à Jésus aussitôt qu'ils l'eurent connu, non par
mépris de leur premier maître, mais par la persuasion où ils étaient d'après
les enseignements du Précurseur, que Jésus-Christ les baptiserait dans
l'Esprit saint. Considérez dans ces disciples un saint empressement mêlé
d'une sage réserve. En se mettant à la suite de Jésus, ils ne se hâtent pas
de l'interroger sur les grandes vérités du salut, et ce n'est pas en public,
mais en particulier, qu'ils cherchent à lui parler : « Alors Jésus s'étant
retourné, et les voyant qui le suivaient, leur dit : Que cherchez-vous ? »
Ces paroles nous apprennent que lorsque nous commençons sincèrement à vouloir
le bien, Dieu nous prodigue les occasions de salut. Jésus interroge ses
disciples, non pour en apprendre quelque chose, mais pour se les rendre plus
familiers, leur inspirer une plus grande confiance, et leur montrer qu'ils
sont vraiment dignes de ses divins enseignements. Théophylactus : Considérez ici que Notre Seigneur se tourne
vers ceux qui le suivent, et abaisse sur eux ses regards; c'est qu'en effet,
si vous ne marchez à sa suite par la pratique des bonnes œuvres, vous ne
parviendrez jamais à voir sa face adorable, ni à entrer dans sa maison. — Alcuin : Ces deux disciples suivaient
donc Jésus par derrière, dans l'intention de le voir, mais sans pouvoir y
parvenir. Aussi, que fait Jésus ? il se retourne, et descend, pour ainsi
dire, des hauteurs de sa majesté, afin que ses disciples puissent contempler
sa face adorable. — Origène : (Traité
7 sur S. Jean). Peut-être n'est-ce pas sans raison qu'après le sixième
témoignage, Jean-Baptiste cesse de parler de Jésus à ses disciples, et c'est
Jésus lui-même qui se rend pour ainsi dire un septième témoignage en leur
demandant : « Que cherchez-vous ? » — S.
Jean Chrysostome : (hom. 18 sur S. Jean). Ces deux disciples font
paraître leur amour pour Jésus-Christ, non-seulement par leur empressement à
le suivre, mais par la question qu'ils lui adressent : « Et ils demandèrent :
Maître, où habitez-vous ? » Jésus ne leur a encore rien appris, et ils lui
donnent le nom de Maître pour se ranger d'eux-mêmes au nombre de ses
disciples, et lui faire connaître la raison qui les a déterminés à s'attacher
à lui. Origène : Après avoir été convaincus et amenés à Jésus
par le témoignage de Jean, les deux disciples, par cette question,
reconnaissent Jésus pour leur docteur, et expriment le désir de voir
l'habitation du Fils de Dieu. — Alcuin
: Car ce n'est pas en passant qu'ils veulent profiter de ses divins
enseignements, ils lui demandent où il demeure, afin de pouvoir se pénétrer
de ses paroles dans le secret, visiter plus souvent le Sauveur, et en
recevoir une instruction plus parfaite. Dans le sens mystique, ils demandent
à Jésus-Christ dans quelles âmes il daigne habiter, afin qu'en imitant leurs
exemples, ils puissent mériter la même faveur. Ou bien encore, ils virent
Jésus marcher, et lui demandent aussitôt où il demeure; et il nous enseigne
par là, lorsque nous méditons intérieurement sur l'incarnation du Fils de
Dieu, à le prier avec instance et ferveur de nous faire connaître le lieu de
son éternelle demeure. Jésus approuve la légitimité de leur demande, et leur
ouvre volontiers ses secrets : « Et il leur dit : Venez et voyez. »
C'est-à-dire : Ce n'est point par des paroles, mais par des œuvres, que vous
pouvez apprendre quelle est mon habitation. Venez donc par la foi et par les
œuvres, et vous verrez par l'intelligence qui vous sera donnée. — Origène : Ou bien encore, par cette
parole : « Venez, » il les invite à la vie active, et par cette autre : «
Voyez, » à la vie contemplative. S. Jean Chrysostome : (hom. 18 sur S. Jean). Jésus ne leur indique
ni la maison ni le lieu qu'il habitait, mais il les attire à sa suite, et
leur montre ainsi qu'il les accepte pour ses disciples. Il ne leur dit pas :
« Il n'est pas temps encore, demain vous apprendrez ce que vous désirez
savoir, mais il leur parle comme à des amis et à des familiers qui auraient
depuis longtemps déjà vécu avec lui. Mais comment concilier ce que le Sauveur
dit ailleurs : « Le Fils de l'homme n'a pas où reposer sa tête, » (Mt 8; Lc
9) avec ce qu'il dit ici : « Venez et voyez quelle est ma demeure ? » Ces
paroles : « Le Fils de l'homme n'a pas où reposer sa tête, » veulent
simplement dire qu'il n'avait pas de demeure en propre, et non pas qu'il
n'habitait pas dans une maison. Voilà pourquoi l'Evangéliste ajoute : « Ils
vinrent et virent où il demeurait, et ils restèrent près de lui ce jour-là.
Il ne dit pas le motif qui les retint près de lui, il est évident que c'était
pour entendre ses divines leçons. S. Augustin : (Traité 7 sur S. Jean). Quel heureux jour
pour ces disciples, quelle heureuse nuit ! Construisons donc nous-mêmes aussi
dans notre cœur, et élevons une maison où Jésus vienne habiter et où il nous
instruise. Théophylactus : Ce n'est pas sans raison que l'Evangéliste
nous indique quelle heure il était alors : « Or, il était environ, la dixième
heure; » il voulait apprendre aux docteurs comme aux disciples, qu'on ne doit
point négliger le soin de la doctrine sous prétexte de l'heure avancée. — S. Jean Chrysostome : (hom. précéd).
Ces disciples montraient un grand zèle pour s'instruire, puisqu'ils n'étaient
point arrêtés par l'heure avancée qui touchait presque au coucher du soleil.
La plupart des hommes, esclaves des besoins de la chair, ne peuvent dans le
temps qui suit le repas appliquer leur esprit aux choses nécessaires, parce
que leur corps est appesanti par la nourriture. Mais tel n'était pas
Jean-Baptiste, qui avait formé ces disciples, et il pratiquait le soir une
sobriété beaucoup plus grande que n'est la nôtre le matin. S. Augustin : (Traité précéd). La dixième heure est encore
ici le symbole de la loi qui a été donnée en dix préceptes. Le temps était
venu d'accomplir par l'amour cette loi que les Juifs ne pouvaient accomplir
par la crainte; aussi est-ce à la dixième heure que Notre Seigneur s'entend
donner le nom de Maître; car il n'y a de véritable maître de la loi, que
celui qui en est l'auteur. « André, frère de Simon Pierre, était un de ceux qui avaient entendu
le témoignage de Jean, et qui avaient suivi Jésus. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 17 sur S. Jean). Pourquoi
l'Evangéliste ne nous fait-il pas connaître le nom de l'autre disciple ? Il
en est qui donnent pour raison que saint Jean était lui-même ce disciple;
d'antres, que ce disciple n'était pas autrement important à connaître. Il n'y
avait donc aucune utilité à nous apprendre son nom. L'Evangéliste ne nous a
pas donné non plus le nom des soixante-douze disciples. — Alcuin : On peut dire encore que ces
deux disciples étaient André et Philippe. Versets 41-43.
S. Jean Chrysostome : (hom. 19 sur S. Jean). André ne garda pas
pour lui seul ce qu'il venait d'apprendre de Jésus, il s'empresse de courir
vers son frère pour lui faire part des grâces qu'il vient de recevoir : « Or,
il rencontra d'abord son frère Simon, et lui dit : Nous avons trouvé le
Messie (c'est-à-dire le Christ). » — S.
Bède : (hom. pour la vig. de S. And). Oui, c'est bien avoir trouvé le
Seigneur, que d'être embrasé pour lui d'un amour véritable, et plein de zèle
pour le salut de ses frères. S. Jean Chrysostome : (hom. 19 sur S. Jean). L'Evangéliste ne nous
a pas rapporté l'entretien de Jésus-Christ avec ces deux disciples, mais il
nous est permis de conjecturer quel en fut l'objet, par ce qu'André dit à son
frère, et ce peu de paroles nous en donne comme l'abrégé. Nous y trouvons, en
effet, la puissance du Maître qui avait porté le persuasion dans leurs âmes,
et la vivacité des désirs dont leur cœur était depuis longtemps animé. En
effet, cette parole : « Nous avons trouvé, » exprime le travail de
l'enfantement d'une âme qui soupirait ardemment après la présence du Messie,
et qui tressaille de joie d'avoir enfin trouvé l'objet de ses désirs. — S. Augustin : Le mot Messie en
hébreu, Christ en grec, veut dire oint en latin; car le mot chrisma signifie
onction. Tous les chrétiens reçoivent l'onction, d'après ces paroles : «
Votre Dieu vous a sacré d'une onction de joie, qui vous élève au-dessus de
tous ceux qui doivent la partager; » (Ps 44) tous les saints, en effet,
entrent en participation des dons du Christ, mais le Christ lui-même est le
saint par excellence, et a reçu par lui-même une onction plus parfaite.— S. Jean Chrysostome : (hom. précéd).
Aussi André ne l'appelle-t-il pas simplement Messie, mais le Messie avec
l'article. Remarquez comme tout d'abord Pierre avait un esprit docile, il
accourt aussitôt sans tarder, sans hésiter : « Et il l'amena à Jésus. »
N'accusons pas et ne condamnons pas cette promptitude qui, sans plus
d'informations, le fait ajouter foi aux paroles de son frère. On peut
supposer raisonnablement qu'André prit soin de lui développer la grande
vérité qu'il lui annonçait; mais c'est la coutume des Evangélistes d'omettre
un grand nombre de choses pour abréger leur récit. D'ailleurs, il n'est pas
dit que Pierre crut immédiatement, mais que son frère l'amena à Jésus et le
lui confia pour qu'il apprit de lui toutes les vérités nécessaires. Or, le
Seigneur commence à lui révéler lui-même les secrets de sa divinité, et à
confirmer cette révélation par les prédictions qu'il fait de l'avenir. En
effet, les prophéties sont une preuve non moins forte que les miracles, elles
sont même plus particulièrement l'œuvre de Dieu, que les démons ne peuvent
imiter. Dans les miracles, l'illusion est possible, et on peut être trompé
par l'apparence. Mais il n'appartient qu'à la nature divine et incorruptible
de prédire l'avenir d'une manière certaine. C'est ce que fait ici Jésus : «
Et Jésus, l'ayant regardé, lui dit : Vous êtes Simon, fils de Jonas, vous
serez appelé Céphas, c'est-à-dire Pierre. » S. Bède : Jésus le considère non-seulement des yeux du
corps, mais c'est du regard éternel de sa divinité, qu'il voit la simplicité
de son cœur et l'élévation de son âme qui devaient lui mériter d'être placé
un jour à la tête de toute l'Eglise. Il ne faut pas chercher une autre
signification du mot Pierre dans l'hébreu ou dans le syriaque; car le mot
Pierre a en grec et en latin la même signification que le mot Céphas en
syriaque, et dans les deux langues, ce nom dérive du mot Pierre. Or, cet
Apôtre est appelé Pierre, à cause de la fermeté de la foi avec laquelle il
s'attacha à cette pierre, dont l'Apôtre a dit : « Or, la pierre était
Jésus-Christ, » qui délivre des embûches de l'ennemi ceux qui espèrent en
lui, et qui répand sur eux, comme un fleuve, l'abondance de ses grâces
spirituelles. S. Augustin : (Traité précéd). Il n'y a rien d'étonnant à
ce que le Seigneur ait dit de qui Simon était fils. Il savait, en effet, le
nom de tous les saints qu'il avait prédestinés avant la création du monde.
Mais ce qui est vraiment extraordinaire, c'est qu'il ait changé son nom et
l'ait appelé Pierre au lieu de Simon. Le nom de Pierre vient du mot petra,
pierre, et la pierre, c'est l'Eglise, donc le nom de Pierre est la figure de
l'Eglise. Le Seigneur veut exciter ici votre attention. Si Pierre avait porté
ce nom auparavant, vous n'auriez pas aussi bien remarqué le mystère qu'il
renferme, et vous auriez pu croire que ce nom vient du hasard plutôt que
d'une disposition providentielle. C'est pour cela que Dieu a voulu qu'il
portât auparavant un autre nom, pour faire ressortir plus vivement dans le
nom qui lui fut substitué la force du mystère qu'il renfermait. S. Jean Chrysostome : (hom. 19). Jésus a changé encore le nom de
cet Apôtre, comme preuve qu'il était l'auteur de l'Ancien Testament, et que
c'était lui-même qui avait changé les noms des patriarches, et appelé Abram,
Abraham; Sarai, Sara (Gn 17), et Jacob, Israël. (Gn 32) Pour plusieurs, il
leur a donné leurs noms, dès leur naissance, par exemple à Isaac (Gn 17), et
à Samson. (Jg 13) Pour d'autres, au contraire, il a changé les noms que leurs
parents leur avaient donnés, c'est ce qu'il a fait ici pour Pierre, et plus
tard pour les fils de Zébédée. (Mc 3) Ceux dont la vertu devait jeter un vif
éclat dès leurs premières années, ont reçu alors leur nom, tandis que ceux
dont le mérite et la vertu ne devaient se produire que plus tard, n'ont reçu
aussi que plus tard le nom que Dieu leur destinait. S. Augustin : (de l'acc. des Evang., 2, 17). Saint Jean
raconte ici que c'est sur les bords du Jourdain (avant que Jésus se rendit en
Galilée), que, sur le témoignage de Jean-Baptiste, deux de ses disciples,
dont l'un, qui s'appelait André, amena son frère Simon à Jésus, se mirent à
la suite du Sauveur, et que ce fut alors que Simon reçut le nom de Pierre.
Or, il y a ce semble une assez grave contradiction entre ce récit et celui
des autres évangélistes, d'après lesquels Jésus rencontra André et Simon qui
prêchaient dans la Galilée, et les appela alors pour en faire ses disciples.
Cette contradiction disparaît, en admettant que ces deux frères ne
s'attachèrent pas au Sauveur inséparablement et d'une manière définitive,
lorsqu'ils le rencontrèrent sur les bords du Jourdain. Ils connurent
seulement alors qui il était, et ils retournèrent à leurs occupations. Que
personne cependant n'aille penser que Pierre ne reçut son nom que dans la
circonstance solennelle où Jésus lui dit : « Tu es Pierre, et sur cette
pierre je bâtirai mon Eglise. » (Mt 16) Il reçut ce nom, lorsque le Sauveur
lui dit : « Tu t'appelleras Céphas, c'est-à-dire, Pierre. » (Jn 1) — Alcuin : On peut dire encore que
Jésus ne lui donne pas ici le nom de Pierre, mais qu'il ne fait que présager
qu'il lui sera donné plus tard, lorsqu'il lui dira : « Tu es Pierre, et sur
cette pierre je bâtirai mon Eglise. » (Mt 16) Mais au moment même de changer
son nom, Jésus voulut faire ressortir la signification mystérieuse du nom
même qu'il avait reçu de ses parents. En effet Simon veut dire, qui est
obéissant, Joanna, signifie grâce, et Jona, colombe. Le Sauveur semble donc
lui dire : Vous êtes docile et obéissant, vous êtes le fils de la grâce ou le
fils de la colombe, c'est-à-dire, de l'Esprit saint, car c'est l'Esprit saint
qui vous a inspiré cette humilité, qui vous fait venir à moi sur la parole
d'André votre frère; vous n'avez pas dédaigné, vous son aîné, de suivre celui
qui était plus jeune que tous, car le mérite de la foi l'emporte sur les
prérogatives de l'âge. Versets 43-46.
S. Jean Chrysostome : (hom. 20 sur S. Jean). Après ces premiers
disciples, Jésus cherche à en convertir d'autres, c'est-à-dire, Philippe et
Nathanaël : « Le lendemain Jésus voulut aller en Galilée. » — Alcuin : En partant de la Judée, où
Jean baptisait, Jésus quitte la Judée par honneur pour Jean-Baptiste, et pour
ne point affaiblir l'influence de ses enseignements qui devaient encore alors
se faire entendre. Sur le point d'appeler de nouveaux disciples à sa suite,
il se dirige vers la Galilée, qui signifie transmigration et changement, et
il apprend ainsi à ceux qui le suivent à sortir d'eux-mêmes, à faire de
continuels progrès dans la vertu, et à parvenir à la joie éternelle par les
souffrances, comme il a lui-même voulu avancer et croître en sagesse, en âge,
en grâce devant Dieu et devant les hommes (Lc 11), et passer par les
souffrances avant de ressusciter et d'entrer dans sa gloire : « Et il trouva
Philippe, et Jésus lui dit : » Suivez-moi. On suit Jésus, quand on imite son
humilité et sa passion, pour avoir part à la gloire de sa résurrection et de
son ascension. S. Jean Chrysostome : (Hom 20). Remarquez que le sauveur n a
appelé personne à sa suite, avant qu'on eût commencé à s'attacher, à lui; en
effet, s'il avait cherché à se faire des disciples, avant que quelques-uns
n'eussent pris cette détermination d'eux-mêmes, ils n'auraient peut-être pas
persévéré longtemps. Mais au contraire, ils lui restent d'autant plus
fidèlement attachés, que c'est volontairement qu'ils ont choisi de marcher à
sa suite. Il appelle d'abord Philippe, qui lui était plus connu, comme étant
de la Galilée. Mais comment expliquer cet empressement de Philippe à suivre
Jésus ? André l'avait suivi sur le témoignage de Jean-Baptiste; Pierre, sur
la parole d'André; Philippe n'a été instruit par personne, et cette seule
parole de Jésus-Christ : « Suivez-moi, » suffit pour le déterminer à le
suivre. On peut dire que Philippe avait déjà pris cette résolution lorsqu'il
entendit Jean-Baptiste, ou que la voix de Jésus fut assez puissante pour
produire cet effet. — Théophylactus : Car
la voix du Sauveur n'était pas un simple son qui frappe les oreilles, mais
elle enflammait d'amour pour lui le cœur de ses disciples. D'ailleurs,
Philippe avait la connaissance du Christ, et lisait assidûment les livres de
Moïse, et y puisait l'espérance de son prochain avènement, il crut donc en
lui aussitôt qu'il le vit. Peut-être encore fut-il instruit par André et par
Pierre, qui étaient du même pays, et l'Evangéliste semble l'indiquer par ces
paroles : « Or, Philippe était de Bethsaïde, de la même ville qu'André et
Pierre, » etc. — S. Jean Chrysostome :
(hom. 20). Notre Seigneur Jésus-Christ fait encore éclater sa puissance
en choisissant les plus illustres de ses disciples dans une terre qui n'avait
porté jusqu'alors aucun fruit (car aucun prophète n'était sorti de la
Galilée). — Alcuin : Bethsaïde,
signifie aussi maison des chasseurs, et par le nom de cette ville,
l'Evangéliste veut nous montrer ce qu'étaient déjà intérieurement Philippe,
Pierre et André, et comment ils rempliraient un jour la mission qui leur
serait donnée en se livrant tout entiers à la chasse spirituelle des âmes
pour leur donner la vie. S. Jean Chrysostome : (hom. 20). Non-seulement Philippe fut docile
aux paroles du Christ, mais il veut l'annoncer lui-même aux autres : «
Philippe trouva Nathanaël, et lui dit : Nous avons trouvé celui de qui Moïse
a écrit dans la loi, » etc. Voyez quelles étaient les saintes préoccupations
ds son esprit, comme il méditait continuellement les livres de Moïse, et
vivait dans l'attente de l'avènement du Christ. Il savait bien sans doute que
le Christ devait venir, mais il ignorait jusque-là que Jésus fût le Christ.
Il dit donc à Nathanaël : « Celui de qui Moïse a écrit et que les prophètes
ont annoncé; » il donne ainsi un nouveau poids à ses paroles, en montrant que
l'étude de la loi et des prophètes lui était chère, et qu'il approfondissait
tout en vérité, au témoignage de Jésus-Christ lui-même. Ne soyez pas surpris
qu'il appelle Jésus fils de Joseph, il passait alors pour le fils de Joseph.
— S. Augustin : (Traité précéd).
C'est-à-dire, que sa mère était l'épouse de Joseph, car tous les chrétiens
ont appris de l'Evangile, que Jésus a été conçu et qu'il est né d'une Vierge.
Il ajoute le nom de son pays : « De Nazareth. » — Théophylactus : Ce n'était pas le lieu de sa naissance, mais
celui où il avait été élevé. Sa naissance était inconnue d'un grand nombre,
mais on savait qu'il avait été élevé à Nazareth : « Nathanaël lui dit :
Peut-il venir quelque chose de bon de Nazareth ? » — S. Augustin : (Traité préced). La réponse de Philippe se prête
également à ces deux significations : ou bien la proposition de Nathanaël est
affirmative : « Il peut venir quelque chose de bon de Nazareth, » et Philippe
ajoute : « Venez et voyez, » ou bien elle est dubitative et sous forme
d'interrogation : « Peut-il venir quelque chose de bon de Nazareth ? » et
Philippe lui répond : « Venez et voyez. » Quelle que soit du reste celle des
deux significations qu'on adopte, elle s'harmonise parfaitement avec ce qui
suit. Examinons donc quel est le sens de ces paroles. Nathanaël, qui était
très-instruit dans la loi, ayant entendu dire à Philippe : « Nous avons
trouvé Jésus de Nazareth; » ce dernier mot réveilla son espérance, et il dit
: « Il peut venir quelque chose de bon de Nazareth. » Car il avait approfondi
les Ecritures, et il savait (ce que les scribes et les pharisiens
ignoraient), que c'était de Nazareth qu'on devait attendre le Sauveur. — Alcuin : C'est lui qui est le saint
par excellence, l'innocence, celui qui est sans tache et dont le prophète a
dit : « Un rejeton sortira de la tige de Jessé, et du Nazaréen (une fleur)
s'élèvera de sa racine. » (Is 11) On peut encore entendre ces paroles dans un
sens dubitatif et sous forme d'interrogation. — S. Jean Chrysostome : (hom. précéd). Nathanaël savait, d'après
les Ecritures, que Jésus devait sortir de Bethléem. Selon l'oracle du
prophète Michée : « Et toi Bethléem, terre de Juda, c'est de toi que sortira
le chef qui doit conduire mon peuple d'Israël. » (Mi 5) Lors donc qu'il
entend dire à Philippe : « Jésus de Nazareth, » il a un moment d'hésitation,
et trouve que cette indication n'est pas en rapport avec la prédication du
prophète. Or, les prophètes donnent au Christ le nom de Nazaréen, parce que
c'est à Nazareth qu'il fat élevé et qu'il passa la plus grande partie de sa
vie. Remarquez encore la prudence et la douceur de Nathanaël dans la question
qu'il adresse à Philippe, il ne lui dit pas : Vous m'induisez en erreur, mais
il lui fait cette simple question : « Peut-il venir quelque chose de bon de
Nazareth ? » Philippe, de son côté, n'est pas moins prudent, il n'est pas
déconcerté par la question de Nathanaël, mais il insiste et veut absolument
amener un nouveau disciple à Jésus-Christ : « Philippe lui dit : Venez et
voyez. » Il l'entraîne jusqu'à Jésus-Christ, bien convaincu qu'il ne lui
résistera point dès qu'il aura goûté la vérité de ses paroles et de sa
doctrine. Versets 47-51.
S. Jean Chrysostome : (hom. 20 sur S. Jean). Nathanaël, en
refusant d'admettre que le Christ devait sortir de Nazareth, fait voir
l'étude approfondie qu'il avait faite des Ecritures; et en consentant à
suivre celui qui lui annonçait sa présence, il montre le vif désir qu'il
avait de voir le Christ, car il présumait que Philippe pouvait se tromper sur
le lieu de sa naissance : « Jésus voyant venir Nathanaël, dit de lui : Voici
un vrai Israélite, dans lequel il n'y a point de ruse. » Il ne croit pas
devoir lui faire aucun reproche, bien que d'après ses paroles, il n’eut pas
cru à l'instant même, parce qu'il s'attachait plus que Philippe aux
indications des oracles prophétiques. Jésus porte donc de lui ce jugement : «
Voici un vrai Israélite, dans lequel il n'y a pas de ruse, » parce que ses
paroles ne respirent ni flatterie ni aversion. — S. Augustin : (Traité précéd). Ou bien encore, que signifie ces
paroles : « Dans lequel il n'y a point de ruse ? » Veulent-elles dire que
Nathanaël était pur de tout péché, et qu'il n'avait pas besoin de médecin ?
Non, sans doute, car il n'est personne de ceux qui reçoivent le jour, qui
n'ait besoin de recourir à ce médecin. Or, la ruse consiste à feindre une
chose différente de celle qu'on fait. Dans quel sens donc n'y avait-il point
de ruse dans Nathanaël ? C'est-à-dire, que s'il est pécheur, il ne craint pas
de le reconnaître; si au contraire il se disait juste, tout pécheur qu'il
est, la ruse se fût trouvée sur ses lèvres. Le Sauveur loue donc dans
Nathanaël, de reconnaître sincèrement qu'il est pécheur, mais il ne veut
nullement dire qu'il soit sans péché. Théophylactus : Mais Nathanaël, malgré cet éloge, ne se rend
pas aussitôt, il attend une preuve plus évidente, et il interroge le Sauveur
: « Nathanaël lui dit : D'où me connaissez-vous ? » — S. Jean Chrysostome : (hom. précéd). La question de Nathanaël est
la question d'un homme, la réponse de Jésus est celle d'un Dieu : « Avant que
Philippe vous appelât, lui dit Jésus, je vous ai vu. » II l'a vu, non pas des
yeux de l'homme, mais de ce regard divin que Dieu abaisse sur les hommes du
haut des cieux. « Je vous ai vu, » c'est-à-dire, j'ai vu les habitudes de
votre vie. Il ajoute : « Lorsque vous étiez sous le figuier, » là où il n'y
avait personne, si ce n'est Philippe et Nathanaël qui s'entretenaient
ensemble. L'Evangéliste fait remarquer que c'est en voyant Nathanaël de loin,
que Jésus dit de lui : « Voici un vrai Israélite, » c'est-à-dire, avant que
Philippe se fût approché de Jésus, de manière que vous ne puissiez élever
aucun soupçon sur le témoignage du Sauveur. Jésus ne voulut pas répondre : Je
ne suis pas né à Nazareth, comme Philippe vous l'a dit, mais à Bethléem, pour
ne pas soulever de discussion sur ce point, c'eût été d'ailleurs une preuve
insuffisante qu'il était le Christ, et il le prouve bien plus fortement en
leur démontrant qu'il était présent à leur entretien. S. Augustin : (Traité 6 sur S. Jean). Examinons si ce
figuier a ici une signification particulière. Nous trouvons dans l'Evangile,
un figuier maudit, parce qu'il n'avait que des feuilles et point de fruit.
(Mt 21; Mc 11) Au commencement du monde Adam et Eve, après leur péché, se
firent une ceinture de feuilles de figuier. (Gn 3) Les feuilles du figuier
sont donc la figure des péchés. Or, Nathanaël était assis sous un figuier
comme à l'ombre de la mort, et le Seigneur semble lui dire : O Israël ! vous
qui êtes sans ruse ! O peuple qui vivez de la foi ! avant que je vous aie
appelé par mes Apôtres, lorsque vous étiez encore à l'ombre de la mort, et
avant que vous ayez pu me voir, je vous ai vu. — S. Grégoire : (Moral., 18, 20). Ou bien, je vous ai vu pendant
que vous étiez sous le figuier, c'est-à-dire, je vous ai choisi lorsque vous
étiez encore sous les ombres de la loi. S. Augustin : (sermon 40 sur les paroles du Seigneur).
Nathanaël se souvint qu'il était sous le figuier où Jésus n'était présent que
par sa science spirituelle et divine, et comme il savait qu'il était seul
sous ce figuier, il reconnut que celui qui lui parlait ainsi était Dieu. S. Jean Chrysostome : (hom. 20 sur S. Jean). Nathanaël reconnut
donc que Jésus était vraiment le Christ, à la révélation qu'il vient de lui
faire, a la connaissance qu'il avait de ses dispositions intérieures, et
aussi parce que loin de le reprendre, il a fait son éloge, après le langage
peu favorable en apparence que Nathanaël avait tenu à son égard : « Nathanaël
lui répondit : Maître, vous êtes le Fils de Dieu, vous êtes le roi d'Israël,
» c'est-à-dire, vous êtes celui que nous attendions, celui que nous
cherchions. La preuve indubitable qui vient de lui être donnée, détermine cet
aveu; l'hésitation qu'il a manifestée d'abord montre son zèle à chercher la
vérité, et son empressement à la reconnaître ensuite est une preuve de sa
vertu et de sa religion. (Hom. 21). Ce passage en embarrasse un grand nombre;
Pierre, disent-ils, qui a confessé que Jésus était le Fils de Dieu, après
avoir été témoin de ses miracles et de sa doctrine, est proclamé bienheureux,
de ce que le Père lui a révélé cette vérité, tandis que Nathanaël, qui
confesse la divinité de Jésus, sans avoir ni vu ses miracles, ni entendu ses
divins enseignements, ne reçoit point les mêmes louanges. En voici la raison,
c'est que Pierre et Nathanaël ont tenu le même langage mais sans y attacher
le même sens. Pierre a confessé que Jésus était le Fils de Dieu, et vrai Dieu
lui-même; Nathanaël, au contraire, ne voit encore en lui qu'un homme. Car en
lui disant : « Vous êtes le Fils de Dieu; » il ajoute : « Vous êtes le roi
d'Israël. » Or, le Fils de Dieu n'est pas seulement le roi d'Israël, il est
le roi de tout l'univers. La suite du texte rend encore plus sensible cette
différence. En effet, Notre Seigneur Jésus-Christ n'ajouta rien à la
confession de Pierre, il considéra sa foi comme parfaite, et lui prédit que
sur cette confession il bâtirait son Eglise, tandis que pour Nathanaël, dont
la confession était moins complète et laissait beaucoup à désirer, il l'élève
vers des considérations plus hautes : « Et Jésus lui dit : Parce que je vous
ai dit : Je vous ai vu sous le figuier, vous croyez; vous verrez de plus
grandes choses, » c'est-à-dire, vous regardez comme une chose extraordinaire
ce que je vous ai dit, et c'est pour cela que vous me proclamez roi d'Israël;
que direz-vous donc, lorsque vous verrez de plus grandes choses ? Et quelles
sont ces choses ? « En vérité, en vérité, je vous le dis, vous verrez le ciel
ouvert et les anges de Dieu monter et descendre sur le Fils de l'homme. »
Voyez comme il l'élève peu à peu au-dessus de la terre, et l'amène à
reconnaître que le Christ n'est pas seulement un homme. Car comment celui qui
a les anges pour serviteurs, pourrait-il n'être qu'un homme ? Il se fait donc
ainsi connaître pour le maître des anges qui descendirent sur Jésus et
montèrent avec lui comme les ministres de sa divine royauté; ils descendirent
sur lui au moment de sa mort sur la croix, et montèrent au temps de sa
résurrection et de son ascension. Ils avaient déjà rempli précédemment ce
ministère lorsqu'ils s'approchèrent de lui pour le .servir dans le désert, et
aussi lorsqu'ils annoncèrent sa naissance. Le Sauveur prouve donc ici
l'avenir par le passé. En reconnaissant les signes de sa puissance dans le
passé, Nathanaël pouvait plus facilement croire à la prédiction que le
Sauveur lui faisait pour l'avenir. S. Augustin : (serm. 40 sur les par. du Seig).
Rappelons-nous l'ancienne histoire de Jacob, qui vit dans son sommeil une
échelle posée sur la terre et dont le sommet touchait au ciel, et les anges
de Dieu qui montaient et descendaient le long de l'échelle. (Gn 28) Jacob,
comprenant la signification mystérieuse de cette vision, prit la pierre qu'il
avait mise sous sa tête et répandit de l'huile dessus. Est-ce qu'il voulut en
cela faire une idole ? Non, l'action de Jacob est ici figurative, et il ne
rend aucun culte d'adoration à cette pierre. Vous voyez ici l'onction,
reconnaissez aussi le Christ. Il est la pierre qui a été repoussée par ceux
qui bâtissent. Puisque Jacob, qui fut appelé Israël (Gn 32), a vu cette
échelle en songe, et que, d'un autre côté, Nathanaël, au témoignage de Jésus,
est un vrai Israélite, c'est avec raison que le Sauveur lui rappelle le songe
de Jacob, comme s'il lui disait : Le songe de celui dont vous portez le nom
se réalisera pour vous-même, vous verrez le ciel ouvert, et les anges de Dieu
monter et descendre sur le Fils de l'homme. S'ils descendent sur lui, ils
montent aussi jusqu'à lui, car il est tout à la fois dans les hauteurs des
cieux et sur la terre, il est en haut dans sa propre nature, il est en bas
dans la personne des siens. S. Augustin : (Traité 7 sur S. Jean). Les bons
prédicateurs qui annoncent vraiment Jésus-Christ, sont les anges de Dieu, ils
montent et descendent sur le Fils de l'homme, à l'exemple de saint Paul, qui
monta jusqu'au troisième ciel (2 Co 2), et qui est descendu jusqu'à donner du
lait pour nourriture aux petits enfants. (1 Co 3) Jésus dit à Nathanaël : «
Vous verrez encore de plus grandes choses, » car la justification de ceux que
le Seigneur a appelés à la foi est un plus grand miracle que de nous avoir
vus couchés et étendus à l'ombre de la mort. Que nous aurait-il servi, en
effet, qu'il nous vit, si nous étions restés à l'ombre de la mort ? Mais
pourquoi Nathanaël, à qui le Fils de Dieu a rendu un si glorieux témoignage,
ne fait-il point partie des douze Apôtres ? Nous avons dû voir qu'il était
instruit et versé dans la science de la loi, et c'est la raison pour laquelle
le Seigneur ne voulut point l'admettre au nombre de ses Apôtres; il aima
mieux choisir des ignorants pour confondre la vaine science du monde. Dans le
dessein qu'il avait formé d'abaisser la tête altière des orgueilleux, ce
n'est point par l'éloquence d'un orateur qu'il voulut amener à lui un
pêcheur, c'est par ce simple pêcheur qu'il convertit à lui les empereurs.
Cyprien a été un grand orateur, mais avant lui nous voyons Pierre, qui
n'était que pêcheur, et c'est par lui que devaient croire dans la suite,
non-seulement les orateurs, mais les empereurs eux-mêmes. |
Caput 2 Lectio 1 [86001] Catena in Io., cap. 2 l. 1 Chrysostomus
in Ioannem. Quoniam in Galilaea notus erat dominus, vocant eum ad nuptias;
unde sequitur et die tertia nuptiae factae sunt in Cana Galilaeae. Alcuinus. Galilaea
est provincia, in qua est Cana viculus. Chrysostomus. Vocant autem ad
nuptias dominum, non tamquam magnificum aliquem, sed simpliciter tamquam
notum, et unum multorum : unde hoc Evangelista declarans ait et erat mater
Iesu ibi : sicut enim matrem vocaverant, ita et filium; unde sequitur vocatus
est autem Iesus et discipuli eius ad nuptias : et accedit; neque enim ad
dignitatem respiciebat suam, sed ad beneficium nostrum. Qui enim non
dedignatus est formam servi accipere, neque dedignatus est ad nuptias venire
servorum. Augustinus de Verb. Dom. Erubescat igitur homo esse
superbus, quoniam factus est humilis Deus. Ecce inter cetera filius virginis
venit ad nuptias, qui cum apud patrem esset, instituit nuptias. Beda. Quod
etiam ad nuptias venire dignatus est, iuxta litteram, fidem recte credentium
confirmat. Porro Tatiani et Marcionis, ceterorumque qui nuptiis detrahunt,
perfidia quam sit damnabilis insinuat. Si enim toro immaculato et nuptiis
debita castitate celebratis culpa inesset, nequaquam dominus ad has venire
voluisset. Nunc autem quia bona est castitas coniugalis, melior continentia
vidualis, optima perfectio virginalis, ad probandam omnium electionem
graduum, discernendum tamen meritum singulorum, ex intemerato Mariae virginis
utero nasci dignatus est; e prophetico viduae Annae ore mox natus
benedicitur; a nuptiarum celebratoribus iam iuvenis invitatus, has praesentia
suae virtutis honorat. Augustinus in Ioannem. Quid autem mirum, si in
illam domum ad nuptias venit qui in hunc mundum ad nuptias venit? Habet enim
hic sponsam, quam redemit sanguine suo, et cui pignus dedit spiritum sanctum,
quam sibi coniunxerat in utero virginis. Verbum enim est sponsus, et sponsa
caro humana; et utrumque unus filius Dei, et idem filius hominis. Ille uterus
virginis Mariae thalamus eius est, unde processit tamquam sponsus de thalamo
suo. Beda. Nec vacat a mysterio quod die tertia nuptiae factae
referuntur. Primum quidem saeculi tempus ante legem, patriarcharum exemplo;
secundum sub lege, prophetarum scriptis; tertium sub gratia, praeconiis
Evangelistarum, quasi tertiae diei luce, mundo refulsit, in quo dominus in
carne natus apparuit. Sed et hoc quod in Cana Galilaeae, idest in zelo
transmigrationis, eaedem nuptiae factae perhibentur, typice denuntiat, eos
maxime gratia Christi dignos existere qui zelo fervere piae devotionis, ac de
vitiis ad virtutes, de terrenis ad aeterna norunt transmigrare. Discumbente
autem ad nuptias domino, vinum defecit, ut vino meliore per ipsum facto manifestaretur
gloria latentis in homine Dei; unde sequitur et deficiente vino, dicit mater
Iesu ad eum : vinum non habent. Chrysostomus. Dignum autem est
quaerere, unde venit in mentem matri magnum quid imaginari de filio : neque
enim ante miraculum fecerat; sequitur enim hoc fecit initium signorum Iesus.
Sed revelari incipiebat et a Ioanne, et ab his quae ad discipulos dixerat;
sed ante haec omnia ipsa conceptio, et ea quae post nativitatem facta sunt
maximam ei de puero imposuerunt aestimationem; unde Lucas dicit : Maria
conservabat omnia verba haec, conferens in corde suo. Cuius igitur gratia non
ante ad miraculum eum incitavit? Nam antea ut unus multorum ita
conversabatur; unde non praesumebat ei mater tale quid dicere; quia vero
audivit quod Ioannes ei testificatus est, et quod discipulos iam haberet, de
reliquo confidenter rogat. Alcuinus. Significat etiam in hoc loco
synagogam quae Christum provocat ad faciendum miraculum : familiare enim est
Iudaeis miracula inquirere. Sequitur et dicit ei Iesus : quid mihi et tibi,
mulier? Augustinus in Ioannem. Quidam derogantes Evangelio, et
dicentes quod Iesus non fuit natus de Maria virgine, hinc argumentum sumere
conantur erroris sui, ut dicant : quomodo erat mater eius cui dixit quid mihi
et tibi, mulier? Sed quis hoc narravit, ut credamus quia hoc dominus dixit?
Nempe Ioannes Evangelista. At ipse dixit et erat ibi mater Iesu. Quare hoc,
nisi quia utrumque verum est? Sed numquid ideo venit ad nuptias, ut doceret
matres contemni? Chrysostomus. Sed quod valde venerabatur matrem, audi
Lucam enarrantem, qualiter subditus parentibus erat. Nam ubi quidem parentes
nihil impediunt eorum quae sunt secundum Deum, debitum est subici eis; quando
autem non tempore debito aliquid quaerunt, et abscindunt nos a spiritualibus,
non ex hoc fallaris. Augustinus de symbolo. Ut ergo distingueret inter
Deum et hominem, quia secundum hominem minor et subditus erat, secundum autem
Deum supra omnes erat, dixit quid mihi et tibi est, mulier? Chrysostomus
in Ioannem. Sed et propter aliam causam, ut non suspecta essent miracula
quae fiebant (ab his enim qui indigebant, rogari oportuerat, non a matre),
voluit ostendere quoniam omnia decenti tempore operatur, non simul omnia
faciens : quia confusio quaedam esset; et ideo sequitur nondum venit hora mea;
idest, nondum cognitus sum his qui adsunt. Sed neque sciunt quoniam defecit
vinum : sine eos primum hoc sentire : qui enim necessitatem non praesentit,
neque beneficii grandem suscipiet sensum. Augustinus. Vel ideo quia
dominus noster, secundum quod Deus erat, matrem non habebat; secundum quod
homo erat, habebat matrem. Miraculum autem quod facturus erat, secundum
divinitatem facturus erat, non secundum infirmitatem humanam. Miraculum tamen
exigebat mater; at ille tamquam non agnoscens viscera humana, operaturus
facta divina, dixit quid mihi et tibi est, mulier? Tamquam dicat : quod in me
facit miraculum, non tu genuisti, deitatem meam. Dicitur autem mulier
secundum femineum sexum, non secundum corruptionem integritatis. Sed quia
genuisti infirmitatem meam, tunc te cognoscam cum ipsa infirmitas pendebit in
cruce; unde subdit nondum venit hora mea; quasi dicat : ibi te agnoscam cum
pendere in cruce infirmitas coeperit, cuius et mater es. Commendavit enim
matrem discipulo, prius matre moriturus, et ante mortem matris resurrecturus.
Videte autem ne forte quomodo invenerunt Manichaei occasionem perfidiae suae,
quia dixit dominus quid mihi et tibi est, mulier? Sic inveniant mathematici
occasionem fallaciae, quia dixit nondum venit hora mea. Dicunt enim : vides
quia sub fato erat Christus, quia dixit nondum venit hora mea. Credant autem
Deo dicenti : potestatem habeo ponendi animam meam, et iterum sumendi eam; et
quaerant quare sit dictum nondum venit hora mea : nec ideo iam sub fato
ponant conditorem caeli : quia si esset fatum de sideribus, non poterat esse
sub necessitate siderum conditor siderum. Adde quod non solum Christus non
habuit quod appellas fatum; sed nec tu, aut ille, aut quisquam hominum. Quare
ergo dixit nondum venit hora mea? Quia in potestate habebat quando moreretur;
sed nondum videbat esse opportunum ut illa potestate uteretur. Vocandi erant
discipuli, annuntiandum erat regnum caelorum, faciendae erant virtutes,
commendanda erat divinitas domini in miraculis, commendanda erat humanitas
domini in ipsa compassione mortalitatis. At ubi tantum fecit quantum
sufficere iudicavit, venit hora, non necessitatis, sed voluntatis; non
conditionis, sed potestatis. Lectio 2 [86002] Catena in Io., cap. 2 l. 2 Chrysostomus
in Ioannem. Quamvis dixerit nondum venit hora mea, postmodum fecit quod
mater dixerat; ut etiam ex hoc sufficiens esset demonstratio quod non
subiectus est horae. Si enim horae subiciebatur, qualiter debita hora nondum
facta hoc fecit? Deinde et propter honorem matris, ut non finaliter ei contradicere
videretur : neque eam tot praesentibus erubescere faceret : adduxerat enim ad
eum ministros, ut a pluribus fieret petitio; unde sequitur dicit mater eius
ministris : quodcumque dixerit vobis, facite. Beda. Quasi dicat :
licet abnegare videatur, tamen faciet : noverat enim eum mater pium et
misericordem. Sequitur erant autem ibi lapideae hydriae sex positae secundum
purificationem Iudaeorum, capientes singulae metretas binas vel ternas.
Hydriae vocantur vasa aquarum receptui parata; Graece enim aqua hydor dicitur.
Alcuinus. Vasa autem aquarum receptui parata erant secundum purificationem
Iudaeorum, quia inter alias Pharisaeorum traditiones etiam hoc observabant ut
crebro se lavarent. Chrysostomus. Quia vero inaquosa est Palaestina,
et non erat multis in locis fontes et puteos invenire, replebant hydrias
aqua, ut non currerent ad flumina, si quando immundi fierent; sed de prope
haberent purgationis modum. Ne autem quidam infidelium suspicarentur quoniam,
faece intus remanente, deinde aqua immissa, vinum subtilissimum factum esset,
propterea ait secundum purificationem Iudaeorum, ostendens quod illa vasa
numquam vini receptacula facta erant. Augustinus in Ioannem. Metretas
enim dicit mensuras quasdam, tamquam si diceret urnas, amphoras, vel aliud
huiusmodi. Metron enim mensuram dicunt Graeci : inde appellatae metretae.
Quod autem ait binas vel ternas, non ita accipiendum est quod aliae binas,
aliae ternas; sed eaedem ipsae caperent binas quae etiam ternas. Sequitur
dixit eis Iesus : implete hydrias aqua. Et impleverunt eas usque ad summum.
Chrysostomus. Sed quare antequam implevissent hydrias aqua, non fecit
signum? Quod multo mirabilius esset : quia scilicet aliud est substantiam in
aliam qualitatem transmutare, et ipsam substantiam ex nihilo facere. Hoc quidem
mirabilius est, sed non ita videtur credibile multis. Propterea enim
multoties a miraculorum magnitudine abstinet, volens magis credibile esse
quod fiebat. Cum hoc et perversa dogmata evertit. Quia enim sunt quidam qui
mundi conditorem alium esse dicunt, plura miraculorum ex subiectis
substantiis facit; si enim contrarius ei esset qui conditor est mundi, non
utique alienis uteretur ad propriae virtutis demonstrationem. Non autem ipse
aquam hausit, et tunc vinum ostendit, sed hoc iubet ministris, ut eos testes
haberet eius quod fiebat; unde sequitur et dicit eis Iesus : haurite nunc, et
ferte architriclino. Alcuinus. Triclinium ordo trium lectorum; clini
enim lectum significat. Architriclinus princeps triclinii, idest primus inter
convivas, qui more antiquo in lectis discumbebant; unde quidam architriclinum
intelligunt aliquem ex sacerdotibus Iudaeorum, qui nuptiis interesse
poterant, ut illos instruerent qualiter nuptiis uti deberent.
Chrysostomus in Ioannem. Vel aliter. Quia aliqui possent dicere quod
convivae ebrii erant, et sensus iudicantium corruptus, ut nescirent utrum
aqua vel vinum esset; hi autem quibus ministratio conviviorum credita est,
maxime vigiles sunt, unum opus habentes ut ornate et ordinate omnia
disponantur; ideo in testimonium eorum quae fiebant dixit dominus ferte
architriclino, propter evigilantem eius sensum : et non dixit : propinate
discumbentibus. Hilarius de Trin. Aqua igitur hydriis infunditur,
vinum calicibus hauritur : infundentis scientiae sensus non convenit
haurientis. Qui infuderunt, hauriri aquam existimant : qui hauriunt vinum,
infusum arbitrantur; unde sequitur ut autem gustavit architriclinus aquam
vinum factam, et non sciebat unde esset (ministri autem sciebant, qui
hauserant aquam), vocat sponsum architriclinus. Non autem aquae simplicitas
defecit, et vini sapor natus est; non per transfusionem potioris obtinetur
quod infirmius est; sed aboletur quod erat, et quod non erat coepit.
Chrysostomus in Ioannem. Paulatim autem dominus volebat cognosci suorum
signorum virtutem; et ideo neque ipse revelabat quod factum est, neque
ministros architriclinus vocavit; non enim esset eis creditum de puro homine
existimato tale testimonium reddentibus : sed vocat sponsum, qui maxime
poterat conspicere quod fiebat. Non simpliciter autem Christus vinum, sed
vinum optimum fecit; unde sequitur et dicit ei : omnis homo primum bonum
vinum ponit, et cum inebriati fuerint, tunc id quod deterius est. Talia
enim sunt Christi miracula, ut multo his quae per naturam fiunt, speciosiora
et utiliora fiant. Igitur aqua vinum facta ministros testes habuit;
boni vero vini factio architriclinum et sponsum. Probabile autem est et
sponsum aliquid respondisse; sed Evangelista hoc praetermittit, tangens solum
id quod necessarium est scire, scilicet quoniam vinum aquam fecit; unde
statim subdit hoc fecit initium signorum Iesus in Cana Galilaeae. Tunc enim
signa maxime necessarium erat facere, quando discipuli iam congregati erant
devoti et attendentes his quae fiebant, manifeste aderant. Si vero dixerit
quis non esse argumentum sufficiens ut hoc sit principium signorum, quia
additur in Cana Galilaeae, quasi contingat alibi prius esse facta, dicemus,
quod et antea diximus, quia Ioannes dicit : ut manifestetur Israeli,
propterea veni baptizans. Si vero secundum primam aetatem miracula fecit,
nequaquam indigebant Israelitae alio manifestante eum. Qui enim in brevi
tempore ita per miraculorum multitudinem claruit, ut eius nomen manifestum
fieret omnibus; multo magis si puer existens a prima aetate miracula fecisset
: nam et ea quae fierent, inopinabiliora existimarentur ab infante facta, et
tempus amplius esset. Decenter autem non incepit signa facere ex prima aetate
: existimassent enim phantasiam esse incarnationem, et ante opportunum tempus
cruci eum tradidissent livore liquefacti. Augustinus in Ioannem. Hoc
autem miraculum domini quo de aqua vinum fecit, non est mirum eis qui
noverunt quia Deus fecit. Ipse enim fecit vinum illo die in hydriis qui omni
anno hoc facit in vitibus; sed hoc assiduitate amisit admirationem : itaque
servavit sibi Deus inusitata quaedam quae faceret, ut tamquam dormientes
homines ad se colendum mirabiliter excitaret; propter quod sequitur et
manifestavit gloriam suam. Alcuinus. Quia ipse est rex gloriae, qui
sicut dominus elementa mutabat. Chrysostomus. Et hoc quantum ex parte
sua : etsi vero tunc multi non cognoverunt, sed tamen omnes postea erant
miraculum audituri. Sequitur et crediderunt in eum discipuli eius : hi enim
debebant credere et facilius, et cum diligentia attendere his quae fiebant.
Augustinus de Cons. Evang. Sed si tunc in eum crediderunt, nondum erat
discipuli cum ad nuptias vocati sunt; sed illo more locutionis hoc dictum est
quo loquimur cum dicimus apostolum Paulum in Tharso Ciliciae natum : neque
enim tunc iam erat apostolus. Ita discipulos Christi invitatos ad nuptias cum
audimus, non iam discipulos, sed qui futuri erant discipuli intelligere
debemus. Augustinus. Illa autem mysteria quae in isto miraculo domini
latent, videte. Oportebat impleri in Christo quae de illo scripta erant. Illa
erat aqua; fecit autem de aqua vinum, cum aperuit eis sensum, et exposuit
Scripturas : sic enim sapit quod non sapiebat, et inebriat quod non
inebriabat. Beda. Apparente enim domino in carne, vinosa legalis
sensus suavitas paulatim coeperat ob carnalem Pharisaeorum interpretationem a
prisca sua virtute deficere. Augustinus. Si autem iussisset aquam
effundi, et ipse mitteret vinum ex occultis creaturae finibus, videretur
Scripturas veteres improbasse. Cum autem ipsam aquam convertit in vinum,
ostendit nobis quod et Scriptura vetus ab ipso est : nam iussu ipsius
impletae sunt hydriae. Sed nihil sapit illa Scriptura, si non ibi Christus
intelligatur. Novimus autem legem ex quibus temporibus narret, idest ab
exordio mundi; inde usque ad hoc tempus quod nunc agimus, sexta aetas est :
nam prima aetas computatur ab Adam usque ad Noe, secunda a Noe usque ad
Abraham, tertia ab Abraham usque ad David, quarta a David usque ad
transmigrationem Babylonis, quinta usque ad Ioannem Baptistam, sexta inde usque
ad finem saeculi. Sex ergo illae hydriae sex aetates significant, quibus non
defuit prophetia. Impletae sunt prophetiae, plenae sunt hydriae. Quid est
autem quod capiebant metretas binas vel trinas? Si trinas tantum diceret, non
curreret animus noster nisi ad mysterium Trinitatis. Sed forte nec sic
debemus inde sensum avertere, quia dixit binas vel trinas : quia nominato
patre et filio, consequenter et spiritus sanctus intelligendus est. Oportet
enim intelligi caritatem invicem patris et filii, quod est spiritus sanctus.
Sed est et alius intellectus non praetermittendus : binae enim metretae
intelliguntur in duobus generibus hominum, idest Iudaeis et Graecis; tres
autem propter Noe tres filios significandos. Alcuinus. Ministri autem
sunt doctores novi testamenti, qui Scripturas aliis sacras spiritualiter
interpretantur; architriclinus autem est aliquis legisperitus, ut Nicodemus,
Gamaliel, Saulus. Dum ergo talibus Evangelii verbum committitur, quod in
littera legis occultabatur, quasi vinum de aqua factum architriclino
propinatur. Et bene in domo nuptiarum tres ordines discumbentium describuntur
: quia Ecclesia tribus ordinibus fidelium constat : coniugatorum,
continentium et doctorum. Optimum autem vinum Christus
usque adhuc servavit, idest Evangelium usque ad sextam aetatem distulit. Lectio 3 [86003] Catena in Io., cap. 2 l. 3 Chrysostomus
in Ioannem. Quoniam autem paulo post dominus Hierosolymam ascensurus erat,
Capharnaum adiit, ut non ubique fratres et matrem secum trahat; unde dicitur
post haec descendit Capharnaum ipse et mater eius et fratres eius et
discipuli eius; et ibi manserunt non multis diebus. Augustinus
in Ioannem. Hic est autem dominus Deus noster excelsus, ut nos faceret;
humilis, ut nos reficeret; ambulans inter homines, patiens humana, abscondens
divina. Ecce habet matrem, habet fratres, habet et discipulos. Inde fratres
unde matrem. Fratres enim Scriptura nostra appellare consuevit non eos solos
qui nascuntur ex eodem utero aut ex eodem patre; sed ex eodem gradu, velut
compatrueles aut consobrinos. Unde ergo fratres domino? Num enim Maria iterum
peperit? Absit : inde coepit dignitas virginum. Abraham patruus erat Lot, et
Iacob Laban Syrum habebat avunculum; et utrique dicti sunt fratres.
Alcuinus. Fratres ergo domini dicuntur cognati Mariae vel Ioseph, non
filii Mariae vel Ioseph : quia non solum beata virgo, sed etiam Ioseph testis
castitatis eius ab omni actione coniugali immunis permansit. Augustinus
de Cons. Evang. Quod vero dicit et discipuli eius, incertum est utrum iam
illi adhaeserant etiam Petrus, et Andreas, et filii Zebedaei. Matthaeus enim
primo narrat quod venerit et habitaverit in Capharnaum, et postea quod eos de
navibus piscantes vocaverit. An forte Matthaeus quod praetermiserat
recapitulavit? Quia sine ulla consequentis temporis differentia dixit :
ambulans iuxta mare Galilaeae, vidit duos fratres, an potius alii discipuli
fuerunt? Scriptura enim evangelica et apostolica non solum illos duodenos
appellat discipulos eius, sed omnes qui in Deum credentes ad regnum caelorum
magisterio eius erudiebantur. Illud etiam requirendum est, quomodo hic dicit,
antequam Ioannes Baptista missus esset in carcerem, Iesum venisse in
Galilaeam : cum Matthaeus dicat : cum autem audisset quod Ioannes traditus
esset, secessit in Galilaeam : similiter etiam et Marcus. Lucas etiam nihil
quidem dicit de tradito Ioanne : sed post Baptismum et tentationem Christi
dicit eum iisse in Galilaeam, sicut illi duo. Unde intelligitur tres
Evangelistas non Ioanni Evangelistae contraria narrasse, sed praetermisisse
primum domini adventum in Galilaeam posteaquam baptizatus est, quando illic
aquam convertit in vinum. Eusebius Eccles. Hist. Cum enim trium
Evangeliorum ad Ioannem Evangelistam notitia pervenisset, probasse quidem
dicitur fidem et veritatem dictorum; deesse tamen vidit aliqua, et ea maxime
quae primo praedicationis suae tempore dominus gesserat : certum est enim
quod in superioribus tribus Evangeliis haec videntur sola contineri quae in
eo gesta sunt anno quo Ioannes Baptista vel inclusus est in carcere, vel
punitus. Et ideo rogatus dicitur Ioannes apostolus ut ea quae praeterierant
priores ante traditionem Ioannis, salvatoris gesta conscriberet. Unde si quis
diligenter consideret, inveniet Evangelia non dissonare; sed alterius
temporis gesta esse quae scribit Ioannes, alterius vero quae ceteri.
Chrysostomus in Ioannem. Neque enim in Capharnaum miraculum ullum tunc
operatus est : qui enim civitatem habitabant illam, non sane se habebant ad
Christum, sed erant valde corrupti : ideo tamen accedit et parum ibi trahit
tempus propter eum qui ad matrem erat honorem. Beda. Ideo etiam non
multis diebus ibi manserunt, propter festum Paschae, quod iam appropinquabat;
unde sequitur et prope erat Pascha Iudaeorum. Origenes in Ioannem. Sed
quid intendit ibi appositio Iudaeorum? Non enim nationis alterius Paschae
solemnitas fuerat. Forsan vero quia quoddam est Pascha humanum eorum qui
procul a proposito Scripturae celebrant illud, quoddam vero divinum et verum,
quod in spiritu et veritate perficitur. Ad distinctionem ergo divini dicitur
Iudaeorum. Sequitur et ascendit Hierosolymam. Alcuinus. Bis in
Evangeliis legitur Iesum ascendisse Hierosolymam : semel in primo anno
praedicationis, dum adhuc Ioannes non erat missus in carcerem; de hoc ascensu
nunc agitur; et iterum illo anno quo erat passurus. Dedit autem nobis
exemplum dominus quanta cura divinis subdi debeamus imperiis. Si enim ipsa
Dei filius decreta legis a se data implebat, celebrans solemnitates cum
ceteris hominibus, quanto studio bonorum operum servi debent solemnitates et
praevenire et celebrare? Origenes. Mystice autem, cum facta est
nuptiarum praeparatio in Cana Galilaeae, descendit una cum matre, fratribus
et discipulis in Capharnaum, quae interpretatur ager consolationis. Oportebat
enim post vini alacritatem, ad agrum consolationis, una cum matre et
discipulis ascendere salvatorem, consolaturum in futuris fructibus et in
agrorum multitudine suscipientes disciplinam eius, et animam quae illum
spiritu sancto concepit, et iuvandos ibi. Sunt enim quidam fructificantes, ad
quos dominus ipse descendit una cum verbi ministris atque discipulis,
adiuvans huiusmodi praesente matre sua. Videntur autem qui Capharnaum ducti
sunt, non capere diuturnam apud se Iesu praesentiam : quoniam illuminationem
quae de pluribus dogmatibus est, inferioris consolationis agellus non capit,
cum paucorum capax existat. Alcuinus. Vel Capharnaum villa pulcherrima
est, et significat mundum, in quem verbum patris descendit. Beda. Non
multis autem diebus ibi mansit, quia parvo in hoc mundo tempore cum hominibus
conversatus est. Origenes. Est autem Hierosolyma civitas regis magni,
velut ipse salvator ait, ad quam nullus eorum qui manent in terris conscendit
nec ingreditur : sed quaelibet anima quae naturalem obtinet celsitudinem et
acumen intelligibilium perspicuum, eius civitatis est incola, ad quam solus
Iesus ascendisse dicitur. Videntur tamen post discipuli fore praesentes dum
recolunt zelus domus tuae comedit me; sed quasi in quolibet discipulorum
Iesus ascendit. Lectio 4 [86004] Catena in Io., cap. 2 l. 4 Beda
super Matth. Dominus Ierusalem adveniens, continuo templum
oraturus addit, nobis dans exemplum ut quocumque properamus, domum Dei primo
ingrediamur, dominum deprecaturi; unde dicitur et invenit in templo vendentes
boves et oves et columbas. Augustinus in Ioannem. Sacrificia enim illi
populo pro eius carnalitate talia data sunt, quibus teneretur ne ad idola
deflueret; et immolabant boves et oves et columbas. Beda. Sed quia de
longinquo properantes quae iussa sunt immolari domino, secum ferre non
poterant, eorum pretia deferebant : unde nacta occasione, haec animalia in
templo Scribae et Pharisaei vendi instituerunt, ut venientes emerent et
offerrent, eademque oblata ipsi aliis venderent; et sic sua lucra
accumularent. Unde et nummularii ad hoc sedebant ad mensam, ut inter emptores
venditoresque hostiarum prompta esset pecunia : unde subditur et nummularios
sedentes. Dominus autem nolens aliquid in domo sua terrenae esse
negotiationis, neque eius quae honesta putaretur, negotiatores omnes expulit
foras. Augustinus. Et qui flagellandus erat ab eis, prior illos
flagellavit; unde sequitur et cum fecisset quasi flagellum de funiculis,
omnes eiecit de templo. Theophylactus. Neque solum eos eiecit qui
vendebant et emebant, sed etiam res eorum; unde subditur oves quoque et boves
et nummulariorum effudit aes, et mensas evertit, scilicet nummularias, quae
erant quasi vasa denariorum. Origenes. Consideremus autem, ne forte
enorme videatur quod Dei filius captis funiculis parat sibi flagellum ad
eiciendum de templo. Unum tamen refugium ad horum responsionem relinquitur
divina potestas Iesu, ut cum volebat posset iracundiam hostium suffocare,
quamvis essent innumeri, et sedare mentium turbines : dominus enim dissipat
cogitationes gentium. Praesens autem historia in nullo minorem potestatem
praetendit his quae ab eo miraculosius edita sunt : quinimmo constat hanc
maiorem demonstrare potentiam miraculo quo aqua conversa est in vinum : eo
quod illic inanimata subsistit materia, hic vero tot millium hominum domantur
ingenia. Augustinus de Cons. Evang. Manifestum est autem non semel,
sed iterato hoc factum esse a domino. Sed illud
primum commemoratur hic a Ioanne, istud ultimum a ceteris tribus. Origenes. Et
Ioannes quidem hic dicit quod expulit vendentes de templo; Matthaeus autem
ait quoniam expulit vendentes et ementes. Multo autem maior numerus erat
ementium quam vendentium; quorum expulsio transcendebat dignitatem eius qui
reputabatur filius carpentarii; nisi quod divina potestate sibi omnes
subiecit, ut dictum est. Beda. Commendatur autem in hac lectione
utraque Christi natura : humana quidem, in hoc quod matrem comitem habuisse
perhibetur; divina vero, in hoc quod verus Dei filius demonstratur; sequitur
enim et his qui vendebant columbas dixit : auferte ista hinc, et nolite
facere domum patris mei domum negotiationis. Chrysostomus in Ioannem. Ecce
patrem vocat, et non irascuntur : aestimant enim simpliciter eum dicere; sed
quia postea apertius loquebatur, ut solam repraesentaret parilitatis
intelligentiam, propterea saeviebant. Et Matthaeus quidem dicit quod eiciens
eos dicebat : nolite facere domum meam speluncam latronum : illud enim fecit
ad passionem veniens, ideo durioribus sermonibus utebatur; hoc autem in
principio signorum fecit; unde non ita aspera, sed remissa quodammodo
increpatione utitur. Augustinus. Ecce templum illud figura adhuc erat,
et eiecit inde dominus omnes qui ad nundinas venerant. Et quae ibi vendebant?
Quae opus habebant homines in sacrificio illius temporis. Quid si ibi
ebriosos inveniret? Si negotiationis non debet fieri domus Dei, potationis
fieri debet? Chrysostomus. Sed cuius gratia tali vehementia Christus
usus est? Quia enim in sabbato curaturus erat, et multa facturus quae
videbantur eis esse legis transgressio, ut non videatur Deo contrarius, hoc
cum periculo fecit, dans intelligere quod qui periculis se exponit pro bono
ornatu domus, dominum domus non contemnit : et ideo, ut ostenderet sui
consonantiam ad Deum, non dixit : domum sanctam, sed domum patris mei. Et
propter hoc etiam subditur recordati vero sunt discipuli eius quia scriptum
est : zelus domus tuae comedit me. Beda. Discipuli enim videntes in eo
hunc ferventissimum zelum, recordati sunt quia zelo domus patris salvator
eiecit impios de templo. Alcuinus. Zelus, cum in bono accipitur, est
quidam fervor animi, quo mens relicto humano timore pro defensione veritatis
accenditur. Augustinus. Comeditur ergo zelus domus Dei, qui omnia quae
videt ibi perversa cupit emendare : et si emendare non potest, tolerat et
gemit. Si ergo in domo tua ne quid perversum fiat satagis, in domo Dei, ubi
salus proposita est, debes pati, quantum in te est, si quid perversi videris?
Amicus est? Admoneatur leniter; uxor est? Severissime frenetur; ancilla est?
Etiam verberibus compescatur. Fac quicquid potes pro persona quam portas.
Alcuinus. Mystice autem quotidie Deus spiritualiter suam Ecclesiam intrat,
et qualiter ibi unusquisque conversetur attendit. Caveamus ergo ne in
Ecclesia Dei fabulis, vel risibus, vel odiis, vel cupiditatibus vacemus, ne
improvisus veniens nos flagellet, et de Ecclesia sua eiciat. Origenes in
Ioannem. Possibile enim est Hierosolymitanum quoque delicto subiacere, et
capacissimos deviare : quod nisi post delictum citissime convertantur,
capacitatem amittunt. Invenit igitur in templo, idest in sacris, vel in
enuntiatione ecclesiastici sermonis, quosdam qui patris domum, domum
negotiationis constituebant, qui scilicet venales exponunt boves, quos
oportet servare ad aratrum, ne retrocedentes non disponantur ad regnum Dei;
qui etiam praeferunt mammonam iniquitatis ovibus, ex quibus habent ornatus
materiam; qui etiam solertiam columbarum privata qualibet amaritudine
vilipendunt. Cum ergo hos invenerit salvator in domo sacrata, facto de
funiculis flagello fugat illos una cum venalibus ovibus et bobus suis, et
spargit aeris pondera velut indigna in domo Dei retineri, subvertitque
constitutas tabulas in animabus avarorum, et mandat ne ulterius in domo Dei
columbae vendantur. Arbitror autem et exemplum ipsum statuisse per praedicta
secretius, ut intelligamus per hoc, si quid agi debeat erga sacram illam
oblationem a sacerdotibus, non debere ritu sensibilium oblationum agi, nec
legem observari debere, ut carnales Iudaei volebant : nam Iesu propellente
boves et oves, iubente auferri columbas, quae ut plurimum offerebantur iuxta
consuetudinem Iudaeorum, et subvertente mensas materialium nummorum non
expresse, sed figuraliter continentium divinas impressiones, ea scilicet quae
secundum legis Scripturam videbantur honesta, et utente eo in plebem flagellis,
dissolvenda et dispergenda haec erant, translato regno ad eos qui ex gentibus
crediderunt. Augustinus. Vel vendentes in Ecclesia sunt qui quae sua
sunt quaerunt, non quae Iesu Christi. Venale habent totum, quia volunt
redimi. Simon ideo volebat emere spiritum sanctum, quia vendere volebat :
erat enim de illis qui columbas vendunt : etenim in columba apparuit spiritus
sanctus : columba autem non est venalis; gratis datur, quia gratis vocatur.
Beda. Vendunt igitur columbas qui acceptam spiritus sancti gratiam non
gratis, ut praeceptum est, sed ad praemium dant; qui manuum impositionem, qua
spiritus sanctus accipitur, etsi non in quaestum pecuniae, ad vulgi tamen
favorem tribuunt; qui sacros ordines non ad vitae meritum, sed ad gratiam
largiuntur. Augustinus. Boves autem intelliguntur apostoli et
prophetae, qui nobis Scripturas sacras dispensaverunt. Qui ergo ipsis
Scripturis fallunt populos a quibus quaerunt honores, vendunt boves, vendunt
et oves, idest ipsas plebes, et cui vendunt, nisi Diabolo? Quidquid enim de
unica Ecclesia praeciditur, quis tollit nisi leo rugiens? Beda. Vel
oves sunt opera munditiae et pietatis. Vendunt ergo oves qui humanae gratia
laudis pietatis exercent. Nummos mutuo dant in templo qui aperte terrenis
rebus in Ecclesia deserviunt. Domum etiam domini faciunt domum negotiationis,
non solum hi qui propter sacros ordines pretium pecuniae vel laudis vel
honoris quaerunt; verum etiam hi qui gradum vel gratiam spiritualem, quam in
Ecclesia domino largiente perceperunt, non simplici intentione, sed cura
humanae retributionis exercent. Augustinus. Signum autem quoddam nobis
ostendit dominus, quod fecit flagellum de resticulis, et inde negotiationem
in templo facientes flagellavit. Etenim unusquisque in peccatis suis restem
sibi texit, dum peccata addit peccatis. Quando ergo aliquid patiuntur homines
propter iniquitates suas, agnoscant quia dominus facit flagellum de
resticulis, et adhuc admonet eos ut mutent se : nam si se non mutaverint,
audient in fine : ligate illi manus et pedes. Beda. Facto igitur de
funiculis flagello, illos eiecit de templo : quia de parte sortis sanctorum
eiciuntur qui inter sanctos positi, vel ficte bona, vel aperte faciunt opera
mala. Oves quoque et boves eiecit : quia talium vitam pariter et doctrinam
ostendit esse reprobam. Nummulariorum quoque effudit aes, et mensas
subvertit; quia damnatis in fine reprobis, etiam ipsarum quas dilexerunt
rerum tollet figuram. Venditionem columbarum de templo auferri praecepit :
quia gratia spiritus, quae gratis accipitur, gratis dari debet. Origenes.
Potest etiam per templum intelligi anima studiosi, propter inhabitans
verbum Dei, in qua ante doctrinam Iesu constiterant terrestres et bestiales
motus. Signum autem terrestrium motuum bos est, quoniam est agri cultor;
insensatorum autem motuum ovis, quod est pluribus animalibus irrationalius;
levium vero atque inconstantium mentium signum est columba; eorum vero qui
boni videntur, signa sunt aera, quae Christus verbo doctrinae expellit, ut
non ultra domus patris eius sit forum. Lectio 5 [86005] Catena in Io., cap. 2 l. 5 Theophylactus.
Quia Iudaei videbant Iesum talia facere cum potestate multa, et dicentem
nolite facere domum patris mei, domum negotiationis : signum ab eo petunt;
unde dicitur responderunt ergo Iudaei, et dixerunt ei : quod signum ostendis
nobis, quia haec facis? Chrysostomus in Ioannem. Sed numquid signa
opus erant ut ea quae male fiebant cessare faceret? Nonne zelum talem
accipere pro domo Dei maximum signum virtutis erat? Non autem illius
prophetiae meminerant; sed signum petebant, simul quidem de suo turpi lucro
impedito dolentes, simul autem et per hoc prohibere eum volentes : opinantur
enim eum aut provocare ad miracula, aut cessare ab his quae fiebant. Propterea non
dat eis signum, sicut et petentibus signum respondit dicens : generatio mala
et adultera signum quaerit, et signum non dabitur ei, nisi signum Ionae
prophetae. Sed tunc quidem manifestius, nunc autem obscurius respondet idem.
Non autem is utique qui non petentes praeoccupat, et signa dat, hic petentes
avertisset, nisi mentem eorum cognovisset dolosam; sequitur enim et dixit eis
: solvite templum hoc, et in tribus diebus excitabo illud. Beda. Quia
enim signum quaerebant a domino, quare solita commercia proicere debuerit ex
templo; respondit : quia ipsum templum significabat templum corporis sui, in
quo nulla prorsus esset alicuius macula peccati; quasi dicat : sicut
inanimatum templum a vestris commerciis sceleribusque mea expio potestate,
ita et hoc corporis mei templum, cuius istud gestat figuram, vestris manibus
dissolutum, tertia die resuscitabo. Theophylactus. Nequaquam tamen
illos ad homicidium provocat dicens solvite; sed hoc eis affectantibus, non
sibi esse absconditum demonstrat. Audiant autem Ariani, quomodo dominus
mortis destructor dixit excitabo, virtute videlicet propria. Augustinus
in Ioannem. Resuscitavit eum quidem et pater, cui dicit : excita me, et
reddam illis. Sed quid fecit pater sine verbo? Quomodo ergo eum pater
resuscitat, sic et filius resuscitavit : quia filius dixit : ego et pater
unum sumus. Chrysostomus. Propter quid autem signum resurrectionis dat
eis? Quoniam scilicet hoc maxime erat quod ostendebat eum non esse hominem
purum, posse adversus mortem statuere triumphum, et tyrannidem eius longam
velociter dissolvere. Origenes. Utraque autem, scilicet et corpus Iesu
et templum, exemplar mihi fore videntur Ecclesiae, eo quod ex vivis lapidibus
construitur in domum spiritualem, in sacerdotium sanctum, et propter illud :
vos estis corpus Christi et membra de membro. Quamvis autem dissolvi lapidum
videatur structura ac dissipari omnia ossa Christi adversitatibus
tribulationum; instaurabitur tamen templum, ac resuscitabitur die tertia,
quae in novo caelo et nova terra praesens erit. Sicut enim illud Christi
corpus sensibile crucifixum est ac sepultum, et postea resurrexit; sic et
totale sanctorum Christi corpus concrucifixum est Christo : quilibet enim
eorum in nullo alio gloriatur nisi in cruce Christi, per quam ipse crucifixus
est mundo. Sed et consepultus est Christo et resurrexit cum eo, quia in
quadam novitate vitae ambulat. Sed secundum beatam resurrectionem nondum
surrexit; unde non scriptum est : tertia die restaurabo illud, sed in tribus
diebus : perficitur enim eius erectio in omnibus tribus diebus.
Theophylactus. Iudaei enim de inanimato templo putantes eum hoc dicere,
deridebant eum; unde sequitur dixerunt ergo Iudaei : quadraginta et sex annis
aedificatum est templum hoc, et tu in tribus diebus excitabis illud?
Alcuinus. Et notandum, quod non de prima aedificatione, quae a Salomone
septem annis perfecta est, sed de reaedificatione, quae facta est sub
Zorobabel per quadraginta et sex annos impedientibus inimicis respondebant.
Origenes. Vel dicit aliquis, quadraginta et sex annorum exsurgere
computum, ex quo David allocutus est Nathan prophetam consulens de
constructione templi, ex tunc satagens ad congregandam materiam templi.
Animadverte vero si possibile est quadragenarium numerum statui erga templum
propter quatuor elementa mundi, ac senarium propter hoc quod homo sexto die creatus
est. Augustinus de Trin. Vel hic numerus perfectioni dominici corporis
apte congruit; quadragies enim sexies seni fiunt ducenta septuaginta sex; qui
numerus dierum complet novem menses et sex dies. Ipsa autem perfectio
corporis domini tot diebus ad partum producta comperitur, sicut a maioribus
traditum suscipiens Ecclesiae custodit auctoritas. Octavo enim Kalendas
Aprilis conceptus creditur, quo et passus; natus autem traditur octavo
Kalendas Ianuarii. Ab illo ergo die usque ad istum computati ducenti
septuaginta sex reperiuntur dies, qui senarium numerum quadragies sexies
habent. Augustinus Lib. 83 quaest. Dicitur etiam conceptio humana sic
procedere, et perfici primis sex diebus, quasi lactis habeat similitudinem,
sequentibus novem diebus convertatur in sanguinem, deinde duodecim diebus
solidetur, reliquis decem et octo diebus formetur usque ad perfecta
lineamenta omnium membrorum; et in reliquo tempore usque ad tempus partus
magnitudine augeatur. Sex autem et novem et duodecim et decem et octo in unum
coacti, fiunt quadraginta quinque : addito ergo uno fiunt quadraginta sex;
qui si fuerint multiplicati per ipsum senarium numerum, qui huius
ordinationis caput tenet, fiunt ducenti septuaginta sex, idest novem menses,
et sex dies. Non ergo absurde quadraginta sex annis dicitur fabricatum esse
templum, quod corpus eius significabat; ut quot anni fuerint in fabricatione
templi, tot dies fuerint in corporis dominici perfectione. Augustinus in
Ioannem. Vel aliter. Quia dominus noster de Adam corpus accepit, non de
Adam peccatum traxit; templum corporeum inde sumpsit, non iniquitatem, quae
de templo pellenda est. Si autem facias quatuor nomina Graeca, anatoli, quod
est oriens, dysis, quod est occidens, Arctos, quod est Septemtrio, mesembria,
quod est meridies, capita verborum Adam habent. A quatuor enim ventis dominus
collecturum se dicit electos suos cum venerit ad iudicium. Habent autem
litterae nominis Adam numerum secundum Graecos; et ibi invenitur
quadragintasex annis aedificatum templum. Habet enim Adam alpha, quod est
unum; et delta, quod quatuor; et alpha, quod est unum; et mi, quod est
quadraginta : et sic habet quadragintasex. Sed Iudaei, quia caro erant,
carnalia sapiebant; ille spiritualiter loquebatur, et de quo templo diceret,
per Evangelistam nobis aperuit; sequitur enim ille autem dicebat de templo
corporis sui. Theophylactus. Ex hoc autem Apollinarius contradictionem
sumit, volens ostendere, quod caro Christi esset inanimata, eo quod templum
sit inanimatum : ergo carnem Christi et lapidem et lignum facies, quia ex his
templum consistit. Si autem quod dicitur : anima mea turbata est; et :
potestatem habeo ponendi animam meam; nequaquam de anima rationali dici
dixeris; ubi pones illud : in manus tuas, domine, commendo spiritum meum? Non
enim hoc de anima irrationali intelligere poteris : neque quod dicitur : non
derelinques animam meam in Inferno. Origenes. Ideo autem corpus domini
templum intelligitur, quia sicut templum gloriam Dei continebat habitantem in
ipso, sic corpus Christi repraesentans Ecclesiam, unigenitum continet, qui
est imago Dei et gloria. Chrysostomus in Ioannem. Duo autem erant quae
obstabant discipulis ne interim intelligerent : unum ipsa resurrectio;
alterum vero, quod maius erat, scilicet quod Deus erat qui in illo corpore
habitabat; quod dominus occulte ostenderat, dicens solvite templum hoc, et in
tribus diebus excitabo illud. Et ideo subditur cum ergo resurrexisset a
mortuis, recordati sunt discipuli eius quia hoc dicebat de corpore suo, et
crediderunt Scripturae, et sermoni quem dixit Iesus. Alcuinus. Ante
resurrectionem enim non intelligebant Scripturas, quia nondum acceperant
spiritum sanctum; sed in die resurrectionis apparens dominus aperuit
discipulis sensum ut intelligerent quae de ipso scripta erant in lege et
prophetis; et tunc crediderunt Scripturae prophetarum, qui praedixerunt
Christum tertia die resurrecturum, et sermoni quem dixit Iesus solvite
templum hoc. Origenes in Ioannem. Secundum anagogem vero, complementum
fidei attingemus in magna resurrectione totius corporis Iesu, idest Ecclesiae
eius; cum fides quae est ex specie, multum differat ab ea quae est per
speculum in aenigmate. Lectio 6 [86006] Catena in Io., cap. 2 l. 6 Beda.
Superius Evangelista narravit quid dominus Ierusalem adveniens gesserit;
nunc vero eodem Hierosolymis commorante, quid ab aliis erga eum actum fuerit
refert; unde dicitur cum autem esset Hierosolymis in Pascha in die festo,
multi crediderunt in nomine eius, videntes signa quae faciebat. Origenes. Respiciendum
autem quomodo ex signis eius plerique videntes credebant in eum. Non enim
dicitur prodigia fecisse Hierosolymis, nisi forte, cum facta sint, in
Scripturis non habeantur. Animadverte vero si possibile est in miraculis
deputari quod fecerit flagellum ex funiculis, et cunctos ex templo propulerit.
Chrysostomus in Ioannem. Prudentiores autem fuerant discipuli, qui ad
Christum accesserant, non propter signa sed propter doctrinam; nam grossiores
quidem per signa trahuntur, rationabiliores vero per prophetias seu
doctrinam; unde subditur ipse autem Iesus non credebat semetipsum eis.
Augustinus in Ioannem. Quid sibi vult hoc illi credebant in nomine eius,
et ipse Iesus non credebat semetipsum eis? An forte non credebant ei, et
fingebant se credidisse? Sed non diceret Evangelista multi crediderunt in
nomine eius. Magna ergo res et mira. Credunt homines in Christum, et Christus
non se credit hominibus, praesertim quia filius Dei est, et utique volens
passus est, et si nollet, nunquam pateretur. Sed tales sunt omnes
catechumeni. Si dixerimus catechumeno : credis Christo? Respondet : credo, et
signat se. Si interrogemus eum : manducas carnem filii hominis? Nescit quid
dicimus, quia Iesus non se credidit ei. Origenes in Ioannem. Vel
dicendum, quod Iesus non se credidit credentibus in nomine eius, et non in
illum. In illum enim credunt qui angustam viam vadunt
ducentem ad vitam : qui autem credunt signis, non in eum, sed in nomine eius
credunt. Chrysostomus. Vel hoc dicit, quia non
confidebat in eis ut in discipulis perfectis, neque committebat eis omnia dogmata,
ut iam firmiter fidelibus fratribus : non enim intendebat exterioribus
verbis, ad mentem eorum intrans, et tempus opportunum manifeste sciens; unde
sequitur eo quod ipse nosset omnes, et quia opus non erat ut quis testimonium
perhiberet de homine : ipse enim sciebat quid esset in homine. Scire enim ea
quae sunt in corde hominum, est Dei, qui solus corda plasmavit. Non indiget
ergo testibus, ut propriorum plasmatum mentem addiscat. Augustinus. Plus
etiam noverat artifex quid esset in opere suo, quam ipsum opus quid esset in
semetipso. Nam et Petrus non noverat quid in ipso esset quando dixit : tecum
ero usque ad mortem; sed dominus noverat quid esset in homine, dicens :
priusquam gallus cantet, ter me negabis. Beda. Quapropter monemur ut
nunquam de conscientia nostra securi simus, sed semper solliciti formidemus :
quia quod nos latet, aeternum arbitrum latere non valet. |
CHAPITRE II
Versets 1-4.
S. Jean Chrysostome : (hom. 21 sur S. Jean). Jésus est invité à
ces noces, parce qu'il était très-connu dans la Galilée : « Et trois jours
après il se fit des noces à Cana, en Galilée. »— Alcuin : La Galilée est une province de la Palestine, dans
laquelle se trouve le bourg de Cana. — S.
Jean Chrysostome : (hom. précéd). Le Sauveur est invité à ces noces, non
pas comme un personnage considérable, mais simplement comme une connaissance
ordinaire. C'est ce que semble indiquer l'Evangéliste en ajoutant : « Et la
mère de Jésus y était, » c'est-à-dire qu'ils invitèrent le fils, parce qu'ils
avaient invité la mère : « Et Jésus fut aussi convié aux noces avec ses
disciples. » En se rendant à cette invitation, il ne considère pas les
intérêts de sa dignité, mais le bien qui peut en résulter pour nous; il n'a
pas dédaigné de prendre la forme d'esclave, il ne dédaigne pas davantage de
se rendre aux noces de ses serviteurs. — S.
Augustin : (serm. 41 sur les par. du Seig). Que l'homme rougisse donc de
son orgueil, en voyant comment un Dieu pratique l'humilité. Entre autres
raisons, le Fils de Dieu assiste à ces noces pour montrer que c'était lui
qui, avant son incarnation et lorsqu'il était dans le sein de Dieu le Père,
avait institué le mariage. S. Bède : (hom pour le 1° dim. après l'Epiphan). La
démarche pleine de condescendance de Jésus, en assistant à ces noces,
confirme la foi des chrétiens, et démontre combien est condamnable l'erreur
de Tatien et de Marcion, qui déclarent le mariage illicite. Si le lit
nuptial, orné de la pureté requise, et le mariage, contracté avec la chasteté
voulue, étaient illicites, le Seigneur n'eût jamais voulu assister à ces
noces. La chasteté est bonne, la continence des veuves est meilleure, la
perfection virginale est bien supérieure; Notre Seigneur donc pour approuver
le choix de ces divers états de vie, et discerner cependant le mérite de chacun,
a daigné naître du sein immaculé de la Vierge Marie; aussitôt sa naissance,
il a voulu recevoir les bénédictions de la prophétesse Anne qui était veuve,
et, dans sa jeunesse, il honore de la présence de sa haute vertu les noces
auxquelles il est invité. S. Augustin : (Traité 8 sur S. Jean). Qu'y a-t-il
d'étonnant que le Fils de Dieu se soit rendu à ces noces, lui qui est venu
dans le monde pour célébrer des noces toutes divines ? Il a, en effet, une
épouse qu'il a rachetée de son sang, à laquelle il a donné l'Esprit saint
pour gage, et qu'il s'est unie dans le sein de la Vierge Marie. Le Verbe est
lui-même époux, et la nature humaine est sou épouse, et l'un et l'autre
forment un seul Fils de Dieu, comme un seul Fils de l'homme. Le sein de la
Vierge Marie a été le lit nuptial, d'où il s'avance comme un époux qui sort
de sa chambre nuptiale. S. Bède : Ces noces ont lieu trois jours après
l'arrivée de Jésus en Galilée; et cette circonstance n'est pas sans mystère.
Le premier âge ou le premier jour du monde, avant la loi, a été éclairé par
les exemples éclatants des patriarches; le second sous la loi, par les
oracles des prophètes; le troisième sous la grâce, par les écrits des
Evangélistes, et c'est dans ce troisième jour, que Notre Seigneur a voulu
naître dans une chair mortelle. Ces noces ont lieu à Cana, en Galilée,
c'est-à-dire (d'après la signification de ces deux mots), dans le zèle de la
transmigration, et cette circonstance apprend à ceux qui veulent se rendre
dignes de la grâce de Jésus-Christ, qu'ils doivent être enflammés du zèle
d'une religion véritable, et passer des vices à la pratique des vertus et des
choses de la terre à l'amour des biens célestes. Pendant que le Seigneur
prend part au repas des noces, le vin vient à manquer, et il le permet pour
faire éclater, par la création d'un vin plus exquis, la gloire qui est comme
cachée dans l'Homme-Dieu : « Et le vin, venant à manquer, la mère de Jésus
lui dit : Ils n'ont plus de vin. » S. Jean Chrysostome : (hom. 21 sur S. Jean). Il est important d'examiner
d'où venait à la mère de Jésus, cette haute idée qu'elle avait de son Fils,
alors qu'il n'avait encore fait aucun miracle, puisque l'Evangéliste fait
plus loin cette remarque : « Ainsi Jésus fit à Cana, en Galilée, le premier
de ses miracles, » etc. Nous répondons que sa gloire et sa puissance
commençaient à se révéler par le témoignage de Jean, et par ce que Jésus
lui-même avait dit à ses disciples. D'ailleurs, et bien auparavant, sa
conception toute divine, et les prodiges qui entourèrent son berceau, avaient
donné à Marie la plus haute idée de l'enfant dont elle était mère. Saint Luc
confirme cette explication, lorsqu'il dit : « Et sa mère conservait toutes
ces choses dans son cœur. » Pourquoi donc Marie ne l'a-t-elle pressé plus tôt
de faire des miracles ? C'est qu'il commençait seulement alors sa vie
publique; jusque-là sa vie extérieure avait été celle d'un homme ordinaire,
et sa mère n'avait osé lui faire une demande semblable. Mais dès qu'elle eut
appris le témoignage que Jean lui avait rendu, et qu'elle l'eut vu entouré
déjà de disciples, elle lui fait cette prière avec confiance. — Alcuin : Marie représente ici la
synagogue qui presse Jésus-Christ de faire un miracle; car les Juifs avaient
coutume de faire de semblables demandes. « Jésus lui répondit : Femme, qu'y a-t-il de commun entre vous et moi
? » — S. Augustin : (Traité précéd).
Il en est qui osent contredire l'Evangile, affirmer que Jésus n'est point né
de la Vierge Marie, et ils cherchent à appuyer leur erreur sur ces paroles de
Jésus à Marie. Comment, objectent-ils, regarder comme sa mère celle à qui
Jésus ne craint pas de dire : « Qu'y a-t-il de commun entre vous et moi ? »
Mais quel est donc celui qui présente ces dernières paroles du Seigneur à
notre foi ? c'est Jean l'Evangéliste; mais n'est-ce pas lui aussi qui vient
de nous dire : « Et la mère de Jésus était là ? » Pourquoi s'exprime-t-il de
la sorte ? c'est que les deux choses sont vraies. Mais Jésus s'est-il donc
rendu à ces noces pour enseigner aux enfants à mépriser leurs mères ? — S. Jean Chrysostome : (hom. 21).
Voulez-vous savoir le respect profond que Jésus avait pour sa mère ? écoutez
saint Luc qui vous dit que « le Sauveur était soumis à ses parents. » Tant
que les parents, en effet, ne s'opposent pas à l'accomplissement de ce que
Dieu demande de nous, c'est un devoir de leur être soumis. Mais quand leurs
exigences sont inopportunes, et tendent à nous arracher à nos devoirs
religieux, il n'est plus sûr de leur obéir. S. Augustin : (du symbole, 2, 5) Jésus, en tant qu'homme,
était inférieur à Marie, et il lui était soumis; mais en tant que Dieu, il
était au-dessus de toutes les créatures. C'est donc pour bien distinguer
entre l'homme et Dieu, qu'il dît à Marie : « Femme, qu'y a-t-il de commun
entre vous et moi ? » — S. Jean Chrysostome
: (hom. 21). Le Sauveur fait encore cette réponse pour une autre raison,
il ne veut pas que ses miracles soient l'objet du moindre soupçon. En effet,
c'étaient à ceux qui manquaient du vin, et non à sa mère, de lui faire cette
demande. Il veut donc montrer qu'il fait toutes ses actions en temps
convenable, avec discernement et sans aucune confusion. C'est pour cela qu'il
ajoute : « Mon heure n'est pas encore venue, » c'est-à-dire, je ne suis pas
encore connu de ceux qui sont ici; ils ne savent pas encore que le vin
manque, laissez-les donc s'en apercevoir tout d'abord. Celui qui n'a pas
éprouvé la nécessité d'un bienfait, n'en comprendra pas non plus
l'importance. S. Augustin : (du symbole, 2, 5). Ou bien encore, Notre
Seigneur répond de la sorte, parce qu'en tant qu'il était Dieu, il n'avait
point de mère; il en avait une en tant qu'homme, mais le miracle qu'il devait
opérer était l'œuvre de la divinité, et non de la faible nature humaine.
Cependant la mère de Jésus le pressait de faire ce miracle. Mais Jésus, alors
qu'il allait accomplir les oeuvres divines, semble méconnaître le sein où il
a été conçu, et il dit à sa mère : « Femme, qu'y a-t-il de commun entre vous
et moi ? » paroles dont voici le sens : Vous n'avez pas engendré la puissance
qui doit en moi opérer ce miracle, c'est-à-dire ma divinité. (Il l'appelle
femme, pour désigner son sexe, et non pour l'assimiler aux femmes ordinaires).
Mais comme c'est vous qui avez engendré ce qu'il y a de faible en moi, je
vous reconnaîtrai lorsque cette faible nature humaine sera suspendue à la
croix. Voilà pourquoi il ajoute : « Mon heure n'est pas encore venue, »
c'est-à-dire, je vous reconnaîtrai lorsque cette humanité, dont vous êtes la
mère, sera attachée à la croix. C'est alors, en effet, qu'il recommande sa
mère à son disciple, parce qu'il allait mourir avant elle, et qu'il devait
ressusciter avant sa mort. Remarquez qu'à l'exemple des manichéens qui
cherchent un appui à leurs pernicieuses erreurs dans ces paroles : « Qu'y
a-t-il de commun entre vous et moi ? » les astrologues veulent autoriser leur
système erroné sur ces autres paroles du Sauveur : « Mon heure n'est pas
encore venue. » Vous voyez, disent-ils, que Jésus-Christ était assujetti au
destin, puisqu'il déclare lui-même que son heure n'est pas encore venue.
Qu'ils se rendent donc à ces paroles du Fils de Dieu, lorsqu'il dit : « J'ai
le pouvoir de quitter la vie, et de la reprendre ensuite; » qu'ils cherchent
le véritable sens de ces paroles : « Mon heure n'est pas encore venue; »
qu'ils cessent d'asservir au destin le Créateur du ciel, car en supposant
même l'influence des astres sur la destinée de l'homme, le Créateur des
astres devait être nécessairement affranchi de cette influence. Ajoutez que
non-seulement Jésus-Christ ne fut point soumis à cette destinée fatale, ni
vous, ni un autre, ni aucun homme que ce soit. Que signifient donc ces
paroles : « Mon heure n'est pas encore venue ? » C'est qu'il avait le pouvoir
de mourir quand il le voudrait, et que le temps ne lui paraissait pas encore
venu d'user de ce pouvoir. Il voulait auparavant appeler ses disciples autour
de lui, annoncer le royaume des deux, opérer les prodiges et les miracles qui
devaient faire reconnaître sa divinité, et aussi manifester son humilité en
se soumettant à toutes les infirmités de notre nature mortelle. Lorsqu'il eut
accompli suffisamment ces divers desseins, l'heure vint pour lui, non l'heure
de la nécessité, mais celle de sa volonté, non l'heure imposée par la
fatalité, mais déterminée par sa puissance. Versets 5-12.
S. Jean Chrysostome : (hom. 22 sur S. Jean). Bien que Jésus vienne
de dire à sa mère : « Mon heure n'est pas encore venue, » il se rend
cependant à ses désirs, et démontre amplement par là qu'il n'était point
soumis à l'heure. Car s'il était assujetti à une heure déterminée, comment se
fait-il qu'il opère ce miracle avant que l'heure soit arrivée ? Un autre
motif de cette conduite, c'est le témoignage d'honneur qu'il veut donner à sa
mère, pour ne point paraître la contredire et la couvrir de honte devant tant
de témoins; car elle avait fait approcher les serviteurs, pour faire appuyer
sa demande par un plus grand nombre de personnes : « Sa mère dit à ceux qui
servaient, faites tout ce qu'il vous dira. » — S. Bède : Comme si elle leur disait : Il fera ce miracle, bien
qu'il paraisse le refuser, car sa mère connaissait sa bonté et son âme
compatissante : « Or, il y avait là six urnes de pierre, » etc. Ces urnes (en
latin hydriae), étaient des vases destinés à contenir de l'eau, et leur nom
vient du mot grec ΰδωρ, qui veut dire eau. Alcuin : Ces vases étaient destinés à contenir de
l'eau pour servir aux purifications en usage chez les Juifs, qui, entre
autres traditions pharisaïques, observaient celle de se purifier
fréquemment.— S. Jean Chrysostome : (hom.
précéd). Comme le sol de Palestine est très-aride, et qu'on y rencontre peu
de fontaines et de puits, les Juifs remplissaient d'eau de grandes urnes,
pour n'être pas obligés d'en aller chercher dans les fleuves, et pouvoir se
purifier facilement s'ils venaient à tomber dans quelque impureté légale.
L'Evangéliste ajoute : « Qui servaient aux purifications des Juifs, » pour
ôter aux incrédules jusqu'à l'ombre du soupçon qu'il restait au fond de ces
vases de la lie avec laquelle en jetant de l'eau dessus, on aurait fait un
vin fort léger, et il montre aussi jusqu'à l'évidence, que ces vases
n'avaient jamais contenu de vin. S. Augustin : (Traité 9 sur S. Jean). Le mot metretas
vient du grec μέτρον, et signifie des vases
d'une certaine mesure, des urnes, des amphores ou autres vases semblables. — S. Bède : Ces expressions deux ou
trois ne veulent pas dire que parmi ces vases, les uns contenaient deux
mesures, les autres trois, mais que chacun d'eux pouvait contenir deux ou
trois mesures. « Jésus leur dit : Remplissez les urnes d'eau, et ils les remplirent
jusqu'au bord. » — S. Jean Chrysostome
: (hom. précéd). Mais pourquoi Jésus ne fit-il pas ce miracle avant que
les urnes fussent remplies d'eau ? Le miracle eût été bien plus éclatant,
s'il eût fait sortir une nouvelle substance du néant, au lieu de donner
simplement de nouvelles propriétés à une substance déjà existante. Oui, en
effet, ce miracle est d'un ordre supérieur, mais pour plusieurs il eût paru
beaucoup moins digne de foi. Aussi voyons-nous souvent Notre Seigneur affaiblir,
pour ainsi dire, la grandeur de ses miracles, pour les rendre plus croyables.
Ajoutons qu'il opère un grand nombre de miracles à l'aide de substances déjà
existantes, pour détruire cette pernicieuse erreur que le Créateur du monde
est distinct du vrai Dieu, car si ce prétendu créateur du monde lui était
opposé, il ne ferait point servir les objets qu'il a créés à démontrer sa
puissance divine. Ce n'est point Jésus lui-même qui puise dans les vases pour
montrer que l'eau est changée en vin, c'est aux serviteurs qu'il donne
l'ordre de puiser pour les rendre eux-mêmes témoins du miracle : « Et Jésus
leur dit : Puisez maintenant et portez-en au maître d'hôtel. » Alcuin : Le mot triclinium veut dire une rangée de
trois lits, du mot grec χλίνη, lit de repos sur
lequel les-convives s'étendaient; l'Architriclinus, ou président du festin,
était le premier des convives qui, suivant l'usage antique, étaient étendus
sur des lits. Il en est qui pensent que ce président du festin étaient un des
prêtres juifs, qui pouvaient assister aux noces, pour apprendre comment on
devait s'y conduire. — S. Jean
Chrysostome : (hom. 22). On aurait pu objecter que les convives étaient
dans l'ivresse et que leur goût était émoussé au point de ne plus pouvoir
juger si c'était de l'eau ou du vin qu'on leur présentait. Ceux au contraire
qui étaient chargés du service de la table, étaient à l'abri de tout soupçon
et n'avait qu'un soin, celui de préparer tout avec ordre et intelligence.
Aussi est-ce pour donner un témoin irrécusable du miracle qu'il venait
d'opérer, que Notre Seigneur dit aux serviteurs : « Portez-en au maître du
festin, » parce que son palais n'était pas émoussé, et non pas : Servez ce
vin aux convives. S. Hilaire : (de la Trin., 3). C'est de l'eau que l'on verse
dans les urnes, et c'est du vin que l'on en retire avec les coupes; ceux qui
ont rempli ces urnes diffèrent de sentiment avec ceux qui viennent y puiser.
Les premiers ne peuvent pas supposer qu'on puisse en retirer autre chose que
de l'eau; ceux au contraire qui puisent dans ces urnes croient qu'on les a
remplies de vin : « Sitôt que le maître du festin eut goûté l'eau changée en
vin, ne sachant d'où il venait (mais les serviteurs qui avaient puisé l'eau
le savaient), il appela l'époux. » Ce ne fut pas un mélange, mais une
création. L'eau pure disparut pour faire place à un vin généreux; ce n'est
point par le mélange d'une substance plus forte qu'on obtient une liqueur
plus faible; la première substance est complètement détruite, et fait place à
une substance qui n'existait pas encore. S. Jean Chrysostome : Notre Seigneur voulait que le caractère
divin de ses miracles se révélât peu à peu; aussi ne fait-il pas connaître
lui-même ce qui vient d'arriver. Le maître du festin n'appelle pas non plus
les serviteurs (car leur témoignage n'eût pas suffi pour faire admettre un
miracle aussi étonnant de la part de celui que l'on regardait comme un homme
ordinaire); il s'adresse à l'époux qui était beaucoup plus on mesure de voir
et d'apprécier ce qui venait de se faire. Or, ce n'est pas un vin ordinaire,
mais un vin excellent que Notre Seigneur met à la place de l'eau : « Et il
lui dit : Tout homme sert d'abord le bon vin, » etc. En effet, un des
caractères des miracles de Jésus-Christ, c'est d'être beaucoup plus éclatants
et aussi plus utiles que les choses qui sont le produit ordinaire de la
nature. Les serviteurs furent témoins du changement de l'eau en vin, et le
maître du festin aussi bien que l'époux, jugèrent eux-mêmes de l'excellence
de ce vin. Il est probable que l'époux exprima sa reconnaissance en quelques
paroles, mais l'Evangéliste n'en dit rien, il se contente de rapporter ce qui
est nécessaire, c'est-à-dire, que Jésus a changé l'eau en vin, et il ajoute
aussitôt : « Ainsi Jésus fit à Cana, en Galilée, le premier de ses miracles.
» (hom. 23). C'était le moment, en effet, d'opérer des miracles, puisqu'il
était entouré de disciples parfaitement disposés et qui suivaient avec une
grande attention toutes les actions du Sauveur, (hom. 21). Prétendrait-on
qu'il n'y a point de preuve suffisante que ce soit là le premier des miracles
de Jésus, parce que l'Evangéliste ajoute : « A Cana, en Galilée, » ce qui
permet de supposer qu'il en avait déjà fait ailleurs ? Nous répondrons en
citant de nouveau les paroles de Jean-Baptiste : « C'est pour qu'il fût
manifesté en Israël, que je suis venu baptiser dans l'eau. » (Jn 1, 31). Si
le Sauveur avait fait des miracles dans sa première enfance, les Israélites
n'auraient pas eu besoin qu'on vînt le leur révéler. La multitude des
miracles que fit Jésus dans un court espace de temps, lui donnèrent une si
grande célébrité, que son nom était connu dans toute la Judée. Mais sa
réputation eût été mille fois plus grande s'il avait commencé à faire des
miracles dès ses premières années, car des miracles faits par un enfant
eussent paru plus surprenants et ils auraient eu beaucoup plus de temps pour
se répandre. Mais il convenait qu'il ne fit point de miracles dès son
enfance, car on eût refusé de croire à son incarnation, et la jalousie
extrême de ses ennemis les aurait portés à le crucifier avant le temps qu'il
avait marqué. S. Augustin : (Traité 9 sur S. Jean). Ce miracle par
lequel Notre Seigneur a changé l'eau en vin, n'a rien d'étonnant pour ceux
qui savent que c'est Dieu qui agit lui-même. Il opère aux noces de Cana, dans
les urnes pleines d'eau, ce qu'il fait tous les ans dans les ceps de nos
vignes, nous n'admirons pas cette dernière transformation, parce qu'elle
s'accomplit chaque année sous nos yeux; Dieu s'est donc réservé de nouveaux
prodiges pour réveiller les hommes de leur assoupissement, et leur rappeler
l'adoration qu'ils lui doivent, voilà pourquoi l'Evangéliste ajoute : « Et il
manifesta sa gloire. » — Alcuin : C'est
qu'en effet, il est le roi de gloire qui change les éléments aveu une
puissance souveraine. — S. Jean
Chrysostome : (hom. 23). Voilà ce qu'il a fait, de son côté du moins,
pour manifester sa gloire. Si ce miracle fut alors inconnu d'un grand nombre,
tout l'univers devait dans la suite l'entendre raconter. « Et ses disciples crurent en lui. » Ils devaient, en effet, croire
avec plus de facilité, et examiner avec plus d'attention les faits dont ils
étaient témoins. — S. Augustin : (de
l'acc. des Evang., 2, 17). Mais si leur foi en Jésus-Christ ne date que de ce
miracle, ils n'étaient donc pas encore ses disciples, lorsqu'ils se rendirent
à ces noces ? Il faut donc voir ici une manière de parler semblable à celle
que nous employons, lorsque nous disons que l'apôtre saint Paul est né à
Tarse, en Cilicie, car il est évident qu'il n'était pas Apôtre au moment de
sa naissance. De même lorsque nous lisons dans l'Evangile, que les disciples
de Jésus-Christ furent invités à ces noces, nous devons entendre qu'ils
n'étaient pas encore ses disciples, mais qu'ils devaient le devenir plus
tard. S. Augustin : (Traité 9 sur S. Jean). Considérez
maintenant les mystères qui sont renfermés dans ce miracle du Seigneur;
toutes les prédictions qui avaient Jésus-Christ pour objet devaient recevoir
en lui leur accomplissement. C'était de l'eau qu'il avait sous les yeux, et
il a changé cette eau en vin lorsqu'il ouvrit l'intelligence de ses Apôtres
et qu'il leur expliqua les Ecritures. (Lc 24) C'est ainsi qu'il donne de la
saveur à ce qui était insipide, et une force enivrante à ce qui n'en avait
aucune. — S. Bède : Au moment où
le Seigneur se manifesta dans le mystère de son incarnation, la saveur
généreuse du vin de la loi perdait insensiblement de sa force première par
suite de l'interprétation toute charnelle des pharisiens. — S. Augustin : (Traité précéd). S'il
avait fait répandre l'eau qui était dans les urnes pour la remplacer par un
vin qu'il aurait tiré des trésors cachés de la création, il aurait paru
condamner les livres de l'Ancien Testament. Mais au contraire, il change
cette eau en vin, et nous démontre ainsi qu'il est l'auteur de l'Ancien
Testament, car c'est par son ordre que les urnes ont été remplies d'eau. Mais
cette eau reste sans saveur si la foi n'y découvre pas le Christ. Nous savons
que les livres de la loi comprennent tout le temps qui s'est écoulé depuis le
commencement du monde, que ce temps se partage en six époques, et que nous
sommes dans la sixième de ces époques. La première se compte d'Adam jusqu'à
Noé; la seconde, de Noé à Abraham; la troisième, d'Abraham à David; la
quatrième de David jusqu'à la captivité de Babylone; la cinquième de la
captivité de Babylone jusqu'à Jean-Baptiste; la sixième, de Jean-Baptiste à
la fin du monde. Les six urnes sont donc la figure des six âges du monde
pendant lesquels la prophétie n'a pas fait défaut. Les urnes pleines
représentent les prophéties accomplies. Mais que signifie cette circonstance
qu'elles contenaient deux ou trois mesures ? Si l'Evangéliste n'avait dit que
trois mesures, notre esprit, sans chercher ailleurs, s'arrêterait au mystère
de la Trinité. Mais de ce qu'il s'est exprimé autrement, en disant : « Deux
ou trois, » ce n'est pas une raison pour abandonner cette interprétation, car
là où le Père et le Fils sont nommés, on doit y joindre aussi l'Esprit saint,
qui est la charité mutuelle du Père et du Fils. Voici une autre explication
qu'on peut encore donner. Les deux mesures peuvent représenter les deux
peuples, Juifs et Grecs, et les trois mesures, les trois enfants de Noé. Alcuin : Les serviteurs sont les docteurs du Nouveau
Testament, chargés d'expliquer aux simples fidèles le sens spirituel des
Ecritures. Le président du festin, c'est tout homme versé dans la science de
la loi, comme Nicodème, Gamaliel, Saul. L'eau changée en vin que l'on
présente au maître du festin, c'est la doctrine de l'Evangile qui leur est
confiée et qui était comme cachée sous la lettre de la loi. Nous voyons à ce
festin nuptial trois espèces différentes de convives, parce que l'Eglise se
compose de trois ordres de fidèles; les personnes mariées, les vierges et les
docteurs. Notre Seigneur Jésus-Christ a gardé le bon vin pour la fin, parce
qu'il a réservé l'Evangile pour le sixième âge du monde. Versets 12-13.
S. Jean Chrysostome : (hom. 23 sur S. Jean). Le Seigneur, peu de
temps avant d'aller à Jérusalem, se rend à Capharnaüm, pour ne pas conduire
partout avec lui ses frères et sa mère : « Après cela, il descendit à
Capharnaüm avec sa mère, ses frères et ses disciples, et ils n'y demeurèrent
que peu de jours. » — S. Augustin : (Traité
10 sur S. Jean). Tel est le Seigneur notre Dieu, le Verbe de Dieu, le Verbe
fait chair, le Fils du Père, le Fils de Dieu, et en même temps le Fils de
l'homme. Il est le Très-Haut, et par-là même notre Créateur, il s'est fait
humble pour nous régénérer; il vit au milieu des hommes, il se soumet aux
infirmités de leur nature, et voile ainsi ses attributs divins. Il a une
mère, il a des frères, il a des disciples. Il a des frères, par la même
raison qu'il a une mère. Or, l'Ecriture a coutume de donner le nom de frères,
non-seulement à ceux qui ont un même père ou une même mère, mais encore à
ceux qui sont nés au même degré de deux frères ou de deux sœurs. Quelle était
donc la parenté de ces frères avec le Seigneur ? car il est certain que Marie
n'eût pas d'autres enfants, puisque c'est à elle que remonte l'honneur de la
virginité. Abraham était oncle de Loth (Gn 12), et Jacob avait également pour
oncle Laban le Syrien (Gn 13), et cependant l'Ecriture leur donne à tous le
nom de frères. — Alcuin : Les
frères du Seigneur sont donc les cousins de Marie et de Joseph, et non pas
leurs fils, car non-seulement la bienheureuse Vierge, mais encore Joseph, le
témoin de sa chasteté, demeurèrent toujours étrangers à tout rapport
conjugal. S. Augustin : (de l'acc. des Evang., 2, 17). L'Evangéliste
ajoute : « Et ses disciples. » Veut-il entendre par là Pierre et André, et
les fils de Zébédée ? c'est ce qu'il est difficile de dire. En effet, d'après
saint Matthieu, Notre Seigneur est venu d'abord à Capharnaüm, où il a fixé
son séjour; et ce n'est qu'après qu'il aurait appelé à sa suite ces deux
disciples, occupés alors à la pèche. Saint Matthieu a-t-il donc simplement
récapitulé ce qu'il avait omis, comme le ferait supposer l'absence dans son
récit de désignation précise de temps : « En se promenant sur le bord de la
mer de Galilée, il vit deux frères ? » Ou bien les disciples dont il parle
sont-ils différents de Pierre et d'André, et des fils de Zébédée ? Ces deux
explications ont chacune leur probabilité. On sait, en effet, que les saints
Evangiles et les épîtres des Apôtres donnent le nom de disciples,
non-seulement aux douze Apôtres, mais à tous ceux qui croyaient en
Jésus-Christ et que le divin Maître instruisait des mystères du royaume des
cieux. Comment encore saint Jean a-t-il pu dire que Jésus se rendit en
Galilée avant que Jean-Baptiste eût été mis en prison, tandis que nous lisons
dans saint Matthieu et dans saint Marc : « Jésus, ayant appris que Jean avait
été jeté en prison, il se retira en Galilée ? » Saint Luc lui-même ne dit
rien de l'emprisonnement de Jean, et comme les deux premiers Evangélistes, il
place le voyage de Jésus en Galilée après son baptême et sa tentation. Nous
répondons que les trois premiers Evangélistes ne sont pas en opposition avec
saint Jean, mais qu'ils ont tout simplement passé sous silence le premier
voyage du Sauveur en Galilée, voyage qui suivit immédiatement son baptême, et
où il changea l'eau en vin. — EUSEBE. (Hist. éccles., 23, 24). Lorsque Jean
l'Evangéliste eut pris connaissance des trois premiers évangiles, il confirma
par son témoignage l'authenticité de la doctrine et la véracité des faits
qu'ils contenaient, mais il y découvrit quelques lacunes, surtout pour les
premiers temps de la prédication du Sauveur. Il paraît certain, en effet, que
les trois premiers évangiles ne contiennent que les faits qui se sont passés
l'année où Jean-Baptiste a été jeté dans les fers et mis à mort. C'est pour
cela que saint Jean fut prié de transmettre par écrit les événements de la
vie du Sauveur qui avaient précédé l'emprisonnement de Jean-Baptiste, et un
examen attentif découvrira que les Evangiles ne se contredisent pas, mais que
saint Jean et les trois premiers Evangélistes racontent des faits qui se sont
passés dans des temps différents. — S.
Jean Chrysostome : Notre Seigneur ne fit alors aucun miracle à
Capharnaüm, parce que les habitants étaient fort mal disposés à son égard, et
profondément corrompus. Cependant il se rend dans cette ville et s'y arrête
quelque temps, par considération pour sa mère. S. Bède : Cependant ils n'y restèrent pas longtemps à
cause de la fête de Pâques qui approchait, « Or, la pâque des Juifs était
proche. » — Origène : (Traité 10
sur S. Jean). Mais pourquoi l'Evangéliste ajoute-t-il : « Des Juifs, »
puisqu'aucun autre peuple ne célébrait cette fête ? C'est peut-être qu'il y
avait une pâque toute humaine, que les hommes célébraient en dehors de la
volonté et de l'institution de Dieu, et une pâque véritable et divine qui se
célébrait en esprit et en vérité, et c'est pour distinguer cette seconde
pâque de la première, qu'il ajoute : « Des Juifs. » « Et Jésus monta à Jérusalem. » D'après le récit évangélique, Jésus
se rendit deux fois à Jérusalem, une première fois, la première année de sa
vie publique, avant que Jean-Baptiste eût été jeté en prison, et une seconde
fois l'année de sa passion. Notre Seigneur nous apprend ici par son exemple
la soumission parfaite que nous devons aux commandements de Dieu. Si le Fils
de Dieu a voulu accomplir les préceptes de la loi dont il était l'auteur, en
célébrant les fêtes légales comme les autres hommes, avec quel soin et quelle
exactitude ses serviteurs doivent-ils célébrer les saintes solennités, et s'y
préparer par la pratique des bonnes œuvres ? Origène : Dans le sens allégorique, c'est après la
préparation des noces à Cana, en Galilée, que Jésus, avec sa mère, ses frères
et ses disciples, descend à Capharnaüm, dont le nom signifie le champ de la
consolation. Après avoir donné le vin généreux qui augmente la force et
l'ardeur, il était convenable que le Sauveur vint avec sa mère et ses
disciples dans le champ de la consolation pour consoler et fortifier par
l'espérance des fruits à venir, et par la perspective des champs nombreux et
fertiles ceux qui embrassaient sa doctrine, et aussi l'âme de celle qui
l'avait conçu du Saint-Esprit. Ceux qui portent des fruits de salut voient
descendre vers eux Nôtre-Seigneur, avec les ministres de la parole sainte et
ses disciples, et le Seigneur vient les fortifier en présence de sa sainte
mère, et souvent même par son intercession. Ceux qui ont été conduits à
Capharnaüm, ne supportent pas longtemps la présence de Jésus, parce que le
champ de la consolation terrestre ne peut supporter l'éclat d'un grand nombre
de vérités, et peut à peine en recevoir quelques-unes. — alcuin. Ou bien
encore, Capharnaüm signifie la campagne très-belle, et figure le monde dans
lequel le Verbe de Dieu a voulu descendre. S. Bède : Notre Seigneur n'y resta que peu de jours,
parce qu'en effet, il a passé peu de temps sur la terre au milieu des hommes.
— Origène : (Traité 11 sur S. Jean).
Jérusalem, c'est la cité du grand roi, comme l'atteste le Sauveur lui-même;
(Mt 5, 35) et aucun de ceux-qui restent sur la terre ne peut monter ni entrer
dans cette ville. Mais toute âme qui s'élève à la perfection de sa nature, et
arrive à comprendre les vérités spirituelles, mérite d'habiter cette ville
dans laquelle nous voyons Jésus seul entrer. Ses disciples y sont présents
eux-mêmes plus tard, lorsqu'ils se rappellent ces paroles : « Le zèle de
votre maison me dévore, » mais c'est Jésus qui monte encore dans la personne
de chacun de ses disciples. Versets 13-17.
S. Bède : Aussitôt son arrivée à Jérusalem, Notre
Seigneur se rend immédiatement au temple pour prier, et nous donne ainsi
l'exemple, quelque part que nous allions, de nous rendre aussitôt dans la
maison du Seigneur pour lui offrir nos prières : « Et il trouva, dit
l'Evangéliste, des hommes qui vendaient des bœufs, des brebis et des
colombes.» —S. Augustin : (Traité
10 sur S. Jean). Ces sacrifices que Dieu avait imposés à ce peuple étaient en
rapport avec ses inclinations charnelles, et avaient pour but de le détourner
du culte des idoles; ils immolaient donc des bœufs, des brebis et des
colombes. S. Bède : Mais comme ceux qui venaient de loin ne
pouvaient porter avec eux les victimes qu'ils devaient immoler, ils en
apportaient le prix. C'est ce qui donna lieu à l'usage établi par les scribes
et les pharisiens de vendre les animaux destinés aux sacrifices; les pèlerins
achetaient ces animaux et les offraient à Dieu, et les scribes et les
pharisiens les revendaient à d'autres après qu'ils avaient été offerts, et
augmentaient ainsi leurs bénéfices. Des changeurs se tenaient à leurs
comptoirs pour faciliter les transactions entre les acheteurs et les vendeurs,
c'est pour cela que l'Evangéliste ajoute : « Et les changeurs assis à leurs
tables. » Le Seigneur ne veut pas souffrir dans sa maison le moindre trafic
terrestre, n'eut-il rien que de légitime, et il chasse dehors, sans
distinction, tous les trafiquants. — S.
Augustin : Il flagelle le premier ceux qui devaient un jour le flageller
: « Et ayant fait comme un fouet avec des cordes, il les chassa tous du
temple, » etc. — Théophylactus : Il
jette dehors non-seulement les acheteurs et les vendeurs, mais tout ce qui
leur appartenait : « Les brebis, les bœufs, et il jeta par terre l'argent des
changeurs, et renversa leurs tables, » c'est-à-dire les comptoirs qui
contenaient leur argent. Origène : Examinons sérieusement cette action qui peut
nous paraître excessive, puisque nous y voyons le Fils de Dieu se faire un
fouet avec des cordes pour chasser ces vendeurs hors du temple. A toutes les
difficultés qu'on pourrait objecter, nous aurons toujours pour réponse la
puissance divine de Jésus, qui pouvait, lorsqu'il le voulait, réprimer la
fureur de ses ennemis, malgré leur nombre, et apaiser l'agitation tumultueuse
de leurs esprits; « car le Seigneur dissipe les desseins des nations, il rend
vaines les pensées des peuples, et il renverse les conseils des princes. »
(Ps 32, 10). Ce fait ne le cède en rien aux miracles les plus éclatants de la
vie du Sauveur, on peut même assurer qu'il y déploie une puissance plus
grande que lorsqu'il changea l'eau en vin; car dans ce dernier miracle, il
agit sur une matière inanimée, tandis que dans le premier, c'est sur des
milliers d'hommes qu'il exerce sa domination. S. Augustin : (de l'acc. des Evang., 2, 67). Il est
évident que le fait dont il s'agit s'est répété deux fois, saint Jean raconte
ici le premier, et les trois autres Evangélistes le second. — Origène : D'après saint Jean, le
Sauveur ne chassa que les vendeurs, tandis que saint Matthieu y joint les
acheteurs. Or, le nombre des acheteurs était beaucoup plus considérable que
celui des vendeurs, et il fallait pour les chasser hors du temple, une
puissance supérieure à celle du fils d'un charpentier, comme on l'appelait;
aussi était-ce par un effet de la puissance divine, qu'il commanda, comme
nous l'avons dit, à toute cette multitude. S. Bède : Nous voyons ici clairement les deux natures
en Jésus-Christ, la nature humaine, parce qu'il est accompagné de sa mère; et
la nature divine, parce qu'il se déclare le vrai Fils de Dieu. En effet,
écoutons la suite : « Et il dit à ceux qui vendaient des colombes : Emportez
cela d'ici, et ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic. »
— S. Jean Chrysostome : (hom. 22
sur S. Jean). Il appelle Dieu son Père, et ils ne s'irritent point contre
lui, parce qu'ils prennent cette appellation dans le sens le moins rigoureux.
Mais lorsque plus tard, il s'exprimera plus clairement, de manière à leur
faire comprendre qu'il est égal et consubstantiel à son Père, ils donneront
un libre cours à leur fureur. Saint Matthieu ajoute qu'en les chassant, il
disait : « Cessez de faire de cette maison une caverne de voleurs. » Il
parlait ainsi aux approches de sa passion, et son langage était plus sévère.
Au contraire, le fait raconté par saint Jean avait lieu au début de sa vie
publique et pleine de miracles; aussi ses expressions sont moins dures, et
ses reproches plus modérés. S. Augustin : (Traité 10 sur S. Jean). Ce temple n'était
encore qu'un temple figuratif, et le Seigneur en chasse tous ceux qui
venaient y faire le trafic. Et qu'y vendaient-ils ? Les victimes nécessaires
aux sacrifices alors en usage. Qu'aurait fait Jésus-Christ s'il y avait
trouvé des hommes plongés dans l'ivresse ? Si la maison de Dieu ne doit pas
être une maison de commerce, doit-on en faire une maison de buveurs? S. Jean Chrysostome : (hom. précéd). Mais pourquoi Notre Seigneur manifeste-t-il
un si grand courroux ? Il devait opérer des guérisons le jour du sabbat, et
faire un grand nombre d'œuvres qui paraissaient aux Juifs une véritable
transgression de la loi de Dieu. C'est donc pour leur prouver qu'il n'est
point en opposition avec Dieu, qu'il chasse, au péril de sa vie, les
marchands hors du temple, et il donne à comprendre que celui qui s'expose
ainsi au danger pour défendre l'honneur de la maison, ne peut être accusé de
mépriser le maître de la maison; aussi pour montrer la parfaite harmonie qui
règne entre Dieu et lui, il ne dit pas : La maison sainte, mais : « La maison
de mon Père. » C'est pour la même raison que l'Evangéliste ajoute : « Ses
disciples se ressouvinrent alors qu'il est écrit : Le zèle de votre maison me
dévore. » — S. Bède : En effet,
les disciples, témoins de ce zèle si ardent, se ressouvinrent que c'était le
zèle pour la maison de son Père, qui lui faisait chasser les impies hors du
temple. — Alcuin : Le zèle, pris
en bonne part, est une certaine ardeur de l'âme qui l'enflamme du désir de
défendre la vérité en méprisant toute crainte des hommes. — S. Augustin : Celui qui est dévoré du
zèle de la maison de Dieu s'efforce d'en bannir tout ce qui pourrait la
déshonorer, et si cela lui est impossible, il gémit en souffrant un mal qu'il
ne peut empêcher; vous prenez soin qu'aucune action mauvaise ne se fasse dans
votre maison, devez-vous donc la souffrir, si vous pouvez l'empêcher dans la
maison de Dieu, où le salut éternel vous est annoncé ? Est-ce votre ami qui
lui manque de respect ? avertissez-le avec douceur; est-ce votre épouse ?
mettez un frein sévère à sa légèreté; est-ce votre servante ? employez même
les châtiments extérieurs pour la maintenir; en un mot, faites tout ce que
vous pouvez, eu égard à la position que vous occupez. Alcuin : Dans le sens allégorique, Dieu entre tous
les jours dans sa maison pour y considérer la manière dont chacun s'y
conduit. Gardons-nous donc de nous laisser aller dans l'Eglise de Dieu à des
futilités, à des rires, à des haines, à des désirs passionnés, si nous ne
voulons qu'il ne vienne à l'improviste nous chasser à coups de fouet hors de
sa maison. — Origène : Il peut
arriver, en effet, que même un habitant de Jérusalem tombe dans cette faute,
et que les plus intelligents comme les plus instruits s'écartent du droit
chemin, et s'ils ne reviennent au plutôt de leurs erreurs, ils perdent la
force et la pénétration de leur esprit. Jésus trouve donc quelquefois dans le
temple (c'est-à-dire, au milieu des fonctions saintes et dans l'exercice de
la prédication de la parole divine), des hommes qui font de la maison de son
Père une maison de commerce. Ils mettent en vente les bœufs qu'ils auraient
dû réserver pour la charrue et empêcher de retourner en arrière pour les rendre
propres au royaume de Dieu. Il en est aussi qui préfèrent les richesses
d'iniquité aux brebis qui auraient pu suffire à leur entretien et à leur
ornement. Il en est enfin qui dédaignent la simplicité et l'innocence, et
leur préfèrent l'amertume du cœur et les emportements de la colère, et pour
un vil motif d'intérêt, ils sacrifient la fidélité de ceux qui sont figurés
par les colombes. Lorsque le Sauveur trouve ces hommes dans la maison sainte,
il fait un fouet avec des cordes et les chasse dehors avec leurs brebis; il
jette à terre leur argent, renverse les comptoirs dressés dans l'âme des
avares, et défend de vendre désormais des colombes dans la maison de Dieu. Ce
fait renferme encore, si je ne me trompe, un enseignement mystérieux et
caché. Jésus veut nous faire comprendre que les sacrifices que Dieu exigeait
des prêtres ne devaient plus être conformes aux sacrifices extérieurs de la
loi, et que la loi elle-même ne serait plus observée comme le voulaient les
Juifs encore charnels. En chassant les bœufs et les brebis, en commandant
d'emporter les colombes, qui étaient les victimes ordinaires des Juifs; en
renversant les tables couvertes de cette monnaie matérielle qui était la
figure indirecte de la loi divine, c'est-à-dire, de ce qui était honnête et licite,
à ne consulter que la lettre de l'Ecriture; enfin en prenant un fouet pour
chasser le peuple du temple, Notre Seigneur nous apprenait que tout ce qui
faisait partie de l'ancienne loi devait être détruit et dispersé, et que le
royaume ou le sacerdoce des Juifs devait être transféré à ceux qui, parmi les
nations, ont embrassé la foi. S. Augustin : Ou bien encore, ces vendeurs dans l'Eglise
sont ceux qui cherchent leurs intérêts, et non les intérêts de Jésus-Christ.
(Ph 2) Tout est vénal chez eux parce qu'ils veulent être payés de tout.
Pourquoi Simon voulait-il acheter l'Esprit saint ? Parce qu'il voulait le
vendre. Il était du nombre de ceux qui vendent les colombes, car c'est sous
la forme d'une colombe que l'Esprit saint a voulu apparaître, cette colombe
ne se vend pas, elle se donne gratuitement, parce qu'elle s'appelle grâce. — S. Bède : Ceux-là donc vendent les
colombes, qui ne donnent pas gratuitement, comme Dieu l'ordonne, la grâce de
l'Esprit saint, mais qui la vendent à prix d'argent; ou bien si ce n'est
point à prix d'argent, c'est pour un vain désir de popularité qu'ils
accordent l'imposition des mains qui appelle le Saint-Esprit dans les âmes,
et ils confèrent les saints ordres, non d'après le mérite de la vie, mais en
sacrifiant à la faveur ou à la complaisance. — S. Augustin : Les bœufs représentent les Apôtres et les
prophètes, par le moyen desquels Dieu nous a transmis les saintes Ecritures.
Ceux donc qui se servent des Ecritures pour tromper la multitude, afin d'en
recevoir des honneurs, vendent les bœufs, les brebis, c'est-à-dire, les
peuples eux-mêmes; et à qui les vendent-ils ? au démon, car tout ce qui est
détaché de l'Eglise qui est une, est emporté par le démon qui, comme un lion
rugissant, tourne autour de nous, cherchant quelqu'un à dévorer. (1 P 5, 8).
— S. Bède : Ou bien, les brebis
sont les œuvres d'innocence et de piété. Vendre les brebis, c'est donc
pratiquer la piété en vue des louanges des hommes; les changeurs d'argent
dans le temple sont ceux qui se livrent publiquement dans l'Eglise aux
intérêts de la terre. On fait encore de la maison du Seigneur une maison de
commerce, non-seulement quand on confère les saints ordres pour recevoir en
échange de l'argent, des louanges, des honneurs, mais encore quand on exerce
le ministère tout spirituel qu'on tient de Dieu, avec une intention qui n'est
pas droite, et en vue d'une récompense toute humaine. S. Augustin : L'action de Nôtre-Seigneur, faisant un fouet
avec des cordes pour chasser les vendeurs hors du temple, renferme un sens
mystérieux et caché. Tout homme qui ne cesse d'ajouter de nouveaux péchés à
ceux qu'il a commis, se fait comme une corde de ses iniquités. Lors donc que
les hommes souffrent parce qu'ils sont coupables, qu'ils reconnaissent que
Dieu se fait comme un fouet avec des cordes, et les avertit de changer de
conduite, sinon ils entendront à la fin de leur vie cette parole terrible : «
Liez-lui les mains et les pieds. » (Mt 22) — S. Bède : Après avoir fait un fouet avec des cordes, il chasse
les vendeurs hors du temple, c'est-à-dire, qu'il exclut du sort et de
l'héritage des saints ceux qui se trouvant mêlés parmi les saints pratiquent
la vertu par hypocrisie ou commettent ouvertement le mal. Il chasse également
les brebis et les bœufs pour montrer que leur vie comme leur doctrine sont
également dignes de condamnation. Il jette à terre l'argent des changeurs, et
renverse leurs tables, parce que les réprouvés à la fin du monde se verront
enlever jusqu'à la figure de ce qu'ils avaient aimé. Il commande de faire
disparaître du temple la vente des colombes, pour nous apprendre que la grâce
de l'Esprit saint que nous recevons gratuitement, doit aussi être donnée
gratuitement. Origène : Le temple peut encore être considéré comme
la figure de l'âme attentive à son salut, parce que la parole de Dieu habite
en elle, et qui avant d'avoir reçu les divins enseignements de Jésus-Christ,
servait d'habitation aux passions terrestres et aux instincts des animaux
sans raison. Le bœuf qui sert à la culture des champs, est le symbole des passions
de la terre, la brebis, le plus stupide des animaux, est la figure des
mouvements contraires à la raison; la colombe est l'image des âmes légères et
inconstantes, et les pièces d'argent, la figure de ceux qui portent
l'apparence de la vertu, et que Jésus-Christ chasse par sa divine doctrine en
défendant que la maison de son Père soit plus longtemps une place publique. Versets 18-22.
Théophylactus : Les Juifs voyant Jésus agir avec une si
grande puissance, et dire hautement : « Cessez de faire de la maison de mon
Père une maison de trafic, » lui demandent un miracle. « Les Juifs prenant la
parole, lui dirent : Par quel miracle nous prouvez-vous que tous avez le
droit de faire ces choses ? » — S.
Jean Chrysostome : (hom. 22). Etait-il donc besoin d'un miracle pour lui
donner le droit de mettre fin à des actions coupables ? Le zèle ardent qu'il
faisait paraître pour la maison de Dieu, n'était-il pas une preuve éclatante
de sa puissance ? Ils se souvenaient bien de la prédiction du prophète, mais
ils ne laissent pas de lui demander un miracle, parce qu'ils sont mécontents
de le voir entraver le honteux trafic auquel ils se livraient dans le temple
et qu'ils veulent l'empêcher d'exercer cette puissance. Ils ont la prétention
de le déterminer ou à faire un miracle, ou à revenir sur la défense qu'il
leur a faite. Aussi Notre Seigneur ne leur accorde pas le miracle qu'il
demande. Il leur répond comme il fera plus tard à ceux qui venaient lui
demander un prodige dans le ciel : « Cette génération coupable et adultère
demande un signe, et il ne lui sera donné d'autre signe que celui du prophète
Jonas. » (Mt 12) C'est la même réponse de part et d'autre, mais dans cette
dernière circonstance, le Sauveur s'exprime plus clairement, tandis qu'ici sa
réponse a quelque chose de plus obscur. Sans nul doute il eut accédé à leur
demande, lui qui multipliait les miracles avant même qu'on le lui demandât,
s'il n'avait remarqué tout ce que leur âme renfermait de fourberie : « Il
leur dit donc : Détruisez ce temple, et je le relèverai en trois jours. » — S. Bède : Ils demandent à Notre
Seigneur un signe qui établit le droit qu'il se donnait de défendre dans le
temple le trafic qui s'y faisait ordinairement; et il leur répond que ce
temple était la figure de son corps dans lequel on ne pourrait trouver la
moindre tache du péché. Voici donc le sens de ses paroles : de même que je
purifie ce temple inanimé du trafic coupable et des crimes dont vous le
souillez, ainsi je ressusciterai après trois jours, lorsque tous l'aurez
détruit de vos propres mains, ce temple de mon corps, dont ce temple matériel
est la figure. Théophylactus : Ces paroles : «Détruisez ce temple» ne sont
pas toutefois une provocation à l'homicide, mais une preuve que leurs
desseins criminels ne lui sont pas inconnus. Or, que les ariens écoutent
cette parole du Seigneur qui vient détruire l'empire de la mort : « Je le
relèverai par ma propre puissance. » — S.
Augustin : (Traité 10 sur S. Jean). C'est aussi Dieu le père qui l'a
ressuscité, comme il le lui demande dans le livre des Psaumes : «
Ressuscitez-moi, et je le leur rendrai. » (Ps 40, 10). Mais que fait le Père
sans le Verbe ? De même donc que le Père ressuscite le Fils, le Fils aussi se
ressuscite lui-même, car le Fils a dit : « Mon père et moi nous ne sommes
qu'un. » (Jn 10) — S. Jean Chrysostome
: (hom. 22). Mais pourquoi leur donne-t-il de préférence le signe de sa
résurrection ? Parce que ce miracle était celui de tous qui prouvait
invinciblement qu'il n'était pas seulement un homme, qu'il pouvait triompher
de la mort, et détruire d'un seul coup l'empire tyrannique qu'elle exerçait
depuis si longtemps. Origène : (Traité 12 sur S. Jean). Ces deux choses, le
corps de Jésus et le temple, me paraissent être la figure de l'Eglise qui est
construite de pierres vivantes pour former une maison spirituelle, un
sacerdoce saint; et aussi conformément à ces autres paroles : « Vous êtes le
corps de Jésus-Christ et les membres les uns des autres. » (1 Co 12, 27). Cet
édifice de pierre semble renversé, et les os du Christ semblent dispersés par
le vent des adversités et des tribulations, mais il sera rétabli et
ressuscitera le troisième jour qui doit répandre ses clartés sur un nouveau
ciel et sur une nouvelle terre. De même que le corps sensible de Jésus-Christ
a été crucifié et enseveli avant de ressusciter, ainsi le corps mystique du
Sauveur composé de tous les saints a été crucifié avec lui. Aucun d'eux, en
effet, qui se glorifie en autre chose qu'en la croix de Notre Seigneur Jésus-Christ,
par laquelle il est crucifié pour le monde. (Ga 6, 14). Aucun d'eux également
qui ne soit enseveli avec Jésus-Christ, et ne ressuscite avec lui, parce
qu'il marche dans une sainte nouveauté de vie (Rm 6); mais aucun d'eux
cependant n'a encore eu part à la bienheureuse résurrection. Aussi n'est-il
point écrit : Je le rétablirai le troisième jour, mais : « dans trois jours,
» pour marquer que la restauration de ce temple s'accomplira pendant toute la
durée de ces trois jours. Théophylactus
: — Les Juifs qui s'imaginaient qu'il parlait du temple matériel, se
moquaient de lui. « Les Juifs répartirent : On a mis quarante-six ans à bâtir
ce temple, et vous le rebâtirez en trois jours ? » Alcuin : Remarquez que les Juifs ne veulent point
parler ici de la première construction du temple par Salomon, et qui dura
sept ans, mais de sa reconstruction par Zorobabel, qui se prolongea pendant
quarante-six ans au milieu des obstacles sans nombre que les ennemis ne
cessaient d'y apporter. (Esd 1, 4). — Origène
: Il en est qui prétendent qu'on peut compter ces quarante-six ans du
jour où David consulta le prophète Nathan sur la construction du temple,
s'occupant dès lors d'amasser les matériaux nécessaires. Ne serait-il pas
même possible que ce nombre quarante appliqué au temple soit la figure des
quatre éléments du monde, et le nombre six le symbole du sixième jour où
l'homme fut créé ? — S. Augustin : (de
la Trinité, chap. 5). On peut dire encore que ce nombre exprime
convenablement la perfection du corps du Seigneur. En effet, six fois
quarante-six font deux cent soixante-seize, c'est-à-dire neuf mois et six
jours. Or, c'est justement le temps que le corps de Jésus se développa dans
le sein de sa mère jusqu'au jour de sa naissance, comme nous pouvons le
conclure delà tradition de nos ancêtres, tradition que l'Eglise a revêtue de
son autorité. C'est en effet, le huitième jour des calendes d'avril,
c'est-à-dire le vingt-cinq mars, que l'on croit que Jésus fut conçu et
souffrit la mort, et c'est le huitième jour des calendes de janvier,
c'est-à-dire le vingt-cinq décembre, qu'il est né. Depuis le jour de sa
conception jusqu'à celui de sa naissance, on compte donc deux cent
soixante-seize jours que l'on obtient par le nombre quarante-six multiplié
par six. — S. Augustin : (Liv. des
88 quest., quest. 6). Tels sont, dît-on, les phénomènes progressifs de la
conception de l'homme; pendant les six premiers jours son corps, a
l'apparence du lait; durant les neuf jours suivants ce lait se change en
sang; ce sang se coagule pendant les douze jours qui suivent; puis les organes
se forment et les contours des membres se dessinent pendant dix-huit autres
jours, et le corps continue à se développer le reste du temps jusqu'à
l'époque de l'enfantement. Or, les nombres six, neuf, douze, dix-huit
additionnés ensemble, font quarante-cinq; et en ajoutant un, quarante-six. Si
on multiplie quarante-six par le nombre six qui se trouve en tête de cette
addition, on obtient deux cent soixante-seize, c'est-à-dire neuf mois et six
jours. Ce n'est donc point sans raison qu'on a mis quarante-six ans à
construire le temple qui était la figure du corps du Sauveur, mais pour que
les années de sa construction fussent le symbole et l'image des jours pendant
lesquels le corps du Seigneur atteignit sa perfection. S. Augustin : (Traité 10 sur S. Jean). Ou bien encore, Notre
Seigneur a reçu son corps d'Adam, mais sans en prendre le péché. Il a donc
reçu de lui le temple de son corps, mais non l'iniquité qui doit être bannie
de ce temple. Si vous prenez les quatre mots grecs
άνατολή, orient; δύσις,
l'occident; άρχρτς, le septentrion;
μεσημξρία, le midi; et que vous
réunissiez les quatre premières lettres de ces mots, vous avez le nom d'Adam.
Aussi le Seigneur nous déclare qu'il rassemblera ses élus des quatre vents,
lorsqu'il viendra juger les hommes. Les lettres qui servent à former le nom
d'Adam, correspondent en grec au nombre quarante-six qui est le nombre
d'années qu'a duré la construction du temple. Ce nom, en effet, est composé
de α, c'est-à-dire un; de δ, quatre; de α, c'est-à-dire un; de
y, quarante; ce qui fait en tout quarante-six. Mais les Juifs, esclaves des
inclinations de la chair, ne pouvaient goûter que les choses charnelles, et
ne comprenaient pas le langage spirituel du Sauveur. Aussi l'Evangéliste nous
explique de quel temple il voulait parler : « Mais Jésus voulait parler du
temple de son corps. » Théophylactus : Apollinaire nous oppose ce texte pour
prouver que la chair de Jésus-Christ était inanimée, parce que le temple
auquel il la compare était lui-même inanimé. Dites donc alors que la chair de
Jésus était un composé de pierres et de bois, puisque tels sont les éléments
qui entrent dans la construction du temple. Vous prétendez que ces paroles :
« Mon âme est troublée, » etc. (Jn 12) « J'ai le pouvoir de donner mon âme, »
etc. (Jn 10) ne doivent point s'entendre d'une âme raisonnable; dans quel
sens prendrez-vous donc ces paroles : « Seigneur, je remets mon âme entre vos
mains ? » (Lc 23) Car vous ne pouvez pas davantage l'entendre d'une âme
raisonnable, pas plus que ces autres paroles : « Vous ne laisserez pas mon
âme dans l'enfer. » (Ps 15) — Origène
: Le corps du Seigneur est ici appelé le temple de Dieu, parce que de
même que le temple de Dieu était rempli de la gloire de Dieu qui l'habitait,
ainsi le corps de Jésus-Christ qui représente l'Eglise contient le Fils
unique, qui est l'image substantielle de la gloire de Dieu. S. Jean Chrysostome : (hom. 22 sur S. Jean). Deux choses
s'opposaient à ce que les disciples comprissent parfaitement le sens de ces
paroles : la première, c'était le fait même de la résurrection; la seconde,
c'est que Dieu lui-même habitait le temple de son corps, ce que le Seigneur
avait exprimé en termes mystérieux et cachés, en disant : « Détruisez ce
temple, et je le relèverai en trois jours. » Aussi ajoute-t-il : « Lors donc
qu'il fut ressuscité d'entre les morts, ses disciples se ressouvinrent qu'il
avait dit cela, et ils crurent à l'Ecriture et à la parole qu'avait dite
Jésus.» — Alcuin : Avant la
résurrection, ils ne comprenaient pas les Ecritures, parce qu'ils n'avaient
pas encore reçu l'Esprit saint, et « l'Esprit saint n'avait pas encore été
donné, parce que Jésus n'était pas encore glorifié. » (Jn 7) Mais le jour de
sa résurrection, Notre Seigneur apparut à ses disciples, et leur ouvrit
l'intelligence pour comprendre ce que la loi et les prophètes avaient prédit
de lui. (Lc 24) « Et ils crurent alors à l'Ecriture, » (c'est-à-dire aux
prophètes qui avaient prédit qu'il ressusciterait le troisième jour), et à la
parole que Jésus leur avait dite : « Détruisez ce temple, » etc. Origène : Dans le sens analogique, nous parviendrons
au complément de la foi, au jour de la grande résurrection du corps entier de
Jésus, c'est-à-dire de son Eglise; car la foi qui voit Dieu tel qu'il est,
est bien différente de celle qui ne le voit que comme dans un miroir et sous
des images obscures. Versets 23-25.
S. Bède : L'Evangéliste vient de raconter ce qu'avait
fait le Sauveur en arrivant à Jérusalem, il fait connaître maintenant la
conduite qui fut tenue à son égard pendant son séjour à Jérusalem : « Lorsque
Jésus était à Jérusalem, » etc. — Origène
: Il nous faut examiner comment la vue des miracles dont ils furent
témoins en détermina un grand nombre à croire en lui; car nous ne lisons pas
qu'il ait fait aucun miracle à Jérusalem, à moins qu'il n'en ait fait sans
que l'Evangile les ait rapportés. C'est à vous de voir si l'on ne doit pas
mettre au nombre des miracles l'action de Jésus faisant un fouet avec des
cordes, et chassant les marchands hors du temple. S. Jean Chrysostome : (hom. 22). Les disciples qui s'étaient
attachés à Jésus-Christ, non pour ses miracles, mais pour sa doctrine,
avaient été les mieux inspirés. En effet, les esprits vulgaires sont attirés
par l'éclat des miracles, tandis que les âmes plus élevées sont beaucoup plus
sensibles à la vérité des prophéties ou de la doctrine. Aussi l'Evangéliste
ajoute : « Mais Jésus ne se fiait pas à eux. » — S. Augustin : (Traité 11) Que signifient ces paroles ? « Ils
croyaient au nom de Jésus, et Jésus ne se fiait pas à eux ? » Est-ce qu'ils
ne croyaient pas en réalité, et que leur foi n'était qu'apparente ? Mais
alors l'Evangéliste n'aurait pas dit aussi expressément : « Beaucoup crurent
en son nom. » Chose extraordinaire et merveilleuse ! Les hommes croient en
Jésus-Christ, et Jésus-Christ ne se fie pas aux hommes. C'est surtout parce
qu'il est le Fils de Dieu; s'il a souffert, c'est parce que telle était sa
volonté, et s'il ne l'avait pas voulu, il n'eût jamais souffert. Or, tels
sont tous les catéchumènes. Si nous demandons à un catéchumène : Croyez-vous
en Jésus-Christ ? il répond : je crois, et fait sur lui le signe de la croix.
Si nous lui faisons cette question : Mangez-vous la chair du Fils de l'homme
? Il ne sait ce que nous lui disons, parce que Jésus ne s'est pas encore confié
à lui. — Origène : On peut dire
encore que Jésus ne se fie pas à ceux qui croient en son nom, mais qui ne
croient pas encore en lui; car ceux-là seuls croient en lui qui suivent la
voie étroite qui conduite la vie. (Mt 7) Ceux dont la foi ne repose que sur
les miracles ne croient pas en lui, mais en son nom. S. Jean Chrysostome : (hom. 22). Ou bien encore, l'Evangéliste
s'exprime de la sorte, parce que Jésus ne se fiait pas à eux, comme il se fie
à des disciples parfaits, il ne leur confiait pas encore tous ses dogmes,
comme ù des fidèles fortement affermis dans la foi; car il ne s'arrêtait pas
aux paroles qui sortent de la bouche, il pénétrait jusqu'au fond des cœurs,
et savait parfaitement le moment favorable pour ses divines communications.
C'est pour cela que l'auteur sacré ajoute : « Parce qu'il les connaissait
tous, et qu'il n'avait pas besoin que personne lui rendit témoignage d'aucun
homme, car il savait lui-même ce qu'il y avait dans l'homme. » En effet, il
n'appartient qu'à Dieu, qui seul a formé les cœurs des hommes, de connaître
ce qu'ils renferment de plus intime. Il n'avait donc nul besoin de
témoignages étrangers pour lui apprendre les pensées secrètes des cœurs qu'il
avait créés. S. Augustin : (Traité 11). Ce divin ouvrier connaissait
mieux ce qui était dans son œuvre, que l'œuvre ne pouvait le connaître
elle-même. Ainsi Pierre sentait bien ce qui se passait au fond de son cœur,
lorsqu'il disait à Jésus : « Je vous suivrai jusqu'à la mort, » (Jn 13) mais Notre
Seigneur savait bien mieux ce qui était dans l'homme, lorsqu'il lui répondait
: « Avant que le coq chante, vous me renierez trois fois. » — S. Bède : Avertissement salutaire de
ne jamais nous reposer entièrement sur le témoignage de notre conscience,
mais d'être toujours dans une craintive sollicitude; car ce qui demeure caché
pour nous, ne saurait échapper aux yeux du Juge éternel. |
Caput 3 Lectio 1 [86007] Catena in Io., cap. 3 l. 1 Augustinus
in Ioannem. Superius dixerat quod, cum esset Hierosolymis (..). multi crediderunt
in nomine eius, videntes signa et prodigia quae faciebat; ex his autem erat
Nicodemus, de quo dicitur erat autem homo ex Pharisaeis Nicodemus nomine. Beda. Cuius
etiam dignitatis officium ostendit, cum subditur princeps Iudaeorum; deinde
quid egerit, cum subiecit hic venit ad Iesum nocte, cupiens scilicet secreta
eius allocutione plenius discere mysteria fidei, cuius, aperta ostensione
signorum, iam rudimenta perceperat. Chrysostomus in Ioannem. Adhuc
tamen a Iudaica detinebatur infirmitate : propterea et nocte venit, trepidans
in die hoc facere; unde et Evangelista alibi dicit : quoniam ex principibus
multi crediderunt in eum; sed propter Iudaeos non confitebantur, ut non extra
synagogam fierent expulsi. Augustinus. Nicodemus etiam ex illo numero
erat qui crediderunt, sed nondum renati sunt : unde hoc ad rem pertinet quod
in nocte venit. Renati autem ex aqua et spiritu sancto, audiunt ab apostolo :
fuistis aliquando tenebrae, nunc autem lux in domino. Haymo. Vel
pulchre in nocte venisse dicitur, quia tenebris ignorantiae obnubilatus, ad
tantam lucem nondum pervenerat ut perfecte Deum verum crederet : nox enim in
sacro eloquio pro ignorantia ponitur; unde subditur et dixit ei : Rabbi,
scimus quia a Deo venisti magister. Quod autem Hebraice Rabbi, Latine dicitur
magister. Magistrum ergo appellat, et Deum tacet : quia credebat eum a Deo
missum, sed tamen, ut dictum est, Deum non agnoscebat. Augustinus. Unde
autem iste crediderat, patet per id quod subdit nemo enim potest haec signa
facere quae tu facis, nisi fuerit Deus cum eo. Sic ergo Nicodemus de illis
multis erat qui crediderant in nomine eius, videntes signa quae faciebat.
Chrysostomus in Ioannem. Sed tamen neque a signis aliquid magnum
existimabat de eo; sed adhuc humanam habens de eo mentem, ut de propheta
loquitur, ad operationem eum missum dicens, et alieno auxilio indigentem haec
agere quae agebat; cum tamen pater perfectum eum genuerit, et sufficientem
sibi ipsi, et nihil habentem imperfectum. Quia vero Christi studium erat
interim non ita dignitatem suam revelare, sicut persuadere quod nihil ex
adverso agebat patri : propterea in verbis multoties humiliter loquens
videtur, in rebus autem cum potestate omnia operatur. Ideoque et Nicodemo
nunc manifeste quidem nihil excelsum loquitur de se ipso; occulte autem ab
humili eum opinione reducit, docens quod sufficiens sibi ipse est in
miraculorum operatione; unde subditur respondit Iesus, et dixit ei : amen,
amen dico tibi : nisi quis renatus fuerit denuo, non potest videre regnum Dei.
Augustinus. Isti sunt ergo quibus se credit Iesus qui nati fuerint denuo,
qui non in nocte veniunt ad Iesum, sicut Nicodemus; tales enim iam etiam
profitentur. Dicit ergo nisi quis renatus fuerit denuo, non potest videre
regnum Dei; quasi dicat : quia nondum es natus denuo, idest ex Deo, spirituali
generatione, notitia quam habes de me, spiritualis non est, sed animalis et
humana. Ego autem dico tibi, quod sive tu, sive alius quicumque, nisi ex Deo
denuo natus fuerit, non poterit apprehendere gloriam quae circa me est; sed
extra regnum erit; nam generatio quae per Baptismum fit, illuminationem
animae tribuit. Chrysostomus. Vel littera talis est : amen, amen dico
tibi : nisi quis renatus fuerit, etc.; hoc est, si tu non natus fueris
desuper, et dogmatum susceperis certitudinem alicubi, extra erras, et longe
es a regno caelorum; seipsum hic ostendens, et indicans quoniam non est hoc
tantum quod videtur : sed aliis oculis opus est ad videndum eum. Hoc autem
quod dicit desuper, hi quidem, idest de caelo, exponunt; alii vero, a
principio. Igitur Iudaei quidem si hoc audissent, deridentes utique
discessissent; hic vero et in hoc amorem discipuli ostendit quod a Christo
ulterius interrogat. Lectio 2 [86008] Catena in Io., cap. 3 l. 2 Chrysostomus
in Ioannem. Veniens Nicodemus ad Iesum ut ad hominem, audiens maiora quam
ab homine, erigitur ad altitudinem eorum quae dicuntur, non quidem excidens a
fide; sed infert hanc impossibilitatem, ut in apertiorem provocet doctrinam. Duo autem
erant quae admirabatur : scilicet nativitas talis et regnum : neque enim audita
erant apud Iudaeos. Sed interim circa prius instat, et quod maxime eius
mentem concutiebat; unde dicitur dicit ad eum Nicodemus : quomodo potest homo
nasci, cum sit senex? Numquid potest in ventrem matris suae iterato introire,
et renasci? Beda. Sic verba ista sonare videntur, quasi puer queat iterato in
ventrem matris introire et renasci. Sed sciendum, quod ipse senex erat;
ideoque de se protulit exemplum; ac si diceret : ego sum senex et meam quaero
salutem : quomodo possum in ventrem matris introire et renasci?
Chrysostomus. Rabbi eum vocas, et a Deo venisse dicis; et non suscipis
quae dicuntur, sed loqueris ad magistrum dictionem quae multam perturbationem
inducit; hoc enim, scilicet quomodo quaerere, eorum est qui non valide
credunt, et multi sic quaerentes, a fide deciderunt; hi quidem dicentes :
quomodo Deus est incarnatus? Alii : quomodo mansit impassibilis? Propterea et
hic propter anxietatem modum exquirit. Sed cum aliquis cogitationibus
propriis spiritualia evertit, derisibilia loquitur. Augustinus in
Ioannem. Spiritus enim loquitur, et ille carnem sapit : non noverat iste
nisi unam nativitatem, scilicet ex Adam et Eva; et ex Deo et Ecclesia nondum
noverat. Sic tamen tu intellige nativitatem spiritus quomodo intellexit
Nicodemus nativitatem carnis : quomodo enim uterus non potest repeti, sic nec
Baptismus. Chrysostomus in Ioannem. Nicodemo autem decidenti ad eam
quae hic est nativitatem, Christus manifestius revelat spiritualis
nativitatis modum; unde sequitur respondit Iesus : amen, amen dico tibi :
nisi quis renatus fuerit ex aqua et spiritu sancto, non potest introire in
regnum Dei. Augustinus in Ioannem. Ac si dicat : tu carnalem
generationem intelligis; sed ex aqua et spiritu oportet quod nascatur homo
propter regnum Dei. Si propter haereditatem patris hominis temporalem
nascitur aliquis ex visceribus matris carnalis; et propter haereditatem
patris Dei sempiternam nascatur ex visceribus Ecclesiae. Cum autem ex duobus
homo consistat, ex corpore videlicet et anima, duplicem habet et huiusmodi
modum generationis; aqua enim quae visibilis est, ad emundationem corporis
intelligitur : spiritus vero invisibiliter concurrens, ad emundationem
invisibilis animae innuitur. Chrysostomus. Si vero quis interrogat :
qualiter ab aqua homo nascitur? Interrogo et ego : qualiter natus est Adam a
terra? Sicut enim in principio subiciebatur elementum terra, totum vero opus
plasmantis erat; ita et nunc subicitur elementum aqua, totum vero est
spiritus gratiae. Tunc Paradisum dedit in
conversationem; nunc autem caelum nobis aperuit. Sed quae est necessitas
aquae his qui spiritum sanctum suscipiunt? Divina enim in ea perficiuntur
symbola, sepultura et mortificatio, resurrectio et vita. Sicut enim in quodam
sepulchro, in aqua nobis submergentibus capita, vetus homo sepelitur, et
submersus deorsum occultatur, deinde novus rursus ascendit. Hoc etiam fit,
ut discas quoniam virtus patris et filii et spiritus sancti omnia complet, et
quod Christus tres dies ad resurgendum expectavit. Quod igitur est matrix
fetui, hoc est fideli aqua : in aqua enim plasmatur, et figuratur; sed quod
in matrice plasmatur, tempore indiget : quod vero in aqua, non ita, sed in
uno momento omnia fiunt. Talis enim est natura corporum ut tempore assumant
perfectionem; in spiritualibus vero non est ita; quoniam perfecta a principio
constituuntur quae fiunt. Ex quo igitur ascendit a Iordane dominus, non adhuc
reptilia animarum viventium, sed animas spirituales et rationabiles aqua
reddit. Augustinus de Bapt. Parv. Sed quia non ait nisi quis renatus fuerit
ex aqua et spiritu, non habebit salutem, vel vitam aeternam; sed non intrabit
in regnum Dei; ad hoc, inquiunt quidam, parvuli baptizandi sunt, ut sint cum
Christo in regno Dei, ubi non erunt, si baptizati non fuerint; quamvis et
sine Baptismo si parvuli moriantur, salutem vitamque aeternam habituri sint,
quoniam nullo peccati vinculo astricti sunt. Sed cur nascatur denuo, nisi
renovandus a vetustate? Aut unde imago Dei non intrat in regnum Dei, nisi
impedimento prohibente peccati? Haymo. Talia autem ac tanta secreta
mysteria Nicodemo capere non valenti dominus ex carnali nativitate
similitudinem dedit, dicens quod natum est ex carne, caro est; et quod natum
est ex spiritu, spiritus est : sicut enim caro carnem procreat, ita quoque
spiritus spiritum parit. Chrysostomus in Ioannem. Nihil igitur
sensibilium inquiras, neque aestimes quod carnem generet spiritus : domini
enim caro genita est non quidem a spiritu solum sed etiam a carne. Quod autem
natum est ex spiritu, spirituale est. Nativitatem enim hic non eam quae
secundum substantiam, dicit, sed eam quae secundum honorem et gratiam. Si
igitur et filius Dei ita natus est, quid plus habebit omnibus qui ita nati
sunt? Invenietur autem et spiritu minor, cum eius nativitas gratia spiritus
sit. Et quomodo haec a Iudaicis distant dogmatibus? Vide autem et spiritus
sancti dignitatem : Dei enim opus videtur facere. Supra enim dixit, quoniam
ex Deo nati sunt; hic autem quoniam spiritus eos generat. Dicens autem
Christus, quoniam qui natus est ex spiritu, spiritus est, quia turbatum
rursus vidit, ad sensibile exemplum ducit sermonem, dicens non mireris quia
dixi tibi : oportet vos nasci denuo. Dicendo enim ne mireris, ostendit animi
eius turbationem. Ponit autem exemplum quod neque communionem aliquam ad
corporum grossitiem habet, neque ad incorporeorum perveniens naturam, quod
est venti delatio, dicens spiritus ubi vult spirat, et vocem eius audis : sed
nescis unde veniat aut quo vadat. Sic est omnis qui natus est ex spiritu.
Quod dicit, tale est. Si ventum nullus detinet, sed quo vult fertur : multo
magis spiritus actionem, naturae leges detinere non poterunt, non terminus
corporalis nativitatis, neque aliud quid talium. Quoniam autem de vento hic
dictum est, manifestat illud quod dicit vocem eius audis, idest sonitum percussionis;
non enim loquens infideli et nescienti spiritus actionem hoc diceret. Dicit
autem ubi vult spirat, non quasi electionem quamdam vento habente, sed eam
quae a natura est motionem, quae non prohibetur, et cum potestate fit. Et
nescis unde veniat, aut quo vadat; idest, si huius spiritus, cuius sensum
suscipis auditu et tactu, interpretari nescis viam, qualiter divini spiritus
operationem scrutaris? Unde subdit sic est omnis qui natus est ex spiritu.
Augustinus in Ioannem. Sed quis nostrum non videat verbi gratia Austrum
euntem a meridie ad Aquilonem, aut alium ventum venientem ab oriente et
occidente? Quomodo ergo nescimus unde veniat aut quo eat? Beda. Spiritus
igitur sanctus est qui ubi vult spirat, quia ipse in potestate habet cuius
cor gratia suae visitationis illustret. Et vocem eius audis, cum te praesente
loquitur is qui spiritu sancto repletus est. Augustinus. Sonat
Psalmus, sonat Evangelium, sonat sermo divinus, vox spiritus est. Hoc igitur
dicit, quia verbo et sacramento invisibiliter adest spiritus sanctus, ut
nascamur. Alcuinus. Ergo nescis unde veniat aut quo vadat; quia etsi
te praesente spiritus ad horam quempiam repleverit, non potest videri quomodo
in eum intraverit, vel quomodo redierit, quia natura est invisibilis.
Haymo. Sive nescis unde veniat, quia quomodo credentes ad fidem introducat
ignoras; vel quo vadat, quia quomodo fideles ad spem perducat nescis; et sic
est omnis qui natus est ex spiritu; ac si dicat : spiritus sanctus spiritus
invisibilis est; ita et quisquis ex spiritu nascitur, invisibiliter nascitur.
Augustinus. Vel aliter. Et si tu nascaris de spiritu, hoc eris, ut ille
qui non est natus adhuc de spiritu, nesciat unde venias aut quo eas; hoc enim
secutus ait sic est omnis qui natus est ex spiritu. Theophylactus. Confundatur
ergo Macedonius impugnator spiritus, qui servum spiritum sanctum asseruit :
spiritus enim sanctus propria potestate et ubi vult, et qualiter vult
operatur. Lectio 3 [86009] Catena in Io., cap. 3 l. 3 Haymo.
Mysteria
divinae maiestatis Nicodemus capere non valet quae a domino audiebat : et
ideo rationem quaerens, factum non abnegans, non voto reprehendentis, sed
affectu discentis dominum interrogat; unde dicitur respondit Nicodemus, et
dixit ei : quomodo possunt haec fieri? Chrysostomus in Ioannem. Quia
igitur adhuc in Iudaica vilitate manet, et exemplo ita manifesto dicto ei,
adhuc interrogat, de reliquo asperius ad eum Christus loquitur; unde sequitur
respondit et dixit ei : tu es magister in Israel, et haec ignoras?
Augustinus in Ioannem. Quid putamus? Dominum huic magistro Iudaeorum quasi
insultare voluisse? Volebat quidem illum nasci de spiritu : nemo autem ex
spiritu nascitur nisi humilis fuerit, quia ipsa humilitas facit nos nasci de
spiritu. Ille autem magisterio inflatus erat, et alicuius momenti sibi esse
videbatur, quia doctor erat Iudaeorum. Deponit ergo dominus superbiam eius,
ut possit nasci de spiritu. Chrysostomus. Nequaquam
tamen nequitiam accusat viri, sed insipientiam et ruditatem solum. Sed dicet
aliquis : quid commune habet haec nativitas, de qua scilicet Christus locutus
est, ad Iudaica dogmata? Habet quidem commune : nam qui primus homo factus
est, et quae de costa facta est mulier, et quae steriles genuerunt, et quae
per aquam miracula perfecta sunt : dico autem, quod Elisaeus de aqua ferrum
eduxit, et quod Iudaei mare rubrum transierunt, et quod Naaman Syrus in
Iordane purgatus est : haec omnia nativitatem spiritualem et purgamentum in
ea futurum figuraliter personabant; et ea quae a prophetis sunt dicta,
occulte ostendunt hunc nativitatis modum; ut puta illud : renovabitur ut
aquilae iuventus tua; et : beati quorum remissae sunt iniquitates. Sed et
Isaac figura huius nativitatis erat. Haec igitur rememorans dixit tu es
magister in Israel, et haec ignoras? Rursus autem aliunde suum sermonem ei
credibilem facit, ad imbecillitatem eius condescendens, cum subdit amen, amen
dico tibi, quia quod scimus loquimur, et quod vidimus testamur, et
testimonium nostrum non accipitis. Apud nos visus aliis sensibus certior est;
et si volumus aliquem facere credere, ita dicimus, quoniam oculis nostris
vidimus. Propterea Christus humano loquens ad eum sermone, non visum
sensibilem inducit; sed manifestum est quod de certissima cognitione et non
aliter se habente loquitur. Igitur hoc quidem, idest quod scimus, ait de
seipso solo. Haymo. Quaeritur autem quare pluraliter dicat quod scimus
loquimur. Ad quod dicendum, quod unigenitus Dei filius erat qui hoc
loquebatur; ostendens qualiter pater est in filio, et filius in patre, et
spiritus sanctus ab utroque indivisibilis procedat. Alcuinus. Vel
dicit pluraliter, ac si dicat : ego et illi qui modo spiritu sunt renati,
intelligimus illud quod loquimur; et quod vidimus apud patrem in abscondito,
hoc testamur foris in mundo; et vos, qui carnales estis et superbi, non
accipitis testimonium nostrum. Theophylactus. Quod nequaquam de
Nicodemo dicit, sed de genere Iudaeorum, qui usque ad finem in perfidia
permanserunt. Chrysostomus in Ioannem. Quod quidem non turbati verbum
est, sed mansuetudinem ostendentis. Hinc enim erudit nos, cum ad aliquos
locuti fuerimus et non persuaserimus, non tristari neque irasci, sed nostrum
sermonem credibilem facere, non solum non irascendo, sed etiam non clamando;
materia enim irae clamor est. Iesus autem dogmata excelsa tangere debens, propter
audientium infirmitatem se detinet multoties; et non continue dignis sua
magnitudine dogmatibus immoratur, sed magis his quae condescensionem habent;
unde hic subditur si terrena dixi vobis, et non creditis, quomodo si dixero
vobis caelestia, credetis? Augustinus. Hoc est, si non creditis quia
templum possum suscitare deiectum a vobis, quomodo credetis quia per spiritum
sanctum possunt homines regenerari? Chrysostomus in Ioannem. Vel
aliter. Si Baptismum terrenum dicat, non mireris, quia in terra perficitur,
et comparatione illius nativitatis stupendae quae est ex substantia patris,
terrena est gratiae nativitas. Et bene non dixit : non intelligitis; sed non
creditis : nam cum quis aliqua per intellectum suscipere non valet, amentiae
vel ignorantiae imputatur; cum autem hoc non suscipiat aliquis quod solum
fide oportet suscipere, non amentiae sed infidelitatis est accusatio.
Dicebantur autem haec, etsi non credebantur, quia posteri erant ea suscepturi. Lectio 4 [86010] Catena in Io., cap. 3 l. 4 Augustinus de
Peccat. Mer. et Remiss. Notata paululum eius imperitia qui se ceteris de
magisterio praeferebat, et omnium talium incredulitate reprehensa, respondet
quod alii credant, si illi non credunt ad illud quod interrogatus est quomodo
possunt ista fieri? Dicens et nemo ascendit in caelum, nisi qui descendit de
caelo, filius hominis qui est in caelo; quasi dicat : sic fiet generatio
spiritualis, ut sint caelestes homines ex terrenis; quod adipisci non
poterunt nisi membra mea efficiantur, ut ipse ascendat qui descendit, non
aliud deputans corpus suum, idest Ecclesiam suam, quam seipsum. Gregorius
Moralium. Quia enim nos unum cum illo iam facti sumus, unde solus venit in
se, solus redit etiam in nobis; et is qui in caelo semper est, ad caelum
quotidie ascendit. Augustinus. Quamvis autem in terra factus sit
filius hominis, divinitatem tamen suam, qua in caelo manens, descendit ad
terram, non indignam censuit nomine filii hominis, sicut carnem suam dignatus
est nomine filii Dei. Per unitatem enim personae, qua utraque substantia unus
est Christus; et filius Dei ambulabat in terra, et idem ipse filius hominis
manebat in caelo. Fit ergo credibiliorum fides ex incredibilioribus creditis.
Si enim divina substantia longe distantior potuit propter nos ita suscipere humanam
substantiam, ut una persona fieret; quanto credibilius alii sancti fiunt cum
homine Christo unus Christus, ut omnibus per gratiam ascendentibus, ipse unus
ascendat in caelum qui de caelo descendit? Chrysostomus in Ioannem. Vel
aliter. Quia dixerat Nicodemus scimus quoniam a Deo venisti magister, ne
aestimetur ita esse magister ut multi prophetarum de terra existentes,
subiungit et nemo ascendit in caelum nisi qui descendit de caelo, filius
hominis qui est in caelo. Theophylactus. Cum vero filium hominis
descendisse de caelo audis, non putes quod de caelo caro descenderit : hoc
enim haereticorum dogma est, qui docebant, quod Christus de caelo corpus
sumpserat, et per virginem transierat. Chrysostomus. Filium enim
hominis non carnem hic vocavit, sed a minori substantia se totum nominavit :
est enim ei consuetudo multoties a divinitate, multoties ab humanitate totum
vocare. Beda. Si enim aliquis homo nudus de monte ad convallia
descendat, et assumptis vestimentis et armis ad eumdem montem ascendat, recte
ipse idem qui prius descendit ascendisse perhibetur. Hilarius de Trin. Vel
quia de caelo descendit, conceptae de spiritu originis causa est : non enim
corpori Maria originem dedit, licet ad incrementa partumque corporis omne
quod sexus sui est naturale contulerit. Quod vero hominis filius est,
susceptae in virgine carnis est partus. Quod autem in caelis est, naturae
semper permanentis potestas est, quae non ex infinitatis suae virtute in
regionem definiti corporis coarctavit verbi Dei potestatem, et in forma servi
manens ab omni intra extraque caeli mundique circulo, caeli ac mundi dominus
non abfuit. Per hoc ergo et de caelo descendit, quia filius hominis est; et
in caelis est, quia verbum caro factum, non amiserat manere quod verbum est.
Augustinus in Ioannem. Miraris autem quia hic erat, et in caelo. Tales fecit
discipulos suos. Paulum audi dicentem : nostra conversatio in caelis est. Si
homo Paulus ambulabat in terra et conversabatur in caelis, Deus caeli et
terrae non poterat esse in caelo et in terra? Chrysostomus.
Vide autem, quia quod valde videtur excelsum, indignum est sua magnitudine
: non enim solum in caelo est, sed ubique, et omnia replet. Sed
adhuc ad imbecillitatem auditoris loquitur, paulatim eum reducere volens. Lectio 5 [86011] Catena in Io., cap. 3 l. 5 Chrysostomus
in Ioannem. Quia dixerat beneficium Baptismi, inducit huius causam,
scilicet crucem, dicens et sicut Moyses exaltavit serpentem in deserto, ita
exaltari oportet filium hominis. Beda. Magistrum legis Mosaicae ad
spiritualem sensum eiusdem legis inducit, recordans veteris historiae, et
hanc in figuram suae passionis atque humanae salvationis factam edisserens.
Augustinus de Peccat. Mer. et Remiss. Serpentum enim incursibus in deserto
multi moriebantur; ac sic Moyses ex praecepto domini exaltavit in deserto
aeneum serpentem : hunc videntes sanabantur continuo. Exaltatus serpens est
mors Christi, eo significandi modo quo per efficientem id quod efficitur
significatur. A serpente quippe mors venit, qui peccatum, quo mori meretur,
homini persuasit; dominus autem in carnem suam non peccatum transtulit
tamquam venenum serpentis, sed mortem, ut esset in similitudine carnis
peccati poena sine culpa; unde in carne peccati et poena solveretur et culpa.
Theophylactus. Videas ergo figuram ad veritatem : ibi enim serpentis
similitudo speciem quidem bestiae habet, venenum autem non habet; sic et hic
Christus a peccato liber, in similitudinem carnis peccati venit. Exaltari
autem audiens, suspensionem intelligas in altum, ut sanctificaret aerem qui
sanctificaverat terram ambulando in ea : intelligas etiam per exaltationem
gloriam : nam illa crucis altitudo gloria Christi facta est : in quo enim
iudicari voluit, in hoc huius mundi principem iudicavit. Adam enim
iuste mortuus est, quia peccavit; dominus vero iniuste, quia peccatum non
fecit. Postquam ergo iniuste mortem sustinuit, superavit illum qui eum
tradidit morti, et sic liberavit Adam a morte. Sed in hoc devictum se invenit
: non enim potuit in cruce dominum contristare ut crucifigentes odiret; sed magis
diligebat, et pro eis orabat. Sic igitur crux Christi eius exaltatio et
gloria facta est. Chrysostomus. Ideo etiam non dixit : pendere
oportet filium hominis, sed exaltari, quia honestius hoc videbatur : unde et
propter audientem et propter figuram hoc posuit; ut discas quoniam cognata
sunt vetera novis; deinde ut cognoscas quoniam non invitus ad passionem
venit; et adhuc ut discas quoniam multis hinc nascitur salus. Augustinus.
Sicut ergo tunc qui conspiciebat exaltatum serpentem, a veneno sanabatur,
et a morte liberabatur; sic nunc qui conformatur similitudini mortis Christi
per fidem Baptismumque eius, et a peccato per iustificationem, et a morte per
resurrectionem liberatur; hoc est enim quod ait : ut omnis qui credit in eum,
non pereat, sed habeat vitam aeternam. Quid ergo opus est ut morti Christi
per Baptismum conformetur parvulus, si morsu serpentis non est omnino
venenatus? Chrysostomus. Attende autem, quod passionem obumbrate
posuit, ne ex eius verbis fieret tristis auditor; fructum vero passionis
posuit manifeste. Si enim qui credunt in crucifixum, non pereunt; multo magis
qui crucifixus est, non perit. Augustinus in Ioannem. Hoc autem
interest inter figuratam imaginem et rem ipsam, quod illi sanabantur a morte
ad temporalem vitam; hi autem, ut habeant vitam aeternam. Lectio 6 [86012] Catena in Io., cap. 3 l. 6 Chrysostomus
in Ioannem. Quia dixerat oportet exaltari filium hominis, quo mortem occulte
significavit, ne auditor tristis ab his fieret verbis, humanum quid de eo
suspicans, et mortem eius aestimans non esse salutarem; hoc ad rectitudinem
reducit, filium Dei dicens eum qui datur ad mortem, et mortem eius causam
esse vitae aeternae; unde dicit sic enim Deus dilexit mundum, ut filium suum
unigenitum daret; ut omnis qui credit in eum, non pereat, sed habeat vitam
aeternam; quasi dicat : ne mireris quoniam ego debeo exaltari, ut vos
salvemini : etenim et patri hoc videtur; qui ita nos dilexit, ut pro servis
indevotis filium dederit. Dicendo autem sic Deus dilexit mundum, multam
indicat amoris intensionem. Multa enim est et infinita distantia : qui enim
immortalis, qui sine principio, qui magnitudo infinita, eos qui sunt ex terra
et cinere, infinitis plenos peccatis dilexit. Sed et ea quae post hoc ponit,
ostensiva sunt magni amoris : non enim servum, non Angelum, non Archangelum
dedit, sed filium suum. Rursus, si filios plures habuisset et dedisset unum,
hoc etiam esset maximum; nunc vero filium unicum dedit; unde subdit
unigenitum. Hilarius de Trin. Sed si dilectionis hinc fides est creaturam creaturae
praestitisse, non facit magni meriti fidem vilis et spernenda iactura.
Pretiosa autem sunt quae commendant caritatem, et ingentia ingentibus
aestimantur. Deus diligens mundum, filium non adoptivum, sed suum et
unigenitum dedit. Hic proprietas est, nativitas est, veritas est; non creatio
est, non adoptio est, non falsitas est : hic dilectionis et caritatis fides
est, ut ad mundi salutem et filium suum et unigenitum praestitisset.
Theophylactus. Videtur autem mihi quod, sicut dixit superius, quod filius
hominis descendit de caelo, cum caro de caelo non descenderit; sed propter
unam personam in Christo, quae Dei sunt attribuit homini : sed et nunc e
converso, quae sunt hominis, verbo Dei appropriat : etenim Deus Dei filius
impassibilis mansit; sed quia unus erat secundum hypostasim Dei filius et
homo qui passionem sustinuit; filius dari dicitur in mortem, qui passibiliter
patiebatur, non natura propria, sed carne propria. Est autem maxima utilitas
consecuta ex huiusmodi datione, mentem excedens humanam; sequitur enim ut
omnis qui credit in eum, non pereat, sed habeat vitam aeternam. Vetus namque
testamentum his qui servabant illud, dierum longitudinem promittebat;
Evangelium vero aeternam et insolubilem vitam. Augustinus. Notandum
vero, quod eadem de filio Dei unigenito replicat quae de filio hominis in
cruce exaltato praemiserat, dicens ut omnis qui credit in eum; quia idem
redemptor et conditor noster filius Dei ante saecula existens, filius hominis
factus est in fine saeculorum; ut qui per divinitatis suae potentiam nos
creaverat ad perfruendam beatitudinem perennis vitae, ipse per fragilitatem
humanitatis nostrae nos restauraret ad percipiendam quam perdidimus vitam.
Alcuinus. Vere autem per filium Dei habebit mundus vitam; quia non alia de
causa venit in mundum nisi ut salvet mundum; unde sequitur non enim misit
Deus filium suum ut iudicet mundum, sed ut salvetur mundus per ipsum. Augustinus
in Ioannem. Quare enim salvator mundi dictus est, nisi ut salvet mundum? Ergo quantum
in medico est, sanare venit aegrotum. Ipse se interimit qui praecepta medici
servare non vult, aut contemnit. Chrysostomus in Ioannem. Sed quia
hoc dicit, multi pigrorum in peccatorum magnitudine, et negligentiae
superabundantia, Dei abutentes misericordia, dicunt : non est Gehenna, non
est supplicium; omnia nobis Deus peccata dimittit. Sed considerandum, quod
duo sunt Christi adventus : qui iam factus est, et qui futurus. Et prior
quidem factus est, non ut iudicet quae facta sunt a nobis, sed ut dimittat.
Secundus autem, non ut dimittat, sed ut iudicet. De priori igitur ait : non
veni ut iudicem mundum; quia enim clemens est, non facit iudicium, sed
interim remissionem omnium peccatorum per Baptismum primo, et postea per
poenitentiam; quia si hoc modo non fecisset, universi simul perditi essent :
omnes enim peccaverunt et egent gratia Dei. Ne igitur aliquis crederet se
impune peccare, subdit de poena non credentis qui credit in eum, non
iudicatur. Qui credit, inquit, non qui investigat. Quid igitur si immundam
habeat vitam? Maxime quidem Paulus tales non fideles esse dicit : confitentur
se nosse Deum, factis autem negant. Sed hoc illud significat : quia secundum
hoc qui credit, non iudicatur; sed operum quidem graviorem sustinebit poenam;
infidelitatis autem causa non torquebitur. Alcuinus. Vel qui credit in
eum et adhaeret ei ut membrum capiti, non iudicabitur. Augustinus. Quid
autem dicturum sperabas de eo qui non credit, nisi quod iudicatur? Sed vide
quid dicit : qui autem non credit, iam iudicatus est. Nondum apparuit
iudicium, sed iam factum est iudicium. Novit enim dominus qui sunt eius;
novit qui permaneant ad coronam et qui permaneant ad flammam.
Chrysostomus. Aut hoc dicit, quia ipsum discredere impoenitentis
supplicium est : esse enim extra lumen, etiam secundum se, maximum supplicium
est. Vel quod futurum est praenuntiat. Sicut enim qui occidit hominem, etsi
nondum sententia iudicantis condemnatus sit, rei tamen natura condemnatus
est; ita et qui incredulus est; sicut et Adam qua die comedit de ligno,
mortuus est. Gregorius Moralium. Vel aliter. In extremo iudicio aliqui
non iudicantur et pereunt, de quibus hic dicitur qui non credit, iam
iudicatus est. Non enim eorum tunc causa discutitur qui a conspectu districti
iudicis iam cum damnatione suae infidelitatis abscedunt. Professionem vero
fidei retinentes, sed professionis opera non habentes, redarguuntur ut
pereant. Qui vero nec fidei sacramenta tenuerunt, increpationem iudicis in
extrema examinatione non audiunt : quia praeiudicati in infidelitatis suae
tenebris, eius quem despexerant invectione argui non merentur. Princeps
namque terrenam rempublicam regens aliter punit civem interius delinquentem,
atque aliter hostem exterius rebellantem. In isto iura sua consulit; contra
hostem vero bella movet, dignaque eius malitiae tormenta retribuit; de malo
vero eius quid lex habeat non requirit; neque enim lege necesse est perimi
eum qui lege numquam potuit teneri. Alcuinus. Quare autem iudicatus
est qui non credit, causam assignat dicens quia non credit in nomine
unigeniti filii Dei. In hoc enim solo nomine est salus. Non habet Deus multos
filios qui possint salvare; hunc habet unigenitum, per quem salvat.
Augustinus de Peccat. Mer. et Remiss. Ubi ergo parvulos ponimus
baptizatos, nisi inter eos qui crediderunt? Hoc enim eis acquiritur per
virtutem sacramenti et offerentium responsionem; ac per hoc eos qui baptizati
non sunt, inter eos qui non crediderunt, statuimus. Lectio 7 [86013] Catena in Io., cap. 3 l. 7 Alcuinus.
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causam quare non crediderunt, et quare iuste damnantur, dicens hoc est autem
iudicium, quia lux venit in mundum. Chrysostomus in Ioannem. Quasi
dicat : numquid ipsi eam quaesierunt vel laboraverunt ut invenirent? Ipsa lux
venit ad eos, nec ei occurrerunt; unde sequitur et dilexerunt homines magis
tenebras quam lucem. Hic de reliquo omni eos privat excusatione : venit enim
eripere a tenebris, et ad lucem ducere. Quis ergo eius qui non vult ad lucem
accedere, miserebitur? Beda. Lucem seipsum appellat, de qua
Evangelista dixit : erat lux vera. Tenebras vero appellat peccata. Deinde,
quia videbatur multis esse incredibile quod dictum est (nullus enim tenebras
praehonorat luci), subdit causam quare haec passi sunt, dicens erant enim
eorum opera mala. Et si quidem in iudicium venisset, haberet hoc aliquam
rationem; qui enim malorum sibi conscius est, fugere iudicem consuevit;
parcenti vero, qui dereliquerunt occurrunt. Decens igitur erat eos qui
multorum sibi ipsis erant conscii peccatorum, maxime Christo ad ignoscendum
venienti occurrere; quod et in multis factum est; etenim publicani et
peccatores venientes recumbebant cum Iesu. Quia vero quidam sunt ita molles
ad eos qui pro virtute sunt labores, ut usque ad ultimum velint adhaerere
malitiae; in horum iniuriam subdit omnis enim qui male agit, odit lucem :
quod quidem dictum est de his qui eligunt in malitia manere. Alcuinus. Quia
omnis qui male agit, odit lucem; idest, qui est in intentione peccandi, cui
placet peccatum, odit lucem, quae detegit peccatum. Augustinus Confess. Quia
enim falli nolunt et fallere volunt, amant eam cum seipsam indicat, et
oderunt eam cum eos ipsa lux indicat. Inde retribuetur eis, ut eos nolentes
manifestet, et eis ipsa non sit manifesta. Amant ergo veritatem lucentem,
oderunt eam redarguentem; unde sequitur et non venit ad lucem, ut non arguantur
opera eius. Chrysostomus. Eum enim qui in Paganismo vivit, nullus
redarguit, quia deos tales habet, et digna dogmatibus opera demonstrat; qui
vero Christi sunt male viventes ab omnibus rectis accusantur. Si autem
gentiles sunt recte viventes, hoc manifeste non novi. Non enim mihi dicas eos
qui a natura sunt mites et honesti; non enim est hoc virtus; sed eum dic qui
a passionibus sustinet violentiam, et sapienter vivit; sed non utique habes.
Si enim regni enuntiatio, et Gehennae minae, et alia tanta documenta vix
detinent homines in virtute, nullo horum persuasi pertransibunt virtutem. Si
vero hypocrisim fingunt, gloriae gratia hoc faciunt : unde cum potuerint
latere, non omittent uti malis desideriis. Quae etiam utilitas est cum
aliquis sobrius sit et non rapit, fit vero vanae gloriae servus? Hoc enim non
est recte vivere. Inanis enim gloriae servus fornicario non minor est : multo
enim plura et graviora operatur. Si autem quidam recte sunt viventes in
gentilibus, non hoc adversatur huic sermoni : quia non frequenter contingit,
sed raro. Beda. Moraliter etiam illi magis tenebras quam lucem
diligunt, qui suos praedicatores bene docentes odiis et detractionibus
insequuntur. Sequitur qui autem facit veritatem, venit ad lucem, ut
manifestentur opera eius, quia in Deo sunt facta. Chrysostomus. Non
autem de his qui ab initio facti sunt Christiani hoc dicit; sed tantum de his
qui ex gentibus vel Iudaeis ad rectam transponendi erant fidem. Ostendit enim
quoniam nullus utique eliget in errore vivens ad fidem venire, nisi prius
inscribat sibi ipsi viam rectam. Augustinus de Peccat. Mer. et Remiss. In
Deo autem facta dicit opera eius qui venit ad lucem : quia intelligit
iustificationem suam non ad sua merita, sed ad Dei gratiam pertinere. Augustinus
in Ioannem. Sed si omnia opera Deus mala invenit, quomodo quidam fecerunt
veritatem, et venerunt ad lucem, idest ad Christum? Sed dilexerunt
tenebras magis quam lucem : ibi posuit vim. Multi dilexerunt peccata sua,
multi ea confessi sunt. Accusat Deus peccata tua : si et tu accuses,
adiungeris Deo. Oportet ut oderis in te opus tuum, et ames in te opus Dei.
Initium operum bonorum confessio est operum malorum : et tunc facis
veritatem, quia non te palpas, non tibi blandiris. Venis autem ad lucem, quia
hoc ipsum quod tibi displicuit peccatum tuum, non tibi displiceret nisi Deus
tibi luceret, et eius veritas tibi ostenderet. Facit autem aliquis veritatem
confessionis, et venit ad lucem in operibus bonis, etiam propter illa quae
videntur minuta esse peccata linguae aut cogitationum, aut immorationis in
rebus concessis; quoniam minuta plura peccata, si negligantur, occidunt.
Minutae sunt guttae quae flumen implent; minuta sunt grana arenae; sed si
multa arena imponatur, arena premit atque opprimit. Hoc facit sentina
neglecta, quod facit fluctus irruens paulatim. Per sentinam intrat; sed diu
intrando et non exhauriendo mergit navem. Quid est autem exhaurire, nisi
bonis operibus agere ne obruant peccata, gemendo, ieiunando, tribuendo,
ignoscendo? Lectio 8 [86014] Catena in Io., cap. 3 l. 8 Chrysostomus
in Ioannem. Nihil veritate apertius neque fortius; quae neque latere vult, neque
periculum formidat, neque insidiis tremit, neque gloriam quae a multis est
desiderat, nulli humanorum obnoxia; unde et dominus in solemnitatibus
Ierusalem ascendebat; non se ostentans, neque honorem diligens, sed ut
pluribus sua dogmata proponeret, et miraculorum utilitatem. Postquam autem
solemnitates solvebantur, ad Iordanem frequenter veniebat, quia et illic
etiam turbae concurrebant; unde dicitur post haec venit Iesus et discipuli
eius in Iudaeam terram, et illic demorabatur cum eis. Beda. Dicit
autem post haec, non continuo post disputationem cum Nicodemo, quae facta est
in Hierosolymis, sed peracto spatio temporis de Galilaea in Iudaeam rediit.
Alcuinus. Per Iudaeam quidem significantur confitentes, quos visitat
Christus : ubi enim est peccatorum confessio vel divinarum laudum, illuc
venit Christus et discipuli eius, idest doctrina et illuminatio eius, et ibi
moratur purgando a vitiis; unde sequitur et illic demorabatur cum eis, et
baptizabat. Chrysostomus. Cum autem Evangelista postmodum dicat quod
Iesus non baptizabat, sed discipuli eius, manifestum est quoniam et hic hoc
dicit, quod soli discipuli baptizabant. Augustinus in Ioannem. Baptizatus
autem dominus baptizabat non eo Baptismate quo baptizatus est : baptizatus
est enim a servo, ostendens humilitatis viam, et perducens ad Baptismum
domini, hoc est suum. Baptizabat enim Iesus quomodo dominus, quomodo Dei
filius. Beda. Christo autem iam baptizante, adhuc baptizat Ioannes;
quia adhuc permanet umbra, nec debet praecursor cessare donec veritas
manifestetur; unde sequitur erat autem Ioannes baptizans in Aennon iuxta
Salim. Aennon Hebraice aqua : unde quasi nominis interpretationem aperiens
subdit quia aquae multae erant illic. Salim oppidum est iuxta Iordanem situm,
ubi olim Melchisedech regnavit. Hieronymus ad Evagrium. Nec
refert utrum Salem aut Salim nominetur, cum vocalibus in medio litteris
perraro utantur Hebraei, et pro voluntate lectorum ac regionum varietate,
eadem verba diversis sonis atque accentibus proferantur. Sequitur et
veniebant, et baptizabantur. Beda. Quantum catechumenis nondum
baptizatis prodest doctrina fidei, tantum profuit Baptisma Ioannis ante
Baptismum Christi : quia sicut ille praedicabat poenitentiam et Baptismum
Christi nuntiabat, et in cognitionem veritatis quae mundo apparuit attrahebat
: sic ministri Ecclesiae primo erudiunt venientes ad fidem, post peccata
eorum redarguunt, deinde in Baptismo Christi remissionem promittunt, et sic
in cognitionem et dilectionem veritatis attrahunt. Chrysostomus. Discipulis
autem Iesu baptizantibus, non cessavit Ioannes baptizans usque ad
incarcerationem; quod significat Evangelista cum subdit nondum enim missus
fuerat Ioannes in carcerem. Beda. Ecce aperte notat facta Christi ante
Ioannem incarceratum; quae alii praeterierunt, incipientes ab his quae post
missum Ioannem in carcerem facta sunt. Augustinus. Quare autem
baptizabat Ioannes? Quia oportebat ut dominus baptizaretur. Non solum autem
baptizatus est ab eo, ne Baptismus Ioannis melior Baptismate domini videretur.
Chrysostomus in Ioannem. Sed cuius gratia usque tunc baptizabat? Si enim
cessasset, aestimaretur zelo vel ira facere; sed persistens, non sibi ipsi
gloriam acquirebat, sed Christo auditores mittebat. Et multo efficacius hoc
faciebat quam discipuli Christi, quia insuspicabile eius erat testimonium, et
maiorem gloriam apud omnes habebat; ideo etiam adhuc baptizabat, ne
discipulos suos in ampliorem zelum immitteret. Aestimo autem et propter hoc
permissam esse mortem Ioannis, et eo sublato de medio, Iesum maxime
praedicare coepisse, ut omnis multitudinis affectio ad Christum transiret, et
non ultra his quae de utroque erant sententiis scinderetur. Zelotype enim se
habentes discipuli Ioannis ad Christi discipulos et ad ipsum Christum, quia
viderunt discipulos Christi baptizantes, coeperunt dicere ad eos qui
baptizabantur, quasi aliquid maius haberet Baptisma Ioannis Baptismate
discipulorum Christi; unde subditur facta est ergo quaestio ex discipulis
Ioannis cum Iudaeis de purificatione. Quoniam enim ipsi quaestionem moverunt,
sed non Iudaei, Evangelista occulte monstrat, non dicens quod Iudaeus
quaesivit, sed quod quaestio facta est ex discipulis Ioannis. Augustinus.
Intelligas ergo dixisse Iudaeos maiorem esse Christum, et ad eius Baptisma
debere concurri; illi autem nondum intelligentes defendebant Baptismum
Ioannis. Ventum est ergo ad ipsum Ioannem, ut solveret quaestionem; unde
sequitur et venerunt ad Ioannem, et dixerunt ei : Rabbi, qui erat tecum trans
Iordanem (..). ecce baptizat. Chrysostomus. Hoc est : quem tu
baptizasti. Non autem dixerunt : quem tu baptizasti : quia coacti essent et
vocis eius meminisse quae super eum est delata; sed dicunt qui erat tecum,
quasi qui discipuli ordinem habebat, nihil plus habens nobis, nunc se a te
separans baptizat. Addunt autem cui etiam testimonium perhibuisti; quasi
dicant : quem tu clarum ostendisti, et circumspectum fecisti, eadem tibi
audet : et hoc est quod dicunt ecce hic baptizat. Non autem in hoc solum
aestimabant se excitare eum, sed et in eo quod de reliquo ea quae ipsorum
erant reprobabantur; unde subdunt et omnes veniunt ad eum. Alcuinus. Quasi
dicant : te dimisso omnes currunt ad Baptismum illius quem tu baptizasti. Lectio 9 [86015] Catena in Io., cap. 3 l. 9 Chrysostomus
in Ioannem. Interrogatus Ioannes, non vehementer discipulos increpat, timens ne ab
eo separati, aliquid aliud operentur; sed remisse quodammodo eis loquitur;
unde dicitur respondit Ioannes, et dixit eis : non potest homo accipere
quidquam, nisi fuerit ei datum de caelo : quasi dicat : etsi praeclara sunt
quae Christi sunt, etsi omnes ad eum currunt, mirari non oportet : Deus enim
est qui hoc facit. Humana enim facile deprehensibilia sunt, et imbecillia, et
velociter defluunt; haec autem non talia sunt : non ergo sunt humanitus
adinventa, sed divinitus ordinata. Si autem humilius loquitur de Christo, non
mireris : non enim erat conveniens quod praeassumptos a tali passione,
scilicet invidiae, ab initio doceret omnia; sed interim vult eos terrere,
ostendens quod ad impossibilia conantur, et quod Deo rebelles inveniuntur. Augustinus
in Ioannem. Vel aliter. Hoc Ioannes de seipso dicit : quasi homo de caelo
accepi : ergo quia accepi ut aliquid essem, inanem me vultis esse, ut loquar
contra veritatem? Chrysostomus. Et vide quia hoc quod aestimabant
proponi in Christi subversione, quando dixerunt cui testimonium perhibuisti,
hoc in eos convertit, dicens ipsi vos mihi testimonium perhibetis, quod
dixerim : non sum ego Christus; quasi dicat : si verum meum testimonium
aestimatis, dicite quoniam illum mihi praehonorare oportet; unde subdit sed
quoniam missus sum ante illum; quasi dicat : minister sum, et ea quae sunt
eius qui me misit dico, non humana gratia blandiens ei, sed patri eius qui me
misit, ministrans. Alcuinus. Sed si aliquis dicat : quandoquidem tu
non es Christus, quis ergo es tu? Vel : quis est ille cui perhibes
testimonium? Ad hoc respondet : ille est sponsus; ego sum amicus sponsi,
missus ut per me sponsa praeparetur suo sponso; unde subditur qui habet
sponsam, sponsus est. Sponsam dicit Ecclesiam ex omnibus gentibus
congregatam, quae virgo est integritate mentis, perfectione caritatis,
unitate Catholicae fidei, concordia pacis, integritate animae et corporis;
quae habet sponsum, de quo quotidie generat. Beda. Ceterum frustra est
virgo corpore quae virgo non manet in mente. Hanc autem sponsam Christus in
thalamo uteri virginalis sibi sociavit, et eamdem pretio sui sanguinis
redemit. Theophylactus. Omnis etiam animae sponsus Christus est;
sponsalium vero locus, ubi coniunctio efficitur, locus est Baptismatis, sive
Ecclesia. Dat vero arrham sponsae, peccatorum remissionem, spiritus sancti
communionem; perfectiora vero in futuro saeculo retribuet dignis. Nullus
autem alius est sponsus nisi solus Christus : omnes namque doctores
paranymphi existunt, sicut et praecursor. Nullus enim bonorum largitor est
nisi dominus : omnes alii ministri sunt bonorum, quae dantur a domino.
Beda. Sponsam igitur suam dominus amico suo, idest ordini praedicatorum,
commendavit; qui eam non sibi, sed Christo zelare debet; unde subditur amicus
autem sponsi, qui stat et audit eum, gaudio gaudet propter vocem sponsi.
Augustinus. Quasi dicat : non est mea sponsa. Sed numquid non gaudes in
nuptiis? Immo gaudeo, ait, quia sum amicus sponsi. Chrysostomus. Sed
qualiter qui dixit : non sum dignus solvere corrigiam calceamenti, amicum
nunc seipsum dicit? Non quidem propter honoris aequalitatem, sed multitudinem
gaudii repraesentare volens. Non enim in talibus ita ministri sponsi
laetantur sicut amici. Simul autem et condescendens eorum imbecillitati
amicum se dicit : quia enim aestimabant eum morderi ab his quae fiebant,
ostendit quod non solum non mordetur, sed et valde gaudet, si sponsum sponsa
cognoscit. Augustinus. Sed quare stat? Quia non cadit, quia humilis
est. Vide stantem in solido. Non sum dignus corrigiam calceamenti ei solvere.
Stat autem, et audit eum. Si ergo cadit, non audit eum : ergo stare debet
amicus sponsi et audire, idest permanere in gratia quam accepit, et audire
vocem ad quam gaudeat. Non, inquit, gaudeo propter vocem meam, sed propter
vocem sponsi gaudeo : ego in audiendo, ille in dicendo; ego auris, ille
verbum. Qui enim custodit sponsam vel uxorem amici sui dat quidem operam ut
nullus alius ametur; sed si amari se pro amico voluerit, et uti voluerit
commendata sibi, quam detestandus universo generi humano apparet? Multos
autem adulteros video, qui sponsam tanto pretio emptam possidere volunt, et
id agunt verbis suis ut pro sponso amentur. Chrysostomus. Vel aliter.
Quod dicit qui stat, non sine causa posuit; sed indicans quod quae sua sunt,
iam cessaverunt, et quoniam eum de reliquo stare oportet et audire : quod
quidem dicit, a parabola sermonem transferens ad propositum : quia enim
sponsi et sponsae mentionem fecerat, ostendit qualiter haec sponsalia fiant,
quia per vocem et doctrinam : fides enim est ex auditu; auditus autem per
verbum Dei. Et quoniam ea quae speraverat evenerunt, idcirco subdit in hoc
autem gaudium meum impletum est; idest, perfectum est a me opus quod fieri
oportebat, et plus nihil operari possum de reliquo. Theophylactus. Unde
nunc gaudeo, quod scilicet omnes illum attendunt. Si enim non accessisset ad
sponsum sponsa, idest populus, tunc dolerem ego paranymphus. Augustinus
in Ioannem. Vel aliter. In hoc gaudium meum impletum est, ut scilicet
gaudeam ad vocem sponsi. Habeo gratiam meam; plus non mihi
assumo, ne quod accepi amittam. Qui enim vult gaudere de se, tristis est; qui
autem vult de Deo gaudere, semper gaudebit, quia Deus sempiternus est. Beda. Gaudio
autem gaudet homo propter vocem sponsi, cum intelligit non se debere gaudere
de sapientia sua, sed de sapientia quam accepit a domino. Quisquis enim in
benefactis non gloriam suam vel laudem requirit, neque terrena lucra sed
caelestia cupit, hic amicus est sponsi. Chrysostomus in Ioannem. Deinde
non solum circa praesentia, sed etiam circa futura passionem invidiae a se
removit, dicens illum oportet crescere, me autem minui; quasi dicat : quae
nostra sunt, steterunt, et cessaverunt de reliquo; crescunt autem quae sunt
illius. Augustinus. Sed quid est hoc illum oportet crescere? Deus nec
crescit, nec minuitur. Sed Ioannes et Iesus, quod ad carnem attinet, coaevi
erant : sex menses, qui intererant, nullam distinguunt aetatem. Magnum est
hoc sacramentum. Antequam veniret dominus, homines gloriabantur de se : venit
ille homo, ut minueretur hominis gloria et augeretur gloria Dei. Sic enim
venit ille ut dimitteret peccata, et homo confiteretur : etenim confessio
hominis, humilitas hominis, miseratio Dei, altitudo Dei. Hanc autem veritatem
etiam passionibus significaverunt Christus et Ioannes : nam Ioannes capite
minutus est, Christus autem in cruce exaltatus. Deinde natus est Christus,
cum iam inciperent crescere dies; natus est Ioannes quando coeperant minui
dies. Crescat ergo in nobis gloria Dei, et minuatur gloria nostra, ut in Deo
crescat et nostra. Quanto autem magis intelligis Deum, videtur in te crescere
Deus; non autem in se crescit, sed semper perfectus est : sicut si curarentur
alicuius oculi ex pristina caecitate, et inciperet videre paululum lucis, et
alia die plus videret, videretur ei lux crescere; lux tamen perfecta est,
sive ipse videat, sive non : sic enim et interior homo proficit quidem in
Deo, et Deus in illo videtur crescere; ipse autem minuitur, ut a gloria sua
decidat, et in gloria Dei surgat. Theophylactus. Vel aliter. Sicut
aliorum luminarium, adveniente sole, lumen extingui videtur, licet non sit
secundum veritatem extinctum, sed a maiori occultatum; sic et praecursor
tamquam stella a sole celatus, minui dicitur. Crescit autem Christus prout
paulatim manifestat se per miracula : non quod in virtutibus cresceret aut
proficeret (haec nempe Nestorii est opinio), sed secundum ostensionem
divinitatis eius. Lectio 10 [86016] Catena in Io., cap. 3 l. 10 Chrysostomus
in Ioannem. Sicut vermis ligna corrodit et aerugo ferrum, ita vana gloria
nutrientem se perdit animam; ideo multo studio opus est ut hanc destruamus
passionem : unde Ioannes multis rationibus discipulos suos habentes passionem
hanc, vix mitigat; post illa enim quae antea dixerat, rursus eos aliis
disponit sermonibus, dicens qui desursum venit, super omnes est; quasi dicat
: quia vos meum extollitis testimonium, et ex hoc dicitis me esse digniorem
fide, eo scilicet cui testimonium perhibui; hoc necesse est vos scire, quod
non est eum qui de caelis venit, fieri fide dignum ab eo qui terram habitat;
et hoc est quod dicit super omnes est, quia ipse sibi sufficiens, et quod
omnibus incomparabiliter maior est. Theophylactus. Ipse enim Christus
desursum venit a patre descendens, et super omnes est, distinctus ab omnibus.
Alcuinus. Vel desursum venit, idest de altitudine humanae naturae, quam
habuit ante peccatum primi hominis : de illa enim altitudine assumpsit verbum
Dei humanam naturam : non assumpsit culpam cuius assumpsit poenam. Sequitur
qui est de terra, de terra est, idest terrenus est, et de terra loquitur,
idest terrena loquitur. Chrysostomus. Et nimirum non ex terra erant ei
omnia : etenim animam habebat, et spiritum participabat non ex terra.
Qualiter igitur ipse de terra se esse dicit? Nihil aliud per hoc ostendit
occulte quam quod parvus est, utpote humi reptans, et in terra natus, et
nulla comparatione dignus ad Christum, qui nobis desuper venit. Non autem
dicit de terra loquitur, quoniam ex propria mente loquebatur; sed de terra se
loqui dicit in comparatione ad Christi doctrinam; quasi dicat : parva et
humilia sunt quae mea sunt, comparata his quae Christi sunt, qualia decens
est suscipere terrestrem naturam in comparatione ad illum in quo sunt omnes
thesauri sapientiae et scientiae Dei absconditi. Augustinus in Ioannem. Vel
quod dicit de terra loquitur, de homine dicebat quantum ad ipsum hominem
pertinet. Si enim aliqua loquitur divina, illuminatus est a Deo; sicut
apostolus dicit : non autem ego, sed gratia Dei mecum. Ergo Ioannes, et quod
ad Ioannem pertinet, de terra est, et de terra loquitur : si quid divinum
audivistis a Ioanne, illuminantis est, non recipientis. Chrysostomus. Extincta
igitur discipulorum passione, de reliquo cum ampliori propalatione loquitur
de Christo : nam ante hoc superfluum erat ista praemittere, in mente
audientium locum habere nondum valentia; unde sequitur qui de caelo venit.
Augustinus. Idest, de patre venit, duobus modis super omnes est : primo
super omnem humanitatem, qui de ipsa, priusquam peccaret, venit : secundo
iuxta altitudinem patris, cui est aequalis. Chrysostomus. Magnum autem
quid et excelsum dicens de Christo, rursus ad humilius ducit sermonem, dicens
et quod vidit et audivit, hoc testatur. Quia scilicet per sensus hos omnia
certissime discimus, et digni fide aestimamur esse magistri de his quae visu
suscepimus, vel auditu apprehendimus; hoc de Christo astruere volens Ioannes
dixit quod vidit et audivit, hoc testatur : ostendens, quod nihil eorum quae
ab ipso dicebantur, falsum est, sed omnia vera sunt; quasi dicat : ego
indigeo audire ea quae ab illo dicuntur qui desuper venit, annuntians ea quae
vidit et audivit; idest, quae solus ipse manifeste novit. Theophylactus. Cum
ergo audis quod Christus ea quae audivit et vidit a patre, loquitur, non
putes quod a patre indigeat addiscere; sed quia omnia quaecumque naturaliter
novit, a patre habet, propter hoc a patre audire dicitur, quaecumque novit.
Sed quid est quod filius audivit a patre? Forte filius, patris verbum
audivit? Immo filius patris verbum est. Augustinus. Quando concipis
verbum quod proferas, rem vis dicere, et ipsa rei conceptio in corde tuo iam
verbum est. Quomodo ergo tu verbum quod loqueris, in corde habes, et apud te
est, sic Deus edidit verbum; hoc est, genuit filium. Cum ergo verbum Dei
filius sit, filius autem locutus est nobis, non verbum suum, sed verbum
patris se nobis loqui voluit, qui verbum patris loquebatur. Hoc ergo quomodo
decuit et oportuit, dixit Ioannes. Lectio 11 [86017] Catena in Io., cap. 3 l. 11 Chrysostomus
in Ioannem. Dixerat quod vidit, et audivit, hoc testatur; quasi excusans,
ne quia pauci interim credituri erant, falsa aestimarentur esse quae
dicuntur; et propter hoc subdit et testimonium eius nemo accipit, idest pauci
: habebat enim discipulos, qui accipiebant testimonium eius in his quae
dicebantur. In hoc autem suos discipulos tangit nondum credentes in eum :
simul etiam Iudaicam ostendit insensibilitatem, sicut et in principio Evangelii
dictum est in propria venit, et sui eum non receperunt. Augustinus in
Ioannem. Vel aliter. Est quidam populus praeparatus ad iram Dei damnandus
cum Diabolo. Horum nemo accipit testimonium Christi. Attendit ergo in spiritu
divisionem, in genere autem humano commixtionem; et quod nondum locis
separatum est, separavit cordis aspectu; et vidit duos populos, infidelium et
fidelium. Attendit infideles, et ait et testimonium eius nemo accipit :
deinde tulit se a sinistra, et aspexit ad dexteram, et secutus ait qui autem
acceperit eius testimonium, signavit. Chrysostomus. Idest, monstravit;
et adhuc augens timorem, addit quoniam Deus verax est; ostendens quoniam non
aliter quis discredet huic, nisi falsi arguerit Deum, qui misit illum : quia
nihil extra ea quae sunt patris loquitur; et hoc est quod subdit quem enim
misit Deus, verba Dei loquitur. Alcuinus. Vel aliter. Signavit, idest
signum posuit in corde suo, quasi singulare et speciale aliquid, hunc esse
verum Deum, qui passus est ad salutem humani generis. Augustinus. Quid
est quia Deus verax est, nisi quia homo mendax est, et Deus verax est? Quia
nemo hominum potest dicere quid veritas est, nisi illuminetur ab eo qui
mentiri non potest. Deus ergo verax, Christus autem Deus. Vis probare? Accipe
testimonium eius, et invenies. Sed si nondum intelligis Deum, nondum
accepisti testimonium eius. Ipse ergo Christus est Deus verax, et misit illum
Deus. Deus misit Deum. Iunge ambos, unus Deus : hoc enim quem misit Deus, de
Christo dicebat, ut se ab ipso distingueret. Quid autem? Ipsum Ioannem nonne
Deus misit? Sed vide quid adiungat non enim ad mensuram dat Deus spiritum.
Hominibus ad mensuram dat, unico filio non dat ad mensuram. Alii quidem datur
per spiritum sermo sapientiae, alii sermo scientiae; aliud habet ille, et
aliud iste habet. Mensura divisio quaedam donorum est, sed Christus quae dat,
non ad mensuram accepit. Chrysostomus. Spiritum autem hic actionem
spiritus sancti dicit : vult enim ostendere quoniam omnes quidem nos in
mensura spiritus actiones suscipimus; Christus autem omnem spiritus suscipit
actionem. Qualiter igitur erit dignus suspectus haberi? Nihil enim dicit quod
non Dei est, neque quod non spiritus est; et interim de Deo verbo nihil
loquitur, sed a patre et spiritu dignam fide facit doctrinam. Nam quoniam
Deus est, sciverant; et quoniam spiritus est, noverant, etsi non decentem de
eo opinionem habebant : quoniam autem filius est nesciverant. Augustinus.
Quia ergo de filio dixerat non ad mensuram dat Deus spiritum, subiungit
pater diligit filium; et adiecit et omnia dedit in manu eius : ut nosses et
hic distincte, quoniam dictum est pater diligit filium. Pater enim diligit
Ioannem aut Paulum, et tamen non omnia dedit in manu eorum. Pater diligit
filium; sed quomodo filium, non quomodo dominus servum; quomodo unicum, non
quomodo adoptatum. Itaque omnia dedit in manu eius, ut tantus sit filius
quantus est pater. Ergo cum ad nos dignatus est mittere filium, non putemus
nobis aliquid minus missum quam est pater. Theophylactus. Sic ergo
secundum divinitatem omnia dedit pater filio natura, non gratia. Vel dedit
omnia in manu eius, secundum humanitatem; dominatur enim omnium eorum et quae
in caelo et quae in terra sunt. Alcuinus. Et quia omnia sunt in manu
eius, ergo et vita aeterna; unde subdit qui credit in filium, habet vitam
aeternam. Beda. Non debet hic intelligi fides quae verbo tenus
tenetur, sed quae operibus adimpletur. Chrysostomus. Non enim hic
dicit quod credere in filium sufficiat ad vitam habendam perpetuam, cum ipse
alibi dicat : non omnis qui dicit mihi : domine, domine, intrabit in regnum
caelorum. Sed et quae in spiritum est blasphemia, sufficit sola mittere in
Gehennam. Sed etsi in patrem et filium et spiritum sanctum quis recte
crediderit, ne aestimemus sufficere ad salutem : opus est enim nobis vita et
conversatione recta. Deinde sciens non ita promissione bonorum multos adduci
ut terribilium minis, in hoc sermonem concludit, dicens qui autem incredulus
est filio, non videbit vitam, sed ira Dei manet super eum. Vide qualiter hic
ad patrem reducit eum qui est supplicii sermonem : non enim dixit : ita
filii, quamvis ipse sit iudex, sed patrem iudicem instituit, magis terrere
volens. Et non dicit manebit in eo, sed super eum, ostendens quoniam nunquam
ab eo desistet : ut enim non aestimet quis mortem esse temporaneam, dixit non
videbit vitam. Augustinus. Et non dixit ira Dei venit ad eum, sed
manet super eum; quia omnes qui nascuntur mortales, habent secum iram Dei,
quam accepit primus Adam. Venit filius Dei, non habens peccatum, et indutus
est mortalitate : mortuus est ut vivas. Qui ergo non vult credere in filium,
ira Dei manet super eum, de qua dicit apostolus : eramus natura filii irae. |
CHAPITRE III
Versets 1-3.
S. Augustin : (Traité 12 sur S. Jean). L'Evangéliste
venait de dire que pendant le séjour de Jésus à Jérusalem, beaucoup crurent
en son nom, en voyant les prodiges et les miracles qu'il opérait. De ce
nombre était Nicodème, un des pharisiens. — S. Bède : (pour la fête de l'inv. de la sainte croix). Saint Jean
nous fait connaître son rang et sa dignité : « C'était un des chefs des
Juifs, ». et la démarche qu'il fit : « Il vint de nuit trouver Jésus. » Il
désirait s'instruire plus à fond dans un entretien secret des mystères de la
foi, dont les miracles publics du Sauveur lui avaient fait connaître les
premiers éléments. S. Jean Chrysostome : (hom. 24 sur S. Jean). Cet homme était
encore esclave de la faiblesse judaïque, et il vient de nuit, parce qu'il
craignait de faire de jour cette démarche. C'est ce même motif de crainte
auquel l'Evangéliste fait allusion, lorsqu'il dit : « Cependant plusieurs
d'entre les princes mêmes crurent en lui, mais à cause des pharisiens, ils ne
le confessaient pas, de peur d'être chassés de la synagogue. » (Jn 12, 12). —
S. Augustin : (Traité 12).
Nicodème était du nombre de ceux qui crurent en Jésus-Christ, mais qui
n'avaient pas encore reçu une nouvelle naissance, et c'est la raison pour
laquelle il vient de nuit. C'est à ceux qui sont nés de nouveau de l'eau et
de l'Esprit saint, que l'Apôtre dit : « Vous avez été autrefois ténèbres,
vous êtes maintenant lumière dans le Seigneur. » — HAYM. Cette démarche qu'il
fait la nuit est parfaitement appropriée aux dispositions de son âme, encore
couverte des ténèbres de l'ignorance, et privée de cette vive lumière qui le
fit croire parfaitement au Dieu véritable; car la nuit, dans la sainte
Ecriture, est le symbole de l'ignorance : « Et il lui dit : Maître, nous
savons que vous êtes un docteur envoyé de Dieu. » Le mot rabbi, en hébreu, a
la même signification que le mot magister, (maître) en latin. Il donne à
Jésus le nom de maître, et non celui de Dieu, parce qu'il le regardait comme
envoyé de Dieu, mais sans croire encore à sa divinité. S. Augustin : (Traité 12). Quel motif l'avait porté à
croire ? le voici : « Car personne ne saurait faire les miracles que vous
faites, si Dieu n'est avec lui. » Nicodème faisait donc partie de ce grand
nombre de Juifs qui avaient cru au nom de Jésus, en voyant les miracles qu'il
opérait. — S. Jean Chrysostome : (hom.
24). Cependant les prodiges ne lui donnent pas encore une bien haute idée de
Jésus, il avait de lui une opinion toute humaine; il en parle comme d'un
prophète envoyé de Dieu pour une mission spéciale, et qui a besoin pour la
remplir d'un secours étranger, bien que son Père, en l'engendrant de toute
éternité, lui ait communiqué toute perfection, qu'il se suffise à lui-même,
et n'ait rien en lui d'imparfait. Comme le dessein de Nôtre-Seigneur, pendant
un certain temps, était moins de révéler sa divinité, que de persuader qu'il
n'était en rien contraire à son Père, son langage est empreint de ménagements
et de modération, tandis qu'il déploie dans toutes ses actions un pouvoir
souverain. C'est pour cette raison qu'il ne révèle clairement à Nicodème rien
de sublime sur sa personne; mais il corrige seulement l'opinion peu relevée
qu'il avait de lui, en lui apprenant qu'il n'a besoin de personne pour opérer
ses miracles : « Jésus lui répondit : « En vérité, en vérité, je vous le dis,
nul, s'il ne naît de nouveau, ne peut voir le royaume de Dieu. » — S. Augustin : (Traité 12). Voilà ceux
à qui Jésus se fie, à ceux qui sont nés de nouveau, et ne viennent pas
trouver Jésus de nuit, comme Nicodème. Jésus lui dit donc : « Nul, s'il ne
naît de nouveau, » etc. — S. Jean
Chrysostome : (hom. 24). Paroles dont voici le sens : Comme vous n'êtes
pas encore né de nouveau par la génération spirituelle dont Dieu est
l'auteur, la connaissance que vous avez de moi est loin d'être spirituelle,
elle est toute charnelle et toute humaine. Or, je vous le déclare, ni vous,
ni un autre, quel qu'il soit, ne pouvez, sans cette nouvelle naissance qui
vient de Dieu, comprendre la gloire dont je suis environné, et vous restez
nécessairement eu dehors du royaume; car la génération dont le baptême est le
principe, répand les plus vives lumières dans l'âme. Un peut encore suivre
cette version : « Nul, à moins d'être né, » etc., c'est-à-dire votre
naissance ne vient pas d'en haut, si vous n'avez pas reçu une foi ferme et
inébranlable aux vérités révélées, vous êtes hors de la voie, et loin du
royaume des cieux. Notre Seigneur parle ici de lui-même, et veut faire
comprendre qu'il n'est pas seulement ce qu'il parait extérieurement, mais
qu'il est besoin d'autres yeux pour le voir tel qu'il est. Suivant les uns,
cette expression : d'en haut, signifie du ciel, suivant les autres, dès le
commencement. Si les Juifs avaient entendu cette doctrine, ils auraient bien
vite laissé Jésus eu se moquant de lui, mais Nicodème, en continuant
d'interroger Jésus-Christ, fait paraître l'amour d'un vrai disciple pour son
maître. Versets 4-8.
S. Jean Chrysostome : (hom. 24). Nicodème, en venant trouver
Jésus, ne voyait en lui qu'un homme, mais lorsqu'il l'entend exposer des
vérités supérieures à l'intelligence de l'homme, son esprit s'efforce de
s'élever à la hauteur de ces enseignements; toutefois les ténèbres qui
couvrent son esprit ne lui permettent pas de s'y maintenir, il est encore
dans le doute et l'incertitude, et il objecte une espèce d'impossibilité,
pour engager Notre Seigneur à s'expliquer plus clairement. Deux choses
surtout le jetaient dans l'étonnement : la nouvelle naissance et le royaume,
choses inouïes et inconnues parmi les Juifs. Nicodème s'attache surtout à la
première difficulté qui troublait le plus ses idées : « Et Nicodème lui dit :
Comment un homme peut-il naître lorsqu'il est vieux ? Peut-il rentrer dans le
sein de sa mère et naître de nouveau ? » S. Bède : L'observation de Nicodème semble indiquer
que dans sa pensée un enfant peut rentrer dans le sein de sa mère et naître
de nouveau. Mais il faut se rappeler qu'il était déjà avancé en âge, et qu'il
se donne lui-même comme exemple : Je suis déjà vieux, semble-t-il dire, je
veux sincèrement arriver au salut, comment donc puis-je rentrer dans le sein
de ma mère et y prendre une nouvelle naissance ? S. Jean Chrysostome : (hom. 24). Quoi, vous appelez Jésus, Maître
et Docteur, vous reconnaissez qu'il est envoyé de Dieu, et vous ne recevez
pas ses enseignements, et vous lui faites une question capable de porter le
trouble dans les esprits ? Chercher la raison des choses est en effet le
propre de ceux dont la foi est encore faible, et il en est beaucoup qui ont
perdu la foi au milieu de ces recherches, les uns en demandant : Comment Dieu
a-t-il pu s'incarner ? Les autres : Comment peut-il rester ainsi impassible ?
C'est sous l'impression de cette incertitude d'esprit que Nicodème fait cette
question : « Comment un homme peut-il ? » etc. Mais voyez dans quelles
pensées ridicules tombent ceux qui veulent mêler leurs conceptions aux
vérités surnaturelles. — S. Augustin :
(Traité 11 sur S. Jean). C'est l'Esprit qui parle ici, et cet homme n'a
que des idées charnelles; il ne connaissait qu'une seule naissance, celle qui
vient d'Adam et d'Eve, et n'avait aucune connaissance de celle qui vient de
Dieu et de l'Eglise. Nous devons toutefois entendre la naissance spirituelle
comme Nicodème entendait la naissance charnelle, car de même qu'on ne peut
rentrer dans le sein de sa mère, on ne peut non plus recevoir une seconde
fois le baptême. S. Jean Chrysostome : (hom. 24 sur S. Jean). Nôtre-Seigneur,
voyant que Nicodème ne pouvait s'élever au-dessus de la génération charnelle,
lui explique plus clairement le mode de cette naissance toute spirituelle : «
Jésus lui répondit : En vérité, en vérité, je vous le dis, nul, s'il ne
renaît de l'eau et de l'Esprit saint, ne peut entrer dans le royaume de Dieu.
» — S. Augustin : (Traité 11)
Paroles dont voici le sens : Vous ne pensez qu'à la génération charnelle,
mais il faut que l'homme naisse de l'eau et de l'Esprit saint pour entrer
dans le royaume de Dieu. Pour recueillir l'héritage de son père dans le
temps, l'homme doit naître du sein d'une mère mortelle; pour parvenir à
l'héritage éternel de Dieu le Père, il doit prendre une nouvelle naissance
dans le sein de l'Eglise. L'homme est composé de deux substances différentes,
d'un corps et d'une âme; cette naissance spirituelle a aussi un double mode
d'action, l'eau qui est visible sert à purifier le corps, et l'Esprit saint,
dont l'opération est invisible, purifie l'âme qui est également invisible. — S. Jean Chrysostome : (hom. 24). Si
l'on me demande comment l'homme peut recevoir de l'eau une nouvelle
naissance, je demanderai à mon tour comment Adam a pu naître de la terre ? Au
commencement la matière première était simplement de la terre, et la
formation d'Adam est tout entière l'œuvre du Créateur; de même ici la matière
est l'eau, mais cette nouvelle naissance est tout entière l'œuvre de l'Esprit
de grâce. Dieu alors donna au premier homme le paradis terrestre pour
habitation, il nous ouvre maintenant le ciel. Mais pourquoi l'eau est-elle
nécessaire à ceux qui reçoivent l'Esprit saint ? Voici la raison de ce
mystère, c'est que l'eau est le symbole d'opérations divines, de la
sépulture, de la mortification, de la résurrection et de la vie. En effet,
lorsque notre corps est plongé dans l'eau, le vieil homme est comme enseveli,
il disparaît tout entier dans cette immersion, et reparaît ensuite tout
renouvelé. C'est encore pour vous apprendre que la vertu du Père, du Fils et
du Saint-Esprit, remplit toutes choses, et que Jésus-Christ attendit trois
jours pour ressusciter. (hom. 26). L'eau est pour le fidèle comme le sein de
la mère pour l'enfant, c'est dans l'eau que le chrétien reçoit la vie et sa
forme. Mais l'enfant ne se développe que graduellement dans le sein de sa
mûre, tandis que dans l'eau, le chrétien reçoit sa forme en un seul instant.
Il est en effet dans la nature des corps de ne se développer et de
n'atteindre leur perfection que progressivement. Il n'en est pas ainsi des
natures spirituelles, elles sont parfaites aussitôt qu'elles existent. Depuis
le jour où Notre Seigneur est sorti des eaux du Jourdain, l'eau ne produit
plus seulement des reptiles et des animaux privés de raison, mais des âmes
spirituelles et raisonnables. S. Augustin : (du bapt. des enf., 1, 30). Notre Seigneur ne
dit pas : Nul, s’il ne renaît de l'eau et de l'Esprit saint, n'obtiendra pas
le salut ou la vie éternelle, mais : « N'entrera pas dans le royaume de Dieu,
» et il en est qui concluent de ces paroles, qu'à la vérité les enfants
doivent être baptisés pour être avec le Christ dans le royaume de Dieu, où
ils ne peuvent entrer que par le baptême, mais qu'ils ne laissent pas, s'ils
viennent à mourir sans baptême, d'obtenir le salut et la vie éternelle, parce
qu'ils ne sont esclaves d'aucun péché. Mais pourquoi duc nouvelle naissance,
si ce n'est pour produire un renouvellement complet de vie ? Ou quel sera
l'obstacle qui empêchera l'image de Dieu, d'entrer dans le royaume de Dieu,
si ce n'est le péché ? HAYM. De si grands et de si profonds mystères étaient au-dessus de
l'intelligence de Nicodème, aussi Notre Seigneur cherche-t-il à se faire
comprendre par une comparaison empruntée à la naissance charnelle : « Ce qui
est né de la chair est chair, » etc., c'est-à-dire, de même que la chair
engendre la chair, ainsi l'esprit engendre l'esprit. — S. Jean Chrysostome : (hom. 26). Elevez-vous donc au-dessus des
choses sensibles, et n'allez point penser que l'esprit engendre la chair, car
la chair elle-même du Sauveur n'a pas été produite par l'esprit seul, mais
par la chair. Mais ce qui est né de l'esprit est spirituel, la naissance dont
il est ici question n'est point celle qui produit la substance, mais celle
qui lui donne l'honneur et la grâce. Si telle a été la naissance du Fils de
Dieu, qu'a-t-il de plus que ceux qui ont eu part aussi à cette naissance ?
Comment est-il le Fils unique de Dieu ? Car je suis ne aussi de Dieu, mais
sans sortir de sa substance. Et s'il n'a point pour principe la substance
même de Dieu, en quoi diffère-t-il de nous. Que dis-je ? Il serait même
inférieur à l'Esprit saint, car cette nouvelle naissance n'a lieu que par la
grâce de l'Esprit saint. Aurait-il donc besoin du secours de l'Esprit saint
pour continuer à être le Fils de Dieu ? En quoi cette doctrine
différerait-elle de la doctrine des Juifs ? Considérez ici la dignité de
l'Esprit saint, l'Ecriture lui attribue les œuvres mêmes de Dieu, elle a dit
plus haut : « Ils sont nés de Dieu. » Ici elle nous déclare que c'est
l'Esprit saint qui les engendre. Notre Seigneur voit que ces paroles : «
Celui qui est né de l'esprit est esprit, jettent de nouveau le trouble dans
les idées de ce pauvre pharisien, et il emprunte pour se faire comprendre un
nouvel exemple aux choses sensibles : « Ne vous étonnez pas que je vous aie
dit : Il faut que vous naissiez de nouveau, » paroles qui indiquent
visiblement le trouble produit dans l'esprit de Nicodème. L'objet de la
comparaison que choisit le Sauveur, n'appartient pas précisément au monde
matériel, il n'atteint pas non plus la nature incorporelle; ce terme de
comparaison, c'est le vent : « Le vent souffle où il veut, vous entendez sa
voix, mais vous ne savez d'où il vient ni où il va; ainsi en est-il de tout
homme qui est né de l'Esprit. » Voici l'explication de ces paroles : Rien ne
peut arrêter le vent, il suit son impulsion naturelle, à plus forte raison
l'action de l'Esprit saint ne pourra être entravée ni par les lois de la
nature, ni par les bornes et les limites de la naissance corporelle, ni par
aucun autre obstacle semblable. Qu'il soit ici question du vent, c'est ce que
prouvent clairement les paroles suivantes : « Et vous entendez sa voix, »
c'est-à-dire, le son dont il frappe les airs. Car le Sauveur n'eût point dit
à un infidèle qui ne connaissait point l'action de l'Esprit saint : « Vous
entendez sa voix. » Il ajoute : « Il souffle où il veut, » non pas que le
vent se détermine par un choix libre et volontaire, mais parce qu'il suit
l'impulsion qu'il a reçue de la nature, et que sa force n'est entravée par
aucun obstacle : « Et vous ne savez d'où il vient, ni où il va, »
c'est-à-dire, si vous ne pouvez connaître la voie que suit le vent dont vous
entendez le son, et qui est sensible au toucher, comment pourriez-vous
pénétrer les opérations de l'esprit de Dieu ? « Ainsi, ajoute Nôtre-Seigneur,
est tout homme qui est né de l'Esprit. » S. Augustin : (Traité 12 sur S. Jean). Mais qui de nous,
par exemple, ne voit pas venir l’auster du midi au nord, ou un autre vent de
l'orient à l'occident ? Dans quel sens donc ne savons-nous pas d'où il vient,
ni où il va ? — S. Bède : (hom.
pour l'Inv. de la sainte Cr). C'est donc l'Esprit saint qui souffle où il
veut, parce qu'il a le pouvoir de choisir l’âme qu'il veut combler de la
grâce de sa présence et de ses lumières, et vous entendez sa voix, lorsque
celui qui est rempli de l'Esprit saint, parle en votre présence. — S. Augustin : (Traité 12). Vous
entendez le son des psaumes, le son de l'Evangile, le son de la parole
divine, c'est la voix de l'Esprit saint. Notre Seigneur s'exprime de la
sorte, parce que l'Esprit saint anime invisiblement la parole et le
sacrement, pour nous donner une nouvelle naissance. — Alcuin : Vous ne savez d'où il vient, ni où il va, car alors même
que l'Esprit saint descendrait en votre présence dans l'âme d'un de vos
frères, vous ne pourriez voir ni comment il y est entré, ni comment il en
sortirait, parce qu'il est invisible de sa nature. — HAYM. Ou bien encore,
vous ne savez d'où il vient, parce que vous ignorez comment il conduit les
hommes à la foi, ni où il va, parce que vous ne savez non plus comment il les
élève jusqu'à l'espérance : « Ainsi est tout homme qui est né de l'Esprit,
c'est-à-dire : L'Esprit saint est un esprit invisible, ainsi celui qui naît
de l'esprit naît également d'une manière invisible. — S. Augustin : (Tr. 12). Ou bien, lorsque vous serez né vous-même
de l'Esprit saint, vous serez une énigme pour celui qui n'a point encore eu
part à cette naissance, il ne saura ni d'où vous venez, ni où vous allez.
C'est pour cela que le Sauveur ajoute : « Ainsi en est-il de tout homme qui
est né de l'Esprit. » — Théophylactus
: Quoi de plus propre à confondre Macédonius, cet ennemi de l'Esprit
saint, qui ose enseigner que ce divin Esprit n'est qu'un serviteur, puisque
d'après ces paroles, l'Esprit saint opère dans la plénitude de sa puissance,
et agit là où il veut et comme il veut ? Versets 9-12.
HAYM. Nicodême ne peut comprendre les mystères de la puissance divine
que le Sauveur vient de lui révéler; sans donc les révoquer en doute, il lui
en demande la raison, non dans l'intention de le blâmer, il l'interroge dans
le désir de s'instruire : « Nicodème lui répondit : Comment cela peut-il se
faire ? »—S. Jean Chrysostome : (hom.
26). Il reste encore dans les basses régions du judaïsme et malgré la
comparaison si claire qui lui a été donnée, il continue d'interroger, aussi Notre
Seigneur lui parle-t-il avec plus de sévérité : «Jésus lui dit : Vous êtes
maître en Israël, et vous ignorez ces choses ? » — S. Augustin : (Traité 12) Que signifient ces paroles ?
L'intention de Notre Seigneur est-elle de blesser ce maître en Israël ? Non,
il voulait le faire naître de l'esprit. Or, l'humilité est la condition
indispensable de cette naissance, puisque c'est l'humilité elle-même qui nous
fait naître de l'esprit. Or, Nicodème était comme enflé de son titre de
maître, et il se croyait un homme important, parce qu'il était docteur des
Juifs. Notre Seigneur réprime donc son orgueil, pour qu'il puisse naître de
l'esprit. — S. Jean Chrysostome : (hom.
26). Il n'accuse pas ses mauvaises dispositions, il lui reproche seulement
son ignorance et son défaut de jugement. Mais quel rapport, me
demandera-t-on, pouvait-il y avoir entre cette naissance dont Jésus-Christ
venait de parler et les croyances des Juifs ? Le voici : La création du
premier homme, la formation de la femme d'une des côtes d'Adam, les femmes
stériles qui sont devenues mères, les miracles dont l'eau a été l'instrument,
Elisée faisant surnager le fer sur l'eau, les Juifs passant la mer Rouge à
pied sec, Naamon le syrien guéri de la lèpre dans les eaux du Jourdain,
étaient autant de symboles figuratifs de cette naissance spirituelle, et de
la purification qu'elle produit dans l'âme. Les oracles des prophètes rendent
à leur tour témoignage quoique d'une manière plus cachée à la manière dont
s'accomplit cette naissance, par exemple dans ces paroles : « Votre jeunesse
sera renouvelée comme celle de l'aigle; » (Ps 12) « Bienheureux ceux dont les
iniquités sont pardonnées. » (Ps 31) Isaac lui-même a été une figure de cette
naissance. Voilà pourquoi Notre Seigneur dit à Nicodème : « Vous êtes maître
en Israël et vous ignorez ces choses ! » Le Sauveur donne une nouvelle preuve
de la vérité de ses paroles en ajoutant par condescendance pour la faiblesse
de ce pharisien : « En vérité, en vérité je vous le dis, nous disons ce que
nous savons, et nous attestons ce que nous avons vu, et vous ne recevez pas
notre témoignage. » La vue est pour nous le plus sûr de tous les sens, et si
nous voulons convaincre quelqu'un de l'existence d'une chose, nous lui disons
que nous l'avons vue de nos yeux. C'est pour cette raison que Nôtre-Seigneur,
parlant à Nicodème un langage humain, lui donne pour motif de certitude qu'il
a vu ce dont il parle. Il ne peut être ici question de la vue des yeux du
corps, et il est évident que le Sauveur veut parler ici d'une connaissance
des plus certaines et qui exclut jusqu'à la possibilité de l'erreur. Or, ces
paroles : « Nous savons » s'appliquent ou à lui seul ou à son Père
conjointement avec lui. HAYM. Mais pourquoi dit-il au pluriel : « Nous savons ? » Nous
répondons que c'était le Fils unique de Dieu qui parlait de la sorte et qu'il
montrait ainsi comment le Père est dans le Fils, le Fils dans le Père, et
comment le Saint-Esprit procède invisiblement de tous les deux. —Alcuin : Ou bien il parle au pluriel
en ce sens : Moi et tons ceux qui ont eu le bonheur de renaître de l'Esprit
saint, nous comprenons ce que nous disons et ce que nous avons vu dans le
sein du Père, nous l'attestons publiquement dans le monde, et vous qui êtes
charnels et superbes, vous ne recevez pas notre témoignage. — Théophylactus : Ce n'est point à
Nicodème que s'appliquent ces paroles, mais à toute la nation juive qui
persévéra jusqu'à la fin dans son incrédulité. — S. Jean Chrysostome : (hom. 26). Ce n'est non plus ni le
mécontentement ni l'aigreur qui inspirent ces paroles à Nôtre-Seigneur, mais
un sentiment de douceur et de bonté, ainsi nous apprend-il lorsque nos
paroles n'auront point porté la persuasion dans les cœurs, à ne point nous
laisser aller ni à la tristesse, ni à la colère, mais à rendre notre parole
digne de foi, en évitant non-seulement la colère, mais les cris qui sont une
cause de disputes. Jésus, sur le point de révéler des vérités sublimes,
semble se retenir par égard pour la faiblesse de ses auditeurs, il ne s'élève
pas aussitôt à ces vérités dignes de sa grandeur, mais traite de choses plus
en rapport avec la disposition des esprits : « Si vous ne croyez pas lorsque
je vous parle des choses qui sont sur la terre, comment croirez-vous lorsque
je vous parlerai des choses qui sont dans le ciel ? » — S. Augustin : (Traité 12). C'est-à-dire, si vous ne croyez pas
que je puisse relever le temple que vous aurez renversé, comment croirez-vous
que les hommes puissent être régénérés par l'Esprit saint ? — S. Jean Chrysostome : (hom. 27). Ou
bien encore, ne soyez point surpris, s'il appelle le baptême une chose
terrestre, il l'appelle ainsi, parce qu'il se confère sur la terre, et qu'en
comparaison de cette naissance étonnante qui fait sortir le Fils de la
substance du Père, la naissance même spirituelle de la grâce est une chose
terrestre. Et c'est avec raison qu'il ne dit pas : Vous ne comprenez point
mais : « Vous ne croyez pas, » car qu'un homme ne puisse faire entrer une
vérité dans son intelligence, c'est un signe de folie ou d'ignorance, mais
qu'il refuse de donner son adhésion à une vérité qu'il doit simplement
croire, ce n'est plus de la folie, c'est une incrédulité coupable. Notre
Seigneur révélait ces vérités bien que ceux qui entendaient refusaient de les
croire, parce que plus tard elles devaient être crues d'une foi vive. Versets 13.
S. Augustin : (Du bapt. des enfants, 1, 31). Après avoir
relevé l'ignorance de ce pharisien qui s'élevait au-dessus des autres à cause
de son titre de docteur, et blâmé l'incrédulité de ceux qui refusent de
recevoir le témoignage de la vérité, Notre Seigneur ajoute qu'il en est
cependant qui croiront malgré l'incrédulité des autres, et à cette question :
« Comment cela peut-il se faire ? » il répond : « Et personne n'est monté au
ciel que celui qui est descendu du ciel, le Fils de l'homme qui est dans le
ciel, » paroles dont voici le sens : L'effet de la génération spirituelle est
de rendre les hommes célestes de terrestres qu'ils étaient, grâce qu'ils ne
peuvent obtenir qu'en devenant mes membres, de manière que celui qui monte
soit le même qui est descendu, c'est-à-dire que Notre Seigneur regarde son
corps ou son Eglise, comme lui-même. — S.
Grégoire : (Moral,, 27, 11). Comme nous sommes devenus une seule chose
avec lui, il remonte seul avec nous dans le ciel d'où il est descendu seul en
lui-même; et ainsi celui qui reste toujours dans le ciel, ne cesse de monter
tous les jours dans le ciel. — S.
Augustin : (Du bapt. des enfants). Bien que ce soit sur la terre qu'il
soit devenu Fils de l'homme, il n'a point jugé indigne de sa divinité qui est
descendue jusqu'à nous de porter le nom de Fils de l'homme, tout en restant
dans le ciel, de même qu'il a honoré son humanité du nom de Fils de Dieu, car
l'unité de personne qui existe entre les deux natures fait qu'il n'y a qu'un
seul Christ et fils de Dieu qui s'est rendu visible sur la terre, de même que
le Fils de l'homme demeurait dans les deux. La foi a des mystères plus
incroyables, prépare à croire des vérités moins difficiles; car si la nature
divine si éloignée de nous a pu cependant s'unir à la nature humaine, de
manière à ne former qu'une seule personne; il est bien plus facile de croire
que les hommes sanctifiés ne fassent qu'un avec le Fils de Dieu fait homme,
et que tandis que tous montent au ciel par un effet de sa grâce, il monte lui
seul au ciel d'où il est descendu. S. Jean Chrysostome : (hom. 27). Ou bien encore, comme Nicodème l'avait
abordé en lui disant : « Nous savons que vous êtes un docteur envoyé de Dieu,
» Notre Seigneur veut détruire l'idée qui faisait de lui un maître à la
manière des nombreux prophètes qui avaient paru sur la terre, et c'est pour
cela qu'il ajoute : « Et personne n'est monté au ciel que celui qui est
descendu du ciel, le Fils de l'homme qui est dans le ciel. » — Théophylactus : Lorsque vous entendez
dire que le Fils de l'homme est descendu du ciel, n'allez pas croire que la
chair elle-même en est descendue, c'est là une erreur des hérétiques qui
enseignaient que le Christ avait pris son corps dans le ciel, et n'avait fait
que passer par le sein de la Vierge. — S.
Jean Chrysostome : (hom. 27). La dénomination de Fils de l'homme ici ne
comprend pas seulement la chair du Sauveur, mais désigne toute sa personne
par celle des deux natures qui est inférieure. Maintes fois Notre Seigneur la
désigne tout entière sous le nom de sa divinité, ou sous celui de son
humanité. — S. Bède : Qu'un homme
descende sans vêtements du sommet d'une montagne dans une vallée, et qu'il
remonte sur cette montagne après s'être revêtu de ses habits et de ses armes,
on pourra dire avec raison que celui qui remonte est le même qui est
descendu. S. Hilaire : (De la Trin., 10). Ou bien encore, entant
qu'il est descendu du ciel, il est le principe de sa conception dans le sein
de Marie, car ce n'est pas d'elle-même qu'elle a donné naissance au corps du
Sauveur, bien qu'elle ait contribué pour toute la part naturelle à son sexe,
nu développement et à l'enfantement de ce corps. Or, il est devenu le Fils de
l'homme par suite de la chair qu'il a prise dans le sein de la Vierge. Il est
dans le ciel en vertu de cette nature divine et immuable dont l'infinité ne
fut jamais resserrée dans les limites étroites d'un corps matériel, mais qui,
tout en demeurant par la puissance du Verbe, sous la forme d'un serviteur, ne
laissa pas comme maître du ciel et de la terre d'être présent par son
immensité dans tontes les parties de ce vaste univers. Il est donc descendu
du ciel, parce qu'il est le Fils de l'homme, et il est dans le ciel, parce
que le Verbe en se faisant chair n'a point perdu sa nature de Verbe de Dieu.
— S. Augustin : (Traité 12). Vous
êtes surpris qu'il soit à la fois sur la terre et dans le ciel, mais il
communique le même privilège à ses disciples. Ecoutez, saint Paul : « Notre
vie, dit le grand Apôtre, est dans les cieux. » Or, si saint Paul qui n'était
qu'un homme vivait à la fois sur la terre et dans les cieux, le Dieu du ciel
et de la terre ne pouvait-il pas être en même temps dans le ciel et sur la
terre ? — S. Jean Chrysostome : (hom.
27). Voyez comme ce qui nous parait élevé est indigne de la grandeur du Fils
de Dieu. Non-seulement il est dans le ciel, mais il remplit tout de son
immensité. Cependant il condescend à la faiblesse de celui à qui il parle, et
il l'élève peu à peu à des idées plus sublimes. Versets 14-15.
S. Jean Chrysostome : (hom. 27). Le Sauveur vient d'exposer les
grands bienfaits du baptême, il en découvre maintenant la cause, c'est-à-dire
la croix : « Et comme Moïse a élevé le serpent, » etc. — S. Bède : Il fait titrer ce docteur de la loi mosaïque dans le
sens spirituel de cette loi, et il lui rappelle un fait de l'ancienne
histoire de sa nation qu'il lui présente comme la figure de sa passion et du
salut du genre humain. — S. Augustin :
(du bap. des enf., 32). Un grand nombre d'Israélites moururent par suite
des morsures des serpents; ce fut donc par ordre du Seigneur, que Moïse éleva
dans le désert un serpent d'airain, et ceux qui le regardaient étaient
aussitôt guéris. Ce serpent élevé, c'est le symbole de la mort de
Jésus-Christ, avec cette particularité que c'est en qui produit le mal qui
devient ici le signe de ce qui doit la réparer. C'est le serpent, en effet,
qui a été l'auteur de la mort, en persuadant à l'homme le péché qui a été la
cause de sa mort. Or, Notre Seigneur n'a point transporté dans sa chair le
péché qui était le venin du serpent, mais seulement la mort. Ainsi sa chair
qui n'avait que la ressemblance du péché a souffert la peine séparée du
péché, pour détruire dans la vraie chair du péché et la peine et la faute. Théophylactus : Considérez maintenant le rapport de la
figure à la vérité. Ce serpent d'airain avait la forme d'un serpent sans en
avoir le venin, et c'est ainsi que Notre Seigneur est venu avec la
ressemblance de la chair de péché, mais sans le moindre péché. Il a été
élevé, c'est-à-dire suspendu dans les airs, pour sanctifier l'air après avoir
sanctifié la terre par les qu'il y avait imprimés. On peut encore entendre
par cette élévation la gloire de Jésus-Christ; car cette élévation de la
croix sur laquelle il a été attaché, est devenue la gloire du Sauveur. Il
veut être jugé par les hommes, et la sentence qu'ils prononcent contre lui
devient le jugement qu'il porte lui-même contre le prince du monde. Adam a
été soumis justement à la mort, parce qu'il a péché, mais le Seigneur, en
souffrant injustement la mort, a triomphe de celui qui l’avait livré à la
mort et a délivré ainsi Adam de la mort. Mais le démon s’est trouvé
complètement vaincu; car il n'a pu inspirer au Sauveur attaché sur la croix
aucun sentiment de haine contre, ceux qui crucifiaient; au contraire, son
amour pour eux semblait s'en accroître, et le portait à prier son Père pour
eux. C'est ainsi que la croix de Jésus-Christ est devenue son exaltation et
sa gloire. — S. Jean Chrysostome : (hom.
27). Notre Seigneur ne dit pas : Il faut que le Fils de l'homme soit
suspendu, mais : « Il faut qu'il soit élevé, » cette dernière expression est
plus convenable, et le Sauveur s'en sert pour montrer le rapport intime de
l'Ancien Testament avec le Nouveau, nous apprendre que ce n'est point malgré
lui qu'il a souffert la mort, et que cette mort a été pour un grand nombre un
principe de vie et de salut. S. Augustin : (du bapt. des enf). Ceux qui regardaient le
serpent d'airain élevé dans les airs, étaient guéris de la maladie, et
délivrés de la mort; de même celui qui reproduit en lui la ressemblance de la
mort de Jésus-Christ en croyant en lui et en recevant le baptême, est délivré
tout à la fois du péché par la justification, et de la mort par la
résurrection. C’est ce que le Sauveur exprime par les paroles suivantes : «
Afin que tout homme qui croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie
éternelle. » Quel besoin pour l’enfant de reproduire en lui la mort de
Jésus-Christ par le baptême, si son âme n'était point infectée par la morsure
du serpent ? S. Jean Chrysostome : (hom. 27). Il n'est pas sans intérêt de
remarquer que Vôtre-Seigneur jette comme un voile sur sa passion, pour ne
point répandre la tristesse dans l'âme de celui qui l'écoutait; mais il parle
ouvertement du fruit de sa passion; car si ceux qui croient au crucifié ne
périssent pas, à plus forte raison celui qui a été crucifié ne doit point
périr. S. Augustin : (Traité 12 sur S. Jean). Il y a cette
différence entre la figure et la réalité, que les Israélites étaient guéris
de la mort pour cette vie temporelle, tandis que les autres le sont pour la
vie éternelle. Versets 16-18.
S. Jean Chrysostome : (hom. 27). Notre Seigneur venait de dire : «
Il faut que le Fils de l'homme soit élevé, » paroles qui sont une prédiction
voilée de sa mort, il craint donc qu'elles ne jettent la tristesse dans l'âme
de Nicodème, qu'elles ne lui donnent de sa personne, une idée toute humaine,
et ne lui fassent regarder la mort comme le terme définitif de son existence;
il redresse donc ses idées, en lui enseignant que c'est le Fils de Dieu qui
est livré à la mort, et que sa mort a été la cause de la vie éternelle. Il
ajoute donc : « C'est ainsi que Dieu a aimé le monde, qu'il lui a donné son
Fils unique. » Ne soyez donc pas surpris, s'il est nécessaire que je sois
élevé en croix pour votre saint, telle est la volonté de mon Père, qui vous a
aimés à ce point, de livrer son Fils pour des serviteurs ingrats et impies :
« C'est ainsi que Dieu a aimé le monde ! » Il ne pouvait exprimer plus
fortement la grandeur de cet amour; car ces deux termes : Dieu et le monde,
sont sépares par une distance infinie. En effet, c'est celui qui est
immortel, qui est sans commencement, dont la grandeur est infinie, qui a aimé
ceux qui sont sortis de la terre et de la cendre, et qui sont pleins de
péchés innombrables. Mais ce qui suit exprime plus fortement encore cet amour
: Ce n'est pas un serviteur, ce n'est pas un ange, ce n'est pas un archange,
c'est son propre Fils qu'il a donné. S'il eût eu plusieurs fils, et qu'il en
eût sacrifié un, ce serait déjà la preuve d'un amour immense, mais c'est son
Fils unique qu'il nous a donné. — S.
Hilaire : (de la Trin., 6). Donner une créature à une autre créature, est
un témoignage d'amour, et cependant le don d'une chose de si peu
d'importance, et que nous devons bientôt perdre, n'a pas grand mérite. Les
présents d'un grand prix attestent une charité plus étendue, et les grands
dons sont la preuve d'un grand amour. Dieu a aimé le monde, et lui a donné
non pas un fils adoptif, mais son Fils unique, son Fils propre, son Fils par
naissance, son Fils véritable. Ce n'est point ici un fils par création, par
adoption, un fils qui ne le serait pas en réalité. Quel plus grand témoignage
d'amour et de charité que d'avoir donné pour le salut du monde un Fils, son
Fils propre, son Fils unique ! THEOPHYLACTE. Notre Seigneur a dit plus haut que le Fils de l'homme
est descendu du ciel, bien que la chair n'en soit point descendue; et il
s'exprime de la sorte, parce qu'en vertu de l'unité de personne qui est en
Jésus-Christ, il attribue à l'homme toutes les propriétés de la nature
divine. De même ici, il attribue au Verbe de pieu les propriétés de la nature
humaine. En effet, le Fils de Dieu est toujours demeuré impassible, mais
comme en vertu de l'union hypostatique le Fils de Dieu et l'homme qui a
souffert la mort ne faisaient qu'une seule personne, on dit que le Fils de
Dieu a été livré à la mort, parce qu'il a souffert véritablement, non pas
dans sa propre nature, mais dans la chair qu'il s'était rendue propre. Or,
les plus grands avantages découlent pour nous de ce don qui dépasse la portée
de l’esprit humain. Ecoutez la suite : « Afin que tout homme qui croit en
lui, ne périsse pas, mais qu'il ait la vie éternelle. » En effet, l'Ancien
Testament promettait aux fidèles observateurs de la loi de longs jours sur la
terre, l'Evangile promet une vie impérissable et éternelle. S. Bède : Remarquez que Notre Seigneur applique au
Fils unique de Dieu les mêmes paroles qu'il avait dites précédemment du Fils
de l'homme élevé sur la croix : « Afin que tout homme qui croit en lui, »
etc., parce qu'en effet, notre Créateur et notre Rédempteur, le Fils de Dieu
qui existe avant tous les siècles, s'est fait homme à la fin des siècles. Il
nous avait créés par un acte de sa puissance divine pour jouir de la félicité
de la vie éternelle, il nous a rachetés par la faiblesse de la nature humaine
qu'il s'est unie pour nous remettre en possession de la vie que nous avons
perdue. Alcuin : On ne peut douter que le Fils de Dieu ne
donne la vie au monde, puisque c'est l'unique raison pour laquelle il est
venu en ce monde, comme il le déclare lui-même : « Car Dieu n'a pas envoyé
son Fils dans le monde pour juger le monde, » etc. — S. Augustin : (Traité 12 sur S. Jean). Pourquoi a-t-il été appelé
le Sauveur du monde, si ce n'est parce qu'il devait sauver le monde ? Le
médecin a donc fait tout ce qui dépendait de lui pour guérir le malade et
celui qui ne veut pas suivre les prescriptions du médecin, ne doit attribuer
sa mort qu'à lui-même. — S. Jean
Chrysostome : (hom. 28). Il est beaucoup d'âmes lâches et sans force qui,
pour multiplier plus librement leurs transgressions et s'endormir au sein de
la plus profonde indifférence, abusent de la miséricorde de Dieu, et
s'autorisent de ces paroles du Sauveur pour dire : « Il n'y a point d'enfer,
il n'y a point de supplice, Dieu nous pardonne tous nos péchés. » II faut
donc nous rappeler qu'il y a deux avènements de Jésus-Christ : le premier,
qui est accompli; le second, qui doit avoir lieu plus tard. Le premier a eu
pour objet, non pas de juger nos crimes, mais de nous les pardonner; dans le
second, Notre Seigneur viendra, non plus pour pardonner, mais pour juger.
C'est du premier de ces deux avènements qu'il dit : « Je ne suis pas venu
pour juger le monde. » Comme il est la bonté même, il ne veut pas juger, il
nous remet tous nos péchés dans le baptême d'abord, et ensuite dans le
sacrement de pénitence; et s'il avait agi autrement, tous les hommes auraient
péri sans exception, car tous ont péché, et ont besoin de la grâce de Dieu.
Mais que personne ne s'autorise de ces paroles pour pécher avec impunité, et
qu'il apprenne quel sera le châtiment de celui qui ne croit pas : « Il est
déjà jugé. » Il dit précédemment : « Celui qui croit, n'est pas condamné, »
remarquez, celui qui croit, non pas celui qui cherche avec curiosité. Mais
qu'en sera-t-il de ceux dont la vie aura été souillée par le crime ? Saint
Paul déclare qu'ils ne sont pas au nombre des vrais fidèles : « Ils font
profession, dit-il, de connaître Dieu, mais ils le renoncent par leurs
œuvres. » (Tite, 1, 16). Ces paroles signifient que celui qui croit ne sera
pas jugé sur le point de la foi, il sera puni plus sévèrement pour les crimes
qu'il aura commis, mais il ne le sera pas pour les crimes d'infidélité dont
il n'est point coupable. — Alcuin : Ou
bien encore, celui qui croit en lui, et s'attache à lui comme le membre à son
chef, ne sera pas jugé. S. Augustin : (Traité 12). Mais que va-t-il dire de celui
qui ne croit pas, et quelle sentence attendez-vous de sa bouche, si ce n'est
qu'il est jugé ? Ecoutez, en effet, ce que dit le Sauveur : « Celui qui ne
croit pas est déjà jugé. » Le jugement n'a pas encore été rendu public, mais
il a déjà eu lieu, car le Seigneur connaît ceux qui lui appartiennent, il
connaît ceux à qui est réservée la couronne et ceux qu'attendent les flammes
éternelles. — S. Jean Chrysostome : (hom.
28). Ou bien encore, il s'exprime de la sorte, parce que l'incrédulité est
elle-même un châtiment pour l'âme impénitente, car quel plus grand supplice
eu soi que d'être placé en dehors de la lumière ? Ou bien Notre Seigneur ne
fait que prédire ce qui doit arriver : celui qui s'est rendu coupable
d'homicide avant même la sentence du juge qui le condamne, est déjà condamné
par la nature même de son crime; il en est de même de l'incrédule, et c'est
ainsi qu'Adam mourut le jour où il mangea du fruit de l'arbre de la science
du bien et du mal. S. Grégoire : (Mor., 26, 20). On peut encore donner cette
explication. Au dernier jugement, il en est qui périront sans être jugés, et
c'est d'eux qu'il est dit ici : « Celui qui ne croit pas est déjà jugé, » car
alors on ne discutera pas la cause de ceux qui se présenteront devant le
tribunal du Juge sévère avec la condamnation que leur aura méritée leur
incrédulité; ce sont ceux qui ont toujours professé la vraie foi, mais dont
les œuvres ne seront pas conformes à la foi qui seront jugés et condamnés.
Quant à ceux qui n'ont jamais cru aux mystères de la foi, ils n'entendront
point les reproches du juste Juge au dernier jour, ils ont été jugés par
avance au milieu des ténèbres de leur incrédulité, et ils ne méritent même
pas d'être convaincus et condamnés par celui qu'ils ont dédaigné de
connaître. Le prince qui se trouve à la tète d'un royaume, punit différemment
un de ses sujets coupables, et l'ennemi qui l'attaque au dehors; pour le
premier, il examine et discute ses droits; quant à l'ennemi, il lui déclare
la guerre, et lui inflige le châtiment que mérite sa méchanceté sans examiner
les prescriptions de la loi contre son crime, car pourquoi punir au nom de la
loi celui qui n'a jamais pu se soumettre à la loi ? Alcuin : Mais pour quelle raison celui qui ne croit
point est-il déjà jugé ? La voici : « Parce qu'il ne croit point an nom du
Fils unique de Dieu, » car c'est par ce nom seul qu'on peut être sauvé. Dieu
n'a pas un grand nombre de Fils qui puissent sauver, il n'a que ce Fils
unique pour être le Sauveur des hommes. — S. Augustin : (du bapt. des enf., chap. 33). Où donc
placerons-nous les enfants qui ont reçu le baptême, si ce n'est parmi ceux
qui ont fait profession de la foi chrétienne ? c'est une grâce qui leur est
acquise, et par la vertu du sacrement, et par l'engagement que contractent
ceux qui les présentent. Par la même raison, nous plaçons les enfants qui
n'ont pus été baptisés parmi ceux qui n'ont pas eu la foi. Versets 19-21.
Alcuin : Notre Seigneur fait connaître à la fois la
cause de l'incrédulité des hommes et celle de leur condamnation : « Or, la
cause de cette condamnation est que la lumière est venue dans le monde, »
etc. — S. Jean Chrysostome : (hom.
28). C'est-à-dire, ils n'ont eu besoin ni de recherches, ni d'efforts pour
trouver la lumière, la lumière elle-même est venue vers eux sans qu'ils aient
été à sa rencontre : « Et ils ont mieux aimé les ténèbres que la lumière. »
Voilà ce qui rend les hommes tout à fait inexcusables. Le Sauveur est venu
les arracher aux ténèbres et les conduire à la lumière, comment donc peut-on
avoir pitié de celui que la lumière vient trouver et qui refuse de
s'approcher de cette lumière ? S. Bède : Cette lumière, c'est Notre Seigneur lui-même,
dont l'Evangéliste a dit plus haut : « Il était la vraie lumière, » etc.
(Jean, 1). Les ténèbres sont les péchés. — S. Jean Chrysostome : (hom. 28). Cette haine de la lumière devait
paraître une chose incroyable pour plusieurs (car il n'est personne qui
préfère les ténèbres à la clarté), il fait donc connaître la cause de cet
aveuglement : « Car leurs œuvres, ajoute-t-il, étaient mauvaises. » S'il
était venu pour juger les hommes, cette haine de la lumière aurait eu quelque
raison, car celui qui a conscience de ses crimes, cherche à fuir le juge qui
doit le condamner, mais les coupables se présentent sans crainte devant celui
qui n'a pour eux que des paroles de pardon. Quoi de plus naturel donc pour
les hommes dont la conscience était chargée de si grands crimes, d'aller
au-devant du Sauveur, qui leur apportait le pardon ? C'est ce que plusieurs
ont fait, et nous voyons les publicains et les pécheur; venir s'asseoir à la
même table que Jésus. Mais il en est dont la mollesse est si grande, que
leurs mains tombent de langueur devant les travaux de la vertu, et qu'ils
persévèrent dans le mal jusqu'à la fin de leur vie; Notre Seigneur flétrit
ouvertement celte lâcheté : « Quiconque fait le mal, hait la lumière, » ce
qui est vrai de ceux qui veulent obstinément persévérer dans le mal. — Alcuin : « Tout homme qui fait le mal
hait la lumière, c'est-à-dire, que celui qui est dans la résolution de
pécher, qui aime le péché, hait par-là même la lumière qui découvre le péché.
— S. Augustin : (Confess., 10, 23).
Les hommes ne peuvent souffrir d'être trompés, et ils veulent tromper, voilà
pourquoi ils aiment la lumière quand elle se découvre, et la détestent quand
elle les découvre eux-mêmes. La juste punition de cet aveuglement sera que la
lumière les mettra en évidence malgré eux, pendant qu'elle-même leur sera
cachée. Ils aiment donc la lumière de la vérité, mais ils ne peuvent souffrir
ses censures : « Et il ne vient point à la lumière, de peur que ses œuvres ne
soient découvertes. » — S. Jean
Chrysostome : (hom. 28). On ne songe point à reprendre de ses vices celui
qui vit dans l'idolâtrie, les dieux qu'il adore sont esclaves des mêmes
vices, et ses œuvres sont conformes à ses croyances. Les disciples de
Jésus-Christ, au contraire, qui mènent une vie déréglée, sont accusés par tous
les gens de bien; mais y a-t-il des païens qui soient vraiment vertueux ? Je
n'en connais point quant à moi. Ne me citez pas, en effet, des hommes qui
sont naturellement doux et honnêtes (ce n'est point là de la vertu), mais
montrez-moi un homme qui soutient un rude combat contre ses passions, et vit
selon les règles de la sagesse, cela vous est impossible. La promesse d'un
royaume éternel, la menace de l'enfer, et tant d'autres vérités non moins
importantes suffisent à peine pour retenir les hommes dans la pratique du
bien, comment voulez-vous que ceux qui n'ont aucune de ces convictions aient
quelque ardeur pour la vertu ? Vous rencontrez peut-être chez quelques-uns
d'entre eux des vertus apparentes, qui n'ont pour motif que l'amour de la
gloire. Aussi dès qu'ils peuvent espérer qu'ils ne seront point découverts,
ils ne se font aucun scrupule de suivre tous leurs mauvais désirs. Or, à quoi
leur sert d'être tempérants, de ne point ravir le bien d'autrui, s'ils sont
esclaves de la vaine gloire ? Ce n'est point là de la vertu, l'esclave de la
vaine gloire n'est pas moins coupable que le fornicateur, et cette passion
lui fait commettre des fautes, et plus nombreuses et plus graves. Mais
admettons qu'il y ait chez les païens quelques hommes vertueux, cela ne contredit
nullement ce que nous disons, parce que ces hommes vertueux sont rares et
forment l'exception. S. Bède : Dans le sens moral, ceux qui préfèrent les
ténèbres à la lumière, sont ceux qui poursuivent de leur haine et de leurs
calomnies, les prédicateurs qui leur enseignent la saine doctrine. « Mais celui qui fait la vérité vient à la lumière, afin que ses
œuvres apparaissent. » — S. Jean
Chrysostome : (hom. 28). Notre Seigneur ne veut point parler ici de ceux
qui sont devenus chrétiens dès le commencement, mais uniquement de ceux qui,
parmi les Juifs et les Gentils, devaient embrasser la vraie foi, et il veut
nous enseigner qu'il est impossible à celui qui vit dans l'erreur, de prendre
la résolution d'embrasser la vraie foi, à moins d'être décidé tout d'abord à
mener une vie vertueuse et pure. — S.
Augustin : (du bapt. des enf). Notre Seigneur dit que les œuvres de celui
qui vient à la lumière sont faites en Dieu, parce qu'il comprend que sa
justification est l'œuvre, non de ses mérites, mais de la grâce de Dieu. S. Augustin : (Traité 12 sur S. Jean). Mais si Dieu a
trouvé mauvaises toutes les œuvres des hommes, comment se fait-il que
quelques-uns ont obéi à la vérité, et sont venus à la lumière qui est
Jésus-Christ ? « Ils ont mieux aimé, dit plus haut le Sauveur, les ténèbres
que la lumière, » là est le point important. Il en est beaucoup qui ont aimé
leurs péchés, il en est beaucoup qui les ont confessés. Dieu accuse vos
péchés, si vous les accusez vous-même, vous faites cause commune avec Dieu.
Il faut que vous haïssiez en vous ce qui est votre œuvre, et que vous aimiez
en vous l'œuvre de Dieu. Le commencement des bonnes actions, c'est de
confesser les mauvaises : alors vous faites la vérité, vous ne vous écoutez
pas, vous ne vous flattez pas; vous approchez volontiers de la lumière, car
jamais votre péché ne vous déplairait, si Dieu ne faisait briller sa lumière
à vos yeux et ne vous découvrait sa vérité. Or, on peut se placer dans la
vérité de la confusion et s'approcher de la lumière par la pratique des
bonnes œuvres, même quand il ne s'agit que de ces péchés légers de paroles ou
de pensées, ou de l'usage immodéré des choses permises, parce qu'en effet,
ces péchés légers, s'ils se multiplient et qu'on n'y fasse aucune attention,
donnent la mort. Bien petites sont les gouttes d'eau qui remplissent le
fleuve, bien petits sont les grains de sable, et cependant, ayez à porter une
masse de grains de sable, c'est un poids qui vous écrasera. Une ouverture
qu'on néglige dans la cale d'un vaisseau, produit les mêmes effets qu'une
masse d'eau qui fait irruption; cette eau entre peu à peu dans la cale, mais
à force d'entrer sans qu'on songe à l’épuiser, elle coule à fond le vaisseau.
Or, au sens moral, épuiser l'eau c'est empêcher par nos bonnes oeuvres, par
nos gémissements, nos jeûnes, nos aumônes, le pardon des injures, que nous ne
soyons accablés sous le poids écrasant de nos fautes. Versets 22-26.
S. Jean Chrysostome : (hom. 29). Rien qui marche plus à découvert,
comme aussi rien de plus fort que la vérité; elle ne cherche pas à se cacher,
elle ne craint aucun danger, ne redoute aucune embûche, elle ne désire point
la gloire que donne le grand nombre, et n'est soumise à aucune des faiblesses
humaines. C'est ainsi que Notre Seigneur venait à Jérusalem aux jours de
fête, non pour se produire ou par amour de la gloire, mais pour communiquer à
un plus grand nombre ses divins enseignements, et opérer des miracles dans
leur intérêt. Après que les fêtes étaient passées, il se rendait
ordinairement sur les bords du Jourdain, où une foule considérable se
réunissait : « Après cela, Jésus vint avec ses disciples dans la terre de
Judée, » etc. — S. Bède : Ces
paroles : « Après cela, » ne signifient pas immédiatement après l'entretien
avec Nicodème, qui eut lieu à Jérusalem; et il s'écoula un certain espace de
temps, avant que Jésus revînt de la Galilée en Judée. Alcuin : Le mot Judée signifie ceux qui confessent et
qui reçoivent la visite de Jésus-Christ, car là où il trouve la confession
des péchés ou des louanges divines, Jésus s'y rend avec ses disciples
(c'est-à-dire suivi de sa doctrine et de ses lumières), et il demeure dans
cette âme pour la purifier de ses crimes : « Et il y demeurait avec eux et il
baptisait. » — S. Jean Chrysostome : (hom.
29). Gomme l'Evangéliste déclare plus bas que Jésus ne baptisait pas, mais
ses disciples, il est évident qu'il faut entendre également que ses disciples
seuls baptisaient. — S. Augustin : (Traité
13 sur S. Jean).. Le baptême que donnait le Sauveur après qu'il fut baptisé
n'était pas celui qu'il avait reçu; il avait voulu être baptisé par son
serviteur pour nous tracer la voie de l'humilité et nous conduire jusqu'au
baptême du Seigneur, c'est-à-dire à son baptême, mais Jésus baptisait comme
étant lui-même Seigneur, le Fils de Dieu. S. Bède : Jean continue de baptiser alors même que
Jésus baptise, les ombres ne sont pas encore entièrement dissipées, et le
précurseur ne doit cesser son ministère que lorsque la vérité se manifestera
dans tout son jour : « Or, Jean baptisait à Ænon,» etc. Ænon veut dire eau,
en hébreu et l'Evangéliste donne pour ainsi dire la signification de ce nom
en ajoutant : « Parce qu'il y avait là beaucoup d'eau. » Salem est une petite
ville située sur les bords du Jourdain, et où Melchisédech régna autrefois.
—S. JER. (Lettre 126 à Evagr). Peu importe qu'on dise Salem ou Salim, les
Hébreux emploient très rarement les voyelles au milieu des mots, et les mêmes
mots ont une prononciation et un accent tout différents suivant la volonté
personnelle des lecteurs ou la diversité des pays. « Et plusieurs y venaient se faire baptiser. » — S. Bède : Le baptême de Jean avait avant le baptême de
Jésus-Christ la même efficacité que les enseignements de-la foi qui sont
donnés aux catéchumènes, Il prêchait la pénitence, annonçait le baptême de
Jésus-Christ, et attirait les hommes à la connaissance de la vérité qui
venait de se manifester au monde; c'est ainsi que les ministres de l'Eglise
commencent par enseigner ceux qui veulent embrasser la foi, ils leur font
voir ensuite l'énormité de leurs péchés, leur en promettent la rémission par
le baptême de Jésus-Christ, et les attire ainsi à la connaissance et à
l'amour de la vérité. S. Jean Chrysostome : (hom. 29). Pendant que les disciples de
Jésus baptisent, Jean Baptiste continue de baptiser lui-même jusqu'à son
incarcération, comme l'indique l'Evangéliste en ajoutant : « Car Jean n'avait
pas encore été mis en prison. » — S.
Bède : Nous voyons ici clairement que cet Evangéliste raconte les faits
de la vie de Jésus-Christ qui ont précédé la captivité de Jean-Baptiste. Ces
faits ont été passés sous silence, par les autres Evangélistes qui commencent
leur récit par les événements qui suivirent cette incarcération. — S. Augustin : (Traité 13 sur S. Jean).
Or pourquoi Jean baptisait-il ? Parce qu'il fallait que le Christ fût
baptisé. Mais le Sauveur ne fut pas le seul qui fut baptisé par le
précurseur, afin que le baptême de Jean ne parût point supérieur au baptême
du Seigneur.— S. Jean Chrysostome : (hom.
29). Pourquoi encore continuait-il de baptiser jusqu'alors ? S'il avait cessé
débaptiser, on eût attribué sa conduite à un sentiment de jalousie ou de
mécontentement. Au contraire en continuant de baptiser, il ne cherchait point
sa propre gloire, mais il envoyait de nouveaux disciples à Jésus-Christ; et
sa parole avait mille fois plus d'efficacité que celle des disciples du
Sauveur, car son témoignage était à l'abri de tout soupçon, et sa réputation
était beaucoup plus grande aux yeux de tous. Il baptisait encore pour ne pas
augmenter l'esprit de rivalité de ses disciples. Je pense du reste que Dieu
permit la mort de Jean-Baptiste, et que Jésus ne commença qu'après la mort du
précurseur le cours de ses prédications, afin que l'affection du peuple tout
entier lui fût acquise, les esprits n'étant plus partagés sur le mérite
respectif de l'un et de l'autre. En effet, les disciples de Jean
nourrissaient des sentiments de jalousie contre les disciples de
Jésus-Christ, et contre Jésus-Christ lui-même; dès qu'ils virent que les
disciples du Sauveur baptisaient, ils engageront une discussion avec ceux qui
recevaient leur baptême, discussion qui avait pour objet la supériorité du
baptême de Jean sur celui des disciples de Jésus-Christ : « Or, il s'éleva
une question entre les disciples de Jean et les Juifs, » etc. Ce furent les
disciples de Jean et non les Juifs qui soulevèrent cette question. Ce que
l'Evangéliste fait entendre en disant que cette question s'éleva, non parmi
les Juifs, mais entre les disciples de Jean et les Juifs. S. Augustin : (Traité 13).Les Juifs soutenaient
probablement que Jésus était supérieur à Jean, et qu'on devait recevoir son
baptême; les disciples du précurseur, au contraire, ne comprenant pas encore
cette supériorité, défendaient le baptême de leur maître. On vint donc
trouver Jean-Baptiste pour qu'il décidât la question : « Les premiers étant
venus trouver Jean, lui dirent : Maître, celui qui était avec vous au delà du
Jourdain, baptise, » etc. — S. Jean
Chrysostome : (hom. 29). C'est-à-dire, celui que vous avez baptisé; mais
ils se gardent bien de s'exprimer de la sorte, car alors ils eussent été
forcés de rappeler aussi la voix qui se fit entendre au-dessus de lui; ils se
contentent donc de dire : « Celui qui était avec vous, celui qui était
confondu avec vos disciples, qui n'avait rien qui le distinguât de nous, se
sépare maintenant de vous, et baptise lui-même. Ils ajoutent : A qui vous
avez rendu témoignage. » C'est-à-dire celui dont vous avez manifesté la
gloire, sur qui vous avez attiré les regards, ose remplir le même ministère
que vous; car que signifient ces paroles : « Voilà qu'il baptise ? » Et ce
n'est point le seul grief qu'ils formulent contre Jésus auprès de son
précurseur, ils se plaignent encore de voir ses disciples perdre de leur
considération, et leur nombre diminuer de jour en jour. « Et tous vont à lui.
»— Alcuin : C'est-à-dire, tous
vous abandonnent et courent se foire baptiser par celui que vous avez
baptisé. Versets 27-30.
S. Jean Chrysostome : (hom. 29). Aux questions que lui font ses
disciples, Jean-Baptiste ne répond point par de sévères reproches, dans la
crainte qu'en se séparant de lui, ils ne se portent à une autre extrémité, il
leur parle donc en termes très-modérés : « Jean répondit : L'homme ne peut
rien recevoir s'il ne lui a été donné du ciel. » C'est-à-dire, si la personne
de Jésus-Christ est environnée d'un éclat extraordinaire, si tous
s'empressent à l'envi autour de lui, il ne faut pas vous en étonner, c'est
Dieu qui est l'auteur de ces merveilles. Ce qui est purement humain, se
découvre facilement, est faible et passe avec rapidité, mais telle n'est
point la gloire de Jésus-Christ, ce n'est point ici l'œuvre de l'homme, tout
est empreint d'un caractère divin. Ne soyez pas surpris s'il ne parle point
du Sauveur en termes plus relevés, ses disciples étaient dominés par un
sentiment trop vif de jalousie pour qu'il fût opportun ou même possible de
les enseigner à fond; il veut donc simplement leur inspirer un sentiment de
crainte, en leur montrant qu'ils tentent l'impossible et se mettent en opposition
avec Dieu. — S. Augustin : (Traité
13) On peut dire encore que Jean veut parler ici de lui-même : Comme homme,
j'ai tout reçu du ciel; si donc je dois à Dieu d'être quelque chose,
voulez-vous donc que je m'annihile moi-même en parlant contre la vérité ? S. Jean Chrysostome : (hom. 29). Remarquez comme Jean-Baptiste
retourne contre eux le trait dont ils avaient voulu se servir contre
Jésus-Christ, ça disant : « Celui à qui vous avez rendu témoignage. » Il leur
répond : « Vous-mêmes, vous m'êtes témoins que j'ai dit : Je ne suis point le
Christ, » c'est-à-dire, puisque vous croyez à la vérité de mon témoignage,
vous devez en conclure que je dois lui céder tout honneur. Il ajoute : « Mais
que j'ai été envoyé devant lui, » c'est-à-dire, je suis un simple ministre,
je fais connaître les ordres et la volonté de celui qui m'a envoyé, je ne
cherche pas à le flatter dans une pensée d'intérêt personnel, je n'ai d'autre
but que de remplir la mission que le Père m'a confiée. Alcuin : On pouvait lui faire cette difficulté :
Puisque vous n'êtes pas le Christ, qui êtes-vous donc ? ou quel est celui à
qui vous rendez témoignage ? Il répond : Il est l'Epoux, et je suis, moi,
l'ami de l'Epoux, et envoyé devant lui pour préparer son Epouse à le recevoir
: « Celui qui a l'Epouse, est l'Epoux. » Cette Epouse, c'est l'Eglise formée
de toutes les nations, elle est vierge par l'intégrité de son âme, la
perfection de sa charité, l'unité de la foi catholique, la concorde qui est
le fruit de la paix, la pureté de son cœur et de son corps; elle a un Epoux
qui la rend mère tous les jours. — S.
Bède : C'est bien inutilement qu'une vierge a la pureté du corps, si elle
n'y joint la chasteté de l'âme. Mais pour cette épouse, Jésus-Christ se l'est
unie sur le lit nuptial du sein virginal de sa mère, et l'a rachetée du prix
de son sang. Théophylactus : Jésus-Christ est encore l'Epoux de toute âme
fidèle, et le lieu où se contracte cette union, c'est l'Eglise où l'âme
reçoit le saint baptême. Les arrhes que l'Epoux donne à l'Epouse sont la
rémission des péchés, la communication du Saint-Esprit; et il réserve pour
l'autre vie des dons plus parfaits à ceux qui en seront dignes. Nul autre ne
peut prétendre à l'honneur d'être l'Epoux, que Jésus-Christ seul. Tous les
docteurs sont des paranymphes comme le Précurseur; mais Dieu seul est la
source de tous les biens célestes, tous les autres ne sont que les ministres
dont il se sert pour répandre ces biens. S. Bède : Le Seigneur a donc confié son Epouse à son
ami, c'est-à-dire à l'ordre des prédicateurs qui doivent être pour elle
pleins de zèle, non dans leur intérêt, mais dans l'intérêt de Jésus-Christ.
Voilà pourquoi Jean-Baptiste ajoute : « Mais l'ami de l'Epoux qui se tient
debout et l'écoute, » etc. — S.
Augustin : (Traité 13). Il déclare donc : Ce n'est pas mon Epouse. Vous
demeurez donc étranger à la joie des noces ? Tout au contraire, répond-il, je
partage la joie de l'Epoux, parce que je suis son ami. — S. Jean Chrysostome : (horn. 29). Mais comment Jean-Baptiste, qui
avait dit précédemment : « Je ne suis pas digne de dénouer les courroies de
sa chaussure, » se proclame maintenant son ami ? Ce n'est pas qu'il prétende
à l'honneur d'être son égal, il veut simplement exprimer la plénitude de son
allégresse; car la joie des serviteurs, dans ces circonstances, est loin
d'être aussi grande que celle des amis. C'est encore par condescendance pour
la faiblesse de ses disciples, qu'il se dit l'ami de Jésus-Christ; ils
s'imaginaient que tout ce qui se passait le blessait vivement; il leur fait
voir que loin d'en être blessé, il est au comble de la joie, si l'Epoux est
connu de son Epouse. S. Augustin : (Traité 13). Mais pourquoi se tient-il
debout ? parce qu'il ne tombe pas; et pourquoi évite-t-il de tomber ? parce
qu'il est humble. Voyez comme il s'appuie sur un terrain solide : « Je ne
suis pas digne de dénouer les courroies de ses souliers. » Il se tient debout
et l'écoute; s'il venait à tomber, il ne l'entendrait pas, l'ami de l'Epoux
doit donc se tenir debout et l'écouter, c'est-à-dire persévérer dans la grâce
qu'il a reçue, et écouter la voix qui le remplit d'allégresse. Je ne me
réjouis pas, dit-il, de ce que j'entends ma voix, mais de ce que j'entends la
voix de l'Epoux; ma joie c'est d'entendre, comme la sienne est de parler; je
suis l'oreille, il est la parole. Celui qui est chargé de garder la fiancée
ou l'épouse de son ami, veille avec soin à ce qu'elle ne donne son affection
à aucun autre. Mais s'il consentait lui-même a prendre dans son cœur la place
de son ami, et qu'il abusât du dépôt qui lui est confié, ne serait-il pas un
objet d'horreur pour le genre humain tout entier ? Combien je vois
d'adultères qui veulent posséder cette Epouse qui a été achetée à un si grand
prix, et dont toutes les paroles tendent à obtenir une affection qui n'est
due qu'à l'Epoux ? S. Jean Chrysostome : (hom. 29). Ou bien encore, ces paroles : «
Qui se tient debout, » ont un sens particulier, et signifient que le
ministère de Jean-Baptiste est à son terme, et qu'il ne lui reste plus qu'à
se tenir debout et à écouter. Il passe ici de la figure à l'objet figuré, il
a pris pour comparaison l'époux et l'épouse, il montre comment se fait leur
union, c’est-à-dire par la voix et par la doctrine : « Car la foi vient de ce
qu'on a entendu, et on a entendu, parce qu'on prêche la parole de Dieu. » (Rm
10) Et comme il voit toutes ses espérances réalisées, il ajoute : « Cette
joie est donc pleinement réalisée pour moi, » c'est-à-dire l'œuvre qui m'a
été confiée est pleinement accomplie, et il ne me reste plus rien à faire. — Théophylactus : Je me réjouis donc de
ce que tous s'empressent de tourner vers lui leurs regards. Si l'épouse
(c'est-à-dire le peuple), ne se fût pas approchée de l'Epoux, moi, son ami,
son paranymphe, je serais dans la douleur. — S. Augustin : (Traité 14). Ou bien encore, ma joie est au comble,
parce qu'il m'est donné d'entendre la voix de l'Epoux. C'est la faveur que je
désirais, je n'en réclame pas d'autre, de peur de perdre la grâce que j'ai
reçue. Car celui qui cherche sa joie en lui-même sera toujours triste, mais
celui qui la place en Dieu ne verra jamais cesser sa joie, parce que Dieu est
éternel. — S. Bède : L'homme se
réjouit d'entendre la voix de l'Epoux, lorsqu'il comprend qu'il doit placer
sa joie, non dans sa propre sagesse, mais dans la sagesse qu'il a reçue de
Dieu; car celui-là seul est l'ami de l'Epoux, qui ne recherche pour prix de
ses bonnes œuvres ni la gloire, ni les louanges, ni les avantages de la
terre, mais ne se propose que les récompenses éternelles. S. Jean Chrysostome : (hom. 29). Jean-Baptiste veut éteindre dans
le cœur de ses disciples tout sentiment d'envie, non-seulement pour le
présent, mais pour l'avenir, et il ajoute : « Il faut qu'il croisse et que je
diminue, » c'est-à-dire, ma mission et mon ministère touchent à leur fin,
tandis que la mission et la gloire de Jésus doivent toujours aller en
croissant. — S. Augustin : (Traité
14). Mais que signifient ces paroles : « Il faut qu'il croisse ? » Dieu ne
peut ni croître ni diminuer; Jean-Baptiste et Jésus, sous le rapport de la
naissance temporelle, étaient contemporains, et les quelques mois qui
séparaient l'une de l'autre ne faisaient pas une différence d'âge. Ces
paroles renferment un grand mystère; avant la venue du Seigneur, les hommes
mettaient toute leur gloire en eux-mêmes, il est venu et s'est fait homme
pour diminuer la gloire de l'homme, et accroître la gloire de Dieu. Il est
venu, en effet, pour pardonner les péchés à l'homme, à la condition qu'il les
confesserait. Or, l'homme s'humilie quand il confesse ses péchés, et Dieu s'élève,
pour ainsi dire, quand il exerce la miséricorde. Cette vérité se trouve
exprimée dans la mort différente de Jésus-Christ et de Jean-Baptiste; Jean
fut diminué de la tête, et Jésus fut élevé en croix. Remarquez encore que
Jésus vint au monde, lorsque les jours commencent à croître, tandis que la
naissance de Jean eut lieu lorsqu'ils commencent à décroître. Que la gloire
de Dieu croisse donc dans notre âme, et que notre propre gloire
s'amoindrisse, pour qu'elle puisse elle-même s'accroître en Dieu. Or, plus
vous avancez dans la connaissance de Dieu, plus aussi Dieu paraît croître en
vous; car il ne peut croître en lui-même, puisqu'il est parfait de toute
éternité. Lorsque les yeux d'un aveugle sont guéris de leur cécité, il
commence d’abord par voir un peu la lumière; le jour suivant, il la voit
davantage, la lumière paraît croître pour lui; cependant elle a toute sa
plénitude, toute sa perfection, qu'il la voie ou qu'il ne la voie point;
ainsi l'homme intérieur fait des progrès dans la connaissance de Dieu, et
Dieu paraît croître en lui, tandis qu'il s'amoindrit lui-même et tombe, pour
ainsi dire, de sa propre gloire, pour se relever dans la gloire de Dieu. Théophylactus : Ou bien encore, lorsque le soleil paraît, la
lumière des antres astres du ciel paraît s'éteindre, et cependant elle n'est
pas éteinte en réalité; elle est simplement éclipsée par une lumière plus
brillante; c’est ainsi que le Précurseur paraît éclipsé comme une étoile par
le soleil. Quant à Jésus-Christ, on le voyait croître successivement à mesure
qu'il se révélait par ses miracles, il ne croissait pas en vertus suivant
l'erreur insensée de Nestorius, mais il croissait en révélant successivement
les preuves de sa divinité. Versets 31-32.
S. Jean Chrysostome : (hom. 30). De même que le ver ronge le bois,
et la rouille le fer, ainsi la vaine gloire perd l'âme qui la nourrit et
l'entretient. Aussi devons-nous mettre tous nos soins à détruire en nous
celte malheureuse passion. Malgré tant de raisons convaincantes,
Jean-Baptiste peut à peine guérir ses disciples atteints de cette funeste
maladie, et il est comme obligé de leur apporter de nouvelles raisons : «
Celui qui vient d'en haut, est au-dessus de tous. » Puisque vous avez en si
grande estime mon témoignage, leur dit-il, et que vous ne voyez rien qui soit
plus digne de foi, sachez donc que ce n'est pas à celui qui habite la terre,
à recommander comme digne d'être cru celui qui vient du ciel. Tel est le sens
de ces paroles : « Il est au-dessus de tous, » c'est-à-dire, il se suffît à
lui-même, et sa grandeur est en dehors de toute comparaison. — Théophylactus : Jésus-Christ, en
effet, vient d'en haut et descend du Père, et il occupe une place si élevée
qu'elle le distingue et le sépare de tous les hommes. — Alcuin : Ou bien encore : « Il vient d'en haut, » c'est-à-dire
des hauteurs que la nature humaine occupait avant le péché du premier homme.
C'est sur ces hauteurs que le Verbe de Dieu a pris la nature humaine, dont il
a revêtu les peines, sans prendre la faute. « Celui qui tire son origine de la terre, est de la terre
(c'est-à-dire est terrestre), et parle de la terre » (c'est-à-dire des choses
terrestres). — S. Jean Chrysostome : (hom.
30). Cependant Jean-Baptiste ne venait pas tout entier de la terre, il avait
une âme et il participait de l'esprit, qui ne vannent point de la terre.
Pourquoi donc déclare-t-il qu'il vient de la terre ? Cette manière de
s'exprimer signifie simplement dans l'intention du Précurseur, qu'il est peu
de chose, parce qu'il vient de la terre, qu’il est né sur la terre, et qu'il
ne peut en aucune sorte entrer en comparaison avec Jésus-Christ qui est venu
du ciel : « Il parle de la terre, » non pas dans ce sens qu'il parle d'après
ses propres inspirations, mais comparativement à la doctrine de Jésus-Christ,
comme s'il disait : Ma personne, ma doctrine sont trop inférieures pour
entrer en comparaison avec la personne et la doctrine de Jésus-Christ; elles
sont ce qu'il convient d'être à la nature humaine et terrestre, comparée à
celui en qui sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la science de
Dieu. (Col 2, 3). — S. Augustin : (Traité
14). Ou bien, ces paroles : « Il parle de la terre, » doivent s'entendre de
l'homme qui suit ses propres inspirations; car lorsqu'il parle un langage
divin, c'est Dieu qui l'éclairé et qui l'inspire, comme le reconnaît le grand
Apôtre : « Ce n'est pas moi, mais la grâce de Dieu avec moi.» (1 Co 15, 10).
C'est-à-dire que Jean, considéré en lui-même, vient de la terre, et parle le
langage de la terre, et s'il vous a fait entendre le langage du ciel, ce
n'est point de lui-même, mais par un effet de la grâce qui l'a rempli de ses
lumières. S. Jean Chrysostome : (hom. 30). Jean-Baptiste, ayant étouffé tout
sentiment d'envie dans le cœur de ses disciples, leur parle de Jésus-Christ
avec une plus grande liberté, car tout ce qu'il aurait pu dire auparavant eut
été inutile, et n'eût point trouvé d'écho dans des esprits si mal disposés.
Il continue donc en ces termes : « Celui qui vient du ciel est au dessus de
tous. » — La Glose : C'est-à-dire
celui qui vient du Père est au-dessus de tous de deux manières :
Premièrement, au-dessus de la nature humaine, qu'il n'a prise que dans un
état exempt de péché, et secondement, parce qu'il partage l'élévation du Père
dont il est l'égal. S. Jean Chrysostome : (hom. 30). Après ces idées si hautes et si
relevées sur Jésus-Christ, Jean-Baptiste descend de ces hauteurs et parle,
pour ainsi dire, un langage plus humain : « Et ce qu'il a vu et entendu, il
en rend témoignage. » C'est par ces deux sens de l'ouïe et de la vue que nous
arrivons à une connaissance certaine de toutes choses, et nous sommes
regardés comme des maîtres dignes de foi, lorsque nous enseignons les choses
que nous avons vues ou entendues. Jean-Baptiste applique cette vérité à
Jésus-Christ en disant de lui : « Et ce qu'il a vu et entendu, il en rend
témoignage, » il établit ainsi que les paroles du Sauveur ne renferment
aucune erreur et qu'elles sont la vérité même. Quant à moi, semble-t-il dire,
j'ai besoin d'être instruit par celui qui vient du ciel, et j'annonce ce
qu'il a vu et entendu, c'est-à-dire les vérités dont il a seul une
connaissance entière et parfaite. — Théophylactus
: En entendant ces paroles : « Il rend témoignage de ce qu'il a vu et
entendu, » n'allez pas croire que le Fils de Dieu ait besoin d'apprendre
quelque chose de son Père; tout ce que le Fils connaît en vertu de sa nature
vient de son Père, et c'est en ce sens qu'il apprend de son Père tout ce
qu'il sait. Mais qu'est-ce que le Fils a pu entendre du Père ? Peut-être la
parole du Père ? Mais il est lui-même la parole, le Verbe du Père. — S. Augustin : (Traité 14). Lorsque
vous concevez la parole que vous devez dire, vous voulez exprimer une idée,
et la conception de cette idée est déjà une parole dans votre cœur. Or, de
même que vous avez dans votre cœur la parole que vous devez dire, et qu'elle
est vraiment en vous, ainsi Dieu a produit sa parole, son Verbe, c'est-à-dire
a engendré son Fils. Donc, comme le Verbe de Dieu est le Fils de Dieu et que
c'est le Fils de Dieu qui a parlé, celui qui parlait le Verbe du Père a voulu
nous faire connaître non sa parole, mais le Verbe, la parole du Père.
Jean-Baptiste a exposé ce mystère autant qu'il était nécessaire de le faire,
et de la manière la plus convenable. Versets 33-36.
S. Jean Chrysostome : Jean-Baptiste vient de dire expressément de
Jésus-Christ : « Il atteste ce qu'il a vu et entendu » pour défendre contre
l'accusation d'erreur les enseignements du Sauveur auxquels un si petit
nombre devait ajouter foi, comme il le déclare lui-même : « Et personne ne
reçoit son témoignage; » personne, c'est-à-dire un petit nombre de personnes;
car il avait des disciples qui ajoutaient foi à ses paroles. Jean-Baptiste
fait ici allusion à ceux de ses disciples qui ne croyaient pas encore en
Jésus-Christ et condamne en même temps l'indifférence coupable des Juifs.
C'est ce que l'Evangéliste avait dit lui-même au commencement de son Evangile
: « Il est venu chez lui, et les siens ne l'ont pas reçu. » (C'est-à-dire les
Juifs qui lui appartenaient d'une manière toute particulière). S. Augustin : (Traité 14). Ou bien encore, il est un
peuple qui est comme réservé à la colère de Dieu, et qui doit être condamné
avec le démon; personne, parmi ce peuple, ne reçoit le témoignage du Christ.
Jean-Baptiste a donc considéré cette division que la différence de
disposition et d'esprit établit dans ce mélange d'hommes qui composent le
genre humain, il a séparé par la pensée ceux que la distance des lieux n'a
point encore séparés, et il a vu deux peuples, le peuple des infidèles, et le
peuple qui a embrassé la foi. Il jette les yeux sur lès infidèles, et dit : «
Personne ne reçoit son témoignage.» Puis se détournant de la gauche, il
regarde à droite et ajoute : « Celui qui reçoit son témoignage atteste que
Dieu est véridique. » — S. Jean
Chrysostome : (hom. 30). C'est-à-dire prouve qu'il est véridique.
Jean-Baptiste veut inspirer ici une crainte salutaire en disant : « Que Dieu
est véridique, » et il montre par là qu'on ne peut refuser de croire en
Jésus-Christ sans accuser de mensonge et d'erreur Dieu qui l'a envoyé, parce
qu'il n'enseigne que la doctrine qu'il a reçue de son Père : « Car celui que
Dieu a envoyé, dit les paroles de Dieu. » — Alcuin : On peut encore entendre ces paroles : (signavit, il a
marqué d'une empreinte) dans ce sens qu'il a gravé dans son cœur un signe
distinct et spécial que Jésus est le vrai Dieu qui a souffert pour le salut
du genre humain. S. Augustin : (Traité 14). Que signifient ces paroles : «
Dieu est véridique, » si ce n'est que l'homme est menteur et que Dieu est le
seul qui soit vrai ? Quel est l'homme en effet, qui peut dire ce que c'est
que la vérité, s'il n'est éclairé par celui qui ne peut mentir. Dieu est donc
vrai, et Jésus-Christ est Dieu. En voulez-vous la preuve ? Recevez son témoignage
et tous la trouverez. Mais si tous ne le reconnaissez pas comme Dieu, vous
n'avez pas encore reçu son témoignage. Jésus est donc le Dieu Véridique, et
c'est Dieu qui l'a envoyé. C'est un Dieu qui a envoyé un Dieu, réunissez-les,
vous avez un seul Dieu. Ces paroles : « Celui que Dieu a envoyé, »
Jean-Baptiste les appliquait à Jésus-Christ, pour bien établir la distinction
qui existait entre le Sauveur et lui. Quoi donc ? Est-ce que Jean-Baptiste
n'était pas aussi l'envoyé de Dieu ? Oui, mais écoutez la suite : « Parce que
Dieu ne lui donne pas son esprit avec mesure. » Aux hommes, il la donne avec
mesure, à son Fils unique il le donne sans mesure. L'un reçoit de l'Esprit le
don de parler avec sagesse, l'autre reçoit du même Esprit le don de parler
avec science. (1 Co 12) Celui-ci reçoit une grâce, celui-là en reçoit une
autre. La mesure est une espèce de partage dans les dons, mais Jésus-Christ
ne reçoit pas avec mesure les grâces dont il est le principe et la source. S. Jean Chrysostome : (hom. 30). Par Esprit, Jean-Baptiste entend
ici l'opération de l'Esprit saint, et il veut nous apprendre que tous nous
avons reçu dans une certaine mesure cette divine opération de l'Esprit saint,
tandis que Jésus-Christ l'a reçue toute entière, comment donc avoir le moindre
soupçon contre sa parole ? Il ne dit rien qui ne soit de Dieu, qui ne soit de
l'Esprit saint; il ne parle point pour le moment du Dieu Verbe, et se
contente de confirmer sa doctrine par l'autorité du Père et de l'Esprit
saint; car les Juifs croyaient qu'il existe un Dieu et admettaient aussi
l'existence de l'Esprit saint, (sans en avoir toutefois une idée convenable)
mais ils ne connaissaient pas l'existence du Fils.— S. Augustin : (Traité 14). Il venait de dire du Fils : « Il ne
lui a pas donné i'Esprit avec mesure. » Il ajoute : « Le Père aime le Fils »
et encore : « Et il a tout remis entre ses mains » pour vous faire comprendre
toute l'étendue de ces paroles : « Le Père aime le Fils. » En effet, le Père
aime Jean ou Paul, et cependant il n'a pas tout remis entre leurs mains. Le
Père aime le Fils, mais comme un père aime son fils, non pas comme un maître
aime son serviteur; comme on aime non pas un fils adoptif, mais comme un fils
unique. C'est pour cela qu'il lui a tout remis entre ses mains, afin que la
grandeur du Fils soit égale à la grandeur du Père. Lors donc qu'il a daigné
nous envoyer son Fils, gardons-nous de penser qu'il nous ait envoyé quelqu'un
qui lui soit inférieur. Théophylactus : Ainsi donc, en vertu de sa divinité, Dieu a
tout donné à son Fils par nature et non par grâce; ou bien il a tout remis
entre ses mains, sous le rapport de son humanité, car Notre Seigneur Jésus-Christ
est le maître de tout ce qui existe dans le ciel et sur la terre. Alcuin : Puisque toutes choses ont été remises entre
ses mains, donc aussi la vie éternelle. C'est pour cela que Jean-Baptiste
ajoute : « Celui qui croit au Fils a la vie éternelle. » — S. Bède : La foi dont il est ici
question, n'est pas celle qui ne consiste qu'en paroles, mais la foi qui
reçoit sa perfection des œuvres. — S.
Jean Chrysostome : (hom. 31). Une veut donc point dire qu'il suffit de
croire au Fils pour avoir la vie éternelle, puisque Notre Seigneur déclare
lui-même expressément que ce ne sont pas ceux qui se contentent de dire :
Seigneur, Seigneur, qui entreront dans le royaume des cieux. Il nous apprend
encore que le blasphème contre l'Esprit saint, suffit pour précipiter dans
l'enfer. Ne croyons pas même que la foi pleine et entière au Père, au Fils et
au Saint-Esprit, suffise pour le salut, il faut y joindre une vie sainte et
une conduite exemplaire. Et comme le saint Précurseur sait que la menace des
châtiments a plus d'efficacité que la promesse des récompenses, il conclut
son discours par ces paroles : « Celui qui ne croit point au Fils ne verra
pas la vie, mais la colère de Dieu demeure sur lui. » Remarquez comme il fait
remonter au Père l'idée de châtiment, il ne dit pas : La colère du Fils, bien
qu'il soit juge lui-même, il ne parle que de la juste colère du Père pour
leur inspirer une crainte plus vive. Et il ne dit point : La colère de Dieu
demeurera en lui, mais : « Elle demeurera sur lui, » c'est-à-dire, qu'elle ne
le quittera jamais. Et pour qu'on ne pense pas qu'il ne s'agit ici que d'une
mort temporelle, il ajoute : « Il ne verra point la vie. » — S. Augustin : (Traité 14). Il ne dit
point : La colère de Dieu vient à lui, mais : « Elle demeure sur lui, » parce
que tous les hommes qui naissent à cette vie mortelle, portent avec eux la
colère de Dieu qui est tombée sur le premier Adam. Le Fils de Dieu est venu
sans avoir de péché, et il s'est revêtu de notre immortalité, et il a
souffert la mort pour nous rendre la vie. Celui donc qui refuse de croire au
Fils, mérite de voir demeurer sur lui cette colère de Dieu, dont l'Apôtre a
dit : « Nous étions par nature des enfants de colère. » (Ep 2) |
Caput 4 Lectio 1 [86018] Catena in Io., cap. 4 l. 1 Glossa.
Postquam ostendit Evangelista qualiter Ioannes repressit discipulorum
suorum invidiam, quam de profectu doctrinae Christi conceperant; hic ostendit
quomodo Christus declinavit Pharisaeorum malitiam, qui contra ipsum ex eadem
causa zelo invidiae movebantur; unde dicitur ut ergo cognovit Iesus quia
audierunt Pharisaei. Augustinus in Ioannem. Utique dominus, si sciret
Pharisaeos ita de se cognovisse quod plures discipulos faceret, et quod
plures baptizaret, ut eis hoc ad salutem valeret sequendi eum, non
relinqueret Iudaeam terram, sed propter illos maneret ibi; quia vero cognovit
eorum scientiam, simul et invidentiam, quia non hoc propterea didicerunt ut
sequerentur, sed ut persequerentur, abiit inde. Poterat quidem
et praesens ab his non teneri, si nollet; sed in omni re quam gessit ut homo,
hominibus in se credituris praebebat exemplum, quia unusquisque servus Dei
non peccat si secesserit in alium locum videns furorem se persequentium.
Fecit ergo hoc ille magister bonus, ut doceret, non ut timeret. Chrysostomus
in Ioannem. Hoc etiam fecit mitigans eorum invidiam. Conveniens est etiam
eum hoc fecisse, ut non discrederetur carnis dispensatio : si enim retentus
effugisset, in suspicionem devenisset veritas carnis. Augustinus. Fortassis
autem hoc moveat quod dictum est baptizabat plures quam Ioannes; et postea
subiectum est quamquam Iesus non baptizaret. Quid ergo? Falsum dictum erat,
et correctum est? Chrysostomus. Non autem ipse Christus baptizabat;
sed relatores volentes erigere eos qui audiebant, in invidiam, ita
annuntiabant, scilicet quod Christus plures baptizaret quam Ioannes. Sed
cuius gratia ipse non baptizaret, Ioannes praedixit dicens : ipse vos
baptizabit in spiritu sancto et igne. Nondum autem spiritum sanctum dabat :
decenter igitur nec baptizabat. Discipuli vero id agebant, volentes multos
adducere ad salutarem doctrinam : ut enim non semper circumeuntes
congregarent eos qui credituri erant, ut in Simone et fratre fecit, ideo
baptizare instituerunt. Nihil enim amplius habebat discipulorum Baptisma,
Ioannis Baptismate : utrumque enim expers erat ea quae ex spiritu est gratia;
et utrique una causa erat, scilicet adducere ad Christum eos qui
baptizabantur. Augustinus. Vel aliter. Utrumque verum est : quia Iesus
et baptizabat et non baptizabat : baptizabat enim, quia ipse mundabat; non
baptizabat, quia non ipse tingebat. Praebebant discipuli ministerium
corporis; praebebat ille adiutorium maiestatis, de quo dictum est : hic est
qui baptizat. Alcuinus. Solet autem quaeri si in Baptismo discipulorum
Christi spiritus sanctus daretur, cum dicatur : spiritus sanctus nondum erat
datus, quia Iesus nondum erat glorificatus. Sed sciendum, quia dabatur
spiritus, licet non ea manifestatione qua post ascensionem in linguis igneis
datus est; quia sicut ipse Christus in homine quem ferebat, semper habebat
spiritum, sed tamen postea super ipsum baptizatum visibiliter descendit
spiritus in specie columbae; sic ante manifestum et visibilem adventum
spiritus sancti quicumque sancti eum latenter habere potuerunt.
Augustinus ad Seleucianum. Intelligimus autem discipulos Christi iam
fuisse baptizatos sive Baptismo Ioannis, sicut nonnulli arbitrantur, sive,
quod magis credibile est, Baptismo Christi : neque enim ministerio baptizandi
defuit, ut haberet baptizatos servos per quos ceteros baptizaret, qui non
defuit illius humilitatis ministerio, quando eis lavit pedes.
Chrysostomus. Secedens autem Christus de Iudaea, rursus eisdem adhaeret
quibus et prius; unde subditur et abiit iterum in Galilaeam. Sicut autem
apostoli expulsi a Iudaeis ad gentes venerunt, ita et Christus ad Samaritanos
accedit; sed tamen omnem auferens a Iudaeis excusationem, non principaliter
ad eos vadit, sed quasi transiens; quod Evangelista occulte ostendit, dicens
oportebat autem eum transire per mediam Samariam. Accepit autem hanc
nominationem, quia mons Samariae Somer dicebatur, ab eo qui possedit; sed qui
ibi habitabant, olim non Samaritani, sed Israelitae vocabantur. Tempore autem
procedente offenderunt Deum, et rex Assyriorum ultra eos ibi manere non
permisit; sed in Babylonem et Medos duxit; in Samaria vero gentes ex diversis
locis ductas habitare fecit. Volens autem Deus ostendere quod non propter
imbecillitatem Iudaeos tradidit, sed propter peccata eorum qui traditi sunt;
immisit barbaris leones, qui eos laedebant. Annuntiata sunt haec regi, et
mittit sacerdotem quemdam, traditurum eis Dei leges. Sed tamen neque ita ex
toto ab impietate destiterunt, sed ex media parte. Etenim tempore procedente
rursus ad idola quidam resilierunt; venerabantur tamen Deum qui a monte
Samaritanos seipsos vocabant. Beda. Ideo autem oportebat ipsum
transire per Samariam, quia sita est inter Iudaeam et Galilaeam. Est autem
Samaria insignis provinciae Palaestinae civitas, adeo ut tota regio ei
sociata Samaria dicatur. Ad quem igitur ipsius regionis locum dominus
verterit, Evangelista ostendit; unde dicitur venit ergo in civitatem
Samariae, quae dicitur Sichar. Chrysostomus. Locus ille
erat ubi pro Dina, levi et Simeon gravem occisionem fecerunt.
Theophylactus. Postquam autem filii Iacob illam civitatem desertam
fecerunt, occidentes Sichimitas, hanc civitatem desertam tempore procedente
dedit Iacob in sortem Ioseph; unde dicitur : do tibi partem unam extra
fratres tuos, quam tuli de manu Amorrhaei, in gladio et arcu meo; et hoc est
quod subditur iuxta praedium quod dedit Iacob Ioseph filio suo. Sequitur erat
autem ibi fons Iacob. Augustinus in Ioannem. Puteus erat : sed omnis
puteus fons, non omnis fons puteus : ubi enim aqua de terra manat, et usum
praebet haurientibus, fons dicitur; sed si in promptu et superficie sit, fons
tantum dicitur; si autem in alto et in profundo sit, ita puteus vocatur ut
nomen fontis non amittat. Theophylactus. Quare autem Evangelista de
praedio et fonte facit mentionem? Primo quidem ut, cum audieris mulierem
dicentem quod pater noster Iacob dedit nobis hunc fontem, non admireris;
secundo ex commemoratione fontis et praedii edocemur quod ea quae patriarchae
propter fidem quam in Deo habebant, adepti sunt, Iudaei propter eorum
impietatem perdiderunt, et eorum loca gentibus tradita sunt : quare nihil
novi nunc accidit quod gentiles pro Iudaeis regnum caelorum consecuti sunt.
Chrysostomus in Ioannem. Christus igitur in Samariam accedens, facilem et
deliciosam vitam abiciens, laboriosam vero sequens, non subiugalibus utitur,
sed ita difficulter incedit ut ex itinere fatigetur; erudiens nos ita a
superfluis alienos esse ut multa necessaria abscindamus a nobis; et hoc
Evangelista ostendit, dicens Iesus ergo fatigatus ex itinere. Augustinus.
Invenimus Iesum fortem et infirmum : fortem, quia in principio erat
verbum; infirmum, quia verbum caro factum est. Sic ergo infirmus Iesus, ab
itinere fatigatus, sedebat super fontem. Chrysostomus. Quasi dicat :
non in throno aut pulvinari, sed simpliciter ut contingebat super terram.
Sessio autem propter laborem facta est, et ut expectaret discipulos, et
propter aestum refrigeraret corpus apud fontem; unde sequitur hora autem erat
quasi sexta. Theophylactus. Et ne quis incusaret dominum quare ipse
Samariam venerit, cum hoc discipulis suis prohibuerit, propter hoc dicit,
quod circa illum locum sedebat, scilicet ab itinere fessus. Alcuinus. Mystice
autem dominus reliquit Iudaeam, idest infidelitatem eorum qui eum
reprobaverunt, et per apostolos abiit in Galilaeam, idest in volubilitatem
huius mundi, docens suos transmigrare de vitiis ad virtutes. Praedium autem
non tam Ioseph quam Christo arbitror derelictum, cuius figuram Ioseph
portaverit; quem vere sol adorat et luna et omnes stellae. Ad hoc praedium
venit dominus, ut Samaritani, qui hereditatem sibi patriarchae Israel
vindicare cupiebant, agnoscerent, et converterentur ad Christum, qui est
patriarchae legitimus heres factus. Augustinus. Iter autem ipsius est
caro pro nobis assumpta : qui enim ubique est, quo it, nisi quia non ad nos
veniret nisi formam visibilis carnis assumeret? Ideo fatigatus ab itinere,
quid est aliud quam fatigatus in carne? Quare ergo hora sexta? Quia aetate
saeculi sexta. Computa tamquam unam horam, unam aetatem ab Adam usque ad Noe;
secundam a Noe usque ad Abraham; tertiam ab Abraham usque ad David; quartam a
David usque ad transmigrationem Babylonis; quintam usque ad Baptismum Ioannis;
inde sexta agitur. Augustinus Lib. 83 quaest. Hora
igitur sexta venit ad puteum dominus noster. Video in puteo tenebrosam
profunditatem. Admoneor ergo intelligere mundi huius infimas partes, idest
terrenas, quo venit dominus Iesus hora sexta, idest sexta aetate generis
humani, tamquam senectute veteris hominis, quo iubemur exui, ut induamur
novo; nam sexta aetas senectus est : quoniam prima est infantia, secunda
pueritia, tertia adolescentia, quarta iuventus, quinta grandaevitas. Hora
etiam sexta venit dominus ad puteum, idest medio die; unde iam incipit sol
iste visibilis declinare in occasum : quoniam nobis vocatis a Christo,
visibilium delectatio minuitur, ut invisibilium amore homo interior recreatus
ad interiorem lucem, quae numquam excidit, revertatur. Quod autem sedit,
humilitatem significat : vel quoniam solent sedere doctores, magistri
denuntiat personam. Lectio 2 [86019] Catena in Io., cap. 4 l. 2 Chrysostomus
in Ioannem. Ne quis dicat quoniam adversatur suo praecepto, Samaritanis loquens,
posuit Evangelista multas causas eius quae ad mulierem est locutionis : non
enim ad hoc venit antecedenter, ut Samaritanis loqueretur : non tamen quia
propter hoc non venit, advenientem ad se expellere oportebat; dicitur enim
venit mulier de Samaria haurire aquam. Vide quod et mulierem ostendit propter
aestum exeuntem ad aquam. Augustinus in Ioannem. Haec autem mulier forma
est Ecclesiae, non iustificatae, sed iam iustificandae. Pertinet autem ad
imaginem rei, quod ab alienigenis venit : Samaritani enim alienigenae
fuerunt, quamquam vicinas terras incolerent : ventura enim erat Ecclesia de
gentibus, et aliena a genere Iudaeorum. Theophylactus. Congrue autem
disputatio ad mulierem a siti sumpsit occasionem; sequitur enim dicit ei
Iesus : da mihi bibere : quia secundum humanitatem sitiebat et propter
laborem et propter aestum. Augustinus Lib. 83 quaest. Sitiebat etiam
Iesus mulieris illius fidem : eorum enim fidem sitit pro quibus sanguinem
fudit. Chrysostomus. Discimus autem domini non solum circa itinera
validum robur, sed etiam circa cibaria negligentiam : non enim discipuli eius
deferebant victualia; propter hoc enim subdit discipuli autem eius abierant
in civitatem, ut cibos emerent. Hinc etiam
Evangelista ostendit Christum humilem in eo quod solus relinquebatur. Et nimirum
poterat, si vellet, aut non omnes emittere, aut abeuntibus illis alios
ministros habere; sed noluit : etenim ita discipulos assuefecit omnem
superbiam conculcare. Sed fortasse dicet aliquis : quid magnum est si humiles
erant discipuli, piscatores existentes et tabernaculorum factores? Sed
repente facti sunt omnibus regibus reverentiores, collocutores et secutores
domini orbis terrarum. Maxime autem qui ex humilibus sunt, quando dignitates
quandoque assumpserint, facilius ad superbiam elevantur, velut inexperte se
habentes ad tantum honorem. Detinens igitur discipulos dominus in eadem
humilitate erudiebat eos ut per omnia se restringerent. Mulier ergo audiens
da mihi bibere, valde sapienter ad formandam interrogationem eum qui a
Christo accepit sermonem; unde sequitur dicit ergo illi mulier : quomodo tu
cum Iudaeus sis, a me bibere poscis, quae sum mulier Samaritana? Iudaeum
quidem eum esse aestimavit a figura et a locutione. Intuere vero qualiter
mulier inquisitiva erat. Etsi enim oportebat custodire Iesum, ut non
couteretur illi; non tamen oportebat illam custodire. Non enim dixit
Evangelista quod Samaritani Iudaeis non couterentur, sed subdit non enim
coutuntur Iudaei Samaritani. Iudaei igitur a captivitate revertentes zelotype
se ad Samaritanos habebant, sicut ad alienigenas et impugnatores. Neque etiam
Scripturis omnibus utebantur : solum enim ea quae Moysi sunt suspicientes,
prophetarum non multam curam habebant. Contendebant
etiam se in nobilitatem Iudaicam immittere : unde et Iudaei eos cum omnibus
gentibus abominabantur. Augustinus in Ioannem. Et omnino
eorum vasculis non utebantur Iudaei. Et quia ferebat secum mulier vasculum,
unde aquam hauriret, eo mirata est, quia Iudaeus petebat ab ea bibere, quod
non solebant facere Iudaei. Chrysostomus. Sed qualiter Christus
quaesivit ab ea bibere, lege non concedente? Si autem quis dixerit, quia
praesciebat eam non daturam; immo propter hoc neque petere oportebat. Est
igitur dicendum, quod ideo petiit, quia indifferens erat de reliquo tales
observantias praeterire. Augustinus. Ille autem qui bibere quaerebat,
sitiebat fidem ipsius mulieris; unde sequitur respondit Iesus, et dixit ei :
si scires donum Dei, et quis est qui dicit : da mihi bibere, tu forsitan
petisses ab eo, et dedisset tibi aquam vivam. Origenes in Ioannem. Nam
quasi dogma quoddam est, neminem accipere divinum donum ex non quaerentibus
illud : ipsum autem salvatorem iubet pater poscere, ut det illi, secundum
illud : postula a me, et dabo tibi gentes hereditatem tuam. Et ipse salvator
dicit : petite et dabitur vobis. Et ideo signanter dicit petisses et dedisset
tibi. Augustinus Lib. 83 quaest. Hic autem ei ostendit non se talem
aquam petisse qualem ipsa intellexerat; sed quia ipse sciebat fidem eius,
eidem sitienti spiritum sanctum dare cupiebat. Hanc enim recte intelligimus
aquam vivam, quod est donum Dei, sicut ipse ait si scires donum.
Augustinus. Dicitur enim vulgo aqua viva illa quae de fonte exit : illa
enim quae colligitur de pluvia in lacunas aut cisternas, aqua viva non
dicitur : et si de fonte manaverit, et in loco aliquo collecta steterit, nec
ad se illud unde manabat admiserit, sed in rupto meatu tamquam a fontis
tramite separata fuerit, non dicitur aqua viva. Chrysostomus in Ioannem. Spiritus
enim sancti gratiam quandoque Scriptura ignem, quandoque aquam vocat;
ostendens quoniam non substantiae sunt haec nomina repraesentativa, sed
actionis. Per ignis quidem appellationem erectivum et calidum gratiae, et
consumptivum peccatorum aenigmatice insinuat : per aquae vero nuncupationem
purgamentum quod est ex spiritu, et multum refrigerium recipientibus eum
mentibus ostendit. Theophylactus. Gratiam ergo spiritus sancti dixit
aquam vivam, idest vivificativam, refrigerativam et motivam. Nam gratia
spiritus sancti semper movet illum qui bona operatur, ascensiones in corde
suo disponens. Chrysostomus. Iterum autem dominus eam ab humili
suspicione erexit, qua existimabat eum unum multorum esse : multum enim
honorem tribuens, dominum vocat; sequitur enim dicit ei mulier : domine,
neque in quo haurias habes, et puteus altus est : unde ergo habes aquam
vivam? Augustinus in Ioannem. Videte quomodo intellexit aquam vivam,
scilicet aquam quae erat in illo fonte; quasi dicat : tu mihi vis dare aquam
vivam, et ego fero unde hauriam et tu non fers : de hac ergo aqua viva mihi
dare non potes, quoniam hauritorium non habes. Forte alium fontem promittis?
Sed numquid tu maior es patre nostro Iacob, qui dedit nobis puteum, et ipse
ex eo bibit, et filii eius, et pecora eius? Chrysostomus. Quasi dicat
: non potes dicere quod Iacob dedit nobis hunc fontem, et alio ipse usus est
: etenim ipse et sui ex eo bibebant : quod non esset, si meliorem alium
habuissent. De hoc igitur fonte dare non potes : alium autem meliorem non est
te habere, nisi confitearis te ipsum maiorem esse Iacob. Unde igitur habes
aquam quam promittis te daturum nobis? Theophylactus. Quod autem dicit
et pecora eius, ostensivum est abundantiae aquarum; quasi dicat : non solum
suavis est aqua, ut Iacob ex ea biberet et filii eius; sed etiam intantum est
abundans, ut tantae multitudini pecorum patriarchae sufficiat.
Chrysostomus. Vide autem qualiter seipsam impulit in nobilitatem Iudaicam.
Samaritani enim Abraham progenitorem suum dicebant, quasi a Chaldaea
existentem; sed et Iacob patrem vocabant, quasi ipsius existentem nepotem.
Beda. Vel patrem suum Iacob vocat, quia ipsa sub lege Moysi vixerat, et
praedium quod Iacob filio suo Ioseph dederat possidebat. Origenes in
Ioannem. Mystice autem fons Iacob Scripturae sunt; siquidem instructi in
Scripturis bibunt ut Iacob et filii eius; simplices autem et rudes bibunt
more pecorum Iacob. Lectio 3 [86020] Catena in Io., cap. 4 l. 3 Chrysostomus
in Ioannem. Cum mulier quaesivisset numquid maior es patre nostro Iacob? Non dixit
: maior sum, ne videretur gloriari; sed per ea quae subdit, hoc ostendit;
sequitur enim respondit Iesus, et dixit ei : omnis qui biberit ex aqua hac,
sitiet iterum; qui autem biberit ex aqua quam ego dabo ei, non sitiet in
aeternum; quasi dicat : si mirabilis fuit Iacob, quia hanc aquam dedit; si
dabo tibi multo hac potiorem, quid dices? Non autem ab accusatione, sed ex
supereminentia comparationem facit : non enim dicit quoniam haec aqua vilis
est et contemptibilis; sed id quod natura testatur, hoc ponit, scilicet omnis
qui bibit ex aqua hac, sitiet iterum. Augustinus in Ioannem. Quod
quidem verum est et de aqua sensibili, et de ea quam significat illa aqua :
etenim aqua in puteo voluptas est saeculi in profunditate tenebrosa : hic eam
hauriunt homines hydria cupiditatum : nam qui non praemiserit cupiditatem,
pervenire non potest ad voluptatem. Cum pervenerit quisque ad voluptatem
saeculi huius, numquid non iterum sitiet? Ergo de hac aqua qui biberit,
sitiet iterum. Si autem acceperit a me aquam, non sitiet in aeternum : nam
quomodo sitient qui inebriabuntur ab ubertate domus Dei? Promittebat ergo
venam quamdam in satietatem spiritus sancti. Chrysostomus. Hanc autem
excellentiam huius aquae, ut scilicet qui ex ea biberit, non sitiat in
aeternum, per ea quae consequuntur ostendit; sequitur enim sed aqua quam ego
dabo ei, fiet in eo fons aquae salientis in vitam aeternam; quasi dicat :
sicut qui fontem habet intra se positum, nequaquam afficietur siti; ita et
qui hanc aquam habet, scilicet quam ego ei dabo. Theophylactus. Nam
aqua quam ego tribuo, semper multiplicatur : semina enim et principium boni,
sancti sumunt per gratiam; ipsi vero negotiantur et operantur ad eius
augmentum. Chrysostomus. Vide autem qualiter mulier paulatim ad
dogmatum altitudinem ducitur : nam primum quidem aestimavit eum iniquum
quemdam esse Iudaeum : deinde audiens aquam vivam, suspicata est de sensibili
hoc dici : postea discens quoniam spiritualia erant quae dicebantur, credidit
quidem quoniam potest aqua sitis necessitatem tollere; nondum autem sciebat
quae esset haec aqua, sed quaerebat eam, superiorem sensibilibus aestimans;
unde subditur dicit ad eum mulier : domine, da mihi hanc aquam, ut non sitiam
neque veniam huc haurire. Et sic eum patriarchae Iacob praeponit, de quo tam
magnam opinionem habebat. Augustinus. Vel aliter. Adhuc illa mulier
carnem sapit : delectata est non sitire, et putabat hoc secundum carnem sibi
promissum esse a domino. Dederat autem Deus aliquando servo suo Eliae ut per
dies quadraginta nec esuriret, nec sitiret : qui hoc potuit dare per quadraginta
dies, non poterat dare semper? Delectata autem tali munere rogat ut ei aquam
vivam daret; unde sequitur dicit ad eum mulier : domine, da mihi hanc aquam,
ut non sitiam, neque veniam huc haurire. Ad laborem enim indigentia cogebat,
et laborem infirmitas recusabat : utinam audiret : venite ad me, omnes qui
laboratis et onerati estis, et ego vos reficiam. Hoc enim dicebat Iesus, ut
iam non laboraret; sed illa nondum intelligebat. Denique voluit dominus ut
intelligeret; unde sequitur dicit ei Iesus : vade, voca virum tuum, et veni
huc. Quid est hoc? Per virum suum ei volebat aquam illam
dare. An quia non intelligebat, per virum suum eam volebat docere? Forte
sicut apostolus dicit de mulieribus : si quae volunt discere, domi viros suos
interrogent. Sed ibi dicitur, ubi non est Iesus qui doceat; cum vero ipse
dominus aderat, quid opus erat ut per virum ei loqueretur? Numquid
per virum loquebatur Mariae, quae sedit ad pedes eius?
Chrysostomus in Ioannem. Quia igitur instabat mulier, accipere aquam
promissam quaerens, dicit ei Iesus : voca virum tuum : quasi ostendens
quoniam et illum oportet his communicare. Haec autem
festinans accipere, et rei turpitudinem occultans, adhuc aestimabat se ad
hominem loqui; unde sequitur respondit mulier, et dixit : non habeo virum.
Hoc audiens Christus opportune de reliquo redargutionem inducit; nam et
priores viros enumerat, et eum qui nunc occultabatur redarguit; unde sequitur
dicit ei Iesus : bene dixisti, quia non habeo virum. Augustinus
in Ioannem. Intelligas, revera istam mulierem non habuisse tunc virum; sed
utebatur nescio quo non legitimo viro; unde ei convenienter mysteria
loquitur, dicens quinque viros habuisti. Origenes in Ioannem. Vide
autem si possibile est fontem Iacob mystice totas esse Scripturas, aquam vero
Iesu ea pro quibus editae sunt; quae non est licitum omnibus perscrutari; eo
quod quae scripta sunt dictaverunt homines; quae vero oculus non vidit, nec
auris audivit, nec in cor hominis ascenderunt, in scriptis non possunt
redigi; sed ex fonte aquae salientis in vitam aeternam, idest ex spiritu
sancto, disciplinae patefiunt his qui nondum humanum cor gestant, sed possunt
dicere : nos sensum Christi habemus. Qui ergo non suscipit profunditatem
verborum, etsi ad modicum quieverit, denuo insistens dubitavit; qui autem
bibit de aqua Christi, ad hoc promovetur ut fons omnium quaesitorum prorumpat
in eo, sursum scaturizantibus aquis, et pervolante eius mente ad
consequentiam huius aquae, ad vitam aeternam. Volebat autem mulier sine aqua
Iacob, angelicam et super hominem discere veritatem : neque enim Angeli
indigent fonte Iacob ut bibant; sed quilibet in se habet fontem aquae
scaturientis in vitam aeternam ab ipso verbo; et hoc est quod subditur dicit
ei mulier : domine, da mihi hanc aquam. Sed impossibile est hic absque ea
quae hauritur ex fonte Iacob aquam capere quae datur a verbo : unde petenti
Samaritanae aquam videtur dicere Iesus, se illam praebere non alibi quam in
fonte Iacob; unde sequitur dicit ei Iesus : vade, voca virum tuum, et veni
huc. Si enim sitiamus, idoneum est primo pocula sumere ex fonte Iacob;
secundum autem apostolum, vir animae lex est. Augustinus Lib. 83 quaest. Quinque
autem viros, quinque libros qui per Moysen ministrati sunt, nonnulli
accipiunt. Quod autem dictum est et hunc quem habes, non est tuus vir, de
seipso dominum dixisse intelligunt, ut iste sit sensus : primo quinque libris
Moysi quasi quinque viris servisti : nunc autem quem habes, idest quem audis,
non est tuus vir, quia nondum in eum credidisti. Sed quoniam non credens
Christo, adhuc illorum quinque virorum, idest quinque librorum, copulatione
tenebatur, potest movere quomodo dici potuerit quinque viros habuisti, quasi
nunc eos iam non haberet. Deinde quomodo potest intelligi a quinque illis
libris recedere hominem ut ad Christum transeat, cum ille qui credit in
Christum, non relinquendos illos quinque libros, sed spiritualiter
intelligendos multo avidius amplectatur? Est ergo alius intellectus.
Augustinus in Ioannem. Videns enim Iesus quia mulier non intelligebat, et
volens eam intelligere, voca, inquit, virum tuum; idest, praesenta
intellectum tuum : cum enim ordinata fuerit vita, intellectus animam regit,
ad ipsam animam pertinens : non enim aliud aliquid quid est, quam anima, sed
aliquid animae est intellectus. Hoc ipsum animae quod intellectus et mens
dicitur, illuminatur luce superiore. Talis lux cum muliere loquebatur, et in
illa intellectus non aderat : ergo dominus, tamquam diceret : illustrare
volo, et non adest quem; voca, inquit, virum tuum; idest, adhibe intellectum,
per quem docearis quo regaris : et adhuc illa nondum vocato illo viro, non
intelligit. Videtur autem mihi quinque viros priores animae nos posse
accipere quinque sensus corporis : ante enim quam quisque possit uti ratione,
non regitur nisi sensibus carnis; sed cum coeperit anima capax esse rationis,
aut a sapiente mente regitur, aut ab errore; sed error non regit, sed perdit.
Post illos ergo quinque sensus mulier illa adhuc errabat : error ille non
erat legitimus vir, sed adulter. Dicit ergo dominus : tolle istum adulterum,
qui te corrumpit, et voca virum tuum, ut intelligas me. Origenes in
Ioannem. Ubi autem decebat confutari a Iesu putatum Samaritanae virum, non
esse virum, nisi apud fontem Iacob? Potest etiam intelligi, si vir animae lex
est, quod Samaritana secundum congruam acceptionem verborum legis, ritui
infidelium tamquam viro illegitimo se subiciebat. Revocatur autem ad verbum
veritatis, quod resurrecturum erat a mortuis, non deinceps moriturum. Lectio 4 [86021] Catena in Io., cap. 4 l. 4 Chrysostomus
in Ioannem. Mulier autem a Christo reprehensa, non contristata est, neque
dimittens fugit; sed admiratur magis, et immoratur; unde dicitur dicit ei
mulier : domine, video quia propheta es tu; quasi dicat : in hoc quod mihi
occulta dicis, ostenderis propheta esse. Augustinus in Ioannem. Etsi
coepit ad eam venire vir, nondum plene venit : prophetam dominum putabat.
Erat quidem et propheta : nam de seipso ait : non est propheta sine honore
nisi in patria sua. Chrysostomus. Deinde quia hoc suspicata est, nihil
mundanum eum interrogavit : non de corporis sanitate, non de vitiis; non
molestatur sitiendo, pro doctrina sollicita. Augustinus. Et incipit
quaerere quod illam solet movere, dicens patres nostri in hoc monte
adoraverunt; et vos dicitis, quia Hierosolymis est locus ubi adorare oportet.
Contentio quippe fuerat inter Samaritanos et Iudaeos : quia Iudaei in templo
a Salomone fabricato adorabant Deum, et ideo meliores se esse iactabant;
quibus Samaritani dicebant : quomodo iactatis vos quia templum habetis quod nos
non habemus? Numquid patres nostri, qui Deo placuerunt, in illo templo
adoraverunt? Melius ergo nos in hoc monte Deum rogamus, ubi patres nostri
Deum adoraverunt. Chrysostomus. Quod autem dicit patres nostri, eos
qui circa Abraham sunt intelligit : etenim illic aiunt filium suum obtulisse.
Origenes in Ioannem. Vel Samaritani montem, qui dicitur Garizim, iuxta
quem Iacob habitavit, sanctum reputantes, in eo Deum adorant; sed Iudaei
montem Sion sacrum quid arbitrantes, illum locum putant esse electum a Deo.
Verum, quia Iudaei, a quibus salus processit, exemplum sunt opinantium sanos
sermones, Samaritani vero diversimode opinantium; congrue Garizim quidem
Samaritani significant, quod vocatur distinctio, seu divisio; at Iudaei Sion,
quod est specula. Chrysostomus. Christus autem non solvit quaestionem
confestim, sed ad altiora mulierem trahit; de quibus non prius ei locutus
est, donec confessa est quoniam propheta est, ut cum multa certitudine audiat
de cetero quae dicuntur; unde sequitur dicit ei Iesus : mulier, crede mihi,
quia venit hora quando neque in monte hoc, neque in Hierosolymis adorabitis
patrem. Dicit autem crede mihi, quia ubique nobis opus est fide matre
bonorum, quae salutis est medicamentum, sine qua nihil magnorum est
possidere. Sed qui tentant, assimilantur his qui sine navi pelagus tentant
transire : qui parum quidem natare sufficiunt, ultra vero procedentes cito
merguntur. Augustinus in Ioannem. Merito autem iam praesente
viro audit mulier crede mihi. Iam enim est in te qui credat :
coepisti adesse intellectu, sed nisi credideritis non intelligetis. Alcuinus. Quod
autem dicit venit hora, tempus evangelicae doctrinae quod iam instabat dicit,
quando ablata omni umbra figurarum, veritas pura luce mentes credentium
illustratura erat. Chrysostomus in Ioannem. Supervacuum autem erat
Christo docere propter quid patres in monte et Iudaei in Hierosolymis
adorabant : ideo hoc tacuit; verumtamen reverentiores Iudaeos indicavit, non
a loco, sed a cognitione; unde subdit vos adoratis quod nescitis, nos adoramus
quod scimus, quia salus ex Iudaeis est. Origenes in Ioannem. Quod dico
vos quantum ad vocem, Samaritani, quantum ad anagogem, qui erga Scripturas
alienae sunt opinionis. Nos quoque quo ad verbum Iudaei, quo ad allegoriam
vero ego verbum, et qui vere secundum me formati sunt, obtinentes salutem ex
dictis Iudaicis. Chrysostomus. Samaritani quidem quod nesciebant
adorabant, quoniam localem et particularem Deum aestimabant, nihil de eo plus
imaginantes quam de idolis; et idcirco cultum Dei cum cultu Daemonum
miscuerunt : Iudaei vero ab hac eruti erant suspicione : etenim orbis
terrarum eum noverant esse Deum; propterea dixit nos adoramus quod scimus.
Iudaeis autem seipsum connumerat secundum opinionem mulieris, loquens quasi
propheta Iudaeus existens : ideo dixit adoramus; cum tamen manifestum sit
quod ipse est qui ab omnibus adoratur. Per hoc autem quod dicit quia salus ex
Iudaeis est, nihil aliud ostendit quam quod orbi terrarum inde salutaria
facta sunt. Scire enim Deum et idola detestari, illinc principium habuit et
omnia alia dogmata; sed ipsum quod est apud nos, a Iudaeis orationis
principium habuit. Praesentiam etiam suam salutem vocat : quam dicit ex
Iudaeis esse, secundum illud apostoli : ex quibus est Christus secundum
carnem. Vide qualiter applaudit veteri testamento, quod radicem ostendit
bonorum, per omnia semetipsum non esse contrarium legi demonstrans.
Augustinus. Multum igitur dedit Iudaeis, ex quorum persona dixerat nos
adoramus quod scimus; sed non ex persona Iudaeorum reproborum, sed ex qualibus
fuerant apostoli, quales fuerant prophetae, quales fuerant omnes illi sancti
qui pretia rerum suarum ad pedes apostolorum posuerunt. Chrysostomus. Sic
igitur superabundantius vobis habent Iudaei, o mulier, in modo adorationis;
verumtamen et hic adorationis modus de reliquo finem habebit; unde subdit sed
venit hora, et nunc est, quando veri adoratores adorabunt patrem in spiritu
et veritate. Quia enim prophetae ante longa tempora multa praedixerunt, ideo
dixit et nunc est : ne aestimes hanc talem esse prophetiam quae post multum
temporis impleatur : res iam instat et in ianuis est. Dixit autem veri
adoratores, ad distinctionem falsorum : quoniam quidam sunt falsi adoratores,
qui temporalia et caduca quaerunt in oratione; sive qui contra hoc quod
orant, agere non cessant. Chrysostomus. Vel dicens veros, excludit cum
Samaritanis Iudaeos. Etsi enim Iudaei illis meliores essent, tamen futuris
multo minores sunt, tamquam figura veritate. Sunt igitur veri adoratores qui
neque loco circumcludunt Dei culturam, et Deum in spiritu colunt; unde et
Paulus dicit : cui servio in spiritu meo. Origenes. Bis autem
scribitur venit hora; et primo quidem non adest et nunc est; in secundo vero
dicitur et nunc est. Et puto primum quidem notare
adorationem praeter corpus futuram in perfectione; secundum vero eam quae fit
in vita praesenti, perfecta quantum licet humanam procedere naturam. Cum ergo
venerit hora quam dicit dominus, evitandus est mons Samaritanorum, et in
Sion, ubi est Hierosolyma, adorandus est Deus, quae civitas esse dicitur a
Christo celsi principis : et haec est Ecclesia, ubi sacra oblatio,
spirituales victimae divinis aspectibus offeruntur ab his qui legem
spiritualem intellexerunt. Cum autem venerit temporis complementum, tunc
nequaquam pensandum verum cultum Hierosolymis, idest in praesenti Ecclesia,
amplius pertractari : neque enim Angeli apud Hierosolymam colunt patrem; sic
et qui similitudinem nacti sunt Iudaeorum, melius quam hi qui sunt
Hierosolymis, colunt patrem. Cum autem haec hora evenerit, patri aliquis in
filium deputatur. Ea propter non dictum est : adorabitis Deum, sed adorabitis
patrem. Sed in praesenti colunt patrem in spiritu et
veritate veri adoratores. Chrysostomus in Ioannem. Dicit ergo
hoc de Ecclesia, in qua est vera adoratio et Deo congrua; unde subdit nam et
pater tales quaerit qui adorent eum. Et si olim
volebat eos veteribus immorari, concessit eis figuram : hoc tamen fecit eis
condescendens, ut per hoc ad veritatem inducantur. Origenes in
Ioannem. Si autem pater quaerit, per Iesum quaerit, qui venit quaerere et
salvare quod perierat : quos erudiens veros cultores efficit. Quod autem
subditur spiritus est Deus, inde abstractum esse suspicor quod ad vitam veram
nos perducit : nam et corporali vita vivificamur a spiritu. Chrysostomus.
Vel indicat quod Deus incorporeus est. Oportet igitur et incorpoream eius
culturam esse, hoc est per animam : et intellectus puritatem nos ei offerre;
unde subdit et eos qui adorant eum, in spiritu et veritate oportet adorare.
Quia enim Iudaei animam quidem negligebant, multum autem circa corpus studium
faciebant, id omnifariam purgantes; ideo ait, quia non corporis mundatione,
sed incorporeo quod est in nobis, hoc est intellectu, quem dicit spiritum,
Deus incorporeus colitur. Hilarius de Trin. Vel cum in spiritu Deum
spiritum docuit adorandum, et libertatem ac scientiam adorantium et adorandi
infinitatem ostendit, secundum illud apostoli : ubi spiritus domini, ibi
libertas. Chrysostomus. In veritate autem oportet adorare : quia
priora figura erant, scilicet circumcisio, holocausta et thymiamata; nunc
autem totum est veritas. Theophylactus. Vel quia multi putant se Deum
secundum spiritum, idest animam, adorare, non rectam opinionem de eo
habentes, ut haeretici : propter hoc addidit et veritate. Forte etiam dicet
aliquis, quia duas partes philosophiae, quae secundum nos sunt, insinuat in
praedictis, actionem scilicet et contemplationem : per spiritum namque
activum insinuat, secundum apostolum : qui spiritu Dei aguntur, hi filii sunt
Dei; per veritatem vero contemplativum. Vel aliter. Samaritanorum erat opinio
quod Deus loco concluderetur, et quia in hoc loco Deum adorari oporteat :
contra quos dicit, quia veri adoratores non localiter, sed spiritualiter
adorant. Iudaeis vero omnia sub figura et umbra erant; et ideo dicit, quia
veri adoratores non in figura adorabunt, sed in veritate : quia enim Deus
spiritus est, spirituales adoratores quaerit : quia vero veritas, veros.
Augustinus. Quaerebas montem forte ad orandum, ut Deo esses propinquior;
sed ipse qui in altis habitat, humilibus appropinquat : ergo descende, ut
ascendas. Ascensiones in corde eius in convalle plorationis, quae humilitatem
habet. In templo vis orare? In te ora; sed prius esto templum Dei. Lectio 5 [86022] Catena in Io., cap. 4 l. 5 Chrysostomus
in Ioannem. Mulier eorum quae dicta sunt, altitudine fatigata obstupuit; unde
sequitur dicit ei mulier : scio quia Messias venit, qui dicitur Christus. Augustinus
in Ioannem. Unctus Latine, Graece Christus est, Hebraice Messias est.
Sciebat ergo quis eam posset docere; sed iam docentem nondum agnoscebat; unde
subdit cum ergo venerit ille, nobis annuntiabit omnia; quasi dicat : modo
Iudaei de templo contendunt, nos de monte : cum ergo ille venerit, et montem
spernet, et templum evertet, et docebit nos, ut in spiritu et veritate
noverimus adorare. Chrysostomus. Sed unde erat Samaritanis expectare
Christi adventum? Moysi quidem suscipientes legem, ab ipsis Moysi litteris
hoc noverant : Iacob enim de Christo prophetizans dixit : non deficiet
princeps de Iuda, nec dux de femore eius, donec veniat qui mittendus est. Sed
et Moyses dicit : prophetam vobis suscitabit Deus de fratribus vestris.
Origenes in Ioannem. Siquidem non est ignorandum, quod sicut ex Iudaeis
surrexit Iesus, Christum se esse non solum dicens, sed ostendens; sic ex
Samaritanis quidam Dositheus nomine, asserebat se fore Christum qui
praedicabatur. Augustinus Lib. 83 quaest. Fortasse autem ut
intelligentibus indicaret quinque corporis sensus, quinque virorum nomine
significari, post quinque carnales responsiones, quae supra in littera
patent, sexta responsione nominat Christum. Chrysostomus. Christus
autem de reliquo mulieri revelat seipsum; unde sequitur dicit ei Iesus : ego
sum qui loquor tecum. Et quidem si circa principium hoc mulieri dixisset,
videretur ei ex vanitate loqui; nunc autem paulatim in memoriam Christi eam
reducens, opportune revelavit seipsum. Et quidem Iudaeis quaerentibus : si tu
es Christus, dic nobis palam, non manifeste seipsum revelavit : quia non pro
discendo quaerebant, sed pro iniuriando; haec vero ex simplici mente
loquebatur. Lectio 6 [86023] Catena in Io., cap. 4 l. 6 Chrysostomus
in Ioannem. Expleta doctrina, et convenienter ad tempus, discipuli occurrerunt;
unde dicitur et continuo venerunt discipuli eius, et mirabantur, quia cum
muliere loquebatur. Admirabantur quidem superabundantem Christi mansuetudinem
et humilitatem, quoniam ita perspicuus existens, sustinuit loqui cum tanta
humilitate mulieri inopi et Samaritanae. Augustinus in Ioannem. Quia
scilicet quaerebat perditam qui venerat quaerere quod perierat, hoc illi
mirabantur : bonum enim mirabantur, et non malum suspicabantur.
Chrysostomus. Sed tamen admirantes non interrogaverunt causam; unde
subditur nemo tamen dixit ei : quid quaeris, aut : quid loqueris cum ea?
Erant eruditi discipulorum ordinem observare; at eum timebant et
venerabantur. Et nimirum alibi videntur confidenter interrogare, quia ad eos
pertinentia necesse habebant scrutari; hic autem nihil ad eos pertinebat quod
fiebat. Origenes in Ioannem. Et fere quidem quasi quodam apostolo ad
cives utitur hac muliere, adeo eam inflammans per verba ut, amphora dimissa,
iret in civitatem relatura concivibus; unde sequitur reliquit ergo mulier
hydriam, non curans de corporeo ac viliori propter utilitatem plurium.
Interest quoque nostra, omissis corporeis et neglectis, satagere ad
impartiendum aliis de commodis acquisitis. Augustinus. Graeco nomine
appellatur, tamquam si aquarium diceretur, quoniam Graece aqua hydor vocatur.
Chrysostomus in Ioannem. Et sicut apostoli vocati dimiserunt retia, ita
haec dimittit hydriam, et Evangelistarum opus fecit; et non unum tantum
vocat, sed civitatem integram; unde sequitur et abiit in civitatem, et dicit
illis hominibus : venite, et videte hominem, qui dixit mihi omnia quaecumque
feci. Origenes. Convocat quidem illos ad videndum hominem continentem
verbum supra hominem. Quaecumque autem fecit mulier, erat contubernium
quinque coniugum, et post illos conversatio cum sexto non proprio viro; quem
deserens et septimo adhaerens, lagenam dereliquit iam pudica. Chrysostomus.
Non verecundata autem est hoc dicere. Anima enim cum ignita fuerit igne
divino, ad nihil eorum quae sunt in terra, de reliquo inspicit, neque ad
gloriam, nec ad verecundiam, sed ad unam solam, quae detinet eam, flammam. Volebat autem
non ex propria Annuntiatione eos inducere, sed ex auditu proprio eos facere
communicatores doctrinae Christi; unde dixit venite et videte hominem. Non
dixit : venite et credite, sed venite et videte, quod levius erat. Noverat
enim manifeste quoniam solum gustantes de illo fonte, eadem paterentur quae
et ipsa. Alcuinus. Paulatim autem venit ad praedicandum Christum. Primo
vocat hominem, ne si diceret Christum, auditores irascerentur et nollent
exire. Chrysostomus. Unde etiam neque manifeste annuntiavit Christum,
neque tamen totaliter siluit; sed dixit numquid ipse est Christus? Et
ideo sermonem eius acceperunt; unde sequitur exierunt de civitate, et
veniebant ad eum. Augustinus Lib. 83 quaest. Quod autem relicta hydria
discessit mulier, non negligenter praetereundum est : hydria enim amorem
huius saeculi significat, idest cupiditatem qua homines de tenebrosa
profunditate, cuius imaginem puteus gerit, hoc est de terrena conversatione,
hauriunt voluptatem. Oportebat autem ut Christo credens, saeculo renuntiaret,
et relicta hydria, cupiditatem saecularem se reliquisse demonstraret.
Augustinus. Proiecit ergo cupiditatem, et properavit annuntiare veritatem.
Discant qui volunt evangelizare, ut prius hydriam ad
puteum proiciant. Origenes. Facta etiam mulier receptaculum
honestae disciplinae, ea quae primitus sapiebat, parvipendens deponit. Lectio 7 [86024] Catena in Io., cap. 4 l. 7 Augustinus
in Ioannem. Ierant discipuli eius emere cibos, et venerant; quos Christo
offerebant; unde dicitur interea rogabant eum discipuli eius dicentes :
Rabbi, manduca. Chrysostomus in Ioannem. Videntes enim eum
fatigatum ex itinere et aestu qui erat, rogabant eum vulgari eorum voce :
neque enim erat hoc temeritatis, sed amoris cura circa magistrum. Origenes
in Ioannem. Arbitrantur aptum fore tempus ad prandium, quod erat inter
recessum mulieris ad civitatem et adventum Samaritanorum ad ipsum : non enim
coram aliquo advena sibi propinabant escas. Ob hoc bene positum est interea.
Theophylactus. Dominus vero sciens quod Samaritana totam civitatem ad eum
traheret, hoc discipulis significavit; unde sequitur ille autem dixit eis :
ego cibum habeo manducare quem vos nescitis. Chrysostomus. Hominum
salutem hic cibum vocavit, ostendens quantum desiderium habet nostrae salutis
: sicut enim nobis concupiscibile est comedere, ita ei salvare nos. Tu vero
intuere, quod non statim revelat, sed ubique in quaestionem immittit
auditorem, ut incipiens quaerere quod dicitur et laborans, cum ampliori
suscipiat desiderio. Theophylactus. Dicit autem quem vos nescitis;
idest nescitis quod cibum voco salutem hominum; vel nescitis quia Samaritani
credituri sunt, et salvi fient. Discipuli autem adhuc dubitabant; unde
sequitur dicebant ergo discipuli ad invicem : numquid aliquis attulit ei
manducare? Augustinus. Quid mirum si mulier illa non intelligebat
aquam? Ecce discipuli non intelligunt escam. Chrysostomus. Et quidem
assuetam reverentiam et honorem magistro praebent, ad se invicem quidem
loquentes, ipsum vero non praesumentes interrogare. Theophylactus. In hoc
autem quod dicunt discipuli numquid aliquis attulit ei manducare?
Considerandum est, quod cibos ab aliis oblatos dominus suscipere solebat, non
quod alieno ministerio indigeret qui dat escam omni carni, sed ut deferentes
meritum consequerentur, simulque formam tradens non erubescere paupertatem,
neque grave putare ab aliis nutriri : proprium enim et necessarium est
doctoribus, alios habere procuratores ciborum, ut ipsi de nullo curantes,
verbi ministrationem procurent sollicite. Augustinus. Audivit autem
dominus cogitationes discipulorum, et instruit eos ut magister, non per
circuitum sicut mulierem, sed aperte; unde sequitur dicit eis Iesus : meus
cibus est ut faciam voluntatem eius qui misit me. Origenes
in Ioannem. Idoneus cibus filio Dei, cum actor paternae voluntatis
efficitur, hoc velle in semetipso protestans quod erat in patre. Solus autem
filius perfecti operis paternae voluntatis est capax; ceteri vero sancti nil
praeter divinam peragunt voluntatem. Plenam autem et integram facit Dei
voluntatem qui dixit meus cibus est ut faciam voluntatem eius qui misit me;
proprius enim cibus eius ostenditur. Quid autem sit velle patris,
innuit sermo sequens ut perficiam opus eius. Siquidem simplicius quis
asseret, quoniam opus est iussum mandantis; puta si dicant aedificantes vel
fodientes se perficere opus eius qui conduxit eos. Sed si per Christum
perficitur opus Dei, restat ut priusquam perficeretur esset diminutum.
Qualiter autem diminutum erat opus, cum esset Dei? Perfectio
quidem operis, rationalis naturae est perfectio; ad huius enim operis
perfectionem, cum esset imperfectum, verbum caro factum accessit. Cum enim
quodammodo homo perfectus fuerit, ob transgressionem factus est imperfectus;
et ideo missus est salvator, primo quidem ut perficiat voluntatem eius qui
misit eum; secundo vero ut consummet opus Dei, ut quilibet perfectus fiat ad
solidi cibi usum. Theophylactus. Opus etiam Dei
perfecit, scilicet hominem, Dei filius, nostram naturam in seipso sine
peccato ostendens in omni opere perfectam et incorruptam. Opus etiam Dei,
scilicet legem, perfecit : quia finis legis Christus eam cessare faciens,
omnibus quae in ea erant perfectis, a corporali cultu in spiritualem reduxit.
Origenes.
Mystice autem post poculi negotium, ac disciplinam distinctionis aquarum,
consequens erat et de cibo disceptare. Samaritana quidem petita potum, non
habebat praebere Iesu dignum poculum; discipuli vero invenientes humilia
pulmenta apud alienigenas, ei obtulerunt, rogantes eum ut manducaret. Et
attende si forsan verentur, ne verbum Dei, propriis non vigoratum escis, in
eis deficiat. Quaecumque ergo reperiunt discipuli, his iugiter proponunt
verbum alere, ut corroboratum atque roboratum perseveret penes eos qui
nutriunt ipsum. Quemadmodum autem corpora egentia cibo, neque eisdem aluntur,
neque eadem quantitas ciborum cunctis sufficiens est; sic intelligendum est
et in his quae sunt supra corpus : nam horum hoc quidem plurimi, hoc autem
paucioris indiget nutrimenti, dissimilis capedinis entia. Sed neque qualitas
alentium verborum atque intentionum contemplativarum seu operationum eadem
congruit omnibus : nam nuper geniti infantes, rationale appetunt lac;
perfectorum autem est solidus cibus. Veridicus est ergo Iesus dicens ego
cibum habeo manducare quem vos nescitis. Semper enim qui praeest infirmis ac
nequeuntibus eadem cum validis videre, hoc dicere potest. Lectio 8 [86025] Catena in Io., cap. 4 l. 8 Chrysostomus
in Ioannem. Quae sit voluntas patris, de cetero interpretatur, dicens
nonne vos dicitis quod adhuc quatuor menses sunt et messis venit?
Theophylactus. Scilicet materialis. Ego autem dico vobis, quod messis
intelligibilis adest : hoc enim dicebat propter Samaritanos venientes ad
ipsum; unde subdit levate oculos vestros, et videte regiones, quia albae sunt
iam ad messem. Chrysostomus. Rursus consuetis nominibus ad maximorum
eos contemplationem reducit. Regio enim et messis hic indicat multitudinem
animarum, quae paratae sunt ad praedicationis susceptionem. Oculos autem hic
dicit et eos qui mentis, et eos qui corporis : etenim videbant de reliquo
multitudinem Samaritanorum venientem. Has autem
praeparationes hominum decenter regiones albatas vocat; sicut enim spicae cum
dealbatae fuerint, ad messem sunt paratae, ita et hi ad salutem sunt parati. Sed propter
quid non manifeste dicit, quod praeparati sunt homines ad susceptionem verbi?
Duarum quidem occasionum gratia : unius quidem ut manifestior fiat sermo, et
magis ante oculos ponat quae dicuntur; alterius autem ut dulcior sit narratio
et permanentior eorum quae dicuntur memoria. Augustinus in Ioannem. In
opus autem fervebat et operarios mittere festinabat; unde subditur et qui
metit, mercedem accipit, et congregat fructum in vitam aeternam; ut et qui
seminat simul gaudeat, et qui metit. Chrysostomus. Per ea quae hic
dicit, dividit terrena a caelestibus : sicut enim supra dixerat de aqua, quod
qui bibit hanc aquam, non sitiet, ita hic dicit qui metit, congregat fructum
in vitam aeternam : et iterum qui seminat, simul gaudeat, et qui metit.
Prophetae enim sunt qui seminant; sed non illi messuerunt, sed apostoli :
quia enim infra dicet, quod alius seminat et alius metit, ne quis aestimet
quod prophetae seminantes mercede priventur, extraneum quiddam inducit, et a
sensibilibus alienum : nam in rebus quidem sensibilibus si contingat alium
seminare et alium metere, non simul laetantur, sed dolent qui seminant, quasi
aliis laborantes; laetantur autem soli qui metunt : hic autem non ita; sed et
qui non metunt seminantes, simul cum metentibus laetantur, quoniam in mercede
communicant. Augustinus. Disparis enim temporis labores habuerunt
apostoli et prophetae; sed gaudio pariter perfruentur, mercedem simul
accepturi sunt vitam aeternam. Chrysostomus. Ad hoc autem quod dixerat
sermonem proverbialem inducit; unde subdit in hoc enim est verbum verum, quia
alius est qui seminat, et alius qui metit. Hoc quidem vulgariter dicebatur,
si quando alii labores sustinebant, et alii fructus metebant. Sed et hic
sermo iste maxime habet veritatem : quia prophetae laboraverunt, sed vos
fructus ex illorum laboribus metitis; unde subdit ego misi vos metere quod
vos non laborastis. Augustinus. Quid ergo? Messores misit, non
seminatores? Ibi ergo messores mittendi ubi iam prophetae praedicaverant.
Legite labores illorum, et in omnibus eorum laboribus est prophetia Christi :
ergo iam in Iudaea messis parata erat quando tot millia hominum pretia rerum
suarum offerebant, et ad pedes apostolorum ponentes, expeditis humeris a
sarcinis saecularibus, Christum dominum sequebantur. De ipsa messe eiecta
sunt pauca grana, et seminaverunt orbem terrarum : et surgit alia messis,
quae in fine saeculi metenda est; ad quam metendam non apostoli, sed Angeli
mittentur. Messores sunt Angeli. Chrysostomus. Dicit ergo ego misi vos
metere quod vos non laborastis : quasi dicat : ubi minor labor est, maior
autem delectatio, ad hoc vos reservavi; et quod laboriosius erat, hoc fuit
prophetarum, scilicet mittere semina; unde subdit alii laboraverunt, et vos
in labores eorum introistis. Per haec omnia vult ostendere
quod prophetarum voluntas erat ut homines ad eum accederent. Et hoc lex
ordinabat : et propterea illi seminaverunt, ut hunc facerent fructum.
Ostendit etiam quod ipse illos misit, et quod multa est cognatio novi ad
vetus testamentum. Origenes. Vel aliter totum. Qualiter quidem non
est inconveniens hoc quod est levate oculos vestros etc. allegorizare; quod
autem dicitur nonne vos dicitis quoniam quatuor menses sunt et messis venit,
non secundum allegoricam tractare? Putamus ergo talia quaedam esse in hoc
quod dicunt discipuli quatuor menses sunt, et messis venit. Plerique enim
discipulorum verbi animadvertentes veritatem incomprehensibilem fore humanae
naturae, quando coniecerunt aliam esse vitam a praesente, quae corruptioni
quatuor elementorum, quasi quatuor mensium subicitur, putant solum post hanc
vitam cognitionem esse veritatis. Dicunt igitur discipuli de messibus, quae
sunt terminus operum ad veritatem conducentium, quia post instantem
quaternitatem contingunt. Huiusmodi autem opinionem arguens velut non sanam,
inquit verbum incarnatum his qui talia suspicantur nonne vos dicitis, quia
adhuc quatuor menses sunt et messis venit? Ego autem hoc dico : levate oculos
vestros. In pluribus locis Scripturae divinae hoc legitur; iubente nobis
verbo divino extollere ac sublimare considerationes et cogitationes deorsum
consistentes nec valentes erigi, nisi elevante illas Iesu : nemo enim
consistens in passionibus et vivens carnaliter, hoc propositum servat
mandatum. Quapropter qui talis est, non videbit regiones, si albae sunt ad
messem. Albescunt quidem regiones ad messem, cum adest verbum Dei illustrans
singulas regiones Scripturae, fecundans in eius adventu : et etiam omnia
sensibilia sunt quasi regiones albae paratae ad messem, praesto existente
levantibus oculos ratione, quae de quolibet est, ut quisquis fulgorem
prospiciat profusae ubilibet veritatis. Qui autem metit praedictas messes,
duplex habet in metendo emolumentum : unum quidem dum accipit praemium; unde
dicitur et qui metit, mercedem accipit : quod arbitror dictum causa futurarum
remunerationum : alterum quod sequitur et congregat fructum in vitam
aeternam, bonum habitum quemdam denotat intellectus, qui est fructus ex ipsa
speculatione proveniens. Arbitror autem quod in qualibet doctrina seminat
quidem qui principia excogitat, quae suscipientes alii ac pertractantes, si
quid novi potuerunt exprimere, coniungentes, fiunt suae inventionis gratia
posteris causa ut metendo quasi maturos fructus aggregent. Quanto autem magis
hoc in arte artium expedit contemplari? Siquidem seminantes sunt Moyses et
prophetae praevenientes adventum Christi; metentes autem sunt apostoli, qui
Christum susceperunt et gloriam eius perspexerunt. Semen autem erat tota
ratio secundum revelationem mysterii temporibus praeteritis obfuscati
silentio : regiones autem, idest legales et propheticae Scripturae, nondum
albuerant his qui adventus verbi nequaquam extiterunt capaces. Quod autem
simul serens et metens gaudeat, erit cum privatio moeroris et angustiae in
futuro fiet saeculo. Dum etiam Iesus transfiguraretur in gloria, simul cum
messoribus Petro, Iacobo et Ioanne, Moyses et Elias satores pariter gaudent
in videndo filii Dei gloriam. Attende tamen si hoc quod dico, alius et alius,
intelligi potest propter aliam et aliam vitae conversationem, in qua homines
iustificati sunt : ut liceat dicere alium quidem legis cultorem, alium vero
Evangelii : et tamen exultant simul, dum idem finis ab uno Deo per unum
Christum in uno spiritu sancto reponitur. Ad labores autem prophetarum et
Moysi advenerunt apostoli, instruente Iesu, metentes, ac in horrea
colligentes animae suae intellectum in Scripturis illorum reconditum : et
semper qui debite capiunt disciplinam, priorum labores ad maiorem evidentiam
trahunt, non tantum laborantes sunt hi qui semina condiderunt. Lectio 9 [86026] Catena in Io., cap. 4 l. 9 Origenes
in Ioannem. Postquam dicta sunt discipulis quae tractata sunt, resumit
Scriptura de his qui venerant de civitate ad Iesum, et crediderant per
testimonium mulieris. Chrysostomus in Ioannem. Sicut autem in messe
cum facilitate fructus congregantur, et in momento uno area manipulis
repletur, ita et nunc fit; unde dicitur ex civitate autem illa multi
crediderunt in eum Samaritanorum, propter verbum mulieris testimonium
perhibentis, quia dixit mihi omnia quaecumque feci. Considerabant
enim, quod nequaquam mulier gratanter eum admirata esset qui eius delicta
redarguerat, nisi magnus quis esset et excellens qui praedicabatur ab illa.
Sic ergo solo mulieris testimonio credentes, et nullum signum videntes,
exierunt deprecantes Christum ut apud eos maneret; et hoc est quod sequitur
cum ergo venissent ad illum Samaritani, rogaverunt eum ut ibi maneret. Iudaei
vero miracula videntes, non detinuerunt eum apud seipsos; sed omnia egerunt
ut a regione eorum eum abicerent : nihil enim livore et invidia deterius,
nihil inani gloria difficilius, quae infinita corrumpere consuevit bona. Et
quidem Samaritani volebant eum semper secum detinere; ipse autem hoc non
sustinuit, sed solum mansit ibi duobus diebus post haec; quod subditur et
mansit ibi duos dies. Origenes. Non incongrue autem aliquis illud
obiciet, quomodo rogatus salvator cum Samaritanis manet, qui iussit civitatem
Samaritanorum non ingredi. Palam enim quoniam et discipuli eius cum eo
ingressi sunt. Ad quod dicendum, quod in viam gentium pergere est imbui
gentili dogmate, et in illo ambulare. Civitatem vero Samaritanorum intrare
est acceptare falsam doctrinam recipientium legales, propheticos,
evangelicos, et apostolicos sermones. Cum autem deseruerint propriam
doctrinam et venerint ad Iesum, licet cum eis manere. Chrysostomus in
Ioannem. Et Iudaei quidem etiam signis visis incorrecti manserunt; hi
autem et sine signis multam circa eum fidem demonstraverunt; solum enim verba
audierunt; unde sequitur et multo plures crediderunt propter sermonem eius.
Cuius igitur gratia haec verba non dicunt Evangelistae? Ut discas quoniam
multa magnorum transcurrerunt, a fine vero totum ostenderunt : suasit enim
toti civitati per ea quae dicta sunt. Ubi autem auditores non persuadentur,
tunc Evangelistae coguntur dicere ea quae dicta sunt, ne quod est ex
indevotione auditorum, imputet quis defectui praedicantis. Ipsi autem
discipuli Christi iam facti, magistram repulerunt; unde sequitur et mulieri
dicebant : quia iam non propter tuam loquelam credimus : ipsi enim audivimus,
et scimus quia hic est vere salvator mundi. Vide autem qualiter confestim
intellexerunt quod orbem terrarum liberare venerat, et quod ad communem
salutem veniens, non debebat in Iudaeis suam concludere providentiam, sed
ubique seminare sermonem. Dicentes etiam, quod est salvator mundi,
ostenderunt quod mundus perditus erat, in magnis malis existens. Et quidem
venerunt salvare prophetae et Angeli; sed hic est vere salvator, qui salutem
tribuit, non solum temporaneam, sed aeternam. Vide etiam qualiter audientes
mulierem dubitanter dicentem numquid hic est Christus? Non dixerunt hi :
quoniam nos suspicamur, sed quoniam scimus; et non simpliciter, sed quoniam
hic vere salvator mundi, non quasi unum ex multis Christum confitentes. Solum
verba audierunt, et hoc dixerunt quod dicere habebant, si miracula multa et
magna vidissent. Origenes. Ceterum si meminimus praedictorum, non
difficile est conicere quomodo cum repererint verbum sincerum, alias
disciplinas relinquunt, quasi dogmatum civitatem, de qua egredientes
salutifere credunt. Et puto studiose protulisse Ioannem, cum non dixit :
rogabant eum Samaritani intrare tantum Samariam, vel ingredi civitatem, sed
etiam ibi manere. Manet namque Iesus penes deprecantes; et praesertim quoties
qui precantur exeunt civitatem, et versus eum veniunt. Augustinus in
Ioannem. Manet apud eos biduo; hoc est, dat illis duo praecepta caritatis.
Origenes. Neque enim capaces erant tertiae diei eius; non enim erant avidi
miraculorum quid cernere, quale qui fuerant in Cana Galilaeae post triduum
cum Iesu convivantes. Initium autem credendi multis fuit mulieris verbum :
non enim sic per seipsum verbum conspicitur illuminans capientem, velut cum
alterius dicto sibi testimonium perhibetur. Augustinus. Sic ergo
Christum cognoverunt primo per famam, postea per praesentiam; sicut agitur
hodie cum eis qui foris sunt, et nondum sunt Christiani : Christus nuntiatur
per Christianos amicos : tamquam illa muliere, hoc est Ecclesia, nuntiante ad
Christum veniunt : credunt per istam feminam; et multo plures et firmius in
eum credunt, quoniam vere ipse est salvator mundi. Origenes. Impossibile
est namque eamdem circa intellectum fieri passionem videnti, et ei qui per
videntem instruitur; magisque est per speciem ambulare quam per fidem; unde
hi non solum testimonio hominis, sed ob ipsam quoque veritatem credunt. Lectio 10 [86027] Catena in Io., cap. 4 l. 10 Alcuinus.
Post biduum quod fecit in Samaria, abiit in Galilaeam, ubi nutritus
fuerat; unde dicitur post duos autem dies exiit inde, et abiit in Galilaeam.
Augustinus in Ioannem. Movet autem nos cur Evangelista dixerit
consequenter ipse enim Iesus testimonium perhibuit, quia propheta in sua
patria honorem non habet. Magis enim videtur attestari potuisse,
quod propheta in patria sua honorem non habet, si contemneret pergere in
Galilaeam, et in Samaria remansisset. Hoc ego sentio. In Samaria biduum
fecit, et crediderunt in eum Samaritani : tot dies fecit in Galilaea, et non
crediderunt in eum Galilaei; et propter hoc dixit, quod propheta in patria
sua honorem non habet. Chrysostomus in Ioannem. Vel
aliter. Ideo hoc adiectum est, quia non in Capharnaum abiit, sed in
Galilaeam, et in Cana, ut infra dicetur. Ego enim patriam eum hic aestimo
dicere Capharnaum. Quoniam autem non potitus est illic honore, audi eum
dicentem : et tu, Capharnaum, quae usque ad caelum exaltata es, usque ad
Infernum descendes. Dicit autem hic patriam propriam, in qua videtur plus
conversatus. Theophylactus. Vel aliter. Quia dominus exiens de
Samaria, venit in Galilaeam, ne aliquis dubitaret et quaereret qua de causa
non semper in Galilaea maneret, dicit, quod propter hoc non manebat in
Galilaea, quia nullum ibidem recipiebat honorem; quod ipse testatus est
dicens quia propheta in sua patria non habet honorem. Origenes in
Ioannem. Perscrutanda est autem huius dicti sententia. Patria siquidem
prophetarum in Iudaea erat, et est non ignotum quod honorem a Iudaeis
nequaquam sunt consecuti, iuxta illud : quemnam prophetarum non persecuti
sunt patres vestri? Miranda etiam occurrit huius decreti veracitas, cum
pervenerit non tantum ad sanctos prophetas vilipensos a propriis, et ipsum
dominum nostrum; sed protensa sit etiam in quosdam prophetiae sequaces
contemptos a suis civibus, et ad mortem deductos. Chrysostomus. Quid
igitur? Nonne videmus et apud suos multos in admirationem deductos? Ita
quidem : sed ab his quae raro contingunt non oportet talia pronuntiari. Sed
et si in propria patria aliqui honorantur, multo magis in aliena. Consuetudo
enim facile homines contemptibiles facere consuevit. Quando igitur venit in
Galilaeam, susceperunt eum Galilaei; unde sequitur cum ergo venisset in
Galilaeam, exceperunt eum Galilaei. Vides quoniam qui mali dicebantur, hi
maxime ad Christum accedere inveniuntur. Nam propter Galilaeos dicitur : interroga,
et vide, quoniam propheta ex Galilaea non surrexit. Propter Samaritanos autem
improperabant ei : Samaritanus es et Daemonium habes. Sed ecce Samaritani et
Galilaei credunt in confusionem Iudaeorum. Inveniuntur autem et Galilaei
Samaritanis meliores : nam illi quidem mulieris crediderunt verbis; hi vero
videntes signa quae faciebat; unde sequitur cum omnia vidissent quae fecerat
Hierosolymis in die festo. Origenes. Quod enim dominus eicit de templo
vendentes oves et boves, tam grande reperitur ut his moti Galilaei reciperent
dominum, considerantes mirantesque maiestatem eius : non enim minor potentia
eius ostenditur in his quam ut caeci videant, audiantque surdi. Aestimo vero
nec haec sola ipsum tunc fecisse, sed et alia signa. Beda. Sed unde
data est eis videndi occasio, ostendit subdens et ipsi enim venerant ad diem
festum. Mystice autem intimatur quod gentibus in fide a duobus praeceptis
caritatis consolidatis, Christus circa fines mundi revertetur ad patriam,
idest ad Iudaeos. Origenes in Ioannem. Expedit autem Galilaeum, idest
transmigrantem, restare Hierosolymis, ubi est templum Dei, et videre singula
quae peragit ibi Iesus. Hoc enim est principium, ut Galilaei recipiant Dei
filium euntem ad ipsos; alioquin vel non recepissent illum, vel etiam ipse
nondum ipsis praeparatis ad eius receptionem adeo prope venisset ad eos. Lectio 11 [86028] Catena in Io., cap. 4 l. 11 Chrysostomus
in Ioannem. Primo quidem dominus, ut supra dictum est, in Cana Galilaeae
venerat vocatus ad nuptias; nunc autem ad eos vadit, ut magis eos attrahat,
sponte ad eos veniens, propria patria dimissa, et ut fidem a priori miraculo
in eis initiatam fortiorem faceret propter suam praesentiam. Augustinus in
Ioannem. Ibi enim quando aquam in vinum convertit, crediderunt in eum
discipuli eius : et utique plena domus erat turbis convivantium, et factum
est tam magnum miraculum, et non crediderunt nisi discipuli eius : et ideo
hanc civitatem modo repetivit, scilicet ut qui per priora non crediderant,
modo credant. Theophylactus. Rememorat autem nobis Evangelista
miraculum perpetratum in Cana Galilaeae de aqua conversa in vinum, ut augeret
Christi praeconium : quia Galilaei non solum propter miracula Hierosolymis
facta, sed et propter ea quae apud ipsos facta erant, receperunt Iesum;
simulque ut ostenderet quod regulus credidit propter miraculum in Cana
perpetratum, quamvis eius non perfecte cognoverit dignitatem; unde sequitur
et erat quidam regulus, cuius filius infirmabatur Capharnaum. Origenes in
Ioannem. Putabit autem aliquis regis Herodis hunc esse regulum : et
aliquis asserit hunc esse de familia Caesaris, exercentem tunc temporis
aliquid in Iudaea : neque enim dicitur quod Iudaeus fuerit. Chrysostomus.
Regulus autem dicitur, aut quasi generis existens regalis, aut dignitatem
aliquam principatus habens; aut quia sic vocabatur. Igitur quidam hunc eumdem
esse existimant centurionem, qui est apud Matthaeum. Ostenditur autem alius
esse ab eo : nam ille quidem Christum volentem ire ad suam domum, rogat
remanere; hic autem et nihil tale promittentem ad domum trahit : et ille
quidem ad Iesum de monte descendentem Capharnaum intravit; hic autem ad Iesum
in Cana venientem accessit : et illius quidem puer a paralysi detinebatur;
huius autem filius a febre. De hoc ergo regulo subditur hic cum audisset quod
Iesus adveniret a Iudaea in Galilaeam, abiit ad eum, et rogabat eum ut
descenderet, et sanaret filium eius : incipiebat enim mori. Augustinus. Qui
rogabat, nonne credebat? Quid a me expectas audire? Dominum interroga quid de
illo senserit; sequitur enim dixit ergo Iesus ad eum : nisi signa et prodigia
videritis, non creditis. Arguit hominem in fide tepidum aut frigidum, aut
omnino nullius fidei; sed tentare cupientem de sanitate filii sui, qualis
esset Christus, quid esset, quantum posset. Prodigium quidem appellatum est,
quasi porrodicium, quod porro dicat, porro significet, et futurum aliquid
portendat. Augustinus de Cons. Evang. Adeo autem dominus supra omnia
mutabilia vult mentem credentis attollere, ut nec ipsa miracula, quae,
quamvis divinitus, de mutabilitate corporum fiunt, a fidelibus quaeri velit.
Gregorius in Evang. Sed mementote etiam quae petiit; et aperte agnoscetis
quia in fide dubitavit. Poposcit namque ut descenderet, et sanaret filium
eius; unde sequitur dicit ad eum regulus : domine, descende priusquam
moriatur filius meus. Minus itaque in illum credidit quem non putavit posse
salutem dare, nisi praesens esset et corpore. Chrysostomus. Audi etiam
qualiter adhuc terrene Christum trahit, quasi non posset eum post mortem
suscitare. Si autem non credens venit et rogavit, nil mirabile. Consueverunt
enim patres ex multo amore non solum medicis loqui de quibus confidunt, sed
de quibus non confidunt; nihil volentes praetermittere eorum quae ad salutem
pertinent filiorum. Si tamen valde crederet Christi
virtutem, non neglexisset etiam in Iudaeam ire. Gregorius. Sed
dominus qui rogatur ut vadat, quia non desit ubi invitatur, indicat : solo
iussu salutem reddidit qui voluntate omnia creavit; unde sequitur dicit ei
Iesus : vade, filius tuus vivit. Hic superbia nostra retunditur, qui in
hominibus non naturam, qua ad imaginem Dei facti sunt, sed honores et
divitias veneramur. Redemptor vero noster, ut ostenderet quoniam quae alta
sunt hominibus, sanctis despicienda sunt, et quae despicienda sunt hominibus,
despicienda non sunt sanctis, ad filium reguli ire noluit, ad servum
centurionis ire paratus fuit. Chrysostomus. Vel aliter. Illic quidem
fides confirmata erat; idcirco et promisit ire, ut discamus viri devotionem :
hic autem adhuc imperfectus erat, et nondum noverat manifeste quod absens
curare poterat : unde ex hoc quod non accedit Iesus, hoc addiscit; sequitur
enim credidit homo sermoni quem dixit ei Iesus, et ibat; non tamen integre,
neque sane. Origenes in Ioannem. Ostenditur autem eius dignitas et
officium ex hoc quod servientes illi occurrunt; unde sequitur iam autem eo
descendente, servi occurrerunt ei, et nuntiaverunt ei, dicentes, quia filius
eius viveret. Chrysostomus. Qui quidem obviaverunt, non ut
annuntiarent solum, sed quasi aestimantes de reliquo superfluam esse Christi
praesentiam, quem credebant accedere. Quod autem regulus non integre credidit
neque sane, ostenditur ex hoc quod sequitur interrogabat ergo horam ab eis in
qua melius habuerat. Volebat enim scire utrum casu, vel ex praecepto Christi
hoc factum esset. Sequitur et dixerunt ei, quia heri hora septima reliquit
eum febris. Vide qualiter miraculum manifestum est : non enim simpliciter,
neque ut contingit, a periculo liberatus est; sed repente et simul : ut
appareat non esse ex naturae consequentia quod fiebat, sed ex actione
Christi; unde sequitur cognovit ergo pater quia illa hora erat in qua dixit
ei Iesus : filius tuus vivit : et credidit ipse, et domus eius tota.
Augustinus in Ioannem. Si ergo propterea credidit quia nuntiatum est ei
quod filius eius esset sanus, et comparavit horam nuntiantium horae
praenuntiantis, quando rogabat, nondum credebat. Beda. Unde datur
intelligi, et in fide gradus esse, sicut et in aliis virtutibus, quibus est
initium, incrementum atque perfectio. Huius ergo fides initium habuit cum
filii salutem petiit; incrementum dum credidit sermoni domini dicentis filius
tuus vivit; deinde perfectionem obtinuit nuntiantibus servis. Augustinus.
Ad solum sermonem crediderunt plures Samaritani; ad illud miraculum sola
illa domus credidit ubi est factum; unde subdit Evangelista hoc iterum
secundum signum fecit Iesus, cum venisset a Iudaea in Galilaeam. Chrysostomus
in Ioannem. Non sine causa adiecit; sed ostendens quoniam secundo signo
facto, nondum ad perfectionem Samaritanorum nullum signum videntium Iudaei
pervenerunt. Origenes in Ioannem. Amphibologiam autem continet
praesens dictum; uno enim modo denotat quod Iesus veniendo a Iudaea in
Galilaeam, duo fecit miracula : quorum secundum est factum erga filium reguli
: alio modo sic : duobus existentibus signis quae Iesus in Galilaea exercuit,
secundum egit veniens a Iudaea in Galilaeam; et hic sensus verus est. Mystice
autem, per hoc quod Iesus bis in Galilaeam accedit, binus salvatoris adventus
in mundum ostenditur : primus quidem misericordiae, ut vino facto convivas
exhilaret; secundus vero ut filium reguli ad mortem pene deductum suscitet,
idest populum Iudaeorum, qui post plenitudinem gentium accedet salvandus in
fine. Magnus autem rex regum est qui constitutus est a Deo in monte Sion
sancto eius : huius qui viderunt diem, et gavisi sunt, reguli dignoscuntur.
Arbitramur igitur regulum esse Abraham, aegrotum vero filium eius,
Israeliticum genus debilitatum erga cultum divinum; et ideo incaluit ignitis
spiculis inimici, ut proinde febrire censeatur. Apparet autem quod
praecedentibus sanctis, postquam carnis exuerunt amictum, populus fuit curae
: unde legitur in Machab. post mortem Ieremiae : hic est Ieremias propheta
Dei, qui plurimum orat pro populo. Abraham igitur obsecrat adiuvari a
salvatore populum infirmum. Et quidem potestatis verbum de Cana prodit, ubi
dictum est filius tuus vivit; sed verbi efficacia in Capharnaum agitur, nam
ibi filius reguli curatus est, quasi in agro consolationis morans; quod
significat genus quoddam debilium, non tamen omnino fructibus privatorum.
Illud autem nisi signa et prodigia videritis, non creditis, dictum illi,
refertur ad multitudinem filiorum suorum, et ad ipsum quodammodo : sicut enim
Ioannes expectabat datum sibi signum, scilicet : super quem videris spiritum
descendentem, sic et praemortui sancti adventum Christi in carnem et signis
et prodigiis manifestandum expectabant. Habebat autem hic regulus non solum
filium, sed etiam servos; per quos significatur materies quaedam minus bene
et infirme credentium. Nec a casu hora septima deserit filium febris : nam
septenarius numerus est quietis. Alcuinus. Vel quia per
septiformem spiritum est omnis remissio peccatorum : septenarius enim in tria
et quatuor divisus significat sanctam Trinitatem, in quatuor anni temporibus,
in quatuor mundi partibus, in quatuor elementis. Origenes. Possunt
quoque significari duo adventus Christi verbi ad animam : primus quidem ex
facto vino praebens animae gaudium spiritualis convivii; secundus vero omnes
languoris ac mortis reliquias amputans. Theophylactus. Regulus autem
est omnis homo : non solum quia regi universorum propinquus existit secundum
animam, sed quia et ipse super omnia principatum sumpsit; cuius filius, idest
mens, febricitat voluptatibus pravis et desideriis. Accedit autem ad Iesum,
et deprecatur ut descendat; idest, ut condescensu misericordiae utatur, et
parcat peccatis, priusquam a voluptatum infirmitate mortificetur. Sed dominus
dicit vade, idest, profectum continuum circa bonum ostendas, et tunc filius
tuus vivet; si autem ambulare cessaveris, mortificabitur tibi intellectus
circa boni operationem. |
CHAPITRE IV
Versets 1-6.
La Glose : Après avoir rapporté comment Jean-Baptiste
réprima les mouvements de jalousie qu'excitait dans ses disciples le progrès
de la doctrine de Jésus-Christ; l'Evangéliste nous apprend ici comment le
Sauveur se dérobe à la méchanceté des pharisiens qui, pour la même raison,
étaient animés contre lui des mêmes sentiments d'envie : « Jésus donc ayant
su que les pharisiens avaient appris, » etc. — S. Augustin : (Traité 15). Si Notre Seigneur avait prévu que les
pharisiens, en apprenant qu'il faisait plus de disciples que Jean-Baptiste,
et qu'il en baptisait un plus grand nombre, se détermineraient à marcher à sa
suite pour sauver leur âme, il n'aurait point quitté la Judée, et il y serait
resté dans leur intérêt. Mais comme il vit que cette connaissance ne
produisait en eux que de l'envie, et leur inspirait le désir, non de le
suivre, mais de le persécuter, il s'éloigna de la Judée. Il eut pu sans doute
leur échapper s'il eût voulu, tout en restant au milieu d'eux, mais dans
toutes les actions qu'il a faites comme homme, il s'est proposé de donner
l'exemple à ceux qui devaient croire en lui, et de leur apprendre qu'un serviteur
de Dieu ne pèche pas en se retirant dans un autre lieu pour se dérober à la
fureur de ses persécuteurs. Ce n'est donc point par crainte que le bon maître
agit ainsi, mais pour nous instruire. — S.
Jean Chrysostome : (hom. 31). Il le fit aussi, et pour calmer leur
jalousie et pour ne pas affaiblir la foi au mystère de son incarnation, car
la vérité de sa chair eût pu paraître douteuse, si on l'eût vu échapper
visiblement aux mains de ses ennemis. S. Augustin : (Traité 15). On sera peut-être surpris de
voir l'Evangéliste s'exprimer de la sorte : « Jésus en baptisait un plus
grand nombre, » et ajouter aussitôt : « Quoique Jésus ne baptisât point
lui-même. » Quoi donc ? Est-ce que la première proposition était fausse et
avait besoin d'être rectifiée ? — S.
Jean Chrysostome : (hom, 31). Le fait est que Jésus-Christ ne baptisait
pas lui-même, mais ceux qui firent ce rapport affirmèrent que Jésus en
baptisait un plus grand nombre que Jean, pour exciter la jalousie des
pharisiens. Jean-Baptiste nous donne du reste la raison pour laquelle le
Sauveur ne baptisait pas, lorsqu'il dit : « il vous baptisera lui-même dans
l'Esprit saint et dans le feu. » Or, comme il ne donnait pas encore l'Esprit
saint, il était convenable qu'il ne baptisât pas encore. Quant à ses
disciples, il les laissait baptiser pour en amener un plus grand nombre à la
doctrine du salut. C'est afin de n'être pas obligés de parcourir la Judée pour réunir
ceux qui devaient embrasser la foi, comme Jésus avait fait pour Simon et son
frère, qu'ils adoptèrent l'usage du baptême, car le baptême des disciples
n'avait rien de plus que le baptême de Jean, l'un et l'autre étaient
dépourvus de la grâce qui vient de l'Esprit, et tous deux avaient un seul et
même but, celui d'amener à Jésus-Christ ceux qui étaient baptisés. — S. Augustin : (Traité 15). On peut
dire encore que ces deux propositions sont vraies, c'est-à-dire, que Jésus
baptisait et ne baptisait pas; il baptisait, parce que c'est lui qui
purifiait les âmes, et il ne baptisait pas, parce qu'il ne plongeait pas
lui-même dans l'eau. Les disciples prêtaient leur ministère extérieur, mais
lui, dont Jean-Baptiste disait : « C'est lui qui baptise, » donnait à ce
baptême l'appui d'une majesté toute divine. Alcuin : On demande ordinairement si on recevait le
Saint-Esprit dans le baptême du Christ, puisqu'il est dit dans l'Evangile
selon saint Jean : « L'Esprit saint n'était pas encore donné, parce que Jésus
n'était pas encore glorifié. » Nous répondons que l'Esprit saint était donné,
mais sans cette manifestation éclatante qui eut lieu, lorsqu'après
l'ascension, il descendit sur les Apôtres sous la forme de langues de feu.
Jésus-Christ posséda toujours l'Esprit saint dans l'humanité qu'il s'était
unie, et cependant l'Esprit saint descendit visiblement sur lui sous la forme
d'une colombe, lorsqu'il fut baptisé; c'est ainsi qu'avant l'avènement
éclatant et public de l'Esprit saint, quelques saints ont pu le recevoir
d'une manière plus secrète. — S.
Augustin : (Lett. 18 à Séleucis). Il faut admettre que les disciples de
Jésus-Christ étaient déjà baptisés, soit du baptême de Jean, soit (ce qui est
plus vraisemblable) du baptême de Jésus-Christ; il n'est pas probable, en
effet, que le Sauveur ait omis de baptiser ses disciples qui devaient
baptiser les autres en son nom, lui qui remplit si exactement l'humble
ministère de leur laver les pieds. S. Jean Chrysostome : (hom. 31). En s'éloignant de la Judée, Notre
Seigneur reprenait la suite de ses premiers desseins : « Et il s'en alla de
nouveau en Galilée. » Jésus vient chez les Samaritains, pour le même motif
que les Apôtres, repoussés par les Juifs, allèrent chez les Gentils;
cependant, pour ôter toute excuse aux Juifs, les Samaritains ne sont point le
but principal de son voyage, et il ne vient chez eux qu'en passant, c'est ce
que l'Evangéliste exprime en disant : « Or, il lui fallait passer par la
Samarie. » Cette contrée fut ainsi appelée, parce que la montagne de Samarie,
qui donna son nom à la ville qu'on y bâtit, s'appelait Somer, du nom de son
ancien possesseur. Les premiers habitants de cette ville et de cette contrée
ne s'appelaient pas autrefois Samaritains, mais Israélites. Dans la suite des
temps, ils transgressèrent les lois de Dieu, le roi d'Assyrie ne voulut plus
les laisser dans leur pays, il les emmena à Babylone et dans la Médie, et le
repeupla de colons tirés de diverses provinces assyriennes. Mais Dieu voulant
prouver que ce n'était point par impuissance qu'il avait livré les Juifs aux
mains de leurs ennemis, mais pour les punir de leurs crimes, envoya contre
ces peuples barbares et idolâtres des lions qui dévastaient le pays. Le roi
d'Assyrie, en ayant été instruit, leur envoya un prêtre Israélite pour leur
enseigner le culte et les lois du Dieu des Juifs. Toutefois ils ne
renoncèrent pas entièrement à leur impiété, et ils revinrent insensiblement
au culte des idoles, ils y mêlaient cependant le culte du vrai Dieu. Ils
prirent le nom de Samaritains, de la montagne même de Samarie. S. Bède : Il lui fallait passer par la Samarie, qui
est située entre la Judée et la Galilée. Samarie est une des villes les plus
remarquables de la Palestine, et tellement importante par sa population,
qu'elle a donné son nom à toute la contrée qui l'entoure. Or, l'Evangéliste
nous indique dans quel endroit de cette contrée Notre Seigneur s'arrêta : «
Il vint donc dans une ville de Samarie, nommé Sichar. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 31).
C'était le lieu où Lévi et Siméon se vengèrent d'une manière sanglante de
l'outrage fait à Dina, leur sœur. (Gn 34) Après que les fils de Jacob eurent
rendu cette ville déserte par le meurtre des Sichimites, le patriarche la
donna par la suite en héritage à son fils Joseph; c'est à cette donation
qu'il faisait allusion lorsqu'il lui dit : « Je te donnerai de plus qu'à tes
frères la part de mon héritage que j'ai conquise par mon glaive et par mon
arc de la main des Amorrhéens, » (Gn 48) et que l'Evangéliste rappelle en ces
termes : « Près de l'héritage que Jacob donna à son fils Joseph. » « Là était le puits de Jacob. » — S. Augustin : (Traité 15). C'était un puits, or tout puits est
une fontaine (ou une source), mais toute fontaine n'est pas un puits. L'eau
qui jaillit des entrailles de la terre et satisfait aux besoins de ceux qui
viennent y puiser, s'appelle une source; si elle jaillit à la surface de la
terre et qu'elle soit comme sous la main, ce n'est qu'une source, mais si
l'eau est à une grande profondeur dans l'intérieur de la terre, c'est à la
fois un puits et une source. — Théophylactus
: Mais pourquoi l'Evangéliste fait-il mention de cette fontaine et de cet
héritage ? Premièrement, pour que tous n'éprouviez aucune surprise lorsque
vous entendrez dire à cette femme car c'est leur père Jacob qui leur a donné
ce puits; secondement, pour vous apprendre par le souvenir de ce puits et de cet
héritage que les Juifs ont perdu par leur impiété, ce que les patriarches
avaient reçu comme récompense de la foi qu'ils avaient en Dieu, et que ces
lieux avaient été livrés aux nations idolâtres; il n'y a donc rien de nouveau
ni d'étonnant à ce que le royaume des cieux passe encore des Juifs aux
Gentils. S. Jean Chrysostome : (hom 31). Notre Seigneur Jésus-Christ en se
rendant dans la Samarie, ne fait usage d'aucune des commodités de la vie, il
choisit ce qu'il y a de plus pénible, il ne se sert point de monture, et
entreprend à pied un voyage si difficile qu'il en éprouve une grande fatigue;
ainsi nous apprend-il à renoncer à toutes les superfluités et à nous priver
même de beaucoup de choses nécessaires : C'est ce que veut exprimer
l'Evangéliste par ces paroles : « Jésus, fatigué de la route, s'assit sur le
bord du puits. » — S. Augustin : (Traité
15). Il semble dire : Nous avons trouvé Jésus à la fois plein de force et de
faiblesse; plein de force, parce qu'il est le Verbe qui était au
commencement; plein de faiblesse, parce que le Verbe s'est fait chair. C'est
donc Jésus faible parce qu'il l'a voulu, qui, fatigué de la route, s'assied
sur les bords du puits. — S. Jean
Chrysostome : (hom. 31). Ainsi, ce n'est ni sur un trône, ni sur des
coussins qu'il est assis, mais simplement sur la terre, comme cela se
rencontrait. Il s'assied et pour attendre ses disciples, et pour reposer et
rafraîchir près de cette fontaine son corps fatigué de la route et des
ardeurs du soleil : « Or, il était environ la sixième heure. » — Théophylactus : L'Evangéliste
prévient le reproche qu'on pourrait faire au Sauveur de venir dans la Samarie
après avoir lui-même défendu à ses disciples d'y aller, en faisant remarquer
que c'est pour se reposer de la fatigue du chemin que Jésus s'est assis dans
cet endroit. Alcuin : Dans le sens mystique, le Seigneur quitte la
Judée, (c'est-à-dire l'incrédulité de ceux qui ont refusé de le recevoir), il
s'en va dans lu personne de ses apôtres en Galilée) figure de la rapidité du
monde, et nous apprend ainsi à passer nous-mêmes des vices à la pratique des
vertus. Ce champ, à mon avis, avait été laissé moins à Joseph qu'à
Jésus-Christ dont il était la figure, et qu'adorent véritablement le soleil,
la lune et les étoiles. Le Seigneur se rend dans ce champ, afin que les
Samaritains qui revendiquaient pour eux l'héritage du patriarche Jacob
pussent reconnaître le Christ qui est le légitime héritier du patriarche, et
se convertir à lui. — S. Augustin : (Traité
15). Le chemin qu'il fait, c'est la chair qu'il a prise pour notre salut, car
pour celui qui est partout, venir à nous, c'est se revêtir d'une chair
visible. Il est fatigué de la route, c'est-à-dire fatigué des infirmités
naturelles à la chair. Que signifie la sixième heure ? Le sixième âge du
monde. Comptez en effet comme la première heure, le premier âge d'Adam
jusqu'à Noé; le second, de Noé à Abraham; le troisième d'Abraham jusqu'à
David : le quatrième, de David jusqu'à la transmigration de Babylone; le
cinquième, de la transmigration de Babylone jusqu'au baptême de Jean où
commence le sixième âge. S. Augustin : (Liv. des 83 Quest., quest. 64). C'est donc
à la sixième heure du jour que Notre Seigneur vint s'asseoir sur le bord du
puits. Je vois dans ce puits une profondeur ténébreuse, je suis autorisé à y
reconnaître les parties inférieures de ce monde, c'est-à-dire la terre sur
laquelle le Seigneur Jésus est venu à la sixième heure, c'est-à-dire au
sixième âge du genre humain qui représente la vieillesse de l'homme ancien
dont nous devons nous dépouiller pour nous revêtir du nouveau. La sixième
heure en effet représente la vieillesse; la première, l'âge le plus tendre;
la seconde, l'enfance; la troisième, l'adolescence; la quatrième, la
jeunesse; la cinquième, l'âge mûr. Notre Seigneur vient encore s'asseoir sur
le bord de ce puits, vers la sixième heure, c'est-à-dire au milieu du jour,
alors que le soleil commence à descendre vers le couchant, parce qu'en effet
lorsque Jésus-Christ nous appelle à lui, nous sentons le goût des biens
visibles s'affaiblir en nous pour faire place à l'amour des choses invisibles
et les yeux de notre âme se tourner vers cette lumière intérieure qui ne se
couche jamais. Notre Seigneur est assis, ce qui peut figurer son humilité, ou
bien comme les docteurs ont coutume d'être assis, pour nous rappeler qu'il
est notre véritable maître. Versets 7-12.
S. Jean Chrysostome : (hom. 31). Comme le Sauveur paraissait aller
contre le commandement qu'il avait fait en parlant aux Samaritains,
l'Evangéliste nous donne plusieurs raisons de la conversation qu'il eut avec
cette femme. D'abord il n'était point venu dans le dessein premier de
s'entretenir avec des Samaritains. Mais fallait-il pour cela repousser cette
femme qui venait à lui, comme le remarque l'Evangéliste : « Or, une femme de
Samarie vint puiser de l'eau ? » Vous voyez que cette femme vient puiser de
l'eau à cause de la chaleur. S. Augustin : (Traité 15). Cette femme est la figure de
l'Eglise qui n'est pas encore justifiée, mais qui n'est pas loin de la
justification. C'est comme symbole de ce qui doit arriver, qu'elle vient du
milieu des étrangers. Car les Samaritains étaient des étrangers pour les
Juifs quoique habitant une contrée voisine. Or, l'Eglise aussi devait venir
du milieu des nations et d'une race étrangère à celle des Juifs. Théophylactus : La discussion avec cette femme commence très
à-propos à l'occasion de la soif qu'éprouvait le Sauveur : « Jésus lui dit :
Donnez-moi a boire. » Il avait soif en effet dans sa nature humaine par suite
de la fatigue et de la chaleur. — S.
Augustin : (Quest. 83, quest. 64). Jésus avait soif aussi de la foi de
cette femme, car il a soif de la foi de tous les hommes pour lesquels il a
répandu son sang. — S. Jean
Chrysostome : (hom. 31). Notre Seigneur non-seulement affronte
courageusement les difficultés delà route, mais se montre plein
d'indifférence pour la nourriture, car ses disciples ne portaient point de
vivres avec eux, comme nous le voyons par la suite du récit : « Ses disciples
étaient allés dans la ville acheter de quoi manger. » L'Evangéliste nous fait
encore ressortir l'humilité de Jésus qui consentait à ce qu'on le laissât
seul. Il aurait pu s'il avait voulu, ou en garder quelques-uns près de lui,
ou a leur défaut, avoir d'autres serviteurs, il ne le voulut pas, pour
apprendre à ses disciples à fouler aux pieds tout orgueil. On me dira,
peut-être, quoi d'étonnant que les disciples fussent humbles eux qui
n'étaient que de simples pécheurs et des fabricants de tentes ? Mais ne
sont-ils pas devenus tout d'un coup plus dignes de vénération que tous les
rois, eux les amis et les intimes du Seigneur de l'univers entier ? Ne
voit-on pas en effet ceux qui sortent d'une condition obscure et qui sont
élevés à quelque dignité, être plus accessibles à l'orgueil, et comme
incapables de supporter le poids d'un si grand honneur ? Le Seigneur donc, en
maintenant ses disciples dans les mêmes sentiments d'humilité, leur apprenait
à se modérer en toutes choses. Or, cette femme trouve dans ces paroles du
Sauveur : « Donnez-moi à boire, » une occasion tout naturel de lui faire
cette question : « Comment vous qui êtes Juif, me demandez-vous à boire à moi
qui suis Samaritaine ? » Elle présuma qu'il était Juif à sa figure et à son
langage. Mais voyez la circonspection de cette femme, car si Jésus devait se
garder de tout commerce avec elle, elle n'avait point les mêmes raisons
d'éviter tout rapport avec lui. L'Evangéliste en effet ne dit point que les
Samaritains n'ont point de commerce avec les Juifs, mais que les Juifs n'ont
point de commerce avec les Samaritains. Depuis le retour de la captivité, les
Juifs étaient en garde contre les Samaritains et les regardaient comme des
étrangers et des ennemis, car ils ne recevaient pas toutes les Ecritures, et
n'admettaient que le livre de Moïse, sans tenir beaucoup de compte des
prophètes. Ils prétendaient avoir part à la noblesse du peuple juif qui les
avait en horreur à l'égal des autres nations infidèles. — S. Augustin : (Traité 15). Les Juifs
n'auraient voulu à aucun prix se servir des vases qui étaient à l'usage des
Samaritains; aussi cette femme qui portait un vase pour puiser de l'eau,
s'étonnait qu'un Juif lui demandât à boire, ce que ne faisaient jamais les
Juifs. — S. Jean Chrysostome : (hom.
31). Mais comment Jésus peut-il lui demander à boire, malgré la défense de la
loi ? Dira-t-on qu'il prévoyait bien qu'elle n'accéderait pas à sa demande ?
C'était une raison de ne pas la faire. Disons donc qu'il lui demande à boire
parce que le temps était venu où l'on pouvait sans se rendre coupable,
laisser de côté de telles observances. S. Augustin : (Traité 15). Celui qui lui demandait à boire
avait soif de la foi de cette femme. Aussi « Jésus lui répondit : Si vous
connaissiez le don de Dieu, » etc. — Origène
: (Traité 14 sur S. Jean). C'est une vérité des mieux établies en effet
que les grâces divines ne sont accordées qu'à ceux qui les désirent et les
recherchent. Ainsi le Père fait un commandement au Sauveur de lui demander ce
qu'il désire obtenir : « Demandez-moi, et je vous donnerai les nations pour
héritage. » (Ps 2) Notre Seigneur lui-même nous en fait un précepte : «
Demandez, et vous recevrez; » (Mt 7, Lc 11) et voilà pourquoi il dit ici : «
Peut-être lui en auriez-vous demandé, et il vous aurait donné une eau vive.»
— S. Augustin : (Liv. des 83
Quest. quest. 64). Il cherche à lui faire comprendre que l'eau qu'il lui
demandait n'était pas celle qu'elle entendait, mais qu'il avait soif de sa
foi et qu'elle eût soif elle-même de l'Esprit saint qu'il désirait lui
donner. Car cette eau vive, si nous la comprenons bien, c'est le don de Dieu,
comme le Sauveur dit expressément : « Si vous connaissiez le don de Dieu. » —
S. Augustin : (Traité 15). On
donne ordinairement le nom d'eau vive à celle qui jaillit d'une source; car
pour l'eau de pluie qu'on recueille dans des fossés et dans des citernes, ce
n'est point de l'eau vive. De même on ne peut appeler de l'eau vive l'eau qui
vient d'une source, mais qu'on a recueillie dans un réservoir où ne coule pas
la source d'où elle provient, et dont le cours se trouve interrompu de
manière à séparer cette eau de la source qui l'a produite. —S. Jean Chrysostome : (hom. 32).
L'Ecriture sainte donne à la grâce de l'Esprit saint tantôt le nom d'eau,
tantôt le nom de feu, ce qui est une preuve que ces noms ne sont pas
l'expression de la nature de cette personne divine, mais de son action. Le
feu est l'emblème de l'efficacité et de la ferveur de la grâce pour effacer
et détruire le péché, et l'eau est la figure de l'action purifiante de
l'Esprit saint, et le rafraîchissement divin qu'il donne aux âmes qui le
reçoivent. — Théophylactus : Il
appelle la grâce de l'Esprit saint une eau vive, rafraîchissante et active,
car la grâce de l'Esprit saint dirige et conduit celui qui fait le bien et
dispose dans son cœur les degrés, par lesquels il s'élève jusqu'à Dieu. S. Jean Chrysostome : (hom. 32). Le Sauveur a déjà modifié
l'opinion que cette femme avait d'abord de lui, en le regardant comme un
homme ordinaire; elle le traite avec plus d'égards, et lui donne le nom de
Seigneur : « Cette femme lui dit : Seigneur, vous n'avez pas avec quoi
puiser, et le puits est profond; d'où auriez-vous donc de l'eau vive ? » — S. Augustin : (Traité 15). Vous voyez
que la Samaritaine n'entendait par eau vive que celle qui était dans le
puits, et qu'elle semble dire à Notre Seigneur : Vous voulez me donner de
l'eau vive, mais j'ai seule le vase nécessaire pour la puiser, et vous ne
l'avez pas; vous ne pouvez donc pas me donner cette eau vive, puisque vous
n'avez pas de quoi la puiser. Peut-être me promettez-vous l'eau d'une autre
source, mais êtes-vous plus puissant que notre père Jacob, qui nous a donné
ce puits, et en a bu lui-même, aussi bien que ses enfants et ses troupeaux ?
» — S. Jean Chrysostome : (hom. 31).
Voici le sens de ces paroles : « Vous ne pouvez pas dire que Jacob nous a
donné ce puits, il est vrai, mais qu'il a fait usage d'un autre. Car lui
aussi bien que ses enfants ont bu de cette eau, ce qu'ils n'eussent pas fait,
s'ils avaient eu une source meilleure et plus pure. Vous ne pouvez donc
prétendre avoir une fontaine meilleure que celle-ci, à moins que vous ne vous
donniez comme un personnage plus grand que Jacob. Mais d'où ferez-vous venir
cette eau que vous me promettez ? — Théophylactus
: Elle ajoute : « Et ses troupeaux, » pour montrer combien ces eaux
étaient abondants, et comme si elle disait : Cette eau est si bonne, que
Jacob en a bu ainsi que ses enfants; et elle est si abondante, qu'elle a
suffi pour abreuver les nombreux troupeaux du patriarche. S.
Jean Chrysostome : (hom. 3l). Voyez comme cette femme prétend ouvertement partager l'honneur de la
nation juive. Les Samaritains, en effet, regardaient Abraham comme leur
ancêtre, parce qu'il était chaldéen d'origine, et ils appelaient Jacob leur
père, parce qu'il était le petit-fils d'Abraham. — S. Bède : Ou bien, elle appelle Jacob son père, parce qu'elle
avait vécu sous la loi de Moïse, et que la nation possédait l'héritage que
Jacob avait donné à son fils Joseph. — Origène
: (Traité 14 sur S. Jean). Dans le sens mystique, le puits de Jacob, ce
sont les maintes Ecritures, ceux qui sont versés dans la connaissance de ces
saintes lettres, boivent comme Jacob et ses enfants; les esprits simples et
ignorants boivent comme les troupeaux du patriarche. Versets13-18.
S. Jean Chrysostome : (hom. 32). A la question que lui fait cette
femme : « Etes-vous plus grand que notre père Jacob ? » Jésus ne répond pas
expressément : Oui, je suis plus puissant que lui, pour ne point paraître se
glorifier lui-même, mais il le fait entendre en termes équivalents : « Jésus
lui répondit : Quiconque boit de cette eau, aura encore soif, mais celui qui
boira de l'eau que je lui donnerai, n'aura jamais soif. L’eau que je lui
donnerai, deviendra en lui une fontaine d'eau jaillissante pour la vie
éternelle. » C'est-à-dire Jacob vous paraît puissant et admirable, parce
qu'il vous a donné l'eau de ce puits, que direz-vous donc si je vous donne
une eau bien meilleure. Il ne déprécie pas l'eau de ce puits, il lui en
indique simplement une d'une qualité bien supérieure; il ne dit point que
cette eau est vile et méprisable, mais il donne un fait qui est attesté par
l'expérience, c'est que celui qui boira de cette eau aura encore soif. — S. Augustin : (Traité 15). Ce qui est
très-vrai et de l'eau naturelle et de l'eau allégorique, dont elle est la
figure. L'eau, dans le puits, signifie la volupté charnelle dans les
profondeurs ténébreuses du siècle : c'est là que les hommes viennent la
puiser avec l'urne de la convoitise, car c'est par la convoitise qu'on est
poussé à la volupté. Mais lorsque l'homme s'est désaltéré dans les
jouissances charnelles, sa soif sera-t-elle apaisée pour toujours ? Il est
donc vrai que celui qui boira de cette eau aura encore soif. Mais s'il boit
de l'eau que je donne, il n'aura jamais soif; car comment ceux qui seront
enivrés de l'abondance de la maison de Dieu (Ps 35), pourraient-ils encore
éprouver le besoin de la soif ? Ce que le Sauveur promettait donc à cette
femme, c'était l'effusion surabondante de l'Esprit saint qui devait rassasier
son âme. — S. Jean Chrysostome : (hom.
32). Notre Seigneur donne la raison des propriétés merveilleuses de cette eau
qui doit étancher la soif à tout jamais : « Mais l'eau que je lui donnerai
deviendra en lui une fontaine d'eau vive qui rejaillira jusque dans la vie
éternelle, » paroles qui équivalent à celles-ci : Celui qui aurait une source
au dedans de lui-même, n'éprouverait jamais le besoin de la soif; ainsi en
sera-t-il de celui qui boira cette eau que je lui donnerai. — Théophylactus : Car l'eau que je lui
donnerai ira toujours en se multipliant; les saints reçoivent, en effet, de
la grâce, le principe et les semences des vertus, mais c'est à eux de les
développer et de les faire croître par leurs travaux et par leurs efforts. S. Jean Chrysostome : (hom. 32). Voyez comme Notre Seigneur élève
peu à peu cette femme jusqu'à la hauteur des vérités de la foi chrétienne.
Elle a commencé par le regarder comme un juif transgresseur de sa loi.
Lorsqu'elle l'entendit parler d'eau vive, elle prit ses paroles dans un sens
matériel. Comprenant ensuite leur signification spirituelle, elle crut que
cette eau pourrait étancher la soif pour toujours. Cependant elle ne savait
pas encore quelle était cette eau, mais elle cherchait à le savoir, persuadée
qu'elle était au-dessus des choses sensibles. Aussi écoutez ce qu'elle dit au
Sauveur : « Cette femme lui dit : Donnez-moi de cette eau, afin que je n'aie
plus soif, et que je ne vienne plus ici puiser. » Et elle place ainsi Jésus
bien au-dessus du patriarche Jacob, dont elle avait cependant une si haute
opinion. S. Augustin : (Traité 15). On peut dire aussi que la
Samaritaine se conduisait encore par les inclinations de la chair, elle fut
charmée de pouvoir échapper au besoin de la soif, et elle s'imaginait que
c'était nue promesse toute matérielle que Notre Seigneur lui avait faite.
Dieu avait préservé pendant quarante jours son serviteur Elie de la faim et
de la soif. (R 3, 19). Puisqu'il pouvait en préserver pour quarante jours, ne
pouvait-il pas affranchir pour toujours de la nécessité de boire ? Cette
promesse sourit à cette femme, et elle prie le Sauveur de lui donner cette
eau vive : « Seigneur, donnez-moi cette eau, afin que je n'aie plus soif, et
que je ne vienne plus ici puiser, » car son indigence l'obligeait à cette
fatigue, que sa faiblesse lui faisait repousser. Plût à Dieu qu'elle eût
entendu cette douce invitation : « Venez à moi, vous qui travaillez et qui
êtes chargés, et je vous soulagerai ! » (Mt 11) Jésus adressait ces paroles
pour la délivrer de tout travail, mais elle ne les comprenait pas encore. Notre
Seigneur voulut enfin lui en donner l'intelligence : « Jésus lui dit : Allez,
appelez votre mari et venez ici. » Qu'est-ce que cela veut dire ? Est-ce que
c'est par l'intermédiaire de son mari qu'il voulait lui donner cette eau ?
Voulait-il se servir de lui pour lui enseigner ce qu'elle ne comprenait pas
suivant la recommandation de l'Apôtre : « Si les femmes veulent s'instruire
de quelque chose, qu'elles le demandent à leurs maris dans la maison ? » Mais
cela ne doit se faire que lorsqu'on n'a pas le Seigneur lui-même pour maître,
car dès lors qu'il était présent, qu'était-il besoin du mari pour enseigner
la femme ? Est-ce que le Sauveur employait l'intermédiaire d'un homme pour
parler à Marie qui était assise à ses pieds ? S. Jean Chrysostome : (hom. 32). Aux instances que fait la
Samaritaine pour recevoir l'eau qui lui a été promise, Jésus répond : «
Appelez votre mari, et comme pour lui faire comprendre qu'il voulait faire
participer son mari à la même grâce. Mais cette femme désirait recevoir cette
eau sans retard; elle voulait d'ailleurs cacher la honte de sa vie à Jésus,
en qui elle ne voyait qu'un homme : « La femme lui répondit : Je n'ai point
de mari. » Le Sauveur profite de cet aveu pour lui découvrir le scandale de sa
vie. Il lui rappelle tous ceux qu'elle a eus pour mari, et lui fait un
reproche de celui qu'elle cherche en ce moment à dissimuler : « Jésus lui dit
: Vous avez raison de dire : Je n'ai point de mari. » — S. Augustin : (Traité 15). Cette femme, en effet, n'avait point
alors de mari, et vivait avec je ne sais quel homme dans une union illégitime
et scandaleuse, Notre Seigneur le lui rappelle avec une intention
particulière et secrète en lui disant : « Vous avez eu cinq maris. » Origène : (Traité 13 sur S. Jean). Examinez s'il ne
serait pas possible dans le sens allégorique, de voir dans cette fontaine de
Jacob l'ensemble des saintes Ecritures; l'eau que donne Jésus, ce sont les
mystères que contiennent les saintes Ecritures, et qu'il n'est pas donné à
tout le monde d'approfondir; car la lettre de l'Ecriture a été dictée par des
hommes, mais ces mystères que l'œil de l'homme n'a point vus, que son oreille
n'a point entendus, que le cœur de l'homme n'a point compris, peuvent être
reproduits par les Ecritures; or ils découlent de cette source qui rejaillit
jusqu'à la vie éternelle, c'est-à-dire de l'Esprit saint qui est un esprit de
sagesse, et sont révélés à ceux qui ne portent plus en eux-mêmes au cœur
d'homme, et qui peuvent dire avec l'Apôtre : « Pour nous, nous avons l'esprit
de Jésus-Christ. » (1 Co 2, 16). Celui donc qui n'entre point dans la
profondeur des paroles, peut bien goûter quelques instants de repos, mais
pour retomber bientôt dans le doute. Celui, au contraire, qui boit de l'eau
que Jésus lui donne, voit jaillir en lui la source de toutes les vérités
qu'il cherche à connaître, et à mesure que l'eau s'élève, son âme s'envole à
la suite de cette eau qui jaillit jusqu'à la vie éternelle. Cette femme
voulait, sans recourir à l'eau de Jacob, parvenir à la vérite à la manière
des anges, et par une voie supérieure à celle des hommes; car les anges n'ont
point besoin de l'eau de Jacob pour étancher leur soif, mais chacun d'eux a
au dedans de lui une fontaine d'eau qui sort du Verbe et qui rejaillit jusqu'à
la vie éternelle : « Cette femme lui dit donc : Seigneur, donnez-moi cette
eau. » Or. ici-bas, il est impossible de recevoir l'eau qui est donnée par le
Verbe. sans puiser à la fontaine de Jacob; aussi lorsque la Samaritaine loi
demande cette eau, Jésus semble lui dire qu'il ne peut lui en donner qu'en
puisant à la fontaine de Jacob : or Jésus lui dit : Allez, appelez votre
mari, et venez ici. » Si nous avons soif, nous ne devons d'abord chercher à
nous rafraîchir qu'avec l'eau de la fontaine de Jacob; car selon la doctrine
de l'Apôtre : la loi est comme le mari de l'âme. (Rm 7) — S. Augustin : (Liv. des 83 quest.,
quest. 64). Dans ces cinq maris, il en est qui voient la figure des cinq
livres qui ont été écrits par Moïse; et ce que Notre Seigneur ajoute : «
Celui que vous avez maintenant n'est pas votre mari, » devrait s'entendre de
lui-même. Tel serait donc le sens de ces paroles : « Vous avez d'abord été
soumise aux cinq livres de Moïse, comme à cinq maris. Mais maintenant celui
que vous avez (c'est-à-dire que vous entendez), n'est pas votre mari, parce
que vous ne croyez pas encore en lui. Mais puisqu'elle ne croyait point
encore en Jésus-Christ, et qu'elle était encore unie et soumise à ces cinq
maris, c'est- à-dire à ces cinq livres, pourquoi le Sauveur lui dit-il : «
Vous avez eu cinq maris, » comme si elle avait cessé de les avoir ?
D'ailleurs, comment peut-on comprendre qu'il faille rompre avec ces cinq
livres pour se soumettre à Jésus-Christ, alors que celui qui croit en
Jésus-Christ, loin de renoncer à ces cinq livres, recherche et goûte bien
plus vivement le sens spirituel de ces livres ? Il faut donc entendre ces
paroles autrement. — S. Augustin : (Traité
15). Jésus, voyant que cette femme ne comprenait pas, et voulant l'amener à
comprendre les enseignements qu'il lui adressait : « Appelez, lui dit-il,
votre mari, » c'est-à-dire, faites que votre intelligence soit présente.
Lorsqu'on effet, la vie est bien réglée, c'est la raison qui dirige ses
opérations, la raison qui n'est point quelque chose en dehors de l'âme, mais
qui est une des facultés de l'âme. Cette faculté de l'âme qu'on appelle la
raison ou l'esprit, est éclairée par une lumière supérieure. Cette lumière
s'entretenait avec cette femme, mais l'intelligence lui faisait défaut. Aussi
le Sauveur semble lui dire : Je voudrais vous éclairer, et le sujet manque;
appelez donc votre mari, c'est-à-dire faites usage de l'intelligence qui doit
vous enseigner, vous conduire; mais tant qu'elle n'a pas appelé son mari,
elle ne peut comprendre. Les cinq premiers hommes peuvent signifier les cinq
sens du corps. Car avant que l'homme fasse usage de sa raison, il n'est
conduit que par les sens du corps; mais lorsque l'âme est devenue capable de
raison, elle se laisse alors diriger ou par la vérité ou par l'erreur. Or,
l'erreur est incapable de diriger, et ne peut qu'égarer. Après avoir obéi à
ses cinq sens, cette femme était donc encore dans l'égarement; l'erreur
qu'elle suivait n'était pas son légitime mari, mais un adultère. C'est donc
avec raison que le Sauveur lui dit : « Rompez avec cet adultère qui ne peut
que vous corrompre, et appelez votre mari pour qu'il vous aide à me
comprendre. » Origène : (Traité 13 sur S. Jean). Mais où Jésus
pouvait-il mieux convaincre la Samaritaine que l'homme avec qui elle vivait
n'était pas son véritable époux, qu'auprès de la fontaine de Jacob ? Si la
loi est le mari de l'âme, on peut dire aussi que la Samaritaine, obéissant à
une fausse interprétation de la loi, suivait les rites idolâtriques des
infidèles. Le Sauveur la rappelle donc au Verbe de vérité, qui devait
ressusciter d'entre les morts, pour ne plus mourir. Versets 19-24.
S. Jean Chrysostome : (hom. 31). Cette femme ne s'offense pas des
reproches du Sauveur, elle ne songe pas à le quitter, mais pleine au
contraire d'admiration, elle prolonge la conversation pour rester avec lui :
« La femme lui dit : Seigneur, je vois que vous êtes un prophète, »
c'est-à-dire, les secrets que vous venez de me révéler me prouvent que vous
êtes un prophète. — S. Augustin : (Traité
15). Son mari commence à venir, mais il n'est pas encore tout à fait venu.
Elle regarde le Seigneur comme un prophète, et il était prophète, en effet,
car il a dit de lui-même : « Il n'y a point de prophète sans honneur, si ce
n'est dans sa patrie. » — S. Jean
Chrysostome : (hom. 32). Dans cette persuasion où elle est, elle ne lui
demande aucun des biens de la terre, aucune des chose qui ont rapport à cette
vie, elle ne se soucie ni de la santé, ni de l'opulence, ni des richesses,
elle ne cherche qu'à s'instruire de la doctrine céleste. Elle, qui ne
ressentait d'abord que les atteintes de la soif et n'était occupée que des
moyens de la calmer, n'a plus qu'une pensée, celle de connaître la vérité. — S. Augustin : Elle entame la
discussion par le sujet qui la préoccupait le plus : « Nos pères, dit-elle,
ont adoré sur cette montagne, et vous vous dites que Jérusalem est le lieu où
il faut adorer. » C'était le grand sujet de dispute entre les Samaritains et
les juifs. Les Juifs adoraient Dieu dans le temple bâti par Salomon, et se
vantaient par là même d'être supérieurs aux Samaritains. Ceux-ci leur
répondaient : Pourquoi vous vanter d'être en possession d'un temple que nous,
Samaritains, nous n'avons pas ? Est-ce que nos pères qui, certes, ont été
agréables à Dieu, l'ont adoré dans ce temple ? Nous sommes donc bien plus en
droit de prier Dieu sur cette montagne où nos pères lui ont offert leurs
adorations. — S. Jean Chrysostome : (hom.
32). Ces aieux dont elle invoque l'exemple, c'est Abraham et les patriarches.
C'est là, en effet, suivant la tradition, qu'Abraham offrit à Dieu son Fils
Isaac. — Origène : On peut dire
encore que les Samaritains regardant comme sainte la montagne de Garizim,
près de laquelle Jacob habita, croyaient devoir y offrir à Dieu leurs adorations.
Les Juifs, au contraire, pour qui la montagne de Sion était sacrée, la
regardaient comme le lieu exclusivement choisi de Dieu pour y recevoir les
prières des hommes. Or, comme les Juifs, de qui vient le salut, sont figure
de ceux qui n'admettent que la saine doctrine, tandis que les Samaritains
sont l'image de ceux qui se livrent à tous les caprices si divers de
l'erreur, le mot Garizim, qui veut dire distinction ou division, représente
les Samaritains, comme la montagne de Sion, qui signifie lieu d'observation,
représente les Juifs. S. Jean Chrysostome : (hom. 32 et 33). Jésus ne résout pas
aussitôt la question qui lui est proposée, mais il élève cette femme à de
plus hautes considérations, ce qu'il ne fait cependant que lorsqu'elle eut
reconnu qu'il était prophète, afin qu'elle ajoutât une foi entière à ce qu'il
allait lui révéler : « Jésus lui dit : Femme, croyez-moi, » etc. Il lui dit :
« Croyez-moi, » parce qu'en toute circonstance la foi nous est nécessaire
comme la mère de tous les biens, comme l'unique moyen d'arriver au salut, et
sans lequel nous ne pouvons avoir la connaissance des grandes vérités du
salut. Ceux qui ne s'appuient que sur leurs propres raisonnements, sont
semblables à ceux qui essaieraient de traverser la mer sans navire, ils pourront
peut-être nager un instant, mais à peine se seront-ils avancés en pleine mer
qu'ils seront submergés dans les flots. — S. Augustin : (Traité 15). Le mari de cette femme est présent, le
Sauveur peut donc lui dire : « Croyez-moi. » Vous avez on vous celui qui doit
croire, vous êtes ici présente par votre intelligence, mais si vous ne croyez
point, vous ne comprendrez point. — Alcuin
: Ces paroles : « L'heure vient, » signifient le temps de la doctrine
évangélique qui était proche, et où toutes les figure ? devaient disparaître
pour céder la place à la vérité qui devait répandre ses plus pures lumières
dans l'âme de ceux qui devaient embrasser la foi. S. Jean Chrysostome : (hom. 33 sur S. Jean). Il était utile que Notre
Seigneur expliquât la raison pour laquelle les patriarches avaient adorer
Dieu sur la montagne de Garizim, tandis que les Juifs l'adoraient à
Jérusalem; il n'en dit donc rien, il se contente de lui dire que le culte
rendu à Dieu par les Juifs était préférable, non à cause du lieu où ils l'adoraient,
mais à cause de l'esprit qui les guidait : « Vous adorez, vous, ce que vous
ne connaissez pas, pour nous, nous adorons ce que nous connaissons, car le
salut vient des Juifs. » — Origène : (Traité
14 sur S. Jean). Ce mot « vous, » littéralement, désigne les Samaritains;
dans le sens allégorique, il s'applique à ceux qui interprètent les Ecritures
dans un sens contraire à celui de l'Eglise, ou dont la doctrine est tout
autre et par-là même erronée. De même le pronom « nous, » dans le sens
littéral, désigne les Juifs, et dans le sens allégorique, le Verbe divin,
aussi bien que ceux qui ont avec lui une bienheureuse conformité et qui
parviennent au salut par les Ecritures qui sont entre les mains des Juifs. — S. Jean Chrysostome : (hom. 33). Les
Samaritains, en effet, adoraient ce qu'ils ne savaient pas, parce qu'ils
faisaient de Dieu un être limité par les lieux et comme divisé par parties.
Dans leur pensée, il n'était donc point supérieur aux idoles, et c'est pour
cela qu'ils mêlaient le culte de la divinité avec celui des démons. Les
Juifs, au contraire, étaient affranchis de ces erreurs et connaissaient le
seul vrai Dieu de l'univers, comme le déclare Notre Seigneur : « Nous adorons
ce que nous savons. » Il se met lui-même au nombre des Juifs pour répondre à
l'opinion de cette femme qui le considérait comme un prophète des Juifs, et
c'est pour cela qu'il dit : « Nous adorons, » bien qu'il soit évidemment
celui qui reçoit les adorations de tous les hommes. Les paroles qui suivent :
« Parce que le salut vient des Juifs, » ne signifient autre chose que ce sont
les Juifs qui ont conservé dans toute leur pureté toutes les doctrines du
salut qui se répandirent ensuite dans tout l'univers comme la connaissance de
Dieu, l'horreur pour les idoles et les autres vérités dogmatiques; notre
culte même tire son origine de celui des Juifs. Notre Seigneur appelle sa
présence dans le monde le salut, et il dit que ce salut vient des Juifs,
selon ces paroles de l'Apôtre : « Eux de qui est sorti selon la chair
Jésus-Christ. » (Rm 9) Voyez comme il confirme l'autorité de l'Ancien
Testament, qu'il présente comme la source de tous les biens en même temps
qu'il démontre qu'il n'est point opposé à la loi. — S. Augustin : (Traité 15). Notre Seigneur accorde beaucoup aux
Juifs, en déclarant en leur nom : « Pour nous, nous adorons ce que nous
connaissons. » Ce n'est pas toutefois au nom des Juifs infidèles et réprouvés
qu'il parle de la sorte, mais au nom de ceux qui ressemblèrent aux Apôtres,
aux prophètes et à tous les saints, qui déposaient le prix de leurs biens aux
pieds des Apôtres. (Ac 4) S. Jean Chrysostome : (hom. 33). Les Juifs vous sont donc
supérieurs, ô femme, dans le culte qu'ils rendent à Dieu, mais ce culte
lui-même touche à sa fin : « Car vient l'heure, (et elle est déjà venue) où
les vrais adorateurs adoreront en esprit et en vérité. » Les oracles des
prophètes avaient pour objet des événements éloignés, c'est pour cela que Notre
Seigneur dit : « Et elle est déjà venue, » pour ne point laisser croire que
cette prophétie ne doit s'accomplir que longtemps après. Le fait, dit-il, est
proche, et va bientôt se réaliser. Il se sert de cette expression : « Les
vrais adorateurs, » pour les distinguer des faux adorateurs, qui ne cherchent
dans la prière que les biens terrestres et périssables, ou dont la conduite
est en opposition directe avec l'objet de leurs prières. — S. Augustin : (hom. 33). Ou bien par
les vrais adorateurs, il veut exclure à la fois les Juifs et les Samaritains,
car bien que les Juifs fussent préférables aux Samaritains, cependant ils
étaient bien inférieurs à ceux qui devaient leur succéder, et autant que la
figure l'est à la vérité : « Les vrais adorateurs sont donc ceux qui ne
cherchent point à circonscrire le culte de Dieu dans un seul lieu et qui
l'adorent en esprit, à l'exemple de saint Paul, qui disait de lui-même : «
Dieu, que je sers en esprit. » — Origène
: (Traité 14). Notre Seigneur répète deux fois : « L'heure vient. » La
première fois, sans ajouter : « La voici, elle est venue; » la seconde fois,
en ajoutant : « Et elle est venue. » Je crois que la première fois, Notre
Seigneur veut exprimer l'adoration parfaite de l'âme affranchie du corps dans
l'autre vie, et que la seconde fois il veut parler de celle que nous rendons
à Dieu dans la vie présente avec toute la perfection possible à la nature
humaine. Lors donc que sera venue la première heure prédite par le Sauveur,
il nous faudra éviter la montagne des Samaritains et adorer Dieu dans Sion où
est Jérusalem, qui est appelée par Jésus-Christ la cité du grand roi. C'est
l'Eglise où l'oblation sainte et les victimes spirituelles sont offertes en
présence de Dieu par ceux qui ont l'intelligence de la loi spirituelle. Mais
lorsque l'ordre des siècles sera révolu, il ne faudra plus songer à rendre le
vrai culte à Dieu dans Jérusalem, c'est-à-dire, dans l'Eglise de la terre,
car les anges n'adorent pus Dieu dans Jérusalem; ainsi ceux dont les Juifs
n'étaient que la figure, adorent le Père d'une manière bien supérieure à ceux
qui habitent Jérusalem. Lorsque cette heure sera venue, chaque fidèle
deviendra le fils du Père. C'est pour cela que Notre Seigneur ne dit pas :
Vous adorerez Dieu, mais : « Vous adorerez le Père. » Dans la vie présente,
les vrais adorateurs adorent Dieu en esprit et en vérité. — S. Jean Chrysostome : (hom. 33). Le
Sauveur veut parler ici de l'Eglise, où l'on offre à Dieu l'adoration
véritable et la seule digne de lui. C'est pour cela qu'il ajoute : « Car ce
sont là les adorateurs que cherche le Père. » Il avait toujours cherché de
tels adorateurs, cependant il les laissa s'attacher à leurs anciens rites et
à leurs cérémonies figuratives, par condescendance et pour les amener ainsi à
la vérité. Origène : (Traité 14). Si le Père cherche de tels
adorateurs, c'est par Jésus-Christ qui est venu chercher et sauver ceux qui
avaient péri (Lc 19), et c'est par ses divins enseignements qu'il en a fait
de véritables adorateurs. Le Sauveur ajoute : « Dieu est esprit d
probablement parce qu'il nous conduit à la véritable vie, et que le principe
de la vin du corps elle-même vient de l'esprit. — S. Jean Chrysostome : (hom. 33). Ou bien il veut nous apprendre
que Dieu est incorporel, et que le culte que nous lui rendons doit l'être
également, c'est-à-dire que nous devons lui offrir l'hommage spirituel d'un
cœur pur. C'est pour cela qu'il ajoute : « Et ceux qui l'adorent doivent
l'adorer en esprit et en vérité. » Les Samaritains se souciaient peu de leur
âme, et au contraire s'occupaient beaucoup du corps pour lequel ils
épuisaient tous les modes de purification. Notre Seigneur enseigne donc à
cette Samaritaine que en n'est point par les purifications du corps, mais par
la pureté de ce qui est incorporel en nous, c'est-à-dire l'esprit, que nous
pouvons rendre au Dieu incorporel un culte digne de lui. — S. Hilaire : (De la Trin., 3). Ou
bien encore, lorsque Notre Seigneur enseigne que Dieu qui est esprit doit
être adoré en esprit, il nous fait connaître la liberté et la science de ses
vrais adorateurs, et l'infinité de leurs adorations, selon ces paroles de l'Apôtre
: « Là où est l'esprit de Dieu, là est la liberté. » (2 Co 3, 17). — S. Jean Chrysostome : (hom. 33). Il
faut adorer dans la vérité, parce que les rites et les cérémonies de
l'ancienne loi n'étaient que des figures, par exemple, la circoncision, les
holocaustes et les ablations de l'encens; maintenant au contraire tout est
vérité. — Théophylactus : Ou bien
encore il ajoute : « Et en vérité » parce qu'il en est beaucoup comme les
hérétiques qui s'imaginent adorer Dieu en esprit, tout en se formant de
fausses idées de sa divinité. Peut-être même pourrait-on dire que Notre
Seigneur a voulu désigner ici les deux parties de la sagesse chrétienne
considérées subjectivement; c'est-à-dire l'action et la contemplation;
l'esprit exprime la vie active selon les paroles de l'Apôtre : « Ceux qui
sont poussés par l'esprit de Dieu sont les enfants de Dieu. » (Rm 8, 14). La
vérité est comme l'emblème de la vie contemplative. Ou bien enfin, aux
Samaritains qui professaient cette erreur que Dieu était renfermé dans un
lieu, et que c'était dans ce lieu qu'il fallait adorer Dieu, Jésus déclare
que les vrais adorateurs adoreront en esprit, et non plus en circonscrivant
leurs hommages dans un seul lieu; et aux Juifs pour qui tout était ombre et
figure, il enseigne que les vrais adorateurs n'adoreront plus en figure, mais
en vérité. Dieu est esprit, il cherche donc des adorateurs spirituels; il est
vérité, il cherche des adorateurs véritables. — S. Augustin : (Traité 15). Vous cherchiez peut-être une montagne
pour prier, vous espériez être plus près de Dieu, mais celui qui habite les
hauteurs des cieux s'abaisse jusqu'aux humbles; il vous faut donc descendre
pour monter. Ce sont les degrés que le chrétien fidèle dispose dans son cœur
dans cette vallée de larmes (Ps 82), qui sont la figure de l'humilité. Vous
voulez prier dans un temple, priez en vous-même, mais commencez par devenir
le temple de Dieu ? Versets 25-26.
S. Jean Chrysostome : (hom 33). Cette femme comme fatiguée par la
hauteur de ces sublimes enseignements, reste dans la surprise et dans
l'étonnement. Elle lui dit donc : « Je sais que le Messie est sur le point de
venir, » etc. — S. Augustin : (Traité
15). Le mot grec Christ qui veut dire en latin oint signifie en hébreu
Messie. La Samaritaine savait donc déjà que c'était au Messie de l'instruire,
mais elle ne connaissait pas encore que le Messie était précisément celui qui
dans ce moment l'instruisait sur ce grave sujet. Voilà pourquoi elle ajouta :
« Lors donc qu'il sera venu, il nous instruira de toutes choses. » Elle
semble dire : Les Juifs disputent dans l'intérêt de leur temple, et nous en
faveur de cette montagne, lorsque le Messie viendra, il rejettera cette
montagne, il renversera le temple et nous enseignera comment il faut adorer
Dieu en esprit et en vérité. S. Jean Chrysostome : (hom. 33). Mais comment les Samaritains
pouvaient-ils attendre l'avènement du Christ ? Ils admettaient la loi de
Moïse, et c'était dans les écrits de Moïse qu'ils avaient puisé cette
espérance. Jacob en effet avait prophétisé l'avènement du Christ en ces
termes : Le sceptre ne sera point ôté de Juda, ni le prince de sa postérité
jusqu'à ce que celui qui doit être envoyé soit venu. » (Gn 49, 10). Moïse
lui-même n'avait-il pas dit : « Dieu vous suscitera un prophète du milieu de
vos frères ? » (Dt 18) — Origène : Il
ne faut pas oublier que de même que Jésus a paru au milieu des Juifs,
non-seulement en déclarant mais en prouvant qu'il était le Christ, ainsi on
vit aussi paraître parmi les Samaritains un certain Dosithée qui prétendait être
le Christ prédit par les prophètes. — S.
Augustin : (Liv. des 83 Quest., quest. 64). Peut-être est-ce pour
confirmer l'explication allégorique qui fait voir les cinq sens du corps dans
les cinq maris de cette femme, qu'après les cinq premières réponses qui sont
encore charnelles dans leur objet, elle nomme le Christ à la sixième. S. Jean Chrysostome : (hom. 33). Notre Seigneur ne tarde pas
davantage à se révéler à cette femme : « Jésus lui dit : Je le suis, moi qui
vous parle. » S'il s'était fait connaître dès le commencement, il eût paru
céder à un sentiment de vanité, au contraire, après qu'il a réveillé
insensiblement dans l'esprit de cette femme le souvenir du Christ, cette
révélation est on ne peut plus opportune. Les Juifs demandèrent un jour au Sauveur
: « Si vous êtes le Christ, dites-le nous franchement. » (Jn 10) Mais il ne
leur répondit que d'une manière obscure et mystérieuse, parce qu'ils lui
faisaient cette demande, non dans le désir de s'instruire et pour croire en
lui, mais pour le calomnier, tandis que cette femme parlait dans toute la
simplicité de son cœur. Versets 27-30.
S. Jean Chrysostome : (hom. 33). Les disciples de Jésus arrivèrent
justement fort à propos, lorsque cet entretien venait de se terminer : « En
même temps, ses disciples arrivèrent, et ils s'étonnaient, » etc. Ils
admiraient la douceur et l'excessive bonté du Sauveur, qui si grand qu'il
était, daignait s'abaisser jusqu'à s'entretenir si familièrement avec une
pauvre femme et une Samaritaine. — S.
Augustin : (Traité 15). Ils admiraient la bonté du Sauveur, et se
gardaient bien de soupçonner le moindre mal. — S. Jean Chrysostome : (hom. 33). Cependant, malgré leur
étonnement, ils ne lui demandent point la raison de cet entretien. «
Néanmoins aucun ne dit : Que lui demandez-vous ? ou : Pourquoi parlez-vous
avec elle ? » Ils étaient habitués à garder la sage réserve qui convient à
des disciples pleins d'une crainte respectueuse pour leur maître. Dans
d'autres circonstances, ils l'interrogent avec liberté sur des choses qu'il
leur importait de savoir, tandis qu'il n'y avait rien pour eux de personnel
dans cet entretien. Origène : (Traité 15 sur S. Jean). Notre Seigneur se
sert de cette femme comme d'un apôtre pour évangéliser ses concitoyens, il
l'a tellement enflammée par ses paroles du feu sacré du zèle, qu'elle laisse
là son urne pour retourner à la ville et raconter tout à ses concitoyens : «
La femme alors, laissant là sa cruche, s'en alla dans la ville. » Elle oublie
et les soins du corps, et la bassesse apparente de l'office qu'elle
remplissait, elle ne voit que l'utilité du plus grand nombre. Ainsi
devons-nous oublier et sacrifier nos intérêts corporels, pour nous efforcer
de communiquer aux autres les biens que nous avons reçus. — S. Augustin : (Traité 15). Le mot
grec ύδρίχ vient de ΰδωρ, qui
veut dire eau, et signifie un vase destiné à porter de l'eau. — S. Jean Chrysostome : (hom. 34) A
l'exemple des apôtres qui avaient quitté leurs filets, cette femme laisse là
son urne et remplit l'office d'un évangéliste, et ce n'est pas une seule
personne, mais une ville tout entière qu'elle appelle à la connaissance de la
vérité : « Elle alla dans la ville, et dit aux habitants : Venez voir un
homme qui m'a dit tout ce que j'avais fait. » — Origène : Elle les rappelle à venir voir un homme dont la parole
était supérieure à la parole de l'homme. Ce qu'elle avait fait, c'était
d'abord d'avoir eu cinq maris, et de vivre ensuite avec un sixième dans un
commerce illégitime; mais elle se sépare de cet homme pour s'attacher à un
septième, et au moment où elle laisse son urne, elle a déjà recouvré la
pudeur. S. Jean Chrysostome : (hom.
34). Elle n'a point de honte de révéler les désordres de sa vie, car lorsque
l'âme est enflammée de l'amour divin, aucune des choses de la terre ne
l'arrête plus, elle n'est sensible ni à la gloire, ni à la honte, elle obéit
uniquement à la flamme qui la dévore. Cette femme ne prétend pas qu'on la
croie sur parole, et elle demande à ses concitoyens de venir se convaincre de
leurs yeux et de leurs oreilles de la vérité de la doctrine du Christ. Aussi
ne leur dit-elle pas : Venez et croyez, mais : « Venez et voyez, » ce qui
était moins décisif; car elle était persuadée que s'ils approchaient
seulement leurs lèvres de cette source divine, ils éprouveraient aussitôt ce
qu'elle avait éprouvé elle-même. Alcuin : Remarquez qu'elle n'en vient que par degrés
à leur annoncer le Christ; elle ne leur en parle d'abord que comme d'un homme
dans la crainte que le nom de Christ ne vînt à les irriter et à les empêcher
de venir. — S. Jean Chrysostome : (hom.
34). Voilà pourquoi elle ne dit point d'un ton affirmatif : Cet homme ne
peut-être que le Christ; elle ne s'en tait pas non plus absolument, mais elle
dit d'un ton dubitatif « Cet homme ne serait-il pas le Christ ? » Aussi se
rendent-ils à son témoignage : « Ils sortirent donc de la ville et vinrent à
lui. » S. Augustin : (Liv. des 83 Quest., quest. 64). Il ne faut
point passer légèrement sur cette circonstance que la Samaritaine abandonne
sa cruche. Cette cruche signifie la convoitise avec laquelle l'homme puise la
volupté charnelle des profondeurs ténébreuses du cœur, comme d'un puits
obscur, c'est-à-dire de la vie de la terre et des sens. Mais dès lors qu'elle
croit en Jésus-Christ, elle doit renoncer au monde, et en laissant son urne,
montrer qu'elle renonce à la convoitise du monde. — S. Augustin : (Traité 15). Elle s'est dépouillée de sa convoitise
pour être plus libre d'annoncer et de prêcher la vérité, et apprend ainsi à
tous ceux qui veulent annoncer l'Evangile à laisser d'abord près du puits
l'urne de la convoitise. — Origène : Aussitôt
qu'elle a ouvert son cœur à la véritable sagesse, elle fait peu de cas de
tout ce qu'elle aimait auparavant et se hâte de s'en dépouiller. Versets 31-34.
S. Augustin : (Traité 15). Les disciples avaient été
acheter des provisions, et ils étaient revenus. Cependant ses disciples le
pressaient en disant : « Maître, mangez, » — S. Jean Chrysostome : (hom. 34). Ils le voyaient fatigué tout à
la fois de la route et de la chaleur, et ils le pressent simplement et
familièrement de manger, ce n'était point témérité de leur part, mais une
preuve de leur affection pour leur maître. — Origène : Ils désirent qu'il profite pour manger du temps qui
devait s'écouler entre le départ de cette femme et l'arrivée des Samaritains,
car ils n'avaient pas l'habitude de lui servir sa nourriture devant des
étrangers, c'est pour cela que l'Evangéliste dit expressément : « Pendant ce
temps-là. » Théophylactus : Le Seigneur qui savait que la Samaritaine allait
lui amener tous les habitants de la ville, voulut l'apprendre à ses disciples
: « Mais il leur dit : J'ai une nourriture à manger que vous ne connaissez
pas. » — S. Jean Chrysostome : (hom
34). Il parle ici du salut des hommes comme d'une nourriture pour nous faire
comprendre le grand désir qu'il a de notre salut. Il le désire aussi vivement
qu'il nous est naturel de désirer la nourriture. Mais remarquez qu'il ne
révèle pas aussitôt cette vérité, il fait naître le doute dans l'esprit de
ses auditeurs, pour qu'ils embrassent avec plus d'ardeur la vérité qui a été
de leur part l'objet de sérieuses recherches. — Théophylactus : Il dit : « Que vous ne connaissez pas, »
c'est-à-dire vous ne savez pas que le salut des hommes est pour moi une
véritable nourriture, ou vous ne savez pas que les Samaritains doivent
embrasser la foi et être sauvés. Les disciples étaient encore dans le doute
sur le véritable sens de ces paroles : « Et les disciples se disaient l'un à
l'autre : Quelqu'un lui aurait-il apporté à manger ? » — S. Augustin : (Traité 15). Quoi d'étonnant que cette femme n'ait
pas compris la nature de l'eau que Jésus voulait lui donner, alors que ses
disciples eux-mêmes ne comprennent pas quelle est cette nourriture dont il
leur veut parler ? — S. Jean Chrysostome
: (hom. 34). Ils donnent ici une preuve de leur respect habituel pour
leur maître, ils se font cette demande entre eux, mais ils n'osent
l'interroger lui-même. — Théophylactus
: De ces paroles : « Quelqu'un lui aurait-il apporté à manger ? » nous concluons
légitimement que Notre Seigneur avait coutume de recevoir les aliments qu'on
lui offrait, non sans doute qu'il eût besoin du secours d'autrui, lui qui
donne la nourriture à toute chair (Ps 146), mais pour donner à ceux qui lui
faisaient cette offrande l'occasion d'une action méritoire. Il nous apprenait
en même temps à ne point rougir de la pauvreté, comme aussi à ne point
regarder comme une humiliation d'être nourri par les autres, car c'est une
nécessité inhérente à la condition des docteurs de se décharger sur les
autres du soin de pourvoir à leur nourriture pour s'occuper exclusivement du
ministère de la parole. S. Augustin : (Traité 15). Le Seigneur entendit pour ainsi
dire les pensée de ses disciples, et il les instruit en maître directement et
ouvertement sans prendre de circuits comme il l'avait fait avec la
Samaritaine : « Jésus leur dit : Ma nourriture est de faire la volonté de
celui qui m'a envoyé. » — Origène : La
nourriture qui convient au Fils de Dieu c'est d'accomplir la volonté de son
Père, en se proposant pour règle de ses actions les décrets de cette volonté
divine. Or, le Fils de Dieu peut seul accomplir dans sa perfection la volonté
du Père. Les autres saints conforment toutes leurs actions à cette volonté,
mais celui-là seul l'accomplit dans toute sa perfection qui a dit : « Ma
nourriture est de faire la volonté de celui qui m'a envoyé. » C'est la
nourriture qui lui est exclusivement propre. Mais quelle est la volonté du
Père ? C'est, ajoute Nôtre-Seigneur, d'accomplir son œuvre. En effet, pour
parler simplement, dans un ouvrage quelconque, l'œuvre qui est commandée est
lu fait de celui qui commande, c'est ainsi que nous disons de ceux qui
construisent une maison ou creusent la terre, qu'ils exécutent l'œuvre de
celui qui les a pris à son service. Mais si l'œuvre de Dieu est parfaitement
accomplie par Jésus-Christ, elle était donc imparfaite auparavant, et comment
admettre l'imperfection dans l'œuvre de Dieu ? L'accomplissement parfait de
cette œuvre, c'était le perfectionnement de la créature raisonnable, et c'est
pour donner toute sa perfection à cette oeuvre imparfaite que le Verbe s'est
fait chair et qu'il a habité parmi nous. Nous disons donc que l'homme avait
été créé dans un certain état de perfection, il en est déchu par sa faute, et
le Seigneur a été envoyé d'abord pour accomplir la volonté de celui qui
l'avait envoyé, et en second lieu, pour consommer l'œuvre de Dieu, afin que
tout chrétien puisse parvenir à la perfection nécessaire pour participer à
une nourriture plus solide. — Théophylactus
: Le Fils de Dieu donne encore à l’oeuvre de Dieu, c'est-à-dire à
l'homme, toute sa perfection en montrant en lui-même notre nature pure de
tout péché, parfaite dans toutes ses actions et affranchie de la corruption.
Il accomplit aussi dans sa perfection l'œuvre de Dieu, c'est-à-dire la loi,
parce que Jésus-Christ est la fin de la loi (Rm 10); il fait cesser le règne
de la loi, en accomplissant toutes les figures qu'elle contenait, et en
substituant aux cérémonies extérieures de la loi un culte vraiment spirituel. Origène : Dans le sens mystique, après l'entretien que
le Sauveur venait d'avoir sur la boisson de l'âme, et ses divins
enseignements sur l'eau toute spirituelle qu'il devait lui donner, il était
naturel de parler de la nourriture. La Samaritaine à qui Notre Seigneur demandait
à boire, ne pouvait lui offrir une boisson digne de lui; les disciples qui
n'avaient trouvé chez ces étrangers que des aliments bien ordinaires, les
présentent à Jésus en le pressant de manger. Ne pourrait-on pas dire que les
disciples craignent que le Verbe de Dieu n'étant point suffisamment soutenu
par la nourriture qui lui est propre ne vienne à tomber en défaillance. Ils
proposent donc au Verbe de se nourrir de tous les aliments qu'ils trouvent et
qu'ils lui présentent, espérant ainsi le conserver au milieu d'eux en lui
donnant la nourriture qui doit il soutenir et le fortifier. Mais les corps
qui ne peuvent se soutenir que par la nourriture n'ont pas tous besoin des
mêmes aliments, ni de la même quantité d'aliments, il en est de même dans les
choses spirituelles. Parmi les âmes, il en est qui demandent une nourriture
plus abondante, d'autres ont besoin d'une quantité beaucoup moins
considérable, parce que leur capacité est différente, et qu'elles n'ont, pour
ainsi parler, ni les mêmes proportions, ni la même mesure. Il faut dire la
même chose des discours et des pensées de haute perfection qui ne peuvent
convenir indifféremment à toutes les âmes; les enfants nouvellement nés
désirent le lait spirituel et pur qui doit les faire croître pour le salut.
(1 P 2) Mais ceux qui sont parfaits demandent une nourriture plus solide. (He
5) Notre Seigneur exprime donc une vérité certaine en disant : « J'ai une
nourriture à manger, que vous ne connaissez pas, » et tout homme qui se
trouve placé au-dessus des infirmes et qui ne peuvent se nourrir des mêmes
considérations que les âmes fortes, peut s'appliquer ces mêmes paroles. Versets 35-38.
S. Jean Chrysostome : (hom. 34). Notre Seigneur explique à ses
disciples quelle est cette volonté du Père dont il vient de parler : « Ne
dites-vous pas : Encore quatre mois et la moisson sera venue. » — Théophylactus : C'est-à-dire la
moisson matérielle. Mais moi, je vous dis que le temps de la moisson
spirituelle est venu. Il parlait ainsi à la vue des Samaritains qui venaient
à lui; c'est pour cela qu'il ajoute : « Levez les yeux et voyez les champs
qui déjà blanchissent pour la moisson. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 34). Il se sert des choses les plus
ordinaires pour les élever à la considération des vérités les plus sublimes;
les champs et la moisson sont ici la figure des âmes qui sont prêtes à
recevoir la parole de la prédication. Les yeux sont ici tout à la fois les
yeux du corps et de l'âme, car les disciples voyaient en effet les
Samaritains qui accouraient en foule. La comparaison qu'il fait des
dispositions de ces hommes avec les champs qui blanchissent, est des plus
justes, car de même que les épis blanchis n'attendent plus que la faux du
moissonneur, ainsi ces hommes sont prêts à recevoir le salut. Mais pourquoi
Jésus ne dit-il pas clairement et sans figure qu'ils sont disposés à recevoir
la prédication de l'Evangile ? Pour deux raisons : premièrement, pour rendre
cette vérité plus saillante en la plaçant pour ainsi dire sous les yeux;
secondement, pour donner plus de charme à son récit et en rendre le souvenir
plus durable. S. Augustin : (Traité 15). Le Sauveur brûlait du désir
d'accomplir son œuvre; et avait hâte d'envoyer des ouvriers recueillir cette
moisson. C'est pour cela qu'il ajoute : « Celui qui moissonne, reçoit sa
récompense, et recueille le fruit pour la vie éternelle, et ainsi celui qui
sème se réjouit comme celui qui moissonne. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 34). Notre Seigneur établit ici
clairement la distinction qui sépare les choses de la terre des biens du
ciel; il avait dit précédemment de l'eau qu'il voulait donner : « Celui qui
boit cette eau, n'aura plus soif, » et ici : « Celui qui moissonne reçoit sa
récompense et recueille le fruit pour la vie éternelle, » et encore : « Et
ainsi celui qui sème se réjouit comme celui qui moissonne. » Les prophètes
ont répandu la semence, mais ce sont les apôtres qui ont moissonné, comme il
va bientôt le dire : « L'un sème et l'autre moissonne. » Il ne faut pas
croire cependant que les prophètes qui ont semé n'aient point de part à la
récompense; c'est pour éloigner cette idée que Notre Seigneur donne une
raison qui n'a point son application dans les choses sensibles. Dans le cours
ordinaire de la vie, s'il arrive que l'un sème et que l'autre moissonne, la
joie n'est pas égale pour tous deux. Ceux qui ont semé s'attristent d'avoir
travaillé pour les autres, et ceux qui moissonnent sont les seuls à se
réjouir. Il n'en est pas de même ici, ceux qui ont semé ne moissonnent pas,
et cependant ils partagent la joie de ceux qui moissonnent, et reçoivent la
même récompense. — S. Augustin : (Traité
15). Les Apôtres et les prophètes ont travaillé à des époques bien
différentes, mais ils auront part à la même joie, et recevront tous pour
récompense la vie éternelle. S. Jean Chrysostome : (hom. 34). Pour appuyer ce qu'il vient de
dire, Notre Seigneur rappelle le proverbe suivant : « Ici ce que l'on dit
d'ordinaire est vrai, l'un sème et l'autre moissonne, » C'était un proverbe
que l'on citait, lorsqu'on voyait les uns supporter toutes les fatigues, et
d'autres venir moissonner tous les fruits. Mais ce proverbe a surtout ici son
application, parce que les prophètes ont travaillé et que vous moissonnez les
fruits de leurs travaux, comme le Sauveur l'ajoute : « Je vous ai envoyés
moissonner où vous n'avez pas travaillé. » — S. Augustin : (Traité 18). Quoi donc ? Notre Seigneur envoie des
moissonneurs et non pas des semeurs. Et où envoie-t-il des moissonneurs ? Là
où les prophètes avaient déjà répandu la semence. Lisez leurs travaux, et
dans tous ces travaux vous trouverez une prophétie du Christ. La moisson
était donc prête à recueillir, lorsque tant de milliers d'hommes offraient le
prix de leurs biens (Ac 4), et le déposaient aux pieds des Apôtres, heureux
de se décharger du fardeau des biens de la terre pour suivre plus librement Notre
Seigneur Jésus-Christ. Quelques grains de cette moisson ont été jetés dans la
terre, et ont ensemencé l'univers tout entier; il en est sorti une antre
moisson qui ne doit point être recueillie par les Apôtres, mais par les anges
: « Les moissonneurs, dit-il ailleurs, sont les anges. » (Mt 13) — S. Jean Chrysostome : (hom. 34). Il
dit donc à ses disciples : « Je vous ai envoyés moissonner où vous n'avez pas
travaillé, » c'est-à-dire, je vous ai réservé le travail où la fatigue est
beaucoup moindre que la joie et le plaisir, et j'ai chargé les prophètes de
ce qu'il y avait de plus pénible, c'est-à-dire de répandre la semence, et
n'est ainsi que « d'autres ont travaillé et que vous êtes entrés dans leurs
travaux. » Il veut ainsi nous prouver que la volonté des prophètes et le but
que se proposait la loi étaient que tous les hommes vinssent se ranger autour
de lui, et ils ont semé dans l'intention de préparer cette moisson. Il prouve
en même temps que c'est lui qui a envoyé les prophètes, et l'étroite union
qui existe entre l'Ancien et le Nouveau Testament. Origène : (Traité 15 sur S. Jean). On peut encore
donner de tout ce passage, l'explication suivante. Si rien ne s'oppose à ce
qu'on entende dans un sens allégorique ces paroles : « Levez les yeux, »
etc., n'est-il pas permis d'entendre dans le même sens les paroles qui
précèdent immédiatement : « Ne dites-vous pas : Encore quatre mois, et la
moisson sera venue ? » Or, voici l'explication qu'on pourrait donner de ces
paroles des disciples : « Encore quatre mois, et la moisson sera venue. » Un
grand nombre des disciples du Verbe, c'est-à-dire du Fils de Dieu, qui
considèrent que la vérité est incompréhensible à la nature humaine, n'ont pas
plus tôt découvert qu'il y avait une vie différente de la vie présente qui
est soumise à la corruption des quatre éléments, qui sont comme autant de
mois, qu'ils croient ne parvenir qu'après cette vie seulement à la
connaissance de la vérité. Les disciples disent donc de la moisson, qui est
le terme de tous les efforts qui tendent à la vérité, qu'elle se fera après
qu'aura cessé la domination des quatre éléments. Le Verbe incarné redresse
dans leur esprit cette pensée qui n'est pas conforme à la vérité, en leur
disant : « Ne dites-vous pas : Encore quatre mois et la moisson vient. Et moi
je vous dis : « Levez les yeux. » Dans plusieurs endroits de l'Ecriture, le
Verbe divin nous fait cette recommandation d'élever nos pensées qui se traînent
ordinairement sur les choses de la terre, et qui ne peuvent s'en affranchir
sans le secours de Jésus. Nul, en effet, ne peut obéir à ce commandement,
s'il reste l'esclave de ses passions et d'une vie sensuelle, il ne verra
point les champs blanchis pour la moisson. Or, les champs blanchissent,
lorsque le Verbe de Dieu répand sa lumière sur toutes les parties de
l'Ecriture, auxquelles l'avènement de Jésus donne tonte leur fécondité.
Toutes les choses sensibles elles-mêmes sont comme des champs blanchis pour
la moisson, pour ceux qui élèvent les yeux, lorsque la raison nous montre
dans chaque objet créé l'éclat de la vérité qui se trouve répandue sur toutes
choses. (Traité 16). Celui qui recueille ces moissons spirituelles a un
double avantage, le premier, lorsqu'il reçoit sa récompense : « Et celui qui
moissonne, reçoit une récompense, » c'est-à-dire la récompense future : « Et
il recueille le fruit pour la vie éternelle, » ce qui exprime une disposition
précieuse dé l'intelligence, qui est le fruit de la contemplation elle-même.
Dans toute doctrine, je pense, celui qui pose les principes est celui qui
sème; d'autres à leur tour prennent ces principes, les méditent, les
fécondent par de nouvelles considérations, et procurent ainsi à leurs
descendants l'avantage de moissonner et de recueillir des fruits qui sont
parvenus à leur maturité. C'est surtout dans l'art des arts que nous pouvons
voir l'application de cette vérité. Ceux qui ont semé, c'est Moïse et les
prophètes qui ont prédit l'avènement du Christ; les moissonneurs sont les
Apôtres qui ont reçu Jésus-Christ et contemplé sa gloire. La semence, c'est
la connaissance que nous donne la révélation du mystère qui a été caché et
comme enseveli dans le silence des siècles passés; les champs sont les livres
de la loi et des prophètes qui n'avaient point leur clarté, pour ceux qui
n'étaient point capables de comprendre l'avènement du Verbe. Celui qui sème
et celui qui moissonne partageront la même joie, lorsque dans la vie future
le chagrin et la tristesse auront complètement disparu. C'est ce qui a
commencé à se réaliser, lorsque Jésus fut transfiguré dans la gloire, et que
les moissonneurs Pierre, Jacques et Jean, et les semeurs, Moïse et Elie se
livraient à une joie commune en voyant la gloire du Fils de Dieu. Examinez
cependant si ces mêmes paroles : « Autre est celui qui sème, et autre celui
qui moissonne, » ne peuvent pas s'entendre des temps différents dans lesquels
les hommes ont été justifiés, lorsqu'ils étaient les uns disciples de
l'Evangile, les autres simples observateurs de la loi. Les uns et les autres
ont part cependant à la même joie, car c'est la même fin que se propose un
seul et même Dieu, par le même Jésus-Christ et dans un même Esprit. Les
Apôtres sont entrés dans les travaux des prophètes et de Moïse, ils les ont
moissonnés d'après les instructions de Jésus, en recueillant dans leurs
greniers, c'est-à-dire dans leur intelligence, les vérités cachées dans les
écrits de Moïse et des prophètes. Ceux qui recueillent les fruits d'une
doctrine déjà semée, ont un partage plus éclatant, mais sont loin de
travailler autant que ceux qui ont répandu la semence. Versets 39-42.
Origène : (Traité 13 sur S. Jean). Après avoir
rapporté les paroles de Jésus à ses disciples, l'Evangéliste continue son
récit, en racontant la conversion des habitants de cette ville qui vinrent
trouver Jésus, et crurent en lui par le témoignage de cette femme. — S. Jean Chrysostome : (hom. 34). Tout
se fait ici avec autant de facilité qu'au temps de la moisson, les gerbes
sont promptement recueillies, et en un instant l'aire de la grange en est
remplie : « Or, beaucoup de samaritains de cette ville entrent en lui, » etc.
Ils voyaient bien que ce n'était point par un sentiment naturel que cette
femme était pleine d'admiration pour celui qui lui avait reproché ses
désordres et qu'elle avait reconnu en lui les caractères d'une grandeur et
d'une supériorité incontestables. — S.
Jean Chrysostome : (hom. 35). Ce fut donc sur le seul témoignage de cette
femme, et sans avoir vu aucun miracle, qu'ils sortirent de la ville, et
prièrent Jésus de rester au milieu d'eux. Les Juifs, au contraire, témoins de
tant de miracles, non-seulement ne cherchèrent point à le retenir au milieu
d'eux, mais mirent tout en œuvre pour le chasser de leur pays. Rien de plus
mauvais, en effet, que l'envie et la jalousie, rien de plus pernicieux que la
vaine gloire qui corrompt et détruit tous les biens qu'elle touche. Les
Samaritains voulaient le retenir toujours auprès d'eux, mais il ne se rendit
pas à leurs désirs, il demeura seulement deux jours avec eux : « Et il y
demeura deux jours. » Origène : On pourrait demander avec assez de raison
comment le Sauveur a pu rester deux jours avec les Samaritains, qui l'en
avaient prié, lui qui avait défendu à ses disciples d'entrer dans les villes
des Samaritains. (Mt 10) Et il est évident que les disciples y entrèrent avec
lui. Nous répondons que marcher dans la voie des nations, c'est se laisser
gagner par les croyances des nations, et en faire la règle de sa conduite, et
qu'entrer dans les villes des Samaritains, c'est adhérer à la fausse doctrine
de ceux qui admettent la loi, les prophètes, les évangiles et les écrits des
Apôtres; mais lorsqu'ils abandonnent leur doctrine personnelle pour venir
trouver Jésus, il est alors permis de demeurer avec eux. S. Jean Chrysostome : (hom. 35). Les Juifs, malgré tous les
miracles dont ils furent témoins, demeurèrent dans leur incrédulité, tandis
que les Samaritains, sans avoir vu aucun miracle, et après avoir entendu
seulement Jésus, manifestèrent en lui une foi vraiment extraordinaire : « Et
un plus grand nombre crurent en lui pour avoir entendu ses discours. »
Pourquoi donc les Evangélistes ne nous ont-ils pas rapporté ces discours ?
Pour vous apprendre qu'ils ont passé sous silence bien des choses
importantes; ils vous font toutefois comprendre la puissance de ces discours,
puisqu'ils ont persuadé tous les habitants de cette ville. Là, au contraire,
où les auditeurs ne se laissent point persuader, les Evangélistes sont comme
obligés de reproduire les discours du Sauveur, pour montrer que ce défaut de
persuasion ne doit pas être imputé à l'insuffisance de la parole, mais aux
mauvaises dispositions dès auditeurs. Or, les Samaritains, devenus les
disciples de Jésus-Christ, ne veulent plus de cette femme pour les instruire
: « Et ils disaient à la femme : Maintenant ce n'est plus sur ce que vous
avez dit que nous croyons; car nous-mêmes nous l'avons entendu, et nous
croyons qu'il est vraiment le Sauveur du monde. » Voyez comme ils comprennent
aussitôt qu'il était venu délivrer l'univers, et que voulant opérer le salut
de tous les hommes, il ne devait pas renfermer son action dans la Judée, mais
répandre partout la semence de sa parole. En le proclamant le Sauveur du
monde, ils prouvent encore que le monde était perdu, et plongé dans un abîme
de maux. Les prophètes et les anges étaient venus aussi en qualité de
sauveurs, mais le seul vrai Sauveur est celui qui donne le salut,
non-seulement pour le temps, mais pour l'éternité. Voyez encore comme malgré
la question de cette femme qui semble renfermer quelque doute : « Ne
serait-il point le Christ ? » ils ne disent point : Nous soupçonnons, mais :
« Nous savons. » Ils vont plus loin, et reconnaissent qu'il est vraiment le
Sauveur du monde, c'est-à-dire qu'il n'est pas un sauveur ordinaire comme
l'ont été tant d'autres. Ils s'expriment de la sorte pour l'avoir entendu
seulement parler, que n'auraient-ils pas dit à la rue des miracles si
nombreux et si extraordinaires qu'il opérait ? Origène : Si nous nous rappelons ce qui précède, nous
n'aurons point de peine à comprendre qu'après avoir trouvé la parole de
vérité, ces Samaritains abandonnent toute autre doctrine, et sortent de la
ville de leurs anciennes croyances pour embrasser la foi qui conduit au salut.
Aussi est-ce avec intention, je pense, que l'Evangéliste ne dit pas : Les
Samaritains le prièrent d'entrer dans la Samarie ou dans leur ville, mais : «
Ils le prièrent de demeurer dans leur pays. » Jésus demeure toujours avec
ceux qui l'en prient, et surtout lorsqu'ils sortent de leur ville et viennent
le trouver. — S. Augustin : (Traité
15). Il demeure deux jours avec eux, c'est-à-dire qu'il leur donne les deux
préceptes de la charité. — Origène : Ils
n'étaient pas encore dignes de voir son troisième jour, car ils ne désiraient
point voir de choses extraordinaires, comme les disciples qui se trouvèrent
avec Jésus aux noces de Cana, en Galilée, trois jours après que Jésus les eut
appelés à sa suite. (Jn 2) Plusieurs d'entre eux durent le commencement de
leur foi à la parole de cette femme qui leur' attestait que Jésus lui avait
dit tout ce qu'elle avait fait, mais le progrès de cette foi et le nombre
beaucoup plus considérable de ceux qui crurent ensuite furent l'œuvre des
enseignements du Sauveur lui-même; car la connaissance du Verbe ou Fils de
Dieu, qui est due à un témoignage extérieur, n'est jamais aussi parfaite que
celle qu'il répand avec toutes ses clartés dans l'âme de celui qu'il daigne
instruire lui-même. S. Augustin : (Traité 15). Les Samaritains connurent donc
Jésus-Christ, d'abord par ce qu'ils entendirent raconter de lui, et ensuite
par ce qu'ils virent de leurs yeux. Il tient encore aujourd'hui la même
conduite à l'égard de ceux qui sont en dehors de l'Eglise et ne sont pas
encore chrétiens. Ce sont les amis de Jésus-Christ, déjà chrétiens eux-mêmes,
qui commencent à le faire connaître, et c'est sur le témoignage de cette
femme, c'est-à-dire, de l'Eglise, qu'ils viennent le trouver. Ils croient
donc d'abord par l'intermédiaire de cette femme, mais sur le témoignage même
du Sauveur, un bien plus grand nombre croit et d'une foi plus parfaite qu'il
est vraiment le Sauveur du monde. — Origène
: Il est impossible que l'effet produit sur l'intelligence, par ce que
l'on voit soi-même, ne sont pas supérieur à l'impression produite par le
témoignage d'un témoin oculaire, et il vaut beaucoup mieux avoir l'espérance
que la foi pour guide, c'est pour cela que les habitants de cette ville
croient non-seulement sur un témoignage humain, mais sur le témoignage de la
vérité elle-même. Versets 43-45.
S. Augustin : (Traité 16). Après avoir passé deux jours
dans la Samarie, Jésus s'en alla en Galilée, où il avait été élevé : « Deux
jours après il sortit de ce lieu, » etc. Il nous parait surprenant que
l'Evangéliste ajoute : « Car Jésus lui-même a rendu ce témoignage qu'un
prophète n'est point honoré dans sa patrie, » il semble qu'il eût été plus
logique de dire qu'un prophète n'est point honoré dans sa patrie, s'il avait
évité d'aller dans la Galilée et qu'il fût resté dans la Samarie. Voici à mon
avis l'explication de cette difficulté : Jésus ne resta que deux jours dans
Samarie, et tous les Samaritains crurent en lui; il prolonge son séjour dans
la Galilée, et les Galiléens refusèrent de croire en lui, et c'est ce qui lui
fait dire qu'un prophète est sans honneur dans sa sa patrie. — S. Jean Chrysostome : (hom. 35). On
peut dire encore que l'Evangéliste ajoute cette réflexion, parce que le
Sauveur ne se rendit pas à Capharnaüm, mais dans la Galilée, et de là dans la
ville de Cana; car la patrie dont il est ici question est Capharnaüm, et pour
se convaincre qu'il n'y reçut aucun honneur, il suffit de se rappeler les
paroles qu'il a prononcées lui-même : « Et toi, Capharnaüm, qui t'es élevée
jusqu'au ciel, tu seras abaissé jusqu'aux enfers. » (Mt 11) L'Evangéliste
appelle la patrie du Sauveur le lieu où il paraît avoir passé la plus grande
partie de sa vie. Théophylactus : On peut donner encore cette explication :
Jésus, en sortant de la ville de Samarie se rend dans la Galilée, il pouvait
donc paraître étonnant qu'il n'y restât pas plus longtemps, l'Evangéliste en
donne la raison, c'est qu'il n'y était nullement honoré, ce qu'il déclare on
ces termes : « Un prophète n'est point honoré dans sa patrie. » Origène : Approfondissons davantage cette parole. La
Judée était la patrie des prophètes, et personne n'ignore qu'ils n'ont reçu
des Juifs aucun honneur, comme l'atteste Notre Seigneur loi-même : « Quel est
celui des prophètes que vos pères n'ont point persécuté ? » La vérité de ce
proverbe est d'autant plus frappante qu'il ne s'applique pas seulement aux
saints prophètes qui ont été méprisés par leurs compatriotes, et à Notre
Seigneur Jésus-Christ lui-même, mais qu'il s'étend à certains philosophes qui
n'ont recueilli de leurs concitoyens que le mépris, les mauvais traitements
et la mort même. S. Jean Chrysostome : (hom. 35). Quoi donc ? Est-ce que nous ne
voyons pas un certain nombre d'hommes qui ont excité l'admiration de leur
concitoyens ? Oui, sans doute, mais il ne faut pas prendre l'exception qui
arrive rarement comme règle générale. D'ailleurs, s'ils ont été honorés dans
leur patrie, ils l'eussent encore été davantage dans un autre pays, car
l'habitude et la familiarité engendrent ordinairement le mépris : Lorsque
Jésus fut arrivé dans la Galilée, il fut donc accueilli par les Galiléens,
comme le remarque l'Evangéliste. Vous voyez que ce sont ceux qui étaient
considérés comme plus mauvais qui se pressent le plus d'approcher de Jésus.
N'est-ce pas en effet des Galiléens qu'il est dit : « Interrogez et voyez si
jamais il s'est élevé un prophète dans la Galilée. » Quant aux Samaritains,
on faisait un reproche au Sauveur de ses rapports avec eux : « Vous êtes un
Samaritain et un possédé du démon. » (Jn 18) Or, voilà que les Samaritains et
les Galiléens ont embrassé la foi à la grande confusion des Juifs. Les
Galiléens paraissent même supérieurs aux Samaritaine car ces derniers n'ont
cru que sur le témoignage d'une femme, tandis que la foi des Galiléens s'est
appuyée sur les miracles que le Sauveur avait opérés sous leurs yeux : « Les
Galiléens l'accueillirent, ayant vu tout ce qu'il avait fait à Jérusalem
pendant la fête. » — Origène : Ce
que Notre Seigneur avait fait en chassant du temple ceux qui vendaient des
brebis et des bœufs, leur avait paru tellement extraordinaire, qu'ils
l'accueillirent avec empressement, encore sous l'impression de sa puissance,
qui n'avait pas moins éclaté, en effet, dans cette circonstance, que
lorsqu'il rendait la vue aux aveugles et l'ouïe aux sourds. Je suppose
d'ailleurs qu'ils furent encore témoins d'autres miracles. S. Bède : Mais comment purent-ils être témoins de ces
miracles ? parce qu'eux aussi étaient venus à cette fête. Nous voyons ici en
figure que lorsque les nations auront été affermies dans la foi par les deux
préceptes de la charité, Jésus-Christ, à la fin du monde, retournera dans sa
patrie, c'est-à-dire, vers les Juifs. — Origène
: Il est convenable que la Galilée (c'est-à-dire celle qui émigre),
vienne célébrer les fêtes à Jérusalem, où est le temple de Dieu, et voir tous
les prodiges qu'y opère Jésus, car l'ordre exige que les Galiléens reçoivent
le Fils de Dieu qui rient les trouver, sans quoi, ou ils ne l'auraient pas
reçu, ou lui-même ne serait pas venu au milieu d'eux s'ils n'avaient été
préparés à le recevoir. Versets 46-54.
S. Jean Chrysostome : (hom. 35). Notre Seigneur était venu une
première fois à Cana, en Galilée, où il était invité à assister à des noces;
il retourne maintenant dans cette ville pour l'attirer davantage à lui par
cette démarche toute volontaire qu'il fait en quittant sa patrie, et pour
affermir par sa présence la foi que son premier miracle avait commencé de
former dans le cœur de ses habitants. — S.
Augustin : (Traité 16). Lorsqu'il changea l'eau en vin dans cette
circonstance, ses disciples crurent en lui, la maison était pleine de
convives, et cependant à la vue d'un si grand miracle, aucun autre ne crut à
sa puissance divine. Il revient donc dans cette ville pour amener à la foi
ceux que son premier miracle n'avait pu déterminer à croire. — Théophylactus : L'Evangéliste nous
rappelle le miracle qu'il fit à Cana, en Galilée, en changeant l'eau en vin,
pour ajouter à la gloire de Jésus-Christ, parce qu'en effet ce ne fut pas
seulement à cause des miracles dont ils furent témoins à Jérusalem, mais par
suite des prodiges qui s'accomplirent au milieu d'eux qu'ils accueillirent
Nôtre-Seigneur. Il veut nous apprendre en même temps que cet officier croyait
en Jésus-Christ depuis le miracle de Cana, bien qu'il ne connût point
parfaitement sa dignité : « Or, il y avait à Capharnaüm un officier du roi
dont le fils était malade. » Origène : Quelques-uns pensent que cet homme était un
des officier d'Hérode, et d'autres affirment qu'il était dé la maison de
César, et qu'il avait été envoyé en mission particulière en Judée, car on ne
dit pas qu'il fut juif. — S. Jean
Chrysostome : (hom. 35). L'Evangéliste lui donne le nom de Régulus,
officier royal, soit qu'il fût de race royale, soit qu'il fût revêtu de
quelque haute dignité qui lui faisait donner ce titre. Il en est qui pensent
que cet officier est le même que le centenier dont parle saint Matthieu (Mt
8, 5). Mais tout prouve que ce sont deux personnages différents. Le centenier
prie Jésus de ne pas venir dans sa maison, alors que le Sauveur se disposait
à y aller, cet officier, au contraire, veut l'entraîner chez lui sans que Notre
Seigneur le lui ait promis. Le premier vint trouver Jésus, alors qu'il
descendait de la montagne et qu'il entrait à Capharnaüm, celui-ci, lorsque le
Sauveur était dans la ville de Cana. Le serviteur de l'un était paralytique,
le fils du second était atteint d'une fièvre mortelle. C'est donc de
l'officier royal que l'Evangéliste dit : « Ayant appris que Jésus arrivait de
Judée en Galilée, il l'alla trouver et le pria de descendre en sa maison, »
etc. — S. Augustin : Il priait, il
n'avait donc pas la foi ? Quelle explication attendez-vous de moi ? Demandez
au Seigneur lui-même ce qu'il pense de cet homme : « Jésus lui dit : Si vous
ne voyez des signes et des prodiges vous ne croyez pas. » Il reproche à cet
homme sa tiédeur, sa froideur dans la foi, peut-être même son absence
complète de foi; il n'avait qu'un désir la guérison de son fils comme une
épreuve certaine de ce qu'était Jésus, de sa dignité, de sa puissance. Le mot
prodige (prodigium comme porro dictum), signifie une chose qui date de loin,
qui est éloignée et qui annonce un événement futur. S. Augustin : (de l'accord des Evang., 4, 10). Notre
Seigneur veut tellement élever l'âme de ses fidèles au-dessus de toutes les
choses soumises à la mutabilité, qu'il ne veut pas leur voir rechercher des
miracles, où sa divinité est le premier et le principal agent, mais qui
portent sur de simples changements opérés dans les corps. — S. Grégoire : (hom. 28 sur les Evang).
Rappelez-vous l'objet de la prière de cet officier, et vous connaîtrez.
clairement que sa foi était bien chancelante : « Cet officier lui dit :
Seigneur, descendez avant que mon fils ne meure. » Sa foi était donc bien
faible, puisqu'il ne croyait pas qu'il pût guérir son fils sans venir
lui-même en personne. — S. Jean
Chrysostome : (hom. 35). Ecoutez sous quelle impression toute humaine il
veut attirer le Sauveur chez lui, comme s'il ne pouvait ressusciter son fils
après sa mort. Rien d'étonnant du reste qu'il vienne trouver Jésus sans avoir
la foi; l'amour des pères pour leurs enfants leur fait consulter,
non-seulement les médecins qui ont leur confiance, mais ceux mêmes qui ne
leur en inspirent pas une bien grande, parce qu'ils ne veulent rien omettre
de ce qui peut conserver la vie à leurs enfants. S'il avait eu une foi vive à
la puissance de Jésus-Christ, il l'aurait été trouver jusque dans la Judée. S. Grégoire : (hom. 28 sur les Evang). Notre Seigneur à
qui cette prière est adressée, veut nous apprendre qu'il se rend toujours aux
invitations qui lui sont faites, et il guérit le fils de cet homme par son
commandement, lui qui a tout créé par sa volonté : « Jésus lui dit : Allez,
votre fils est plein de vie. » Quelle condamnation pour notre orgueil qui
respecte et vénère dans les hommes non cette nature faite à l'image et à la
ressemblance de Dieu, mais les honneurs et les richesses ! Notre Rédempteur
au contraire, pour nous apprendre que les saints méprisent ce qui paraît
élevé aux yeux des hommes, et qu'ils estiment et vénèrent ce que les hommes
méprisent, refuse d'aller dans la maison de cet officier pour guérir son
fils; et il est disposé au contraire à se rendre près du serviteur du
centenier. — S. Jean Chrysostome : (hom.
35). Ou bien encore, la foi du centenier était solidement affermie, et Notre
Seigneur promet d'aller chez lui, pour faire ressortir la piété du centenier.
Cet officier au contraire, n'avait qu'une foi bien imparfaite, il ne croyait
pas bien entièrement que Jésus pût guérir son fils, sans se rendre près de
lui, et le refus du Sauveur a pour but de le lui apprendre, comme
l'Evangéliste le dit expressément : « Cet homme crut à la parole que Jésus
lui avait dite et s'en alla, sans toutefois comprendre parfaitement cette
leçon. » Origène : Ces serviteurs qui viennent à sa rencontre
montrent que cet homme était d'un rang élevé et occupait un emploi supérieur
: « Comme il était en chemin, ses serviteurs vinrent à sa rencontre, » etc. —
S. Jean Chrysostome : (hom. 35). Ils
viennent à sa rencontre, non-seulement pour lui annoncer la guérison de son
fils, mais parce qu'ils croyaient que Jésus l'accompagnait, et qu'ils
regardaient comme inutile qu'il allât plus loin. La question que leur fait
cet officier prouve que sa foi n'était ni bien pure ni bien parfaite : « Et
il leur demandait à quelle heure il s'était trouvé mieux, » Il voulut savoir
si sa guérison était l'effet du hasard ou de la parole de Jésus : « Et ils
lui dirent : Hier à la septième heure, la fièvre l'a quitté. » Voyez comme
tout, concourt à rendre ce miracle éclatant, la guérison de cet enfant ne
suit pas la marche ordinaire, elle est instantanée et complète pour bien
établir qu'elle n'est pas due aux lois de la nature, mais à l'action toute
puissante de Jésus-Christ : « Et son père reconnut que c'était l'heure à
laquelle Jésus lui avait dit : Votre fils est plein de vie, et il crut lui et
toute sa maison. » S. Augustin : (Traité 16). S'il crut lorsqu'il apprit que
son fils était guéri, et qu'il eut rapproché l'heure de sa guérison de celle
où Jésus lui avait dit : « Votre fils est guéri, » il n'avait donc pas encore
la foi quand il se présenta devant le Sauveur. — S. Bède : Nous devons conclure de là qu'il y a des degrés dans la
foi comme dans les autres vertus qui ont leur commencement, leur progrès et
leur perfection. La foi de cet officier était à son commencement, lorsqu'il
vint demander la guérison de son fils, elle prenait de l'accroissement,
lorsqu'il crût à la parole du Seigneur qui lui disait : « Votre fils est
guéri; » et elle eut toute sa perfection lorsque ses serviteurs lui
confirmèrent la guérison de son fils. S. Augustin : (Traité 16). C'est après l'avoir simplement
entendu qu'un grand nombre de Samaritains crurent en lui, et après ce grand
miracle, il n'y eut que la maison seule de cet officier où cette guérison
miraculeuse avait eu lieu. L'Evangéliste ajoute : « Ce fut le second miracle
que Jésus fit après être revenu de Judée en Galilée. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 35). Ce n'est pas sans raison qu'il
fait cette réflexion, et il veut nous faire remarquer que même après ce
second miracle, les Juifs n'étaient pas encore parvenus à la hauteur des
Samaritains qui n'avaient vu aucun miracle. — Origène : (Traité 18 sur S. Jean). Cette proposition est
amphibologique, on peut l'entendre en ce sens, que Jésus en venant de la
Judée en Galilée, fit deux miracles, dont le second fut la guérison du fils
de cet officier; ou dans cet autre qui est le plus vrai, que de ces deux
miracles que Jésus fit dans la Galilée, le second eut lieu lorsqu'il vint de
la Judée en Galilée. Dans le sens mystique, ce double voyage de Jésus en Galilée figure le
double avènement du Sauveur dans le monde, le premier qui est tout de
miséricorde et où il porte la joie dans le cœur des convives en changeant
l'eau en vin; le second où il rend à la vie le fils de cet officier presque
entre les bras de la mort, c'est-à-dire le peuple juif qui sera sauvé à la
fin du monde après que la plénitude des nations sera entrée dans l'Eglise.
C'est lui qui est le grand Roi des rois que Dieu a établi sur la sainte
montagne de Sion (Ps 2); ceux qui ont vu son jour ont été remplis de joie.
(Jn 8)Cet officier royal, c'est Abraham; son fils malade, c'est le peuple
d'Israël qui a laissé s'affaiblir entre ses mains le culte du vrai Dieu, et
qui transpercé des traits enflammés de l'ennemi, est comme atteint d'une
fièvre mortelle. Nous voyons encore ici que les saints dont nous venons de
parler, lorsqu'ils ont dépouillé l'enveloppe de cette chair mortelle, prennent
compassion de leur peuple. C'est ce que nous lisons dans le livre des
Macchabées (M 2, 45), après la mortde Jérémie : « C'est Jérémie, le prophète
de Dieu qui prie beaucoup pour le peuple. » Abraham prie le Sauveur de venir
au secours de ce peuple infirme, c'est de Cana que part cette parole toute
puissante : « Votre fils est plein de vie, » mais c'est à Capharnaüm que son
efficacité se fait sentir; car c'est là que le fils de cet officier est
guéri, comme dans le champ de la consolation, et cet enfant représente ces
hommes atteints de grandes faiblesses, mais sans être réduits à une stérilité
complète. Ces paroles du Sauveur : « Si vous ne voyez des signes et des
prodiges » peuvent s'appliquer à la multitude des enfants du patriarche,
aussi bien qu'à lui-même. En effet, de même que Jean-Baptiste attendait le
signe qui lui avait été donné : « Celui sur lequel vous verrez l'Esprit saint
descendre; » ainsi les justes morts depuis le commencement du monde,
attendaient l'avènement de Jésus-Christ dans la chair, avènement qui devait
se manifester par des signes et par des prodiges. Cet officier, outre son
fils, avait des serviteurs qui représentent ceux dont la foi est encore
faible et imparfaite, et ce n'est point sans dessein que la fièvre quitte cet
enfant à la septième heure, car le nombre, sept est le symbole du repos. — Alcuin : Ou bien encore, c'est parce
que c'est l'Esprit aux sept dons qui est l'auteur de la rémission des péchés,
car le nombre sept composé des nombres trois et quatre, représente la sainte
Trinité dans les quatre temps de l'année, dans les quatre parties du monde,
comme dans les quatre éléments. Origène : On peut encore voir ici les deux avènements
du Verbe dans notre âme : le premier ou l'eau fut changée en vin fait
éprouver à l'âme la joie d'un banquet spirituel; le second qui retranche tous
les restes de langueur et de mort spirituelle. — Théophylactus : Cet officier du roi représente tout homme,
non-seulement parce que l'homme est par sou âme dans des rapports étroits
avec le souverain roi de tout ce qui existe, mais aussi parce que Dieu lui a
donné l'autorité sur toutes les créatures. Son fils, c'est l'âme de l'homme
en proie à la fièvre des mauvais désirs et des convoitises charnelles. Il
s'approche de Jésus et le prie de descendre, c'est-à-dire de s'abaisser
jusqu'à lui par une miséricordieuse condescendance et de lui pardonner ses
péchés, avant que cette maladie des voluptés sensuelles ne lui ait fait
perdre la vie. Le Seigneur lui dit : « Allez, » c'est-à-dire faites toujours
de nouveaux progrès dans le bien; et alors votre fils sera rendu à la vie;
mais si vous cessez de marcher, votre âme frappée de mort ne pourra plus
faire aucune bonne action. |
Caput 5 Lectio 1 [86029] Catena in Io., cap. 5 l. 1 Augustinus de
Cons. Evang. Post miraculum in Galilaea factum, inde Hierosolymam redit;
unde dicitur post haec erat dies festus Iudaeorum, et ascendit Iesus
Hierosolymam. Chrysostomus in Ioannem. Mihi videtur quod erat dies
festus Pentecostes. Ascendit autem Iesus Hierosolymam semper in diebus
festis, ut cum eis dies festos faciens non videatur legi contrarius, et ob
hoc multitudinem simplicem per signa et doctrinam attrahat : maxime enim in
diebus festis qui iuxta positi erant, concurrebant. Sequitur est autem
Hierosolymis probatica piscina, quae cognominatur Hebraice Bethsaida, quinque
porticus habens. Alcuinus. Probaton Graece, ovis dicitur; probatica
ergo piscina pecuaria dicitur, ubi sacerdotes cadavera hostiarum abluebant.
Chrysostomus. Decebat quidem Baptisma dari peccata purgans, cuius imago
praescripta fuit in piscina et in aliis pluribus. Et primum quidem dedit Deus
aquam expurgantem corporum sordes et inquinationes non existentes, sed
opinatas, puta ea quae a funere, et quae a lepra, et quae ab aliis talibus;
deinde infirmitates diversas per aquas facit solvi; unde sequitur in his
iacebat multitudo magna languentium, caecorum, claudorum, aridorum
expectantium aquae motum. Volens enim Deus propinquius adducere ad Baptismi
donum, non adhuc inquinamenta solum mundat, sed etiam aegritudines sanat :
sicut enim ministri qui prope regem sunt, his qui sunt a longe clariores
sunt; ita et in figuris fit. Non autem simpliciter sanabat aquarum natura;
semper enim hoc fieret; sed in Angeli descensione; unde sequitur Angelus
autem domini descendebat secundum tempus in piscinam, et movebatur aqua. Sic
enim et in baptizatis non simpliciter aqua operatur; sed cum spiritus sancti
acceperit gratiam, tunc omnia solvit peccata. Angelus enim descendens
turbabat aquam, et sanativam imponebat virtutem; ut discant Iudaei quoniam
multo magis Angelorum dominus omnes aegritudines animae sanare potest. Sed
tunc quidem infirmitas impedimentum volenti curari fiebat; subditur enim et
qui prior descendisset in piscinam post motionem aquae, sanus fiebat a
quacumque detinebatur infirmitate. Nunc autem unusquisque accedere potest :
non enim Angelus est qui turbat aquam, sed Angelorum dominus, qui omnia
operatur. Sed etsi orbis terrarum universus veniat, gratia non consumitur,
sed similis manet : sicut enim solares radii per unamquamque illuminant diem,
et non consumuntur, neque a multa largitione minor fit solis lux; ita et
multo amplius spiritus sancti actio in nullo minuitur a multitudine eorum qui
potiuntur ea. Hoc autem fiebat, scilicet ut unus tantum post motionem aquae
sanaretur; ut qui didicerant quoniam in aqua aegritudines corporis
sanabantur, in hoc per multum tempus exercitati, facile crederent quod et
aegritudines animae aqua sanare potest. Augustinus in Ioannem. Plus
est autem quod Christus vitia sanavit animarum, quam quod sanavit languores
corporum mortuorum. Sed quia ipsa anima non eum noverat, a quo sananda erat,
et oculos habebat in carne, unde facta corporalia videret, et nondum habebat
in corde, unde Deum latenter cognosceret, fecit quod videri poterat, ut
sanaretur unde videri non poterat. Ingressus est locum ubi iacebat multitudo
languentium, de quibus elegit unum ut sanaret, de quo subditur erat autem
quidam homo ibi triginta et octo annos habens in infirmitate sua.
Chrysostomus in Ioannem. Non autem confestim eum a principio sanavit; sed
primum eum familiarem sibi fecit, per interrogationem futurae fidei faciens
viam. Non autem expetit fidem, ut in caecis fecit, dicens : creditis quia
possum hoc facere? Quia hic nondum noverat eum manifeste quis esset. Nam alii
quidem ex aliis eius virtutem cognoscentes, convenienter haec audiebant; alii
vero nondum eum cognoscentes, sed per signa eum cognituri, post miracula
requiruntur de fide; unde sequitur hunc cum vidisset Iesus iacentem, et
cognovisset quia multum iam tempus haberet, dicit ei : vis sanus fieri? Non
hoc quaerit ut discat (hoc enim superfluum esset), sed ut ostenderet illius
patientiam, qui triginta et octo annos habens, per unumquemque annum eripi ab
aegritudine expectans, assidebat, et non desistebat; et ut cognoscamus
propter quam causam dimittens alios, ad hunc venit. Et non dicit : vis, te
curabo? Nondum enim aliquid magnum imaginabatur ille de Christo. Non autem
turbatus est ad interrogationem, neque dixit : iniuriari mihi venisti, quando
interrogas si volo sanus fieri; sed mansuete respondet; sequitur enim
respondit ei languidus : domine, hominem non habeo, ut cum turbata fuerit
aqua, mittat me in piscinam; dum venio enim ego, alius ante me descendit. Non
noverat quis esset qui interrogabat, neque quod curaturus esset eum;
opinabatur autem fortasse utilem sibi fore Christum ad mittendum eum in
aquam. Sed Christus ostendit quod verbo omnia potest facere; unde sequitur
dicit ei Iesus : surge, tolle grabatum tuum, et ambula. Augustinus. Tria
dixit : sed surge, non operis imperium fuit, sed operatio sanitatis; sano
autem duo imperavit : tolle grabatum tuum, et ambula. Chrysostomus. Intuere
divinae sapientiae superabundantiam. Non solum sanat, sed et lectum portare
iubet : ut et credibile faceret miraculum, et nullus existimet phantasiam
esse quod factum est. Non enim, nisi certissime et vehementer compacta essent
membra, lectulum ferre possent. Audiens autem languidus quoniam cum potestate
et velut iubens dixit surge, tolle grabatum tuum, non derisit dicens :
Angelus descendit, et turbat aquam, et solum unum curat, tu autem homo
existens ex solo praecepto speras te magis Angelis posse? Sed audivit et non
discredidit ei qui iussit, et sanus factus est; unde sequitur et statim sanus
factus est homo, et sustulit grabatum suum, et ambulabat. Beda. Multum
quippe inter sanationem domini, et quae a medicis infertur, distare probatur
: haec videlicet voce iubentis, et mox impletur; illa vero per multa temporis
intervalla aliquoties perficitur. Chrysostomus. Igitur mirabile quidem
est hoc; quae autem sequentur multo maiora erunt : nam in initio quidem nullo
molestante suaderi non ita mirabile est, sicut quod post insanientibus
Iudaeis et accusantibus, Christo obedivit, ut ostendit Evangelista
consequenter, dicens erat autem sabbatum in illo die. Dicunt ergo Iudaei illi
qui sanatus fuerat : sabbatum est; non licet tibi tollere grabatum tuum.
Augustinus in Ioannem. Non calumniabantur domino quia sanum fecerat
sabbato, quia eis respondere posset, quia si cuiusquam iumentum in puteum
cecidisset utique die sabbati erueret illud et salvaret; sed ei qui portabat
grabatum suum; quasi dicant : si sanitas non erat differenda, numquid et opus
fuerat imperandum? Sed ille auctorem sanitatis suae obiciebat
calumniatoribus; unde sequitur respondit eis : qui me sanum fecit, ille mihi
dixit : tolle grabatum tuum, et ambula; quasi dicat : quare non acciperem
iussionem a quo acceperam sanitatem? Chrysostomus. Nimirum si
malignari vellet, poterat dicere : si crimen est, accusate eum qui iussit, et
deponam lectulum; sed et curationem utique occultasset; etenim sciebat non
ita eos id reprehendere ex sabbati solutione, sicut ex infirmitatis
sanatione. Sed neque hoc occultavit, neque veniam petiit; sed clara voce
beneficium confessus est. Illi vero maligne interrogaverunt; unde subditur
interrogaverunt ergo eum : quis est ille homo qui dixit tibi : tolle grabatum
tuum, et ambula? Non dicunt : quis est qui fecit te sanum? Sed in medium
inducunt id quod transgressio aestimabatur. Sequitur is autem qui sanus
fuerat effectus, nesciebat quis esset. Iesus autem declinavit a turba
constituta in loco. Et primum quidem ut eo absente testimonium insuspicabile
fieret; qui enim adeptus fuerat sanitatem, idoneus erat beneficii testis :
demum ut non plus faceret furorem illorum accendi. Solus enim visus eius cui
invidetur, non parvam invidentibus immittit scintillam. Propterea discedens
permisit ab ipsis suum factum examinari. Quidam aestimant hunc paralyticum
esse eum qui in Matthaeo positus est; sed non est : ille enim multos habebat
sui curam habentes, et eum ferentes; hic autem nullum. Sed et locus
utrorumque diversus est. Augustinus. Si quidem mediocri corde et
humano ingenio consideremus hoc miraculum facientem, quod ad potestatem
pertinet, non magnum aliquid fecit; et quod ad benignitatem, parum fecit. Tot
iacebant, et unus curatus est, cum posset uno verbo omnes erigere. Quid ergo
intelligendum est, nisi quia potestas illa et bonitas magis agebat quid
animae in factis eius pro salute sempiterna intelligerent, quam quid pro
temporali salute corpora mererentur? In illis enim factis quicquid
temporaliter sanatum est, in membris mortalibus in fine defecit; anima quae
credidit, ad vitam aeternam transitum fecit. Piscina ista et aqua illa
populum mihi videtur significasse Iudaeorum : significari enim populus nomine
aquarum, aperte nobis indicat Apocalypsis Ioannis. Beda. Bene autem
piscina probatica fuisse describitur. Ille enim populus ovis nomine
significatur, secundum illud : nos populus tuus, et oves gregis tui.
Augustinus. Aqua ergo illa, idest populus ille, quinque libris Moysi
tamquam quinque porticibus claudebatur; sed illi libri prodebant languidos,
non sanabant : lex enim peccatores convincebat, non absolvebat. Beda. Denique
multa genera languentium in eadem iacuerunt : caeci scilicet qui scientiae
lumine carent; claudi, qui ad ea quae iubentur implenda, vires non habent;
aridi, qui supernae dilectionis pinguedine carent. Augustinus. Venit
autem Christus ad populum Iudaeorum, et faciendo magna, docendo utilia,
turbavit peccatores, idest aquam, praesentia sua, et excitavit ad passionem
suam. Sed latens turbavit : si enim cognovissent, nunquam gloriae dominum
crucifixissent. Subito enim videbatur aqua turbata, et a quo turbabatur non
videbatur. Descendere ergo in aquam turbatam, hoc est humiliter
credere in domini passionem. Ibi sanatur unus, significans
Ecclesiae unitatem; postea quisquis veniret non sanabatur; quia quisquis
praeter unitatem fuerit, sanari non poterit. Vae illis qui oderunt unitatem,
et partem sibi faciunt in hominibus. Habebat autem triginta et octo annos in
infirmitate qui sanatus est : hic enim numerus ad languorem pertinet magis
quam ad sanitatem. Quadragenarius enim numerus sacratus nobis in quadam
perfectione commendatur : quia lex in decem praeceptis data est, et
praedicanda erat per totum mundum, qui quatuor partibus commendatur :
denarius autem per quatuor multiplicatus ad quadragenarium pervenit. Vel quia
per Evangelium, quod quatuor libros habet, impletur lex. Si ergo quadragenarius
numerus habet perfectionem legis, et lex non impletur nisi in gemino
praecepto caritatis, quid miraris, quia languebat qui quadraginta, minus
duos, habebat? Necessarius erat illi homo ad sanitatem, sed homo ille qui et
Deus est : et quia illum iacentem duobus minus invenit, duo quaedam iubendo,
quod minus erat implevit. In duobus enim domini iussis duo praecepta
significata sunt caritatis. Dei dilectio prior est ordine praecipiendi,
proximi autem dilectio prior est ordine faciendi. Dicit ergo tolle grabatum
tuum; quasi diceret : cum esses languidus, portabat te proximus tuus : sanus
factus es, porta proximum tuum. Dicit etiam
ambula. Sed quo iter agis nisi ad dominum Deum tuum?
Beda. Quid enim est dicere surge et ambula, nisi a torpore et ignavia, in
quibus prius iacebas, erigere, et in bonis operibus proficere stude? Tolle grabatum
tuum, idest proximum tuum, a quo portaris, et ipse patienter tolera. Augustinus. Porta
ergo eum cum quo ambulas, ut ad eum pervenias cum quo manere desideras. Ille
autem nondum Iesum noverat, quia et nos credimus in eum quem non videmus; et
ut non videatur declinat a turba. Quadam
solitudine intentionis videtur Deus; turba strepitum habet; visio ista
secretum desiderat. Lectio 2 [86030] Catena in Io., cap. 5 l. 2 Chrysostomus
in Ioannem. Curatus homo non secessit ad nundinas, neque voluptati aut
vanae gloriae dedit seipsum; sed in templo conversabatur, quod maximae
religionis est signum; unde dicitur postea invenit eum Iesus in templo.
Augustinus in Ioannem. Dominus quidem Iesus et in turba eum videbat, et in
templo. Ille autem languidus Iesum in turba non agnoscit, in templo agnoscit,
in loco sacrato. Alcuinus. Quia si gratiam conditoris cognoscere
volumus, et ad eius visionem venire, fugienda est turba cogitationum et
affectuum pravorum; declinanda sunt pravorum conventicula, fugiendum est ad
templum, ut nosipsos templum Dei studeamus facere, quos Deus invisere et in
quibus manere dignetur. Sequitur et dixit illi : ecce sanus factus es; iam
noli amplius peccare, ne deterius tibi aliquid contingat. Chrysostomus. Ubi
prius discimus quod ex peccatis ei nata est haec aegritudo : quia enim
saepius animam in nobis aegrotantem insensibiliter habemus, corpus autem,
etsi parvam susceperit laesionem, omne facimus studium, ut ab infirmitate liberemur,
propterea Deus punit corpus pro his quae anima deliquit; secundo vero quod
verus est Gehennae sermo; tertio quod longum est et infinitum supplicium.
Dicunt enim quidam : numquid quia in brevi temporis momento adulteratus sum,
immortaliter crucior? Vide quod hic tanto tempore pro peccatis cruciabatur :
non enim temporis mensura peccata iudicantur, sed ipsa delictorum natura. Cum
his autem et illud discimus, quod si gravem sustineamus poenam pro prioribus
peccatis, deinde in eadem inciderimus, graviora patiemur; et hoc decenter :
qui enim neque supplicio factus est melior, ut insensibilis de reliquo et
contemptor, ad maius ducetur tormentum. Si autem hic non omnes pro peccatis
torquentur, non confidamus : nihil enim nos hic pati pro peccatis, signum est
maioris illic futuri supplicii. Non autem omnes aegritudines sunt ex
peccatis, sed plures. Quaedam enim et a pigritia fiunt, quaedam propter
probationem, sicut in Iob. Sed propter quid paralytico huic Christus de
peccatis mentionem facit? Quidam huic paralytico detrahentes, dicunt eum
Christi fuisse accusatorem, et propter hoc haec audisse : quid igitur dicent
de paralytico qui est apud Matthaeum? Etenim et illi dictum est : dimittuntur
tibi peccata tua. Neque etiam Christus hunc incusat de praeteritis, sed ad
futurum eum munit solum. Alios igitur curans, peccatorum non meminit : quia
his paralyticis ex peccatis aegritudines sunt factae, aliis autem ex
infirmitate naturali. Vel per hos reliquos omnes admonet. Cum his autem et
illud est dicere, quoniam multam vidit inesse animae huius patientiam, et ut
valentem suscipere admonitionem eum admonet. Tribuit autem signum ei propriae
deitatis : dicendo enim non amplius pecces, ostendit se scire omnia quae ab
eo facta erant delicta. Augustinus. Nunc autem ille, postea quam vidit
Iesum, et cognovit eum auctorem salutis suae, non fuit piger in evangelizando
quem viderat; unde sequitur abiit ille homo, et nuntiavit Iudaeis quia Iesus
erat qui fecit eum sanum. Chrysostomus. Non ita insensibilis erat ut
post tantum beneficium et admonitionem maligna mente hoc dicat. Si enim
detrahere vellet, sanitatem tacens, transgressionem dixisset; sed hoc non
fecit : non enim dixit, quoniam Iesus est qui dixit tolle grabatum tuum, quod
videbatur Iudaeis crimen esse; sed dixit : quoniam Iesus est qui me sanum
fecit. Augustinus in Ioannem. Sic igitur ille annuntiabat, et illi
insaniebant; unde sequitur propterea persequebantur Iudaei Iesum, quia hoc
faciebat in sabbato. Manifestum enim opus corporale factum erat ante oculos
Iudaeorum, non sanitas corporis, sed deportatio grabati, quae non videbatur
ita necessaria quemadmodum sanitas. Aperte ergo dicit dominus, sacramentum
sabbati, et signum observandi unius diei ad tempus datum esse Iudaeis;
impletionem vero ipsam sacramenti in illo venisse, cum sequitur Iesus autem
respondit eis : pater meus usque modo operatur, et ego operor; quasi dicat :
nolite putare quia sabbato ita requievit pater meus ut ex illo non operetur;
sed sicut ipse nunc operatur sine labore, operor et ego. Sed
ideo dictum est, Deum requievisse, quia iam creaturam nullam condebat
postquam perfecta sunt omnia. Quietem vero propterea appellavit Scriptura, ut
nos admoneret post bona opera quieturos. Et sicut Deus postquam fecit hominem
ad imaginem et similitudinem suam, et perfecit omnia opera sua bona valde,
requievit septimo die; sic et tibi requiem non speres, nisi cum redieris ad
similitudinem in qua factus es, quam peccato perdidisti; et nisi cum bona
fueris operatus. Augustinus super Genesim. Dici
ergo probabiliter potest, ad servandum sabbatum Iudaeis fuisse praeceptum in
umbra futuri, quae spiritualem requiem significaret; quam Deus exemplo
quietis suae fidelibus bona opera facientibus arcana significatione
pollicebatur. Augustinus super Ioannem. Erit enim sabbatum huius
saeculi cum transierint sex aetates, quasi sex dies saeculi : tunc enim
ventura est requies, quae promittitur sanctis. Augustinus super Genesim. Cuius
etiam quietis ipse dominus Iesus mysterium sua sepultura confirmavit : ipso
quippe die sabbati requievit in sepulchro, postquam sexto die consummavit
opera sua, quando ait : consummatum est. Quid ergo mirum si Deus istum diem,
quo erat Christus in sepultura quieturus, volens etiam hoc modo praenuntiare,
ab operibus suis in uno die requievit, deinceps operaturus ordinem
saeculorum? Potest etiam intelligi, Deum requievisse a condendis generibus
creaturae, quia ultra iam non condidit aliqua genere nova. Deinceps autem
usque nunc et ultra operatur eorumdem generum administrationem, quae tunc
instituta sunt, non ut ipso saltem die septimo potentia eius a caeli et
terrae omniumque rerum quas condiderat gubernatione cessaret; alioquin
continuo dilaberentur : creatoris namque potentia causa est abstinendi omni
creaturae, quae ab eis quae creata sunt regendis si aliquando cessaret, simul
et eorum cessaret species, omnisque natura concideret. Neque enim sicut
structuram aedium cum fabricaverit quis abscedit, atque illo cessante stat
opus eius; ita mundus vix ictu oculi stare potest, si ei Deus regimen suum
subtraxerit. Proinde quod dominus ait pater meus usque modo operatur,
continuationem quamdam operis eius, quae universam creaturam continet atque
administrat, ostendit. Aliter enim posset intelligi, si diceret : et nunc
operatur; ubi non esset necesse ut operis continuationem acciperemus. Aliter
autem cogit intelligi, cum ait usque nunc, ex illo scilicet quo cuncta cum
conderet operatus est. Augustinus in Ioannem. Ergo tamquam
diceret Iudaeis : quid expectatis ut non operer sabbato? Sabbati dies vobis
ad significationem meam praeceptus est. Opera Dei attenditis, per me facta
sunt omnia. Operatus est pater lucem; sed dixit ut fieret. Si dixit :
verbo operatus est, et verbum eius ego sum. Pater meus et tunc operatus est
cum fecit mundum, et usque nunc operatur cum regit mundum : ergo et per me
fecit cum fecit, et per me regit cum regit. Chrysostomus. Et quidem
Christus, cum discipulos excusare oportebat, David conservum eorum in medium
ferebat; quando vero de seipso erat accusatio, ad patrem refugit.
Considerandum etiam, quod neque ut homo solum excusat, sed neque ut Deus
solum : sed quandoque hoc, quandoque illo modo. Volebat enim utrumque credi,
et condescensionis dispensationem et deitatis dignitatem. Unde hic
aequalitatem sui ad patrem ostendit, et in dicendo eum patrem singulariter
(dicit enim pater meus) et in agendo eadem illi (dicit enim et ego operor);
unde sequitur propterea ergo magis quaerebant eum Iudaei interficere, quia
non solum solvebat sabbatum, sed et patrem suum dicebat Deum. Augustinus.
Non quomodocumque, sed quia aequalem se fecit Deo : nam omnes dicimus Deo
: pater noster, qui es in caelis. Legimus et Iudaeos dixisse : cum tu sis
pater noster. Ergo non hic irascebantur quia patrem suum dicebat Deum, sed
quod longe alio modo quam homines. Augustinus de Cons. Evang. Dicendo
enim pater meus usque modo operatur, et ego operor; quod ei esset aequalis
voluit intelligi; consequens esse ostendens ut quoniam pater operatur, et
filius operetur : quia pater sine filio non operatur. Chrysostomus. Si
vero non naturalis esset filius, nec eiusdem substantiae, haec excusatio
maior accusatione esset. Non enim praefectus regalem legem transgrediens
poterit effugere, si accusatus se excuset dicens, quoniam et rex solvit
legem. Sed quia par est dignitas filii ad patrem, propterea perfecta
excusatio est. Sicut igitur pater operans sabbato, absolutus est a crimine,
ita et filius. Augustinus in Ioannem. Ecce intelligunt Iudaei quod non
intelligunt Ariani : Ariani quippe inaequalem dicunt filium patri, et inde
haeresis pulsat Ecclesiam. Chrysostomus in Ioannem. Qui vero nolunt
cum bona mente hoc suscipere, dicunt quod Christus non fecit se aequalem Deo,
sed Iudaei hoc suspicabantur; sed ad hoc per ea quae supra dicta sunt
superveniamus. Manifestum enim est quod Iudaei persequebantur Christum, et
quod solvebat sabbatum, et quod dicebat patrem suum Deum : unde et quod
consequenter additur aequalem se faciens Deo, adhaeret praemissis in veritate.
Hilarius de Trin. Expositio enim est Evangelistae causam demonstrantis cur
dominum Iudaei interficere vellent. Chrysostomus. Et iterum, si ipse
hoc ipsum volebat astruere, sed Iudaei hoc inaniter suspicabantur; non
dimisisset dominus eorum mentem in errore, sed correxisset : neque enim
Evangelista hoc tacuisset; sicut supra de eo quod dictum est : solvite
templum hoc. Augustinus. Non tamen Iudaei intellexerunt Christum esse
filium Dei; sed intellexerunt in verbis Christi, quia talis commendaretur
filius Dei quod aequalis esset Deo. Quia ergo nesciebant, talem tamen
praedicari agnoscebant; ideo dicit aequalem se faciens Deo. Non autem ipse se
faciebat aequalem, sed ille illum genuerat aequalem. Lectio 3 [86031] Catena in Io., cap. 5 l. 3 Hilarius de
Trin. Ad violati sabbati obiectum sibi reatum dixerat : pater meus usque
modo operatur, et ego operor, ut usurpasse hoc ex auctoritate intelligeretur
exempli; significans tamen hoc quod ipse ageret, patris opus esse
intelligendum, quia ipse in se operaretur operante : et rursum adversum eam
invidiam, quod se Deo aequasset paterni nominis usurpatione, volens et
nativitatem confirmare, et naturae virtutem profiteri, respondit; unde
dicitur respondit itaque Iesus, et dixit eis : amen, amen dico vobis : non
potest filius a se facere quidquam, nisi quod viderit patrem facientem.
Augustinus in Ioannem. Quidam qui Christianos se haberi volunt, Ariani
haeretici dicentes ipsum filium Dei qui suscepit carnem, minorem esse quam
pater est, capiunt ex his verbis causam calumniae, et respondent nobis :
videtis quia dominus Iesus cum adverteret Iudaeos ex hoc moveri, quia patri
Deo aequalem se faceret, talia verba subiunxit, ut se aequalem non esse
monstraret : qui enim non potest, inquiunt, a se facere quidquam nisi quod
viderit patrem facientem, utique minor est, non aequalis. Sed si Deus erat
verbum, et est Deus maior et Deus minor, duos deos colimus, non unum Deum.
Hilarius. Ne igitur exaequatio illa per nomen naturamque filii fidem
nativitatis auferret, ait filium a se nihil facere posse. Augustinus in
Ioannem. Tamquam diceret : quid scandalizati estis, quia patrem meum dixi
Deum, et quia aequalem me feci Deo? Ita sum aequalis, ut ille me genuerit,
non ut ille a me, sed ego ab illo sim. Filio hoc est esse quod posse. Quia
ergo substantia filii de patre est, ideo potentia filii de patre est; quia
ergo filius non est a se, ideo non potest a se. Sic ergo non potest filius a
se facere quidquam, nisi quod viderit patrem facientem : quia videre filii
hoc est natum esse de patre; non alia visio est eius et alia substantia eius
: totum quod est, de patre est. Hilarius. Ut autem maneret salutaris
in patre et filio confessionis nostrae ordo, naturam nativitatis ostendit,
quae potestatem efficiendi non per incrementa indultarum ad unumquodque opus
virium sumeret, sed de cognitione praesumeret; praesumeret autem non de
aliquo operis corporalis exemplo ut quod prius pater faceret, id postea
filius facturus esset; sed cum ex patre filius esset natus per virtutis ac
naturae in se paternae conscientiam, nihil nisi quod patrem facientem
vidisset, filium facere posse testatus est. Non enim corporalibus modis Deus
videt; sed visus ei omnis in virtute naturae est. Augustinus de Trin. Hoc
autem si propterea dictum acceperimus quia in forma accepta ex creatura minor
est filius; consequens erit ut prior pater super aquas ambulaverit, et cetera
quae filius in carne apparens inter homines fecit, ut possit filius ea
facere. Quis autem vel delirus ista sentiat? Augustinus super Ioan. Ambulatio
tamen illa carnis supra mare a patre fiebat per filium. Quando enim caro
ambulabat, et divinitas filii gubernabat, pater absens non erat, cum filius
dicat : pater in me manens ipse facit opera. Cum ergo dixisset non potest
filius a se facere quidquam, ne forte carnalis subreperet intellectus, ut
faceret sibi homo quasi duos fabros, unum magistrum, alterum discipulum, ut
quomodo ille fecit arcam, iste faciat alteram, secutus ait quaecumque enim
ille fecerit, haec et filius similiter facit. Non ait : quaecumque pater
facit, et filius alia similia facit; sed : haec eadem. Mundum pater, mundum
filius, mundum spiritus sanctus. Si unus Deus pater, et filius, et spiritus
sanctus, unus mundus factus a patre per filium in spiritu sancto. Haec
ergo eadem facit. Addit autem similiter, ne alius error in animo nasceretur.
Videtur enim corpus hoc idem facere quod animus, sed non similiter : animus
enim imperat corpori : corpus visibile est, animus invisibilis. Ut faceret
aliquid servus, iubente domino fecit : idem ab utroque factum est; sed
numquid similiter? Non ergo sic pater, et filius; sed haec eadem facit, et
similiter facit; ut intelligamus simili potentia facere filium eadem ipsa
quae facit pater. Aequalis igitur est patri filius. Hilarius de
Trin. Vel aliter. Omnia et eadem ad ostendendam naturae virtutem locutus
est. Est igitur natura eadem, cum eadem omnia posse naturae sit. Ubi vero
similiter per filium omnia eadem fiunt, similitudo operum solitudinem
operantis exclusit. Haec igitur est verae nativitatis et fidei nostrae
intelligentia, quia sub una hac significatione testantur et similiter facta
nativitatem, et eadem facta naturam. Chrysostomus in Ioannem. Vel
aliter. Totum quod dicitur a semetipso non potest filius facere quidquam,
intelligendum est quia nihil contrarium patri, nihil alienum ab eo facere
potest. Ideo autem non dicit quoniam nihil contrarium facit, sed quoniam non
potest facere, ut hinc ostendat indissimilitudinem et certitudinem
parilitatis. Non enim imbecillitatem filii, sed
multam eius virtutem ostendit hoc verbum. Sicut enim cum dicimus :
impossibile est Deum peccare, non imbecillitatem eius accusamus, sed
ineffabilem quamdam virtutem eius testamur; ita cum dicit filius : non possum
a meipso facere quidquam, hoc dicit, quoniam impossibile est eum facere
aliquid contrarium patri. Augustinus contra Serm. Arian. Hoc
autem non deficientis est, sed in eo quod de patre natus est, permanentis;
tamque laudabile est omnipotentem non posse mutari, quam laudabile est quod
omnipotens non potest mori. Posset enim filius facere quod non vidisset
patrem facientem, si posset facere quod per illum non facit pater; hoc est,
si posset peccare : neque naturae immutabiliter bonae quae a patre est genita
conveniret. Hoc autem quia non potest, non deficienter non potest, sed
potenter. Chrysostomus. His autem quae dicta sunt attestatur quod
sequitur quaecumque enim ille fecerit, haec similiter et filius facit. Si
enim per seipsum pater omnia facit, et filius per seipsum facit, ut hoc quod
dicit similiter, maneat; vides qualiter intelligentia est excelsa,
humilitatis autem verba. Si enim humilius producit verba quaedam, non mireris
: quia enim persequebantur eum excelsa audientes, et contrarium Deo esse
aestimabant, parum per verba remisit. Augustinus in Ioannem. Cum ergo
dixisset et se eadem facere, et similiter quae facit pater, subdit pater enim
diligit filium, et omnia demonstrat ei quaecumque ipse facit. Ad hoc quod
supra dixit nisi quod viderit patrem facere, videtur pertinere et quod omnia
demonstrat ei quae ipse facit. Sed rursus mortalis cogitatio perturbatur :
dicet enim aliquis : seorsum facit pater, ut possit filius videre quod facit;
velut si faber doceat filium artem suam, et demonstret ei quicquid facit, ut
possit et ipse facere quod viderit patrem facientem. Cum ergo pater facit,
filius non facit, ut possit videre filius quod pater facit. Porro si fixum
atque inconcussum tenemus, quia per filium omnia pater facit, antequam faciat
demonstrat filio. Ubi etiam demonstrat filio pater quod
facit, nisi in ipso filio, per quem facit? Si enim pater
exemplo faciat, et filius attendat manus patris quemadmodum faciat, ubi est
illa inseparabilitas Trinitatis? Non ergo
faciendo demonstrat pater filio, sed demonstrando facit per filium. Videt enim
patrem filius demonstrantem antequam aliquid fiat, et ex demonstratione
patris, et visione filii fit quod fit a patre per filium. Sed
dices : ostendo filio meo quod volo facere, et facit ipse, atque ego per
ipsum. Sed verba dicturus es filio tuo. Sed ipse filius est verbum
patris. Numquid ergo per verbum loqueretur ad verbum? An quia filius magnum
est verbum, minora verba transitura erant inter patrem et filium, et sonus
aliquis, et quasi creatura quaedam temporalis exitura erat ex ore patris, et
percussura aurem filii? Remove omnia corporalia : simplicitatem vide, si
simplex es; si non potes comprehendere quid sit Deus, vel hoc comprehendere
quid non Deus sit. Multum proficies, si non aliud quam est senseris de Deo.
In mente tua vide quod volo dicere : in qua video memoriam et cogitationem.
Demonstrat memoria tua cogitationi tuae Carthaginem, et quod in illa erat
antequam intenderes, conversae ad se cogitationi ostendit. Ecce facta est a
memoria demonstratio, facta est in cogitatione visio, et nulla verba in medio
cucurrerunt, nullum ex corpore signum datum est; sed tamen omnia quae in
memoria tenes, forinsecus accepisti. Pater quae demonstrat filio, non accepit
extrinsecus : intus totum agitur; quia nihil creaturarum esset extrinsecus,
nisi pater hoc fecisset per filium; et eam pater demonstrando fecit, quia per
filium videntem fecit. Sic ergo demonstrans pater filii visionem gignit,
quemadmodum pater filium gignit. Demonstratio quippe generat visionem, non
visio demonstrationem. Quod si purius et perfectius intueri valeremus,
fortassis inveniremus nec aliud esse patrem, aliud eius demonstrationem, nec
aliud filium, aliud eius visionem. Hilarius de Trin. Non igitur per
ignorationem credendus est unigenitus Deus doctrina demonstrationis eguisse.
Demonstratio enim operum nihil aliud hic nobis praeterquam nativitatis fidem
ingerit, ut subsistentem filium ex subsistente Deo patre credamus. Augustinus.
Videre enim patrem hoc est illi esse filium. Sic ergo demonstrat pater
omnia quae facit filio, ut a patre videat omnia filius. Videndo enim natus
est, et ab eo est illi videre a quo est illi esse, et natum esse, et
permanere. Hilarius. Neque autem incircumspectum se caelestis sermo
egit, ne forte diversae naturae significatio sub occasione dicti ambigui
subreperet. Demonstrata enim potius opera patris esse ait domino, quam ad
operationem eorum naturam virtutis adiectam, ut demonstratio ipsa nativitas
esse doceretur, cui per dilectionem patris operum paternorum, quae per eum
effici vellet, esset cognata cognitio. Augustinus. Sed ecce quem
diximus patri coaeternum, videntem patrem, et videndo existentem, rursus
nobis tempora nominat; nam sequitur et maiora his demonstrabit ei opera. Si
autem demonstrabit, hoc est demonstraturus est, nondum demonstravit; et tunc
filio demonstraturus est quando et istis; sequitur enim ut vos miremini. Et
hoc difficile est videre, quomodo tamquam temporaliter filio coaeterno
aliquando monstret aeternus pater omnia scienti quae sunt apud patrem. Quae
sint autem illa maiora, facile est intelligere ex hoc quod subditur sicut
enim pater suscitat mortuos et vivificat, sic et filius quos vult vivificat.
Maiora enim opera sunt mortuos suscitare, quam languidos sanare. Sed qui
paulo ante loquebatur ut Deus, coepit loqui ut homo. Demonstrabit enim quasi
temporaliter homini facto in tempore opera maiora, idest resurrectionem
corporum. Corpora enim resurgent per dispensationem humanam; sed animae
resurgent per substantiam Dei : participatione enim Dei fit anima beata, non
participatione beatae animae. Quomodo enim anima, quae inferior Deo est, id
quod ipsa inferius est, hoc est corpus, vivere facit, sic eamdem animam non
facit beate vivere, nisi quod ipsa anima superius est, scilicet Deus. Unde et
prius dictum est quod pater diligit filium, et demonstrat ei quae ipse facit.
Demonstrat enim pater filio ut animae suscitentur, quia per patrem et filium
suscitantur, nec possunt vivere nisi earum vita sit Deus. Vel nobis pater
demonstraturus est, non illi; propterea subiungit ut vos miremini : in quo
exposuit quid voluit dicere : et maiora his demonstrabit ei opera. Sed quare
non dixit : demonstrabit vobis, sed filio? Quia et nos membra sumus filii, et
ipse discit quodammodo in membris suis, quomodo et patitur in nobis : sicut
enim dixit : quod uni ex minimis meis dedistis, mihi dedistis, ita si
interrogetur a nobis : quando eris discens, cum tu doceas omnia? Respondet :
cum unus ex minimis meis discit, ego disco. Lectio 4 [86032] Catena in Io., cap. 5 l. 4 Augustinus
in Ioannem. Quia dixerat quod maiora his opera pater demonstraturus est filio,
quae sint maiora prosequitur, et dicit sicut enim pater suscitat mortuos et
vivificat, sic et filius quos vult vivificat. Plane maiora sunt ista : valde
enim plus est ut resurgat mortuus quam ut convalescat aegrotus. Non autem sic
hoc intelligamus ut alios a patre suscitari, alios a filio aestimemus; sed
eosdem quos pater suscitat et vivificat, ipsos et filius suscitat et
vivificat. Et ne quis diceret : suscitat pater mortuos per filium, ille
tamquam potens, iste tamquam ex aliena potestate, tamquam minister facit
aliquid; potestatem filii signavit dicens filius quos vult vivificat. Tenete
hic non solum potestatem filii, verum etiam et voluntatem. Eadem enim patris
et filii potestas est, et voluntas : non enim vult pater aliud quam filius;
sed sicut illis una substantia, sic una voluntas est. Hilarius de
Trin. Velle quidem naturae libertas est, quae ad perfectae virtutis
beatitudinem cum arbitrii voluntate in libertate subsistat. Augustinus. Sed
qui sunt isti mortui, quos vivificat pater et filius? Vult nobis insinuare
resurrectionem mortuorum quam omnes expectamus, non illam quam quidam
habuerunt, ut ceteri crederent; resurrexit enim Lazarus moriturus. Cum ergo
dixisset sicut enim pater suscitat mortuos et vivificat, ne intelligeremus
illam mortuorum resurrectionem quam fecit ad miraculum, non ad vitam
aeternam, secutus ait neque enim pater iudicat quemquam, etc. : ut ostendat
quia de illa resurrectione mortuorum dixerat quae futura est in iudicio. Vel
aliter de resurrectione animarum dictum est sicut pater suscitat mortuos, et
cetera. Resurrectione autem corporum sic dicit : neque enim pater iudicat
quemquam, et cetera. Resurrectio enim animarum fit per substantiam patris et
filii, et ideo id simul operantur pater et filius : resurrectio vero corporum
fit per dispensationem humanitatis non patri coaeternam. Sed vide quomodo
verbum Christi mentem nostram huc atque illuc ducit, et uno carnis loco
remanere non sinit; ut versando exerceat, exercendo mundet, mundando capaces
reddat, capaces factos impleat. Paulo enim ante dicebat, quia demonstrat
pater filio quidquid facit. Videbam quasi patrem facientem, et filium expectantem
: modo rursus video filium facientem, patrem vacantem. Augustinus de
Trin. Non enim quod dicitur omne iudicium dedit filio, secundum illam
locutionem dictum est qua dicitur sic dedit filio vitam habere in semetipso;
ut significaret quia sic filium genuit. Si enim sic diceretur, non utique
diceretur pater non iudicat quemquam; secundum hoc enim quod pater aequalem
genuit filium, iudicat cum illo. Secundum hoc ergo dictum est, quod in
iudicio non forma Dei, sed forma filii hominis apparebit; non quia non
iudicabit qui dedit omne iudicium filio, cum de illo dicat filius : est qui
quaerat et iudicet; sed ita dictum est pater non iudicat quemquam, ac si
diceretur : patrem nemo videbit in iudicio, sed omnes filium, quia filius
hominis est, ut possit et ab impiis videri, cum et illi videbunt in quem
pupugerunt. Hilarius de Trin. Vel aliter. Quia dixerat et filius quos
vult vivificat, ne non nativitatis videretur in se habere naturam, sed non
natae potius potestatis iure subsistere, continuo subiecit neque enim pater
iudicat quemquam, sed omne iudicium dedit filio. Et in eo quod omne iudicium
datum est, naturae nativitas demonstratur : quia et omnia habere sola natura
possit indifferens, neque nativitas aliquid possit habere nisi datum sit.
Chrysostomus in Ioannem. Sicut enim dedit vitam, idest genuit eum
viventem, ita dedit iudicium, idest genuit eum iudicem. Dedit enim hic
positum est, ne hunc ingenitum suspiceris, neque duos patres aestimes. Dicit
autem omne iudicium, quia dominus est et puniendi et honorandi, ut voluerit. Hilarius. Datum
est enim ei omne iudicium, quia vivificat quos vult. Neque ademptum patri
iudicium potest videri, cum ipse non iudicet, quia filii iudicium ex iudicio
est paterno. Ab eo enim datum omne iudicium est : sed dati iudicii causa non
tacita est; sequitur enim ut omnes honorificent filium, sicut honorificant
patrem. Chrysostomus. Ne enim audiens quoniam patrem habet auctorem,
dissimilitudinem substantiae aestimes, et honoris minorationem, complicat
honorem filii patris honori, eumdem ostendens esse honorem patris et filii.
Sed numquid patrem eum dicemus? Absit : qui enim patrem eum dicit, non adhuc
filium ut patrem honorat, sed totum confundit. Augustinus. Et prius
quidem filius videbatur ut servus, pater honorabatur ut Deus. Apparebit
filius aequalis patri ut omnes honorificent filium, sicut honorificant
patrem. Sed quid, si inveniuntur qui patrem honorificant, et non honorificant
filium? Non potest fieri; unde sequitur qui non honorificat filium, non
honorificat patrem qui misit illum. Aliud est enim cum tibi commendatur Deus,
quia Deus est, et aliud cum tibi commendatur Deus, quia pater est. Cum tibi
commendatur Deus creator, tibi commendatur omnipotens, spiritus quidam
summus, aeternus, invisibilis, incommutabilis; cum vero tibi, quia pater est,
commendatur, nihil tibi aliud quam filius commendatur; quia pater dici non
potest, si filium non habet. Sed si forte patrem quidem honorificas tamquam
maiorem, filium tamquam minorem, ibi tollis honorem patris, ubi minorem das
filio. Quid enim tibi aliud videtur ita sentienti, nisi quia pater aequalem
sibi filium generare aut noluit, aut non potuit? Si noluit, invidit; si non
potuit, defecit. Vel aliter. Quod dicitur ut omnes honorificent filium sicut
honorificant patrem, redditum est resurrectioni animarum, quam sic operatur
filius sicut pater; sed propter resurrectionem corporum subditur qui non
honorificat filium, non honorificat patrem qui misit illum. Non dixit sic :
honoratur enim homo Christus, sed non sicut pater Deus. Sed dicit aliquis :
missus est filius, et maior est pater, quia misit. Recede a carne : missionem
audi, non separationem. Res humanae fallunt homines, res divinae purgant;
quamquam et ipsae res humanae dicant contra se testimonium; velut si quis
uxorem velit petere, et per se non possit, amicum maiorem mittit qui eam
petat. Et tamen attende quam sit aliud in rebus humanis : numquid enim homo
pergit cum eo quem mittit? Pater autem qui misit filium, non recessit a
filio, cum dicat : non sum solus, quia pater mecum est. Augustinus de
Trin. Non autem eo ipso quod de patre natus est, missus dicitur filius;
sed vel eo quod apparuit huic mundo, verbum caro factum; unde dicit : a patre
exivi, et veni in hunc mundum : vel eo quod ex tempore cuiusdam mente
percipitur, sicut dictum est. Mitte illam, ut mecum sit, et mecum laboret.
Hilarius. Conclusa igitur sunt omnia adversum haeretici furoris ingenia.
Filius est, quia a se nil facit : Deus est, quia quaecumque pater facit, et
ipse eadem facit; unum sunt, quia exaequantur in honore : non est pater ipse,
quia missus est. Lectio 5 [86033] Catena in Io., cap. 5 l. 5 Glossa.
Quia
dixerat quod filius quos vult vivificat, consequenter ostendit qualiter per
filium perveniatur ad vitam, dicens amen dico vobis, quia qui verbum meum
audit, et credit ei qui misit me, habet vitam aeternam. Augustinus
in Ioannem. Quandoquidem in audiendo et credendo vita aeterna est, multo
magis in intelligendo. Sed gradus pietatis est fides, fidei fructus
intellectus. Et non dixit : mihi; sed credit ei qui misit me. Quare verbum
audit tuum, et credit alteri? Quid voluit dicere nisi quia verbum eius est in
me? Et quid est audit verbum meum, nisi audit me? Credit autem ei qui misit
me : quia cum illi credit, verbo eius credit, mihi credit, quia verbum patris
ego sum. Chrysostomus in Ioannem. Vel non dixit : qui audit sermones
meos, et credit mihi : aestimassent enim hoc esse tumorem et gloriationem
verborum superfluam. Dicens autem credit ei qui misit me, susceptibilem
faciebat suum sermonem. Ex duobus enim suum sermonem susceptibilem facit : et
in hoc quod patri creditur ab eo qui ipsum audit, et in hoc quod multis bonis
potietur; unde sequitur et in iudicium non venit. Augustinus in Ioannem. Sed
quis est hic? Erit quisquam Paulo apostolo melior, qui ait : oportet nos
exhiberi omnes ante tribunal Christi? Aliquando ergo iudicium poena dicitur,
aliquando iudicium discretio dicitur. Ergo secundum iudicium discretionis
oportet nos omnes exhiberi ante tribunal Christi; secundum iudicium
damnationis hic dicitur in iudicium non venit; idest, non venit in
damnationem. Sequitur sed transit a morte in vitam.
Non nunc transit, sed iam transiit a morte infidelitatis ad vitam fidei, a
morte iniquitatis ad vitam iustitiae. Vel aliter. Ne putares credendo
te non moriturum secundum carnem, scias te mortem, quam debes supplicio Adam,
persoluturum. Accepit enim ille, in quo tunc omnes fuimus : morte morieris
nec potes evadere divinam sententiam. Sed cum persolveris mortem veteris
hominis, suscipies vitam novi hominis, et transitum facies de morte ad vitam.
Ad quam vitam? Ad aeternam : resurrecturi enim in fine saeculi, mortui in
vitam aeternam transibunt : vita enim ista nec vita nominanda est, quia non
est vera vita nisi quae est aeterna. Augustinus de Verb. Dom. Videmus
autem homines amatores praesentis vitae temporalis ac finiendae, sic pro illa
laborare ut quando veniat mortis metus, quidquid possunt faciant, non ut
auferant, sed ut differant mortem. Si ergo tanto labore, tanta cura agitur ut
aliquantulum plus vivatur, quomodo agendum est ut semper vivatur? Et si
prudentes dicuntur qui omnibus modis agunt ut differant mortem et vivant
paucos dies, quam stulti sunt qui sic vivunt ut perdant aeternum diem? Lectio 6 [86034] Catena in Io., cap. 5 l. 6 Augustinus
in Ioannem. Posset aliquis dicere : ex patre aliquis vivificatur cui credit. Quid
tu? Non vivificas? Vide quia et filius quos vult vivificat; unde dicit amen,
amen dico vobis, quia venit hora, et nunc est, quando mortui audient vocem
filii Dei, et qui audierint vivent. Chrysostomus in Ioannem. Cum
autem dicat venit hora, ne forte longum suspiceris tempus, addidit et nunc
est. Sicut enim in resurrectione futura vocem audientes praecipientem
suscitabimur, ita et nunc fit. Theophylactus. Hoc enim dixit pro his
quos a mortuis suscitaturus fuit, scilicet filia archisynagogi, filio viduae
et Lazaro. Augustinus in Ioannem. Vel aliter. Ne forte quia dixit
transit de morte ad vitam, intelligamus hoc in futura resurrectione,
ostendere volens quomodo transit qui credit, subiungit amen, amen dico vobis,
quia venit hora. Quae hora? Et nunc est, quando mortui audient vocem filii
Dei, et qui audierint vivent. Non inquit : quia vivunt, audiunt; sed audiendo
reviviscunt. Quid est enim audient, nisi obedient? Qui enim credunt, et
secundum veram fidem agunt, vivunt, et mortui non sunt; qui autem vel non
credunt, vel credunt male viventes et caritatem non habentes, mortui potius
deputandi sunt. Et tamen adhuc agitur hora ista, et usque ad finem saeculi
ipsa hora una agitur, ut Ioannes dicit : novissima hora est. Augustinus
de Verb. Dom. Quando mortui, idest infideles, audient vocem filii Dei,
idest Evangelium, et qui audierint, idest qui obedierint, vivent, idest
iustificabuntur, et infideles iam non erunt. Augustinus in
Ioannem. Sed quaeret aliquis : habet filius vitam unde vivant credentes?
Audi ipsum dicentem sicut enim habet pater vitam in semetipso, sic dedit et
filio habere vitam in semetipso. Vivere quippe suum in illo est, non
aliunde, non alienum est; non quasi particeps sit vitae, quae non est quod
ipse; sed habet vitam in semetipso, ut ipsa vita sibi sit ipse. Quid tu?
Anima mortua eras. Audi patrem per filium : surge, ut in eo recipias vitam,
quam non habes in te, qui habet vitam in semetipso; et sic agitur prima
resurrectio. Haec enim vita, quod pater et filius est, ad animam pertinet.
Non enim vitam illam sapientiae sentit corpus, sed mens rationalis. Hilarius de
synodis. Conclusi quidem haeretici Scripturarum auctoritatibus, hoc solum
tribuere solent filio, ut patri tantum virtute similis sit; tollunt autem ei
similitudinem naturae; non intelligentes, non nisi ex naturae similitudine
similitudinem esse virtutis : neque enim aliquando inferior natura superioris
a se potiorisque naturae virtutem consequitur. Non autem potest negari quin
filius Dei idem possit, cum dixerit quaecumque pater facit, eadem et filius
facit similiter. Sed similitudini virtutis, naturae
similitudo succedit, cum dixit sicut habet pater vitam in semetipso, ita et
filio dedit habere vitam in semetipso. In vita, naturae et essentiae
significatio est; quae sicut habetur, ita data esse docetur ad habendum. Quod
enim in utroque vita est, id in utroque significatur essentia; et vita quae
gignitur ex vita, idest essentia quae de essentia nascitur, dum non
dissimilis nascitur, scilicet quia vita ex vita est, tenet in se originis
suae indissimilem naturam. Augustinus de Trin. Intelligitur autem pater
non sine vita existenti iam filio vitam dedisse; sed ita eum sine tempore
genuisse ut vita quam pater filio gignendo dedit, coaeterna sit vitae eius
qui dedit. Hilarius de Trin. Quod enim ex vivo vivum natum est, habet
nativitatis perfectionem sine novitate naturae : non enim novum est quod ex
vivo generatur in vivum, quia nec ex nihilo ad nativitatem vita quaesita est;
et vita quae nativitatem sumit ex vita, necesse est per naturae unitatem, et
perfectae nativitatis sacramentum, ut in vivente vivat, et in se habeat vitam
viventem. Et quidem naturae humanae infirmitas ex disparibus comparatur, et
ex inanimatis continetur ad vitam, nec statim in ea quod gignitur vivit,
neque totum vivit ex vita, cum in ea multa sint quae sine naturae sensu, cum
excreverint, desiccentur. In Deo vero totum quod est vivit : Deus enim vita
est, et ex vita non potest quidquam esse nisi vivum. Augustinus
in Ioannem. Ergo quod dicitur dedit filio, tale est ac si diceretur :
genuit filium : generando enim dedit. Quomodo dedit ut esset, sic dedit ut
vita esset in semetipso, ut non aliunde vita indigeret; sed ipse esset
plenitudo vitae unde credentes alii viverent, dum viverent. Quid interest?
Quia ille dedit, iste accepit. Chrysostomus in Ioannem. Vides
indissimilitudinem, in uno solo differentiam ostendentem; in essendo hunc
quidem patrem, illum vero filium. Hilarius de synodis. Discernitur
enim persona accipientis et dantis : non enim potest intelligi ipse atque
unus a se accepisse qui dederit : quia alius est sibi vivens, alius profitens
se vivere per auctorem. Lectio 7 [86035] Catena in Io., cap. 5 l. 7 Theophylactus.
Non solum pater dedit filio quod vivificet, sed etiam quod iudicium
faciat; unde dicit et potestatem dedit ei iudicium facere. Chrysostomus
in Ioannem. Cuius autem gratia circa hoc continue vertitur iudicium, dico
et resurrectionem et vitam? Quoniam haec maxime omnium sunt
quae possunt difficilem etiam auditorem ad credendum adducere. Qui enim
persuasus est quoniam resurget, et filio dabit noxas eorum quae deliquit,
etsi nihil aliud viderit, signum hoc suscipiens curret, benignum sibi iudicem
faciens. Sequitur quia filius hominis est, nolite mirari hoc. Paulus quidem
Samosatenus non ita ait; sed sic dedit ei potestatem iudicium facere, quia
filius hominis est. Sed nullam convenientiam habet hoc dictum ita : non enim
propterea suscepit iudicium quia homo est : quia quis prohibet omnes homines
esse iudices? Sed quia ineffabilis Dei filius est, propterea et iudex est.
Ita igitur legendum : quia filius hominis est, nolite mirari hoc : quia enim
videbatur audientibus obstare his quae dicebantur : quoniam nihil plus
aestimabant esse Christum quam purum hominem; quae vero dicebantur erant
maiora quam secundum hominem, et etiam quam secundum Angelum, et erant solius
Dei : ideo hanc opinionem solvens, dixit : ne miremini quia filius hominis
est : et subdit causam quare non sit mirandum, dicens quia venit hora in qua
omnes qui in monumentis sunt, audient vocem filii Dei. Et cuius gratia non
dixit : ne miremini, quia filius hominis est : etenim et ipse filius Dei est?
Si resurrectionem posuit, quasi scilicet opus dicens quod Dei proprium erat,
dat audientibus ex eo syllogizare de reliquo, quoniam Deus erat, et Dei
filius. Etenim qui argumenta complicant, cum partes ponentes nobiliter
demonstraverint quod quaeritur, multoties non inducunt ipsi conclusionem, sed
clariorem facientes victoriam, dimittunt illi qui contradicit, ut pro eis
sententiam ferat. Igitur eius quidem quae secundum Lazarum resurrectionis
supra reminiscens, de iudicio tacuit : non enim propter iudicium surrexit
Lazarus : universalem vero resurrectionem inducens, iudicium posuit; unde
sequitur et procedent qui bona fecerunt, in resurrectionem vitae; qui vero
mala egerunt, in resurrectionem iudicii. Quia enim supra dixerat : qui audit
sermonem meum et credit ei qui misit me, in iudicium non venit, ut non
aestimet quis quod credere sufficit ad salutem, adiecit haec et de vita, dum
dicit et qui bona egerunt (..). et qui mala egerunt. Augustinus. Vel
aliter. Inquantum erat verbum in principio apud Deum, dedit ei vitam habere
in semetipso; sed quia verbum caro factum est ex virgine Maria, homo factus
filius hominis est; et quia filius hominis est, accepit potestatem iudicium
facere, quod scilicet erit in fine saeculi, et ibi erit resurrectio corporum
mortuorum. Animas ergo suscitat Deus per Christum filium Dei, corpora
suscitat per eumdem filium hominis; unde additur quia filius hominis est :
nam secundum quod Dei filius est, semper habuit. Augustinus de Verb. Dom.
Ad iudicium enim forma hominis ventura est; forma illa iudicabit quae
iudicata est : sedebit iudex qui stabat sub iudice, damnabit vero reos qui
factus est falso reus. Rectum enim erat ut iudicandi viderent iudicem :
iudicandi autem erant boni et mali : restabat ut in iudicio forma servi et
bonis et malis ostenderetur, forma Dei solis bonis servaretur. Beati enim
mundo corde, quoniam ipsi Deum videbunt. Augustinus in Ioannem. Omnes
autem qui instituerunt alicuius etiam falsae religionis sectam, negare
resurrectionem mentium non potuerunt; sed multi carnis resurrectionem
negaverunt; et nisi tu, domine Iesu, dixeris eam, quid opponemus
contradictoribus? Ad ipsam igitur ostendendam subdit nolite mirari hoc,
scilicet quod dedit potestatem filio hominis iudicium faciendi, quia venit
hora. Augustinus de Verb. Dom. Hic non addit et nunc est, quia ista
hora in fine saeculi erit. Nolite, inquam, mirari, quia dixit : oportet
homines ab homine iudicari; sed quos homines? Non solum quos inveniet vivos;
unde sequitur quia venit hora in qua omnes qui in monumentis sunt. Augustinus
in Ioannem. Quid evidentius? Corpora sunt in monumentis, non animae. Superius etiam
cum diceret venit hora, et adderet et nunc est, subiecit quando mortui
audient vocem filii Dei. Non dixit : omnes mortui : mortuos enim iniquos
voluit intelligi; sed non omnes iniqui obediunt Evangelio; at vero in fine
omnes qui sunt in monumentis audient vocem eius, et procedent. Noluit dicere
: et vivent, quod supra dixit, ubi vitam aeternam intelligi voluit et beatam,
quam non omnes habebunt qui de monumentis procedent. Accepisti certe
potestatem iudicandi, quia filius hominis es. Resurgent corpora; de ipso
iudicio dic aliquid, et hoc audite qui bona fecerunt, in resurrectionem
vitae, vivere scilicet cum Angelis Dei; qui male egerunt, in resurrectionem
iudicii. Hic iudicium pro poena posuit. Lectio 8 [86036] Catena in Io., cap. 5 l. 8 Augustinus
in Ioannem. Dicturi eramus Christo : tu iudicabis, et pater non iudicabit; nonne
ergo secundum patrem iudicabis? Et ideo adiecit non possum ego a me facere
quidquam. Chrysostomus in Ioannem. Hoc est, non extraneum neque dissimile
his quae vult pater, a me fieri videbitis; sed sicut audio, iudico : in quo
nihil aliud ostendit quam quoniam impossibile est eum aliquid aliud velle
quam quod pater vult : hoc est, ita iudico ac si ipse pater esset qui
iudicaret. Augustinus in Ioannem. Cum ageretur de
resurrectione animarum, non dicebat audio, sed video. Audio enim nunc dicit,
tamquam praecipientis patris imperium. Iam ergo sicut homo loquitur, quo
maior est pater. Augustinus contra Arianos. Vel aliter.
Dicit filius sicut audio iudico, sive ex humana subiectione, quia filius
hominis est, sive secundum illam incommutabilem simplicemque naturam quae sic
est filii, ut tamen ei de patre sit : in qua natura non est aliud audire,
aliud videre, aliud esse. Unde ab illo est ei audire, et videre a quo illi
est ipsum esse. Et ideo sicut audit iudicat : quia sicut genitum est verbum,
ut idem verbum sit veritas, ita secundum veritatem iudicat. Sequitur et
iudicium meum iustum est : quia non quaero voluntatem meam, sed voluntatem
eius qui misit me patris. Hoc enim dicens, ad illum hominem voluit referre
intentionem nostram qui voluntatem suam quaerendo, non eius a quo factus est,
non habuit iustum iudicium de seipso : sed iustum iudicium habitum est de
ipso. Ipse quippe faciens voluntatem suam, non Dei, moriturum se esse non
credidit; sed hoc iudicium eius iustum non fuit. Denique fecit, et mortuus
est : quia iudicium Dei iustum est, quod iudicium facit Dei filius, non
quaerendo voluntatem suam, cum sit etiam hominis filius : non quia ipsius in
iudicando nulla voluntas est, sed quia non ita est voluntas eius propria ut
sit a voluntate patris aliena. Augustinus in
Ioannem. Non ego quaero voluntatem meam propriam, idest filii hominis,
quae resistat Deo : faciunt enim homines voluntatem suam, non Dei, quando
faciunt quod volunt, non quod iubet Deus. Quando autem ita faciunt quod
volunt, ut tamen sequantur voluntatem Dei, non faciunt voluntatem suam. Vel ideo dicit
filius non quaero voluntatem meam : quia Christus non est de se, sed de patre
suo est. Chrysostomus. Ostendit enim non aliam esse patris voluntatem
praeter suam, sed unam utriusque. Si vero humanius hoc loquitur, ne mireris :
hominem enim purum adhuc eum aestimabant. Inde igitur suum iudicium iustum
esse dixit, unde quilibet alius excusans dixisset; qui enim sua vult
statuere, in suspicionem deveniet de corruptione iustitiae; qui vero non suis
innititur, quam occasionem habebit ut iniusta iudicet? Augustinus
in Ioannem. Filius unicus dicit non quaero voluntatem meam : et homines
volunt facere voluntatem suam. Faciamus ergo voluntatem patris, Christi,
et spiritus sancti : quia horum una voluntas, una potestas, una maiestas est. Lectio 9 [86037] Catena in Io., cap. 5 l. 9 Chrysostomus
in Ioannem. Quia Christus magna de se enuntiaverat, quorum demonstratio
non erat dicta, ad confirmationem eorum quae dicta sunt, oppositionem eorum
inducit, dicens si ego testimonium perhibeo de me, testimonium meum non est
verum. Quis autem non statim turbabitur, Christum audiens hoc dicentem?
Etenim in multis locis apparet sibi ipsi testatus. Si igitur omnia haec falsa
sunt, quae nobis erit spes salutis? Unde veritatem inveniemus, cum ipsa
veritas dicat testimonium meum non est verum? Hoc igitur quod dicit non est
verum, non quantum ad dignitatem suam, sed quantum ad illorum suspicionem
loquebatur. Poterant enim ei Iudaei subinferre : quoniam tibi non credimus :
nullus enim unquam sibi testans dignus est fide. Deinde post oppositionem
alias dat responsiones manifestas et irrefragabiles, tres inducens testes
eorum quae dicta sunt : opera quae ab ipso sunt facta, patris testimonium, et
Ioannis praedicationem : et ponit priorem minorem, eam scilicet quae Ioannis;
unde dicit alius est qui testimonium perhibet de me; et scio quoniam verum
est testimonium eius quod perhibet de me. Augustinus de Verb. Dom. Noverat
enim ipse verum esse de se testimonium suum; sed propter infirmos et propter
incredulos quaerebat sol lucernas : fulgorem quippe solis lippitudo eorum
ferre non poterat; ideo quaesitus est Ioannes qui testimonium perhiberet
veritati. Martyres nonne testes sunt Christi, ut testimonium perhibeant
veritati? Sed si diligentius inspicimus, quando martyres perhibent illi
testimonium, ipse sibi perhibet testimonium; ipse enim habitat in martyribus,
ut perhibeant testimonium veritati. Alcuinus. Vel aliter. Quia
Christus Deus erat et homo, utriusque naturae proprietatem ostendit :
aliquando loquens secundum hoc quod ex hominibus assumpsit, aliquando
secundum maiestatem divinitatis. Quod ergo ait si ego testimonium perhibeo de
me ipso, testimonium meum non est verum, ex parte humanitatis est
accipiendum; et est sensus : si ego homo de me perhibeo testimonium, scilicet
absque Deo, testimonium meum non est verum; unde sequitur alius est qui
testimonium perhibet de me. Pater enim testimonium perhibet de Christo, quia
in Baptismo vox patris audita est, et in monte transfigurato Christo.
Sequitur et scio quia verum est testimonium eius. Deus enim veritas est :
ergo testimonium veritatis quid aliud potest esse quam verum?
Chrysostomus. Sed secundum priorem intellectum possent illi dicere : si
non est verum testimonium tuum, quomodo dicis : quoniam novi quod est verum
testimonium Ioannis? Unde ad eorum suspicionem respondet dicens vos misistis
ad Ioannem, et testimonium perhibuit veritati; quasi dicat : non misissetis
ad Ioannem, si eum dignum fide non opinaremini. Et, quod utique maius est,
non miserunt ad eum interrogandum de Christo, sed de seipso. Qui enim missi
sunt, non dixerunt : quid dicis de Christo? Sed : tu quis es? (..).. Quid
dicis de teipso? Ita magnam de homine admirationem habebant. Alcuinus.
Ille autem testimonium perhibuit, non sibi, sed veritati; sicut amicus
veritatis veritati Christo testimonium perhibuit. Non autem dominus refellit
testimonium Ioannis, quod vere necessarium fuit; sed ostendit non ita debere
homines in Ioannem intendere ut iam non putent solum Christum sibi esse
necessarium; unde subdit ego autem non ab homine testimonium accepi.
Beda. Quia non indigeo. Ioannes autem etsi testimonium perhibuit, non
tamen ut Christus cresceret, sed ut homines ad ipsius cognitionem promoveret.
Chrysostomus. Testimonium etiam Ioannis Dei testimonium erat : ab illo
enim discens dixit quod dixit. Sed ne dicant : unde manifestum est quod a Deo
didicit quod didicit? Eorum suspicionem correxit, dicens sed hoc dico ut
vos salvi sitis, quasi dicat : ego quidem Deus existens, non indigebam
huiusmodi testimonio humano : quia vero ei magis attenditis, et eum magis
omnibus fide dignum putatis, mihi autem neque miracula facienti credidistis;
propter hoc vobis commemoro testimonium illius : ut enim non dicant : quid
igitur si ille dixit, nos autem non suscepimus? Ostendit quoniam non
acceptaverunt quae ab eo dicta sunt; unde sequitur ille erat lucerna ardens
et lucens : vos autem voluistis ad horam exultare in luce eius. Hoc
autem quod dicit ad horam, facilitatem credendi ostendit, et quam cito ab eo
resilierunt : quod si non fecissent, cito eos ad Iesum manuduxisset. Vocando autem
eum lucernam, ostendit quoniam non ex se habebat lumen, sed a spiritus sancti
gratia. Alcuinus. Ioannes enim erat lucerna illuminatus a Christo luce,
ardens fide et dilectione, lucens verbo et actione : qui praemissus est, ut
inimicos Christi confunderet, secundum illud : paravi lucernam Christo meo :
inimicos eius induam confusione. Chrysostomus. Ad Ioannem igitur vos
duco, non quasi illius indigens testimonio, sed ut vos salvemini : nam habeo
maius testimonium Ioanne; et hoc est quod sequitur ego autem habeo
testimonium maius Ioanne. Hoc autem est quod est ab operibus; unde sequitur
opera enim quae dedit mihi pater ut perficiam ea, ipsa opera quae ego facio,
testimonium perhibent de me, quia misit me pater. Alcuinus. Quod enim
caecos illuminat, aures aperit, ora mutorum resolvit, Daemonia fugat, mortuos
suscitat : opera haec testimonium perhibent de Christo. Hilarius de Trin.
Unigenitus enim Deus, non hominis testimonio tantum, sed etiam virtutis,
docet esse se filium : opera enim eius quae facit, testantur eum a patre
missum. Itaque filii obedientia et paterna auctoritas docentur in misso. Sed
quia opera non sufficiunt in credibilibus ad testimonium, sequitur et qui
misit me pater, ipse testimonium perhibet de me. Revolvite evangelica
volumina, et omne eorum opus recensete : nullum aliud patris de filio
testimonium extat in libris, quam quod hic sit filius suus. Quid infertur
hodie calumniae, ut adoptio nominis sit, ut mendax Deus sit, ut nomina inania
sint? Beda in Ioannem. Missio autem incarnatio eius debet intelligi.
Denique ostendit quod Deus incorporeus sit, et quod corporalibus et
visibilibus oculis videri non possit; unde sequitur neque vocem eius unquam
audistis, neque speciem eius vidistis. Alcuinus. Possent enim Iudaei
dicere : nos soliti sumus vocem domini audire in Sina, et eum vidimus in
specie ignis. Si ergo Deus perhibet testimonium de te, nos intelligeremus
vocem domini. Contra hoc dicit : ego habeo testimonium a patre, quamvis non
intelligatis : quia vos nunquam audistis vocem eius, neque speciem eius
vidistis. Chrysostomus. Quomodo ergo Moyses dicit : si facta est
aliquando huiusmodi res, ut audiret populus vocem Dei loquentis de medio
ignis, sicut tu audisti et vidisti? Vidisse etiam eum dicuntur Isaias et alii
plures. Quid ergo est quod nunc ait Christus? In philosophicum eos inducit
dogma, paulatim ostendens quoniam neque vox circa Deum est neque species; sed
superior et figuris est et loquelis talibus. Sicut enim dixit neque vocem
eius audistis, propter hoc non indicat quod vocem emittat, sed non audibilem;
ita dicens neque speciem eius vidistis, non hoc dicit quod speciem sensibilem
habeat et visibilem, sed quoniam nihil horum est circa Deum. Alcuinus. Non
enim carnalibus auribus, sed spirituali intelligentia per gratiam spiritus
sancti audiri potest. Non ergo vocem spiritalem audierant, quoniam eum amare
et praeceptis eius obedire nolebant; neque speciem eius viderunt, quia non
exterioribus oculis videri potest, sed fide et dilectione. Chrysostomus. Sed
neque possibile erat eis dicere quod praecepta eius suscepissent et
servarent; ideoque subiungit et verbum eius non habetis in vobis manens,
idest praecepta Dei, legem et prophetas : etsi enim ea Deus constituit, sed
apud vos non sunt : et si Scripturae ubique docent ut mihi credatis, vos
autem non creditis, manifestum est quod sermo eius deficit a vobis. Et
propter hoc subdit quia quem misit ille, huic vos non creditis. Alcuinus.
Vel aliter verbum quod in principio erat, non habent in se manens qui
verbum Dei quod audiunt, et memoria tenere et opere implere contemnunt.
Dixerat igitur se habere testimonium a Ioanne, ab operibus, a patre; addit et
testimonium a lege quae data est per Moysen, dicens scrutamini Scripturas, in
quibus putatis vitam aeternam habere; et illae sunt quae testimonium
perhibent de me : quasi dicat : vos in Scripturis putatis vitam aeternam
habere, et me quasi contrarium Moysi repudiatis : testimonio ipsius Moysi me
esse Deum intelligere potestis, si ipsas Scripturas diligenter investigatis.
Omnis enim Scriptura testimonium perhibet de Christo, sive per figuras, sive
per prophetas, sive per Angelorum ministeria. Sed his Iudaei de Christo non
crediderunt; et ideo vitam aeternam habere non possunt; unde sequitur et non
vultis venire ad me, ut vitam habeatis; quasi dicat : Scripturae perhibent
testimonium; et tamen per tot testimonia non vultis venire ad me; idest, non
vultis mihi credere, et a me quaerere veram salutem. Chrysostomus in
Ioannem. Vel aliter potest continuari. Possent illi dicere : qualiter si
vocem eius non audivimus, Deus tibi testatus est? Et ideo dicit scrutamini
Scripturas, ostendens quod per has testatus est Deus de eo : etenim in
Iordane testatus est, et in monte. Sed vocem quidem factam in monte non
audierunt, factam autem in Iordane audierunt, sed non attenderunt. Propterea
mittit eos ad Scripturas, ostendens quoniam et patris testimonium illic est.
Non autem ad lectionem simplicem Scripturarum, sed ad scrutationem exquisitam
eos mittebat : quia ea quae de eo dicebantur in Scripturis, desuper
obumbrabantur; neque in superficie exprimebantur, sed velut quidam thesaurus
recondebantur. Non dicit autem : in quibus habetis vitam aeternam; sed in
quibus aestimatis vos habere; ostendens quoniam non capiebant magnum fructum
et nobilem ex Scripturis, sola lectione aestimantes se salvari, cum fide
essent privati; propter quod subdit et non vultis venire ad me : quia ei
credere nolebant. Beda. Quod autem venire pro credere ponatur,
Psalmista ostendit dicens : accedite ad eum, et illuminamini. Subdit autem ut
vitam habeatis : si enim anima quae peccat moritur, ipsi anima et mente
mortui erant. Promittebat ergo illis vitam animae, vel
felicitatis aeternae. Lectio 10 [86038] Catena in Io., cap. 5 l. 10 Chrysostomus
in Ioannem. Quia dominus supra meminit et Ioannis, et testimonii Dei, et
operum suorum, ut eos ad seipsum attraheret, probabile erat multos suspicari
quod haec diceret, gloriam hominum amans; et ideo contra hoc dicit claritatem
ab homine non accipio; hoc est, non indigeo. Non enim est
mea natura talis ut indigeat quae ab hominibus est gloria. Si enim sol a
lucernae lumine non recipit adiectionem, multo magis ego humana gloria non
indigeo. Alcuinus. Vel claritatem ab hominibus non accipio; idest, laudem
humanam non quaero : non enim veni ut honorem ab hominibus acciperem
carnalem, sed honorem hominibus darem spiritualem. Non ergo ideo hoc loquor
ut gloriam meam quaeram, sed condoleo vobis errantibus, et volo vos reducere
ad viam veritatis; unde dicit sed cognovi vos, quia dilectionem Dei non
habetis in vobis. Chrysostomus. Quasi dicat : ideo hoc dixi, ut
convincam vos quoniam propter amorem Dei me non persequimini : etenim ipse
testatur mihi et per opera et per Scripturas. Oportebat igitur ut sicut me
abiciebatis, aestimantes esse Deo contrarium, ita nunc ad me veniretis, si
Deum amaretis; sed non amatis. Non autem ab his solum, sed etiam a futuris
hoc ostendit, dicens ego veni in nomine patris mei, et non accepistis me. Si
alius venerit in nomine suo, illum accipietis. Ideo dicit se in nomine patris
venisse, ut omnem abscindat occasionem indevotionis. Alcuinus. Ac si
dicat : ideo veni in mundum ut per me glorificetur nomen patris, quia patri
omnia attribuo. Dilectionem ergo Dei non habebant, quia nolebant eum recipere
qui patris venerat facere voluntatem. Antichristus autem veniet in nomine non
patris, sed suo, ut non gloriam patris, sed suam quaerat. Quia enim Iudaei
noluerunt recipere Christum, poena peccati huius congruet ut recipiant
Antichristum; ut qui nolunt credere veritati, credant mendacio.
Augustinus de Verb. Dom. Sed audiamus et Ioannem : audisti quia
Antichristus venit, et nunc Antichristi multi facti sunt. Quid autem
expavescit in Antichristo, nisi quia nomen suum honoraturus est et nomen
domini contempturus? Quid aliud facit qui dicit : ego iustifico, nisi boni
fuerimus, peristis? Ergo vita mea ex te pendebit, et salus mea ex te
religabitur. Ita ne oblitus sim fundamentum meum? Nonne petra erat Christus?
Chrysostomus. Sic igitur irrefragabilem indevotionis eorum ponit
demonstrationem; quasi dicat : si ut amantes Deum me persequeremini, multo
magis in Antichristo hoc vos facere oporteret : ille enim non dicit se a patre
missum, neque secundum voluntatem illius venire; sed e contrario ea quae sibi
non congruunt rapiens, super omnia Deum se esse dicet. Manifestum est igitur
quod livoris persecutio erat qua Christum persequebantur, et odii in Deum.
Deinde causam eorum infidelitatis ponit, dicens quomodo vos potestis credere
qui gloriam ab invicem accipitis, et gloriam quae a solo Deo est non
quaeritis? Hinc enim rursus ostendit quoniam non quae Dei sunt intendebant,
sed propriam volebant passionem defendere. Alcuinus. Magnum igitur
vitium est iactantia, et humanae laudis ambitio, quae de se vult aestimari
quod de se non habet. Ideo enim non possunt credere, quia superba mens eorum
laudari desiderat, et se super alios efferre. Beda. Hoc autem vitium
melius caveri non potest, quam ut ad conscientias nostras redeamus, nosque
pulverem esse consideremus; et si quid nobis boni inesse deprehendimus, non
nobis, sed Deo ascribamus. Instruimur etiam ut semper nos tales exhibeamus
quales ab aliis videri desideramus. Denique possent ipsi respondere : ergo
accusabis nos apud patrem? Et ideo eorum quaestionem praeveniens subdit
nolite putare quia ego accusaturus sim vos apud patrem. Chrysostomus. Quia
scilicet non veni damnare, sed salvare. Est qui accusat vos, Moyses, in quo
vos speratis. Sicut enim de Scripturis supra dixit in quibus putatis vitam
aeternam habere, ita et de Moyse ait in quo vos speratis, ex propriis eos
ubique capiens. Sed dicent : qualiter nos ille accusabit? Quid tibi et Moysi
commune, qui sabbatum solvisti? Et ideo subdit si enim crederetis Moysi,
crederetis forsitan et mihi; de me enim ille scripsit. Haec ex superioribus
constitutionem habent : cum enim in confessionem deductum sit quod a Deo
veni, ab operibus, a voce Ioannis, a patris testimonio, manifestum est quod Moyses
eos accusabit; etenim dixit : si quis venerit signa faciens et ad Deum
ducens, et futura praedicens cum veritate, oportet ei obedire. Christus autem
haec omnia fecit; nec ei crediderunt. Alcuinus forsitan autem more
nostro posuit, non quia dubitatio sit in Deo. Scripsit autem de Christo
Moyses dicens : prophetam vobis suscitabit Deus de fratribus vestris :
tamquam me ipsum audietis. Augustinus contra Faustum. Sed et omne quod
scripsit Moyses, de Christo est, idest, ad Christum omnino pertinet, sive quod
eum figuris rerum vel gestarum vel dictarum praenuntiet, sive quod eius
gratiam, gloriamque commendet. Sequitur si autem illius litteris non
creditis, quomodo verbis meis credetis? Theophylactus. Quasi dicat :
ipse etiam scripsit, et apud vos libros reliquit, ut si forte
oblivisceremini, de facili recordari possitis; et cum scriptis non
credidistis, quomodo verbis meis non scriptis credetis? Alcuinus. Ex
hoc etiam colligitur, quia qui legis praecepta, quae rapinam et alia mala
prohibent, implere negligunt, et dicta Evangelii, quae perfectiora et
subtiliora sunt, implere non valent. Chrysostomus. Et quidem si
attenderent his quae dicebantur, oportebat quaerere, et ab eo discere quae
sunt illa quae Moyses de eo scripsit; sed silent : talis enim est nequitia,
ut quicquid dicat aliquis vel faciat, maneat proprium venenum conservans. |
CHAPITRE V
Versets 1-13.
S. Augustin : (de l'acc. des Evang., 4, 10). Après que Jésus eut opéré ce
miracle dans la Galilée, il revint à Jérusalem : « Après cela, la fête étant
arrivée, Jésus s'en alla à Jérusalem. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 36 sur S. Jean). Cette
fête, je pense, était celle de la Pentecôte. Jésus se rendait toujours à
Jérusalem aux jours de fête; en célébrant ces fêtes avec les Juifs, il
détruisait le préjugé qu'il était opposé à la loi, et attirait à lui le
peuple par l'éclat de ses miracles et de sa doctrine; car c'était surtout aux
jours de fête que ceux qui n'étaient pas éloignés de Jérusalem s'y rendaient
en foule. « Or, il y avait à Jérusalem une piscine probatique, » etc. — S. Augustin : Le mot grec
πρόξατον veut dire brebis. La
piscine probatique était donc une piscine réservée aux animaux, et où les
prêtres lavaient les corps des victimes. — S. Jean Chrysostome : Le Sauveur devait instituer un baptême pour
la rémission des péchés, et dont nous trouvons un emblème dans cette piscine
et dans d'autres figures semblables. Dieu ordonna d'abord des purifications
extérieures pour laver les souillures du corps et les taches qui n'existaient
pas en réalité, mais qu'on regardait comme telles, par exemple, celles que
l'on contractait par le contact d'un cadavre, par la lèpre ou par d'autres
causes du même genre. Dieu voulut ensuite que l'eau fût encore un remède
efficace pour diverses maladies, comme nous le voyons ici : « Sous ces
portiques gisaient un grand nombre de malades, d'aveugles, de boiteux, » etc.
Pour nous préparer de plus près à la grâce du baptême, il ne se contente plus
de purifier les souillures extérieures, il guérit encore les maladies. Ceux
qui approchent de plus près les rois, occupent aussi un rang plus éminent que
ceux qui sont plus éloignés, il en est de même des figures de l'ancienne loi.
Or, cette eau ne guérissait pas les malades en vertu de sa nature (autrement,
elle aurait toujours eu cotte efficacité), mais seulement lorsque l'ange
descendait : « Un ange du Seigneur descendait à certain temps dans la
piscine, et l'eau s'agitait. » Il en est de même dans le baptême, l'eau
n'agit point par elle-même, mais ce n'est qu'après avoir reçu la grâce de
l'Esprit saint, qu'elle efface tous les péchés. L'ange qui descendait du ciel
agitait cette eau, et lui communiquait une vertu toute particulière contre
les maladies, pour apprendre aux Juifs, qu'à plus forte raison le Seigneur
des anges avait le pouvoir de guérir toutes les maladies de l'âme. Mais alors
l'infirmité était elle-même un obstacle pour celui qui voulait obtenir la
guérison, comme l'indique l'Evangéliste : « Et celui qui y descendait le
premier après le mouvement de l'eau, était guéri de son infirmité. »
Maintenant, au contraire, chacun peut avoir accès; car ce n'est point un ange
qui vient agiter l'eau, mais le Dieu des anges qui opère toutes ces
merveilles. L'univers entier se présenterait que la grâce ne serait point
épuisée, elle reste toujours la même; de même que les rayons du soleil
éclairent tous les jours qui se succèdent, sans qu'ils soient jamais épuisés,
sans que la profusion avec laquelle le soleil répand sa lumière en diminue
l'éclat; ainsi, et à plus forte raison la multitude de ceux qui participent à
la grâce de l'Esprit saint n'en amoindrit en rien l'efficacité toute divine.
Or, un seul homme était guéri après que l'eau était agitée, afin que ceux qui
connaissaient la puissance de cette eau pour guérir les maladies du corps, instruits
par une longue expérience, pussent croire plus facilement que l'eau pouvait
également guérir les maladies de l'âme. S. Augustin : (Traité 17 sur S. Jean). C'est un plus grand miracle
pour Notre Seigneur d'avoir guéri les maladies de l'âme, que d'avoir porté
remède aux maladies de ce corps périssable et mortel; mais comme l'âme ne
connaissait pas le divin médecin qui devait la guérir, qu'elle ne voyait pas
les yeux du corps, que ce qui affectait les sens, et qu'elle n'avait point
ces yeux du cœur, à l'aide desquels elle peut connaître le Dieu invisible, il
fît un miracle que chacun pouvait voir pour guérir les yeux qui avaient perdu
l'usage de la vue; il entra dans ce lieu où gisaient un grand nombre de
malades, et il en choisit un pour le guérir de son infirmité : « Or, il
y avait là un homme qui était malade depuis trente-huit ans. » S. Jean Chrysostome : (hom. 36 sur S. Jean). Notre Seigneur ne guérit pas
cet homme tout d'abord, il commence par ouvrir son cœur à la confiance et à
le préparer à la foi par une question toute de bienveillance. Il n'exige pas
de lui la foi, comme lorsqu'il dit aux deux aveugles : « Croyez-vous que
je puisse faire ce que vous demandez ? » car ce paralytique ne savait pas
encore bien clairement ce qu'était Jésus. Ceux qui connaissaient déjà la
puissance du Sauveur par d'autres miracles, étaient comme préparés à cette
demande, mais pour ceux qui n'en avaient aucune idée, Jésus attend qu'ils
aient vu de leurs yeux de semblables prodiges pour leur demander s'ils ont la
foi : « Jésus l'ayant vu couché, et sachant qu'il était malade depuis
longtemps, il lui dit : Voulez-vous être guéri ? » Il lui fait cette
question, non pour apprendre ce qu'il savait parfaitement, mais pour faire
ressortir la patience de ce malade depuis trente-huit ans, et qui chaque
année, sans se décourager jamais, se faisait porter en ce lieu dans
l'espérance d'être guéri de sa maladie. Il voulait encore nous faire
connaître le motif pour lequel parmi tant d'autres, il avait choisi cet homme
de préférence pour le guérir. Et il ne lui dit pas : Si vous le voulez, je
vous guérirai; car cet homme ne se formait encore aucune idée bien grande de
Jésus-Christ. Toutefois, il n'est nullement déconcerté par cette question, il
ne dit pas au Sauveur : Vous venez insulter à mon malheur en me demandant si
je veux être guéri, il lui répond avec une grande modération : « Le malade
lui répondit : Seigneur, je n'ai personne qui me jette dans la piscine dès
que l'eau est agitée. » II ne savait pas quel était celui qui lui faisait
cette question, et ne soupçonnait pas qu'il allait lui rendre la santé; il
croyait simplement que Jésus l'aiderait à descendre dans la piscine, mais
Jésus lui montre qu'il peut tout faire d'une seule parole : « Jésus lui
dit : Levez-vous, prenez votre lit et marchez. » S. Augustin : (Traité 17). Notre Seigneur dit trois choses à cet homme;
ces paroles : « Levez-vous, » ne sont pas un commandement qu'il lui
fait, c'est l'acte même de la guérison, et c'est lorsque cet homme est guéri,
qu'il lui commande ces deux choses : « Prenez votre lit et marchez. » S. Jean Chrysostome : (hom. 37). Voyez jusqu'où s'étend la bonté divine, Jésus
ne se contente pas de guérir cet homme, il lui ordonne d'emporter son lit,
pour rendre le miracle de sa guérison plus évident et convaincre les plus
incrédules, que ce n'était pas une illusion des sens, car comment aurait-il
pu emporter son lit, si ses membres n'avaient repris toute leur force et leur
fermeté. Le paralytique, en entendant cette parole d'autorité et de
commandement : « Levez-vous, prenez votre lit, et marchez, » ne songe pas à
les tourner en ridicule en répondant : Lorsque l'ange descend pour agiter
l'eau, un seul homme peut-être guéri; et vous qui n'êtes qu'un homme, vous
espérez par une seule parole avoir plus de puissance que les anges ? Non, il
écoute avec docilité, il ajoute foi au commandement qui lui est fait, et il
obtient sa guérison : « Et à l'instant cet homme fut guéri. » — S. Bède : Les guérisons opérées par
le Seigneur sont bien différentes de celles qui sont dues aux soins et à
l'habileté des médecins; les premières se font sur une simple parole de
commandement, et d'une manière instantanée, tandis que les secondes ont
ordinairement besoin d'un temps fort long pour atteindre à leur perfection. S. Jean Chrysostome : (hom. 36). La conduite de cet homme est certainement
admirable, mais ce qui suit l'est bien plus encore. Qu'il ait obéi au
commandement du Sauveur, alors qu'aucune réclamation ne s'élevait encore,
c'est un fait moins digne d'admiration que la fermeté avec laquelle il
exécute l'ordre du Sauveur, malgré les récriminations violentes et les
accusations des Juifs, que l'Evangéliste rapporte en ces termes : « Or,
c'était un jour de sabbat, les Juifs dirent donc à celui qui avait été guéri
: C'est aujourd'hui le jour du sabbat, et il ne vous est pas permis
d'emporter votre lit. » — S. Augustin
: (Traité 17). Ils n'accusaient pas précisément le Sauveur d'avoir
guéri cet homme le jour du sabbat, parce qu'il aurait pu leur répondre que si
leur bœuf ou leur âne venait à tomber dans un puits, ils s'empresseraient
bien de les retirer le jour du sabbat; ils s'attaquent donc à celui qui
portait son lit, et lui disent : Admettons qu'on ne dût point différer de
vous guérir, pourquoi vous commander ce travail ? Cet homme se contente de
leur opposer l'auteur de sa guérison : « Il leur répondit : Celui qui
m'a guéri m'a dit : Prenez votre lit et marchez, » comme s'il leur disait :
Pourquoi ne recevrai-je pas d'ordre de celui de qui j'ai reçu la santé ? — S. Jean Chrysostome : (hom. 36).
S'il avait voulu user de malice, il aurait pu leur dire : L'action que je
fais est-elle répréhensible, accusez celui qui me l'a commandée, et je
déposerai le lit que je porte. Mais en parlant de la sorte, il eût dissimulé
la guérison qu'il avait obtenue; il savait que ce qui les blessait, c'était
moins la transgression du sabbat que la guérison de sa maladie, il ne cherche
pas cependant à cacher ce bienfait, on à se le faire pardonner, mais il le
proclame à haute voix. Quant aux Juifs, leur question cache une intention
perfide : « Ils lui demandèrent : Quel est cet homme qui vous a dit :
Prenez votre lit et marchez ? » Ils ne disent pas : Quel est celui qui vous a
guéri ? ils insistent sur ce qui pouvait être regardé comme une violation de la
loi. Or, celui qui avait été guéri ne savait pas qui il était; car Jésus
s'était retiré de la foule du peuple assemblé en ce lieu. » Jésus s'était
éloigné pour mettre en dehors de tout soupçon le témoignage qui lui était
rendu; car cet homme était un témoin irrécusable du bienfait qu'il avait
reçu. Il voulait éviter aussi de donner un nouvel aliment à leur méchanceté;
car la vue seule de celui à qui on porte envie redouble les ardeurs de cette
honteuse passion. Il s'éloigne donc pour leur laisser toute facilité
d'examiner ce fait miraculeux. Il en est qui pensent que ce paralytique est
celui dont parle saint Matthieu (Mt 9), mais ils se trompent, le
paralytique de saint Matthieu était entouré de gens qui prenaient soin de
lui, et le portaient, celui-ci n'avait personne qui s'intéressât à lui.
D'ailleurs les lieux où s'accomplirent ces deux miracles sont tout
différents. S. Augustin : (Traité 17). Si nous considérons ce miracle avec nos idées
étroites et à un point de vue purement humain, nous n'y voyons pas un grand
acte de puissance, et la part de la bonté ne nous y paraît guère plus grande.
Dans un si grand nombre de malades, un seul est guéri, alors que Jésus
pouvait d'un seul mot leur rendre à tous la santé. Il nous faut donc
comprendre que ce que la puissance et la bonté du Sauveur se proposaient dans
les miracles qu'il opérait, c'était l'intérêt et le salut éternel des âmes,
beaucoup plus que la guérison temporelle des corps. Les miracles qui avaient
pour objet la guérison des corps mortels, n'ont eu qu'une durée passagère;
l'âme au contraire qui a cru sur le témoignage de ces miracles a passé de
cette vie d'un instant à une vie éternelle. Cette piscine et l'eau qu'elle
contenait me paraissent être le symbole du peuple juif, car nous voyons
clairement dans l'Apocalypse (Ap 17, 15), les peuples figurés sous
l'emblème des eaux. S. Bède : C'est avec raison que cette piscine est
appelée la piscine probatique ou des brebis, car le peuple juif est souvent
représenté sous l'emblème de la brebis, selon ces paroles du psaume :
« Nous sommes votre peuple et les brebis de votre troupeau.» — S. Augustin : (Traité 17).
L'eau de cette piscine, c'est-à-dire le peuple juif, était renfermée dans les
cinq livres de Moïse comme dans cinq portiques; et ces livres découvraient
les maladies, mais sans les guérir, car la loi convainquait les pécheurs de
leurs crimes, mais sans pouvoir les absoudre. — S. Bède : Toutes sortes d'infirmités se donnaient rendez-vous
autour de cette piscine; les aveugles qui sont privés de la lumière de la
science, les boiteux qui n'ont pas la force d'accomplir ce que la loi leur
commande, et les desséchés (ou les paralytiques) qui ont perdu la sève
vivifiante de l'amour céleste. S. Augustin : (Traité 17). Jésus-Christ est venu vers le peuple juif, et par
les grands miracles qu'il a opérés, et par les enseignements salutaires qu'il
leur a donnés, il a troublé les pécheurs (c'est-à-dire l'eau) par sa
présence, et les a comme excités à le mettre à mort. Cependant c'est sans se
découvrir qu'il les a troublés, car s'ils l'avaient connu, ils n'auraient
jamais crucifié le Seigneur de la gloire. (1 Co
2) L'eau paraissait agitée
tout d'un coup, sans qu'on pût voir l'auteur de cette agitation. Descendre
dans cette eau agitée, c'est croire humblement à la passion du Sauveur. Un
seul homme était guéri à la fois pour représenter l'unité de l'Eglise. Nul
autre malade qui venait ensuite n'était guéri, parce qu'on ne peut être ni
guéri ni sauvé en dehors de l'unité. Malheur à ceux qui n'aiment point
l'unité, et qui forment des parties ou des sectes parmi les hommes ! Celui
qui fut guéri de son infirmité était malade depuis trente-huit ans, et ce
nombre est bien plutôt l'emblème de la maladie que de la santé. En effet, le
nombre quarante est un nombre consacré pour signifier la perfection, ainsi la
loi contient dix préceptes et elle devait être annoncée dans tout l'univers
qui se divise en quatre parties, or le nombre dix pris quatre fois ou
multiplié par quatre fait quarante. Peut-être encore est-ce parce que les
quatre livres de la loi trouvent leur accomplissement dans l'Evangile. Si
donc le nombre quarante emporte la perfection de la loi, et si la loi ne peut
être accomplie que par le double précepte de la charité, pourquoi vous
étonner que cet homme à qui il manquait deux ans pour avoir quarante ans fût
languissant et malade ? Il lui fallait absolument un homme pour le guérir,
mais un homme qui fût en même temps Dieu. Le Sauveur le trouve malade depuis,
quarante ans moins deux années, et il lui ordonne deux choses pour combler
cette lacune; car ces deux commandements du Seigneur représentent les deux
préceptes de la charité, c'est-à-dire de l'amour, de Dieu et de l'amour du
prochain. L'amour de Dieu est le premier qui soit commandé; l'amour du
prochain est le premier qui doit être mis en pratique, Jésus lui dit :
« Prenez votre lit, » c'est-à-dire : Lorsque vous étiez infirme, c'était
votre prochain qui vous portait; maintenant que vous êtes guéri, portez votre
prochain à votre tour. Il lui dit encore : « Marche » mais quelle voie
devez-vous suivre ? Celle qui conduit au Seigneur votre Dieu. —S. Bède : Que signifient ces paroles
: « Levez-vous et marchez ? » Sortez de votre torpeur et de votre indolence,
et appliquez-vous à faire des progrès dans les bonnes œuvres. Prenez votre
lit; c'est-à-dire votre prochain qui vous porte lui-même et supportez
patiemment ses défauts. — S. Augustin
: (Traité 17). Portez celui avec qui vous marchez si vous voulez
parvenir jusqu'à celui avec lequel vous désirez demeurer éternellement. Ce paralytique
ne connaissait pas encore Jésus, ainsi nous-mêmes nous croyons en lui
sans le voir, parce qu'il se retire de la foule pour se dérober aux regards.
Dieu ne peut être vu que dans une certaine solitude que se fait l'intention;
la foule est toujours au milieu de l'agitation, et la vue de Dieu demande le
silence et le secret. Versets 14-18.
S. Jean Chrysostome : (hom. 38 sur S. Jean. ) Cet homme une fois guéri ne
va pas se mêler aux bruits tumultueux des affaires du monde, ni se livrer aux
voluptés sensuelles ou à la vaine gloire, il va tout droit dans le temple, ce
qui estime preuve de son grand esprit de religion. — S. Augustin : (Traité 17) Le Seigneur Jésus le
voyait aussi bien au milieu de la foule que dans le temple; mais pour lui il
ne peut connaître Jésus dans la foule, il ne le reconnaît pour vrai Dieu et
pour Sauveur que dans un lieu sacré, dans le temple. — Alcuin : Si nous voulons bien connaître la grâce de notre
Créateur et parvenir à le voir, il faut éviter la foule, les pensées
mauvaises et des affections coupables; il faut fuir les assemblées des
méchants, nous retirer dans le temple et nous efforcer de devenir nous-mêmes
le temple où Dieu daigne venir et fixer sa demeure. « Et il lui dit : Vous voilà guéri, ne péchez plus à l'avenir, de peur
qu'il ne vous arrive quelque chose de pire. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 38). Ces paroles nous
apprennent d'abord que la longue infirmité du paralytique était la
conséquence et la punition de ses péchés. Comme nous sommes la plupart du
temps insensibles aux maladies de notre âme, tandis qu'à la moindre blessure
que reçoit notre corps, nous prenons tous les moyens pour en être aussitôt
guéris, Dieu frappe le corps en punition des péchés de l'âme. Elles
renferment un second et un troisième avertissements, c'est la vérité des
peines de l'enfer, et la durée infinie de ces mêmes peines. Il en est qui
osent dire : Est-ce qu'un adultère d'un instant sera puni par un supplice
éternel ? Mais est-ce que le paralytique avait péché autant d'années qu'avait
duré sa maladie ? Concluons de là que la gravité du péché ne doit pas se
calculer sur le temps que l'homme a mis à le commettre, mais la nature même
de ces péchés. Ces paroles nous apprennent encore que si nous retombons dans
les mêmes péchés pour lesquels Dieu nous a sévèrement châtiés, des peines
beaucoup plus sévères nous sont réservées, et c'est justice; car celui que
les premiers châtiments n'ont pu rendre meilleur, doit s'attendre en punition
de son insensibilité et de ses mépris à un supplice bien plus terrible. Si
nous ne recevons pas tous ici-bas la punition de nos péchés, ne mettons pas
notre confiance dans cette impunité, car elle nous présage pour la vie future
des châtiments bien plus terribles. Cependant toutes les maladies ne sont pas
absolument la peine du péché, les unes sont la suite de notre négligence, les
autres nous sont envoyées comme au salut homme Job pour nous éprouver. Mais
pourquoi Notre Seigneur rappelle-t-il ici ses péchés à ce paralytique ? Il en
est qui le jugent sévèrement et qui prétendent que le Sauveur lui parle de la
sorte parce qu'il avait été un des accusateurs de Jésus-Christ. Que
diront-ils donc du paralytique dont il est question dans saint Matthieu (Mt
9), et à qui Notre Seigneur dit aussi : « Vos péchés vous sont remis ? »
D'ailleurs Jésus ne reproche pas au paralytique de la piscine ses péchés
passés, il se contente de le prémunir pour l'avenir. Dans les autres
guérisons miraculeuses qu'il opère, il ne les présente point comme la peine
du péché parce qu'elles n'avaient pour cause que l'infirmité naturelle à
l'homme, tandis que pour ces paralytiques, leurs maladies pouvaient être la
punition de leurs péchés. Ou bien encore dans la personne de ces
paralytiques, c'est un avertissement donné à tous les autres. On peut dire aussi
que Notre Seigneur parle de la sorte à ce paralytique, parce que témoin de sa
grande patience, il le reconnut capable de recevoir cette leçon. Il lui donne
en même temps une preuve de sa divinité, car ces paroles : « Ne péchez plus,»
montrent évidemment qu'il connaissait toutes les fautes dont il s'était rendu
coupable. S. Augustin : (Traité 17). Quant à ce paralytique, aussitôt qu'il eut vu
Jésus et qu'il eut connu qu'il était l'auteur de sa guérison, il s'empressa
de publier sans aucun retard le nom de son bienfaiteur : « Cet homme s'en
alla et apprit aux Juifs que c'était Jésus qui l'avait guéri. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 38).
Gardons-nous de croire qu'après un si grand bienfait, et l'avertissement qui
l'avait suivi, cet homme ait eu si peu de reconnaissance que d'agir ici par
un sentiment de méchanceté; s'il avait eu l'intention d'accuser le Sauveur,
il n'eût parlé que de la violation du sabbat, sans rien dire de sa guérison;
mais il fait tout le contraire, il ne leur dit pas : C'est Jésus qui m'a
commandé d'emporter mon lit (ce qui paraissait un crime aux yeux des juifs),
mais : « C'est Jésus qui m'a guéri. » — S.
Augustin : (Traité 17). A une déclaration si franche, les Juifs ne
répondent que par une haine toujours croissante : « C'est pourquoi les
Juifs persécutaient Jésus, parce qu'il faisait ces choses-là le jour du
sabbat. » Une œuvre évidemment matérielle et servile avait été faite sous
leurs yeux, ce n'était point la guérison de ce paralytique, mais l'action
d'emporter son lit, ce qui ne paraissait point aussi nécessaire que sa
guérison. Notre Seigneur déclare donc ouvertement que la loi figurative du
sabbat, et l'obligation de garder ce jour n'avaient été données que pour un
temps aux Juifs, et que cette loi figurative trouvait en lui son accomplissement
: « Mais Jésus leur dit : Mon Père ne cesse point d'agir jusqu'à
présent, et moi aussi j'agis sans cesse. » (Traité 20) C'est-à-dire
: Ne croyez pas que mon Père se soit reposé le jour du sabbat, en ce sens
qu'il ait cessé d'opérer; non, il continue d'opérer sans aucun travail, et
j'agis de même à son exemple. Le repos de Dieu doit donc s'entendre dans ce
sens, qu'après avoir achevé l'œuvre de la création, il n'a plus tiré du néant
de nouvelles créatures. C'est ce que l'Ecriture appelle repos, pour nous
apprendre que nos bonnes œuvres seront suivies d'un repos éternel. C'est
après avoir fait l'homme à son image et à sa ressemblance, après avoir achevé
tous ses ouvrages, et vu que toutes les choses qu'il avait faites étaient
très-bonnes, que Dieu se reposa le septième jour; ainsi n'espérez point de
repos pour vous-même, avant d'avoir recouvré cette divine ressemblance que
Dieu vous avait donnée et que vous avez perdue par vos péchés, et avant que
votre vie ait été remplie par la pratique des bonnes œuvres. S. Augustin : (de la Genèse expliq., littér., chap. 11). Il est probable que le précepte de
l'observation du sabbat fut donné aux Juifs comme une figure de l'avenir et
pour signifier le repos spirituel semblable au repos de Dieu, et qu'il promettait
sous une forme mystérieuse aux fidèles qui auraient persévéré dans la
pratique du bien. — S. Augustin : Le
sabbat viendra lorsque les six âges du monde qui sont comme les six jours
seront écoulés, et c'est alors que les saints jouiront du repos qui leur est
promis. — S. Augustin : (de la
Gen. expl. litt., ch. 2) Notre Seigneur Jésus-Christ lui-même a
voulu consacrer par sa sépulture le mystère de ce repos, en se reposant dans
le tombeau le jour du sabbat, après avoir achevé toutes ses œuvres le sixième
jour, et il prononça cette parole solennelle : « Tout est
consommé, » Qu'y aurait-il donc d'étonnant que Dieu, voulant comme
figurer d'avance le jour où le Christ devait se reposer dans le tombeau, ait
choisi ce jour pour se reposer de toutes ses œuvres avant de dérouler l'ordre
des siècles ? (chap. 12) On peut encore entendre ce repos de Dieu, en ce sens
qu'il a cessé de créer de nouvelles espèces d'êtres, car il n'en a créé
aucune depuis ce repos mystérieux. Mais depuis cette époque jusqu'à la fin
des siècles, il gouverne tous ces êtres qu'il a créés. Sa puissance n'a donc
pas abdiqué le septième jour le gouvernement du ciel, de la terre, et de
toutes les choses dont il est le créateur, autrement elles rentreraient
aussitôt dans le néant. En effet, c'est la puissance du Créateur qui est
l'unique cause de l'existence de toutes les créatures, et si l'action de
cette divine puissance cessait un instant de se faire sentir, elles
cesseraient elles-mêmes d'exister, et toute la nature rentrerait dans le
néant. Il n'en est pas du monde comme d'un édifice que le constructeur peut
abandonner après l'avoir construit, et qui reste debout alors que celui-ci a
cessé d'y mettre la main; le monde serait détruit en un clin d'œil si Dieu
lui retirait son action régulatrice. Ces paroles du Sauveur : « Mon Père
cesse d'agir, » indiquent une continuation de l'œuvre divine qui embrasse et
gouverné toute créature. On pourrait les entendre dans un autre sens, s'il
avait dit : « Et il opère maintenant, » sans qu'il fût nécessaire d'y
voir la continuation non interrompue de son œuvre, mais nous sommes forcés de
leur donner le premier sens, parce que Notre Seigneur dit expressément : « Il
ne cesse d'opérer jusqu'à présent, depuis le jour qu'il a créé toutes choses. S. Augustin : (Traité 17) Notre Seigneur semble donc dire aux Juifs
: Pourquoi vouloir que je ne fasse rien le jour du sabbat ? La loi qui vous
ordonne de garderie jour du sabbat vous a été donnée en figure de ce que je
devais faire. Vous considérez les œuvres de Dieu, c'est par moi que toutes
choses ont été faites. Mon Père a créé la lumière mais en disant : « Que la
lumière soit. » S'il a dit cette parole, c'est par son Verbe qu'il a créé la
lumière, et c'est moi qui suis son Verbe. Mon Père a donc agi lorsqu'il a
créé le monde, et il agit encore en le gouvernant; donc c'est par moi qu'il a
créé le monde lorsqu'il l'a tiré du néant, et c'est par moi qu'il le
gouverne, lorsqu'il lui fait sentir les effets de son action providentielle. S. Jean Chrysostome : Lorsque Jésus-Christ avait à défendre ses
disciples contre le même grief, il produisait l'exemple de David comme eux
serviteur de Dieu; mais lorsque lui-même est en cause, il invoque l'exemple
de son Père. Remarquons que ce n'est ni comme homme exclusivement, ni comme
Dieu qu'il se justifie, mais tantôt sous un rapport, tantôt sous un autre,
car il voulait que le mystère de ses humiliations fût l'objet de la foi comme
le mystère de sa divinité. Il établit donc ici sa parfaite égalité aveu son
Père, et en l'appelant son Père d'une manière toute spéciale (il dit en effet
: « Mon Père »), et en faisant les mêmes choses que lui : (« Et moi
aussi j'agis sans cesse. ») « Aussi les Juifs cherchaient encore plus à
le faire mourir, parce que non content de violer le sabbat, il disait encore
que Dieu était son Père, se faisant ainsi égal à Dieu. » — S. Augustin : (Traité 17). Ce
n'était pas d'une manière quelconque, mais dans quel sens ? « En se
faisant égal à Dieu. » Nous disons tous à Dieu : « Notre Père qui êtes aux
cieux; » nous lisons dans Isaïe, que les Juifs lui disaient : « Vous êtes
notre Père. » Ce qui les irritait n'était donc pas qu'il appelait Dieu
son Père, mais de ce qu'il le faisait dans un autre sens que le reste des
hommes. — S. Augustin : (de
l'acc. des Evang., 4, 10). En disant : « Mon Père continue d'agir
jusqu'à présent, et moi aussi j'agis sans cesse; » il a voulu prouver qu'il
était égal à son Père, car il donne comme conséquence que le Fils agit, parce
que le Père agit lui-même, et que le Père ne peut agir sans le Fils. — S. Jean Chrysostome : (hom. 38
sur S. Jean). Si Jésus n'était pas le Fils naturel et consubstantiel
au Père, sa justification serait pire que le crime qu'on lui reproche. Un
préfet, un gouverneur qui transgresserait un décret royal, ne pourrait se justifier
en disant que le roi lui-même transgresse la loi. Mais comme ici la dignité
du fils est égal à celle du Père, la justification ne laisse rien à désirer.
Le Père qui continue d'agir le jour même du sabbat est à l'abri de tout
reproche, il en est de même du Fils. — S.
Augustin : (Traité 17). Voici que les Juifs comprennent ce que les
ariens ne veulent point comprendre; les ariens prétendent que le Fils n'est
pas égal au Père, et de là vient cette hérésie qui afflige l'Eglise. S. Jean Chrysostome : (hom. 38). Ceux qui ne veulent pas interpréter ces paroles
avec un esprit droit, disent que Jésus-Christ ne s'est pas fait égal à Dieu,
mais que c'était là un simple soupçon des Juifs. Raisonnons ici d'après ce
que nous avons dit plus haut. Il est incontestable que les Juifs
poursuivaient Jésus-Christ, et parce qu'il transgressait la loi du sabbat, et
parce qu'il disait que Dieu était son Père; donc les paroles qui suivent :
« En se faisant égal à Dieu, » doivent être entendues dans le même sens
que celles qui précèdent, c'est-à-dire dans le sens littéral. S. Hilaire : (de la Trin., 7) Quel est ici le dessein de l'Evangéliste ? C'est
évidemment de faire connaître la cause pour laquelle les Juifs voulaient
faire mourir Nôtre-Seigneur. — S. Jean
Chrysostome : (hom. 38). Si Notre Seigneur n'avait pas voulu
établir clairement cette vérité, et que ce ne fût là qu'un vain soupçon des
Juifs, il ne les eût pas laissés dans cette erreur, et il se fût empressé de
la combattre. L'Evangéliste lui-même n'aurait point omis cette circonstance,
et il eût fait comme dans une autre occasion où Jésus avait dit aux Juifs :
« Détruisez ce temple. » — S.
Augustin : (Traité 17). Cependant les Juifs ne comprirent pas
qu'il était le Christ, ni qu'il était le fils de Dieu; mais ils comprirent
que Jésus leur parlait d'un Fils de Dieu qui était égal à Dieu. Quel était ce
Fils de Dieu ? ils ne le savaient pas, ils comprenaient cependant qu'il se
disait le Fils de Dieu, c'est pour cela que l'Evangéliste ajoute : « Se
faisant égal à Dieu. » Or, ce n'est pas lui qui se faisait égal à
Dieu, c'est Dieu qui l'avait engendré égal et consubstantiel à lui-même. Versets 19-20.
S. Hilaire : (de la Trin., 7) Au reproche qui lui est fait de violer le sabbat,
Notre Seigneur avait répondu : « Mon Père continue d'agir jusqu'à présent, et
moi aussi j'agis sans cesse, » voulant leur faire comprendre qu'il s'appuyait
sur l'autorité d'un si grand exemple, et tout à la fois que ce qu'il faisait
était l'œuvre du Père, parce que le Père-agissait en lui lorsque lui-même
agissait. A l'accusation que leur inspire leur jalousie, qu'il se faisait
égal à Dieu, en l'appelant son Père, il répond en confirmant la vérité de sa
naissance divine et l'excellence de sa nature : « Jésus donc leur dit : En
vérité, en vérité, je vous le dis, le Fils ne peut rien faire de lui-même,
mais seulement ce qu'il voit que le Père fait. » — S. Augustin : (Traité 18). Il en est qui revendiquant le
nom de chrétiens (les hérétiques ariens), tout en affirmant que le Fils de
Dieu fait homme est inférieur à son Père, veulent appuyer leur sacrilège
erreur sur ces paroles et nous tiennent ce langage : Vous voyez que lorsque
le Seigneur Jésus s'aperçut que les Juifs étaient indignés de ce qu'il se
faisait égal à son Père, il s'empresse de détruire dans leur esprit toute
idée d'égalité parfaite; car, ajoutent-ils, celui qui ne peut rien faire de
lui-même, mais seulement ce qu'il voit que le Père fait, lui est
nécessairement inférieur et ne peut être son égal. Or, si le Verbe était
Dieu, il y a donc un Dieu suprême, un Dieu inférieur, et nous adorons deux
Dieux, et non pas un seul Dieu. — S.
Hilaire : (de la Trin., 7) Notre Seigneur dit que le Fils ne peut
rien faire de lui-même, afin que cette égalité qu'il proclamait exister entre
lui et son Père, ne pût détruire dans leur esprit la distinction d'avec le
Père que lui donne sa naissance. — S.
Augustin : (Traité 20). Voici le vrai sens de ces paroles :
Pourquoi vous scandaliser de ce que j'ai appelé Dieu mon Père, et de ce que
je me déclare égal à Dieu ? Je suis son égal, mais tout en étant engendré par
lui; je suis son égal, mais de telle sorte que ce n'est pas lui qui vient de
moi, mais moi qui viens de lui. Pour le Fils, être et pouvoir c'est une seule
et même chose, et comme le Fils tire sa substance du Père, la puissance du
Fils vient également du Père. Donc puisque le Fils ne vient pas de lui-même,
il ne peut rien aussi de lui-même. Et c'est ainsi que le Fils ne peut rien
faire de lui-même, mais seulement ce qu'il voit que le Père fait : voir pour
le Fils, c'est la même chose qu'être engendré du Père, la vision pour lui
n'est pas différente de la substance. Tout ce qu'il est, c'est du Père qu'il
le tient. S. Hilaire : (de la Trin., 7) Pour conserver l'ordre qui doit exister dans
notre confession de foi au Père et au Fils, Notre Seigneur nous expose le
mystère de sa naissance qui lui communique la puissance d'agir, non par un
accroissement successif des forces nécessaires pour chaque action en
particulier, mais en faisant découler ce pouvoir de la connaissance. Et
encore, cette connaissance n'est-elle point produite par la vue d'une œuvre
matérielle, que le Fils ferait après l'avoir vu faire à son Père; le Fils est
né du Père, et c'est par la certitude qu'il a de posséder en lui la nature et
la puissance du Père, qu'il atteste que le Fils ne fait que ce qu'il voit
faire au Père. Car Dieu ne voit pas comme nous par les yeux du corps, mais sa
vue est tout entière dans la vertu de sa nature. S. Augustin : (de la Trin., chap. 1) Si nous croyons que ces paroles signifient
que le Fils de Dieu en tant qu'il s'est revêtu d'une forme humaine est
inférieur au Père, il nous faudra comme conséquence admettre que le Père a
marché le premier sur les eaux, et qu'il a commencé aussi par faire toutes
les actions que le Fils a faites dans sa vie mortelle, en prenant exemple sur
sou Père; mais qui serait assez insensé pour admettre une semblable opinion ?
— S. Augustin : (Traités 20
et 21 sur S. Jean). Lorsque le Sauveur marchait sur la mer,
c'était le Père qui agissait par le Fils, car lorsque le corps marchait
dirigé par la divinité du Fils, le Père n'était pas absent, puisque le Fils
dit expressément : « Le Père qui demeure en moi, fait lui-même les œuvres que
je fais. » (Jn 14, 2) Or, comme ces paroles : « Le Fils ne peut
rien faire de lui-même, » pouvaient donner lieu à une interprétation toute
matérielle d'après laquelle on se représenterait deux ouvriers l'un maître et
l'autre disciple, l’un prenant exactement modèle sur l’autre avant de
construire un meuble quelconque, Notre Seigneur ajoute : « Car tout ce
que faille Père, le Fils le fait pareillement. » Il ne dit point : Toutes les
choses que fait le Père, le Fils en fait de semblables, mais il fait
absolument les mêmes choses : C'est le Père qui a fait le monde, le Fils qui
a fait le monde, le Saint-Esprit qui a fait le monde. Si le Père, le Fils, le
Saint-Esprit ne font qu'un seul Dieu, c'est donc le Père qui a fait le seul
et même monde par le Fils dans le Saint-Esprit. Le Fils fait donc les mêmes
choses que le Père. Notre Seigneur ajoute : Il les fait pareillement pour
prévenir une autre erreur qui pourrait s'élever dans l'esprit. Notre corps
paraît faire les mêmes choses que notre âme, mais il ne les fait point
pareillement, l'âme commande au corps, mais il y a une grande différence
entre le corps et l'âme; le corps est visible, l'âme est invisible. Le maître
du corps fait une action, le serviteur fait la même action, mais c'est du
maître que le serviteur a reçu le moyen de faire cette action; tous deux
l'ont faite, mais tous deux ne l'ont pas faite semblablement. Il n'en est pas
ainsi du Père et du Fils, il fait les mêmes choses, et il les fait
semblablement, c'est-à-dire qu'il nous faut comprendre que le Fils fait les
mêmes choses que le Père, avec la même puissance, avec la même sagesse et par
la même opération, et que par conséquent le Fils est égal au Père. S. Hilaire : (de la Trin., 7) Ou bien encore : Notre Seigneur dit qu'il fait
toutes choses et les mêmes choses pour exprimer la puissance de la nature
divine. C'est la même nature dans le Père et le Fils puisqu'il n'appartient
qu'à la même nature de pouvoir absolument les mêmes choses. Mais puisque le
Fils fait pareillement les mêmes choses, cette ressemblance dans la manière
de faire les oeuvres exclut l'identité de celui qui agit. Tels sont donc les
enseignements de la vraie foi qui nous montrent dans un même passage
l'identité de nature dans ces mots : « Les mêmes œuvres, » et la
distinction du Fils par sa naissance dans cette expression : « Il les
fait pareillement. » S. Jean Chrysostome : (hom. 38). On peut encore donner une autre interprétation
de tout ce passage : « Le Fils ne peut rien faire de lui-même, » en ce
sens qu'il ne peut rien faire qui soit en opposition, en désaccord avec
lePère. Et il ne dit point qu'il ne fait rien de contraire, mais qu'il ne
peut rien faire, pour montrer l'égalité absolue du Père et du Fils. Ce n'est
donc point la faiblesse du Fils mais sa puissance toute divine qui ressort de
ces paroles. Ainsi lorsque nous disons : Il est impossible que Dieu commette
le péché, nous n'accusons pas son impuissance, mais nous attestons sa
puissance ineffable; ainsi lorsque le Fils dit : « Je ne puis
rien faire de moi-même, » il nous déclare qu'il est impossible
qu'il fasse quelque chose de contraire à son Père. — S. Augustin : (Contre les Ariens, chap. 14) Ces paroles n'accusent donc pas un
défaut de puissance dans le Fils, mais sont une attestation de la filiation
divine qu'il a reçue du Père, et il est aussi glorieux au Tout-Puissant de ne
pouvoir changer, qu'il lui est glorieux de ne pouvoir mourir. Le Fils
pourrait faire ce qu'il n'aurait pas vu faire au Père, s'il pouvait faire ce
que le Père ne fait point par le Fils; c'est-à-dire s'il pouvait pécher, ce
qui ne peut convenir à cette nature immuablement bonne que le Père a
engendrée; donc pour lui ne pouvoir pécher, ce n'est pas défaut de pouvoir,
c'est an contraire un signe de puissance. S. Jean Chrysostome : (hom. 38). Les paroles qui suivent viennent confirmer
cette interprétation : « Car tout ce que fait le Père, le Fils le fait
pareillement. » C'est-à-dire si le Père fait toutes choses par lui-même, le
Fils les fait également par lui-même, suivant la signification de cette
parole : « Pareillement, de la même manière. » Vous voyez quelle doctrine
relevée sous ces expressions si simples; et il ne faut pas vous étonner de la
simplicité, de l'humilité même du langage du Sauveur, car il s'exprime de la
sorte par ménagement pour ses ennemis qui le poursuivaient à cause des hautes
vérités qu'ils entendaient, et parce qu'ils le regardaient comme étant en
opposition avec Dieu. S. Augustin : (Traité 21) Après avoir dit qu'il faisait les mêmes choses
que fait le Père et qu'il les fait de la même manière, Notre Seigneur ajoute
: « Car le Père aime le Fils, et lui montre tout ce qu'il fait, » ce qui
parait se rapporter à ce qu'il a dit plus haut : « Le Fils ne peut rien faire
de lui-même, mais seulement ce qu'il voit que le Père fait, parce que le Père
lui montre tout ce qu'il fait lui-même. » Mais la pensée de l'homme se
trouble encore à ces paroles, et je l'entends dire : Le Père agit donc
séparément, pour que le Fils puisse voir ce que fait le Père, de même qu'un
ouvrier qui veut apprendre son art à son fils, lui en montre tous les
secrets, afin qu'il puisse faire lui même tout ce qu'il voit faire à son père
? Ainsi le Fils n'agirait pas en même temps que le Père, puisqu'il doit voir
d'abord ce que fait son Père? (Traité 19). Si nous admettons comme une
vérité certaine et incontestable que le Père fait tout par le Fils, nous
devons admettre qu'il lui montre ce qu'il fait avant d'agir. (Traité 21)
D'ailleurs où le Père montre-t-il à son Fils tout ce qu'il fait, si ce n'est
dans son Fils par lequel il fait toutes choses ? Car si le Père donne
un modèle au Fils en ce sens que les yeux du Fils sont fixés sur les mains du
Père pour voir comment il agit, comment comprendre alors l'indivisible
Trinité ? (Traité23). Ce n'est donc point en agissant que le Père
montre au Fils ce qu'il fait; c'est en faisant cette démonstration qu'il agit
par le Fils : le Fils voit ce que le Père lui montre avant d'agir, et c'est
de la démonstration du Père et de la vue du Fils que résulte l'action que le
Père fait par le Fils. Vous me direz : Je montre à mon fils ce que je veux
faire, et il le fait, et c'est moi qui, pour ainsi parler, le fait par lui.
La différence ici est énorme, car avant d'agir, vous montrez à votre Fils ce
que vous vous voulez faire afin que se guidant sur cet exemple que vous lui
donnez avant d'agir, il se conforme parfaitement au modèle que vous lui
donnez, et que vous agissiez par lui. Mais pour cela, il vous faut adresser à
votre fils des paroles différentes de ce que vous êtes, différentes de ce
qu'il est lui-même. Dieu le Père se serait-il servi aussi d'une parole
étrangère pour parler à son Fils ? Mais le Fils est le Verbe du Père; se
servirait-il du Verbe pour parler au Verbe ? Ou bien, comme le Fils est la
parole par excellence du Père, faut-il admettre entre le Père et le Fils un
échange de paroles d'un ordre inférieur ? Peut-on supposer qu'un son créé et
passager est sorti de la bouche du Père pour aller frapper l'oreille du Fils
? Eloignez toute image corporelle, ne voyez ici que la simplicité, si
vous-même vous êtes simple. Si vous ne pouvez comprendre ce que c'est que
Dieu, comprenez du moins ce qu'il n'est pas : vous aurez beaucoup gagné, si
vous n'avez pas sur Dieu des pensées contraires à sa nature divine.
Considérez dans votre âme une image de la vérité que je veux vous expliquer.
Dans votre âme je vois la mémoire et la pensée. Votre mémoire présente la
ville de Carthage à votre pensée et montre à votre intelligence attentive ce
qui existait dans Carthage avant que votre attention se tournât de ce côté.
Voilà donc tout à la fois et la démonstration de la mémoire, et la vue de
l'intelligence, et tout cela sans aucun échange de paroles, sans qu'on ait
fait usage d'aucun signe extérieur; et cependant tout ce que vous possédez
dans votre mémoire, vous l'avez reçu du dehors. Le Père au contraire n'a
point reçu du dehors ce qu'il montre au Fils, tout ici se fait à l'intérieur;
car aucune créature n'existerait au dehors, si elle n'avait reçu l'existence
du Père par le Fils, et c'est en la montrant à son Fils que le Père l'a
créée, parce qu'il l'a créée par son Fils au même moment qu'il la voyait. Le
Père engendre donc la vision du Fils, de la même manière qu'il engendre le
Fils, et c'est la démonstration du Père qui engendre la vision du Fils, ce
n'est pas la vision qui engendre la démonstration. Si l'œil de notre âme plus
épuré pouvait pénétrer plus avant dans ces profondeurs, nous découvririons
peut-être que le Père n'est point différent de l'acte par lequel il montre à
son Fils, de même que le Fils n'est point différent de l'acte par lequel il
voit ce qui lui est montré. S. Hilaire : (de la Trin., 7) Ce n'est donc point par ignorance,
gardons-nous bien de le croire, que le Fils unique de Dieu a besoin de cette
révélation, et cette expression ne doit réveiller dans notre esprit d'autre
idée que la foi à la naissance du Fils, foi en vertu de laquelle nous croyons
que le Fils est sorti de toute éternité du sein de Dieu toujours existant. — S. Augustin : (Traité 21). A
l'égard du Fils, voir le Père c'est la même chose qu'être Fils. Le Père
montre donc tout ce qu'il fait à son Fils, et c'est du Père qu'il reçoit la
connaissance de toutes choses, voir et naître sont une même chose pour le
Fils, et il tire la connaissance de toutes choses du même principe qui lui
communique l'être, la naissance et l'existence éternelle. S. Hilaire : (de la Trin., 7) La parole divine est pleine ici de prudence et de
circonspection, de peur que l'ambiguïté des termes ne donne l'idée de deux
natures différentes. Voilà pourquoi elle nous dit que les œuvres du Père ont
été révélées au Fils, et non pas qu'il a reçu pour les opérer une nature et
une force particulières. Ainsi cette révélation du Père au Fils c’est la
génération elle-même du Fils, à qui l'amour du Père communique par cette
génération elle-même la connaissance des œuvres qu'il veut faire par lui. S. Augustin : (Traité 21) Mais voici que celui que nous avons dit
coéternel au Père, contemplant le Père, et le contemplant par l'acte même de
sa génération, nous parle encore de succession de temps : « Et il lui
montrera des œuvres plus grandes que celles-ci. » S'il les lui montrera, on
bien s'il doit les lui montrer, il ne les a donc pas encore montrées, et il
les montrera au Fils en même temps qu'à ceux qui l'écoutent : « Afin que
vous les admiriez, » ajoute Notre-Seigneur. (Traité 19). Il est assez
difficile de comprendre comment le Père éternel peut révéler dans le temps de
nouvelles choses à son Fils qui lui est coéternel, et qui connaît tout ce qui
existe dans le Père. Quelles sont ces œuvres plus grandes ? la suite nous
l'apprend : « Car comme le Père ressuscite les morts et leur donne la vie,
ainsi le Fils donne la vie à qui il veut. » C'est une œuvre plus
grande, en effet, de ressusciter les morts que de guérir les malades. (Traité
21). Celui qui jusque-là avait parlé comme Dieu, commence ici à parler
comme homme. (Traité 23). Dieu montrera donc dans le temps à son Fils
fait homme, des œuvres plus grandes, c'est-à-dire la résurrection des corps;
car les corps ressusciteront par suite de la divine économie de l'incarnation
du Fils de Dieu dans le temps, tandis que les âmes ressusciteront par la
vertu de la nature éternelle de Dieu. C'est par la participation à la nature
de Dieu, que l'âme arrive au bonheur; ce n'est point en entrant en
participation avec une âme sainte, qu'une âme faible peut obtenir la
félicité. De même que l'âme (qui est inférieure à Dieu), communique la vie au
corps qui lui est inférieur, il n'y a qu'un être supérieur à l'âme,
c'est-à-dire, Dieu qui puisse lui communiquer la vie bienheureuse. Voilà
pourquoi Notre Seigneur a dit précédemment que le Père aime le Fils, et lui
montre tout ce qu'il fait; le Père montre au Fils comment les âmes
ressuscitent, car c'est par le Père et le Fils qu'elles sont arrachées à la
mort, et elles ne peuvent vivre qu'à la condition que Dieu soit leur vie. (Traité
21) On peut dire encore que ce n'est pas
précisément au Fils que le Père doit faire cette révélation, voilà pourquoi
le Sauveur ajoute : « Afin que vous les admiriez, » paroles qui sont
l'explication de celles qui précèdent : « Et il vous montrera des œuvres plus
grandes encore, a Mais pourquoi n'a-t-il pas dit : Il vous montrera, au lieu
de : « II montrera au Fils ? » C'est parce que nous sommes les
membres de son Fils, et il apprend pour ainsi dire de la même manière, qu'il
souffre dans ses membres. Il nous a dit : « Lorsque vous donnez au plus petit
d'entre les miens, c'est à moi que vous donnez; » (Mt 25) de même, si
nous lui demandons : Comment pouvez-vous apprendre, vous qui enseignez toutes
choses ? il nous répondra : « Lorsque l'un des plus petits d'entre les
miens apprend, c'est moi-même qui apprends. » Versets 21-23.
S. Augustin : (Traité 21). Le Sauveur venait de dire que le Père devait
montrer à son Fils des œuvres plus grandes encore, il explique maintenant
quelles sont ces œuvres : « Car comme le Père ressuscite les morts, » etc.
Evidemment, ces œuvres sont plus grandes, car c'est un plus grand miracle de
ressusciter un mort, que de rendre la santé à un malade. Il ne faut pas
entendre ces paroles dans ce sens que les uns soient ressuscites par le Père,
et les autres par le Fils; car le Fils ressuscite et vivifie ceux-là mêmes
que le Père ressuscite et rend à la vie. Et pour qu'on ne dise pas : Le Père
ressuscite les morts par le Fils, celui-ci en vertu de sa propre puissance,
celui-là par le moyen d'une puissance étrangère, et comme le serviteur fait
l'œuvre de son maître, il établit clairement la puissance du Fils en disant :
« Ainsi le Fils donne la vie à qui il veut. » (Traité 19). Ne séparez
donc pas ici la puissance du Fils de sa volonté, le Père et le Fils ont une
même puissance et une même volonté. (Traité 21). Le Père n'a d'autre
volonté que celle du Fils, ils n'ont qu'une seule et même volonté, comme ils
n'ont qu'une seule et même nature. — S.
Hilaire : (de la Trinit., 7) Vouloir est un effet de la liberté de
la nature, et cette liberté concourt avec la volonté du libre arbitre à
conduire à la parfaite félicité. S. Augustin : (Traité 21) Mais quels sont ces morts à qui le Père
et le Fils rendent la vie ? Notre Seigneur veut parler ici de la résurrection
des morts, qui est l'objet commun de notre espérance; non cette résurrection
des morts qu'il a rappelés à la vie pour amener à la foi ceux qui en étaient
témoins : Lazare, par exemple, qui ressuscita, mais pour être encore victime
de la mort, tandis que pour nous, nous ressusciterons un jour pour vivre
éternellement avec Jésus-Christ. Ces paroles : « Comme le Père ressuscite et
vivifie les morts, » ne s'appliquent donc pas aux résurrections miraculeuses
qu'il a opérées pendant sa vie mortelle, mais à la résurrection qui sera
suivie de la vie éternelle; et Notre Seigneur prend soin d'établir cette
vérité en ajoutant : « Car le Père ne juge personne, » etc., preuve évidente
qu'il a voulu parler de la résurrection des morts, qui doit avoir lieu lors
du jugement dernier. (Traité 23). On peut dire encore que ces paroles
: « Comme le Père ressuscite les morts, » etc., doivent s'entendre de la
résurrection des âmes, et ces autres : « Le Père ne juge personne,»
etc., de la résurrection des corps. En effet, la résurrection des âmes est
l'œuvre de la puissance éternelle du Père et du Fils, et elle exige le
concours simultané du Père et du Fils. La résurrection des corps, au
contraire, est le fruit de l'incarnation du Fils de Dieu, incarnation qui
n'est pas coéternelle au Père. (Traité 21). Voyez comme la parole de
Jésus-Christ dirige et conduit notre âme d'une pensée à une autre, et ne le
laisse pas s'arrêter dans des idées exclusivement matérielles; elle l'exerce
par cette conduite, elle la purifie par cet exercice, et en la purifiant,
elle la rend capable de recevoir la grâce divine qui doit la remplir. Notre
Seigneur avait dit précédemment : « Le Père montre au Fils tout ce qu'il
fait, » c'est-à-dire que le Père agissait, et que le Fils semblait attendre.
Ici, je vois le Fils qui agit seul, à l'exclusion, ce semble, du Père. — S. Augustin : (de la Trin., 1,
13). Ces paroles : « Il a donné tout jugement au Fils, » ne doivent pas
s'entendre dans le même sens que ces autres : « Il a donné au Fils
d'avoir la vie en lui-même, » qui expriment la génération éternelle du
Fils. Si ces deux passages devaient s'entendre dans le même sens, le Sauveur
n'aurait pas dit : « Le Père ne juge personne, » car le fait seul pour le
Père de la génération d'un Fils qui lui est égal, entraîne nécessairement le
pouvoir de juger avec lui. Ces paroles signifient donc qu'au jour du
jugement, ce ne sera pas la nature divine, mais la forme du Fils de l'homme
qui apparaîtra. Il ne faut pas en conclure que celui qui a donné tout
jugement au Fils, sera privé du droit déjuger lui-même, parce que le Fils a
dit de lui : « Il est quelqu'un qui en prendra soin (de ma gloire), et qui
jugera. » (Jn 8, 50). Ces paroles : « Le Père ne juge personne, »
signifient donc simplement : Personne ne verra le Père au jour du jugement,
mais tous verront le Fils, parce qu'il est le Fils de l'homme, et qu'il sera
vu même des impies qui jetteront les yeux sur celui qu'ils auront percé de
plaies. (Za 12, 10. ) — S.
Hilaire : (de la Trin., 7) On bien encore, Notre Seigneur ne
voulant pas que ces paroles : « Le Fils donne la vie à qui il veut, »
fussent prises comme une négation de sa génération divine, et comme une
preuve que sa puissance ainsi que sa nature ne venaient que de lui-même, il
ajoute aussitôt : « Le Père ne juge personne,» etc. Dans ces seules paroles :
« Il a donné tout jugement au Fils, » nous voyons tout à la fois la
nature divine du Fils de Dieu et sa génération; car la nature divine seule
peut tout avoir, et celui qui est engendré ne peut rien avoir qu'il n'ait
reçu. — S. Jean Chrysostome : (hom.
39). De même qu'il lui a donné la vie, c'est-à-dire qu'il l'a engendré
vivant, ainsi lui a-t-il donné tonte puissance pour juger, c'est-à-dire qu'il
lui a communiqué cette puissance avec la génération. II se sert ici du mot « il a donné,» pour éloigner
toute idée qui exclurait la génération, ou supposerait l'existence de deux
Pères. Il dit : « Toute puissance de juger, » parce qu'il est
le maître de punir et de récompenser selon son bon plaisir. — S. HIL, (de
la Trin., 7) « Il lui a donné toute puissance de juger, » parce
que le Fils donne la vie à qui il lui plait, mais il ne faut pas croire que
le Père soit privé de la puissance de juger, parce qu'il ne juge pas
lui-même, car le pouvoir judiciaire du Fils vient du pouvoir du Père qui a
donné au Fils toute puissance de juger, et Notre Seigneur fait connaître la
raison de cette puissance qui lui est donnée : « Afin que tous honorent le
Fils comme ils honorent le Père. » S. Jean Chrysostome : (hom. 39). De ce que le Père est le principe de
l'existence et de la puissance du Fils, ne concluez pas que le Fils soit
d'une nature différente et n'ait point droit au même honneur, car Notre
Seigneur unit étroitement l'honneur du Fils à l'honneur du Père, et il
établit clairement que l'honneur qui est dû au Père, est le même qui est dû
au Fils. Dirons-nous pour cela que le Fils est le Père ? Non, sans doute,
celui qui lui donne le nom de Père, n'honore pas encore le Fils comme le
Père, mais les confond tous deux ensemble. — S. Augustin : (Traité 21). Pendant sa vie mortelle, le
Fils ne paraissait que comme un serviteur, le Père recevait les honneurs dus
à Dieu, mais après le jugement, le Fils apparaîtra comme l'égal de son Père,
afin que tous honorent le Fils comme ils honorent le Père. (Traité 19).
Mais s'il en étaient qui honorent le Père sans honorer le Fils ? Cela est
impossible : « Celui qui n'honore pas le Fils, poursuit Nôtre-Seigneur,
n'honore pas le Père qui l'a envoyé. » Autre chose est de considérer Dieu en
tant qu'il est Dieu, autre chose est de le considérer en tant qu'il est Père.
Lorsqu'on vous le fait considérer comme Dieu, vous vous le représentez comme
un être tout-puissant, comme un esprit souverain, éternel, invisible,
immuable. Mais lorsqu'on vous le fait considérer comme Père, cette idée
réveille aussitôt dans votre esprit l'idée de Fils, puisqu'on ne peut lui
donner le nom de Père, que parce qu'il a un Fils. Et si vous veniez à honorer
le Père comme plus grand que le Fils, et le Fils comme lui étant inférieur,
vous diminuez la gloire du Père en diminuant l'honneur que vous rendez au
Fils. Car quelle est alors votre pensée, c'est que le Père n'a pas voulu, ou
qu'il n'a pu engendrer un Fils qui lui fût égal; s'il n'a pas voulu, ce serait
donc qu'il lui aurait envié l'existence, s'il ne l'a pu, c'est une preuve
d'impuissance. (Traités 23) Ou bien encore, ces paroles : « Afin que
tons honorent le Fils comme ils honorent le Père, » se rapportent à la
résurrection des âmes que le Fils opère simultanément avec le Père, tandis
que les paroles qui suivent : « Celui qui n'honore pas le Fils, n'honore pas
le Père, » se rapportent à la résurrection des corps. Ici Notre Seigneur ne
dit pas : De la même manière que le Père, parce que Jésus-Christ en tant
qu'homme n'a pas droit aux mêmes honneurs que Dieu le Père. (Traité 21).
Vous me direz : Le Fils a été envoyé, il est donc inférieur au Père qui l'a
envoyé ? Eloignez de votre esprit toute idée charnelle, et comprenez qu'il y
a eu mission, mais non point séparation; les choses humaines nous induisent
en erreur, les vérités divines purifient notre intelligence, bien qu'ici les
choses humaines rendent témoignage contre elles-mêmes. Un homme veut demander
une femme en mariage, il ne peut le faire par lui-même, il charge un ami plus
puissant que lui de faire cette demande. Et cependant remarquez la différence
qui existe dans les choses humaines, un homme ne va pas avec celui qu'il
envoie, tandis que le Père, qui envoie le Fils, ne se sépare pas de lui, comme
le déclare Notre Seigneur : « Je ne suis pas seul, parce que mon Père est
avec moi. » (Jn 16, 32). — S.
Augustin : (de la Trin., 4, 20). Ce n'est pas précisément parce
que le Fils est engendré du Père, que les Ecritures disent que le Fils est
envoyé, mais parce qu'il s'est manifesté au monde, lorsque le Verbe s'est
fait chair, ce qui lui fait dire : « Je suis sorti de mon Père, et je suis
venu en ce monde; » (Jn 16, 28) ou bien, parce qu'il est
successivement envoyé et reçu dans le cœur des fidèles suivant cette parole :
« Envoyez-la du ciel (votre sagesse), et du trône de votre grandeur, afin
qu'elle soit avec moi, et qu'elle agisse avec moi. » (Sag., 9, 10). — S. Hilaire : (de la Trin). Toute
issue est donc fermée aux inventions sataniques de l'hérésie. Jésus est le
Fils de Dieu, parce qu'il ne fait rien de lui-même; il est Dieu, parce qu'il
fait tout ce que fait le Père, il ne fait qu'un avec le Père, parce qu'ils
ont droit aux mêmes honneurs, et cependant il n'est point le Père, parce
qu'il est envoyé. Verset 24.
La Glose : Notre Seigneur avait dit précédemment : « Le
Fils donne la vie à qui il veut; » il lui restait à faire connaître comment
le Fils nous conduit à la vie : » En vérité, en vérité, je vous le dis, celui
qui écoute ma parole, » etc. — S. Augustin
: (Traité 22). La vie éternelle consiste à écouter et à croire,
mais encore plus à comprendre. La foi est le degré qu'il faut franchir pour
arriver à l'intelligence qui est le fruit de la foi. Remarquez que le Sauveur
ne dit pas : Celui qui croit en moi, mais : « Celui qui croit à celui
qui m'a envoyé. » Pourquoi donc, Seigneur, entend-il votre parole, et
croit-il à un autre que vous ? Que voulez-vous dire ? si ce n'est : la parole
de celui qui m'a envoyé est en moi ? « Il entend ma parole, » c'est-à-dire,
c'est moi qu'il entend : « Il croit à celui qui m'a envoyé, » c'est-à-dire,
qu'en croyant en lui, il croit à sa parole, et en croyant à sa parole, c'est
en moi qu'il croit, parce que je suis la parole, le Verbe du Père. S. Jean Chrysostome : (hom. 39). Le Sauveur ne dit pas : « Celui qui écoute ma
parole et qui croit en moi; » ce que les Juifs auraient regardé comme
l'expression d'un orgueil qui veut s'élever outre mesure. En disant au
contraire : « Celui qui croit à celui qui m'a envoyé; » il faisait plus
facilement accepter sa doctrine. Deux considérations venaient à l'appui, il
enseignait que c'était au Père qu'il fallait croire, et il promettait toute
sorte de biens comme récompense de la foi qu'il demandait : « Il ne
vient pas en jugement. » — S. Augustin
: (Traité 22). Mais que signifient ces paroles ? Y aura-t-il donc
un homme plus vertueux que saint Paul, qui nous déclare : « Qu'il nous faut
tous comparaître devant le tribunal de Jésus-Christ. » (Rm 14; 2 Co 5)
Nous répondons que le jugement emporte quelquefois l'idée de punition, tandis
que dans d'autres circonstances, il signifie un simple examen ou un jugement
de séparation. Nous devrons tous comparaître devant le tribunal de
Jésus-Christ, pour subir ce jugement de séparation et d'examen. Mais ici Notre
Seigneur veut parler du jugement qui emporte condamnation, et ces paroles : «
Il ne vient point en jugement, » signifient : « Il n'encourt pas une sentence
de condamnation, » mais ajoute le Sauveur : « Il a passé de la mort à la vie;
» ce passage n'est pas encore entièrement effectué, mais dès maintenant il a
passé de la mort de l'infidélité à la vie de la foi, de la mort de l'iniquité
à la vie de la justice. Ou bien encore, Notre Seigneur veut vous désabuser de
la pensée que la foi vous préserverait de la mort du corps, et bien vous
convaincre que vous paierez cette dette de la mort que vous a fait contracter
le péché d'Adam, qui nous représentait tout aux yeux de Dieu; personne ne
peut échapper à cette sentence qu'il entendit porter contre lui : « Vous
mourrez de mort. » Mais après avoir payé on mourant cette dette du vieil
homme, vous reprendrez la vie de l'homme nouveau, et vous passerez de la mort
à la vie. (Traité 19). Et à quelle vie ? à la vie éternelle, car les
morts qui ressusciteront à la fin du monde ressusciteront pour la vie
éternelle. (Traité 22). Quant à cette vie, elle ne mérite point le nom
de vie, parce qu'il n'y a de véritable vie que la vie éternelle. S. Augustin : (serm. 64 sur les par. du Seign). Nous voyons les
hommes dans leur amour passionné pour cette vie périssable et mortelle, se
donner mille efforts pour combattre la crainte de la mort, et faire tout ce
qu'ils peuvent, non pour se soustraire à la mort, mais pour en retarder
l'heure fatale. Mais si vous prenez tant de soins, si vous vous donnez tant
de peine pour prolonger votre vie de quelques jours, que ne devez-vous pas
faire pour la rendre éternelle ? Et si l'on donne le nom de prudents, ceux
qui tentent l'impossible pour retarder leur mort, et vivre quelques jours de
plus, combien sont insensés ceux qui vivent de manière à perdre la vie
éternelle. Versets 25-26.
S. Augustin : (Traité 23 sur S. Jean). On aurait pu faire cette
difficulté au Sauveur : « Le Père vivifie ceux qui croient en lui, et vous,
ne pouvez vous donner aussi la vie ? » Vous voyez ici que le Fils donne
également la vie à qui il veut : « En vérité, en vérité, je vous le dis,
l'heure vient, et elle est déjà venue, où les morts entendront la voix du
Fils de Dieu, et ceux qui l'entendront vivront. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 39). Et n'allez pas croire que
ces paroles : « L'heure vient, » doivent s'entendre d'un temps encore
éloigné, car Notre Seigneur ajoute : « Et elle est venue, » et la parole
du Fils de Dieu a été alors aussi efficace qu'elle le sera lorsqu'elle nous
commandera de ressusciter à la fin du monde. — Théophylactus : Le Sauveur voulait parler ici de ceux qu'il
devait ressusciter pendant sa vie mortelle, de la fille du chef de la
synagogue, du fils de la veuve de Naïm et de Lazare. — S. Augustin : (Traité 22). Ou bien encore, Notre Seigneur ne
veut pas que nous entendions de la résurrection future ces paroles :
« Il passe de la mort à la vie, » et pour nous apprendre que ce
bienheureux passage s'opère dans celui qui croit, il ajoute : « En vérité, en
vérité, l'heure vient. » Quelle est cette heure ? Elle est venue, c'est
l'heure où les morts entendront la voix du Fils de Dieu, et ceux qui
l'entendront vivront. (Traité 29). Il ne dit pas : Ils entendent parce
qu'ils vivent, mais ils revivront parce qu'ils entendront. Que veut dire ce
mot : « Ils entendront ? » c'est-à-dire : « Ils obéiront. » (Traité 22).
Ceux qui croient et qui vivent selon les règles de la vraie foi, vivent
véritablement et ne sont plus soumis à la mort; mais pour ceux qui refusent
de croire, ou dont la vie coupable est en désaccord avec leur foi, et qui ont
perdu la charité, il faut bien plutôt les mettre au rang des morts. Cependant
cette heure dont il est ici parlé dure encore, elle se prolonge jusqu'à la
fin du monde, comme saint Jean le déclare : « Nous sommes dans la dernière
heure. » (1 Jn 2) — S. Augustin
: (serm. 61 sur les par. du Seig). Lorsque les morts,
c'est-à-dire les infidèles, entendront la voix du Fils de Dieu (c'est-à-dire
l'Evangile), ceux qui l'entendront (c'est-à-dire qui obéiront), vivront,
c'est-à-dire, seront justifiés et cesseront d'être infidèles. S. Augustin : (Tr. 22). On me fait cette question :
Le Fils a-t-il en lui la vie qu'il puisse communiquer à ceux qui croient ? Je
réponds : Oui il a en lui-la vie, lui-même vous l'atteste : « Comme le Père a
la vie en lui-même, ainsi il a donné au Fils d'avoir la vie en lui-même. » (Traité
19). La vie est une chose qui lui est propre, elle ne lui vient point
d'un principe étranger, il ne l'a point par emprunt, comme s'il entrait en
participation de la vie. La vie n'est antre chose que lui-même, et il a la
vie en lui-même, il est lui-même sa vie. — Et vous, ô âme, est-ce que vous
n'étiez pas morte ? Ecoutez le Père par la voix du Fils, levez-vous pour
recevoir en vous la vie que vous n'avez pas en vous-même, cette vie vous est
donnée par le Père, elle vous est donnée par le Fils qui a la vie en
lui-même, et c'est la première résurrection. Or, cette vie qui est le propre
du Père et du Fils, est la vie de l'âme, et l’âme raisonnable seule, à
l'exclusion du corps, peut participer à cette vie de la sagesse. S. Hilaire : (des syn. défin., 6). Les hérétiques, pressés de tous côtés par
l'autorité des Ecritures, sont forcés d'attribuer au Fils une puissance
semblable à celle du Père, mais sans vouloir accorder qu'il ait une même
nature, et ils ne comprennent pas que l'égalité de puissance ne peut venir
que de l'égalité de nature. Une nature inférieure ne peut jamais recevoir la
puissance d'une nature qui lui est de beaucoup supérieure. Or, on ne peut
nier que le Fils de Dieu n'ait une puissance égale à celle du Père, puisqu'il
affirme lui-même que : « Tout ce que le Père fait, le Fils le fait
pareillement, » et cette égalité de puissance entraîne nécessairement
l'égalité de nature comme il le déclare expressément : « De même que le
Père a la vie en lui; ainsi il a donné à son Fils d'avoir la vie en lui. » La
vie est ici synonyme de nature et d'essence, et Notre Seigneur nous apprend à
la fois qu'il possède cette vie et qu'elle lui a été donnée. (Défin. 4).
La vie qui est dans le Père et dans le Fils, signifie la nature, l'essence et
la vie qui est engendrée de la vie (c'est-à-dire, l'essence qui est engendrée
de l'essence); comme elle n'est point différente de son principe, parce
qu'elle est la vie qui naît de la vie, elle possède en vertu de son origine
une parfaite égalité de nature. S. Augustin : (de la Trin., 15, 26) Comprenons-donc que le Père ne donne pas la
vie à son Fils, comme s'il en était privé auparavant, et qu'il l'engendre en
dehors de toute succession de temps, en sorte que la vie que le Père donne à
son Fils en l'engendrant, est coéternelle à la vie de celui qui l'engendre. —
S. Hilaire : (de la Trin., 9)
Ce qui naît vivant d'un être vivant, possède la perfection dès sa naissance,
sans qu'il y ait création d'une nature nouvelle, car ce qui est engendré d'un
autre être vivant, n'est point une nature nouvelle, parce que ce n'est pas du
néant que la vie est sortie; la vie qui prend sa naissance au sein même de la
vie, doit nécessairement avoir l'unité de nature, et celui qui est ainsi
engendré doit posséder toute perfection, de telle sorte qu'il vive dans celui
qui l'a engendré, et qu'il ait en lui la vie véritable. Notre faible nature
humaine est composée d'éléments fort disparates, et la vie pour elle semble
sortir des choses inanimées; elle ne vit pas aussitôt ni toute entière de la
vie qu'elle reçoit par la génération, et il y a en elle beaucoup d'éléments
qui, après s'être développés, tombent et périssent sans avoir eu le sentiment
de la vie. En Dieu, au contraire, tout ce qui existe a la vie, car Dieu est
la vie même, et la vie ne peut produire que la vie. — S. Augustin : (Traité 22). Ces paroles : « Il a donné au
Fils, si ont donc la même signification que celles-ci : « Il a engendré son
Fils, » car c'est en l'engendrant qu'il lui a donné la vie. De même
qu'il lui a donné l'être, il lui a donné d'être la vie, d'être la vie en
lui-même, sans avoir besoin de la recevoir d'ailleurs, et d'avoir en lui la
plénitude de la vie pour la communiquer à tous ceux qui croient. Qu'importé
donc que l'un ait donné et l'autre reçu ? — S. Jean Chrysostome : (hom. 39). Vous voyez donc ici
l'égalité absolue et parfaite, il n'y. a qu'une seule différence, c'est que
l'un existe comme Père, et l'autre comme Fils. — S. Hilaire : (des synod. définit. 2). Il faut distinguer
ici entre celui qui donne et celui qui reçoit; on ne peut supposer que ce
soit la même personne qui donne et qui reçoive, puisque l'un est vivant par
lui-même, et que l'autre déclare vivre de la vie qu'il a reçue de son Père. Versets 27-29.
Théophylactus : Le Père a donné à son Fils, non-seulement le
pouvoir de donner la vie, mais la puissance pour juger : « Et il lui a
donné le pouvoir. » — S. Jean
Chrysostome : (hom, 39). Pourquoi Notre Seigneur rappelle-t-il
continuellement les idées de jugement, de résurrection et de vie ? parce que
rien n'est plus propre à conduire à la foi les esprits les plus rebelles.
Celui qui est profondément convaincu qu'il ressuscitera, cl qu'il doit payer
au Fils de Dieu, la peine des fautes qu'il a commises, sans autre
considération, s'empresse de se rendre son juge favorable. « Parce qu'il est le Fils de l'homme ne vous étonnez pas. » Paul
de Samosate dispose ainsi le texte sacré : « Il lui a donné le pouvoir
de juger, parce qu'il est le Fils de l'homme. » Mais cette manière de lire
est contraire à toute logique; le Sauveur en effet n'a pas reçu la puissance
de juger parce qu'il est homme, car alors pourquoi tous les hommes ne
recevraient-ils pas le même pouvoir ? Mais il est juge parce qu'il est le
Fils ineffable de Dieu. Voici donc comment il faut lire : « Ne vous étonnez
pas de ce qu'il est le Fils de l'homme. » Un des grands obstacles qui
s'opposaient dans l'esprit des Juifs à la parfaite intelligence des
enseignements du Sauveur, c'est qu'ils ne voyaient en lui qu'un homme; tandis
que sa doctrine était de beaucoup supérieure à celle des hommes, à celle des
anges et semblait ne convenir qu'à un Dieu. Il va donc au-devant de cette
difficulté et leur dit : « Ne vous étonnez point, parce qu'il est le Fils de
l'homme, » et il en donne la raison : « Car l'heure vient où tous
ceux qui sont dans les tombeaux entendront la voix du Fils. » Et pourquoi
leur dit-il : « Ne vous étonnez point parce qu'il est le Fils de l'homme,
parce qu'il est en même temps le Fils de Dieu. » Il vient de
parler de la résurrection, comme d'une oeuvre qui est l'œuvre de Dieu par
excellence, et il laisse à ses auditeurs à tirer la conséquence qu'il était
Dieu et Fils de Dieu. En effet ceux qui font usage de raisonnements, lorsque
les propositions qu'ils avancent prouvent évidemment la vérité qu'ils
établissent, se dispensent de tirer eux-mêmes la conclusion, mais pour rendre
la victoire plus éclatante, ils laissent à leurs contradicteurs le soin de
tirer cette conséquence contre eux-mêmes. Lorsqu'il a fait allusion
précédemment à la résurrection de Lazare, il n'a point parlé du jugement, car
Lazare n'est point ressuscité pour le jugement; mais lorsqu'il parle de la
résurrection générale, il y joint le souvenir du jugement : « Et ceux qui
auront fait le bien en sortiront pour une résurrection de vie, et ceux qui
auront fait le mal pour une résurrection de châtiment. » Il avait dit
précédemment : « Celui qui écoute ma parole et qui croit à celui qui m'a
envoyé, n'entre point en jugement; » mais pour ne point laisser croire que la
foi suffît pour être sauvé, il y joint ici la nécessité d'une vie pleine de
bonnes œuvres : « Et ceux qui ont fait le bien en sortiront pour une
résurrection de vie. » S. Augustin : (Traités 22 et 23) On peut encore expliquer autrement ces
paroles : « Dieu lui a donné d'avoir la vie en lui-même en tant qu'il
était le Verbe qui était en Dieu dès le commencement; mais le Verbe s'est
fait chair dans le sein de la Vierge Marie, et c'est parce qu'il s'est fait
homme qu'il est le Fils de l'homme, » et c'est à ce titre qu'il a reçu
le pouvoir de juger, pouvoir qu'il exercera à la fin du monde alors qu'aura
lieu la résurrection des corps. Dieu ressuscite donc les âme-par Jésus-Christ
Fils de Dieu, et il ressuscite les corps par Jésus-Christ. Fils de l'homme.
Et c'est pour cela qu'il ajoute : « Parce qu'il est le Fils de l'homme,
» car comme Fils de Dieu, il a toujours eu ce pouvoir. » — S. Augustin : (Sermon 64 sur les
par. du Seign). C'est sous la forme extérieure du Fils de l'homme que
Jésus-Christ doit juger les hommes, il les jugera sous cette forme qu'ils
l'ont jugé eux-mêmes, le même qui a comparu devant le tribunal d'un juge de
la terre montera sur son tribunal pour juger à son tour, il condamnera les
vrais coupables, lui qui a été condamné malgré les fausses accusations dont
il a été chargé. Il fallait en effet que ceux qui devaient être jugés vissent
leur juge de leurs propres yeux; mais comme ce jugement devait s’étendre aux
bons comme aux méchants, il convenait qu'il se manifestât sous la forme de
serviteur aux bons et aux méchants, et qu'il réservât exclusivement aux bons
la vue de la nature divine suivant ces paroles. « Bienheureux ceux qui ont le
cœur pur, parce qu'ils verront Dieu. » S. Augustin : (Traité 19) Aucun de ceux qui ont essayé d'établir
des sectes où l'erreur était substituée à la vérité, n'ont pu nier la
résurrection spirituelle qui rend les âmes meilleures, et les fait passer du
vice à la vertu; mais beaucoup d'entre eux ont nié la résurrection de la
chair, et que pourrions-nous leur répondre, Seigneur Jésus, si vous n'eussiez
affirmé cette vérité. C'est donc pour en établir plus solidement la croyance
qu'il ajoute : « Ne vous étonnez pas, » c'est-à-dire ne soyez pas surpris que
Dieu ait donné au Fils de l'homme le pouvoir de juger, car « l'heure vient, »
etc.— S. Augustin : (Sermon 64
sur les par. du Seig). Il n'ajoute pas ici comme précédemment : « Et
cette heure est venue, » parce qu'elle ne doit venir qu'à la fin du monde. Ne
vous étonnez pas que j'aie dit : « Il faut que les hommes soient jugés
par un homme, mais quels sont ces hommes ? Non-seulement ceux qui seront
alors en vie; car voici l'heure où tous ceux qui sont dans les tombeaux, » etc.
— S. Augustin : (Traité 19)
Quoi de plus évident ? Ce sont les corps et non pas les âmes qui sont
dans les tombeaux. Lorsqu'il disait plus haut : « L'heure vient » et
qu'il ajoutait : « Et elle est venue, » il continuait en ces termes : « Où
les morts entendront la voix du Fils de Dieu; » il ne dit pas : Tous les
morts, car ces morts dont il parle sont les pécheurs, et tous n'obéissent pas
à l'Evangile. Mais à la fin du monde, tous ceux qui sont dans les tombeaux
entendront sa voix et en sortiront. Notre Seigneur n'ajoute point : Et ils
vivront, comme précédemment, ce qu'il disait de la vie éternelle et
bienheureuse, qui ne sera point le partage de tous ceux qui sortiront des
tombeaux. Vous avez certainement et sans nul doute reçu le pouvoir de juger,
parce que vous êtes le Fils de l'homme, les corps ressusciteront tout
d'abord, mais dites-nous quelque chose de ce jugement. Ecoutez sa réponse :
Ceux qui auront fait le bien sortiront des tombeaux pour la résurrection de
la vie, c'est-à-dire pour vivre avec les anges de Dieu; et ceux qui auront
mal fait, pour la résurrection du jugement, » et ici le mot jugement est
synonyme de châtiment. V. 30.
S. Augustin : (Traité 19 sur S. Jean). Nous étions sur le point de dire à Notre
Seigneur Jésus-Christ : C'est vous qui jugerez et non pas votre Père, est-ce
que votre jugement ne sera pas conforme à sa volonté ? C’est pourquoi le
Sauveur ajoute : « Je ne puis rien faire de moi-même, » etc. — S. Jean Chrysostome : (hom. 39).
C'est-à-dire vous ne me verrez rien faire qui soit contraire ou opposé à la
volonté du Père, mais « selon que j'entends, je juge, » c'est-à-dire qu'il
est impossible que ma volonté ne soit pas conforme en tout à celle de mon
Père; et je juge absolument comme si mon Père lui-même jugeait. — S. Augustin : (Traité 23) Lorsqu'il
était question de la résurrection des âmes, il ne disait pas : J'entends mais
je vois. » Ici au contraire, il dit « J'entends, » comme la voix du Père
qui commande; il parle ici comme homme, et sous ce rapport, son Père
est plus grand que lui. S. AUG (Contre le serm. des Ar., chap. 13) On peut dire encore
que ces paroles : « Selon que j'entends, je juge » doivent s'entendre de
la dépendance où Jésus se trouve vis-à-vis de Dieu comme Fils de l'homme; ou
même de cette nature simple et immuable qui appartient au Fils mais qu'il a
reçue du Père, nature pour laquelle entendre, voir, être sont une seule et
même chose, de sorte que la faculté de voir, d'entendre lui vient du même
principe que son existence, (chap. 17) Il juge selon qu'il entend, parce que
le Verbe ayant été engendré pour être la vérité, il doit nécessairement juger
selon la vérité, (chap. 18) « Et mon jugement est juste, parce que je ne
cherche pas ma volonté, » etc. En parlant de la sorte, Notre Seigneur veut
rappeler à notre pensée cet homme qui, en cherchant sa volonté et non la
volonté de son Créateur, ne porta point de lui-même un juste jugement, mais
obligea Dieu à porter sur lui ce juste jugement. En faisant sa volonté, il
crut qu'il échapperait à la mort, et en cela son jugement ne fut pas juste.
Il fit donc sa volonté et en fut puni par la mort, parce que le jugement de
Dieu est juste, C'est ce jugement auquel le Fils de Dieu se conforme en ne
cherchant pas sa volonté en tant qu'il est le Fils de l'homme, non pas que sa
volonté n'ait aucune part dans le jugement qu'il rend, mais parce que cette
volonté qui lui est propre est en tout point conforme à la volonté du Père. —
S. Augustin : (Traité 19).
Je ne cherche pas ma volonté propre, c'est-à-dire la volonté du Fils de
l'homme qui soit opposée à celle de Dieu. Les hommes font leur volonté et non
celle de Dieu, lorsqu'ils font ce qu'ils veulent au préjudice de ce que Dieu
commande. Mais lorsque tout en faisant ce qu'ils veulent, ils suivent
cependant la volonté de Dieu, ce n'est plus leur volonté qu'ils suivent. Ou
bien encore, il dit : « Je ne cherche pas ma volonté, » parce que
Jésus-Christ n'existe point par lui-même, mais par son Père. — S. Jean Chrysostome : (hom. 39).
C'est ainsi qu'il établit que la volonté du Père n'est point différente de la
sienne, mais qu'ils n'ont tous deux qu'une seule et même volonté. Si son
langage vous parait un peu trop le langage de l'homme, n'en soyez pas
surpris, les Juifs ne voyaient en lui qu'un homme. Il prouve que son jugement
est juste par les raisons que tout homme apporterait pour se justifier en
pareille circonstance. En effet, celui qui songe à faire prévaloir ses
intérêts, sera facilement soupçonné d'avoir altéré la justice; mais celui qui
ne se guide point d'après des vues personnelles n'est point exposé à
prononcer des jugements injustes. — S.
Augustin : (Traité 22) Le Fils unique dit : « Je ne
cherche pas ma volonté, » elles hommes ne veulent faire que leur volonté.
Faisons donc la volonté du Père et de Jésus-Christ et de l'Esprit saint,
parce qu'ils n'ont qu'une même volonté, une même puissance, une même majesté. Versets 31-40.
S. Jean Chrysostome : (hom. 40 sur S. Jean). Notre Seigneur Jésus-Christ
venait de s'attribuer de grands privilèges, mais sans en donner encore de démonstration
évidente. Pour première preuve, il apporte l'objection qu'on pouvait lui
faire : « Si je rends témoignage de moi-même, mon témoignage n'est pas
vrai. » Mais qui ne serait troublé en entendant ces paroles du Sauveur ? car
en mille endroits, nous le voyons se rendre témoignage à lui-même. Si donc
tous ces témoignages sont dépourvus de vérité, quelle espérance de salut nous
reste-t-il ? Où pourrons-nous trouver la vérité, alors que la vérité
elle-même nous dit : » Mon témoignage n'est pas vrai ? » Notre Seigneur en
parlant ainsi n'exprime pas sa pensée propre comme Fils de Dieu, mais celle
des juifs qui pouvaient lui objecter : Nous ne croyons pas en vous, parce que
nul bomme qui se rend témoignage à lui-même, n'est digne de foi. Après avoir
reproduit cette objection des Juifs, il apporte trois preuves évidentes et
irréfragables, en produisant trois témoins de la vérité de ses paroles, les
œuvres qu'il a faites, le témoignage du Père et la prédication de
Jean-Baptiste, et il commence par le témoignage le moins fort, celui de
Jean-Baptiste : « Il en est un autre qui rend témoignage de moi, » etc. — S. Augustin : (serm. 43 sur
les par. du Seig). Jésus savait bien que son témoignage était vrai; mais
le soleil cherchait des flambeaux par ménagement pour les infirmes et pour
les incrédules, car leurs yeux malades ne pouvaient supporter l'éclat du
soleil, Jean-Baptiste fut donc choisi pour rendre témoignage à la vérité.
Est-ce que les martyrs ne sont pas les témoins de Jésus-Christ, pour rendre
témoignage à la vérité ? Mais en y réfléchissant de plus près, lorsque les
martyrs lui rendent témoignage, c'est lui qui se rend témoignage à lui-même,
car c'est lui qui habite dans les martyrs, et leur inspire le témoignage
qu'ils rendent à la vérité. Alcuin : On peut dire encore que Jésus-Christ étant
Dieu et homme, manifeste tour à tour les propriétés de ces deux natures;
tantôt il parle le langage qui convient à l'humanité qu'il s'est unie, tantôt
celui qui n'appartient qu'à la divinité. C'est donc en tant qu'homme qu'il
dit. « Si je rends témoignage de moi-même, mon témoignage n'est pas vrai, »
paroles dont voici le sens : « Si je rends témoignage de moi-même en
tant que je suis homme (c'est-à-dire en séparant ce témoignage de celui de
Dieu), mon témoignage n'est pas vrai. » C'est pour cela qu'il ajoute :
« C'est un autre qui rend témoignage de moi. » En effet, le Père a rendu
témoignage de Jésus-Christ, et sa voix s'est fait entendre au baptême du
Sauveur, et sur la montagne où il fut transfiguré : « Et je sais que son
témoignage est vrai. » Car Dieu est vérité et le témoignage de la vérité ne
peut être que véritable. S. Jean Chrysostome : (hom. 40). Mais d'après la première interprétation, les
Juifs pouvaient faire au Sauveur cette nouvelle objection : « Si votre témoignage
n'est pas vrai, comment pouvez-vous dire que vous savez que le témoignage de
Jean-Baptiste est véritable ? » Notre Seigneur répond à cette pensée en
ajoutant : « Vous avez envoyé à Jean, » etc., ce qui veut dire : Vous
n'auriez pas député des envoyés à Jean, si vous ne l'aviez pas cru digne de
foi. Et ce qu'il y a de plus fort, ces envoyés ne devaient pas lui demander
ce qu'il pensait du Christ, mais ce qu'il pensait de lui-même. Ils ne lui
disent pas, en effet : Que dites-vous du Christ ? mais : « Qui êtes-vous
? » Que dites-vous de vous-même ? tant était grande l'admiration qu'ils
professaient pour lui. — Alcuin : Jean-Baptiste a rendu témoignage non pas à
lui-même, mais à la vérité; comme un ami de la vérité, il a rendu témoignage
à Jésus-Christ qui est la vérité. Or, Notre Seigneur ne rejette pas
précisément le témoignage de Jean, comme un témoignage qui ne lui fut pas
nécessaire, mais il leur apprend que leurs regards ne doivent pas se fixer
sur Jean, au point de les empêcher d'admettre que Jésus-Christ seul leur est
nécessaire. C'est pour cela qu'il ajoute : « Pour moi, ce n'est pas d'un
homme que je reçois témoignage. » — S.
Bède : Parce que je n'en ai pas besoin. Si Jean, d'ailleurs, rendit
témoignage à Jésus-Christ, c'était moins pour le grandir dans l'esprit des
juifs, que pour leur en donner la connaissance. S. Jean Chrysostome : (hom. 40). Le témoignage de Jean-Baptiste n'était autre
que le témoignage de Dieu, car c'est Dieu lui-même qui le lui avait dicté.
Mais Notre Seigneur va au-devant d'une objection, que les Juifs pouvaient lui
faire : Où est la preuve que c'est Dieu lui-même qui a dicté ce témoignage à
Jean-Baptiste, en ajoutant : « Je vous dis ces choses, afin que vous soyez
sauvés, » c'est-à-dire, moi qui suis Dieu, je n'avais pas besoin d'un
témoignage humain, mais je vous rappelle ce témoignage, parce qu'il a eu le
privilège d'attirer votre attention, et que vous l'avez jugé digne de
confiance à l'exclusion de tout autre, tandis que vous n'avez pas voulu
croire en moi malgré les miracles que j'ai opérés. Ils pouvaient encore lui
dire : Qu'importé le témoignage de Jean, si nous ne l'avons pas reçu ? Jésus
leur prouve qu'ils ont cru aux paroles du Précurseur : « Il était la lampe
ardente et luisante, et un moment vous avez voulu vous réjouir à sa lumière.
» Cette expression : « un moment » prouve la facilité avec laquelle
ils ont cru, et le peu de durée de leur foi; si cette foi avait persévéré,
Jean les aurait conduits comme par la main à Jésus-Christ. Il appelle le
saint Précurseur une lampe, parce que sa lumière ne venait pas de lui-même,
mais de la grâce de l'Esprit saint. — Alcuin
: Jean était donc comme une lampe éclairée par Jésus-Christ qui est la
vraie lumière, brûlant de foi et de charité, brillant par la parole et par
les oeuvres, envoyé devant le Christ pour confondre ses ennemis, selon ces
paroles du psaume 131 : « J'ai préparé une lampe à mon Christ, je couvrirai
de confusion ses ennemis. » S. Jean Chrysostome : (hom. 40). Si donc je vous rappelle le souvenir de Jean,
ce n'est pas que j'aie besoin de son témoignage, c'est dans l'intérêt de
votre salut; car pour moi, j'ai un témoignage plus grand que celui de Jean,
c'est le témoignage de mes œuvres : « Car ces œuvres que mon Père m'a
données à faire, ces œuvres que je fais moi-même, rendent témoignage de
moi. » Alcuin : Jésus rend la vie aux aveugles, l'ouïe aux
sourds, il délie la langue des muets, il met les démons en fuite, il
ressuscite les morts, ce sont là les œuvres qui rendent témoignage de lui. — S. Hilaire : (de la Trin., 6)
Ce n'est pas seulement par le témoignage du nom qu'il porte, que le Fils
unique de Dieu prouve sa filiation divine, mais par les œuvres de sa
puissance, qui attestent qu'il est vraiment l'envoyé du Père, en qui nous
voyons éclater tout à la fois l'obéissance du Fils et l'autorité du Père.
Mais comme les œuvres ne sont point un témoignage suffisant pour les
incrédules, il ajoute : « Et mon Père qui m'a envoyé a rendu lui-même
témoignage de moi. » Parcourez toutes les pages de l'Evangile, et examinez
sérieusement ce qu'elles renferment, et vous n'y trouverez aucun témoignage
du Père qui ne proclame que Jésus-Christ est son Fils. Quelle est donc cette
erreur calomnieuse (et quel en est le motif), qui ne voit dans la filiation
divine qu'une simple adoption, accuse Dieu de mensonge, et réduit à rien les
noms qui sont donnés au Fils ? S. Bède : La mission du Fils n'est autre que son
incarnation. Notre Seigneur prouve ensuite que Dieu est incorporel et ne peut
par conséquent être vu des yeux du corps : « Mais vous n'avez jamais
entendu sa voix, ni vu sa figure. » — Alcuin
: Les Juifs auraient pu lui dire : « Nos pères ont entendu la voix
de Dieu sur le Sinaï, et ils l'ont vu sous la forme de feu; si donc Dieu
consentait à rendre témoignage de vous, nous pourrions entendre sa voix,
Jésus les prévient et leur dit : « J'ai le témoignage que me rend mon Père,
bien que vous ne le compreniez pas, parce que vous n'avez jamais entendu sa
voix, et vous n'avez jamais vu sa figure. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 40). Comment donc Moïse a-t-il
pu dire : « S'est-il jamais fait une chose semblable, et jamais a-t-on
ouï dire qu'un peuple ait entendu la voix du Seigneur parlant du milieu du
feu, comme vous l'avez entendue, sans être frappé de mort ? (Dt 4,
33-34). Isaïe et plusieurs autres encore attestent qu'ils ont vu Dieu. Que
signifient donc ces paroles du Sauveur ? Il veut donner aux Juifs des idées
plus saines et plus exactes sur Dieu, en leur enseignant peu à peu que Dieu
n'a ni voix, ni figure; mais qu'il est supérieur à toutes les figures et à
tous les langages possibles. En effet, ces paroles : « Vous n'avez
jamais entendu sa voix, » ne signifient pas que Dieu ait une voix, bien
qu'inintelligible pour l'homme; de même que ces autres paroles : « Et vous
n'avez jamais vu sa figure, » ne veulent pas dire que Dieu ait une forme
sensible, quoique invisible pour l'homme; mais il veut établir qu'il n'y a en
Dieu ni voix ni figure. — Alcuin : Ce
n'est donc point avec les oreilles du corps, mais avec l'intelligence du
cœur, que Dieu peut être entendu par la grâce de l'Esprit saint. Or, les
Juifs n'avaient pas entendu cette voix toute spirituelle, parce qu'ils
refusaient de l'aimer et d'obéir à ses commandements; et ils ne pouvaient
voir sa face, parce que ce n'est point des yeux du corps, mais des yeux de la
foi et de l'amour qu'elle peut être vue. S. Jean Chrysostome : (hom. 40). Les Juifs ne pouvaient même se flatter d'avoir
reçu les commandements de Dieu, et de les observer, aussi le Sauveur ne
craint pas de leur dire : « Et vous n'avez point sa parole demeurant en vous,
» c'est-à-dire les préceptes divins, la loi, les prophètes, dont Dieu est
l'auteur, et que vous ne recevez pas comme vous devriez le faire. En effet,
les Ecritures vous enseignent en mille endroits à croire en moi, et vous
refusez de croire, n'est-ce pas une preuve évidente que vous n'avez point en
vous la parole de Dieu, et il ajoute : « Parce que vous ne croyez pas en
celui qu'il a envoyé. » Alcuin : Ou bien encore, ils n'ont pas le Verbe qui
était au commencement demeurant en eux, parce qu'ils négligent de conserver
le souvenir de la parole de Dieu qu'ils ont entendue, et encore plus de la
mettre en pratique. Notre Seigneur avait déclaré qu'il avait pour lui le
témoignage de Jean, de ses œuvres, de son Père; il y ajoute le témoignage de
la loi qui leur avait été donnée par Moïse : « Approfondissez les Ecritures,
puisque vous pensez avoir en elles la vie éternelle; ce sont elles qui
rendent témoignage de moi, » c'est-à-dire, vous qui pensez trouver dans les
Ecritures la vie éternelle, et qui me rejetez comme contraire à Moïse, vous
arriveriez à comprendre par le témoignage de Moïse lui-même, que je suis
Dieu; si vous vouliez étudier sérieusement ces Ecritures, car toutes les
Ecritures rendent témoignage de Jésus-Christ, ou par les figures, ou par les
prophéties, ou par le ministère des anges. Mais les Juifs n'ont point voulu
appliquer au Christ ces différents témoignages, et c'est pourquoi ils ne
peuvent avoir la vie éternelle : « Et vous ne voulez pas venir à moi pour
avoir la vie, » c'est-à-dire, les Ecritures rendent témoignage de moi, et
malgré tant de témoignages, vous ne voulez pas venir à moi, vous ne voulez
pas croire en moi, vous ne voulez pas chercher en moi votre véritable
Sauveur. S. Jean Chrysostome : (hom. 40). On peut encore enchaîner autrement les
différentes parties de ce discours de Nôtre-Seigneur. Les Juifs pouvaient lui
dire : Comment nous assurer que Dieu vous ait rendu témoignage, si nous
n'avons pas entendu sa voix ? Jésus leur répond : « Approfondissez les
Ecritures, » preuve évidente qu'elles contiennent le témoignage que Dieu a
rendu en sa faveur. Dieu, en effet, ne lui a-t-il pas rendu témoignage sur
les bords du Jourdain et sur la montagne ? cependant Notre Seigneur ne leur
rappelle pas textuellement ces deux témoignages, qui eussent peut-être été
pour eux l'occasion d'un nouvel acte d'incrédulité, car ils n'avaient pas été
témoins de la voix qui se lit entendre sur la montagne, et quant à celle qui
se fit entendre au baptême de Nôtre-Seigneur, ils l'avaient bien entendue,
mais sans y faire aucune attention. Il les renvoie donc aux Ecritures, leur
enseignant ainsi qu'elles renferment le témoignage que le Père lui a rendu. (hom.
41). Remarquez qu'il ne les renvoie pas à une simple lecture, mais à un
sérieux examen des Ecritures, parce que les témoignages dont il était l'objet
dans les Ecritures, étaient couverts d'un voile et cachés comme un trésor
sous l'écorce de la lettre. Il ne dit pas : Dans lesquelles vous avez la vie
éternelle, mais : « Dans lesquelles vous pensez trouver la vie
éternelle, » et il leur démontre ainsi le fruit médiocre qu'ils tiraient des
Ecritures, en s'imaginant qu'il leur suffisait de les lire pour être sauvés,
alors même qu'ils étaient dépourvus de la foi; c'est pour cela qu'il leur dit
: « Et vous ne voulez pas venir à moi, » parce qu'ils refusaient de
croire en lui. — S. Bède : Le
Psalmiste nous apprend que le mot venir est ici synonyme du mot croire,
lorsqu'il dit : « Approchez de lui et soyez sauvés. » (Ps 33,
6). Notre Seigneur ajoute : « Pour avoir la vie. » Si l'âme, en effet,
qui commet le péché est frappée de mort, ils étaient morts d'esprit et de
cœur. Il leur promettait donc la vie de l'âme ou de la félicité éternelle. Versets 41-47.
S. Jean Chrysostome : (hom. 41). L'intention du Sauveur, en rappelant aux Juifs
les témoignages de Jean-Baptiste, de Dieu et de ses œuvres, était de les
attirer à lui, mais plusieurs d'entre eux pouvaient y voir le désir d'une
gloire toute humaine; il repousse donc cet injurieux soupçon par cette
déclaration : « Je n'accepte point la gloire qui vient des hommes, »
c'est-à-dire, je n'en ai pas besoin, et ma nature n'est pas réduite à la
nécessité de rechercher cette gloire; le soleil ne reçoit aucun nouvel éclat
de la lumière d'une lampe, à bien plus forte raison, n'ai-je nul besoin de la
gloire humaine. — Alcuin : Ou bien
encore, ces paroles : « Je n'accepte point la gloire qui vient des
hommes, » veulent dire : Je ne recherche pas les louanges des hommes, je ne
suis pas venu pour recevoir des hommes des honneurs terrestres, mais pour
leur faire part d'honneurs tout spirituels. Si donc je parle de la sorte, ce
n'est point pour rechercher la gloire, mais par compassion pour votre
égarement, et pour vous ramener dans la voie de la vérité. C'est pour cela
qu'il leur dit : « Mais j'ai reconnu que vous n'aviez point en vous l'amour
de Dieu. » — S. Jean Chrysostome : (hom.
41). C'est-à-dire, en parlant de la sorte, j'ai voulu vous convaincre que
ce n'est point pour l'amour de Dieu que vous me persécutez, puisqu'il me rend
lui-même témoignage par mes œuvres et par les Ecritures. Vous me repoussez
dans la pensée que j'étais opposé à Dieu; si donc vous aimiez véritablement
Dieu, vous deviez donc venir à moi, mais vous n'avez pas cet amour en vous.
Et il leur prouve non-seulement par leur conduite présente, mais par ce
qu'ils feraient, si quelqu'un venait leur parler en son propre nom : « Je
suis venu au nom de mon Père, et vous ne me recevez pas, si un autre vient en
son propre nom, vous le recevrez. » Il déclare qu'il est venu au nom de son
Père, pour leur ôter tout prétexte de lui refuser leurs hommages. — Alcuin : Je suis venu au nom de mon
Père, c'est-à-dire, je suis venu pour que le nom de mon Père soit glorifié
par moi, parce que je renvoie tout à mon Père. Ils n'avaient donc pas en eux
l'amour de Dieu, parce qu'ils ne voulaient pas recevoir celui qui venait
faire la volonté de son Père. L'Antéchrist, au contraire, viendra non pas au
nom du Père, mais en son propre nom, non point pour procurer la gloire du
Père, mais pour chercher la sienne propre. Les Juifs n'ont point voulu
recevoir Jésus-Christ; comme juste châtiment de leur infidélité ils recevront
l'Antéchrist, et croiront au mensonge pour avoir refusé de croire à la
vérité. S. Augustin : (serm. 45 sur les par. du Seig). Mais écoutons ce
que dit Jean lui-même : « Vous avez oui-dire que l'Antéchrist doit venir, et
maintenant il y a beaucoup d'antéchrists. » (1 Jn 2, 18).
Or, qui vous fait trembler dans l'Antéchrist ? c'est qu'il doit chercher à
faire honorer son nom et à couvrir de mépris le nom de Dieu. Et que fait donc
autre chose celui qui ose dire : « C'est moi qui justifie, » et ceux qui
disent : « Si nous ne sommes bons et vertueux, vous êtes perdus sans
ressources ? » Ainsi la vie de mon âme dépendra de vous, et mon salut sera
attaché à vos mérites ? Ai-je donc oublié à ce point le fondement que Dieu
lui-même a posé ? Est-ce que la pierre n'était pas le Christ ? S. Jean Chrysostome : (hom. 41). Notre Seigneur leur donne ici une preuve
incontestable de leur peu de religion en leur tenant équivalemment ce langage
: Si c'est par amour pour Dieu que vous me persécutez, à plus forte raison,
devriez-vous persécuter l'Antéchrist, car il ne vous dira point qu'il est
envoyé par le Père, ou qu'il vient pour faire sa volonté, mais il usurpera au
contraire les prérogatives qui ne lui appartiennent pas, et se donnera comme
le Dieu qui est au-dessus de tout. Il est donc évident que les Juifs
persécutaient Jésus-Christ par un sentiment d'envie contre lui et de haine
contre Dieu. Le Sauveur leur fait connaître ensuite la cause de leur
incrédulité : Comment pouvez-vous croire, vous qui recevez la gloire l'un de
l'autre, et ne cherchez point la gloire qui vient de Dieu seul ? Il leur fait
voir une fois de plus que ce ne sont pas les intérêts de Dieu, mais les
intérêts de leur passion qu'ils cherchaient à défendre. Alcuin : C'est donc un grand vice que la vanité, et
le désir de la gloire humaine qui veut faire estimer en elle des qualités
qu'elle n'a pas et qu'elle ne cherche pas à avoir. Ils ne peuvent donc
croire, parce qu'ils sont avides de gloire humaine, mais quel est ce désir de
la gloire humaine, si ce n'est l'enflure d'une âme orgueilleuse ? C'est donc
comme si Jésus-Christ disait : « Ils ne peuvent croire, parce que leur âme
superbe désire les louanges et veut s'élever au-dessus de tous les
autres. » — S. Bède : Or, le
moyen, le plus efficace pour nous garantir de ce vice, c'est de rentrer dans
notre conscience, de considérer que nous ne sommes que poussière, et si nous
découvrons quelque bien en nous, de l'attribuer, non point à nous, mais à
Dieu seul. Le Sauveur nous apprend en même temps à toujours être tels que
nous voulons paraître aux yeux des autres. Ils pouvaient enfin lui faire
cotte question : c'est donc vous qui nous accuserez près de votre Père ?
Jésus les prévient et leur dit : « Ne pensez pas que ce soit moi qui doive
vous accuser devant mon Père, » etc. — S.
Jean Chrysostome : (hom. 41). Car je ne suis point venu pour
condamner, mais pour sauver. « Votre accusateur sera Moïse, en qui vous
mettez votre espoir. » Il leur a dit plus haut, en parlant des Ecritures : «
Vous pensez trouver eu elles la vie éternelle, » de même il leur dit ici : «
Moïse, dans lequel vous espérez, » cherchant à les convaincre par leurs
propres croyances. Mais ils pouvaient encore lui faire cette objection.
Comment Moise pourra-t-il nous accuser ? Qu'y a-t-il de commun entre Moïse et
vous, qui transgressez la loi du sabbat ? Jésus répond à cette objection : «
Si vous croyez Moïse, peut-être me croiriez-vous aussi, car il a écrit de
moi. » La preuve de ce que j'avance se trouve dans ce qui précède,
puisqu'en effet les oeuvres que j'ai faites, le témoignage de Jean-Baptiste
et celui de mon Père prouvent jusqu'à l'évidence que je suis envoyé de Dieu,
il est également certain que Moïse sera votre accusateur, car il a dit : S'il
s'élève parmi vous un homme qui opère des prodiges, conduise les hommes vers
Dieu, et fasse des prédictions que les événements justifient, vous devrez lui
obéir. Or, Jésus-Christ a fait toutes ces choses, et ils n'ont pas cru en
lui. — Alcuin : Notre Seigneur emploie
ici le mot « peut-être, » pour se conformer à notre manière de parler et non
pas qu'il y ait en Dieu le moindre doute. Or, Moïse a prédit la venue du
Christ, lorsqu'il a dit Dieu vous suscitera du milieu de vos frères un
prophète semblable à moi, vous l'écouterez. » (Dt 18) — S. Augustin : (contr. Faust., 16,
9). On peut même dire que tout ce que Moïse a écrit, les figures, les événements,
les discours ont Jésus-Christ pour objet, ou se rapportent entièrement à
Jésus-Christ, aussi bien lorsque Moïse prophétise le règne de sa grâce et de
sa gloire. « Mais si vous ne croyez point à ses écrits, comment
croirez-vous à ses paroles ? — Théophylactus
: C'est-à-dire, Moïse a écrit, et vous avez ses livres entre les mains,
et si vous veniez à oublier ce qu'ils contiennent, vous pourriez facilement
en rappeler le souvenir, mais vous ne croyez point aux écrits de Moïse,
comment donc pourrez-vous croire à mes simples paroles ? — Alcuin : On peut conclure de là que
ceux qui lisent les commandements qui interdisent le vol et les autres
crimes, sans prendre soin de les mettre en pratique, ne pourront accomplir à
plus forte raison les préceptes évangéliques qui sont beaucoup plus parfaits
et plus sublimes. — S. Jean
Chrysostome : (hom. 41) S'ils avaient donné une sérieuse attention
aux paroles du Sauveur, ils devaient lui demander et apprendre de lui ce que
Moïse avait écrit sur le Christ, mais ils gardent le silence; telle est en
effet la malice du cœur humain, que malgré tout ce que l’on peut dire ou
faire, il conserve le venin dont il est infecté. |
Caput 6 Lectio 1 [86039] Catena in Io., cap. 6 l. 1 Chrysostomus
in Ioannem. Sicut iacula cum in durum aliquid inciderint, magno impetu huc
illuc disperguntur; mollius vero assecuta figuntur et desinunt : ita et si
cum audacibus hominibus impetuose incesserimus, saeviunt magis; si autem
cesserimus, facile mollimus eorum insaniam. Propterea Christus furorem ex praemissis
sermonibus natum, secedendo mitigavit, in Galilaeam vadens; non tamen ad
eadem loca unde Ierusalem ascenderat : non enim in Cana Galilaeae, sed ultra
mare ivit; unde ait post haec abiit trans mare Galilaeae, quod est Tiberiadis.
Alcuinus. Hoc mare pro diversitate locorum diversis nominibus vocatur; sed
quantum ad praesentem locum, mare Galilaeae propter provinciam, Tiberiadis
autem a civitate dicitur. Mare autem dicitur, non quia sit amara aqua; sed
iuxta Hebraicum modum, omnium congregationes aquarum maria vocantur : quod
mare dominus etiam frequenter transit, ut populis ibi manentibus verbum
praedicationis impendat. Theophylactus. Transit enim de loco ad locum
probando populi voluntatem, et avidiores homines uniuscuiusque civitatis et
sollicitiores reddens; unde sequitur et sequebatur eum multitudo magna quia
videbant signa quae faciebat super his qui infirmabantur. Alcuinus. Scilicet
quod caecos illuminabat, et alia huiusmodi. Et sciendum est, quod quoscumque
in corpore sanabat, eos pariter reformabat in anima. Chrysostomus in
Ioannem. Tanta autem doctrina potientes, a signis magis movebantur, quod
grossioris mentis erant. Signa enim, ut ait Paulus, non sunt data fidelibus,
sed infidelibus. Sapientiores autem erant illi de quibus dicitur quod stupebant
in doctrina eius. Sed quare non dicit quae signa videbant eum facientem?
Quoniam hic Evangelista maiorem partem libri in sermonibus domini consumere
studuit. Sequitur subiit in montem Iesus, et ibi sedebat cum discipulis suis.
In montem quidem ascendit propter signum quod fieri debebat. Sed quod
discipulos secum ascendere fecit, accusatio multitudinis erat non sequentis
eum. Ascendit etiam in montem erudiens nos a tumultibus et ab ea quae in
mundo est turbatione requiescere; apta enim ad philosophiam solitudo est.
Sequitur erat autem proximum Pascha dies festus Iudaeorum. Vide qualiter in
anno integro nihil plus Evangelista nos docuit de signis Christi quam quod
paralyticum sanavit, et filium reguli : non enim studuit universa annuntiare,
sed ex multis magna et pauca. Qualiter
igitur non ascendit ad diem festum? Paulatim enim solvebat legem, occasionem
capiens a Iudaica nequitia. Theophylactus. Quia enim Iudaei
eum persequebantur, occasionem recessus accipiens, legem exclusit, innuens
observantibus quod, veritate adveniente, omnis cessat figura; et quod legibus
non subicitur, ut legalia festa perficeret. Et vide hoc
quod non erat festum Christi, sed Iudaeorum. Beda. Si quis verba
Evangelistarum diligenter consideraverit, facile cognoscet quia unius anni
spatium fuit inter decollationem Ioannis et passionem domini. Cum enim
Matthaeus dicat, quia dominus audita nece Ioannis secessit in desertum locum,
et ibi turbas pavit; et Ioannes dicit quod proximum erat Pascha Iudaeorum
quando turbas pavit, aperte demonstratur quia imminente paschali festivitate
decollatus est Ioannes. Evoluto autem unius anni spatio,
passus est Christus in eadem festivitate. Sequitur cum sublevasset ergo
oculos Iesus, et vidisset quia multitudo maxima venit ad eum, dixit ad
Philippum : unde ememus panes ut manducent hi? Dixit cum sublevasset oculos
Iesus, ut disceremus quia oculos non erigebat huc atque illuc; sed pudice
sedebat attentus cum discipulis suis. Chrysostomus
in Ioannem. Neque etiam simpliciter sedebat cum discipulis suis, sed
diligenter loquens aliquid eis, et eos ad seipsum convertens. Deinde
respiciens vidit turbam ad se venientem. Cuius igitur gratia Philippum
interrogat? Sciebat enim quod discipulorum eius congregatio ampliori
indigebat doctrina. Talis autem erat Philippus, qui postea dixit : ostende
nobis patrem, et sufficit nobis. Propterea igitur prius eum erudiebat. Nam si
simpliciter factum esset, miraculum non tantum appareret; nunc autem prius
cogit confiteri inopiam, ut certius discat miraculi magnitudinem; unde sequitur
hoc autem dicebat tentans eum. Non quidem ignorans id quod debebat ab ipso
dici; sed humano more hoc dictum est. Sicut enim quod dicitur : qui scrutatur
corda hominum, non ostendit ignorantiae scrutationem, sed certissimae
cognitionis : ita cum hic dicit quod tentavit eum, nihil aliud dicit quam
quoniam sciebat certissime. Sed aliud est dicere, quoniam
probatiorem eum faciebat, per talem interrogationem inducens in certissimam
signi cognitionem. Propter hoc et Evangelista, ne infirmitate
locutionis minorationem aliquam suspiceris, subiungit ipse enim sciebat quid
esset facturus. Alcuinus. Interrogat igitur, non ut ignorata
discat, sed ut discipulo adhuc rudi propriam tarditatem ostendat, quam ipse
in se perpendere non valebat. Theophylactus. Vel etiam ut aliis ipsum
ostenderet, non tamquam cor eius ignorans. Augustinus de Cons. Evang. Sed
si dominus, secundum narrationem Ioannis, prospectis turbis quaesivit a
Philippo, tentans eum, unde illis escae dari possent; potest movere quomodo
sit verum, quod alii narraverunt, prius dixisse domino discipulos, ut
dimitteret turbas. Quibus ille respondit, secundum Matthaeum : non habent
necesse ire : date eis vos manducare. Intelligitur igitur, post haec verba
dominum inspexisse multitudinem, et dixisse Philippo quod Ioannes commemorat,
alii autem praetermiserunt. Chrysostomus. Vel aliter. Alia quidem sunt
illa, alia autem sunt haec, non eisdem facta temporibus. Theophylactus. Philippum
igitur dominus tentans utrum fidem haberet, invenit eum adhuc humanis
passionibus subiacentem; quod patet ex hoc quod sequitur respondit ei
Philippus : ducentorum denariorum panes non sufficiunt eis, ut unusquisque
modicum quid accipiat. Alcuinus. In quo tarditatem suam ostendit : nam
si perfecte de creatore intelligeret, de eius potentiae largitate non
diffideret. Augustinus. Quod autem Philippus hic apud Ioannem
respondet, hoc Marcus a discipulis responsum esse commemorat, volens
intelligi, hoc ex ore ceterorum Philippum respondisse; quamquam et pluralem
numerum pro singulari usitatissime ponere potuerit. Theophylactus. Sed
et Andream dominus similem Philippo invenit, quamvis altius de illo
contemplantem; sequitur enim dicit ei unus ex discipulis eius, Andreas frater
Simonis Petri : est puer unus hic qui habet quinque panes hordeaceos et duos
pisces. Chrysostomus. Aestimo quidem non sine causa id eum dicere; sed
quia audiverat signum quod Eliseus de panibus hordeaceis fecerat : pavit enim
de viginti panibus centum homines. Ascendit
igitur mente in aliquod excelsum; sed ad summum non potuit pervenire; quod
patet per hoc quod subdit sed haec quid sunt inter tantos? Aestimabat
enim quod de paucioribus pauciora, et de pluribus plura facturus esset qui
miracula faciebat; sed hoc non erat verum : similiter enim ei facile erat et
de pluribus et de paucioribus pascere turbas : non enim materia subiecta
indigebat; sed ne viderentur creaturae alienae esse ab eius sapientia, ipsis
creaturis utitur ad materiam miraculorum. Theophylactus. Confundantur
Manichaei, qui dicunt, quod panes et omnia huiusmodi creata sunt a malo Deo :
quia boni Dei filius Iesus Christus panes multiplicavit : nam si creaturae
malae fuissent, nequaquam bonus mala multiplicasset. Augustinus de Cons.
Evang. Quod autem Andreas apud Ioannem de quinque panibus et duobus
piscibus suggessit, hoc ceteri, pluralem numerum pro singulari ponentes, ex
discipulorum persona retulerunt. Chrysostomus in Ioannem. Discamus
autem hic qui voluptati attendimus quae comedebant mirabiles viri illi et
magni, et quantitatem eorum quae inferebantur, et vilitatem mensae eorum.
Nondum autem apparentibus panibus iussit eos discumbere, ut discas quoniam
non entia ut entia ei subsistunt, sicut Paulus ait : qui vocat ea quae non
sunt, tamquam ea quae sunt. Sequitur enim dicit eis Iesus :
facite homines discumbere. Alcuinus. Ad litteram homines
discumbere dicimus iacendo comedere more antiquo; unde sequitur erat autem
fenum multum in loco. Theophylactus. Idest herba viridis : erat enim
Pascha, quod in primo mense veris perficiebatur. Sequitur discubuerunt ergo viri
numero quasi quinque millia. Soli viri numerantur ab Evangelista,
quia legalem consuetudinem sequebatur. Etenim Moyses a viginti annis et
supra, populum connumeravit, nulla mentione de mulieribus facta : innuens
quod omne quod virile est et iuvenile, dignum et honorabile est apud Deum.
Sequitur accepit ergo Iesus panem, et cum gratias egisset, distribuit
discumbentibus similiter et ex piscibus quantum volebant.
Chrysostomus. Sed quare paralyticum debens sanare non orat, neque
suscitans mortuos, neque mare quietans; hic autem orat gratias agens? Ut
scilicet ostendat, eos qui comestionem incipiunt, gratias agere oportere Deo.
Sed et aliter in minoribus maxime orat, ut discas quod non propter
indigentiam orat. Si enim indigeret orare, multo magis in maioribus hoc
fecisset; quia vero illa ex auctoritate facit, manifestum est quod hic
condescendendo nobis, orat : et adhuc quoniam turba multa erat praesens,
oportebat eis suaderi quod secundum voluntatem Dei advenerat : et ideo cum
occulte aliquod miraculum faciebat, non orabat; sed coram multis orabat, ne
crederent quod esset Deo contrarius. Hilarius de Trin. Quinque igitur
panes offeruntur turbae, et franguntur : subrepunt in frangentium manus
quaedam fragmentorum procreationes, non imminuitur unde praefringitur; et
tamen praefringentis manum fragmenta occupant : non sensus, non visus
profectum tam conspicabilis operationis assequitur; est quod non erat,
videtur quod non intelligitur : solum superest ut Deus omnia posse credatur.
Augustinus in Ioannem. Unde enim multiplicat de paucis granis segetes,
inde in manibus suis multiplicavit quinque panes : potestas enim erat in
manibus Christi, panes autem illi quinque quasi semina erant, non quidem
terrae mandata, sed ab eo qui terram fecit, multiplicata. Chrysostomus. Vide
autem quanta est servi et domini differentia : nam prophetae quasi ex mensura
habentes gratiam, ita miracula faciebant; Christus autem absoluta virtute
faciens, cum multa superabundantia omnia operabatur. Sequitur ut autem
impleti sunt, dixit discipulis suis : colligite quae superaverunt fragmenta,
ne pereant. Collegerunt ergo et impleverunt duodecim cophinos fragmentorum.
Non quidem haec ostentatio superflua fuit, sed ne phantasiam aestimarent quod
factum est; propter quod etiam ex subiecta materia miraculum fecit. Sed quare
non turbis dedit fragmenta portanda, sed discipulis? Quoniam hos maxime
erudire volebat, qui orbis terrarum debebant esse magistri. Ego autem non
solum admiror multitudinem panum quae facta est, sed et certitudinem
superfluorum : quia neque plus neque minus fecit superfluum esse, sed tantum
quantum volebat; scilicet duodecim cophinos, secundum numerum duodecim
apostolorum. Theophylactus. Addiscimus autem ex miraculo perpetrato,
non fieri pusillanimes in coarctationibus paupertatis. Beda. Turbae
autem cum vidissent signum quod fecit dominus, mirabantur, quia nondum eum
Deum esse cognoverant; ideoque Evangelista subdit illi ergo homines, quia
carnales erant et carnaliter intelligebant, cum vidissent quod fecerat
signum, dicebant quia hic est vere propheta qui venturus est in mundum.
Alcuinus. Nondum pleni fide dominum vocant prophetam, qui nondum Deum
dicere noverant; sed iam multum profecerant ex virtute miraculi, qui eum
secernentes ab aliis, prophetam vocabant, sicut sciebant in populo illo
prophetas aliquando miracula fecisse : nec falluntur si dicunt eum prophetam,
cum ipse dominus vocaverit se prophetam, dicens : non capit prophetam perire
extra Ierusalem. Augustinus in Ioannem. Sic autem propheta est
Christus et dominus prophetarum, sicut Angelus et dominus Angelorum : ex eo
enim quod praesens annuntiavit, Angelus erat; ex eo quod futura praedixit,
propheta erat; ex eo quod verbum caro factum est, et Angelorum et prophetarum
dominus erat : nullus enim propheta sine verbo Dei. Chrysostomus in
Ioannem. Ex hoc autem quod dicunt qui venturus est in mundum, manifestum
est quod prophetam quemdam principalem expectabant; et ideo quod dicitur hic
est vere propheta, in Graeco cum adiectione articuli ponitur, ad ostendendum
scilicet, eum esse discretum ab aliis prophetis. Augustinus. Considerandum
autem quod dicitur : quia enim Deus non est talis substantia quae oculis
videri possit, et miracula eius quibus totum mundum regit, universamque
creaturam administrat, assiduitate viluerunt; servavit sibi quaedam quae
faceret opportuno tempore praeter usitatum cursum ordinemque naturae, ut non
maiora, sed insolita videndo stuperent, quibus quotidiana viluerunt. Maius
enim miraculum est gubernatio totius mundi quam saturatio quinque millium
hominum de quinque panibus : et tamen hoc nemo miratur; illud mirantur
homines, non quia maius, sed quia rarum est. Nec tamen sufficit hoc intueri
in miraculis Christi : quia enim dominus est in monte, verbum Dei est in alto
: proinde non quasi humiliter iacet, nec transeunter praetereundum est.
Alcuinus. Mystice enim nomine maris turbidum saeculum designatur. Mox
autem ut Christus mare mortalitatis nostrae adiit nascendo, calcavit
moriendo, transiit resurgendo, secutae sunt eum credendo et imitando turbae
credentium ex utroque populo collectorum. Beda. Tunc autem dominus
subiit montem quando caelum ascendit, quod designatur per montem.
Alcuinus. Quod enim turbis inferius relictis, ad altiora cum discipulis
ascendit, ostendit quod simplicibus minora praecepta sunt committenda,
perfectioribus altiora : quod imminente Pascha illos reficit, significat quia
quisque pane divini verbi, et corpore et sanguine domini desiderat refici,
debet spirituale Pascha facere, idest, de vitiis ad virtutes transire. Oculi
vero domini sunt dona spiritualia, quae cum dominus electis suis
misericorditer concedit, tunc in eos oculos suos dirigit : idest respectum
pietatis impendit. Augustinus Lib. 83 quaest. Quinque autem panes
hordeacei significant veterem legem : sive quia nondum spiritualibus, sed
adhuc carnalibus data est lex, idest quinque corporis sensibus deditis : nam
ipse et turbae quinque millia hominum fuerunt : sive quia per Moysen lex ipsa
data est : Moyses enim quinque libros scripsit. Et quod hordeacei erant
panes, bene significavit vel ipsam legem, quae ita data erat ut in ea vitale
animae alimentum corporalibus sacramentis obtegeretur : hordei enim medulla
tenacissima palea tegitur : vel ipsum populum nondum expoliatum carnali
desiderio, quod tamquam palea cordi eius inhaerebat. Beda. Hordeum
etiam pabulum est iumentorum, et cibus servorum : et lex vetus data est
servis et iumentis, idest carnalibus. Augustinus. Duo autem pisces,
qui saporem suavem pani dabant, duas illas personas videntur significare
quibus populus ille regebatur, regiam scilicet, et sacerdotalem; quae tamen
duae personae dominum nostrum praefigurabant, ambas enim ille sustinuit.
Alcuinus. Vel duo pisces dicta vel scripta prophetarum et Psalmistarum
significant; et cum quinarius ad quinque sensus corporis referatur, mille ad
perfectionem refertur. Qui vero quinque sensus corporis perfecte regere
student, viri dicuntur a viribus; quos feminea mollities non corrumpit; sed
sobrie et caste vivunt, et caelestis sapientiae dulcedine merentur recreari.
Augustinus in Ioannem. Puer autem qui ista habebat, forte populus Israel
erat, qui sensu puerili ea portabat, nec manducabat. Illa enim quae portabat,
clausa onerabant, aperta pascebant. Beda. Pulchre autem dicit haec
quid sunt inter tantos? Quia lex vetus parum proficiebat, quousque eam suis
manibus suscepit : idest, opere implevit, et eamdem spiritualiter
intelligendam esse docuit, quia lex neminem ducebat ad perfectum.
Augustinus. Frangendo autem panes multiplicati sunt. Quinque enim libri
Moysi multos libros, cum exponuntur tamquam frangendo, idest disserendo,
fecerunt. Augustinus Lib. 83 quaest. Dominus etiam tamquam frangendo
et aperiendo quod durum erat et clausum in lege, per discipulos implevit, cum
eis post resurrectionem aperuit Scripturas. Augustinus in Ioannem. Quia
autem ignorantia populi erat in lege, propterea tentatio domini ignorantiam
discipuli demonstrabat. Super fenum autem discumbebant, quia carnaliter
sapiebant, et in carnalibus quiescebant; omnis enim caro fenum. Illi autem de
panibus domini implentur qui quod auribus audiunt, operibus implent.
Augustinus. Quae sunt autem fragmenta, nisi quae populus non poterat
manducare? Quid ergo restat, nisi ut secretiora intelligentiae, quae non
potest capere multitudo, illis credantur qui idonei sunt et alios docere
valent, sicut erant apostoli? Unde et duodecim cophini impleti sunt.
Alcuinus. Cophinis enim servilia implentur officia. Cophini igitur sunt
apostoli et eorum imitatores, qui licet in praesenti sint despectibiles,
spiritualium sacramentorum divitiis sunt interius referti. Dicuntur autem
apostoli fuisse cophini, quia per apostolos fides sanctae Trinitatis erat
praedicanda in quattuor partibus mundi. Quod autem novos panes noluit facere,
sed allatos cumulavit, significat quia veterem Scripturam non reprobavit, sed
aperiendo patefecit. Lectio 2 [86040] Catena in Io., cap. 6 l. 2 Beda. Turbae,
viso tanto miraculo, intellexerunt pium atque potentem; et idcirco voluerunt
ipsum facere regem : homines namque volunt habere regem pium ad regendum et
potentem ad tuendum. Dominus igitur hoc cognoscens fugit in montem; idest,
ascendit celeriter; unde dicitur Iesus ergo cum cognovisset quia venturi
essent ut raperent eum et facerent eum regem, fugit in montem ipse solus.
Datur ergo intelligi quod dominus cum sederet in monte cum discipulis suis et
videret turbas ad se venientes, descenderat de monte, et circa inferiora loca
turbas paverat. Nam quomodo fieri potest ut rursus ille fugeret in montem,
nisi ante de monte descenderet? Augustinus de Cons. Evang. Non autem
repugnat quod Matthaeus dixit : ascendit in montem solus orare; neque enim
causae orandi contraria est causa fugiendi : quandoquidem et hinc dominus
doceat hanc esse nobis magnam causam orandi, quando est causa fugiendi.
Augustinus in Ioannem. Erat autem rex qui timebat fieri rex; nec talis rex
qui ab hominibus fieret, sed talis qui hominibus regnum daret : semper quidem
ille cum patre regnat secundum quod est filius Dei. Praedixerunt autem
prophetae regnum eius et secundum id quod homo factus est Christus, et fecit
fideles suos Christianos, qui sunt regnum eius; quod modo colligitur, modo
emitur sanguine Christi. Erit autem aliquando manifestum regnum eius, quando
erit aperta claritas sanctorum eius, post iudicium ab eo factum. Discipuli
autem et turbae credentes in eum, putaverunt illum sic venisse ut iam
regnaret. Hoc est velle rapere et facere eum regem. Chrysostomus in
Ioannem. Vide autem quanta est gulae virtus. Non ultra eis sabbati
transgressionis cura, non ultra zelant pro Deo; sed omnia remota sunt, ventre
repleto; et propheta iam erat apud eos, et regem eum inthronizare volebant.
Christus autem fugit, erudiens nos mundanas contemnere dignitates. Sic igitur
Iesus dimittit discipulos et ascendit in montem. Hi vero a magistro relicti,
ut sero factum est, descenderunt ad mare. Et hoc est quod subditur ut autem
sero factum est, descenderunt discipuli eius ad mare. Et quidem usque ad
vesperam expectaverunt eum, venturum esse putantes ad se; facta vero vespera
non ultra sustinent eum non inquirere (tantus eos detinebat amor), sed ab
amore igniti ascenderunt in navem; unde sequitur et cum ascendissent navim,
venerunt trans mare in Capharnaum. Veniebant quidem ad Capharnaum aestimantes
se illic eum inventuros. Augustinus. Sic ergo dixit finem, et redit ut
exponat quomodo venerunt : quia per stagnum navigantes transierunt : et dum
navigarent recapitulando exponit quid acciderit, dicens et tenebrae iam
factae erant, et non venerat ad eos Iesus. Chrysostomus. Non sine
causa Evangelista tempus designat, sed ut per hoc validum eorum amorem
ostendat. Non enim dixerunt : vespera nunc est, nox advenit; sed ab amore
igniti ascenderunt in navim. Multa autem erant ex quibus impediebantur. A
tempore, unde dicitur et tenebrae iam factae erant; a tempestate, unde
sequitur mare autem, vento magno flante, exurgebat a longe : non enim erat
prope terram; unde dicitur cum remigassent ergo quasi stadia viginti quinque
aut triginta. Beda in Ioannem. Eo genere locutionis, quo cum dubitando
loquimur, solemus dicere, ferme vigintiquinque aut prope triginta.
Chrysostomus. Et ultimo ab inopinabili; unde sequitur vident Iesum
ambulantem supra mare, et proximum fieri. Apparet quidem eis postquam illos
dimiserat; illic quidem docens eos quid est derelictio, et amorem excitans
maiorem; hic vero suam virtutem ostendens : propter hoc igitur illi
turbabantur; unde sequitur et timuerunt. Quibus turbatis dominus
confortationem adhibet; unde sequitur ille autem dicit eis : ego sum : nolite
timere. Beda. Non autem dixit : ego sum Iesus, sed tantum ego sum :
quia familiares eius erant, ideoque audita voce, facile potuerunt cognoscere
magistrum : sive, quod verius est, ut ostenderet se illum esse qui Moysi
dixit : ego sum qui sum. Chrysostomus in Ioannem. Ideo autem eis
apparuit, ut ostendat quoniam ipse est qui tempestatem solvet. Hoc enim
ostendit Evangelista subdens voluerunt ergo accipere eum in navi, et statim
fuit navis ad terram ad quam ibant; tranquillam enim praebuit eis
navigationem. Non autem navim ascendit, volens maius miraculum operari, et
deitatem eius revelare apertius. Theophylactus. Vide namque tria
miracula. Primum est quod ambulabat supra mare; secundum est quod fluctus
mitigat; tertium est quod statim fecit navim ad terram ire, ad quam ibant :
nam multum distabant a terra cum eis dominus apparuit. Chrysostomus. Turbae
autem non ostendit se Iesus supra mare ambulantem, quia hoc signum
imbecillitatem eorum excedebat; sed neque discipulis diu visus est hoc
faciens, sed statim disparuit ab eis. Augustinus de Cons. Evang. Non
est autem adversum quod Matthaeus prius eum dixit iussisse discipulos
ascendere in naviculam, et praecedere eum trans fretum, donec dimitteret
turbas : ac deinde dimissis turbis, ascendisse in montem solus orare; Ioannes
vero prius eum fugisse commemorat solum in montem, ac deinde inquit ut autem
sero factum est, descenderunt discipuli eius ad mare, et cum ascendissent
navim, et cetera. Quis enim non hoc videat recapitulando Ioannem postea
dixisse factum a discipulis, quod iam Iesus iusserat antequam fugisset in
montem? Chrysostomus. Vel aliter. Mihi videtur hoc signum aliud ab eo
quod apud Matthaeum positum est : tunc enim non statim eum susceperunt, nunc
autem persuasi sunt statim suscipere; et tunc quidem adhuc tempestas
permanebat concutiens navim, nunc autem cum voce tranquillitas advenit.
Multoties enim eadem facit signa, ut facile susceptibilia fiant.
Augustinus in Ioannem. Mystice autem pavit dominus turbas et ascendit in
montem : sic enim de illo praedictum est : congregatio populorum circumdabit
te; et propter hanc in altum regredere; idest, ut circumdet te congregatio
populorum, regredere in altum. Quare autem dictum est fugit? Neque enim si
nollet teneretur. Aliquid ergo significavit fugiendo : quia scilicet non
potuit intelligi altitudo eius; quidquid enim non intellexeris fugit me
dicis. Ergo fugit in montem ipse solus, quia ascendit super omnes caelos.
Illo autem sursum posito discipuli in navicula tempestatem patiebantur :
navicula illa Ecclesiam praesignabat. Tenebrae iam factae erant, et merito,
quia lux non erat; non enim venerat ad illos Iesus. Quantum accedit finis
mundi, crescunt errores, crescit iniquitas. Lux denique caritas est, secundum
illud : qui odit fratrem suum, in tenebris est. Ipsi fluctus navem turbantes,
et tempestates, et venti, clamores sunt maledicorum : inde caritas
refrigescit, inde fluctus augentur, et turbatur navis. Nec tamen venti illi,
et tempestas, et fluctus, et tenebrae id agebant ut vel navis non
promoveretur, vel soluta mergeretur : qui enim perseveraverit usque in finem,
hic salvus erit. Quinarius autem numerus ad legem pertinet; ipsi sunt quinque
libri Moysi : ergo legem signat numerus vigesimus quintus : quoniam quinquies
quini fiunt vigintiquinque. Sed huic legi, antequam
Evangelium veniret, deerat perfectio, quae in senario numero comprehenditur.
Ipsa ergo quinque per sex multiplicentur, ut lex per Evangelium impleatur, ut
fiant sexies quini triginta. Ad eos ergo qui legem implent, venit Iesus
calcans fluctus; idest, omnes tumores mundi sub pedibus habens, omnes
altitudines saeculi premens; et tamen tantae sunt tribulationes ut etiam ipsi
qui credunt in Iesum, expavescant ne deficiant.
Theophylactus. Cum autem homines vel Daemones nos per timorem nituntur
movere, audiamus Christum dicentem ego sum, nolite timere; idest, ego semper assisto,
et sicut Deus permaneo, et numquam pertranseo : non perdatis in me fidem pro
falsis terroribus. Vide etiam quomodo non in principio periculi dominus
astitit, sed in fine. Permittit namque nos esse in medio periculorum, ut
certantes in tribulationibus probabiliores fiamus, et ut ad ipsum solum
recurramus qui potens est ex insperatis nos liberare. Cum enim intellectus
humanus sibi providere non poterit, tunc salus divina advenit. Si voluerimus
etiam Christum in naviculam nostram suscipere, idest in cordibus nostris
habitare, statim inveniemur in terra ad quam ire volumus, idest in caelum.
Beda. Quia vero haec navicula non torpentes vehit, sed fortiter
remigantes, significatur quod in Ecclesia non desidiosi et molles, sed fortes
et in bonis operibus perseverantes perveniunt ad portum salutis aeternae. Lectio 3 [86041] Catena in Io., cap. 6 l. 3 Chrysostomus
in Ioannem. Dominus, etsi turbis non manifeste ostenderit quomodo supra mare
ambulaverit, dedit tamen eis latenter suspicari quod factum erat; et hoc
Evangelista ostendit, dicens altera die turba quae stabat trans mare, vidit
quia navicula alia non erat ibi nisi una, et quia non introisset cum
discipulis suis Iesus in navim, sed soli discipuli eius abiissent. Quid enim
hoc erat aliud quam suspicari quod mare pede transiens, recesserat? Neque
enim est dicere quod in alia navicula pertransivit, quia una erat ibi tantum,
in quam ascenderunt discipuli eius, cum quibus ipse non intraverat. Augustinus
in Ioannem. Insinuatum autem est illis tam magnum miraculum. Venerunt ergo
et aliae naves iuxta locum illum ubi manducaverant panem, in quibus turbae
eum secutae sunt; et hoc est quod subditur aliae vero naves supervenerunt
quaerentes eum. Chrysostomus in Ioannem. Sed tamen post miraculum tam
magnum venientes, non interrogaverunt eum qualiter pertransiit, neque
curaverunt tantum miraculum addiscere; sequitur enim et cum invenissent eum
trans mare, dixerunt ei : Rabbi, quando huc venisti? Nisi quis dicat hic
quando pro qualiter dictum esse ab eis. Dignum autem est et hinc conspicere
facilem eorum mentem : qui enim dicebant : hic est propheta; qui studebant
rapere et facere eum regem, invenientes eum, nihil tale consiliantur.
Augustinus. Ecce enim ille qui in montem fugerat, turbatus cum ipsis
turbis loquitur. Modo teneant, modo regem faciant. Sed ille post miraculi
sacramentum et sermonem infert, et quorum satiavit panibus ventrem, satiat
sermonibus mentem. Alcuinus. Qui enim dedit exemplum fugiendae laudis
et terreni imperii, dat exemplum doctoribus qualiter debeant insistere
praedicationi. Chrysostomus in Ioannem. Mansuetudo autem et lenitas
non ubique est utilis; cum enim deses fuerit discipulus et grossus, stimulo
uti ad eum oportet; hoc et hic filius Dei facit : venientibus enim turbis et
blandientibus ei dicendo Rabbi, quando huc venisti? Ut ostendat quod eum, qui
ab hominibus est, honorem non concupiscit, sed solum inspicit eorum salutem,
redarguendo eis respondet, non solum corrigere volens, sed et mentem eorum
revelare; unde sequitur respondit eis Iesus, et dixit : amen, amen dico vobis
: quaeritis me, non quia vidistis signa, sed quia manducastis ex panibus, et
saturati estis. Augustinus. Quasi dicat : propter carnem me quaeritis,
non propter spiritum. Chrysostomus. Post reprehensionem autem
doctrinam eis adiungit, dicens operamini, non cibum qui perit, sed qui
permanet in vitam aeternam; quasi dicat : vos escam exquiritis temporalem;
ego autem corpora vestra nutrivi, ut per hoc exquireretis illam escam quae
non temporaneam, sed aeternam tribuit vitam. Alcuinus. Corporeus cibus
carnem tantum reficit exterioris hominis; et semel acceptus non sufficit,
nisi quotidie accipiatur; spiritualis autem cibus permanet in aeternum, et
satietatem perpetuam immortalitatemque largitur. Augustinus. Seipsum
autem insinuat istum cibum, ut in sequentibus illucescit; ac si dicat :
quaeritis me propter aliud : quaerite me propter me. Chrysostomus. Sed
quia quidam, eo quod volunt pigre nutriri, abutuntur hoc verbo, necessarium
est inducere id quod est Pauli : qui furabatur, iam non furetur; magis autem
laboret operando manibus suis, ut habeat unde tribuat necessitatem patienti.
Sed et ipse Corinthum veniens morabatur apud aquilam et Priscillam, et
operabatur. Dicendo autem ne operemini cibum qui perit, non insinuat quod
oporteat pigritari, sed quod oporteat operari et dare : hic enim est cibus
qui non perit; operari autem cibum qui perit, est affici saecularibus rebus.
Hoc igitur dixit, quia illi nullam fidei curam habuerunt, sed solum volebant
ventrem implere, nihil laborantes : et hoc decenter cibum qui perit vocavit.
Augustinus. Sicut autem Samaritanae dixerat : si scires qui petit a te
bibere, postulasses ab eo, et daret tibi aquam vivam, ita et hic subdit quem
filius hominis vobis dabit. Alcuinus. Quando autem per manum
sacerdotis corpus Christi accipis, non sacerdotem quem vides, sed illum quem
non vides attende. Sacerdos est dispensator huius cibi, non actor. Filius
hominis seipsum dat nobis, ut nos in ipso et ipse in nobis maneat. Istum
filium hominis nolite sic accipere quasi alios filios hominum : sequestratus
est enim quadam gratia, et exceptus a numero omnium : iste enim filius
hominis et Dei filius est; et hoc est quod subdit hunc enim pater signavit
Deus. Signare est signum ponere; quasi dicat : nolite me contemnere, quia filius
hominis sum : sic enim sum filius hominis ut Deus pater me signaret, idest
proprium aliquid mihi daret, quo non confunderer cum genere humano, sed per
me liberaretur genus humanum. Hilarius de Trin. Signaculorum autem
natura est ut omnem impressae in se speciei explicent formam, et nihil minus
ex eo in se habeant unde signantur; et dum totum accipiunt quod imprimitur,
totum ex se praeferunt quidquid impressum est. Verbum igitur hoc ad divinae
nativitatis non proficit exemplum : quia in signaculis et materies fit, et
diversitas, et impressio, per quam mollioribus naturis, validiorum generum
species imprimuntur. Unigenitus vero Deus et per sacramentum salutis nostrae
hominis filius, volens proprietatis nobis paternae in se signare speciem,
signatum se a Deo ait, ut per hoc potestas in eo dandae ad aeternitatem escae
intelligi possit, quia omnem in se paternae formae plenitudinem signantis se
Dei contineret. Chrysostomus in Ioannem. Vel
signavit, idest in hoc misit hanc nobis afferentem escam; vel signavit, idest
revelavit per suum testimonium. Alcuinus. Mystice autem altera die,
idest post ascensionem Christi, turba, stans in bonis operibus, non iacens in
terrenis voluptatibus, expectat ut veniat ad eos Iesus. Una autem
navis est una Ecclesia : sed et aliae naves quae superveniunt, sunt
conventicula haereticorum, qui quae sua sunt quaerunt, non quae Iesu Christi;
unde convenienter eis dicitur quaeritis me, quia manducastis ex panibus. Augustinus. Quam
multi etiam non quaerunt Iesum, nisi ut illis benefaciat secundum tempus.
Alius negotium habet, quaerit intercessionem clericorum : alius premitur a
potentiore, fugit ad Ecclesiam : vix quaeritur Iesus propter Iesum. Gregorius
Moralium. Per eorum etiam personam, dominus illos intra sanctam Ecclesiam
detestatur qui per sacros ordines ad dominum propinquantes, non in eisdem
ordinibus virtutum merita, sed subsidia praesentis vitae exquirunt. Satiatos
quippe de panibus dominum sequi, est de sancta Ecclesia temporalia alimenta
sumpsisse; et non pro signis dominum, sed pro panibus quaerere, est ad
religionis officium non pro augendis virtutibus, sed pro requirendis
subsidiis inhiare. Beda. Illi etiam qui in oratione quaerunt non
aeterna, sed temporalia, quaerunt Iesum non propter Iesum, sed propter
aliquid aliud. Significatur autem mystice quoniam haereticorum conventicula
carent hospitio Christi ac discipulorum eius; et dicuntur aliae supervenisse
naves, quia haereses repentinae fuerunt. Per turbam autem, quae cognovit quod
Iesus non erat ibi, neque discipuli eius, illi designantur qui cognoscentes
errores haereticorum, relinquunt eos, et ad veram fidem veniunt. Lectio 4 [86042] Catena in Io., cap. 6 l. 4 Alcuinus.
Intellexerant escam istam quae permanet in vitam aeternam, esse opus Dei;
et ideo interrogant quid facerent, ut istum cibum, idest opus Dei, operari
possint; et hoc est quod dicitur dixerunt ergo ad eum : quid faciemus ut
operemur opera Dei? Beda. Idest, quae praecepta servando, poterimus
implere opera Dei? Chrysostomus in Ioannem. Hoc autem dicebant, non ut
discant et faciant; sed ad cibi exhibitionem eum inducere volentes.
Theophylactus. Christus vero, quamvis cognosceret quod eis nihil
proderat, tamen propter communem utilitatem respondit, et ostendit eis, immo
omnibus hominibus, quod sit opus Dei; unde sequitur respondit Iesus, et dixit
eis : hoc est opus Dei, ut credatis in eum quem misit ille. Augustinus
in Ioannem. Non autem dicit : ut credatis ei, sed ut credatis in eum : non
enim continuo qui credit ei, credit in eum, nam et Daemones credebant ei, et
non credebant in eum; et nos credimus Paulo, sed non in Paulum. Credere
ergo in eum, est credendo amare, credendo diligere, credendo in eum ire, et
eius membris incorporari. Ipsa est fides quam de nobis exigit
Deus, quae per dilectionem operatur. Discernitur
tamen ab operibus fides, sicut dicit apostolus : iustificari hominem per
fidem sine operibus legis. Et sunt opera quae videntur bona sine fide
Christi, et non sunt bona, quia non referuntur ad eum finem ex quo sunt bona;
finis enim legis Christus ad iustitiam omni credenti; et ideo noluit
discernere ab opere fidem; sed ipsam fidem dixit esse opus Dei; ipsa est enim
fides quae per dilectionem operatur. Nec dixit : hoc est opus vestrum; sed
hoc est opus Dei, ut credatis in eum, ut qui gloriatur, in domino glorietur.
Credere ergo in eum, est manducare cibum qui permanet in vitam aeternam. Ut
quid paras dentem et ventrem? Crede, et manducasti. Quia ergo invitabat eos
ad fidem, illi adhuc quaerebant signa quibus crederent; Iudaei enim signa
quaerunt; et hoc est quod sequitur dixerunt ergo ei : quod ergo tu facis
signum, ut videamus et credamus tibi? Quid operaris?
Chrysostomus. Nihil irrationabilius quam ut, signo prae manibus existente,
quasi nullo iam signo facto, hoc dicant. Neque electionem signi fiendi domino
permittunt; sed in necessitatem eum aestimant ducere, ut nullum aliud faciat
signum quam tale quale factum est in eorum parentibus; unde subditur patres
nostri manducaverunt manna in deserto. Alcuinus. Et ne videatur
manna aliquo modo contemnendum, auctoritate Psalmi illud extollunt, dicentes
sicut scriptum est : panem de caelo dedit eis manducare. Chrysostomus. Multis
quidem factis signis et in Aegypto, et in mari rubro, et in deserto, huius
maxime meminerunt, quod valde concupiscebant propter ventris tyrannidem.
Neque autem dicunt quod Deus hoc fecit, ne videantur eum exaequare Deo; neque
Moysen inducunt, ut non videantur Christum deprimere; sed medium ponunt
dicentes patres nostri manducaverunt manna. Vel aliter. Augustinus in
Ioannem. Dominus Iesus talem se dicebat ut se Moysi praeponeret : non enim
est ausus Moyses de se dicere, quod daret cibum qui non perit. Attendebant
itaque quanta fecisset Moyses; adhuc aliqua maiora volebant fieri; quasi
dicant : tu promittis cibum qui non perit, et non talia operaris qualia
Moyses. Panes hordeaceos ille non dedit, sed manna de caelo. Chrysostomus
in Ioannem. Licebat autem domino dicere, quoniam Moyse maiora miracula
fecit; sed non erat tempus horum verborum nunc; sed unum erat ad quod
studebat, scilicet ducere eos ad escam spiritualem; unde sequitur dicit ergo
eis Iesus : amen, amen, dico vobis : non Moyses dedit vobis panem de caelo,
sed pater meus dat vobis panem de caelo verum. An non ex caelo erat manna?
Qualiter igitur ex caelo dicitur? Sicut et volucres caeli dicuntur, et sicut
dicitur : intonuit de caelo dominus. Panem autem non verum vocavit illum, non
quia falsum erat miraculum de manna; sed quia figura erat, non veritas. Non
dixit : non Moyses dedit, sed ego; sed pro Moyse quidem Deum, pro manna vero
seipsum posuit. Augustinus. Quasi diceret : illud manna hoc
significabat, scilicet cibum de quo paulo ante locutus sum; et omnia signa
mea erant. Signa mea dilexistis; quod significatur, contemnitis. Deus enim
dat panem quem significavit manna ipsum, scilicet dominum Iesum Christum;
unde sequitur panis enim verus est qui de caelo descendit, et dat vitam mundo.
Beda. Non quidem elementis, sed hominibus habitatoribus mundi.
Theophylactus. Seipsum dicit panem verum, quia principale significatum per
manna est unigenitus Dei filius, homo factus. Manna namque interpretatur quid
est hoc? Nam Iudaei videntes, stupefacti, unus ad alium dicebant : quid est
hoc? Filius autem Dei factus homo ipse est potissimum admirativum manna, ita
ut cuilibet contingat quaerere : quid est hoc? Quomodo filius Dei, filius
hominis est? Quomodo ex duabus naturis una fit persona? Alcuinus. Qui
per assumptam humanitatem descendit de caelo, et per assumentem divinitatem
dat vitam mundo. Theophylactus. Hic autem panis vita secundum naturam
existens, tamquam vivi patris filius, proprium opus facit, quia vivificat
cuncta. Sicut enim panis ex terra infirmam naturam carnis conservat, sic et
Christus per spiritus operationes vivificat animam, et etiam corpus
incorruptibile facit, nam per eius resurrectionem corporalis confertur
incorruptio; et ideo dicit quod dat vitam mundo. Chrysostomus. Non
Iudaeis solum, sed orbi terrarum. Illi vero inferius adhuc inspiciebant; unde
sequitur dixerunt ergo ad eum : domine, semper da nobis hunc panem. Dicente
autem eo, quoniam pater meus dat vobis panem, non dixerunt : roga ut det, sed
da nobis. Augustinus. Sicut enim Samaritana, cui dictum est : qui
biberit de hac aqua, non sitiet unquam, secundum corpus accipiens, et carere
indigentia volens, da mihi, inquit, domine, de hac aqua, sic et isti dicunt
da nobis panem qui reficiat et non deficiat. Lectio 5 [86043] Catena in Io., cap. 6 l. 5 Chrysostomus
in Ioannem. De reliquo dominus in mysteriorum traditionem eos inducturus est; et
primo de deitate sua loquitur; unde dicitur dixit autem eis Iesus : ego sum
panis vitae. Non enim hoc de corpore eius dictum est; de illo enim in fine
dicit : panis quem ego dabo caro mea est. Sed interim de divinitate loquitur
: etenim caro propter domini verbum panis est, quod spiritum ipsum suscipienti
panis caelestis fit. Theophylactus. Non autem dixit ego sum panis
nutrimenti, sed vitae : quia enim cuncta mortifera erant, vivificavit nos
Christus per seipsum. Est autem panis non consuetae vitae, sed illius quae
morte non resecatur; unde subditur qui venit ad me, non esuriet; et qui
credit in me, non sitiet in aeternum. Augustinus in Ioannem. Qui venit
ad me, hoc est qui credit in me; et quod dixit non esuriet, hoc intelligendum
est : et non sitiet unquam; utroque enim significatur aeterna illa satietas,
ubi nulla est egestas. Theophylactus. Vel non sitiet neque esuriet;
idest, ad verbum Dei audiendum neque taediosus efficietur, neque sitiet siti
intellectuali : quasi non habeat aquam Baptismi et sanctificationem per
spiritum factam. Augustinus. Panem igitur de caelo desideratis : ante
vos habetis, sed non manducatis; unde sequitur sed dixi vobis quia vidistis
me et non credidistis. Alcuinus. Quasi dicat : non ideo hoc dixi quod
vos sciam hoc pane satiandos, sed potius ad improperium vestrae incredulitatis
dico, quia videtis et non creditis. Chrysostomus. Vel per hoc quod
dicit dixi vobis, insinuat testimonium Scripturarum, de quo dixerat : illae
sunt quae testimonium perhibent de me. Et iterum dixerat : quoniam veni in
nomine patris mei, et non suscepistis me. Hoc autem quod dicit quia vidistis
me, signa occulte insinuat. Augustinus. Sed non ideo ego populum Dei
perdidi, quia vos vidistis et non credidistis; unde sequitur omne quod dat
mihi pater, ad me veniet, et eum qui venit ad me, non eiiciam foras. Beda.
Absolute dicit omne, ut ostenderet plenitudinem fidelium. Hi autem sunt
quos pater dat filio, quando per occultam inspirationem facit eos credere in
filium. Alcuinus. Quemcumque ergo pater traxerit ad hoc ut credat in
me, veniet per fidem ad me, ut mihi iungatur; et eum qui passibus fidei et
bonae operationis veniet ad me, non eiiciam foras; idest, in secreto purae
conscientiae mecum morabitur, et tandem recipiam eum in aeterna beatitudine.
Augustinus.
Illud enim intus, unde non exitur foras, est magnum penetrale et dulce
secretum, sine taedio, sine amaritudine malarum cogitationum, sine
interpellatione tentationum et dolorum; de quo dicitur : intra in gaudium
domini tui. Chrysostomus. Per hoc autem quod dicit quod dat mihi
pater, ostendit quoniam non contingens res est credere in Christum, neque
cogitationibus humanis perficitur; sed ea quae desuper revelatione indiget,
et anima devota suscipiente revelationem : unde non sunt ab accusatione eruti
quibus non dat pater; indigemus enim et ea quae ex nobis est voluntate ad
credendum. Per hoc autem tangit incredulitatem eorum, ostendens
quoniam qui non credit ei, voluntatem transgreditur patris. Paulus autem
ait quod ipse eos tradiderit patri : cum tradiderit regnum Deo et patri.
Sicut igitur pater dans non privat seipsum, sic nec filius tradens. Dicitur
autem filius tradere, quoniam per eum ad patrem adducimur. Et de patre
dictum est : per quem vocati estis in societatem filii eius. Sic igitur qui
venit ad me salvabitur, quia pro his veni et carnem assumpsi; unde sequitur
quia descendi de caelo, non ut faciam voluntatem meam, sed voluntatem eius
qui misit me. Quid dicis? Alia sunt tua, et quae illius? Ne igitur hoc
aliquis suspicetur, subiunxit haec est autem voluntas eius qui misit me, ut
omnis qui videt filium et credit in eum, habeat vitam aeternam. Per hoc autem
et filius vult, quia filius quos vult vivificat. Quid est igitur quod dicit?
Non aliud acturus veni quam quod pater vult, quasi non habens divisam
voluntatem a patre : omnia enim quae patris sunt, mea sunt. Sed
hoc non dixit; sed in fine reservat; excelsa enim interim occultat.
Augustinus in Ioannem. Vel aliter. Quare non eiciat foras, subiungit
dicens quia descendi de caelo, non ut faciam voluntatem meam, sed voluntatem
eius qui misit me. Propterea enim anima a Deo exiit, quia superba erat.
Superbia enim eiecti sumus, humilitate regredimur. Medicus enim quando
aegritudinem discutit, si curet quod per aliquam causam factum est, et ipsam
causam non curet, ad tempus videtur mederi, sed causa manente, morbus
repetitur. Ut ergo causa omnium morborum curaretur, idest
superbia, descendit, et humilis factus est filius Dei. Quid superbis, homo?
Filius Dei propter te humilis factus est. Puderet te fortasse imitari humilem
hominem; saltem imitare humilem Deum : haec est enim commendatio humilitatis.
Non veni facere voluntatem meam, sed voluntatem eius
qui misit me : superbia quippe facit voluntatem suam, humilitas voluntatem
Dei. Hilarius de Trin. Non igitur hoc dicit quia
faciat quod non velit; sed obedientiam suam sub effectu paternae voluntatis
ostendit, volens ipse voluntatem patris explere. Augustinus. Ideo
ergo qui ad me venerit, non eiciam eum foras, quia non veni facere voluntatem
meam. Humilis veni humilitatem docere : qui ad me venit incorporatur mihi et
humilis fit, quia non faciet voluntatem suam, sed Dei; et ideo non eicitur
foras, quia cum superbus esset, proiectus est foras, ad me enim venire non
potest nisi humilis : non mittitur foras nisi superbia; qui servat
humilitatem, non labitur a veritate. Quare autem ideo non eiciat foras qui
venit ad illum, quia non venit facere voluntatem suam, ostendit cum subdit
haec est enim voluntas eius qui misit me patris, ut omne quod dedit mihi
pater non perdam ex eo. Ipse illi datus est qui servat humilitatem. Non est
voluntas in conspectu patris, ut pereat unus de pusillis. De tumentibus
potest perire, de pusillis nihil perit : quia nisi fueritis sicut pusillus
iste, non intrabitis in regnum caelorum. Augustinus de correptione et
gratia. Qui ergo in Dei providentissima dispositione praesciti,
praedestinati, vocati, iustificati, glorificati sunt, etiam nondum renati,
sed et nondum nati, iam filii Dei sunt et omnino perire non possunt : hi enim
vere veniunt ad Christum. Ab illo ergo datur etiam perseverantia in bono
usque in finem : neque enim datur nisi eis qui non peribunt : quoniam qui non
perseverant peribunt. Chrysostomus in Ioannem. Per hoc autem quod
dicit non perdam ex eo, non ostendit se indigere eorum cura; sed hoc dicit
propter eorum salutem. Postquam autem dixerat : non perdam ex eo et non
eiiciam foras, subiungit sed resuscitem eum in novissimo die : quia in
resurrectione communi mali eicientur, secundum illud : tollite eum, et
eiicite eum in tenebras exteriores. Ipsi etiam perdentur, secundum illud :
qui potest animam et corpus perdere in Gehennam. Ideo
autem multoties resurrectionem inducit, ut non ex solis rebus praesentibus
iudicent Dei providentiam, sed aliam expectent vitam.
Augustinus in Ioannem. Videte autem quemadmodum et hic geminam illam
resurrectionem designet. Qui venit ad me, modo resurget humilis factus in
membris meis. Sequitur autem sed resuscitabo illum in novissimo die. Ad
exponendum autem quod dixerat : omne quod dedit mihi pater, et iterum quod
dixerat : non perdam ex eo, subiungit haec est enim voluntas patris mei qui
misit me, ut omnis qui videt filium et credit in eum, habeat vitam aeternam. Superius dixit
: qui audit verbum meum, et credit ei qui misit me; modo autem : qui videt
filium et credit in eum. Non dixit : et credit in patrem : hoc est enim
credere in filium, quod et in patrem : quia sicut pater habet vitam in
semetipso, sic dedit et filio vitam habere in semetipso ut sic omnis qui
videt filium et credit in eum, habeat vitam aeternam, credendo et transeundo
ad vitam, tamquam prima illa resurrectione; et quia ipsa non est sola,
subiungit de secunda et ego resuscitabo eum in novissimo die. Lectio 6 [86044] Catena in Io., cap. 6 l. 6 Chrysostomus
in Ioannem. Iudaei existimantes se comestione carnali potiri, non turbabantur,
usquequo postea diffisi sunt; unde dicitur murmurabant ergo Iudaei de illo,
quia dixisset : ego sum panis vivus, qui de caelo descendi. Videbantur quidem
turbari in hoc quod dixerat eum de caelo descendisse; sed non hoc erat quod
turbationem faciebat, sed hoc quod non expectabant potiri mensa corporali.
Adhuc tamen eum venerabantur, quia recens erat signum; et propterea non
manifeste ei contradicebant, sed murmurando suam turbationem ostendebant.
Quid autem murmurando dixerint subditur et dicebant : nonne hic est Iesus
filius Ioseph, cuius novimus patrem et matrem? Quomodo ergo dicit hic : quia
descendi de caelo? Augustinus in Ioannem. Longe autem isti erant a
pane de caelo, nec eum esurire noverant : panis enim iste interioris hominis
quaerit esuriem. Chrysostomus. Manifestum est enim quoniam mirabilem
eius nondum sciverant generationem; propterea eum adhuc filium Ioseph dicunt.
Sed non increpantur : non enim respondit eis : non sum filius Ioseph, quia
non poterant illum mirabilem partum audire. Si vero eum qui secundum carnem,
non poterant manifeste audire, multo magis nec superiorem ineffabilem.
Augustinus. Ab hominibus enim carnem assumpsit, sed non more hominum : nam
patrem habens in caelo, matrem elegit in terra, et illic natus sine matre, et
hic sine patre. Quid ergo talibus murmurantibus respondit subditur respondit
ergo Iesus, et dixit eis : nolite murmurare invicem; quasi dicat : scio quare
non esuritis sic, ut istum panem non intelligatis neque quaeratis. Nemo
potest venire ad me, nisi pater qui misit me traxerit illum. Magna gratiae
commendatio : nemo venit nisi tractus. Quem trahat et quem non trahat, quare
illum trahat et illum non trahat, noli velle iudicare, si non vis errare.
Semel accipe, et intellige; si non traheris, ora ut traharis. Chrysostomus.
Hic autem insiliunt Manichaei dicentes, quoniam nihil in nobis est
positum. Sed hoc non quod in nobis est destruit, sed ostendit nos divino
auxilio indigentes : ostendit enim hic non eum qui invitus venit, sed eum qui
multam patitur oppugnationem. Augustinus. Sed si inviti trahimur ad
Christum, inviti credimus; ergo violentia adhibetur, non voluntas excitatur.
Sed intrare quisquam Ecclesiam potest nolens; credere non potest nisi volens;
corde enim creditur ad iustitiam. Si ergo invitus venit qui trahitur, non
credit; si non credit, non venit : non enim ad Christum ambulando currimus,
sed credendo; nec motu corporis, sed voluntate cordis accedimus : ergo
voluntate traheris. Quid est autem trahi voluntate? Delectare in domino, et
dabit tibi petitiones cordis tui. Est quaedam voluptas cordis, cui dulcis est
panis ille caelestis. Porro si poetae dicere licuit : trahit sua quemque
voluptas, quanto fortius nos dicere debemus trahi hominem ad Christum, qui
delectatur veritate, beatitudine, iustitia, sempiterna vita, quod totum
Christus est? An vero habent corporis sensus voluptates suas, et animus
deseritur a voluptatibus suis? Da amantem, desiderantem, ferventem, fonti
aeternae patriae suspirantem; et scit quid dicam. Sed quare voluit dicere
quem traxerit pater? Si trahendi sumus, ab illo trahamur cui dicit quaedam
quae diligit : trahe me post te. Sed quid intelligi voluit advertamus. Trahit
pater ad filium eos qui propterea credunt in filium, quia eum cogitant patrem
habere Deum. Deus enim pater aequalem sibi genuit filium : et qui cogitat,
atque in fide sua sentit, ac ruminat aequalem esse patri eum in quem credit,
ipsum trahit pater ad filium. Arius credidit creaturam : non eum traxit
pater. Photinus dicit : homo solum est Christus. Qui sic credit, non eum
pater trahit. Traxit Petrum qui dixit : tu es Christus filius Dei vivi; unde
ei dictum est : non tibi revelavit caro et sanguis, sed pater meus qui in
caelis est. Ista revelatio ipsa attractio est. Si enim qui inter delicias
terrenas revelantur amantibus, trahunt, non trahet revelatus Christus a
patre? Quid enim fortius desiderat anima quam veritatem? Sed hic homines
esuriunt, ibi saturabuntur; ideo subiecit et ego resuscitabo eum in novissimo
die : quasi dicat : saturabitur eo quod et hic sitit, in resurrectione
mortuorum, quoniam ego resuscitabo eum. Augustinus de
quaest. Nov. et Vet. Testam. Vel attrahit pater ad filium per opera quae
faciebat per illum. Chrysostomus in Ioannem. Non parva
dignitas filii, si pater adducit; et ipse suscitat, non dividens ad patrem
opera, sed ostendens parilitatem virtutis. Deinde ostendit modum secundum
quem pater trahit, dicens scriptum est in prophetis : et erunt omnes
docibiles Dei. Vides fidei dignitatem; quoniam non ab
hominibus, neque per homines, sed ab ipso Deo eam debeant addiscere. Magister enim
praesidet omnibus paratus existens sua tribuere, ad omnes suam doctrinam
effundens. Si autem erunt omnes docibiles Dei, qualiter quidam non credunt?
Quia hoc de pluribus dictum est, sive quoniam omnes qui volunt. Augustinus
de Praedest. Sanct. Vel aliter. Sicut integre loquimur cum de aliquo
litterarum magistro qui in civitate solus est, dicimus : omnes iste hic
litteras docet : non quia omnes discunt, sed quia nemo nisi ab illo discit
quicumque ibi litteras discit; ita recte dicimus : omnes Deus docet venire ad
Christum, non quia omnes veniunt, sed quia nemo aliter venit. Augustinus
in Ioannem. Vel aliter. Omnes regni illius homines docibiles erunt Dei,
non ab hominibus audient : et si hic ab hominibus audiunt, tamen quod intelligunt,
intus datur. Strepitum verborum ingero auribus vestris, nisi revelet ille qui
intus est. Quomodo ergo, o Iudaei, me potestis agnoscere, quos pater non
docuit? Beda. Dicit autem pluraliter in prophetis, quia omnes
prophetae uno eodemque spiritu repleti, licet diversa prophetarent, tamen ad
idem tendebant : quapropter cum quovis eorum omnes alii concordabant, sicut
cum Ioele propheta, qui dicit : erunt omnes docibiles Dei. Glossa. Hoc
in Ioele non invenitur, sed aliquid simile : dicitur enim ibi : filii Sion,
exultate et laetamini in domino Deo nostro : quia dedit nobis doctorem.
Expressius tamen est in Isaia, ubi dicitur : ponam universos filios tuos
doctos a domino. Chrysostomus. Quod quidem praecipuum est, quia ante
per homines discebant quae Dei sunt, nunc autem per unicum filium Dei et
spiritum sanctum. Augustinus de Praedest. Sanct. Omnes autem docibiles
Dei veniunt ad filium, quoniam audierunt et didicerunt a patre per filium;
unde subditur omnis qui audivit a patre, et didicit, venit ad me. Si autem
omnis qui audivit a patre et didicit, venit, profecto omnis qui non venit,
non audit a patre, nec didicit. Valde remota est a sensibus carnis haec
schola, in qua pater auditur et docet, ut veniatur ad filium; nec agit hoc
cum carnis aure, sed cordis, ubi est et ipse filius; quia ipse est verbum
eius per quod pater sic docet : simul est et spiritus sanctus : inseparabilia
enim didicimus esse opera Trinitatis. Sed patri hoc potissimum est
attributum, quia de ipso procedit et filius et spiritus sanctus. Itaque
gratia quae occulte et humanis cordibus divina largitate tribuitur, a nullo
corde duro respuitur : ideo quippe tribuitur, ut cordis duritia primitus
auferatur. Cur ergo non omnes docet ut veniant ad Christum, nisi quia eos
quos docet, misericordia docet; quos autem non docet, iudicio non docet? Si
autem dixerimus, quod volunt discere, quos non docet, respondebitur nobis :
et ubi est quod ei dicitur : Deus, tu convertens vivificabis nos? Aut si non
faciat volentes ex nolentibus Deus, ut quid orat Ecclesia secundum praeceptum
domini pro persecutoribus suis? Non enim quisquam dicere potest : credidi, ut
sic vocarer; praevenit quippe eum misericordia Dei, quia sic est vocatus ut
crederet. Augustinus in Ioannem. Ecce ergo quomodo trahit pater
docendo de veritate, non necessitatem imponendo; trahere enim Dei est. Omnis
qui audivit a patre, et didicit, venit ad me. Quid igitur? Christus nihil
docuit? Quid quod? Patrem magistrum homines non viderunt, filium viderunt?
Filius ergo dicebat, sed pater docebat. Si enim ego homo cum sim, illum doceo
qui audivit verbum meum, illum docet et pater qui audivit verbum eius.
Exponit autem hoc ipse, et ostendit nobis quid dixerat, continuo subiungens
non quia patrem vidit quisquam; nisi qui a Deo est, hic vidit patrem; quasi
dicat : ne forte cum dico vobis omnis qui audivit a patre, et didicit,
dicatis apud vos : nunquam vidimus patrem : quomodo ab eo discere poterimus?
A meipso audite. Ego novi patrem, ab illo sum, quomodo verbum est ab illo
cuius est verbum : non quod sonat et transit, sed quod manet cum dicente, et
trahit audientem. Chrysostomus. Omnes quidem a Deo sumus. Id vero quod
est praecipuum filii et proprium, hic non posuit propter auditorum
imbecillitatem. Lectio 7 [86045] Catena in Io., cap. 6 l. 7 Augustinus
in Ioannem. Revelare voluit se dominus quid esset; unde dicit amen, amen, dico
vobis : qui credit in me, habet vitam aeternam; quasi dicat : qui credit in
me, habet me. Quid est autem habere me? Habere vitam aeternam : vita enim
aeterna est verbum, quod in principio erat apud Deum, et vita erat lux
hominum. Assumpsit vita mortem, ut vita occideret mortem. Chrysostomus
in Ioannem. Quia vero turbae instabant, cibum corporalem petentes, et eius
cibi qui patribus eorum datus erat reminiscentes, ut ostendat quod omnia illa
figura erant huius veritatis praesentis, mentionem de cibo spirituali facit,
dicens ego sum panis vitae. Panem quidem vitae se ipsum vocat, quoniam vitam
nostram continet, et hanc, et futuram. Augustinus. Sed quia illi de
manna superbiebant, subiungit patres vestri manducaverunt manna in deserto,
et mortui sunt. Ideo patres vestri, quia similes estis illorum : murmuratores
patres murmuratorum filiorum : nam de nulla re magis Deum offendisse ille
populus dictus est, quam contra Deum murmurando. Ideo autem mortui sunt, quia
quod videbant credebant; quod non videbant non credebant, neque intelligebant.
Chrysostomus. Non autem sine causa addit in deserto; sed occulte insinuans
quoniam non longum tempus fuit, quo scilicet manna datum est; neque simul cum
eis venit in terram promissionis. Sed quia videbant panem datum a Christo
minus quid esse illo quod patribus datum erat, in eo quod illud desuper
descendebat, miraculum vero panum inferius gerebatur; propterea subiungitur
hic est panis de caelo descendens. Augustinus. Hunc panem significavit
manna; hunc panem significabat altare Dei. Sacramenta haec sunt, et illa
fuerunt : in signis diversa sunt; in re quae significatur, paria sunt.
Apostolum audi : omnes eamdem escam spiritalem manducaverunt. Chrysostomus.
Deinde ostendit quod maxime eos poterat persuadere, quoniam ipsi patribus
suis multo digniores effecti sunt, qui manna manducantes sunt mortui; et ideo
subdit ut si quis ex ipso manducaverit, non moriatur. A fine utriusque cibi
ostendit differentiam. Panem autem hic dogmata salutaria dicit, et fidem quae
in ipsum est, aut corpus suum : haec enim conservant animam. Augustinus. Sed
numquid nos non morimur, qui manducamus panem descendentem de caelo? Sic illi
sunt mortui quemadmodum et nos sumus morituri, quantum attinet ad mortem
huius corporis visibilem, atque carnalem; quantum autem pertinet ad mortem
spiritalem, qua patres istorum mortui sunt, manducavit manna Moyses et multi
qui domino placuerunt, et mortui non sunt; quia visibilem cibum spiritualiter
intellexerunt, spiritualiter gustaverunt, ut spiritualiter satiarentur. Nam
et nos hodie accipimus visibilem cibum; sed aliud est sacramentum, aliud
virtus sacramenti : quoniam multi de altari accipiunt, et accipiendo
moriuntur : unde apostolus : iudicium sibi manducat et bibit. Panem ergo
caelestem spiritualiter manducare, est innocentiam ad altare apportare;
peccata, etsi sint quotidiana, non sint mortifera; antequam ad altare
accedatis attendite quid dicatis : dimitte nobis debita nostra, sicut et nos
dimittimus debitoribus nostris. Si dimittis, dimittentur tibi; securus accede
: panis est, non venenum. Si quis ergo ex hoc pane manducaverit, non
morietur; sed quod pertinet ad virtutem sacramenti, non quod pertinet ad
visibile sacramentum; qui manducat scilicet intus, non foris. Alcuinus. Ideo,
inquam, non moritur qui comedit hunc panem : quia ego sum panis vivus, qui de
caelo descendi. Theophylactus. Per hoc scilicet quod incarnatus est.
Non ergo prius solum fuit homo, et postmodum assumpsit divinitatem, ut
Nestorius fabulatur. Augustinus. De caelo descendit et manna; sed
manna umbra erat, iste veritas est. Alcuinus. Est autem mea vita
vivificans; unde sequitur si quis manducaverit ex hoc pane, vivet, non tantum
in praesenti per fidem et iustitiam, sed in aeternum. Augustinus. Determinat
consequenter dominus quomodo se panem dicat, non tantum secundum divinitatem
quae pascit omnia, sed etiam secundum humanam naturam quae est assumpta a
verbo Dei, cum subdit et panis quem ego dabo, caro mea est pro mundi vita.
Beda. Hunc panem tunc dominus dedit, quando mysterium corporis et
sanguinis sui discipulis tradidit, et quando semetipsum Deo patri obtulit in
ara crucis. Quod vero dicit pro mundi vita, non debemus intelligere pro
elementis, sed pro hominibus, qui mundi nomine designantur.
Theophylactus. In hoc quod dicit quem ego dabo, potestatem suam
demonstrat, quod non sicut servus minor patre crucifixus est, sed voluntarie
: nam etsi a patre dari dicatur, tamen seipsum tradidit ipse. Attende autem,
quod panis qui in mysteriis a nobis assumitur, non solum figuram gerit carnis
Christi, sed ipse est vera caro Christi; non enim dixit panis quem ego dabo,
figuram carnis meae gerit, sed caro mea est. Transmutatur inenarrabilibus
verbis iste panis per mysticam benedictionem et habitationem spiritus sancti
in carnem Christi. Sed quare non videmus carnem? Quia si caro videretur,
horror nos in eius assumptione invaderet; unde ut nostrae infirmitati
condescendatur, talis nobis videtur mysticus cibus secundum quod nostrae consuetudini
competebat. Pro mundi autem vita carnem suam
tradidit, quia moriendo, mortem solvit. Ego etiam intelligo pro mundi vita
resurrectionem : nam domini mors universalem resurrectionem toti generi
humano ministravit. Forte autem et vitam quae in sanctificatione et
beatificatione consistit, et spiritu, mundi vitam dixit : quamvis enim non
omnes susceperint vitam quae est in sanctificatione et spiritu; tamen dominus
seipsum pro mundo tradidit; et quantum in eo est, totus mundus sanctificatur. Augustinus
in Ioannem. Quando autem caperet caro quod dixit panem carnem? Norunt
autem fideles corpus Christi, si corpus Christi esse non negligant : fiant
corpus Christi, si volunt vivere de spiritu Christi : de spiritu enim Christi
non vivit nisi corpus Christi. Numquid enim corpus meum vivit de spiritu tuo?
Hunc panem exponit apostolus dicens : unum corpus multi sumus. O sacramentum
pietatis, o signum unitatis, o vinculum caritatis. Qui vult vivere, accedat,
credat, incorporetur ut vivificetur. Lectio 8 [86046] Catena in Io., cap. 6 l. 8 Augustinus
in Ioannem. Quia Iudaei panem concordiae non intelligebant, ad invicem
litigabant; unde dicitur litigabant ergo Iudaei ad invicem, dicentes :
quomodo potest hic nobis dare carnem suam ad manducandum? Qui autem manducant
talem panem, non litigant ad invicem, quoniam per hunc Deus habitare facit
unanimes in domo. Beda. Putabant ergo Iudaei quod dominus particulatim
carnem suam divideret et eis ad manducandum daret; et ideo litigabant, quia
non intelligebant. Chrysostomus in Ioannem. Quia igitur dicebant hoc
esse impossibile, ut scilicet carnem suam ad manducandum daret, ostendit
quoniam non solum non est impossibile, sed valde necessarium; unde sequitur
dicit ergo eis Iesus : amen, amen, dico vobis : nisi manducaveritis carnem filii
hominis, et biberitis eius sanguinem, non habebitis vitam in vobis. Augustinus. Quasi
dicat : quomodo quidem edatur, et quisnam sit modus manducandi illum panem
ignoratis; verumtamen nisi manducaveritis carnem filii hominis, et biberitis
eius sanguinem, non habebitis vitam in vobis. Beda. Et ne crederetur
illis solis haec dixisse, mox generalem sententiam intulit, dicens qui
manducat meam carnem et bibit meum sanguinem. Augustinus. Et ne istam
vitam intelligentes, de hac re litigarent, secutus adiunxit habet vitam
aeternam. Hanc ergo non habet qui istam carnem non manducat, nec istum
sanguinem bibit. Nam temporalem vitam sine illo habere homines possunt;
aeternam vero omnino non possunt. Non ita est haec esca, quam sustentandae
huius temporalis vitae causa sumimus : nam qui eam non sumpserit, non vivet;
nec tamen qui eam sumpserit, vivet. Fieri enim potest ut morbo, vel senio,
vel aliquo casu plurimi qui eam sumpserint, moriantur. In hoc vero cibo et
potu, idest corporis et sanguinis domini, non ita est; nam et qui eum non
sumit, non habet vitam; et qui eum sumit, habet vitam, et hanc utique
aeternam. Theophylactus. Non enim puri hominis caro est, sed Dei, et
hominem divinum facere valens, tamquam divinitate inebrians. Augustinus
de Civ. Dei. Sunt autem quidam liberationem ab aeterno supplicio hominibus
promittentes Christi Baptismate ablutis, qui participes sunt corporis eius,
quomodolibet vixerint, propter illud quod dicitur hic. Sed contradicit eis
apostolus dicens : manifesta sunt opera carnis, quae sunt fornicatio,
immunditia, impudicitia, luxuria, idolorum servitus, veneficia, inimicitiae,
contentiones, aemulationes, irae, rixae, dissensiones, sectae, invidiae,
homicidia, ebrietates, comessationes, et his similia; quae praedico, sicut
praedixi, quoniam qui talia agunt, regnum Dei non possidebunt. Quamobrem
quomodo sit accipiendum quod hic dicitur, merito quaeritur. Qui enim in eius
est corporis unitate, idest in Christianorum compage membrorum, cuius
corporis sacramentum fideles communicantes de altari sumere consueverunt,
ipse vere dicendus est manducare corpus et bibere sanguinem Christi; ac per
hoc haeretici et schismatici ab unitate corporis separati, possunt idem
percipere sacramentum, sed non sibi utile, immo vero etiam noxium, quo
iudicentur gravius quam vel tardius liberentur. Nec illi etiam in perditis et
damnabilibus moribus debent esse securi, qui per vitae iniquitatem, ipsam
vitae iustitiam, quae est Christus, deserunt, sive fornicando, sive aliquid
huiusmodi faciendo : non enim isti dicendi sunt manducare corpus Christi,
quoniam nec in membris computandi sunt Christi. Ut enim alia taceam, non
possunt simul esse membra Christi et membra meretricis. Augustinus in
Ioannem. Hunc itaque cibum et potum societatem vult intelligi corporis et
membrorum suorum, quod est Ecclesia in praedestinatis et vocatis et
iustificatis et glorificatis sanctis et fidelibus eius. Huius rei
sacramentum, idest unitas corporis et sanguinis Christi, alicubi quotidie,
alicubi certis intervallis dierum in dominica mensa praeparatur, et de
dominica mensa sumitur : quibusdam ad vitam, quibusdam ad exitium. Res vero
ipsa, cuius sacramentum est, omni homini est ad vitam, nulli ad exitium,
quicumque eius particeps fuerit. Ne autem putarent sic in isto cibo et potu
promitti vitam aeternam, ut qui eum sumerent, iam nec corpore morerentur,
huic cogitationi occurrens subiungit dicens et ego resuscitabo eum in
novissimo die : ut scilicet habeant interim vitam aeternam secundum spiritum
in requie, quae sanctorum spiritus suscipit; quod autem ad corpus attinet,
nec corpus etiam vita aeterna fraudetur, sed in resurrectione mortuorum in
novissimo die eam habeat. Lectio 9 [86047] Catena in Io., cap. 6 l. 9 Beda.
Dixerat
superius : qui manducat meam carnem et bibit meum sanguinem, habet vitam
aeternam; et ut ostenderet quanta distantia sit inter corporalem cibum et
potum, et spirituale mysterium corporis et sanguinis sui, adiecit caro enim
mea vere est cibus, et sanguis meus vere est potus. Chrysostomus
in Ioannem. Hoc autem dicit, aut ut credant his quae dicta sunt, ut non
aestiment aenigma et parabolam esse, sed sciant quoniam omnino oportet
manducare corpus Christi; aut vult dicere, quod verus cibus est hic qui
animam salvat. Augustinus in Ioannem. Vel aliter. Cum cibo et potu id
appetant homines ut non esuriant neque sitiant; hoc veraciter non praestat
nisi iste cibus et potus, qui eos a quibus sumitur immortales et
incorruptibiles facit; idest societas ipsa sanctorum, ubi pax erit, et unitas
plena atque perfecta. Propterea dominus noster corpus et sanguinem suum in
eis rebus commendavit quae ad unum aliquid rediguntur ex multis : namque
aliud, scilicet panis, ex multis granis in unum constat; aliud, scilicet
vinum, ex multis acinis confluit. Deinde iam exponit quid sit manducare
corpus eius et sanguinem bibere, dicens qui manducat meam carnem et bibit
meum sanguinem, in me manet et ego in illo. Hoc est ergo manducare illam
escam et illum bibere potum, in Christo manere, et Christum in se habere. At
per hoc qui non manet in Christo, et in quo non manet Christus, proculdubio
nec manducat eius carnem, nec bibit eius sanguinem; sed magis tantae rei
sacramentum ad iudicium sibi manducat et bibit. Chrysostomus. Vel
aliter continuatur. Quia promiserat se manducantibus vitam aeternam, ut hoc
confirmet, induxit qui manducat meam carnem et bibit meum sanguinem, in me
manet et ego in illo. Augustinus de Verb. Dom. Multi quidem, qui vel
corde ficto carnem illam manducant et sanguinem bibunt, vel cum manducaverint
apostatae fiunt, numquid manent in Christo, et Christus in eis? Sed est
profecto quidam modus manducandi illam carnem et bibendi illum sanguinem, quo
modo qui manducaverit et biberit, in Christo manet, et Christus in eo.
Augustinus de Civ. Dei. Hoc est, illi qui non sacramento tenus tantum, sed
revera corpus Christi manducant, et sanguinem bibunt. Chrysostomus. Et
quia ego vivo, manifestum est quod ipse vivet : et ad hoc ostendendum
subiungit sicut misit me vivens pater, et ego vivo propter patrem, et qui
manducat me, et ipse vivet propter me; ac si dicat : vivo ego sicut pater; et
ne ingenitum aestimes, adiecit propter patrem, patrem sibi esse principium
occulte insinuans. Quod autem dicit qui manducat me, et ipse vivet propter
me, non de vita simpliciter hoc dicit, sed de approbata : etenim etiam infideles
vivunt non manducantes de carne illa. Sed neque de resurrectione communi hoc
dicit (etenim omnes suscitabuntur), sed de gloriosa et mercedem habente.
Augustinus in Ioannem. Non autem ait : sicut manduco patrem, et ego vivo
propter patrem, et qui manducat me, et ipse vivet propter me : non enim
filius participatione patris fit melior, sicut participatione filii per
unitatem corporis eius et sanguinis, quod illa manducatio et potatio
significat, nos efficimur meliores. Si ergo ita dictum est vivo propter
patrem, quia ipse de illo est, sine detrimento aequalitatis dictum est. Nec
tamen eamdem nostram et suam aequalitatem significavit, sed gratiam
mediatoris ostendit. Si autem secundum id accipimus vivo propter patrem, quod
alibi ait : pater maior me est; haec verba ita dixit, sicut misit me pater,
ac si diceret : ut ego vivam propter patrem, idest ad illum tamquam ad
maiorem referam vitam meam, exinanitio mea fecit, in qua me misit; ut autem
quisque vivat propter me, participatio facit qua manducat me. Hilarius de
Trin. De veritate igitur carnis et sanguinis Christi non relictus est
ambigendi locus; nunc enim ex ipsius domini professione, et fide nostra, vere
caro est et vere sanguis est. Hoc ergo vitae nostrae causa est, quod in nobis
carnalibus manentem per carnem Christum habemus, victuris nobis per eum ea
conditione qua vivit ille per patrem. Si ergo nos naturaliter secundum carnem
per eum vivimus, idest naturam carnis suae adepti; quomodo non naturaliter
secundum spiritum in se patrem habeat, cum vivat ipse per patrem? Per patrem
autem vivit, dum nativitas non alienam ei intulit diversamque naturam.
Augustinus in Ioannem. Ut autem illum panem manducando vivamus, qui
aeternam vitam ex nobis habere non possumus, de caelo descendit; unde
sequitur hic est panis qui de caelo descendit. Hilarius de Trin. Se
panem hic dicit; ipse enim origo sui corporis est. Ac ne verbi virtus atque
natura defecisse a se existimaretur in carne, panem carnem suam esse dixit;
ut per hoc quod descendens de caelis panis est, non ex humana conceptione
origo esse corporis eius existimaretur, dum caeleste esse corpus ostenditur.
At vero cum panis est, assumpti per verbum corporis est professio.
Theophylactus. Non enim purum Deum comedimus, nam et impalpabilis et
incorporeus est; neque etiam hominis puri carnem comedimus, quae nil posset
proficere. Sed quia Deus carnem sibi univit, caro eius vivificativa existit;
non quod in Dei naturam transierit; sed secundum quamdam igniti ferri
consuetudinem, quod et ferrum manet, et ignis actum ostendit; sic et caro
domini vivificativa est tamquam caro verbi Dei. Beda. Et ut ostenderet
distantiam umbrae et lucis, typi et veritatis, subiunxit non sicut
manducaverunt patres vestri manna, et mortui sunt. Qui manducat hunc panem,
vivet in aeternum. Augustinus. Quod autem illi mortui sunt, ita vult
intelligi, ut non vivant in aeternum. Nam temporaliter et hi profecto
morientur qui Christum manducant; sed vivunt in aeternum, quia Christus est
vita aeterna. Chrysostomus. Si enim possibile fuit sine messe et
frumento et aliis huiusmodi, quadraginta annis illorum vitam conservare;
multo magis nunc cibo spirituali hoc facere poterit, cuius illa erant
figurae. Frequenter autem vitam repromittit, quia nihil est ita delectabile
hominibus : unde et in veteri testamento longitudo vitae promittebatur; hic
autem vita finem non habens. Simul etiam per hoc ostendere
vult quoniam sententiam morti tradentem pro peccato nunc solvit, vitam
aeternam e contrario promittens. Sequitur haec dixit in synagoga, docens in
Capharnaum : ubi scilicet primae virtutes eius sunt factae. Docebat autem in
synagoga et in templo, multitudinem attrahere volens, et ostendens quoniam
non est contrarius patri. Beda. Mystice autem Capharnaum,
quae interpretatur villa pulcherrima, significat mundum; synagoga vero
Iudaicum populum. Per hoc ergo ostenditur quod dominus per mysterium
incarnationis mundo apparens, Iudaicum populum multa docuit, quae ipse
intellexit. Lectio 10 [86048] Catena in Io., cap. 6 l. 10 Augustinus in
Ioannem. Talia loquente Iesu, non crediderunt aliquid magnum dicentem, et
verbis illis aliquam gratiam cooperientem; sed prout voluerunt intellexerunt,
et more hominum, quia poterat aut disponebat Iesus carnem, qua indutum erat
verbum, veluti conscissam distribuere credentibus in se; unde dicitur multi
ergo audientes, non ex inimicis, sed ex discipulis eius dixerunt : durus est
hic sermo. Chrysostomus in Ioannem. Idest, difficile susceptibilis,
superexcedens eorum imbecillitatem : putabant enim eum supra seipsum loqui
maiora propria dignitate, et dixerunt quis potest eum audire? Quasi pro
seipsis respondentes, quia non debebant. Augustinus. Si autem
discipuli durum habuerunt istum sermonem, quid inimici? Et tamen sic
oportebat ut diceretur quod non ab hominibus intelligeretur; secretum Dei
intentos debet facere, non adversos. Theophylactus. Cum autem audis
quod discipuli eius murmurabant, non intelligas hos qui actu sunt discipuli,
sed hos qui in habitu et figura videbantur ab eo instrui. Nam inter
discipulos erant quidam ex plebe, qui dicebantur eius discipuli, quia multo
cum discipulis manebant tempore. Augustinus. Sic autem apud se ista
dixerunt ut ab illo non audirentur; sed ille, qui noverat in seipsis, apud
seipsum audiebat; unde sequitur sciens autem Iesus apud seipsum, quia murmurarent
de hoc discipuli eius, dixit eis : hoc vos scandalizat? Alcuinus. Quod
scilicet dixi vobis, manducare carnem meam, et bibere sanguinem meum.
Chrysostomus in Ioannem. Erat autem hoc suae deitatis signum, occulta in
medium ferre; unde sequitur si ergo videritis filium hominis ascendentem ubi
erat prius : supple : quid dicetis? Hoc et in Nathanaele fecit dicens :
quoniam dixi tibi : vidi te sub ficu, credis; maiora his videbis. Non igitur
quaestiones quaestionibus copulat; sed magnitudine dogmatum et multitudine
eos inducere vult. Non igitur discipulos in scandalum mittere volens hoc
dicit, sed eorum scandalum solvere volens : nam dum aestimant eum de Ioseph
natum, non suscipiunt ea quae dicebantur. Qui vero credituri erant quoniam de
caelo descendit et illuc ascendit, facilius attendunt his quae dicebantur.
Augustinus. Vel aliter. Hinc solvit quod illos commoverat : illum enim
putabant erogaturum corpus suum; ille autem dixit se ascensurum in caelum,
utique integrum. Cum videritis, inquiens, filium hominis ascendentem ubi erat
prius. Certe vel tunc videbitis quia non eo modo quo putatis erogat corpus
suum, et quia gratia eius non consumitur morsibus. Filius autem hominis
Christus ex virgine Maria hic esse coepit in terra, ubi carnem assumpsit ex
terra : quid ergo vult quod ait cum videritis filium hominis ascendentem ubi
erat prius, nisi ut intelligamus unam personam esse Christum Deum et hominem,
non duas? Ne fides nostra sit quaternitas, sed Trinitas. Sic ergo erat filius
hominis in caelo, quemadmodum filius Dei erat in terra : filius Dei in terra
in suscepta carne; filius hominis in caelo in unitate personae.
Theophylactus. Non ergo propter hoc putes quod de caelo corpus Christi
descenderit : hoc enim Marciani haeretici et Apollinaris est dictum, sed quia
unus et idem erat filius Dei et hominis. Chrysostomus. Propter hoc
autem et aliam solutionem inducit, dicens spiritus est qui vivificat; caro
non prodest quidquam. Quod autem dicit, tale est. Spiritualiter oportet ea
quae de me sunt audire; qui autem carnaliter audit, nihil proficit. Est autem
carnaliter intelligere, simpliciter ea quae proposita sunt videre, et nihil
plus imaginari. Oportet autem non ita iudicare; sed omnia mysteria
interioribus oculis inspicere, quod semper est spiritualiter audire. Carnale
vero erat dubitare qualiter potest nobis carnem dare manducare. Quid igitur?
Non est vera caro? Immo utique; quod igitur ait caro non prodest quidquam,
non de sua carne dicit, sed de eius carne qui carnaliter accipiebat quae
dicebantur. Augustinus in Ioannem. Vel aliter. Caro non prodest
quidquam. Sed quomodo illi intellexerunt? Carnem quippe sic intellexerunt
quomodo in cadavere dilaniatur, aut in macello venditur, non quomodo spiritu
vegetatur. Accedat spiritus ad carnem, et prodest plurimum : nam si caro
nihil prodesset, verbum caro non fieret, ut habitaret in nobis; sed spiritus
per carnem aliquid operatus est in nobis pro salute nostra. Augustinus de
Civ. Dei. Non enim caro per seipsam mundat, sed per verbum a quo suscepta
est; quod cum sit principium omnium, suscepta anima et carne, et animam
credentium mundat et carnem. Spiritus ergo est qui vivificat; caro non
prodest quidquam; sicut illi intellexerunt carnem. Non sic ego do ad
manducandum carnem meam. Nec carnem debemus sapere secundum carnem; proinde
dicit verba quae ego locutus sum vobis, spiritus et vita sunt.
Chrysostomus. Idest, spiritualia sunt, nihil habentia carnale, neque
consequentiam naturalem; sed eruta sunt ab omni tali necessitate quae in
terra, et a legibus quae hic positae sunt. Augustinus in Ioannem. Si
ergo intellexisti spiritualiter, spiritus et vita tibi sunt; si intellexisti
carnaliter, etiam sic spiritus et vita sunt, sed tibi non sunt. Diximus enim
hic dominum commendasse in manducatione carnis suae et potatione sanguinis sui,
ut in illo maneamus, et ipse in nobis. Hoc autem quid facit nisi caritas?
Caritas autem Dei diffusa est in cordibus nostris per spiritum sanctum qui
datus est nobis; ergo spiritus est qui vivificat. Chrysostomus. Et
quia de carnali audientia supra locutus est, subiungit sed sunt quidam ex
vobis qui non credunt. Dicens quidam, discipulos excepit; suam autem
dignitatem ostendit, occulta revelans. Augustinus. Non dixit : sunt
quidam in vobis qui non intelligunt; sed causam dixit quare non intelligant.
Propheta enim dixit : nisi credideritis, non intelligetis; nam qui resistit,
quomodo vivificatur? Adversarius enim radio lucis quo penetrandus est, non
avertit faciem, sed claudit mentem. Credant et aperiant, et illuminabuntur.
Chrysostomus. Et ut discas quoniam ante haec verba, et non postquam
murmuraverunt et scandalizati sunt, haec Christus cognoverat, subiungit
Evangelista dicens sciebat enim ab initio Iesus qui essent credituri, et qui
traditurus eum esset. Theophylactus. Volens per hoc nobis Evangelista
ostendere quod ante constitutionem mundi omnia cognoscebat; quod divinitatis
erat indicium. Augustinus. Sed postquam distinxit credentes dominus a
non credentibus, expressit causam quare non credunt; unde sequitur et dicebat
: propterea dixi vobis, quia nemo potest venire ad me, nisi fuerit ei datum a
patre meo. Chrysostomus. Quasi dicat : non turbant me neque stuporem
inferunt qui non credunt. Novi quibus dedit pater. Dixit autem hoc, ut
ostendat quoniam non illorum gloriam concupiscens hoc dicebat; et ut suadeat
eis quod patrem eius existiment Deum, et non Ioseph. Augustinus in
Ioannem. Ergo et credere datur nobis : non enim nihil est credere. Si
autem magnum quid est, gaude quia credidisti, sed noli extolli : quid enim
habes quod non accepisti? Hoc autem donum quibusdam dari et quibusdam non
dari, omnino non dubitat qui non vult manifestissimis sacris litteris
repugnare. Cur autem non omnibus detur, fidelem movere non debet, qui credit
ex uno omnes esse in condemnationem iustissimam; ita ut nulla Dei esset iusta
reprehensio, etsi nullus inde liberaretur; unde constat magnam esse gratiam
quod plurimi liberantur. Cur autem istum potius quam illum liberet,
inscrutabilia sunt iudicia eius, et investigabiles viae eius. Sequitur ex hoc
multi discipuli eius abierunt retro, et iam cum illo non ambulabant.
Chrysostomus. Non dixit : recesserunt, sed abierunt retro, ab ea quae
secundum virtutem est auditione, et quam habebant olim fidem, perdiderunt.
Augustinus. Ecce praecisi a corpore vitam perdiderunt : quia in corpore
nec fuerunt : inter non credentes et ipsi reputati sunt. Abierunt retro non
pauci, sed multi post Satanam, non post Christum, quomodo de quibusdam
feminis dicit apostolus : quaedam conversae sunt retro post Satanam. Petrum
autem non repulit dominus retro ire post Satanam, sed fecit post se ire.
Chrysostomus. Quaeret autem aliquis : quod tempus erat verba dispensandi
his quae constructa erant nocentia? Multa quidem utilitas et necessitas. Quia
enim instabant cibum corporalem petentes, et eius qui sub patribus datus est
reminiscentes, ostendens quoniam omnia illa typus erant, meminit cibi
spiritualis. Non igitur scandalizari oportebat, sed interrogare congruum erat
: quare illorum amentiae scandalum fuit, non indissolubilitatis eorum quae
dicebantur. Augustinus. Et hoc etiam forte factum est ad consolationem
nostram : quoniam aliquando contingit ut homo dicat verum, et quod dicit non
capiatur, atque illi qui audiunt scandalizentur et discedant. Poenitet autem
hominem dixisse quod verum est : dicit enim apud se homo : non debui sic
dicere; et sic domino contingit. Dixit, et perdidit multos : sed non turbatur
ipse, quia ab initio noverat qui non essent credentes. Nos, si nobis
contingat, conturbamur : solatium in domino inveniamus, et tamen caute verba
dicamus. Beda. Sciebat autem dominus de aliis discipulis qui
remanserunt an vellent abire; sed tamen eos interrogavit, ut fides eorum
monstraretur, et aliis imitanda proponeretur; unde sequitur dixit ergo Iesus
ad duodecim : numquid et vos vultis abire? Chrysostomus in Ioannem. Per
hunc autem modum oportebat eos trahi : nam si eos laudasset, passi essent
aliquid humanum, existimantes se gratiam Christo facere, eum non relinquendo
: ostendens vero se non indigere eorum sequela, magis eos detinuit. Non autem
eis dixit : abite; hoc enim esset eos expellere; sed interrogavit eos an
vellent abire, auferens eis vim et necessitatem, et nolens eos verecundia
coarctari : ex necessitate enim detineri par esset ac si abirent. Petrus
autem fratrum amator, amicitiae conservator, pro toto respondet collegio;
unde sequitur respondit ergo ei Simon Petrus : domine, ad quem ibimus? Augustinus in
Ioannem. Quasi dicat : repellis nos a te : da nobis alterum ad quem
ibimus, si te relinquimus. Chrysostomus. Hoc autem verbum multae est
amicitiae ostensivum : quia scilicet Christus eis honorabilior erat quam
patres et matres. Deinde ut non videatur hoc propterea dicere, quia non
essent qui eos reciperent, subiungit verba vitae aeternae habes. Audiens enim
magistrum dicentem quoniam resuscitabo eum et habebit vitam aeternam,
ostendit se recordari eorum quae dicta sunt verborum. Et Iudaei quidem
dicebant : hic est filius Ioseph; hic vero dicit et nos credimus, et
cognovimus, quia tu es Christus filius Dei. Augustinus. Credidimus
enim, ut cognosceremus : nam si prius cognoscere, deinde credere vellemus,
nec cognosceremus, nec credere valeremus. Hoc credimus
et cognovimus, quia tu es Christus filius Dei; idest quia ipsa vita aeterna
tu es, et non das in carne et sanguine tuo nisi quod es. Chrysostomus.
Quia vero Petrus dixerat et nos credimus, dominus de collegio credentium
excipit Iudam; unde sequitur respondit eis Iesus : nonne ego vos duodecim
elegi, et unus ex vobis Diabolus est? Quod autem dicit, tale est. Ne
aestimetis quod quia secuti estis me, non redarguam malos. Dignum autem est
hic quaerere, quare nunc nihil dicunt discipuli; sed postea formidantes
dicunt : numquid ego sum, domine? Sed nondum Petrus audierat : vade retro me,
Satana, et propter hoc timorem non habuit. Nunc etiam non dicit unus ex vobis
me tradet, sed Diabolus est : ideo nesciebant quod dicebatur; sed malitiam
aestimabant vituperari solum. Accusant autem hic Christum gentiles
insipienter : non enim electio eius vim infert his quae futura sunt; sed in
voluntate situm est salvari et perire. Beda. Vel
dicendum, quod ad aliud elegit undecim, et ad aliud unum; undecim elegit, ut
in apostolica dignitate perseverarent; unum elegit, ut per proditionis eius
officium salutem operaretur humani generis. Augustinus. Electus
enim est iste, de quo nolente et nesciente magnum aliquid boni fieret. Sicut
enim iniqui male utuntur bonis operibus Dei, sic e contra Deus bene utitur
malis operibus hominum. Quid Iuda peius? Sed malo eius bene usus est dominus
: tradi se pertulit, ut nos redimeret. Potest etiam sic intelligi quod ait
duodecim elegi : quia consecratus est duodenarius numerus eorum, qui per
quatuor cardines mundi Trinitatem fuerant denuntiaturi. Non autem quia periit
inde unus, ideo illius numeri honor ademptus est : nam in locum pereuntis alius
subrogatus est. Gregorius Moralium. Capitis autem nomine censetur
corpus, cum de perverso homine dicitur unus ex vobis Diabolus est; unde
Evangelista exponens subdit dicebat autem de Iuda Simonis Iscariotis : hic
enim erat traditurus eum, cum esset unus de duodecim. Chrysostomus. Considera
Christi sapientiam : neque enim Christus eum manifestum fecit, ne
inverecundum faciat, et sic litigiosior fiat; neque eum latere permisit, ne
aestimans se latere, sine timore operaretur. |
CHAPITRE VI
Versets 1-14.
S. Jean Chrysostome : (hom 42 sur S. Jean) Lorsque des traits viennent
tomber sur un corps dur qui leur résiste, ils retournent avec force contre
ceux qui les ont lancés, si, au contraire, ils ne rencontrent aucun obstacle,
leur force s'affaiblit et finit bientôt par s'éteindre. Ainsi lorsque nous
voulons résister à des hommes pleins d'audace, ils en deviennent plus
furieux, si au contraire, nous prenons le parti de leur céder, nous voyons
leur fureur s'apaiser aussitôt. Voilà comment Notre Seigneur Jésus-Christ
apaise la colère que ses discours ont fait naître dans le cœur de ses
ennemis. Il se retire dans la Galilée, non pas cependant dans les mêmes lieux
dont il était parti précédemment pour se rendre à Jérusalem, car ce n'est pas
à Cana en Galilée, mais au delà de la mer qu'il se retire : « Jésus s'en
alla ensuite de l'autre côté de la mer de Galilée qui est le lac de
Tibériade. » — Alcuin : Cette
mer prend divers noms suivant les divers lieux qui se trouvent sur ses bords.
On l'appelle ici la mer de Galilée de la province où elle se trouve et lac de
Tibériade de la ville de Tibériade qui est située sur ces bords. On lui donne
le nom de mer, non que l'eau en soit salée, mais parce que les Hébreux
donnaient le nom de mer à toutes les grandes étendues d'eau. Notre Seigneur traversa
souvent ce lac pour prêcher l'Evangile aux peuples qui habitaient sur ses
bords. — Théophylactus : Le
Sauveur va successivement d'un lieu dans un autre, pour éprouver la bonne
volonté du peuple et rendre les hommes plus désireux et plus avides de
l'entendre : « Et une grande multitude de peuple le suivait, parce qu'ils
voyaient les miracles qu'il faisait sur ceux qui étaient malades. » — Alcuin : En rendant la vue aux
aveugles et en opérant d'autres prodiges semblables. Et il ne faut pas
oublier qu'il guérissait l'âme en même temps qu'il rendait la santé du corps. S. Jean Chrysostome : (hom. 42). Malgré l'éclat et la sublimité de sa doctrine,
ses miracles faisaient beaucoup plus d'impression sur eux, ce qui est
l'indice d'esprits encore peu instruits, car les miracles, dit saint Paul,
sont un signe, non pour les fidèles, mais pour les infidèles. Ceux dont saint
Matthieu rapporte qu'ils étaient dans l'admiration de sa doctrine, (Mt 7,
28), faisaient preuve de plus grande sagesse. Mais pourquoi l'Evangéliste ne
rapporte-t-il pas les miracles opérés par Jésus ? parce que le but qu'il
s'est proposé était de consacrer la plus grande partie de son ouvrage à
reproduire les discours du Seigneur. « Jésus monta donc sur une montagne
et s'y assit avec ses disciples. » Il monte sur une montagne à cause du
miracle qu'il doit opérer, ses disciples y montent avec lui et accusent ainsi
la conduite du peuple qui ne peut l'y suivre. Il monte encore sur cette
montagne pour nous apprendre à nous soustraire au tumulte et à l'agitation du
monde, car la solitude est la meilleure préparation à l'étude de la sagesse
et à la méditation des choses divines : « Or, la Pâque qui est la grande fête
des Juifs était proche. » Vous voyez que dans l'espace d'une année tout entière,
l'Evangéliste ne nous raconte que deux miracles de Jésus-Christ; la guérison
du paralytique et celle du fils de l'officier royal, car il ne s'est point
proposé de tout raconter, mais de faire le choix de quelques faits plus
importants. Mais pourquoi Notre Seigneur ne se rend-il pas à Jérusalem pour
la fête de Pâques ? Il voulait laisser tomber peu à peu la loi, en
s'autorisant pour cela des mauvaises dispositions des Juifs contre lui. — Théophylactus : Les Juifs le
poursuivaient avec acharnement, il prend occasion de leur animosité contre
lai pour se dispenser d'observer la loi et il apprend ainsi aux observateurs
de la loi que tontes les figures disparaissent à l'avènement de la vérité, et
qu'il n'est ni soumis à la loi ni astreint à l'observance de cérémonies
légales. Remarquez en effet que ce n'était point la fête de Jésus-Christ,
mais la fête des Juifs. S. Bède : (sur S. Marc, chap. 6) En examinant avec attention le récit des
évangélistes, on se convaincra facilement qu'il s'écoula un an tout entier
entre la mort de Jean-Baptiste et la passion du Sauveur. En effet, saint
Matthieu rapporte que le Seigneur ayant appris la mort de Jean-Baptiste, se
retira dans le désert, et qu'il y nourrit miraculeusement la multitude; saint
Jean de son côté nous fait remarquer que la fête de Pâques était proche
lorsque Jésus fit ce miracle, il s'en suit évidemment que Jean-Baptiste fut
décapité aux approches de la fête de Pâques. Un an après eut lieu la passion
du Sauveur, à l'époque de la même fête, « Jésus donc ayant levé les yeux, et
voyant qu'une très-grande multitude était venue à lui, » etc. — Théophylactus : Remarquez cette
circonstance du récit de l'Evangéliste : « Jésus ayant levé les yeux,
pour nous apprendre qu'il ne promenait pas librement ses regards de tous
côtés, mais qu'il les tenait modestement baissés en conversant avec ses
disciples. — S. Jean Chrysostome : (hom.
42 sur S. Jean). Ce n'est pas sans motif que Notre Seigneur était
assis avec ses disciples, il voulait les instruire plus librement et avec
plus de soin, et se les attacher plus étroitement. Il lève ensuite les yeux
et aperçoit la multitude qui venait à lui. Pourquoi donc fait-il cette
question à Philippe ? Il connaissait ceux de ses disciples qui avaient besoin
d'un enseignement plus étendu, et tel était l'apôtre Philippe qui dit au
Sauveur dans la suite : « Montrez-nous votre Père, et cela suffît. » Notre
Seigneur commence donc par instruire son disciple, car s'il avait opéré le
miracle de la multiplication des pains sans autre préparation, ce miracle
n'eût point apparu dans tout son éclat. Jésus l'oblige donc de reconnaître
son impuissance à suffire aux besoins de cette multitude pour qu'il demeure
bien convaincu de la grandeur du miracle qui va se faire : « Il parlait ainsi
pour le tenter, » dit l'Evangéliste. S. Augustin : (Serm. 2 sur les par. du Seign). Il est une
tentation qui porte directement au péché, et elle ne peut jamais être l'œuvre
de Dieu qui ne porte jamais personne au mal, selon la parole de saint
Jacques. Il est encore une tentation qui a pour objet d'éprouver la foi, et
dont Moïse dit : « Le Seigneur votre Dieu vous éprouve, afin qu'on sache si
vous l'aimez on non, » (Dt 13, 3) et c'est dans ce sens qu'il faut
entendre la question que Jésus faisait à Philippe pour le tenter. — S. Jean Chrysostome : (hom. 42).
Est-ce donc que Notre Seigneur ignorait la réponse que lui ferait son
disciple ? Non sans doute, mais l'Evangéliste se conforme ici à la manière
déparier en usage parmi les hommes-Ainsi lorsque l'Ecriture dit de Dieu « qu'il
sonde les cœurs des hommes, » (Rm 8, 27) cette expression ne signifie
nullement un examen qui a pour cause l'ignorance, mais une absolue certitude,
de même l'Evangéliste en rapportant que Jésus parlait de la sorte pour
éprouver son disciple, veut simplement dire qu'il savait certainement ce que
Philippe lui répondrait. On peut dire encore que par cette question, Notre
Seigneur voulait faire passer son disciple par cette épreuve pour le rendre
plus certain du miracle qu'il allait opérer, et l'Evangéliste qui semble
craindre que la manière dont il s'exprime ne donne une idée peu favorable du
Sauveur, se hâte d'ajouter : « Car il savait ce qu'il devait faire. » Alcuin : Jésus fait donc cette question, non pour
apprendre ce qu'il ignore, mais pour convaincre son disciple de la lenteur de
son esprit et de sa foi, qu'il ne pouvait découvrir par lui-même. — Théophylactus : Ou bien il voulait le
faire connaître aux autres disciples, et leur montrer qu'il n'ignorait pas
les pensées les plus intimes de son cœur. — S. Augustin : (de l'acc. des Evang., 2, 46). D'après le
récit de saint Jean, le Seigneur à la vue de cette nombreuse multitude,
aurait demandé à Philippe pour l'éprouver où il trouverait de quoi nourrir
tout ce peuple. Mais alors comment admettre la vérité du récit des autres
évangélistes dans lesquels nous lisons que les apôtres pressèrent tout
d'abord le Seigneur de congédier le peuple, et qu'il leur répondit : « Ils
n'ont nul besoin de s'en aller, donnez-leur vous-mêmes à manger ? » Pour
concilier cette difficulté, il suffit d'admettre qu'après ces paroles, le
Sauveur regarda cette grande multitude de peuple et qu'il fit à Philippe la
question qui est rapportée par saint Jean, et que les autres apôtres ont
passée sous silence.— S. Jean
Chrysostome : (hom, 42). Ou bien encore, il s'agit ici de deux
faits différents qui n'ont point eu lieu à la même époque. Théophylactus : Notre Seigneur avait voulu éprouver la foi
de son disciple, et il le trouve encore dominé par des sentiments tout
humains, qui se trahissent dans sa réponse : « Quand on aurait pour deux
cents deniers de pain, cela ne suffirait pas pour en donner à chacun un
morceau. » — Alcuin : Une
semblable réponse accuse en effet un esprit bien lent à croire, car s'il
avait compris parfaitement que Jésus était le Créateur de toutes choses, il
n'aurait eu aucun doute sur l'étendue de sa puissance. — S. Augustin : (de l'acc. des Evang. 2, 46). Saint Marc
prête à tous les disciples la réponse que saint Jean attribue exclusivement
ici à Philippe. Mais on peut dire que ce dernier évangéliste laisse à
comprendre que Philippe répondit au nom des autres apôtres, quoiqu'il ait pu,
en se conformant à l'usage beaucoup plus reçu, mettre le pluriel à la place
du singulier. Théophylactus : Les sentiments d'André étaient à peu près
semblables à ceux de Philippe, bien qu'il eût sur Jésus-Christ des pensées
plus élevées : « André, frère de Simon Pierre, lui dit : Il y a ici un
jeune homme qui a cinq pains d'orge et deux poissons. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 42).
Ce n'est pas sans raison qu'André tient ce langage, il se rappelait le
miracle qu'avait fait le prophète Elisée qui avait multiplié vingt pains
d'orge pour nourrir cent personnes. (4 R
4, 42-44). Il lui vint donc
dans l'esprit une idée un peu plus élevée, mais qui n'alla pas encore bien
loin, comme l'indique la réflexion qu'il ajoute : « Mais qu'est-ce que cela
pour tant de monde ? » Il s'imaginait que celui qui opérait des
miracles, les faisait plus ou moins grands, selon les éléments plus ou moins
considérables qu'il avait à sa disposition, ce en quoi il se trompait. Il lui
était aussi facile de nourrir une grande multitude avec quelques pains comme
avec un plus grand nombre, parce qu'il n'avait nul besoin d'une matière
préalable. Si donc il consent à se servir des éléments créés pour opérer ses
miracles, c'est pour montrer que les créatures sont régies par sa providence
pleine de sagesse. Théophylactus : Ainsi
sont confondus les Manichéens qui prétendent que les pains et tous les autres
éléments crées viennent d'un principe mauvais, du Dieu du mal, puisque le
Fils du Dieu bon, Jésus-Christ consent à multiplier ces pains, car si les
créatures étaient mauvaises, Jésus, qui était bon, n'aurait pas voulu les
multiplier. S. Augustin : (de l'acc. des Evang., 2, 46). La réflexion que saint Jean prête à
André au sujet des cinq pains et des deux poissons, est rapportée par les
autres Evangélistes (qui ont mis le pluriel pour le singulier), comme ayant
été faite collectivement par tous les disciples. S. Jean Chrysostome : (hom. 42). Apprenons ici, nous qui sommes tout entiers aux
satisfactions de la sensualité, quelle était la nourriture de ces hommes
admirables, quelle sobriété dans la quantité comme dans le choix de leurs
aliments. Notre Seigneur fait asseoir le peuple avant que les pains aient été
multipliés, parce que, comme dit saint Paul, les choses qui n'existent pas
lui sont soumises comme celles qui existent (Rm 4) : « Jésus leur dit
: Faites-les asseoir. » — Alcuin : L'expression
discumbere signifie littéralement manger étant couché, suivant l'usage
des anciens : « Or, il y avait beaucoup d'herbe en ce lieu. » — Théophylactus : C'est-à-dire du gazon
encore vert, car on n'était pas loin de la fête de Pâques, qui se célébrait
au premier mois du printemps : « Les hommes s'assirent donc au nombre
d'environ cinq mille. » L'Evangéliste ne compte que les hommes, suivant la
coutume des Juifs, c'est ainsi que Moïse fit le dénombrement de tous les
hommes depuis vingt ans et au-dessus (Nb 1), sans faire aucune mention
des femmes, nous indiquant ainsi que ce qui est plein de jeunesse et de force
mérite seul d'être compté aux yeux de Dieu. « Alors Jésus prit les pains, et après avoir rendu grâces, il les
distribua à ceux qui étaient assis; il leur donna de même des deux poissons,
autant qu'ils en voulaient. » — S.
Jean Chrysostome : (hom. 42). Mais pourquoi Notre Seigneur n'a-t-il
point fait de prière avant de guérir le paralytique, de ressusciter les
morts, d'apaiser la mer agitée, tandis que nous le voyons ici prier et rendre
grâces ? C'est pour nous apprendre à rendre grâces à Dieu avant de commencer
le repas. On peut dire encore qu'il prie avant de faire des miracles de
moindre importance, pour faire voir qu'il ne prie pas pour obtenir du
secours, car s'il avait eu besoin de demander le secours d'en haut, c'eût été
surtout avant de faire ses plus grands miracles, et comme il les fait
toujours avec autorité, il est évident que c'est par condescendance pour
nous, qu'il adresse à Dieu sa prière. Une autre raison, c'est qu'il voulait bien
persuader le peuple, qui était présent, que c'était par la volonté de Dieu
qu'il était venu sur la terre. Voilà pourquoi il ne prie point avant de faire
un miracle loin des yeux de la foule, il priait, au contraire, lorsqu'il
devait le faire devant tout le peuple, pour le convaincre qu'il n'était point
en opposition avec Dieu. S. Hilaire : (de la Trin., 3) Les disciples présentent donc à cette multitude
cinq pains, et les leur distribuent à mesure qu'ils les rompent, ils se
succèdent dans leurs mains par une création instantanée de nouveaux morceaux
de pain. Le pain qui est rompu ne diminue point, et cependant de nouveaux
morceaux remplissent continuellement les mains qui les rompent, sans que les
sens ni les yeux puissent suivre la continuité de cette création vraiment
merveilleuse. Ce qui n'existait pas, existe, on voit ce qu'on ne comprend
pas, et la seule pensée qui reste, est celle de la toute puissance de Dieu.— S. Augustin : (Traité 24
sur S. Jean). Notre Seigneur multiplie ces cinq pains de la même manière
qu'il fait sortir de quelques grains seulement d'abondantes moissons. Les
mains de Jésus-Christ étaient pleines d'une puissance toute divine, et ces
pains étaient comme des semences qui n'étaient pas confiées à la terre, mais
qui étaient multipliées par celui qui a créé la terre. S. Jean Chrysostome : (hom. 42). Considérez ici la différence qui sépare le
Seigneur de ses serviteurs; les prophètes qui n'avaient la grâce qu'avec
mesure, n'opéraient aussi des miracles que dans une certaine mesure, tandis
que Jésus-Christ, qui agit avec une puissance absolue, faisait tous ses
miracles dans toute la plénitude de son autorité : « Lorsqu'ils furent
rassasiés il dit à ses disciples : Recueillez les morceaux qui sont restés. »
Ce n'est point par vaine ostentation que le Sauveur commande de recueillir
ces restes, mais pour bien établir la réalité du miracle, et c'est pour la
même raison qu'il l'opère avec une matière préexistante. Mais pourquoi
charge-t-il ses disciples plutôt que la foule, de recueillir ces restes ?
parce qu'il voulait instruire surtout ceux qui devaient être les maîtres du
monde entier. Quant à moi, j'admire non-seulement la multiplication des
pains, mais le soin avec lequel l'Evangéliste mentionne le nombre précis de
corbeilles. Il y avait cinq pains, et Jésus-Christ dispose le tout de manière
à ce que les restes ne remplissent que douze corbeilles, ni plus ni moins
autant qu'il y avait d'Apôtres. — Théophylactus
: Ce miracle nous apprend aussi à ne pas nous décourager au milieu des
étreintes de la pauvreté. S. Bède : Le peuple, à la vue de ce miracle, était
dans l'admiration, parce qu'il ne connaissait pas encore la divinité du
Sauveur, c'est pour cela que l'Evangéliste ajoute : « Ces hommes (dont le
jugement était dominé par les sens), ayant vu le miracle que Jésus avait
fait, disaient : Celui-ci est vraiment le prophète qui doit venir dans le
monde. » — Alcuin : Leur foi était
loin d'être parfaite, puisqu'ils ne regardaient le Seigneur que comme un
prophète, sans reconnaître encore sa divinité, mais cependant l'éclat de ce
miracle leur avait fait faire de grands progrès, puisqu'ils le distinguaient
des autres par le nom de prophète; ils se rappelaient, en effet, que leurs
prophètes s'étaient quelquefois signalés par des miracles. D'ailleurs ils ne
se trompent pas, en appelant Notre Seigneur prophète, puisque lui-même a
daigné prendre ce nom : « Il ne convient pas, dit-il, qu'un prophète périsse
hors de Jérusalem. » (Lc 13) — S.
Augustin : (Traité 24). Jésus-Christ est prophète et le Seigneur des
prophètes, de la même manière qu'il est ange et le Seigneur des anges. Il est
ange (ou envoyé) parce qu'il est venu annoncer des choses présentes; il est
prophète, parce qu'il a prédit l'avenir, et en tant que Verbe fait chair, il
est le Seigneur des anges et des prophètes, car on ne peut concevoir un
prophète sans le Verbe de Dieu. — S.
Jean Chrysostome : (hom. 42). Ils disent : « Qui doit venir en ce
monde, » il est donc évident qu'ils attendaient un prophète extraordinaire.
Aussi ces paroles : « Celui-ci est vraiment prophète, » se trouvent dans le
texte grec avec l'article, comme preuve qu'ils le distinguent de tous les
autres prophètes. S. Augustin : (Traité 24 sur S. Jean). Remarquons que comme la
nature divine ne peut être aperçue de nos yeux, et que les miracles de la
Providence, par lesquels Dieu ne cesse de gouverner le monde et de régir
toutes les créatures, ont perdu pour nous de leur éclat, parce qu'ils se
renouvellent tous les jours; il s'est réservé quelques œuvres
extraordinaires, qu'il opère à des temps marqués en dehors des causes
physiques et des lois ordinaires de la nature, pour émouvoir ainsi par la
nouveauté plutôt que par la grandeur du miracle, ceux sur qui les prodiges de
tous les jours ne font plus d'impression. En effet, le gouvernement du monde
entier est un bien plus grand miracle que l'acte par lequel le Sauveur
nourrit cinq mille hommes avec cinq pains : et cependant personne n'admire le
premier miracle, et tous sont ravis d'admiration en présence du second, non
pas précisément parce qu'il est plus grand, mais parce qu'il arrive rarement.
Toutefois, ne nous contentons pas de voir seulement le fait extérieur dans
les miracles du Christ, le Seigneur, sur la montagne, c'est le Verbe sur les
hauteurs, il ne se présente donc point ici dans un état d'humiliation, et il
ne faut point passer légèrement sur ce miracle, mais lever nos regards en
haut. — Alcuin : Dans le sens
mystique, la mer est l'emblème du monde toujours agité. Mais dès que
Jésus-Christ se fut comme embarqué par sa naissance sur la mer de notre
mortalité, qu'il l'eut foulée aux pieds par sa mort, et traversée par sa
résurrection, la multitude des croyants, formée des deux peuples, l'a suivi
fidèlement par la foi et l'imitation de ses vertus. — S. Bède : Le Seigneur a gagné le sommet de la montagne, lorsqu'il
est monté au ciel dont cette montagne est la figure. — Alcuin : Il laisse la multitude au pied de la montagne, et monte
plus haut avec ses disciples, pour nous apprendre qu'il faut imposer des
préceptes moins difficiles aux âmes encore faibles, et réserver la doctrine
plus relevée pour les âmes plus parfaites. C'est aux approches de la fête de
Pâques qu'il nourrit cette multitude, et il nous enseigne par là que celui
qui désire se nourrir du pain de la divine parole, et du corps et du sang du
Seigneur, doit s'y préparer en célébrant la pâque spirituelle, c'est-à-dire
en passant de l'habitude du vice à la pratique de la vertu, puisque le mot
pâque signifie passage. les yeux du Seigneur sont les dons spirituels,
et il lève les yeux, c'est-à-dire qu'il laisse tomber le regard de sa
miséricorde sur les élus qui reçoivent de lui ses dons spirituels. S. Augustin : (liv. des 83 quest., quest. 61). Les cinq pains d'orge
signifient la loi ancienne, soit parce que la loi a été donnée aux hommes,
alors qu'ils se conduisaient plutôt par la chair que par l'esprit, et qu'ils
étaient comme livrés aux cinq sens du corps (remarquez que cette multitude se
composait de cinq mille hommes); soit parce que la loi a été donnée par
Moïse, qui l'a renfermée dans les cinq livres qui portent son nom. Ces cinq
pains étaient d'orge, et figuraient parfaitement la loi dans laquelle
l'aliment vital de l'âme était recouvert par des signes extérieurs. La moelle
de l'orge est en effet recouverte d'une paille très tenace. Ces pains d'orge
peuvent encore représenter le peuple lui-même qui n'était pas encore
dépouillé de ses désirs charnels, qui adhérait à son cœur comme la paille qui
recouvre le grain d'orge. L'orge est la nourriture des bêtes de somme et des
esclaves. Or, la loi a été donnée à des esclaves, et à des hommes charnels,
dont les animaux sont la figure. S. Augustin : (comme précéd). Les deux poissons destinés à donner au pain une
saveur agréable, sont l'emblème des deux institutions qui gouvernaient le
peuple, le sacerdoce et la royauté, et ces deux institutions figuraient à
leur tour Nôtre-Seigneur, qui les réunissait toutes deux dans sa personne. — Alcuin : On peut dire encore que ces
deux poissons figurent les paroles ou les écrits des prophètes et des auteurs
de Psaumes; or, de même que le nombre cinq se rapporte aux cinq sens du
corps, le nombre mille est le symbole de la perfection. Ceux qui s'appliquent
à maîtriser et à diriger parfaitement les cinq sens de leur corps, sont
appelés viri (hommes), du mot vires (forces). Ce sont ceux qui
ne se laissent point corrompre par une mollesse féminine, qui vivent dans la
chasteté et la tempérance, et méritent de goûter les douceurs de la sagesse
céleste. S. Augustin : (Traité 24). L'enfant qui portait ces cinq pains et ces deux
poissons figurait le peuple juif, qui portait les cinq livres de la loi comme
un enfant inexpérimenté, sans songer à s'en nourrir; ces aliments, tant
qu'ils restaient enveloppés, n'étaient pour lui qu'une charge accablante, et
ils n'avaient la vertu de nourrir qu'à la condition d'être mis à découverts. S. Bède : La réflexion que fait André : « Qu'est-ce
que cela pour tant de monde ? » est pleine de justesse, dans le sens
allégorique, car la loi ancienne servait à peu de chose jusqu'au moment où
Jésus la prit dans les mains, c'est-à-dire, en accomplit les prescriptions et
nous offrit à l'entendre dans le sens spirituel; car par elle-même la loi ne
conduisait personne à la perfection. S. Augustin : (Tr. 24). C'est au moment où les pains étaient rompus
qu'ils se multipliaient, et c'est ainsi que les cinq livres de Moïse, par
l'exposition (ou la fraction) qui en a été faite, ont donné naissance à une
multitude d'autres livres.— S.
Augustin : (Liv. des 83 quest., qu. 61). C'est, en brisant
en quelque sorte, ce qu'il y avait de dur dans la loi, et en expliquant ce
qu'elle avait d'obscur, que Notre Seigneur nourrit ses disciples,
lorsqu'après sa résurrection il leur découvrit le sens des Ecritures. S. Augustin : (Traité 24).La question du Sauveur avait pour objet de faire
ressortir l'ignorance de son disciple, qui était la figure de l'ignorance où
le peuple était de la loi. Le peuple s'assoit sur l'herbe, parce qu'il avait
encore des goûts charnels et se reposait volontiers dans les satisfactions de
la chair, car « toute chair est comme l'herbe des champs. » (Is 40)
Remarquez encore que le Seigneur ne nourrit et ne rassasie de ces pains
multipliés miraculeusement que ceux qui traduisent dans leurs œuvres les
enseignements qu'ils ont reçus. S. Augustin : (Traité 24). Quels sont ces restes qu'il commande de
recueillir ? C'est ce que le peuple n'a pu manger, et ces restes qui sont les
vérités d'une intelligence plus cachée et que la multitude ne peut
comprendre, sont confiés à ceux qui sont capables, et de les recevoir et de
les enseigner aux autres, tels qu'étaient les Apôtres, et voilà pourquoi nous
voyons que douze corbeilles furent remplies de ces restes. — ALCUIN et S. Bède : Les corbeilles servent aux
usages domestiques, elles figurent donc ici les Apôtres et leurs imitateurs
qui, d'un extérieur peu remarquable aux yeux des hommes, sont cependant
remplis intérieurement des richesses de tous les trésors spirituels. Les
Apôtres sont comparés à des corbeilles, parce que c'est par leur ministère que
la foi en la sainte Trinité devait être prêchée dans toutes les parties
du monde. Le Sauveur n'a point voulu créer de nouveaux pains, mais s'est
contenté de multiplier ceux qui existaient, pour nous apprendre qu'il n'est
point venu pour rejeter et détruire la loi, mais en dévoiler les mystères en
l'expliquant. Versets 15-21.
S. Bède : A la vue d'un si grand miracle, le peuple
comprit que Jésus réunissait la puissance à la bonté, et il voulut le faire
roi, car les hommes veulent dans les princes qui sont à leur tête la bonté
dans le gouvernement, jointe à la puissance pour les défendre. Mais aussitôt
que le Sauveur en eut connaissance, il s'enfuit sur la montagne,
c'est-à-dire, qu'il se retira promptement; « Jésus ayant connu qu'ils
devaient venir pour l'enlever et le faire roi, s'enfuit de nouveau sur la
montagne tout seul; » on peut conclure de là que Nôtre-Seigneur, qui était
d'abord assis avec ses disciples sur la montagne d'où il vit la multitude qui
venait à lui, était descendu ensuite de la montagne et avait nourri le peuple
dans la plaine, car comment aurait-il pu se retirer de nouveau sur la
montagne s'il n'en était d'abord descendu ? S. Augustin : (de l'acc. des Evang). Le récit de saint Jean n'est point ici en
contradiction avec celui de saint Matthieu, qui nous dit que : « Jésus monta
seul sur la montagne pour prier. » (Mt 4) Car ces deux motifs prier et
fuir ne s'excluent pas, bien au contraire, Notre Seigneur nous enseigne que
c'est surtout lorsque nous sommes dans la nécessité de fuir qu'il nous faut
recourir à la prière. — S. Augustin : (Traité
25). Notre Seigneur était roi, et cependant il craint de devenir roi,
parce que sa royauté n'était pas de celle que peuvent donner les hommes, mais
bien plutôt une royauté qu'il voulait communiquer aux hommes. En effet, comme
Fils de Dieu, il ne cesse de régner avec son Père. Les prophètes ont aussi
prédit son règne comme Fils de Dieu fait homme, il a fait chrétiens ceux qui
ont cru en lui, et ce sont ceux qui composent son royaume, royaume qui sur la
terre se forme et s'achète au prix du sang de Jésus-Christ. Un jour viendra
où ce royaume disparaîtra dans toute sa splendeur, lorsqu'après le jugement
dernier, la gloire des saints brillera de tout son éclat. Or, ses disciples
et la multitude qui croyait en lui, pensaient que sa venue sur la terre avait
pour objet l'établissement de ce royaume. S. Jean Chrysostome : (hom. 42 et 43). Voyez quelle est la puissance de la
sensualité. Il n'est plus question pour eux de la transgression du sabbat,
tout leur zèle pour Dieu s'est évanoui, ils sont rassasiés, tout est oublié;
Jésus est pour eux un prophète et ils veulent le faire roi et le mettre sur
le trône. Mais Jésus-Christ se dérobe à leurs désirs, et nous apprend ainsi à
mépriser les honneurs du monde. Jésus laisse donc ses disciples et se retire
sur la montagne. Les disciples voyant que le Sauveur les avait quittés,
descendirent vers la mer, lorsque le soir fut venu, comme le fait remarquer
l'Evangéliste. Ils l'attendirent jusqu'au soir, espérant toujours qu'il viendrait
les retrouver, mais le soir venu, ils ne peuvent résister davantage au désir
de le chercher, tant était grand leur amour pour leur divin Maître ! et cet
amour les porte à monter dans une barque pour aller à sa rencontre :
« Et étant montés dans une barque, ils naviguèrent vers l'autre bord
pour arriver à Capharnaüm, espérant qu'ils l'y trouveraient. S. Augustin : (Traité 24). L'Evangéliste fait connaître d'abord le but de
leur voyage, avant d'exposer quels en furent les incidents. Ils traversèrent le
lac, et saint Jean raconte comme par récapitulation ce qui arriva pendant la
traversée : « Il faisait déjà nuit, et Jésus n'était pas encore venu à
eux. » S. Jean Chrysostome : (hom. 42 sur S. Jean). C'est avec dessein que
l’Evangéliste précise le moment de la traversée, il veut faire ressortir la
vivacité de leur amour pour Jésus-Christ. Ils ne disent pas : Le soir est
venu, la nuit se fait, leur amour les pousse à s'embarquer malgré tous les
obstacles qui se présentaient, d'abord le temps : « Il faisait déjà nuit, »
puis la tempête : « La mer soulevée par un grand vent s'enflait; » enfin le
lieu où ils se trouvaient, la terre était fort éloignée : « Lorsqu'ils eurent
ramé environ vingt-cinq ou trente stades. » — S. Bède : Nous employons cette locution lorsque nous sommes dans
le doute, à peu près vingt-cinq ou trente. — S. Jean Chrysostome : (hom. 43). Une dernière difficulté,
c'est l'apparition inattendue du Sauveur : « Ils virent Jésus marchant
sur la mer et s'approchant de la barque, et ils eurent peur. » Il leur
apparaît après les avoir quittés, il veut leur apprendre d'un côté ce que
c'est que l'abandon et le délaissement, et rendre leur amour plus vif; et de
l'autre, leur manifester sa toute-puissance. Cette apparition est pour eux
une cause d'effroi : « Et ils eurent peur, » dit l'Evangéliste. Aussi Notre
Seigneur s'empresse de dissiper leur frayeur et de relever leur courage : «
Mais il leur dit : C'est moi, ne craignez point. » — S. Bède : Il ne leur dit point : Je suis Jésus, mais simplement :
« C'est moi, » parce qu'ils vivaient dans son intimité, et qu'au seul
son de sa voix, ils purent facilement reconnaître leur maître; ou bien, ce
qui est plus vraisemblable, il voulut leur apprendre qu'il était celui qui
dit à Moïse : « Je suis celui qui suis, » (Ex 3, 14) S. Jean Chrysostome : (hom. 43). Le Sauveur voulut apparaître aux yeux de ses
disciples pour les convaincre que c'était lui-même qui allait apaiser la
tempête, circonstance que l'Evangéliste nous fait comprendre, en ajoutant :
« Ils voulurent le prendre dans leur barque, et aussitôt ils abordèrent
au rivage vers lequel ils se dirigeaient. » C'est donc à Jésus qu'ils furent
redevables de cette heureuse traversée. Cependant il ne voulut point monter
dans la barque pour faire mieux ressortir la grandeur du miracle et la
puissance divine qui l'opérait. — Théophylactus
: Vous voyez ici, en effet, trois miracles réunis : Jésus marche sur la
mer, il calme la fureur des flots, et fait aborder aussitôt la barque au
rivage dont les disciples étaient encore fort éloignés, lorsque le Seigneur
apparut. — S. Jean Chrysostome : (hom.
43). Jésus ne permit pas que la foule le vît marcher sur la mer, parce
que ce miracle était au-dessus de sa portée, il ne voulut pas même qu'il se
prolongeât longtemps aux yeux de ses disciples, et il disparut presque
aussitôt de leurs regards. S. Augustin : (de l'accord des Evang., 1, 47) D'après saint Matthieu, Jésus
ordonna d'abord à ses disciples de monter dans une barque, de le devancer au
delà du lac, et d'attendre là qu'il eût congédié la foule; et après l'avoir
congédiée, il se retire seul sur la montagne pour prier. Saint Jean, au
contraire, rapporte que le Sauveur s'enfuit aussitôt sur la montagne, et il
ajoute : « Le soir étant venu, ses disciples descendirent vers la mer, et
lorsqu'ils furent montés dans une barque, » etc. Mais il n'y a ici aucune
contradiction, car qui ne voit que saint Jean raconte par récapitulation,
comme ayant été fait par les disciples, ce que Jésus leur avait ordonné avant
de se retirer sur la montagne ? — S.
Jean Chrysostome : (hom. 43). On peut dire encore que ce miracle
est différent de celui qui est rapporté par saint Matthieu. Dans le récit de
saint Matthieu, les disciples ne reçurent pas aussitôt Nôtre-Seigneur, ici au
contraire, ils s'empressent de le recevoir sans aucun retard. Dans le premier
évangéliste encore, la tempête continuait de battre les flancs du navire, ici
d'une seule parole, Jésus fait revenir le calme, on peut donc admettre deux
miracles différents, ce qui n'a rien de surprenant, car Notre Seigneur a pu
faire plusieurs fois les mêmes miracles pour les rendre plus faciles à
croire. S. Augustin : (Traité 25 sur S. Jean). Dans le sens mystique, Notre
Seigneur commence par nourrir la multitude et se retire ensuite sur la
montagne, selon ce qui était prédit de lui : « L'assemblée des peuples
vous entourera, et à cause d'elle remontez dans les hauteurs. » (Ps 7)
C'est-à-dire, remontez dans les hauteurs, afin que l'assemblée des peuples
vous entoure. Mais pourquoi l'Evangéliste dit-il que le Sauveur s'enfuit ?
car on n'aurait pu le retenir malgré lui. Cette fuite a donc une
signification mystérieuse, et nous apprend que la hauteur de ces mystères ne
pouvait être comprise; en effet, vous dites de tout ce que vous ne comprenez
pas : « Cela me fuit. » Notre Seigneur fuit donc seul sur une montagne
lorsqu'il monte au-dessus de tous les cieux. Tandis qu'il est dans les
hauteurs des cieux, ses disciples qui sont restés dans la barque sont exposés
à la violence de la tempête. Cette barque était la figure de l'Eglise, il
faisait déjà nuit, et il n'y avait rien d'étonnant, la vraie lumière ne
brillait pas encore, Jésus n'était pas encore venu les trouver. Plus approche
la fin du monde, et plus aussi on voit croître les erreurs et augmenter l'iniquité.
En effet, la charité est lumière, suivant les paroles de saint Jean : « Celui
qui hait son frère demeure dans les ténèbres. » (1 Jn 2,
9). Les flots qui agitent le navire, la tempête, les vents sont les
clameurs des réprouvés. La charité se refroidit, les flots ne cessent de
monter et de battre les flancs du navire, et cependant ni les vents, ni la
tempête, ni les flots, ni les ténèbres ne peuvent briser la barque et
l'engloutir, ni même l'empêcher d'avancer, car celui qui aura persévéré
jusqu'à la fin sera sauvé. Le nombre cinq est l'emblème de la loi, renfermée
dans les cinq livres de Moïse; le nombre vingt-cinq est donc aussi la figure
de la loi, puisqu'il est le produit du nombre cinq multiplié par cinq. Mais
la perfection qui est signifiée par le nombre six, manquait à la loi avant
l'Evangile, et en multipliant cinq par six, on obtient le nombre trente,
figure de la loi accomplie par l'Evangile. Notre Seigneur vient donc trouver
ceux qui accomplissent la loi, en marchant sur les flots, c'est-à-dire, en
foulant aux pieds toutes les vaines enflures de l'orgueil et toutes les
hauteurs du monde, et cependant les tribulations sont si grandes, que ceux
mêmes qui croient en Jésus tremblent d'y succomber. Théophylactus : Lorsque les hommes ou les démons s'efforcent
de nous ébranler par la crainte, écoutons Jésus-Christ qui nous dit : « C'est
moi, ne craignez point, » c'est-à-dire je suis toujours près de vous, je
demeure avec vous comme Dieu, et ne passe jamais, ne vous laissez donc point
enlever par de vaines terreurs la foi que vous avez en moi. Voyez encore
comment Notre Seigneur ne vient pas au secours de ses disciples au
commencement du danger, mais longtemps après. C'est ainsi que Dieu permet que
nous soyons au milieu des dangers, pour éprouver notre courage parce combat
contre les tribulations, et nous enseigner à recourir à celui-là seul qui
peut nous sauver alors même que tout espoir est perdu. En effet c'est que
lorsque l'intelligence de l'homme est à bout de ressources et déclare son
impuissance, que le secours de Dieu arrive. Si nous voulons nous aussi
recevoir Jésus-Christ dans notre barque, c'est-à-dire lui offrir une
habitation dans nos cœurs, nous arriverons aussitôt au rivage où nous voulons
aborder, c'est-à-dire au ciel. S. Bède : Mais cette barque ne porte point d'hommes
indolents et paresseux, elle veut des rameurs vigoureux; c'est ainsi que dans
l'Eglise ce ne sont point les âmes molles et nonchalantes mais les âmes
fortes et qui persévèrent dans la pratique des bonnes œuvres qui parviennent
au port du salut éternel. Versets 22-27.
S. Jean Chrysostome : (hom. 43 sur S. Jean). Notre Seigneur n'a pas fait
connaître clairement au peuple comment il avait marché sur la mer, mais il le
lui a laissé soupçonner à en juger par ces paroles de l'Evangéliste : « Le
lendemain, le peuple qui était demeuré de l'autre côté de la mer, vit que
Jésus n'était point entré dans la seule barque qui était près du rivage, »
etc. Cette manière de parler indique que le peuple pouvait présumer que le
Sauveur avait traversé la mer à pied. Et on ne peut dire ici qu'il était
monté dans une autre barque puisqu'il n'y en avait qu'une seule dans laquelle
ses disciples étaient montés, sans que Jésus fût monté avec eux. S. Augustin : (Traité 25 sur S. Jean). Notre Seigneur leur suggère
donc l'idée de ce grand miracle. D'autres barques arrivèrent près du lieu où
ils avaient mangé le pain que le Sauveur leur avait donné, et le peuple monta
dans ces barques pour aller à la recherche de Jésus : « D'autres barques
suivirent, etc., et ils se dirigèrent vers Capharnaüm pour chercher Jésus. »
— S. Jean Chrysostome : (hom. 42).
Et cependant après un si grand miracle, ils ne lui demandent pas comment il a
traversé la mer, ni la manière dont s'est opéré ce prodige extraordinaire : «
Et l'ayant trouvé au-delà de la mer, ils lui dirent : Maître, quand êtes-vous
venu ici ? » A moins qu'on ne prenne ici le mot quand dans le
sens de comment. Ils font ici preuve d'une habileté remarquable; ils
proclamaient précédemment que c'était un prophète, ils s'étaient concertés
pour le faire roi, ils le trouvent aujourd'hui et ne lui découvrent rien de
ce dessein. — S. Augustin : Voici
celui qui s'était enfui sur la montagne, dans la crainte que le peuple ne le
fît roi, qui s'entretient maintenant avec le peuple, ils peuvent se saisir de
sa personne et le proclamer roi. Mais Jésus, après le miracle plein de
mystère qu'il a opéré, leur adresse ses enseignements, afin de nourrir de sa
doctrine divine l'âme de ceux dont il a nourri miraculeusement le corps. Alcuin : Celui qui nous a enseigné par son exemple à
fuir la louange et les honneurs de la terre, apprend également aux docteurs
comment ils doivent remplir le ministère de la prédication. S. Jean Chrysostome : (hom. 44). La mansuétude et la douceur ne sont pas toujours
utiles, lorsque vous avez affaire à un disciple d'un esprit lent et peu
ouvert encore, il faut le presser avec l'aiguillon; c'est ce que fait ici le
Fils de Dieu. La multitude accourt à lui et cherche à le flatter en lui
disant : « Maître, quand donc êtes-vous venu ici ? » et il ne répond à
cette question que par un reproche pour montrer qu'il ne désire nullement
l'honneur qui vient des hommes, mais qu'il ne cherche que leur salut, aussi
il ne se contente pas de blâmer leur conduite, il dévoile les pensées les
plus secrètes de leur cœur : « Jésus leur répondit : En vérité, en
vérité, je vous le dis, vous me cherchez non parce que vous avez vu des
miracles, » etc. — S. Augustin : C'est-à-dire
: En me cherchant, vous obéissez aux instincts de la chair, et non aux désirs
de l'esprit. S. Jean Chrysostome : (hom. 44). Aux reproches Notre Seigneur ajoute
l'enseignement de la doctrine : « Travaillez pour avoir, non la
nourriture qui périt, mais celle qui demeure pour la vie éternelle. »
C'est-à-dire : Vous cherchez la vie matérielle et périssable, mais mon
intention en nourrissant vos corps a été de vous inspirer le désir de cette
nourriture qui donne non point la vie du temps, mais la vie éternelle. — Alcuin : La nourriture matérielle
n'alimente et n'entretient que le corps, et encore n'atteint-elle ce but qu'à
la condition d'être renouvelée tous les jours, mais la nourriture spirituelle
demeure éternellement et nous donne une satiété perpétuelle et une vie qui
n'a d'autre terme que l'éternité. S. Augustin : (Traité 25). Il fait pressentir qu'il est lui-même cette
nourriture comme il le déclarera plus ouvertement dans la suite de son
discours, et il semble leur dire : Vous me cherchez pour toute autre chose
que moi, cherchez-moi donc pour moi-même. S. Jean Chrysostome : (hom. 44). Mais comme il en est qui voudraient s'autoriser
de ces paroles pour mener une vie toute de paresse et d'oisiveté, il est
nécessaire de leur rappeler ce que dit saint Paul : « Que celui qui dérobait
ne dérobe plus, mais qu'il s'occupe en travaillant des mains à quelque
ouvrage bon et utile, pour avoir de quoi donner à ceux qui sont dans
l'indigence. » (Ep 4, 28). Et lui-même lorsqu'il vint à Corinthe,
demeurait chez Aquila et Priscille et travaillait de ses mains. (Ac 18)
Ces paroles : « Ne travaillez pas pour avoir la nourriture qui périt, »
n'autorisent en aucune façon la paresse et l'oisiveté, mais nous font un
devoir de travailler et de distribuer le fruit de notre travail. C'est là en
effet la nourriture qui ne périt pas, tandis que travailler pour la
nourriture qui périt, c'est être dominé par l'amour des choses de la terre.
Jésus leur tient ce langage parce qu'ils n'avaient aucun souci de la foi, et
qu'ils ne songeaient qu'à se rassasier sans travailler, c'est ce qu'il
appelle la nourriture qui périt. — S.
Augustin : De même qu'il avait dit précédemment à la Samaritaine :
« Si vous saviez quel est celui qui vous demande à boire, vous lui en
auriez demandé vous-même et il vous eût donné une eau vive. » Il ajoute ici :
« Cette nourriture que le Fils de l'homme donnera. » Alcuin : Lorsque vous recevez le corps de
Jésus-Christ des mains du prêtre, faites attention non au prêtre que vous
voyez, mais à celui que vous ne voyez pas. Le prêtre n'est que le
dispensateur de cette nourriture, il n'en est pas l'auteur. Or le Fils de
l'homme se donne à nous, afin qu'il demeure en nous, et que nous demeurions
en lui. Ne considérez pas ce Fils de l'homme comme un des enfants ordinaires
des hommes, il en a été séparé par une grâce toute particulière qui l'a placé
en dehors de tous les autres; ce Fils de l'homme est tout ensemble le Fils de
Dieu, comme il le déclare dans ce qui suit : « Car c'est lui que le Père a
marqué de son sceau. » Marquer d'un sceau, c'est appliquer un signe, et Notre
Seigneur semble dire : Gardez-vous de me mépriser, parce que je suis le Fils
de l'homme, car je suis le Fils de l'homme marqué du sceau de Dieu le Père,
c'est-à-dire qu'il a imprimé sur moi un signe qui me distingue de tout le
reste du genre humain, et qui me constitue son libérateur. S. Hilaire : (de la Trin., 8) Les sceaux ont cette propriété de reproduire
parfaitement la figure dont ils portent l'empreinte, et de la conserver
néanmoins tout entière. Ils reçoivent cette empreinte gravée à leur surface,
et la reproduisent dans toute son intégrité. Cette comparaison ne peut donc
être appliquée à la génération divine, car dans les sceaux il y a la matière,
la différence entre l'original et l'empreinte et l'impression qui reproduit
sur une matière plus molle l'empreinte gravée sur un métal plus dur. Mais
lorsque le Fils de Dieu qui est devenu le Fils de l'homme pour opérer le
mystère de notre salut, dit qu'il a été marqué du sceau de Dieu, il veut nous
faire comprendre qu'il reproduit en lui la nature du Père, et qu'il a le
pouvoir de donner la nourriture qui renferme le germe de la vie éternelle,
parce qu'il contient la plénitude de la nature divine du Père qui l'a marqué
de son sceau. — S. Jean Chrysostome : (hom.
44). Ou bien encore il l'a marqué de son sceau, c'est-à-dire il l'a comme
désigné pour nous apporter cette nourriture; ou enfin il l'a marqué de son
sceau, c'est-à-dire il nous l'a fait connaître par son témoignage. Alcuin : Dans le sens mystique, c'est le lendemain,
c'est-à-dire après l'ascension de Jésus-Christ, que la multitude, qui
s'applique à la pratique des bonnes œuvres, et qui cesse d'être esclave des
plaisirs des sens, attend l'arrivée de Jésus. Cette seule barque qui est sur
le rivage, c'est l'Eglise qui est une; les autres barques qui surviennent sont
les conventicules des hérétiques, qui recherchent leurs propres intérêts, et
non ceux de Jésus-Christ (Ph 2); et c'est avec raison qu'il leur dit :
« Vous me cherchez, parce que vous avez mangé des pains. » S. Augustin : (Traité 25 sur S. Jean). Combien en est-il encore qui
ne cherchent Jésus que pour en obtenir des faveurs temporelles ? L'un a une
affaire, il vient réclamer l'appui du clergé, un autre est opprimé par un
homme puissant, il s'empresse de venir réclamer le secours de l'Eglise; à
peine s'en trouvent-ils qui cherchent Jésus pour lui seul. S. Grégoire : (Moral., 23, 17 ou 20). Cette multitude représente encore
ceux qui, au sein même de la sainte Eglise, s'attirent la haine de Dieu en
recevant les ordres sacrés qui les rapprochent de Dieu, sans s'occuper des
vertus qu'exigent les saints ordres, et en n'y cherchant qu'un moyen de
subvenir aux besoins de la vie présente. On suit le Seigneur pour le pain
dont on a été rassasié, lorsqu'on ne demande à la sainte Eglise que les biens
et les aliments temporels; on le cherche à cause des pains, et non pour ses
miracles, lorsqu'on aspire au ministère sacré, non pour y pratiquer la vertu
dans un degré plus excellent, mais pour un intérêt tout matériel. — S. Bède : Ceux encore qui demandent
dans leurs prières les biens temporels plutôt que les biens de l'éternité,
cherchent Jésus, non pour Jésus, mais pour toute autre chose. Nous
voyons ici, en figure, que les conciliabules des hérétiques ne peuvent avoir
pour hôtes ni Jésus-Christ, ni ses disciples; ces autres barques qui
surviennent, ce sont les hérésies que l'on voit surgir tout d'un coup. Cette
foule qui reconnaît que ni Jésus ni ses disciples n'étaient là, représente
ceux qui, reconnaissant les erreurs des hérétiques, les abandonnent pour
venir embrasser la vraie foi. Versets 28-34.
Alcuin : Ils comprirent que cette nourriture, qui
demeure pour la vie éternelle, c'était l'œuvre de Dieu, et ils demandent ce
qu'ils doivent faire pour travailler à se procurer cette nourriture,
c'est-à-dire pour opérer l'œuvre de Dieu : « Ils lui dirent donc : Que
ferons-nous pour opérer les œuvres de Dieu ? » — S. Bède : C'est-à-dire, quels préceptes devrons-nous observer
pour accomplir les œuvres de Dieu ? — S.
Jean Chrysostome : (hom. 45). Ils lui faisaient cette question,
non dans le dessein de s'instruire et d'agir en conséquence, mais pour
l'amener à reproduire le miracle de la multiplication des pains. — Théophylactus : Bien que Jésus-Christ
connût parfaitement l'inutilité de ses enseignements pour ce peuple grossier,
il ne laisse pas de lui répondre pour l'utilité générale; et il lui apprend
ainsi qu'à tous les hommes quelle est cette œuvre de Dieu : « Jésus répondit
: L'œuvre de Dieu, c'est que vous croyiez en celui qu'il a envoyé. » —S. Augustin : (Traité 25). Il
ne dit pas : C'est que vous croyiez à lui, mais : « C'est que vous croyiez en
lui. » On peut croire à Jésus-Christ, sans croire immédiatement en lui; ainsi
les démons croyaient à Jésus-Christ, sans cependant croire en lui; ainsi nous
croyons à Paul, sans pour cela croire en Paul. Croire en Jésus-Christ, c'est
donc l'aimer en croyant, c'est unir la foi à l'amour, c'est s'unir à lui par
la foi et faire partie du corps dont il est le chef. C'est la foi que Dieu
exige de nous, et qui opère par la charité. (Gal 5) Cependant la foi
est distincte des œuvres, selon la doctrine de l'Apôtre : « L'homme est
justifié par la foi, sans les œuvres de la loi. » (Rm 3, 28). Il est
des œuvres qui paraissent bonnes, quoique séparées de la foi en Jésus-Christ,
mais elles ne le sont pas en réalité, parce qu'elles ne se rapportent pas à
la fin qui les rend véritablement bonnes : « Car Jésus-Christ est la un de la
loi, pour justifier tout homme qui croit. » (Rm 10) Voilà pourquoi Notre
Seigneur n'a pas voulu distinguer la foi des œuvres, mais qu'il a déclaré que
la foi est l'ouvrage de Dieu; car c'est la foi qui opère par la charité. Et
il ne dit pas : Votre œuvre, mais : « L'œuvre de Dieu est que vous croyiez en
lui, » afin que celui qui se glorifie, ne se glorifie que dans le Seigneur.
(2 Co 10, 17). Croire en lui, c'est donc manger la nourriture qui
demeure pour la vie éternelle. Pourquoi préparer vos dents et votre
estomac ? Croyez, et vous avez mangé. A cause de cette invitation que le
Sauveur leur fait de croire en lui, ils répondent en demandant de nouveaux
miracles pour appuyer leur foi; car c'est le propre des Juifs de demander des
miracles : « Ils lui répartirent : Quel miracle faites-vous, pour que, le
voyant, nous croyions en vous ? » S. Jean Chrysostome : (hom. 45). Rien de plus déraisonnable à des hommes qui ont
pour ainsi dire un miracle entre les mains, que de tenir un pareil langage,
comme s'ils n'avaient jamais été les témoins d'aucun miracle. Ils ne laissent
même pas au Sauveur le choix du miracle, mais ils veulent le mettre dans la
nécessité de n'opérer d'autre prodige que celui qui a été fait en faveur de
leurs ancêtres : « Nos pères ont mangé la manne dans le désert. » — Alcuin : Et pour ne point exposer
cette manne au mépris, ils la relèvent par l'autorité du Psalmiste en
ajoutant : « Ainsi qu'il est écrit : Il leur a donné à manger le pain du
ciel. » (Ps 77) — S. Jean
Chrysostome : (hom. 45). Parmi tant de miracles que Dieu opéra
dans l'Egypte, dans la mer Rouge, dans le désert, ils rappellent de
préférence le souvenir du miracle de la manne, dont leurs instincts sensuels
leur faisaient désirer le retour. Remarquez qu'ils n'attribuent point ce
miracle à Dieu, pour ne point paraître égaler le Sauveur à Dieu, ils ne
présentent point non plus Moïse comme en étant l'auteur, parce qu'ils ne
veulent point humilier Jésus-Christ; ils échappent à cette double difficulté
en disant : « Nos pères ont mangé la manne dans le désert. » S. Augustin : (Traité 25). Ou bien encore, Notre Seigneur se posait comme
supérieur à Moïse, car jamais Moïse n'osa dire de lui qu'il donnait la
nourriture qui ne périt point. Au souvenir donc des granas miracles opérés
par Moïse, ils en voulaient de plus grands encore, et semblaient dire au
Sauveur : Vous promettez la nourriture qui ne périt point, et vous êtes loin
de faire des miracles semblables à ceux de Moïse, ce ne sont point des pains
d'orge qu'il a donnés au peuple de Dieu, mais la manne qui tombait du ciel. S. Jean Chrysostome : (hom. 45). Notre Seigneur aurait pu leur répondre que
Moïse avait fait de plus grands miracles que celui de la manne; mais ce
n'était pas le moment de leur parler de la sorte, il n'avait en vue qu'une
seule chose, c'était de leur inspirer le désir de la nourriture spirituelle :
« Jésus leur répondit donc : En vérité, en vérité, je vous le dis,
Moïse ne vous a point donné le pain du ciel, » etc. La manne ne venait donc
point du ciel, et si l'Ecriture dit qu'elle venait du ciel, c'est dans le
même sens qu'elle appelle les oiseaux, les oiseaux du ciel (Ps 8), et
qu'elle dit ailleurs : « Le Seigneur a tonné du haut du ciel. » (Ps 17;
Qo 46). Le Sauveur dit que la manne n'était pas un pain véritable, non
pas que la manne ne fût vraiment miraculeuse, mais parce que c'était une
figure et non la vérité. Remarquez encore qu'il ne se met pas en opposition
avec Moïse, c'est Dieu qu'il oppose à Moïse, et il se met lui-même à la place
de la manne. — S. Augustin : (Traité
25). Voici le vrai sens des paroles du Sauveur : La manne était le
symbole de la nourriture dont je viens de vous parler, et toutes ces choses
étaient des figures de la vérité qui devait s'accomplir en moi; vous vous
attachez aux figures, et vous n'avez que du mépris pour la vérité. C'est
Dieu, en effet, qui donne le pain figuré par la manne, c'est-à-dire, Notre
Seigneur Jésus-Christ : « Car le pain véritable est celui qui descend du ciel
et donne la vie au monde. » — S. Bède
: Le monde doit s'entendre ici non pas des éléments qui le composent,
mais des hommes qui l'habitent. — Théophylactus
: Notre Seigneur déclare qu'il est le pain véritable, parce que le
premier et le principal objet figuré par la manne, c'était le Fils unique de
Dieu fait homme. Le mot manne signifie en effet : Qu'est-ce que cela ?
Car les Juifs ayant vu la manne tomber du ciel, se disaient l'un à l'autre dans
leur étonnement : « Quelle chose est-ce là ? » (Ex 16) Or, le
Fils de Dieu fait homme est par-dessus tout cette manne, objet d'étonnement
pour les Juifs, qui se demandaient aussi les uns les autres : « Qu'est-ce que
cela veut dire ? Comment le Fils de Dieu peut-il être le Fils de l'homme ?
Comment deux natures ne forment-elles qu'une seule personne ? » — Alcuin : Il est descendu des cieux en
se revêtant de notre humanité, et c'est la divinité qui s'en est revêtue qui
donne la vie au monde. Théophylactus : Ce pain, qui de sa nature est la vie, parce
qu'il est le Fils du Dieu vivant, fait l'œuvre qui lui est propre, en donnant
la vie à tout ce qui existe; de même, en effet, que le pain matériel conserve
la vie du corps, ainsi Jésus-Christ donne la vie à l'âme par les secrètes
opérations de l'Esprit. Il communique même au corps un principe
d'incorruptibilité, qu'il lui assure par sa résurrection, et c'est en ce sens
qu'il donne la vie au monde. — S. Jean
Chrysostome : (hom. 45). Et ce n'est pas seulement aux Juifs, mais
à tous les hommes répandus sur la surface de la terre. Mais ceux qui
l'écoutaient ne portaient pas encore leurs pensées si haut : « Ils lui dirent
donc : Seigneur, donnez-nous ce pain. » Il vient de leur déclarer que c'était
son Père qui leur donnait ce pain, et ils ne lui disent pas : Priez-le de
nous le donner, mais : « Donnez-nous ce pain. » À l'exemple de la
Samaritaine, qui avait pris dans un sens matériel ces paroles du Sauveur : «
Celui qui boira de cette eau n'aura jamais soif, » et qui lui disait pour se
mettre à l'abri du besoin : « Donnez-moi de cette eau; » les Juifs
disent à Jésus : « Donnez-nous toujours ce pain pour nous soutenir. » Versets 35-49.
S. Jean Chrysostome : (hom. 45 sur S. Jean). Nôtre-Seigneur, sur le point
d'initier les Juifs à la connaissance de ses mystères, commence par établir
sa divinité et leur dit : « Je suis le pain de vie, » paroles qui ne
s'appliquent point à son corps, dont il dira plus tard : « Le pain que je
donnerai, c'est ma chair. » Il leur parle donc de sa divinité, car c'est par
suite de son union avec le Verbe que la chair est un véritable pain qui
devient le pain du ciel pour celui qui reçoit l'Esprit lui-même. — Théophylactus : Il ne dit point : Je
suis le pain qui sert d'aliment, mais : « Je suis le pain de vie.» Tout
était devenu la proie de la mort, et c'est par lui-même que Jésus-Christ nous
a rendu la vie; et la vie que ce pain soutient et alimente n'est pas cette
vie naturelle et passagère, mais la vie sur laquelle la mort n'a aucun
empire. C'est pour cela qu'il ajoute : « Celui qui vient à moi, c'est-à-dire,
celui qui croit en moi n'aura jamais soif. » Ces paroles : « Il n'aura
jamais faim, » doivent être entendues dans le même sens que ces autres :
« II n'aura jamais soif, » elles expriment ce rassasiement éternel qui
ne laisse place à aucun besoin, à aucun désir. Théophylactus : Ou bien il n'aura jamais ni faim ni soif,
c'est-à-dire, qu'il n'éprouvera jamais aucun dégoût, aucune langueur pour
entendre la parole de Dieu, et qu'il ne souffrira jamais de la soif
spirituelle, comme ceux qui n'ont point été régénérés dans l'eau du baptême
et qui n'ont point été sanctifiés par l'Esprit saint. S. Augustin : (Traité 25). Vous désirez donc le pain du ciel que vous avez
devant vous, mais vous ne le mangez pas. « Je vous l'ai dit, vous m'avez
vu et vous ne croyez point. » — Alcuin
: Si je m'exprime de la sorte, ce n'est pas que j'espère que vous
chercherez à vous rassasier de ce pain, mais c'est bien plutôt pour condamner
votre incrédulité qui, tout en me voyant, refuse de croire en moi. — S. Jean Chrysostome : (hom. 45).
Ou bien, Notre Seigneur fait ici allusion au témoignage des Ecritures dont il
a dit plus haut : « Les Ecritures rendent témoignage de moi; » et
encore à ces antres paroles : « Je suis venu au nom de mon Père, et vous
ne m'avez pas reçu, » etc. Quant à ce qu'il leur dit ici : « Parce que vous
m'avez vu et vous n'avez pas cru; » il veut parler en termes couverts
des miracles qu'il a opérés sous leurs yeux. S. Augustin : (Traité 25). Cependant je n'ai point perdu le peuple de Dieu
tout entier, parce que vous avez vu et que vous n'avez pas cru : « Car
tout ce que me donne mon Père viendra à moi, et celui qui vient à moi je ne
le rejetterai pas dehors. » — S. Bède
: Il dit en termes absolus : « Tout ce que me donne mon Père, »
c'est-à-dire, la plénitude des fidèles. Ce sont ceux que le Père donné au
Fils, lorsque, par une inspiration secrète, il les fait croire au Fils. — Alcuin : Celui donc que le Père
attire à la foi qui le fait croire en moi, viendra à moi par la foi pour
entrer en union avec moi, et je ne rejetterai pas dehors celui que les pas de
la foi et des bonnes œuvres conduiront jusqu'à moi, c'est-à-dire, qu'il
demeurera avec moi dans le secret d'une conscience pure, et je finirai par le
recevoir dans l'éternelle béatitude. — S.
Augustin : (Traité 25). Cette retraite intérieure, d'où l'on n'est
point chassé dehors, est un sanctuaire profond et une douce solitude sans
aucun ennui, sans l'amertume des mauvaises pensées, sans les agitations des
tentations et des douleurs, et c'est de cette retraite intérieure que Notre
Seigneur a voulu parler lorsqu'il dit : « Entrez dans la joie de votre
maître. » (Mt 25) S. Jean Chrysostome : (hom. 45). Ces expressions : « Tout ce que me donne
mon Père, » prouvent que la foi en Jésus-Christ n'est point une chose
ordinaire et facile, ni qui soit l'œuvre exclusive de notre volonté, elle
demande en même temps une révélation supérieure et une âme sincèrement
disposée à recevoir cette révélation. Il suit de là que ceux à qui le Père ne
donne point cette grâce ne sont pas à l'abri de toute accusation, car nous
avons aussi besoin de notre volonté pour croire. Notre Seigneur condamne en
même temps leur incrédulité, en montrant que celui qui ne croit point en lui,
va contre la volonté de son Père. Saint Paul dit de son côté, que c'est
lui-même qui donne les fidèles à son Père : « Ensuite viendra la fin de
toutes choses, lorsqu'il aura remis son royaume à Dieu son Père. » (1 Co 15,
24). Le Père, lorsqu'il donne, ne se dépouille pas de ce qu'il donne, il en
est de même du Fils; et s'il est dit de lui qu'il nous remet entre les
mains de son Père, parce que c'est lui qui nous amène à son Père; il est
aussi écrit du Père : « C'est par lui que nous avons été appelés dans la
société de son Fils. » (1 Jn 1) Celui donc qui croit en moi sera sauvé,
car c'est pour les hommes que je suis venu sur la terre, et que je me suis
incarné : « Je suis descendu du ciel, non pour faire ma volonté, mais pour
faire la volonté de celui qui m'a envoyé. » Quoi donc ! est-ce que votre
volonté est différente de celle de Dieu ? Notre Seigneur va au-devant de
cette pensée, en ajoutant : « Or, la volonté de mon Père, qui m'a
envoyé, est que, quiconque voit le Fils et croit en lui, ait la vie
éternelle; » donc c'est aussi la volonté du Fils, puisque le Fils donne la
vie à ceux qu'il veut. Tel est donc le sens de ces paroles : Je ne suis point
venu faire autre chose que ce que veut le Père, et je n'ai point d'autre
volonté que la sienne : « Car tout ce qui est à mon Père, est également
à moi; » ce qu'il réserve de dire à la fin de son discours, car il voile
de temps en temps les vérités trop relevées pour l'intelligence de ses
auditeurs. S. Augustin : (Traité 25). Ou bien encore, le Sauveur donne ici la raison
pour laquelle il ne rejette pas dehors celui qui vient à lui : « C'est
parce que je suis descendu du ciel, non pour faire ma volonté, mais pour
faire la volonté de celui qui m'a envoyé. » L'âme est sortie de Dieu, parce
qu'elle était orgueilleuse, c'est par l'orgueil que nous avons été chassés
dehors, c'est par l'humilité seule que nous pouvons rentrer. Lorsqu'un
médecin qui entreprend la guérison d'une maladie, guérit la maladie
elle-même, sans guérir la cause qui l'a produite, la guérison n'est que momentanée,
et le mal revient sous l'action de la cause qui persévère. Or, c'est pour
guérir la cause de toutes les maladies; c'est-à-dire, l'orgueil, que le Fils
de Dieu est descendu des cieux, et qu'il s'est profondément humilié. Pourquoi
donc vous enorgueillir, ô homme ? C'est pour vous que le Fils de Dieu s'est
réduit à cet état d'humiliation. Peut-être rougirez-vous d'imiter l'exemple
de l'humilité qui vous serait donné par un homme, imitez-le du moins quand
cet exemple vous est donné par un Dieu, qui vous recommande si hautement
l'humilité en vous disant : « Je suis venu, non pour faire ma volonté, mais
pour faire la volonté de celui qui m'a envoyé. » L'orgueil, en effet, ne veut
faire que sa volonté, l'humilité, au contraire, fait la volonté de Dieu. S. Hilaire : (de la Trin., 3) En s'exprimant de la sorte, le Sauveur ne veut
point dire qu'il fait ce qu'il ne veut pas, mais il fait paraître son
obéissance dans sa soumission à la volonté de son Père, volonté qu'il veut
accomplir dans toute sa perfection. — S.
Augustin : (Traité 25). Celui-là donc qui viendra à moi, je ne le
rejetterai pas dehors, parce que je ne suis pas venu pour faire ma volonté;
humble moi-même, je suis venu enseigner l'humilité; celui qui vient à moi
s'unit et s'incorpore à moi, parce qu'il ne fait pas sa volonté, mais celle
de Dieu, et c'est pour cela qu'il ne sera pas jeté dehors, car l'orgueil seul
l'avait chassé dehors. On ne peut venir à moi qu'à la condition d'être
humble, et on n'est rejeté dehors que par l'orgueil : celui qui pratique
l'humilité ne tombe jamais des hauteurs de la vérité. Mais pour quelle raison
ne jette-t-il pas dehors celui qui vient à lui, parce qu'il n'est pas venu
faire sa volonté ? La voici : « Car la volonté de mon Père qui m'a envoyé,
est que je ne perde aucun de ceux qu'il m'a donnés. » Celui qui est donné à
Jésus-Christ est celui qui est resté fidèle à la pratique de l'humilité :
« Votre Père qui est dans les cieux ne veut pas qu'il se perde un seul
de ces petits. » (Mt 18, 14). Il en peut périr parmi les orgueilleux,
mais aucun de ceux qui sont petits ne périt, car il faut devenir semblable à
ce petit pour entrer dans le royaume des cieux. (Mt 18, 3-5). — S. Augustin : (de la correct, et
de la grâce, chap. 9) Ceux donc, qui dans les décrets de la providence de
Dieu, ont été prévus, prédestinés, appelés, justifiés, glorifiés, sont déjà
enfants de Dieu, avant leur seconde naissance et même avant la première, et
il est impossible qu'ils périssent, parce qu'ils sont véritablement venus à
Jésus-Christ. C'est lui donc qui leur donne la persévérance finale dans le
bien, car elle n'est donnée qu'à ceux qui ne doivent point périr. Quant à
ceux qui ne persévèrent point, leur perte est certaine. S. Jean Chrysostome : (hom. 45 sur S. Jean). Lorsque Notre Seigneur dit :
« Je ne perdrai aucun d'eux; » ce n'est pas qu'il ait besoin d'eux,
mais en s'exprimant de la sorte, il fait voir le désir qu'il a de leur salut.
Après avoir dit : « Je n'en perdrai aucun, et je ne le jetterai pas
dehors; » il ajoute : « Mais je le ressusciterai au dernier jour. »
C'est qu'en effet, à la résurrection générale, les méchants seront jetés
dehors, selon ces paroles du Sauveur : « Prenez-le, et jetez-le dans les
ténèbres extérieures. » (Mt 22 et 25) Vérité que confirment ces autres
paroles : « Lui qui peut précipiter dans la géhenne l'âme et le corps. »
(Mt 10) Il ramène souvent la pensée de la résurrection, pour que les
hommes ne jugent pas la conduite de la Providence divine par les seules
choses présentes, et pour qu'ils vivent dans l'attente d'une autre vie. S. Augustin : (Traités 23 et 25). Voyez comme il parle ici en termes précis
de cette double résurrection : « Celui qui vient à moi ressuscite dès
maintenant, en partageant l'humilité de mes membres; » et de plus : « Je
le ressusciterai au dernier jour. » Pour expliquer davantage ce qu'il venait
de dire : « Tout ce que mon Père m'a donné; » et encore : « Je ne
perdrai aucun d'eux. » Notre Seigneur ajoute : « Telle est la volonté de
mon Père qui m'a envoyé, que quiconque voit le Fils et croit en lui, ait la
vie éternelle. » Il avait dit précédemment : « Celui qui écoute ma parole et
qui croit à celui qui m'a envoyé. » Ici au contraire : « Celui qui voit le
Fils et qui croit en lui. » Il ne dit point : Et qui croit dans le Père,
parce que croire dans le Fils et croire dans le Père, sont une seule et même
chose; car de même que le Père a la vie en lui-même, il a donné au Fils
d'avoir la vie en lui-même; et ainsi celui qui voit le Fils et qui croit en
lui, a la vie éternelle, en arrivant par la foi à la vie qui est comme la
première résurrection. Mais cette première résurrection n'est pas la seule,
aussi Notre Seigneur ajoute : « Et je le ressusciterai au dernier jour. » Versets 41-46.
S. Jean Chrysostome : (hom. 46 sur S. Jean). Les Juifs qui espéraient
recevoir une nourriture matérielle, ne commencèrent à se troubler que lorsque
cette espérance leur fut enlevée : « Cependant les Juifs murmuraient
contre lui, parce qu'il avait dit : Je suis le pain vivant, » etc. La cause
apparente de leur trouble, c'est que Notre Seigneur leur déclarait qu'il
était descendu du ciel, mais la cause véritable, c'est qu'ils avaient perdu
l'espérance de la nourriture matérielle qu'ils attendaient. Cependant le
miracle qu'il venait d'opérer leur inspirait encore pour lui quelque respect,
voilà pourquoi ils n'osent le contredire ouvertement, ils se contentent de
témoigner leur désapprobation par leurs murmures. Quel était l'objet de ces
murmures, le voici : « Et ils disaient : Est-ce que ce n'est pas là Jésus,
fils de Joseph ? » — S. Augustin : (Traité
26 sur S. Jean). Ils étaient encore loin du pain du ciel, et ils
n'en connaissaient pas le désir; car ce pain exige la faim de l'homme
intérieur. — S. Jean Chrysostome : (hom.
46). Il est évident qu'ils ne connaissaient pas encore l'admirable
génération du Sauveur, puisqu'ils l'appellent le fils de Joseph, et toutefois
il ne leur en fait point de reproche, et ne leur dit point : Je ne suis pas
le fils de Joseph, parce qu'ils étaient incapables de comprendre sa naissance
miraculeuse; car s'ils ne pouvaient comprendre sa naissance selon la chair, à
plus forte raison sa naissance éternelle et ineffable. — S. Augustin : (Traité 26). Il a pris notre chair mortelle,
mais non pas comme les hommes la prennent. Il avait un Père dans les cieux,
et il s'est choisi une mère sur la terre; il est né sans mère dans le ciel,
et sans père sur la terre. Mais quelle fut sa réponse aux murmures des Juifs
? « Jésus leur répondit : Ne murmurez, point entre vous, » c'est-à-dire
: Je sais pourquoi vous n'avez point cette faim spirituelle, et pourquoi vous
ne comprenez, ni ne cherchez ce pain : « C'est que personne ne peut venir à
moi, si mon Père qui m'a envoyé, ne l'attire. » Quel magnifique éloge de la
grâce ! Nul ne vient, s'il n'est attiré; ne cherchez
point à savoir et à juger qui est attiré, et qui ne l'est pas; pourquoi Dieu
attire celui-ci plutôt que celui-là, si vous ne voulez vous égarer, et
contentez-vous d'entendre cette vérité : Vous n'êtes point encore attiré,
priez Dieu qu'il vous attire. S. Jean Chrysostome : (hom. 46). Les Manichéens saisissent avidement ces paroles
pour nous objecter que notre libre arbitre n'a aucune puissance. Cependant Notre
Seigneur ne veut pas détruire ici ce qui est en nous, mais nous montrer
simplement le besoin que nous avons du secours de Dieu, et il vent parler ici
non de celui qui vient malgré lui, mais de celui qui rencontre de grands
obstacles. — S. Augustin : Si nous
sommes attirés malgré nous à Jésus-Christ, c'est donc aussi malgré nous que
nous croyons. C'est donc ici l'œuvre de la violence et non de la volonté;
mais on ne peut entrer dans l'Eglise qu'autant qu'on le veut, on ne peut
croire que parce qu'on le veut, « car il faut croire de cœur pour obtenir la
justice. » (Rm 10) Si donc celui qui est attiré vient malgré lui, il
n'a point la foi; s'il n'a point la foi, il ne vient pas. En effet, ce n'est
pas en marchant que nous approchons de Jésus-Christ, mais en croyant; ce
n'est point par un mouvement de notre corps, mais par la volonté de notre
cœur. C'est donc par la volonté que nous sommes attirés. Comment sommes-nous
attirés par la volonté ? « Mettez vos délices dans le Seigneur, et il vous
accordera ce que votre cœur demande. » (Ps 37) Il y a une certaine
volupté du cœur pour celui qui goûte la douceur de ce pain céleste. Or, si le
poète a pu dire : « Chacun est entraîné par son plaisir, » à combien
plus juste titre pouvons-nous dire que l'homme qui place ses délices dans la
vérité, dans la béatitude, dans la justice, dans la vie éternelle, est
véritablement attiré vers le Christ; car toutes ces choses c'est le Christ.
Dira-t-on que les sens du corps ont leurs voluptés, et que l'âme n'en a point
qui lui soient propres ? Donnez-moi une âme qui aime, donnez-moi une âme qui
désire, une âme fervente, une âme qui se regarde comme exilée et qui ait faim
et soif dans la solitude de cette vie, une âme qui soupire après la fontaine
de l'éternelle patrie, et elle comprendra ce que je dis. Mais pourquoi Notre
Seigneur s'exprime-t-il de la sorte : « Si mon Père ne l'attire ? » S'il faut
que nous soyons attirés, soyons-le par celui à qui l'Epouse des cantiques a
dit : « Attirez-moi après vous. » (Ct 1) Mais examinons le
véritable sens de ces paroles. Le Père attire au Fils ceux qui croient au
Fils, parce qu'ils pensent qu'il a Dieu pour Père. En effet, Dieu le Père a
engendré un Fils qui lui est égal, et celui qui pense et médite attentivement
dans la foi de son âme, que celui en qui il met sa foi est égal au Père, est
attiré par le Père vers le Fils. Arius ne voit en lui qu'une créature; le
Père ne l'a pas attiré. Photius dit que le Christ n'est qu'un homme, celui
qui partage ses sentiments n'est pas attiré par le Père. Dieu le Père attire
Pierre, lorsqu'il dit : « Vous êtes le Christ, le Fils du Dieu vivant. »
(Mt 16) Aussi que lui répond Notre Seigneur : « Ce n'est point la
chair et le sang qui vous l'a révélé, mais mon Père qui est dans les cieux. »
Il l'attire par là même qu'il lui révèle; car si les révélations qui ont lieu
parmi les jouissances de la terre sont assez fortes pour entraîner ceux qui
aiment, comment supposer que Jésus-Christ, révélé par le Père, n'ait pas la
même force pour nous entraîner ? Qu'est-ce que l'âme désire plus vivement que
la vérité ? Mais ici les hommes sont tourmentés par la faim et la soif de la
vérité, ce n'est que dans le ciel que leurs désirs seront rassasiés, c'est
pour cela que Notre Seigneur ajoute : « Et je le ressusciterai au
dernier jour. » La soif qu'il éprouve ici-bas sera rassasiée à la
résurrection des morts, parce que je le ressusciterai. S. Augustin : (Quest. sur le Nouv. et l'Ane. Test., chap. 27) Ou bien encore, le Père attire au
Fils par les œuvres qu'il faisait par le Fils. — S. Jean Chrysostome : (hom. 46). Quelle est grande la
dignité du Fils, puisqu'il ressuscite ceux que le Père lui amène, que ses
œuvres ne sont point séparées de celles du Père, et qu'il nous montre ici la
parfaite égalité de sa puissance avec celle du Père. Mais de quelle manière
le Père attire au Fils ? la voici : « Et il est écrit dans les prophètes : Et
ils seront tous enseignés de Dieu. » Voyez ici la dignité de la foi, ce n'est
point des hommes, ni par le moyen des hommes, qu'elle nous est enseignée,
Dieu seul en est le souverain maître, toujours prêt à répandre sur tous lès
hommes ses grâces aussi bien que sa doctrine. Mais si tous sont enseignés de
Dieu, comment expliquer l'incrédulité d'un certain nombre ? L'expression tous
doit s'entendre de plusieurs, ou bien de tous ceux qui ont la bonne
volonté. — S. Augustin : (de la
prédest., chap. 8) On peut encore l'entendre dans un autre sens :
Lorsqu'un maître de belles-lettres est seul dans une ville, nous disons : Il
enseigne les lettres à tout le monde, non pas que tous les habitants de la
ville les apprennent, mais parce que ceux qui veulent les apprendre n'ont que
lui pour maître; de même nous disons ici que Dieu enseigne à tous les hommes
à venir à Jésus-Christ, non pas que tous soient dociles à ses enseignements,
mais parce que personne ne peut venir par une autre voie. — S. Augustin : (Traité 26). Ou
bien encore, tous les hommes de ce royaume seront enseignés de Dieu, dans ce
sens que les hommes ne seront point leur véritable maître. Sans doute, ce
sont les hommes qui leur enseignent extérieurement la doctrine qu'ils
cherchent à comprendre, mais c'est au dedans que l'intelligence en est
donnée, au dedans que la lumière brille, au dedans que la révélation se fait.
Le bruit de mes paroles vient frapper vos oreilles, mais si le maître
intérieur n'en révèle le sens, qu'est-ce que je dis ? que sont mes paroles ? Notre
Seigneur dit donc aux Juifs : « Et ils seront tous enseignés de Dieu, »
c'est-à-dire : Comment, Juifs, pouvez-vous me connaître, vous que le Père n'a
pas enseignés ? S. Bède : Notre Seigneur dit au pluriel : « Il
est écrit dans les prophètes, » parce que tous les prophètes, remplis
d'un seul et même esprit, tendaient au même but, bien que l'objet de leurs
prophéties fût différent. Aussi tous les prophètes s'accordent avec chacun
d'entre eux, c'est ainsi que le prophète Joël s'accorde avec le prophète qui
a dit : « Ils seront tous enseignés de Dieu. » On ne trouve pas
ces paroles dans Joël, mais on y lit quelque chose de semblable :
« Enfants de Sion, faites éclater votre joie, livrez-vous à votre
allégresse, à la présence du Seigneur votre Dieu, parce qu'il vous a donné un
docteur de justice. » (Jl 2, 23). Cependant cette pensée se trouve
plus explicitement exprimée dans Isaïe, lorsqu'il dit : « Je rendrai
tous tés-enfants disciples de Dieu. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 46). C'est qu'en effet avant
Jésus-Christ, c'étaient les hommes qui enseignaient les vertus divines,
maintenant, au contraire, c'est le Fils unique de Dieu et l'Esprit saint. S. Augustin : (de la prédestin., chap. 8) Tous ceux qui sont ainsi enseignés de Dieu,
viennent au Fils, parce que le Père les a instruits et enseignés par le Fils
: « Quiconque a entendu le Père et appris de lui, vient à moi. » Si tout
homme qui a entendu le Père et appris de lui, vient au Fils, tous ceux qui ne
l'ont pas entendu sont privés d'enseignement. Que cette école céleste dans
laquelle le Père se fait entendre, et apprend à venir au Fils, est éloignée
des sens de la chair ! Ce n'est point à l'oreille du corps qu'il s'adresse,
mais à l'oreille du cœur, là où est le Fils lui-même, parce qu'il est le
Verbe, par lequel le Père enseigne; là où est aussi l'Esprit saint, car la
foi nous apprend que les œuvres de la Trinité sont indivisibles; cependant ce
divin enseignement est attribué au Père, parce que le Fils procède de lui
ainsi que le Saint-Esprit. Ainsi la grâce qui se répand secrètement dans les
âmes par un effet de la bonté divine, n'est rejetée par aucune dureté de
cœur, car son premier objet est de faire disparaître cette dureté de cœur.
Pourquoi donc Dieu n'enseigne-t-il pas à tous les hommes à venir à
Jésus-Christ ? C'est que ceux qui sont enseignés, le sont par miséricorde,
tandis que ceux qui ne le sont pas en sont privés par un juste jugement.
Dirons-nous que ceux qu'il n'enseigne pas veulent cependant apprendre ? On
nous répondra : Et que signifient ces paroles : « O Dieu ! vous nous
convertirez de nouveau vers nous, et vous nous donnerez la vie ? » (Ps
84) Et si ce n'est pas Dieu qui inspire la bonne volonté à ceux qui ne
l'ont pas, pourquoi l'Eglise prie-t-elle pour ses persécuteurs, conformément
au précepte que lui en fait le Seigneur ? Il n'est personne qui puisse
dire : J'ai cru et c'est ma foi qui a été le principe de ma vocation, car
c'est la miséricorde de Dieu qui prévient celui qui est appelé, afin qu'il
puisse recevoir le don de la foi. S. Augustin : (Traité 26). Voilà donc comment le Père nous attire en nous
enseignant la vérité, et sans nous imposer aucune nécessité, et il
n'appartient qu'à Dieu de nous attirer ainsi : « Quiconque a entendu le
Père, et appris de lui, vient à moi. » Quoi donc ! est-ce que Jésus.
Christ n'a rien enseigné ? Mais les hommes n'ont point vu le Père se faisant
leur maître, et ils ont vu le Fils qui en remplissait les fonctions à leur
égard ? C'était le Fils qui parlait, mais c'était le Père qui enseignait. Si
donc moi qui ne suis qu'un homme, j'enseigne celui qui a entendu ma parole, à
plus forte raison le Père enseigne celui qui a entendu sa parole ou son
Verbe. C'est ce que le Sauveur nous explique parfaitement en ajoutant
immédiatement : « Non que personne ait vu le Père, si ce n'est celui qui est
de Dieu, » paroles dont voici le sens : Je viens de vous dire :
« Quiconque a entendu le Père et appris de lui; » n'allez pas vous tenir
à vous-mêmes ce langage : Nous n'avons jamais vu le Père, comment pourrons-nous
être instruits par lui ? Apprenez de moi comment vous pourrez être instruits
: Je connais mon Père, je viens de lui comme la parole sort de celui qui la
profère, je suis non pas la parole qui retentit et qui passe, mais la parole
qui demeure avec celui qui la prononce, et qui attire celui qui l'entend. — S. Jean Chrysostome : (hom. 46).
Tous nous venons de Dieu, mais Notre Seigneur ne parle point ici de ce qui
distingue le Fils de Dieu et lui est propre, à cause de l'esprit encore
faible et grossier de ses auditeurs. Versets 47-52.
S. Augustin : (Traité 26 sur S. Jean). Notre Seigneur en vient
enfin à révéler, aux Juifs ce qu'il était : « En vérité, en vérité, je vous
le dis, celui qui croit en moi a la vie éternelle; » c'est-à-dire, celui qui
croit en moi, me possède. Qu'est-ce que me posséder ? c'est posséder la vie
éternelle; car la vie éternelle, c'est le Verbe qui était au-commencement
avec Dieu, et cette vie était la lumière des hommes. La vie s'est revêtue de
la mort, afin que la mort fût détruite par la vie. Théophylactus : Comme ce peuple insistait pour obtenir la
nourriture corporelle, et rappelait à ce dessein le souvenir de la manne qui
avait été donnée à leurs pères, le Sauveur veut leur montrer que tous les
faits de la loi ancienne étaient une figure de la vérité qu'ils avaient
présente sous leurs yeux, et les élève à la pensée d'une nourriture toute
spirituelle, en leur disant : « Je suis le pain de vie. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 46).
Il se donne le nom de pain de vie, parce qu'il contient le principe de notre
vie, de cette vie présente et de la vie future. S. Augustin : (Traité 26). Mais pour réprimer l'orgueil des Juifs qui
étaient fiers de la manne qui avait été donnée à leurs pères, Jésus ajoute :
Vos pères ont mangé la manne dans le désert, et sont morts. » Ce sont
véritablement vos pères, et vous leur êtes semblables, ils sont les pères
murmurateurs d'enfants imitateurs de leurs murmures, car le plus grand crime
que Dieu ait relevé contre ce peuple, ce sont ses murmures contre Dieu. Or,
ils sont morts, parce qu'ils ne croyaient que ce qu'ils voyaient, et qu'ils
ne croyaient ni ne comprenaient ce qui était invisible à leurs yeux. — S. Jean Chrysostome : (hom. 46).
Ce n'est pas sans dessein que le Sauveur ajoute cette circonstance : « Dans
le désert, » il veut leur rappeler indirectement le peu de temps pendant
lequel la manne a été donnée à leurs pères, et qu'elle ne les a pas suivis
dans la terre promise. Mais les Juifs estimaient encore le miracle de la
multiplication des pains comme de beaucoup inférieur au miracle de la manne,
parce que la manne semblait descendre du ciel, et que le miracle de la
multiplication des pains avait lieu sur la terre; c'est pourquoi Notre
Seigneur ajoute : « Voici le pain descendu du ciel. » — S. Augustin : (Traité 26). Ce
pain a été figuré par la manne, il a été figuré par l'autel de Dieu. Départ
et d'autre c'étaient des symboles figuratifs; les signes extérieurs sont
différents, l'objet figuré est le même. Entendez l'Apôtre qui vous dit :
« Ils ont tous mangé la même nourriture spirituelle. » (1 Co 10) S. Jean Chrysostome : (hom. 46). Notre Seigneur relève ensuite une circonstance
qui devait faire sur eux une vive impression, c'est qu'ils ont été bien plus
favorisés que leurs pères que la manne n'a pas empêchés de mourir :
« Voici le pain qui descend du ciel, pour que celui qui en mange ne
meure point. » Il fait ressortir la différence des deux nourritures par la
différence des résultats. Le pain dont il parle ici, ce sont les vérités du
salut, et la foi que nous devons avoir en lui, ou bien son corps, car toutes
ces choses conservent la vie de l'âme. S. Augustin : (Traité 26) Mais est-ce que nous qui mangeons le pain
descendu du ciel, nous ne mourrons pas aussi ? Ceux qui ont mangé la manne
sont morts comme nous mourrons nous-mêmes un jour de la mort du corps. Mais
quand à la mort spirituelle dont leurs pères sont morts, Moïse et un grand
nombre d'autres qui ont mangé la manne et qui ont été agréables à Dieu, n'y
ont pas été soumis, parce qu'ils ont reçu cette nourriture visible avec des
dispositions toutes spirituelles, ils l'ont désirée dans l'esprit, goûtée
dans l'esprit, ils en ont été rassasiés dans l'esprit. Encore aujourd'hui
nous recevons une nourriture visible, mais autre chose est le sacrement,
autre chose est la vertu du sacrement. Combien qui reçoivent ce pain de
l'autel, et qui meurent en le recevant ! comme le dit l'Apôtre : « Il mange
et boit son jugement. » (1 Co 11) Mangez donc spirituellement ce pain
céleste, apportez l'innocence au saint autel. Tous les jours vous péchez,
mais que vos péchés ne soient point de ceux qui donnent la mort à l'âme.
Avant d'approcher de l'autel, pesez bien ce que vous dites : Remettez-nous
nos dettes, comme nous les remettons à nos débiteurs. Si vous les remettez
véritablement, on vous remettra les vôtres. Approchez donc avec confiance,
c'est du pain et non du poison qu'on vous présente : « Si quelqu'un
mange de ce pain, il ne mourra point. » Mais il s'agit ici de la vertu du
sacrement, et non de ce qui est visible dans le sacrement; de celui qui se
nourrit intérieurement de ce pain, et non de celui qui se contente de le
manger extérieurement. — Alcuin : Celui
qui mange ce pain ne meurt pas « parce que je suis le pain vivant qui suis
descendu du ciel. » — Théophylactus
: Il est descendu du ciel par son incarnation, il n'a donc point commencé
par être homme avant de s'unir à la divinité comme le rêve Nestorius. — S. Augustin : (Traité 26). La
manne est aussi descendue du ciel, mais la manne n'était que figurative, et
nous avons ici la vérité. Or, ma vie, dit le Sauveur, est pour les hommes une
source de vie : « Si quelqu'un mange de ce pain, il vivra non-seulement dans
cette vie par la foi et la justice, mais il vivra éternellement. » « Et le
pain que je donnerai, est ma chair qui sera livrée pour la vie du monde. » — La Glose : Le Seigneur explique ici
dans quel sens il est un véritable pain, ce n'est pas seulement par sa
divinité qui donne la nourriture à tout ce qui existe, mais par son humanité
qui a été unie au Verbe de Dieu, et c'est pour cela qu'il ajoute : « Et le
pain que je donnerai, c'est ma chair pour la vie du monde. » — S. Bède : Le Seigneur a donné ce pain
lorsqu'il a livré à ses disciples le mystère de son corps et de son sang, et
quand il s'est offert lui-même à Dieu son Père sur l'autel de la croix. La
vie du monde dont il parle ici ne doit point s'entendre des éléments
matériels qui composent le monde, mais de tous ceux que l'on comprend sous le
nom de monde. — Théophylactus : En
disant : « Que je donnerai, » il fait ressortir sa puissance et prouve
que s'il a été crucifié, ce n'est pas comme étant inférieur à son Père, mais
de sa pleine volonté. Car bien que nous disions qu'il a été livré par son
Père, cependant il s'est véritablement livré lui-même. Considérez encore que
le pain que nous mangeons dans les saints mystères n'est pas seulement la
figure de la chair de Jésus-Christ, mais qu'il est lui-même la vraie chair de
Jésus- Christ. Car il ne dit pas : Le pain que je donnerai est la figure de
ma chair, mais : « c'est ma chair. » En vertu de paroles ineffables, ce
pain est changé au corps de Jésus-Christ par une bénédiction mystérieuse et
par l'habitation de l'Esprit saint dans la chair de Jésus-Christ. Mais
pourquoi ne voyons-nous pas cette chair ? Parce que la vue de cette chair
nous inspirerait une vive horreur lorsque nous voudrions nous en nourrir.
C'est donc pour condescendre à notre faiblesse que cette nourriture
spirituelle nous est donnée d'une manière conforme à nos habitudes. Jésus
donne sa chair pour la vie du monde, parce que c'est en mourant qu'il a
détruit l'empire de la mort. Cette vie du monde, je puis l'entendre de la
résurrection, car la mort du Seigneur a été pour tout le genre humain un
principe de résurrection. Peut-être aussi peut-on entendre cette vie qui est
le fruit de la justification et de la sanctification par l'Esprit; car bien
que tous n'aient pas reçu la vie qui consiste dans la sanctification et dans
la participation de l'Esprit saint, cependant le Seigneur s'est livré pour le
monde et il a fait ce qui dépendait de lui, pour que le monde tout entier fût
sanctifié. S. Augustin : (Traité 26). Mais comment la chair pourrait-elle comprendre
que Notre Seigneur ait donné le nom de pain à sa propre chair ? Les fidèles
connaissent le corps de Jésus-Christ, si toutefois ils ne négligent pas de
devenir eux-mêmes le corps de Jésus-Christ. Oui, qu'ils fassent partie du
corps de Jésus-Christ, s'ils veulent vivre de l'esprit de Jésus-Christ.
Est-ce que mon corps peut recevoir le mouvement et la vie de votre esprit ?
C'est ce pain dont parle l'Apôtre, lorsqu'il dit : « Nous ne faisons
tous qu'un même corps, nous qui mangeons d'un même pain. O sacrement de la
piété ! O symbole de l'unité ! O lien de la charité! Celui qui veut vivre,
possède ici une source de vie, qu'il approche, qu'il croie, et qu'il
s'incorpore à Jésus-Christ pour recevoir la vie. Versets 53-55.
S. Augustin : (Traité 26 sur S. Jean). Les Juifs ne comprenaient
pas quel était ce pain d'union, et c'est la raison de leurs disputes : « Les
Juifs donc se disputaient entre eux, disant : Comment celui-ci peut-il nous
donner sa chair à manger ? » Pour ceux au contraire qui se nourrissent de ce
pain, ils n'ont point de dispute entre eux, car c'est par la vertu de ce pain
que Dieu fait habiter ensemble ceux qui n'ont qu'un même esprit. (Ps 67,
7) S. Bède : Les Juifs s'imaginaient que le Seigneur leur
partagerait sa chair par morceaux, et la leur donnerait ainsi à manger, ils
disputaient donc entre eux, parce qu'ils ne comprenaient point. — S. Jean Chrysostome : (hom. 46).
Ils prétendaient qu'il était impossible qu'il leur donnât ainsi sa chair, et
il leur montre que loin d'être impossible, c'est une chose absolument
nécessaire : « Et Jésus leur dit : En vérité, en vérité, je vous le dis, si
vous ne mangez la chair du Fils de l'homme, » etc., c'est-à-dire vous
ignorez comment ce pain peut vous être donné, et de quelle manière vous devez
le manger, et cependant, je vous le déclare, si vous ne mangez ce pain, vous
n'aurez point la vie en vous., etc. S. Bède : Et pour étendre à tous l'obligation de ce
précepte il le généralise en disant : « Celui qui mange ma chair et qui
boit mon sang, » etc. Or, dans la crainte de voir appliquer à la vie présente
les effets de la communion à sa chair, il ajoute : « Il a la vie éternelle. »
Celui donc, qui ne mange pas sa chair et ne boit pas son sang, demeure privé
de cette vie. On peut jouir de la vie présente sans manger ce pain, mais pour
la vie éternelle, cela est impossible. Il n'en est pas ainsi de la nourriture
que nous prenons pour soutenir la vie du corps, elle est absolument
nécessaire à la conservation de cette vie, et cependant elle ne peut la
conserver indéfiniment, car il arrive tous les jours qu'un grand nombre de
ceux qui l'ont prise meurent par suite de maladie, de vieillesse ou de
quelque autre accident. Mais les effets de cette nourriture et de ce
breuvage, c'est-à-dire du corps et du sang de Jésus-Christ, sont bien
différents; celui qui ne les reçoit point ne peut avoir la vie, et celui qui
les reçoit a nécessairement la vie et la vie éternelle. — Théophylactus : Car ce n'est pas
seulement la chair d'un homme, c'est la chair d'un Dieu, chair qui a la
puissance de rendre l'homme tout divin, en l'enivrant de sa divinité. S. Augustin : (de la Cité de Dieu, 21, 19). Il en est qui s'appuient sur
ces paroles pour promettre à ceux qui ont reçu le baptême du Christ, et qui
participent à la réception de son corps, qu'ils seront délivrés des supplices
éternels, quelle qu'ait été d'ailleurs leur vie. C'est une erreur que
l'apôtre saint Paul condamne lorsqu'il dit : « Il est aisé de connaître les
oeuvres de la chair qui sont la fornication, l'impureté, l'impudicité, la
dissolution, etc., dont je vous déclare, comme je vous l'ai déjà dit que ceux
qui commettent ces crimes, ne seront point héritiers du royaume de Dieu. (Ga
5) Nous devons donc examiner avec soin dans quel sens il faut entendre
les paroles du Sauveur. Celui qui fait partie de l'unité de son corps,
c'est-à-dire de cette union étroite des chrétiens membres de ce corps dont
les fidèles reçoivent le sacrement dans la sainte communion, mange
véritablement le corps et boit .le sang de Jésus-Christ. Par conséquent, les
hérétiques et les schismatiques qui sont séparés de l'unité de son corps,
peuvent bien recevoir le même sacrement, mais sans aucune utilité pour eux;
je dirai plus, il leur est nuisible et il devient pour eux la cause d'un
jugement rigoureux, plutôt qu'un principe de délivrance. Ceux dont les mœurs
sont évidemment mauvaises et condamnables et qui par leurs impuretés ou par
d'autres actions semblables, c'est-à-dire par l'iniquité de leur vie se
séparent de la justice de la vie qui est Jésus-Christ, ne mangent pas
véritablement le corps de Jésus-Christ, parce qu'ils ne font point partie de
ses membres. Pour ne pas en dire davantage, ils ne peuvent être en même temps
les membres de Jésus-Christ et les membres d'une prostituée. (1 Co 6,
15). S. Augustin : (Traité 26). Notre Seigneur veut donc que dans cette
nourriture et dans ce breuvage, nous voyions la société de son corps et de
ses membres, c'est-à-dire l'Eglise, composée de saints que Dieu a
prédestinés, appelés, justifiés, et glorifiés, et de ses fidèles. Le symbole
de cette vérité, c'est-à-dire, l'unité du corps et du sang de Jésus-Christ,
nous est présenté tous les jours dans certains lieux, à des jours marqués
dans d'autres endroits, sur la table du Seigneur, et c'est sur cette table
que les fidèles prennent ce sacrement, les uns pour leur vie, les autres pour
leur mort. Mais la vérité qui est elle-même figurée par ce sacrement est un
principe de vie pour tous, et n'est une cause de mort pour aucun de ceux qui
ont le bonheur d'y participer. Comme les Juifs auraient pu croire que la
promesse de la vie éternelle faite à ceux qui prendraient cette nourriture et
ce breuvage, entraînait l'affranchissement de la mort du corps, Notre
Seigneur prévient cette pensée en ajoutant : « Et je le ressusciterai au
dernier jour, » c'est-à-dire, que son âme jouira d'abord de la vie éternelle
dans le repos que Dieu a préparé aux âmes des saints, et que son corps
lui-même ne sera point privé de cette vie éternelle, dont il entrera en
possession au dernier jour de la résurrection des morts. Versets 56-60.
S. Bède : Le Sauveur venait de dire précédemment :
« Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle; » il
montre maintenant quelle distance sépare la nourriture et le breuvage
matériel du mystère spirituel de son corps et de son sang : « Car ma chair
est vraiment une nourriture, et mon sang est vraiment un breuvage. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 46
sur S. Jean). Notre Seigneur tient ce langage pour fortifier la foi
aux enseignements qui précèdent, et bien persuader ceux qui l'écoutent, que
ce n'est point ici une parabole et une figure, mais qu'il faut absolument
manger le corps du Christ; ou bien son intention est de nous apprendre que la
nourriture véritable est celle qui donne le salut à notre âme. S. Augustin : (Traité 26). Ou bien encore, ce que les hommes cherchent
dans la nourriture et la boisson, c'est d'apaiser leur faim et leur soif, or
cet effet ne peut être complètement atteint qu'au moyen de cette nourriture
et de ce breuvage, qui communiquent à ceux qui les prennent, l'immortalité et
l'incorruptibilité, et les fait entrer dans la société des saints dans
laquelle ils jouiront d'une paix absolue et de l'unité la plus parfaite.
C'est pour cela que Notre Seigneur nous a donné son corps et son sang sous
des symboles qui nous offrent une parfaite image de cette unité. C'est ainsi
que le pain résulte de l'assemblage d'un grand nombre de grains de blé, et
que le vin est le produit d'un grand nombre de grains de raisin. Le Sauveur
explique ensuite ce que c'est que manger sa chair et boire son sang, en
ajoutant : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang, demeure en moi et moi
en lui. » Manger cette nourriture et boire ce breuvage, c'est donc demeurer
en Jésus-Christ, et avoir Jésus-Christ demeurant en soi; par conséquent,
celui qui ne demeure pas en Jésus-Christ, et en qui Jésus-Christ ne demeure
pas, ne mange pas sa chair et ne boit point son sang; mais au contraire il ne
mange et ne boit cet auguste mystère que pour son jugement et sa
condamnation. S. Jean Chrysostome : (hom. 47). On peut encore rattacher autrement ces paroles
à ce qui précède : Notre Seigneur avait promis la vie éternelle à ceux qui
mangeraient ce pain, il confirme cette promesse par ces paroles : « Celui qui
mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui. » — S. Augustin : (serm. 2 sur
les par. du Seig). Il en est un grand nombre qui mangent la chair du
Sauveur et boivent son sang avec un cœur hypocrite, ou qui après s'en être
nourris deviennent des apostats; peut-on dire d'eux qu'ils demeurent en
Jésus-Christ, et que Jésus-Christ demeure en eux ? Il y a donc une manière
particulière de manger cette chair et de boire ce sang pour que nous
demeurions en Jésus-Christ et que Jésus-Christ demeure en nous. — S. Augustin : (de la Cité de Dieu,
12, 25). Il faut pour cela ne point participer seulement au sacrement
extérieur, mais manger véritablement le corps et boire le sang de
Jésus-Christ. — S. Jean Chrysostome : (hom.
47). Comme je suis vivant, il est évident que celui qui mangera mon corps
et boira mon sang, entrera en participation de cette vie, c'est ce que le
Sauveur établit en ajoutant : « Comme mon Père qui est vivant m'a envoyé, et
que je vis par mon Père, de même celui qui me mange vivra aussi par moi. » —S. Augustin : (serm. 2 sur
les par. du Seig). C'est-à-dire, je vis comme mon Père; il ajoute, par
mon Père, pour établir sa génération et prouver indirectement que le Père
était le principe de son existence. La vie qu'il promet par ces paroles :
« Celui qui me mange vivra par moi, » n'est point cette vie ordinaire et
commune même aux infidèles qui ne se nourrissent pas de la chair du Sauveur,
mais cette vie spirituelle qui a seule quelque prix aux yeux de Dieu. La
résurrection dont il parle n'est pas non plus la résurrection commune à tous
les hommes, mais la résurrection glorieuse qui sera suivie des récompenses
éternelles. S. Augustin : (Tr. 26 sur S. Jean). Notre Seigneur ne dit point
: Comme je me nourris de mon Père et que je vis par mon Père, ainsi celui qui
me mange vivra par moi, parce qu'en effet, l'union étroite qui existe entre
le Père et le Fils ne donne pas au Fils un degré supérieur de bonté, comme la
participation que nous avons au Fils par l'union étroite avec son corps et
avec son sang, nous rend évidemment meilleurs. Si donc Notre Seigneur s'exprime
de la sorte : « Je vis par mon Père, » parce qu'il vient du Père, son
égalité avec le Père n'en souffre en aucune manière. Et cependant en ajoutant
: « Et celui qui me mange vivra par moi, » il ne veut pas établir une
parfaite égalité avec lui, mais simplement exprimer la grâce, bienfait du
médiateur. Or si nous entendons ces paroles : « Je vis par mon Père; » dans
le sens de ces autres paroles : « Mon Père est plus grand que moi; » ces
autres paroles : « Comme mon Père m'a envoyé, » etc., reviennent à celles-ci
: L'anéantissement qui a été la suite de mon incarnation, a eu pour fin de me
faire vivre à cause de mon Père, c'est-à-dire, de lui rapporter toute ma vie
comme à celui qui était plus grand que moi, et la participation à la
nourriture que je donne fait que chacun vit à cause de moi. S. Hilaire : (de la Trin., 8) Il ne reste donc aucun moyen de douter de la
vérité de la chair et du sang de Jésus-Christ, la déclaration du Sauveur
aussi bien que notre foi, concourent à établir que c'est véritablement sa
chair et véritablement son sang; et le principe de notre vie, c'est que nous
possédons dans notre nature Jésus-Christ, qui demeure en nous par le moyen de
sa chair, et qui nous donne la vie aux mêmes conditions qu'il vit lui-même
par son Père. Si donc nous avons la vie par lui en vertu de sa chair, c'est-à-dire,
en participant à la nature de sa chair, comment n'aurait-il pas naturellement
en lui son Père selon l'esprit, puisqu'il ne vit que par son Père ? Or, il
vit par son Père, parce que sa naissance ne lui a pas donné une nature
différente de celle de son Père. S. Augustin : (Traité 26). Or, ce pain est descendu ciel afin que nous
puissions recevoir la vie en le mangeant, nous qui de nous-mêmes ne pouvions
prétendre à la vie éternelle : « C'est ici, dit Nôtre-Seigneur, le pain
qui est descendu du ciel. » — S.
Hilaire : (de la Trin., 10) Il se donne ici le nom de pain, et il
déclare que ce pain est sa chair, pour prévenir la pensée que la puissance et
la nature du Verbe aient éprouvé quelque amoindrissement par leur union avec
la chair, car par-là même que ce pain descend du ciel, il prouve clairement
que son corps n'est point le produit d'une conception ordinaire, mais qu'il a
une origine divine. Et comme il nous déclare que ce pain c'est lui-même, il
prouve par-là que le Verbe s'est uni à un corps véritable. — THEOPHYL Ce
n'est pas Dieu seul que nous mangeons dans ce sacrement, puisqu'il est
impalpable et incorporel; ce n'est pas non plus la chair d'un simple mortel
qui ne nous servirait de rien. Mais comme Dieu s'est uni notre chair, sa
chair est un principe de vie; ce n'est pas qu'elle ait été transformée et
qu'elle soit devenue la nature de Dieu, mais de même que le fer embrasé
conserve sa nature du fer, et possède en même temps la propriété du feu,
ainsi la chair du Seigneur est devenue une. chair vivifiante comme étant la
chair du Verbe de Dieu. S. Bède : Pour montrer la distance qui sépare l'ombre
de la lumière, la figure de la vérité, il ajoute : « Ce n'est pas comme
vos pères, qui ont mangé la manne et qui sont morts. » — S. Augustin : (Tr. 26). Cette mort doit être entendue de
la mort éternelle, car ceux mêmes qui mangent le corps du Christ, ne sont pas
exempts de la mort du corps, mais ils reçoivent en échange la vie éternelle,
parce que Jésus-Christ est la vie éternelle. — S. Jean Chrysostome : (hom. 47 sur S. Jean). Dieu a
bien pu sans moisson, sans provision de blé et sans le secours d'autres
aliments, leur conserver la vie pendant quarante ans, combien plus facilement
pourrait-il le faire' à l'aide de cette nourriture spirituelle dont la manne était
la figure ? Le Sauveur fait souvent des promesses de vie, parce que rien
n'est plus agréable aux hommes; dans l'Ancien Testament, Dieu promettait une
longue vie, maintenant Jésus-Christ nous promet une vie qui ne doit point
avoir de fin. Il nous fait voir en même temps qu'il a révoqué la sentence qui
nous livrait à la mort en punition de nos péchés, et qu'il l'a remplacée par
la promesse de la vie éternelle : Jésus dit ces choses dans la synagogue,
lorsqu'il enseignait à Capharnaüm, où il avait opéré un grand nombre de
miracles. Il enseignait dans la synagogue et dans le temple pour attirer le
peuple à lui et lui prouver qu'il n'était pas en opposition avec Dieu le
Père. S. Bède : Dans le sens mystique, Capharnaüm dont le
nom signifie très-belle campagne représente le monde, comme la
synagogue est la figure du peuple juif, et le Sauveur nous apprend ici qu'en
apparaissant au monde dans le mystère de son incarnation il a enseigné au
peuple juif un grand nombre de vérités que ce peuple a comprises. Versets 61-72.
S. Augustin : (Traité 27 sur S. Jean). Les Juifs ne crurent pas que
ces paroles de Jésus renfermaient de sublimes vérités, et recouvraient un
grand mystère de grâce, ils les entendirent à leur manière, dans un sens tout
naturel, et comme si Jésus devait leur partager et leur distribuer par
morceaux la chair dont le Verbe s'était revêtu : « Plusieurs donc, non
point de ses ennemis, mais de ses disciples, l'entendant, dirent : Ces
paroles sont dures. » — S. Jean
Chrysostome : (hom. 47). C'est-à-dire qu'elles étaient difficiles
à comprendre, et dépassaient la portée de leur intelligence. Ils
s'imaginaient que le Sauveur tenait un langage bien supérieur à sa puissance,
et ils se disaient : « Qui peut l'écouter ? » cherchant par là à justifier
leur conduite inexcusable. — S.
Augustin : (Traité 27). Mais si les disciples de Jésus trouvèrent
ces paroles dures, que durent en penser ses ennemis ? Et cependant il fallait
leur enseigner cette vérité bien que tons ne dussent pas la comprendre; le
secret de Dieu doit exciter l'attention et ne point soulever d'opposition. — Théophylactus : Par ces disciples qui
murmuraient, il ne faut point comprendre ceux qui étaient réellement et
véritablement ses disciples, mais ceux qui paraissaient extérieurement
prendre part à ses enseignements, car parmi ses véritables disciples, il se
trouvait un certain nombre d'hommes qui passaient pour ses disciples,
uniquement parce qu'on les voyait depuis longtemps avec eux. — S. Augustin : (Traité 27). Ils
faisaient cette réflexion entre eux, de manière à ne pas être entendus, mais
Jésus qui connaissait les pensées les pins intimes de leur cœur les entendait
en lui-même : « Or Jésus connaissant en lui-même que ses disciples
murmuraient à ce sujet, leur dit : Cela vous scandalise ? » — Alcuin : C'est-à-dire ce que je viens
de vous enseigner, la nécessité de manger ma chair et de boire mon sang. S. Jean Chrysostome : (hom. 47). Une des preuves de sa divinité, c'était de
révéler publiquement le secret des cœurs. Il ajoute : « Donc, quand vous
verrez le Fils de l'homme monter où il était auparavant ? » Suppléez : Que
direz-vous ? C'est la réflexion qu'il avait déjà faite à Nathanaël : « Parce
que je vous ai dit : Je vous ai vu sous le figuier, vous croyez; vous serez
témoin de plus grandes choses. » Notre Seigneur n'ajoute pas ici difficultés
sur difficultés, mais il veut les attirer par la grandeur et le nombre des
vérités sublimes qu'il leur enseigne. S'il leur avait dit simplement tout
d'abord qu'il était descendu du ciel, sans rien ajouter de plus, il aurait
augmenté le scandale de ceux qui l'écoutaient; il suit donc une marche toute
différente, il déclare que sa chair est la vie du monde, que de même qu'il a
été envoyé par son Père vivant, il vit aussi par son Père, et c'est alors
qu'il ajoute qu'il est descendu du ciel pour faire disparaître toute espèce,
de doute. Ce n'est donc point pour scandaliser ses disciples, c'est au
contraire pour détruire le scandale que ses paroles avaient fait naître qu'il
s'exprime de la sorte. Tant qu'ils ne voyaient en lui que le Fils de Joseph,
ses paroles n’avaient pour eux aucune autorité; ceux au contraire qui
croiraient qu’il était descendu du ciel, et qu'il devait y remonter,
prêteraient une attention plus grande à ses enseignements. — S. Augustin : (Traité 27). Ou
bien encore, il résout la difficulté qui les troublait; ils s'imaginaient
qu’il donnerait son corps par morceaux, et il leur dit qu'il remontera tout
entier dans le ciel : « Que sera-ce donc lorsque vous verrez le Fils de
l'homme monter où il était auparavant ? » Certes vous comprendrez alors qu'il
ne donne pas son corps de la manière que vous pensez et qu'on ne peut
consumer par la bouche le mystère de sa grâce. Le Christ n'a commencé à être
le Fils de l'homme que sur la terre par sa naissance de la Vierge Marie,
lorsqu'il se fut revêtu d'une chair mortelle; pourquoi donc s'exprime-t-il de
la sorte : « Lorsque vous verrez le Fils de l'homme monter où il était
auparavant ? » C'est qu'il voulait nous faire comprendre que le Christ Dieu
et homme tout à la fois, ne forme qu'une seule personne et non pas deux, et
que l'objet de notre Foi doit être non pas la quaternité, mais la Trinité. Le
Fils de l'homme était donc dans le ciel, comme le Fils de Dieu était sur la
terre. Il était sur la terre le Fils de Dieu dans la chair qu'il s'était
unie, il était le Fils de l'homme dans le ciel par suite de l'unité de
personne. — Théophylactus : N'allez
pas croire pour cela que le corps de Jésus-Christ soit descendu du ciel comme
l'enseigne l'hérésie de Marcion et d'Apollinaire, le Fils de Dieu et le Fils
de l'homme ne sont qu'une seule et même personne. S. Jean Chrysostome : (hom. 47). Notre Seigneur donne encore une autre solution
: « C'est l'esprit qui vivifie, la chair ne sert de rien. » Voici le
véritable sens de ces paroles : Il faut entendre spirituellement ce que je
viens de dire de moi, si vous prenez mes paroles dans un sens charnel, vous
n'en retirerez aucune utilité. Or entendre ces paroles dans un sens charnel,
c'est ne voir que ce qui frappe les yeux sans aller au delà. Ce n'est pas
ainsi qu'il en faut juger, il faut considérer les mystères avec les yeux
intérieurs et les entendre toujours spirituellement. C'était au contraire les
entendre dans un sens charnel, que de formuler ce doute. Comment pourra-t-il
nous donner sa chair à manger ? Quoi donc, est-ce qu'il ne nous donne pas sa
véritable chair ? Sans aucun doute, il nous la donne; si donc il déclare que
la chair ne sert de rien, il ne veut point parler de sa chair, mais de ceux
qui donnaient à ses paroles une interprétation toute charnelle. — S. Augustin : (Traité 27). Ou
bien encore, la chair ne sert de rien, dans le sens des Capharnaïtes qui
s'imaginaient que cette chair serait comme la chair d'un cadavre qu'on
démembre ou qu'on vend au marché, et ne comprenaient pas que cette chair
était remplie de l'esprit de Dieu et de la vie delà grâce. Quel esprit
s'unisse à la chair, alors la chair est d'une grande utilité. Car si la chair
ne servait de rien, le Verbe ne se serait pas fait chair pour habiter parmi
nous. C'est donc à l'esprit qu'il faut rapporter ce qui a été opéré par la
chair pour notre salut.— S. Augustin :
(de la Cité de Dieu, 10, 24). Ce n'est point évidemment par
elle-même que la chair purifie noire âme, mais parle Verbe qui s'en est
revêtu, et qui étant le principe de toutes choses, s'est uni à la fois à une
âme et à un corps pour purifier l'âme et la chair de ceux qui croiraient en
lui. C'est donc l'esprit qui vivifie, la chair ne sert de rien, de la manière
qu'ils l'entendaient, ce n'est pas ainsi que je la donne à manger, et ce
n'est pas dans ce sens tout charnel que nous devons goûter cette chair. Aussi
Notre Seigneur ajoute : « Les paroles que je vous ai dites sont esprit
et vie. » — S. Jean Chrysostome : (hom.
47). C'est-à-dire elles sont toute spirituelles, elles n'ont rien de
charnel, elles ne sont point soumises aux effets naturels, et sont eu dehors
de toute nécessité terrestre et de toutes les lois d'ici bas. — S. Augustin : (Traité 27 sur
S. Jean). Si vous entendez ces paroles spirituellement, elles sont esprit
et vie pour vous, si vous les entendez dans un sens charnel, elles sont
encore esprit et vie, mais non point pour vous. Nous avons dit précédemment
que la fin que s'est proposée Notre Seigneur en nous donnant sa chair à manger
et son sang à boire c'est que nous, demeurions en lui et qu'il demeure en
nous; or, la charité seule peut produire cet effet, et la charité de Dieu a
été répandue dans nos cœurs par l'Esprit saint qui nous a été donné. (Rm 5)
C'est donc l'esprit qui vivifie. S. Jean Chrysostome : (hom. 47). Après avoir signalé cette interprétation
charnelle et grossière, Notre Seigneur ajoute : « Mais il y en a parmi vous
quelques-uns qui ne croient point. » En disant : « Quelques-uns, il
excepte ses disciples, en même temps qu'il prouve sa puissance divine en
révélant le secret des cœurs. — S.
Augustin : (Traité 27 sur S. Jean). Il ne dit pas : Il en
est parmi vous qui ne comprennent pas, mais il indique la cause de leur
défaut d'intelligence, car le prophète a dit : « Si vous ne commencez par
croire, vous ne comprendrez point. » Comment celui qui résiste peut-il être
vivifié ? Il est l'ennemi du rayon de lumière qui veut le pénétrer, il en
détourne les yeux, il lui ferme son âme. « Qu'ils croient donc et qu'ils
ouvrent leur âme, et ils seront comblés de lumière. — S. Jean Chrysostome : (hom. 47) Et remarquez que ce n'est point après leurs murmures
et le scandale qu'ils ont pris des paroles du Sauveur, qu'il a connu les
dispositions de leur cœur, car l'Evangéliste prend soin d'ajouter : « Jésus
savait, dès le commencement, qui étaient ceux qui ne croyaient point. » — Théophylactus : Il nous apprend ainsi
qu'avant même la création du monde, il connaissait toutes choses, ce qui
était une preuve évidente de sa divinité. S. Augustin : (Traité 27) Après avoir fait la distinction de ceux
qui croient d'avec les incrédules, Notre Seigneur remonte à la cause pour
laquelle ils ne croient point : « C'est pourquoi je vous ai dit que nul ne
peut venir à moi, s'il ne lui est donné par mon Père. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 47)
C'est-à-dire je ne suis ni troublé ni surpris de ce que quelques-uns ne
croient point, car je connais ceux à qui mon Père a fait cette grâce. Il
s'exprime ainsi pour leur prouver qu'il ne cherchait en aucune façon la
gloire qu'ils pouvaient lui donner, et pour les bien convaincre que son Père
n'était pas Joseph, mais Dieu lui-même. — S. Augustin : (Traité 27). La foi est donc un don de Dieu,
et un don d'une grande importance. Or, si ce don est aussi grand et aussi précieux,
réjouissez-vous d'avoir la foi, mais n'en concevez pas d'orgueil, « car
qu'avez-vous que vous n'ayez reçu ? » (l Co 4) — S. Augustin : (de la prédest. des saints, chap. 9) Que ce
don de la foi soit accordé aux uns et refusé aux autres, c'est ce qu'on ne
peut nier sans se mettre en opposition avec les témoignages les plus
incontestables de la sainte Ecriture. Le chrétien ne doit pas s'étonner que
ce don ne soit pas accordé à tous, dès lors qu'il croit que le péché d'un
seul a été le juste sujet de la condamnation de tous les hommes, à ce point
qu'on ne pourrait adresser à Dieu aucun juste reproche quand même un seul
homme n'échapperait pas à cette sentence de mort. C'est donc par l'effet
d'une grâce tout à fait extraordinaire qu'un grand nombre sont arrachés à la
damnation. Mais pourquoi l'un est-il plutôt sauvé que l'autre ? c'est là un
effet des jugements incompréhensibles de Dieu et de ses voies impénétrables. (Rm
11, 33). « De ce moment, plusieurs de ses disciples se retirèrent et ne
marchaient plus dans sa compagnie. » — S.
Jean Chrysostome : (hom. 47). L'Evangéliste ne dit pas précisément
qu'ils l'abandonnèrent, mais qu'ils marchèrent en arrière, c'est-à-dire,
qu'ils cessèrent de suivre les enseignements du Sauveur avec de bonnes
dispositions et qu'ils perdirent la foi qu'ils avaient pu avoir auparavant. —
S. Augustin : (Traité 27 sur
S, Jean). Ils perdirent la vie en se séparant du corps, parce que
peut-être ils n'en firent jamais partie, et ils doivent être rangés parmi les
incrédules, bien qu'ils parussent être du nombre des disciples de Jésus. Ce
fut en grand nombre qu'ils se retirèrent de Jésus-Christ pour marcher à la
suite de Satan, comme l'Apôtre le dit de certaines femmes de son temps : «
Déjà quelques-unes se sont égarées pour suivre Satan. » Quant à Pierre, Notre
Seigneur ne le repousse point en le renvoyant à la suite de Satan, mais il
lui commande seulement d'aller derrière lui. S. Jean Chrysostome : (hom. 46 sur S. Jean). On
demandera peut-être quelle utilité pouvaient avoir ces discours, puisqu'ils
étaient bien plutôt un sujet de scandale que d'édification. Nous répondons
qu'ils avaient une immense utilité. Les Juifs recherchaient avec empressement
la nourriture du corps, ils rappelaient le souvenir de la manne donnée à
leurs pères, Notre Seigneur leur apprend donc que ce n'étaient là que des
figures, et il leur suggère l'idée de la nourriture spirituelle. Il n'y avait
là aucune raison pour eux de se scandaliser, et ils devaient se contenter de
l'interroger. La cause de leur scandale doit donc être tout entière attribuée
à leurs mauvaises dispositions plutôt qu'à l'obscurité de la doctrine du
Sauveur. — S. Augustin : (Traité
27). Peut-être aussi Dieu permit-il ce scandale pour notre consolation;
il arrive en effet quelquefois qu'un homme dit la vérité sans parvenir à se
faire comprendre, ceux qui l'entendent se scandalisent et se retirent; cet
homme regrette alors d'avoir fait connaître la vérité, et il se dit : Je
n'aurais pas dû parler de la sorte. C'est ce qui arrive ici à notre Sauveur,
il fait connaître la vérité, et il perd un grand nombre de disciples;
cependant il ne s'en trouble point, parce qu'il savait dès le commencement
qui étaient ceux qui ne croiraient point. Si donc nous sommes soumis à la
même épreuve, n'en soyons point troublés, cherchons notre consolation en
Nôtre-Seigneur, cependant que la prudence dirige toutes nos paroles. S. Bède : Notre Seigneur savait parfaitement si les
autres disciples avaient l'intention de s'en aller; cependant il les
interroge pour faire ressortir leur foi et la proposer comme modèle aux
autres : « Jésus dit donc aux douze : Et vous, voulez-vous aussi vous en
aller ? » — S. Jean Chrysostome : (hom.
47). C'est en effet le moyen le plus convenable pour les attirer à lui.
S'il leur avait prodigué les éloges, ils y eussent été par trop sensibles, et
se seraient persuadés qu'en restant fidèles à Jésus-Christ, ils lui rendaient
un grand service. Il se les attache donc bien plus fortement, en leur
montrant qu'il n'a que faire de leur obéissance et de les voir marcher à sa
suite. Toutefois il ne leur dit pas : Allez-vous en, (ce qui eût été les
renvoyer,) mais il leur demande s'ils veulent s'en aller, il leur donne toute
liberté, il ne veut pas qu'un certain sentiment de pudeur les retienne à sa
suite, le suivre par nécessité est pour lui comme s'ils l'abandonnaient. Or,
Pierre qui aimait ses frères et professait un ardent amour pour le Sauveur,
répond pour tout le collège apostolique : « Mais Simon Pierre lui
répondit : « Seigneur, à qui irions-nous ? » — S. Augustin : (Traité 21) Il semble dire : Est-ce
que vous nous renvoyez ? Donnez-nous donc un autre à qui nous puissions
aller, si nous venons à vous quitter. — S.
Jean Chrysostome : (hom. 47). Ces paroles montrent le grand amour
des vrais disciples de Jésus pour leur divin Maître; ils le mettaient dans
leur esprit et dans leur cœur bien au-dessus de leurs pères et de leurs
mères. Et s'il parlait ainsi, ce n'est point dans la crainte que personne ne
voulût les recevoir, après qu'ils auraient quitté Jésus, c'est pourquoi il
ajoute : « Vous avez les paroles de la vie éternelle. » Il montre
ainsi qu'il se rappelle les paroles du Seigneur : « Je le ressusciterai
au dernier jour; » et encore : « Il aura la vie éternelle. » Les Juifs
disaient : « C'est le fils de Joseph, » Pierre, au contraire, s'écrie :
« Nous avons cru et nous avons connu que vous êtes le Christ, Fils du Dieu
vivant. — S. Augustin : (Traité
27). Nous avons cru pour connaître, car si nous avions voulu connaître
avant de croire, nous n'aurions été capables ni de connaître, ni de croire.
Nous avons cru et nous avons connu que vous êtes le Christ, Fils du Dieu
vivant, c'est-à-dire, que vous êtes la vie éternelle, et que c'est vous-même
que vous nous donnez dans votre chair et dans votre sang. S. Jean Chrysostome : (hom. 47). Pierre venait de dire : « Et nous avons cru. » Notre
Seigneur excepte Judas du nombre des croyants : « Jésus leur répondit :
Ne vous ai-je pas choisis tous les douze ? Et cependant parmi vous il y
a un démon, » c'est-à-dire, ne croyez point, parce que vous vous êtes rangés
à ma suite, que je m'abstienne de reprendre ceux qui sont mauvais. Mais
pourquoi les disciples restent-ils ici dans le silence, eux qui plus tard
diront en tremblant : « Est-ce moi, Seigneur ? » Jésus n'avait pas encore dit
à Pierre : « Retire-toi de moi, Satan. » (Mt 16) Ces paroles ne
lui inspirent donc aucune crainte. D'ailleurs Notre Seigneur ne dit pas : Un
de vous me trahira, mais : « Un de vous est un démon. » Ils ne comprenaient
donc pas la portée de cette expression et n'y voyaient qu'une parole de blâme
tombant sur les mauvaises dispositions de l'un d'eux. Les incrédules font ici
à Jésus-Christ un reproche insensé, car le choix qu'il fait d'un homme ne lui
impose aucune violence, aucune nécessité, et notre salut comme notre perte
sont subordonnés à notre volonté. S. Bède : On peut dire encore que le Sauveur s'est
proposé des fins différentes dans la vocation de Judas et dans celle des onze
autres Apôtres. Il a choisi les onze pour les faire persévérer dans la
dignité d'Apôtres; il a choisi Judas pour que sa trahison fût l'occasion du
salut du genre humain. — S. Augustin :
(Traité 27). Judas a été choisi pour devenir l'instrument d'un
grand bien qu'il ne voulait pas et qu'il ne connaissait même pas; car de même
que les impies font servir au mal les œuvres bonnes de Dieu, Dieu au
contraire sait faire servir au bien les actions coupables des hommes. Quoi de
pire que Judas ? et cependant le Seigneur a su tirer le bien du crime qu'il a
commis, et il a souffert d'être trahi par lui pour nous racheter. On peut
encore entendre autrement ces paroles : « Je Vous ai choisis au nombre de
douze, » dans ce sens que c'est le nombre consacré de ceux qui devaient
annoncer aux quatre points du monde le mystère de la Trinité; or, ce nombre
n'a perdu ni sa gloire ni son caractère sacré, parce que l'un d'entre eux
s'est perdu, puisqu'un autre lui a succédé. S. Grégoire : (Moral., 13, 12). Lorsque Notre Seigneur dit d'un de ses
disciples livré au mal : « L'un de vous est un démon, » il donne le nom
du chef à un de ses membres, comme l'Evangéliste l'explique en ajoutant : «
Il parlait de Judas Iscariote, fils de Simon, car c'était lui qui devait le
trahir, quoiqu'il fût un des douze. » — S.
Jean Chrysostome : (hom. 47). Admirez la sagesse de Jésus-Christ,
il ne fait point connaître ce disciple infidèle, de peur que perdant toute
retenue, il ne lui fît une guerre ouverte; il ne veut point non plus que ses
dispositions restent entièrement cachées, ce qui, en l'affranchissant de toute
crainte, l'aurait rendu plus audacieux dans l'exécution de son crime. |
Caput 7 Lectio 1 [86049] Catena in Io., cap. 7 l. 1 Augustinus
in Ioannem. Futurum erat ut aliquis fidelis Christi absconderet se, ne a
persecutoribus inveniretur; et ne illi pro crimine obiceretur latibulum,
praecessit in capite quod in membro confirmaretur; unde dicitur post haec
autem ambulabat Iesus in Galilaeam : non enim volebat in Iudaeam ambulare,
quia quaerebant eum Iudaei interficere. Beda. Haec verborum connexio
talis est, ut intelligamus quoniam in medio multa geri et fieri potuerunt.
Iudaea autem et Galilaea regiones sunt Palaestinae provinciae, sed Iudaea
dicta est a tribu Iuda : non tamen solum illa regio quam tribus Iuda, sed et
illa quam tribus Beniamin possidebat, Iudaea dicta est, quia ex tribu Iuda
reges oriebantur. Galilaea vero dicitur, eo quod lacteum populum, idest
candidum, gignat : Galilaea enim Graece, Latine lac dicitur. Augustinus. Sic
autem hoc dominus dixit, quasi non posset ambulare inter Iudaeos, et non occidi
a Iudaeis; hanc enim potentiam quando voluit demonstravit; sed infirmitati
nostrae praebebat exemplum : non ipse perdiderat potestatem, sed nostram
consolabatur fragilitatem. Chrysostomus in Ioannem. Sed et illud est
dicere, quoniam quae deitatis erant ostendebat, et quae humanitatis : etenim
fugiebat persecutores ut homo, et apparebat eis ut Deus, utrumque vere
existens. Theophylactus. Secessit etiam nunc in Galilaeam,
quia nondum passionis aderat tempus : unde vanum reputabat in medio
inimicorum manere, et magis ipsos ad odium incitare; unde et consequenter
tempus describitur, cum subditur erat autem in proximo dies festus Iudaeorum,
Scenopegia. Augustinus. Quid sit Scenopegia, qui Scripturas legerunt
noverunt. Faciebant tabernacula in die festo ad similitudinem tabernaculorum,
in quibus habitaverunt, cum ex Aegypto educti peregrinarentur in eremo. Celebrabant ex
hoc diem festum, reminiscentes beneficiorum domini, qui tamen occisuri erant
dominum. Appellabatur autem apud Iudaeos dies festus, cum tamen non esset
unus, sed plures. Chrysostomus. Ostendit igitur per hoc
Evangelista, quoniam multum tempus praetermisit. Cum enim dominus sedit in
monte, erat prope dies festus Paschae. Hic autem Scenopegiae meminit, et in
quinque intermediis mensibus nihil aliud nobis enarravit, nisi miraculum
panum et allocutionem factam ad eos qui comederunt. Quia enim indeficienter
signa faciebat et disputabat, non poterant Evangelistae omnia enumerare; sed
ista praecipue studuerunt dicere pro quibus aut querela aut contradictio
quaedam a Iudaeis subsequebatur; quod et hic apparet. Theophylactus. Quia
enim fratres eius viderant ipsum non esse paratum ad descendendum, subditur
dixerunt autem fratres eius ad eum : transi hinc et vade in Iudaeam.
Beda. Ac si dicant : tu signa facis, et pauci ea vident; transi ergo ad
regiam urbem, ubi sunt principes, ut, visis signis, laudem consequaris ab
eis. Sed quia non omnes discipuli semper dominum sequebantur, sed eorum multi
in Iudaea erant, ideo subdunt ut et discipuli tui videant opera tua quae
facis. Theophylactus. Idest, turbae quae sequuntur te : non enim de
duodecim dicunt discipulis, sed de aliis qui conversabantur cum illo.
Augustinus in Ioannem. Cum autem auditis fratres domini, Mariae cogitate
consanguinitatem non iterum parientis ullam propaginem. Sicut enim in
sepulchro, ubi positum est corpus domini, nec ante, nec postea mortuus
iacuit, sic uterus Mariae nec ante, nec postea quidquam mortale concepit.
Opera quidem domini discipulos non latebant, sed istos latebant; et ideo dicebant
ut discipuli tui videant opera tua quae facis. Loquebantur autem prudentiam
carnis, verbo quod caro factum est; unde et subdunt nemo quippe in occulto
aliquid facit, et quaerit ipse in palam esse. Si hoc facis, manifesta teipsum
mundo; quasi dicant : facis miracula : appare hominibus, ut laudari possis ab
hominibus : nam qui eum videntur monere, gloriae ipsius consulunt : et quia
humanam gloriam requirebant, in eum non credebant; unde sequitur neque enim
fratres eius credebant in eum; Christum enim consanguineum potuerunt habere;
credere autem in eum ipsa propinquitate fastidierunt. Chrysostomus. Dignum
est autem mirari Evangelistarum morem veritatis amicum, qualiter non
verecundantur dicere ea quae magistro videntur inferre iniuriam, sed hoc
maxime studuerunt enuntiare. Non enim parvam habet detractionem quod fratres
eius discredebant. Et videtur initium verborum quasi amicorum esse; multae
autem amaritudinis erant quae dicebantur : quia de formidine et de amore
gloriae eum notant; nam dicunt nemo in occulto aliquid facit : quod erat
formidinem incusantium, et simul suspicantium quae fiebant non vere facta
esse. Per hoc autem quod dicunt et quaerit ipse in palam esse, amorem gloriae
in eo notant. Christus autem mansuete eis respondit, docens nos non indigne
ferre, si aliqui etiam viles nobis consilientur; sequitur enim dicit eis
Iesus : tempus meum nondum advenit; tempus autem vestrum semper est paratum.
Beda. Ne autem videatur hoc contrarium ei quod apostolus dicit : at ubi
venit plenitudo temporis, misit Deus filium suum, referendum est quod hic
dicitur, non ad tempus nativitatis, sed ad tempus glorificationis.
Augustinus. Dabant enim illi consilium consequendae gloriae, veluti
saeculariter, et terreno affectu monentes, ne esset ignobilis et latitaret.
Sed dominus voluit ad ipsam celsitudinem per humilitatem viam sternere; dicit
ergo tempus meum, idest gloriae meae, qua veniam in altitudine iudicaturus,
nondum venit; tempus autem vestrum, idest, mundi gloria, semper est paratum.
Et quoniam nos domini corpus sumus, quando nobis insultant amatores huius
saeculi, dicamus eis : tempus vestrum adest paratum, tempus nostrum nondum
advenit : excelsa enim patria, humilis via. Qui recusat viam, quid quaerit
patriam? Chrysostomus. Vel aliter. Videtur mihi aliud occulte
insinuare : fortassis enim eum prodere volebant, et tradere Iudaeis; ideo
dicit tempus meum nondum advenit, hoc est tempus crucis et mortis; tempus
autem vestrum semper est paratum : quia etsi vos semper sitis cum Iudaeis,
non interficient vos, eadem cum illis zelantes; unde sequitur non potest vos
odisse mundus; me autem odit, quia ego testimonium perhibeo de illo, quia
opera eius mala sunt; quasi dicat : qualiter mundus eos odit qui eadem cum
ipso volunt, et pro eisdem student? Me autem odit, quoniam redarguo eum.
Intantum ergo gloriam hominum non quaero, quod non praetermitto eos
redarguere; licet sciam ex hoc odium nasci et mortem intentari. Per hoc etiam
ostendit quod odium Iudaeorum contra eum concitabat publica redargutio, non
autem sabbati solutio. Theophylactus. Vel dominus contra duo de quibus
illi eum arguebant, alia duo inducit. Contra formidinem quidem dicit, quod
opera mundi redarguit, idest opera eorum qui mundana sapiunt : quod non
faceret, si formidolosus esset; sed contra inanem gloriam misit illos ad
festum; unde sequitur vos ascendite ad diem festum hunc : nam si vanae
gloriae passione detineretur, retinuisset eos secum : nam gloriae cupidi
consueverunt multos habere qui sequantur eos. Chrysostomus. Hoc etiam
dicit ostendens quod eis blandiri non vult, sed concedit eis Iudaica facere.
Augustinus. Vel aliter. Vos ascendite ad diem festum hunc, ubi gloriam
humanam quaeritis, ubi extendere vultis carnalia gaudia, non cogitare
caelestia. Sequitur ego autem non ascendam ad diem festum istum.
Chrysostomus. Scilicet modo vobiscum; quia meum tempus nondum impletum est
: in futuro enim Pascha crucifigendus erat. Augustinus in Ioannem. Vel
meum tempus, idest gloriae meae, nondum advenit : ipse erit dies festus meus,
non diebus istis percurrens, et transiens; sed permanens in aeternum. Ipsa erit
festivitas et gaudium sine fine, aeternitas sine labore, serenitas sine nube. Lectio 2 [86050] Catena in Io., cap. 7 l. 2 Theophylactus.
Quia dixerat dominus : non ascendam vobiscum, in principio denegavit ascensum,
vitans iram frementium Iudaeorum; unde dicitur haec cum dixisset, ipse mansit
in Galilaea. Postea vero ascendit; unde sequitur ut autem
ascenderunt fratres eius, tunc et ipse ascendit. Augustinus
in Ioannem. Ascendit autem non gloriari temporaliter, sed aliquid docere
salubriter, et de festo aeterno admonere. Chrysostomus in Ioannem. Vel
ascendit, non ut patiatur, sed ut alios erudiat. Latenter autem ascendit :
poterat enim manifeste ascendere et detinere eorum inordinatum impetum, quod
multoties fecit; at nolebat hoc continuo facere, ne magis suam divinitatem
denudaret, et ut incarnatio eius certior esset, et ut nos erudiret ad
virtutem. Ut igitur disceremus quid nos oporteat facere, qui non possumus
persecutores detinere, voluit latenter ascendere. Non autem dixit : in
occulto, sed quasi in occulto, ut ostendat dispensative hoc esse factum. Si
enim omnia ut Deus ageret, quomodo possemus nos scire, incidentes humanis
periculis, quid oporteat facere? Alcuinus. Vel occulte ascendit, quia
favorem hominum non quaerit, non pompis stipantium se turbarum delectatur.
Beda. Mystice autem designatur quia singulis quibusque carnalibus humanam
gloriam quaerentibus, dominus manet in Galilaea, quae interpretatur
transmigratio sancta, idest in membris suis, qui transmigrant de vitiis ad
virtutes, et in eis proficiunt. Postmodum vero dominus ascendit, quia membra
Christi non huius vitae, sed aeternae gloriam quaerunt. Occulte autem dominus
ascendit, quia omnis gloria eius est ab intus, idest de corde puro et
conscientia bona, et fide non ficta. Augustinus. Vel quod quasi
latenter ascendit, aliquid significare voluit : omnia enim quae dicta sunt
antiquo populo Israel, umbrae fuerunt futurorum, et Scenopegia umbra erat
futurorum. Omnia ergo quae fiebant in figura, manifestantur in nobis.
Ascendit ergo in occulto; figura enim erat ipsum esse in occulto. In ipso die
festo Christus latebat, quia ipse dies festus Christi membra peregrinatura
significabat. Ille enim est in tabernaculis qui se in mundo esse intelligit
peregrinum : Scenopegia autem erat celebratio tabernaculorum. Sequitur Iudaei
autem quaerebant eum in die festo, et dicebant : ubi est ille?
Chrysostomus in Ioannem. Ex multo odio et inimicitia; neque enim eum
nominatim vocare volebant. Non autem multa erat eis in festivitate
reverentia, nec multa religio; quia a festivitate credebant Christum
fraudulenter detinere. Sequitur et murmur multum erat de eo in turba.
Augustinus. Murmur erat de contentione, quam convenienter exponit dicens
quidam enim dicebant, quia bonus est; alii autem dicebant : non, sed seducit
turbas. Quicumque emicuerit in aliqua gratia, alii dicunt bonus est; alii :
non, sed seducit turbas. Quod autem dictum est de eo, valet ad consolationem
de quocumque hoc dictum fuerit Christiano. Et quidem si seducere decipere
est, nec Christus seductor, nec quisquam debet seductor esse Christianus. Si
autem seducere, aliunde aliquem ad aliud persuadendo ducere est, quaerendum
est unde, et quo. Si a bono ad malum, malus seductor est; si a malo ad bonum,
bonus est : et utinam sic omnes seductores vocemur et simus.
Chrysostomus. Igitur illam quidem aestimo opinionem multitudinis esse, qua
scilicet dicebatur bonus esse : hanc vero principum et sacerdotum; quod
ostenditur per hoc quod dicunt seducit turbas : non dicunt : seducit nos.
Sequitur nemo tamen palam loquebatur de illo propter metum Iudaeorum.
Augustinus. Eorum scilicet qui dicebant bonus est, non qui dicebant
seducit turbas : haec enim clarius sonabant, sed bonus est pressius
susurrabant. Chrysostomus. Vide autem eorum qui principantur
corruptionem; hi autem qui principatibus subiciuntur, sani quidem erant
iudicio, sed non habebant libertatem dicendi : quod maxime multitudinis est. Lectio 3 [86051] Catena in Io., cap. 7 l. 3 Chrysostomus
in Ioannem. Dominus tardatione sua auditores attentiores facere volens,
non in primis diebus ascendit, sed circa solemnitatis medium; unde dicitur
iam autem die festo mediante, ascendit Iesus in templum et docebat. Qui enim
primis diebus eum quaesierunt, repente eum praesentem videntes, magis
intendebant docenti, et qui bonum eum dicebant et qui malum : illi quidem, ut
aliquid lucrarentur et admirarentur; hi vero ut comprehenderent. Theophylactus.
Nam in principio festi his quae festi erant magis attendebant : unde
postea Christum attentius audierunt. Augustinus in Ioannem. Quantum
enim datur intelligi, ipsam festivitatem diebus pluribus celebrabant; et ideo
dicit iam die festo mediante; idest, cum illius diei festi tot dies
remansissent quot praeterissent; ut etiam hoc impleretur quod ait : non
ascendam ad diem festum hunc, id est, ad quem vos vultis, primum vel secundum
diem; ascendit autem postea die festo mediante. Augustinus de
quaest. Nov. et Vet. Testam. Tunc etiam ascendit, non quasi ad diem
festum, sed quasi ad lucem. Illi vero ascenderunt quasi ad perfruendum
deliciis diei festi. Christo vero ille fuit dies festus, quo passione sua
redemit mundum. Augustinus in Ioannem. Ille autem qui prius latebat,
docebat, et palam loquebatur, et non tenebatur. Illud enim quod latebat, erat
causa exempli, hoc potestatis. Chrysostomus. Quid autem docebat, non
dixit Evangelista; sed quod mirabiliter docebat, hoc solum ostendit : tanta
enim erat virtus docentis ut qui dixerant : seducit turbas, transmutati
mirarentur; unde sequitur et mirabantur Iudaei, dicentes : quomodo hic
litteras scit, cum non didicerit? Vide
admirationem nequitia plenam : non enim dicit quod in doctrina admirarentur;
sed in aliam admirationem inciderunt. Augustinus. Omnes
quidem, quantum arbitror, admirabantur, sed non omnes convertebantur. Et unde
admiratio? Quia multi noverant ubi natus, quemadmodum fuerat educatus :
numquam eum viderant litteras discentem; audiebant tamen de lege disputantem,
legis testimonia proferentem; quae nemo posset proferre, nisi legisset; nemo legeret,
nisi litteras didicisset; et ideo mirabantur. Chrysostomus. Ab hac
autem admiratione cognoscere debebant quoniam haec scientia humanitus non
erat in eo, sed divinitus; sed quia hoc ipsi nolebant confiteri, sed in sola
admiratione stabant, dominus haec revelavit; sequitur enim respondit eis
Iesus, et dixit : mea doctrina non est mea, sed eius qui misit me.
Augustinus. Videtur autem hoc esse contrarium quod dicit mea, et non est
mea; nam si dixisset : ista doctrina non est mea, nulla esset quaestio. Quae
est ergo doctrina patris, nisi verbum patris? Ipse ergo Christus est doctrina
patris, si verbum patris est. Sed quia verbum non potest esse nullius, sed
est alicuius; et suam doctrinam dixit seipsum, et non suam : quia patris est
verbum. Quid est tam tuum quam tu; et quid tam non tuum quam tu, si alicuius
es quod es? Breviter ergo hoc mihi dixisse videtur mea doctrina non est mea;
ac si diceret : ego non sum a meipso. Sabellianam haeresim sententia ista
dissolvit, qui dicere ausi sunt, ipsum esse filium qui est et pater : duo
esse nomina, sed unam rem. Chrysostomus in Ioannem. Vel suam dicit,
quoniam eam docuerat : non suam autem, quoniam patris erat doctrina. Sed si
omnia quae sunt patris, eius sunt; ex hoc ipso quod patris est, deberet esse
et sua. Sed hoc quod dicit non est mea, vehementer ostendit et sui et patris
unam esse doctrinam; ac si diceret : nihil habeo permutatum aut diversum; sed
ita ago, ut non aestimetur aliud quid praeter patrem dicere vel agere.
Augustinus de Trin. Vel aliter. Secundum aliud suam dixit, secundum aliud
non suam : secundum formam Dei suam, secundum formam servi, non suam.
Augustinus in Ioannem. Si quis autem hoc parum intellexerit, audiat
consilium quod dominus consequenter dat, dicens si quis voluerit voluntatem
eius facere, cognoscet de doctrina utrum ex Deo sit, an ego ex meipso loquar.
Quid est si quis voluerit voluntatem eius facere? Hoc est credere in eum :
ipse enim dixit : hoc est opus Dei ut credatis in eum quem ipse misit. Quis
autem hoc nesciat, hoc esse facere voluntatem Dei, operari opus eius?
Cognoscere autem, hoc est intelligere. Ergo noli quaerere intelligere ut
credas, sed crede ut intelligas : quia nisi credideritis, non intelligetis. Chrysostomus. Vel
hoc ita dicit, ac si dicat : auferte iram et invidiam et odium quod sine
causa in me habetis; et nihil erit quod prohibeat vos cognoscere quoniam Dei
verba sunt quae loquor. Deinde aliud inducit argumentum insolubile, ab his
quae sunt in consuetudine hominum, nos erudiens; unde sequitur qui a
semetipso loquitur, gloriam propriam quaerit; quasi dicat : qui aliquam
propriam vult instituere doctrinam, propter nihil aliud hoc vult quam ut
gloriam acquirat. Si vero ego gloriam eius qui misit me quaero, cuius gratia
aliena vellem vos docere? Et hoc est quod subdit qui autem quaerit gloriam
eius qui misit illum, hic verax est, et iniustitia in illo non est.
Theophylactus. Quasi dicat : verax sum, quia doctrina mea continet
veritatem : iniustitia in me non est, quia alterius gloriam non usurpo.
Augustinus. Qui quaerit gloriam propriam, Antichristus est. Dominus autem
noster magnum nobis exemplum praebuit humilitatis, dum habitu inventus ut
homo, quaerit gloriam patris, non suam. Sed tu quando aliquid boni facis,
gloriam tuam quaeris : quando aliquid mali facis, Deo calumniam meditaris.
Chrysostomus. Vide ergo quoniam causa quaedam propter quam humilia de se
dicit, haec est, ut credant quoniam non desiderat gloriam neque principatum,
et etiam propter imbecillitatem audientium, et ut doceat homines moderata
sapere, et nihil de se dicere magnum, sed semper humile. Lectio 4 [86052] Catena in Io., cap. 7 l. 4 Chrysostomus
in Ioannem. Duas criminationes Iudaei contra Christum inducebant : unam
quod sabbatum solveret, aliam quod patrem suum dicebat Deum, aequalem seipsum
faciens Deo. Hoc igitur prius confirmavit dum ostendit quod non
est Deo contrarius, sed eadem ille docet. De reliquo ad sabbati solutionem
instat, dicens nonne Moyses dedit vobis legem, et nemo ex vobis facit legem?
Ac si diceret : lex dicit : non occides; vos autem occiditis; et hoc est quod
subditur quid me quaeritis interficere? Ac si diceret : et si ego dissolvi
legem hominem sanans, transgressio fuit, sed in salutem; vos autem
transgredimini in malum : unde non debeo a vobis de solutione legis
diiudicari. In duobus ergo eos corripuit : et dicendo quid me quaeritis
interficere? Et ostendendo quoniam occisionem meditantes non sunt digni alium
diiudicare. Augustinus in Ioannem. Vel hoc dicit quia si legem facerent, in
ipsis litteris Christum agnoscerent, et praesentem non occiderent. Respondit
autem ei turba, non pertinentia ad ordinem, sed ad perturbationem; sequitur
enim respondit turba, et dixit : Daemonium habes : quis te quaerit
interficere? Ei dictum est quod Daemonium haberet, qui Daemones expellebat.
Dominus autem non turbatus, sed in sua veritate tranquillus, non reddidit
maledictum pro maledicto, sed respondit tranquille. Beda. In quo nobis
patientiae reliquit exemplum : ut quoties nobis ab aliquibus falsa obiciuntur
convicia, patienter toleremus, et vera quae possumus non obiiciamus, sed
salutaria monita praedicemus; sequitur enim respondit Iesus et dixit eis :
unum opus feci, et omnes miramini. Augustinus. Ac si diceret : quid si
omnia opera mea videretis? Ipsius enim opera erant quae in mundo videbant, et
ipsum qui fecit omnia non videbant. Fecit unam rem et turbati sunt, quia
salvum fecit hominem in sabbato; quasi si quisquam eorum aegrotus sabbato
sinceraret, alius illum sanum fecisset quam iste qui eos scandalizavit, quia
unum hominem sabbato salvum fecit. Chrysostomus in Ioannem. Hoc enim
quod dicit miramini, hoc est turbamini et tumultuatis. Vide autem quomodo
prudenter a lege eos syllogizat. Vult enim ostendere quod facere hoc opus non
erat legem solvere : sunt enim multa principaliora quam lex de observatione
sabbati, per quorum observationem lex non solvitur, sed impletur; et ideo
subdit propterea Moyses dedit vobis circumcisionem, non quia ex Moyse est,
sed ex patribus; et in sabbato circumciditis hominem. Augustinus. Quasi
dicat : bene factum est ut acciperetis circumcisionem a Moyse, non quia ex
Moyse est, sed ex patribus : Abraham enim primus accepit circumcisionem a
domino. Et in sabbato circumciditis. Convicit vos Moyses : accepistis in lege
ut circumcidatis octavo die; accepistis in lege ut vacetis septimo die. Si
octavus dies illius qui natus est, occurrit ad diem septimum sabbati,
circumciditis hominem; quae circumcisio pertinet ad aliquod signaculum
salutis, et non debent homines sabbato vacare a salute. Alcuinus. Propter
tres enim causas data fuit circumcisio : primo ut signum esset magnae fidei
Abrahae; secundo ut per eam a ceteris nationibus discernerentur; tertio ut
illam in virili membro suscipientes castitatem mentis et corporis observare
deberent. Et tantum conferebat tunc circumcisio quantum nunc Baptisma; nisi
quia ianua nondum aperta erat. Concludit ergo ex praemissis si circumcisionem
accipit homo in sabbato, ut non solvatur lex Moysi, indignamini mihi, quia
totum hominem sanum feci in sabbato? Chrysostomus. Quasi dicat :
sabbati solutio in circumcisione, legis est observatio : sic et ego hominem
curans sabbato, legem servavi. Vos, qui non estis legislatores, ultra modum
legem defenditis; sed Moyses iubet legem solvi propter mandatum quod non erat
ex lege, sed ex patribus. Per hoc autem quod dici totum
hominem sanum feci in sabbato, ostendit circumcisionem esse particularem
sanitatem. Augustinus. Forte autem illa circumcisio ipsum
dominum significabat. Quid enim est circumcisio, nisi carnis expoliatio? Significavit
ergo expoliationem a corde cupiditatum carnalium. Non ergo sine causa data
est in eo membro per quod procreatur creatura mortalium : quia per unum
hominem peccatum intravit in mundum. Ideo autem quisquis cum
praeputio nascitur, quia omnis cum vitio propaginis nascitur; et non mundat
Deus sive a vitio cum quo nascimur, sive a vitiis quae male vivendo addimus,
nisi per Christum : cultellis enim petrinis circumcidebant, et petrae nomine
Christum figurabant. Ideo autem octavo die, quia post septimum sabbati
dominus die dominico resurrexit. Ipsa autem resurrectio nos circumcidit;
idest, abstulit desideria carnalia. Intelligite hoc significari opus bonum
quo ego feci totum hominem salvum in sabbato : quia et curatus est ut sanus
esset in corpore, et credidit ut sanus esset in anima. Estis autem prohibiti
servilia opera facere sabbato : numquid servile opus est hominem sanare in
sabbato? Manducatis siquidem et bibitis sabbato, quia pertinet ad salutem;
per quod ostenditis, opera salutis nullo modo esse die sabbati omittenda. Chrysostomus.
Non autem dixit : ego maius circumcisione operatus sum; sed solum factum
narrans, iudicium eis concessit; unde subditur nolite iudicare secundum
faciem, sed iustum iudicium iudicate; quasi dicat : non quia Moyses apud vos
habet maiorem gloriam quam ego, ex personarum dignitate feratis sententiam,
sed a rerum natura : hoc enim est iuste iudicare. Nullus autem incusavit
Moysen de hoc quod iussit sabbatum solvi propter mandatum circumcisionis,
quod erat aliunde quam ex lege inductum. Ergo fide dignior vobis est Moyses,
qui iubet solvi legem a mandato non legali. Augustinus. Hoc autem quod
dominus notavit hoc loco, evadere in hoc saeculo, magni laboris est : non
personaliter iudicare. Admonuit quidem dominus Iudaeos, admonuit et nos :
quod enim pretiosum sonabat de ore domini, et propter nos scriptum est, et
nobis servatum, et propter nos recitatum. Sursum est dominus, sed etiam hic
est veritas dominus. Corpus enim domini, in quo surrexit, uno loco esse
potest; veritas eius ubique diffusa est. Quis ergo est qui non iudicat
personaliter? Qui aequaliter diligit. Non enim cum homines diverso modo pro
suis gradibus honoramus, timendum est ne personas accipiamus : nonnunquam
enim est iudicium inter patrem et filium; non aequamus filium patri in
honore, sed praeponimus, si bonam causam habet, filium patri in veritate; et
sic tribuimus honorem debitum, ut non perdat aequitas meritum. Lectio 5 [86053] Catena in Io., cap. 7 l. 5 Augustinus
in Ioannem. Supra dictum est, quod dominus ideo velut occulte ascendit ad
diem festum, non quia timebat ne teneretur, cui potestas erat ut non
teneretur, sed ut significaret, etiam in ipso die festo, qui celebrabatur a
Iudaeis, se occultari, et suum esse mysterium : nunc autem apparet potestas
quae putabatur timiditas : loquebatur enim palam in die festo, ita ut
mirarentur turbae; unde dicitur dicebant ergo quidam ex Ierosolymis : nonne
hic est quem Iudaei quaerebant interficere? Ecce palam
loquitur, et nihil ei dicunt. Noverant enim qua saevitia quaerebatur;
mirabantur qua potentia non tenebatur. Chrysostomus in Ioannem. Addit
autem Evangelista ex Ierosolymis, quoniam qui magis potiti erant signis, hi
omnibus erant miserabiliores; qui deitatis eius signum videntes maximum,
omnia iudicio corruptorum principum permittebant. An non magnum, insanientes
et quaerentes interficere, habere eum in manibus, et repente quiescere?
Augustinus. Igitur non plene intelligentes Christi potentiam, putaverunt
esse principum scientiam, quod ei pepercerunt; unde subdunt numquid vere
cognoverunt principes quia hic est Christus? Chrysostomus. Sed
ipsi neque principum sequuntur sententiam : sed aliam proferunt corruptam et
propria amentia dignam; unde subditur sed hunc scimus unde sit : Christus
autem cum venerit, nemo scit unde sit. Augustinus. Haec opinio apud
Iudaeos non inaniter nata est. Invenimus tamen quod Scripturae dixerunt de
Christo, quoniam Nazaraeus vocabitur; ergo praedixerunt unde sit. Iudaei
etiam dixerunt Herodi quaerenti, quod Christus in Bethlehem Iudae nasceretur,
et testimonium etiam propheticum attulerunt. Unde ergo nata est haec opinio
apud Iudaeos, quod Christus cum venerit, nemo sciat unde sit, nisi quia
utrumque pronuntiaverunt Scripturae? Secundum hominem praedixerunt
unde esset; secundum Deum latebat impios, et quaerebat pios. Hanc
igitur opinionem in eis generaverat quod per Isaiam dictum est : generationem
eius quis enarrabit? Denique dominus ad utrumque respondit, et quia
noverant eum unde esset, et quia non noverant; unde sequitur clamabat ergo
Iesus docens in templo, et dicens : et me scitis, et unde sim scitis; hoc est
dicere : et unde sim scitis, et unde sim nescitis; unde sim scitis, Iesus a
Nazareth, cuius etiam parentes nostis. Solus enim in
hac causa latebat virginis partus, quo excepto, totum noverunt in Iesu quod
ad hominem pertinet. Recte ergo dixit et me nostis, et unde sim scitis,
secundum carnem et effigiem hominis quam gerebat; secundum divinitatem autem
a meipso non veni; sed est verus qui misit me.
Chrysostomus. Per quod ea quae in mente habebant revelat; ac si diceret :
non sum de numero eorum qui sine causa venerunt; sed est verax qui misit me;
et si verax est, in veritate misit; et qui missus est, congruum est veracem
esse. Rursus autem ex propriis sermonibus eos capit; quia enim dicebant cum
venerit Christus, nullus cognoscet unde sit : ostendit etiam inde se Christum
esse; quoniam a patre venit, quem ipsi nesciebant : et ideo subdit quem vos
nescitis. Hilarius de Trin. Numquid autem non omnis homo, licet in
carne ex Deo natus, secundum sensum communis opinionis ex Deo est? Et quomodo
negat ab his vel seipsum vel unde ipse sit sciri, nisi id unde est ad naturae
suae referret auctorem? Nam id quod unde sit ignoratur, naturam ex qua est,
dum unde sit nescitur, ostendit. Ignorari enim unde sit non potest quidquid
subsistit ex nihilo; quia hoc ipsum quod non ignoratur ex nihilo,
ignorationem eius unde sit, non habet. Ob hoc autem quid sit ipse, nescitur,
dum ignoratur a quo sit : non enim confitetur filium qui negat natum; nec
natum intelligit, qui putat eum esse ex nihilo. Chrysostomus. Vel
ignorantiam hic dicit quae est per opera, sicut Paulus ait : confitentur se
nosse Deum, factis autem negant. Dupliciter autem eos redarguit. Et primum
quidem quae occulte loquebantur, haec in medium inducit, clamans, ut eos
verecundari faciat. Augustinus. Denique ut ostenderet eis unde possent
scire, subiecit ego scio eum. Ergo a me quaerite, ut sciatis eum. Patrem enim
non cognoscit nisi filius, et cui voluerit filius revelare. Et si dixero quia
nescio eum, ero similis vobis mendax. Chrysostomus. Quod est
impossibile : quia enim verax est qui misit, congruum est et eum qui missus
est, veracem esse. Ubique autem cognitionem patris soli sibi attribuit, quia
a patre est; unde sequitur et ego scio eum, quia ab ipso sum. Hilarius de
Trin. Quaero autem utrum id quod ab eo est, opus in eo creationis, aut
naturam generationis ostendat. Si opus in eo creationis est, universa quoque
quae creantur a Deo sunt. Et quomodo patrem non universa noverunt, cum filius
eum, idcirco quia ab eo est, non nesciat? Si vero idcirco ei, quia ab eo sit,
eum nosse sit proprium; quomodo non hoc ei qui ab eo est, erit proprium,
scilicet ut verus filius ex natura Dei sit? Habes igitur proprietatem
cognitionis de proprietate generationis. Tamen, ne forte id quod ab eo est,
ad adventus sui tempus haeresis invaderet, continuo subiecit et ipse me
misit. Tenuit ordinem evangelici sacramenti, natum se professus et missum.
Augustinus. Ab ipso, inquit, sum, quia filius de patre : quod autem
videtis me in carne, ipse me misit. Ubi noli intelligere naturae
dissimilitudinem, sed generantis auctoritatem. Chrysostomus. Irritaverunt
autem Iudaeos ea quae dicebantur, propter hoc quod dixerat quem vos nescitis,
quia profitebantur se scire; unde sequitur quaerebant ergo eum apprehendere, et
nemo misit in eum manus. Vide furorem eorum invisibiliter refrenatum.
Evangelista vero humanius et humilius loqui volens, ut ex hoc Christus homo
putaretur, non dixit quod eos invisibiliter detinuit; sed subiecit quia
nondum venerat hora eius. Augustinus. Hoc est, quia nolebat, non enim
dominus sub fato natus est. Hoc nec de te credendum est, quanto minus de illo
per quem factus es? Si tua hora voluntas est illius, illius hora quae est
nisi voluntas sua? Non ergo horam dixit qua cogeretur mori, sed qua dignaretur
occidi. Lectio 6 [86054] Catena in Io., cap. 7 l. 6 Augustinus
in Ioannem. Humiles et pauperes salvos faciebat dominus; unde dicitur de turba
autem multi crediderunt in eum. Turba enim,
quae suam aegritudinem cito vidit, etiam illius medicinam sine dilatione
cognovit. Chrysostomus in Ioannem. Verumtamen neque in
his erat sana fides; sed more multitudinis vulgaria loquebantur; sequitur
enim et dicebant : Christus cum venerit, numquid signa plura faciet quam quae
hic facit? Dicere enim Christus cum venerit, erat non firmiter credentium
hunc esse Christum. Vel etiam hoc dicere, est ostendere eum non esse
Christum; ac si dicant : nonne ille cum venerit melior erit et plura signa
faciet? Grossiores enim non a doctrina, sed a signis inducuntur. Augustinus. Vel
intelligunt : si duo non erunt, hic est Christus. Principes autem insaniebant
: et ideo medicum non solum non agnoscebant, sed etiam occidere cupiebant;
unde sequitur audierunt Pharisaei turbam murmurantem de illo haec, et
miserunt principes et Pharisaei ministros ut apprehenderent eum.
Chrysostomus. Multa quidem locutus est supra, sed nihil tale fecerunt;
quod maxime enim eos mordebat, hoc erat, quod turbae scilicet Christum
glorificabant. Sabbati autem solutio, apparens causa erat, quam scilicet praetendebant.
Et ipsi quidem non audebant Christum capere, periculum timentes; ministros
autem mittunt tamquam periculis expositos. Augustinus. Quia ergo non
poterant apprehendere nolentem, missi sunt ut audirent docentem; sequitur
enim dixit ergo Iesus : adhuc modicum tempus vobiscum sum. Chrysostomus. Verba
loquitur humilitatis plena; ac si diceret : quid festinatis me interficere?
Parvum expectate tempus. Augustinus. Quod modo ergo vultis facere,
facturi estis, sed non modo, quia modo nolo : implere enim debeo
dispensationem meam, et sic pervenire ad passionem. Chrysostomus. Per
hoc igitur audaciorem turbam terruit, studiosiorem vero magis avidam faciebat
ad audiendum, quasi parvo tempore derelicto, in quo possent hac doctrina
potiri. Non autem dixit simpliciter : hic sum, sed vobiscum sum, quasi dicat
: et si persequamini me, non tamen cessabo, quae sunt pro vobis dispensans,
et ea quae sunt ad salutem docens et monens vos. Quod autem subdit et vado ad
eum qui me misit, sufficiens erat eos terrere. Theophylactus. Tamquam
patri sit de ipsis conquesturus : quia si missum opprobriis affecerunt, non
est dubium quod et mittenti fecerunt iniuriam. Beda. Dicit autem vado
ad eum qui misit me, ac si diceret : revertens ascendo ad patrem, qui me
incarnari praecepit. Illuc se dixit ire a quo nunquam recessit.
Chrysostomus. Quod vero eo indigebant, manifestat per hoc quod dicit
quaeretis me, et non invenietis. Sed ubi quaesierunt eum Iudaei? Dicit Lucas
quoniam plangebant mulieres super eum. Probabile autem est et multos alios
hoc passos esse; et praecipue dum civitas caperetur, eos meminisse Christi et
miraculorum eius, et praesentiam eius quaesivisse. Augustinus
in Ioannem. Vel hic iam resurrectionem suam praedixit : quia quaesituri
illum erant post resurrectionem compuncti. Noluerunt enim eum agnoscere
praesentem, et postea quaesierunt cum viderent in eum multitudinem credentem
: unde multi compuncti dixerunt : quid faciemus? Viderunt enim Christum suo
scelere morientem, et crediderunt in Christum suis sceleribus ignoscentem, et
quousque biberent sanguinem quem fuderunt, de sua salute desperaverunt. Chrysostomus
in Ioannem. Deinde ne quis eum per mortem communi modo abire aestimet,
subiungit et ubi ego sum, vos non potestis venire. Si vero in morte maneret,
possent ad eum ire : illuc enim omnes abimus. Augustinus. Non autem
dixit : ubi ero, sed ubi sum : semper enim ibi erat Christus quo fuerat
rediturus; sic rediit, ut nos non derelinqueret. Erat enim Christus secundum
visibilem carnem in terra, secundum invisibilem maiestatem in caelo et in
terra. Non autem dixit : non poteritis, sed non potestis venire : tales enim
tunc erant qui non possent. Nam ut sciatis non hoc ad desperationem dictum,
et discipulis suis dixit tale aliquid quo ego vado, vos non potestis venire.
Denique hoc Petro exposuit, dicens : quo ego vado, non potes me sequi modo,
sequeris autem postea. Chrysostomus. Haec autem omnia induxit volens
eos attrahere; etenim modicum tempus quod relinquebatur, et post recessum
ipsum desiderabilem esse, et eum non posse de cetero inveniri, sufficientia
erant ad suadendum ut ad eum accederent. Per hoc autem quod dicit vado ad eum
qui misit me, ostendit nullam sibi fieri laesionem ab insidiis eorum, et
passionem suam voluntariam sibi esse. Passi sunt autem aliquid ipsi Iudaei ad
ea quae dicta sunt, et quaerunt ad seipsos quo debeat ire; quod non erat
eorum qui desiderarent ab eo liberari. Sequitur enim dixerunt ergo Iudaei ad
semetipsos : quo hic iturus est, quia non inveniemus eum? Numquid in
dispersionem gentium iturus est, et docturus gentes? Sic enim gentes vocabant
quasi exprobrantes et magna in semetipsis gloriantes : quia gentes ubique
disseminatae erant, et imperfecte ad invicem permixtae. Sed hoc opprobrium
postea ipsi sustinuerunt, quia ubique dispersi sunt. Antiquitus autem tota
gens in unum collecta erat; sed cum Iudaei ubique terrarum iam gentibus
permixti essent, non diceret : quo ego vado, vos non potestis venire : si per
hoc gentes intellexisset. Augustinus. Dixerat autem dominus quo ego
vado, de sinu patris. Hoc ergo illi nullo modo intellexerunt; et tamen ex hac
occasione salutem nostram praedixerunt, quod dominus iturus esset ad gentes,
non praesentia corporis, sed tamen pedibus suis; misit enim ad nos membra
sua, et fecit nos membra sua. Chrysostomus. Non autem
dixerunt quod iturus esset ad gentes laedere eas, sed docere. Iam enim iram
submiserant, et his quae dicta erant, crediderant. Nequaquam autem nisi
credidissent, quaesiissent ad seipsos : quis est hic sermo quem dixit :
quaeretis me, et non invenietis, et : ubi ego sum, vos non potestis venire? Lectio 7 [86055] Catena in Io., cap. 7 l. 7 Chrysostomus
in Ioannem. Cum recessuri essent domum, celebrata festivitate, dominus dat eis
viatica ad salutem; unde dicitur in novissimo autem die magno festivitatis
stabat Iesus, et clamabat dicens : si quis sitit, veniat ad me et bibat. Augustinus
in Ioannem. Tunc enim agebatur festivitas quae appellatur Scenopegia,
idest tabernaculorum constructio. Chrysostomus. Quae per septem dies
agebatur : prima autem dies et ultima erat celeberrima secundum legem; et hoc
significavit Evangelista, cum dixit in novissimo die magno festivitatis.
Medios autem dies magis ad voluptatem consumebant. Ideo ergo prima die hoc
eis non dixit, sed neque secunda aut tertia, ne ea quae dicebantur
deperirent, eis voluptati vacantibus. Clamabat autem propter turbae
multitudinem. Theophylactus. Simul quidem, ut audibilis fieret, atque
ut confidentiam largiretur, et quia neminem formidabat. Chrysostomus. Dicit
autem si quis sitit; ac si diceret : neminem necessitate et violentia
attraho; sed si quis habet desiderium multum, hunc ego voco. Augustinus. Est
enim sitis interior, quia est homo interior. Constat autem plus amare hominem
interiorem, quam exteriorem. Si ergo sitimus, veniamus, non pedibus, sed
affectibus, nec migrando, sed amando. Chrysostomus. Quia enim de
intellectuali loquitur potu, ostendit per hoc quod post inducit qui credit in
me, sicut dicit Scriptura, flumina de ventre eius fluent aquae vivae. Sed ubi
hoc dicit Scriptura? Nusquam. Quid igitur? Qui credit in me, sicut dicit
Scriptura; hic subdistinguere oportet, ut postea subsequatur flumina de
ventre eius fluent aquae vivae : ostendens quoniam rectam oportet habere
cognitionem, et non ita a signis sicut a Scriptura credere in ipsum; etenim
superius dixit : scrutamini Scripturas. Hieronymus in prologo Genes. Vel
hoc testimonium de proverbiis sumptum est, ubi scilicet dicitur : deriventur
fontes tui foris, et in plateis aquas tuas divide. Augustinus. Venter
autem interioris hominis est conscientia cordis eius. Bibito autem isto
liquore, vivescit purgata conscientia, et hauriens fontem habebit, et ipsa
fons erit. Quis est fons, vel quis est fluvius qui manat de ventre interioris
hominis? Benevolentia, qua vult consulere proximo. Bibunt ergo qui credunt in
domino. Si autem putat qui bibit quod soli ipsi debet sufficere, non fluit
aqua viva de ventre eius; si autem proximo festinat consulere, ideo non
siccatur, quia manat. Gregorius super Ezechielem. Cum enim a mente
fidelium sanctae praedicationis verba defluunt, quasi de mente credentium
aquae vivae flumina decurrunt. Ventris autem viscera quid sunt aliud nisi
mentis interna, idest recta intentio, sanctum desiderium, humilis ad Deum,
pia ad proximum voluntas? Chrysostomus. Dicit autem flumina, et non
flumen, copiositatem et ubertatem gratiae occulte insinuans. Viventem autem
aquam dicit, agentem semper. Spiritus enim gratia cum in mentem intraverit,
et firmata fuerit, omni fonte magis manat, et neque deficit, neque evacuatur,
neque stat : videbit quis utique hoc ad sapientiam Stephani, ad Petri
linguam, ad Pauli fluxum inspiciens. Nihil enim eos
detinebat, sed sicut flumina, multo impetu delati, omnia secum trahentes
abibant. Augustinus in Ioannem. Ad qualem autem potum
dominus invitasset, exposuit Evangelista, et dixit hoc autem dixit de spiritu
quem accepturi erant credentes in eum. Quem dicit spiritum, nisi spiritum
sanctum? Nam unusquisque homo habet in se proprium spiritum. Alcuinus. Spiritum
autem sanctum ante ascensionem apostolis promisit; post ascensionem linguis
igneis dedit; inde dicit quem accepturi erant credentes in eum.
Augustinus. Erat ergo spiritus Dei; sed nondum in eis erat qui crediderant
in Iesum. Ita enim disposuit non eis dare spiritum istum, nisi post
resurrectionem suam; unde sequitur nondum enim erat spiritus datus quia
nondum Iesus erat glorificatus. Chrysostomus in Ioannem. Apostoli
quidem prius spiritu eiciebant Daemonia, sed ea quae a Christo est potestate;
quando enim mittebat eos, non dicitur : dedit eis spiritum sanctum, sed :
dedit eis potestatem. De prophetis autem ab omnibus confessum est quod
spiritus sanctus eis dabatur : sed haec gratia a terra defecerat. Augustinus
de Trin. Sed quomodo et de Ioanne Baptista dictum est : spiritu sancto
replebitur ab utero matris suae; et spiritu sancto repletus Zacharias
invenitur, ut de illo talia diceret; et spiritu sancto Maria, ut talia de
domino praedicaret; spiritu sancto Simeon et Anna, ut magnitudinem Christi
parvuli agnoscerent? Quomodo ergo intelligitur, nisi quia certa illa spiritus
sancti datio post clarificationem Christi futura erat qualis nunquam antea
fuerat? Habitura enim erat quamdam proprietatem in ipso adventu, qualis antea
nunquam fuit. Nusquam enim legimus, linguis quas non noverant, homines
locutos veniente in se spiritu sancto, sicut tunc factum est, cum oportet
eius adventum signis sensibilibus demonstrari. Augustinus in Ioannem. Cum
ergo et modo accipiatur spiritus sanctus, quare nemo loquitur linguis omnium
gentium? Quia iam ipsa Ecclesia linguis gentium loquitur : in hac qui non
est, nec modo accipit spiritum sanctum. Si amas unitatem, etiam tibi habet
quisquis in illa aliquid habet. Tolle invidiam, et tuum est quod habeo. Livor
separat, caritas iungit : ipsam habeto, et cuncta habebis : quia sine ipsa
nihil proderit quidquid habere potueris. Caritas autem Dei diffusa est in
cordibus nostris per spiritum sanctum, qui datus est nobis. Quare
ergo dominus post resurrectionem suam spiritum sanctum dare voluit? Ut scilicet in
resurrectionem nostram caritas flagraret, ab amore saeculi separaretur, et
tota curreret in Deum. Qui enim dixit qui credit in me, veniat et bibat, et
flumina de ventre eius fluent aquae vivae, vitam aeternam promisit, ubi nihil
timeamus, ubi non moriamur. Quia ergo tale est quod promisit spiritus sancti
caritate ferventibus; ideo ipsum spiritum noluit dare nisi cum esset
glorificatus, ut in suo corpore ostenderet vitam, quam modo non habemus, sed
in resurrectione speramus. Augustinus contra Faustum. Si itaque haec causa
erat ut nondum daretur spiritus sanctus, quia nondum erat Iesus glorificatus;
proculdubio clarificatio Iesu iam causa erat ut statim daretur. Cataphryges
autem se promissum Paraclitum suscepisse dixerunt, et hinc a fide Catholica
deviarunt. Manichaei etiam quae de promissione spiritus sancti dicuntur, de
Manichaeo asserunt esse praedicta, tamquam scilicet antea non fuerit spiritus
datus. Chrysostomus. Vel aliter. Gloriam Christi crucem vocat : quia
enim inimici eramus, donum autem non inimicis, sed amicis datur; oportebat
prius offerri hostiam, et inimicitiam in carne dissolvi, et tunc factos Dei
amicos suscipere donum. Lectio 8 [86056] Catena in Io., cap. 7 l. 8 Augustinus
in Ioannem. Cum dominus invitasset credentes in se ad potandum spiritum
sanctum, nata est de illo in turba dissensio; unde dicitur ex illa ergo
turba, cum audissent hos sermones eius, dicebant : hic est vere propheta.
Theophylactus.
Qui scilicet expectabatur. Alii, scilicet populus, dicebant : hic est
Christus. Alcuinus. Iam isti sitim illam spiritualiter haurire
coeperant, iam sitim infidelitatis deposuerant; alii in suae infidelitatis
ariditate permanebant; de quibus subditur quidam autem dicebant : numquid a
Galilaea venit Christus? Nonne Scriptura dicit quia ex semine David, et de
Bethlehem castello, ubi erat David, venit Christus? Noverant enim quid de
Christo praedixissent prophetae; sed ignorabant omnia in ipso impleta fuisse;
et qui noverant in Nazareth nutritum, nativitatis locum non attendebant, nec
prophetiam, quam legerant, in eo completam credebant. Chrysostomus in
Ioannem. Sed esto, locum nativitatis ignorabant; num etiam genus
ignorabant? Quoniam ex domo et familia David natus erat. Quare igitur
dicebant nonne ex semine David venit Christus? Sed et hoc obumbrare volebant
per educationem in Nazareth, omnia malitiose loquentes : unde non accedunt ad
Christum quaerentes quomodo Scripturae dicunt, quod a Bethlehem oportet
venire Christum; tu autem ex Galilaea venisti; sed omnia malitiose loquuntur.
Et quia non diligenter attendebant his quae dicebantur, neque discendi
gratia; propter hoc nihil eis Christus respondit. Nathanaelem autem dicentem
: a Nazareth potest aliquid boni esse? Laudavit ut vere Israelitam, quia
veritatis erat inquisitor, et omnia vetera diligenter edoctus. Sequitur
dissensio itaque facta est propter eum in turba. Theophylactus. Non in
principibus : nam principes unius voluntatis erant, ut videlicet non eum
reciperent sicut Christum. Qui ergo magis moderati erant in malitia, verbis
tantum gloriae Christi adversabantur; qui vero peiores erant, manus etiam
appetebant imponere; de quibus subditur quidam autem ex eis volebant
apprehendere eum. Chrysostomus. Hoc autem induxit Evangelista,
ostendens quoniam loquebantur neque quaerentes veritatem, neque discere
volentes. Sequitur sed nemo misit super illum manus. Alcuinus. Quia
scilicet ipse non permisit, qui conatus illorum in sua potestate habebat.
Chrysostomus. Hoc autem sufficiens erat eos in compunctionem
deducere; sed non sunt compuncti : talis enim nequitia nulli vult credere; ad
unum aspicit solum, ut eum cui insidiatur interficiat. Augustinus. Qui
vero missi fuerant ut eum tenerent, redierunt immunes a crimine, et pleni
admiratione; de quibus subditur venerunt ergo ministri ad pontifices et
Pharisaeos; et dixerunt eis illi : quare non adduxistis eum? Alcuinus. Qui
eum lapidare volentes, tenere non potuerunt, arguunt ministros quia eum non
adduxerant. Chrysostomus. Ecce Pharisaei et Scribae miracula videntes
et Scripturas legentes, nihil profecerunt; ministri autem nihil horum habentes,
ab una sola allocutione sunt capti, et abeuntes, ut eum ligarent, redierunt
ligati miraculo. Et non dixerunt : non potuimus propter turbam; sed praecones
efficiuntur Christi sapientiae; nam sequitur responderunt ministri : numquam
sic locutus est homo, sicut hic homo loquitur. Augustinus. Ille autem
sic locutus est, quia Deus erat et homo. Chrysostomus. Non est autem
solum eorum prudentia admiranda, quia signis non eguerunt, sed a sola
doctrina sunt capti; non enim dixerunt : nunquam talia miracula fecit homo;
sed nunquam sic locutus est homo; sed etiam admiranda est eorum securitas :
quoniam ad Pharisaeos, qui contra Christum adversabantur, venerunt, et eis
talia locuti sunt. Nec tamen longum sermonem audiebant, sed brevem; cum enim
mens fuerit incorrupta, non longis sermonibus opus est. Augustinus. Pharisaei
tamen eorum testimonium repulerunt; nam sequitur responderunt ergo eis
Pharisaei : numquid et vos seducti estis? Quasi dicant : videmus vos
delectatos esse in sermonibus suis. Alcuinus. Et revera laudabiliter
seducti erant, quia dimisso malo infidelitatis, transierunt ad fidem.
Chrysostomus in Ioannem. Ab argumento autem insipienti contra eos
syllogizant; nam sequitur numquid ex principibus aliquis credidit in eum, aut
ex Pharisaeis? Sed turba haec quae non novit legem, maledicti sunt. Haec
autem est ipsorum accusatio, quoniam turba quidem credidit, ipsi autem non
crediderunt. Augustinus in Ioannem. Qui enim non noverant legem, ipsi
credebant in eum qui miserat legem, et eum qui miserat legem, condemnabant
illi qui docebant legem; ut impleretur quod dominus dixerat : ego veni, ut
non videntes videant, et videntes caeci fiant. Chrysostomus. Qualiter
igitur maledicti sunt illi qui a lege suadentur? Vos potius maledicti estis,
qui non observastis legem. Theophylactus. Ideo autem suaviter et
blande Pharisaei ministris respondent, quia dubitaverunt ne forte ab eis
prorsus segregentur, et Christo adiciantur. Chrysostomus. Quia vero
dixerant quod nullus principum credidit in eum, ad hoc excludendum subiungitur
dicit Nicodemus ad eos (ille qui venit ad Iesum nocte), qui unus erat ex
illis. Augustinus. Ipse non quidem incredulus, sed timidus : nam ideo
nocte venerat ad lucem, quia illuminari volebat, et sciri timebat. Hic ergo
respondit Iudaeis numquid lex nostra iudicat hominem, nisi prius audierit ab
ipso, et cognoverit quid faciat? Credebat enim quia si eum tantummodo
patienter vellent audire, forte similes fierent illis qui missi sunt tenere
et maluerunt credere. Volebant autem illi perversi ante esse damnatores quam
cognitores. Augustinus de Civ. Dei. Dicit autem lex nostra, de lege
quae Dei est, eo quod est ab illo data hominibus. Chrysostomus. Ostendit
autem Nicodemus eos neque cognoscentes legem, neque facientes quae sunt
legis. Cum autem congruum esset ostendere quod non indiscrete miserunt
vocaturi eum, rudius et iracundius utuntur contradictione; nam sequitur
responderunt et dixerunt ei : numquid et tu Galilaeus es? Augustinus in
Ioannem. Idest quasi a Galilaeo seductus. Dominus enim Galilaeus dicebatur,
quoniam de Nazareth civitate erant parentes eius; secundum Mariam dixi
parentes, non secundum virile semen. Chrysostomus. Deinde iniuriose,
quasi eo nesciente, Scripturas induxerunt scrutare Scripturas, et vide quia
propheta a Galilaea non surgit; ac si dicerent : vade, et disce.
Alcuinus. Non enim locum ubi natus est, sed ubi conversabatur attendebant;
et ideo non solum Messiam, sed nec prophetam eum credebant. Augustinus. Propheta
quidem a Galilaea non surgit, sed dominus prophetarum inde surrexit. Sequitur
et reversi sunt unusquisque in domum suam. Alcuinus. Nullo perfecto
negotio, vacui fide, et ideo fraudati utilitate, sunt reversi in domum
infidelitatis et impietatis suae. |
CHAPITRE VII
Versets 1-8.
S. Augustin : (Traité 28 sur S. Jean). Les fidèles disciples de
Jésus-Christ devaient dans la suite chercher dans des retraites cachées un
asile contre la fureur de leurs persécuteurs, et c'est pour justifier cette
fuite prudente, que Notre Seigneur veut donner dans le chef l'exemple que
devaient un jour suivre les membres : « Après cela, Jésus parcourut la
Galilée, car il ne voulait point aller en Judée, parce que les Juifs
cherchaient à le faire mourir. » — S.
Bède : La liaison que ces paroles : « Après cela, » semblent établir
entre ce chapitre et le précédent, n'est pas tellement étroite, qu'on ne
puisse supposer dans l'intervalle on grand nombre d'événements
intermédiaires. Or, la Judée et la Galilée sont des provinces de la
Palestine, la Judée tire son nom de la tribu de Juda, et cependant ce nom de
Judée ne fut pas seulement donné à la contrée occupée par la tribu de Juda,
mais à celle qui était échue à la tribu de Benjamin, parce que c'est de la
Judée que les rois tiraient leur origine. La Galilée, au contraire, fut ainsi
appelée de la blancheur du teint qui distingue ses habitants, car le mot grec
γάλα, signifie lait en latin. S. Augustin : (Traité 28). L'Evangéliste s'exprime ici comme si
Nôtre-Soigneur ne pouvait parcourir la Judée sans être mis à mort par les
Juifs. Il manifesta, lorsqu'il le voulut, la puissance divine qui était en
lui, mais il n'avait point perdu cette puissance, parce qu'il voulait servir
d'exemple à notre faiblesse. — S. Jean
Chrysostome : (hom. 48). Disons encore que Notre Seigneur faisait
paraître en lui tour à tour les caractères de sa divinité et de son humanité,
il fuyait ses persécuteurs en tant qu'homme, et il se manifestait à eux comme
Dieu, puisqu'il était à la fois l'un et l'autre. Théophylactus : Il se retire pour le moment dans la Galilée,
parce que le temps de sa passion n'était pas encore venu. Il regardait donc
comme inutile de demeurer au milieu de ses ennemis, pour ne point augmenter
la haine qu'ils avaient contre lui. L'Evangéliste nous fait connaître ensuite
à quelle époque de l'année on se trouvait alors : « Or, la fête des Juifs,
dite Scénopégie ou des Tabernacles, était proche. » S. Augustin : (Traité 28). Ceux qui ont lu les saintes Ecritures savent ce
que c'est que cette fête des Tabernacles. Pendant cette fête, les Juifs se
construisaient des tentes semblables à celles que leurs pères avaient
habitées, en traversant le désert après leur sortie d'Egypte. Ils célébraient
cette fête en souvenir des bienfaits du Seigneur, eux qui bientôt devaient,
mettre à mort le Seigneur. L'Evangéliste appelle cette fête un jour de fête
bien qu'elle durât, non pas un jour seulement, mais sept jours consécutifs. S. Jean Chrysostome : (hom. 48). Nous avons ici une preuve que l'Evangéliste
passe sous silence un temps assez long de la vie du Sauveur. Lorsqu'on effet,
Notre Seigneur s'assit sur la montagne, on était près de la fête de Pâques,
ici c'est la fête des Tabernacles qui était proche, et saint Jean ne
mentionne d'autre fait dans les cinq mois intermédiaires entre ces deux
fêtes, que le miracle de la multiplication des pains, et le discours que le
Sauveur fit à ceux qu'il avait miraculeusement nourris. Il faut en conclure
que les Evangélistes ne pouvaient raconter tous les miracles que le Seigneur
ne cessait de faire, non plus que tous ses discours, mais qu'ils
s'attachaient de préférence à ce qui était, de la part des Juifs, l'objet
d'une dispute ou d'une contradiction quelconque, comme nous le voyons ici. — Théophylactus : Ses frères, voyant
qu'il n'était pas disposé à aller à Jérusalem, lui dirent : « Quittez ce pays
et allez en Judée. » — S. Bède : C'est-à-dire,
vous faites des miracles devant un petit nombre de témoins, allez dans la
ville royale où se trouvent les princes de la nation, pour recueillir la
gloire qu'ils ne peuvent manquer d'accorder à l'auteur de si grands prodiges.
Comme tous les disciples de Jésus ne marchaient pas à sa suite, et qu'il en
était un grand nombre dans la Judée, ils ajoutent : « Afin que vos disciples
voient eux aussi les œuvres que vous faites. » — Théophylactus : C'est-à-dire la multitude qui s'empresse autour
de vous, car ils ne veulent point parler ici des douze, mais de ceux qui
accompagnaient ordinairement le Sauveur. S. Augustin : (Traité 28). Par les frères du Seigneur, vous ne devez
entendre que les parents de Marie, et non aucun autre fils né de son sein;
car de même que ni avant ni après la mort du Sauveur aucun corps ne fut placé
dans le sépulcre où avait été déposé son corps sacré, ainsi le sein virginal
ne porta aucun autre enfant soit avant soit après la naissance de Jésus : Les
œuvres du Seigneur n'étaient point cachées pour les disciples du Seigneur,
mais elles demeuraient voilées pour ceux dont il est ici question. Aussi
écoutez leur langage : « Afin que vos disciples eux aussi voient les œuvres
que vous faites. » C'est le langage de la prudence de la chair au Verbe qui
est fait chair; ils ajoutent : « Car personne n'agit en secret, lorsqu'il
désire être connu. » c'est-à-dire, vous opérez des prodiges, faites-les en
présence des hommes pour recueillir leurs louanges. En lui parlant de la
sorte, ils semblaient épouser les intérêts de sa gloire; mais comme ils
recherchaient une gloire tout humaine, ils ne croyaient pas en lui :
« Car ses frères mêmes, dit l'Evangéliste, ne croyaient pas en lui. »
Ils étaient unis à Jésus-Christ par les liens du sang, mais cette parenté fut
pour eux un obstacle volontaire qui les empêcha de croire en lui. S. Jean Chrysostome : (hom. 48). C'est une chose digne d'admiration de voir que
les Evangélistes, dans leur amour pour la vérité, n'ont pas craint de raconter
les faits qui paraissaient les plus défavorables à leur Maître, et se sont
même attaché à en conserver le souvenir. En effet, l'incrédulité de ses
frères ne paraissait pas fort honorable pour le Sauveur. Le langage qu'ils
lui tiennent parait inspiré par l'amitié, mais il est empreint d'un profond
sentiment d'aigreur, et ils l'accusent à la fois de timidité et d'amour de la
vaine gloire : « Personne, disent-ils, n'agit en secret. » Voilà l'accusation
de crainte et de timidité, et en même temps l'expression d'an doute sur la
vérité de ses miracles. Ils ajoutent : « Lorsqu'il désire d'être connu, »
voilà le reproche d'aimer la vaine gloire. Cependant Jésus leur répond avec
douceur, et nous enseigne par sa conduite à ne point nous irriter des
conseils qui peuvent nous être donnés par des hommes peu estimables. Mais
Jésus leur dit : « Mon temps n'est pas encore venu, pour vous votre
temps est toujours prêt. » S. Bède : Ces paroles pourraient paraître contraires à
ce que dit l'Apôtre : « Lorsque les temps ont été accomplis, Dieu a
envoyé son Fils; » etc. (Ga 4) il faut donc les rapporter non pas au
temps de la naissance du Sauveur, mais à celui où il devait être glorifié. — S. Augustin : (Traité 28). Ils
lui donnent le conseil de rechercher la gloire, obéissant en cela à des
inspirations mondaines et terrestres, et ne pouvant souffrir que le Sauveur
restât dans l'obscurité et l'oubli. Mais Jésus veut au contraire frayer par
l'humilité le chemin qui conduit à la gloire : « Il leur dit donc : Mon temps
(c'est-à-dire le temps de ma gloire, où je viendrai juger le monde avec
majesté), n'est pas encore venu, mais votre temps (c'est-à-dire le temps de
la gloire du monde), est toujours prêt. » Puisque nous sommes le corps du
Seigneur, lorsque les partisans du monde nous insultent, répondons-leur :
« Votre temps est toujours prêt, notre temps n'est pas encore arrivé; »
notre patrie est sur les hauteurs, le chemin qui nous y conduit est
humble : celui qui refuse de suivre le chemin, c'est en vain qu'il cherche la
patrie. S. Jean Chrysostome : (hom. 48). Ou bien encore, Notre Seigneur fait allusion
aux dispositions secrètes de ceux qui lui tenaient ce langage. Peut-être
avaient-ils l'intention de le trahir et de le livrer aux Juifs; il leur dit
donc : « Mon temps n'est pas encore venu (c'est-à-dire le temps de ma
croix et de ma mort); mais votre temps est toujours prêt, car vous êtes bien
toujours au milieu des Juifs, » mais ils ne vous mettront point à mort,
puisque vous partagez leurs sentiments. C'est pourquoi il ajoute : « Le monde
ne saurait vous haïr, mais il me hait, parce que je rends de lui le
témoignage que ses œuvres sont mauvaises. » C'est-à-dire, comment
voulez-vous que le monde haïsse ceux qui n'ont point d'autres volontés que
les siennes, et obéissent aux mêmes inclinations ? Pour moi, au contraire, il
me hait, parce que je le reprends de ses vices. Je suis si loin de rechercher
la gloire des hommes, que je me fais un devoir de leur adresser de sévères
reproches, bien que je sache qu'ils en concevront une haine violente, et
qu'ils chercheront à me faire mourir. Nous avons ici une preuve que la cause
de la haine des Juifs contre le Sauveur, n'était point la transgression du
sabbat, mais les reproches publics qu'il leur adressait. Théophylactus : On peut dire encore que le Seigneur fait ici
deux réponses aux deux accusations dont il était l'objet, on l'accusait de se
laisser dominer par la crainte, et il répond en disant qu'il censure
publiquement les œuvres du monde, c'est-à-dire les œuvres des mondains, ce
qui n'est point le fait d'un homme accessible à la crainte. Il répond au
reproche de vaine gloire, en les envoyant eux-mêmes à la fête : « Pour
vous, allez à cette fête. » S'il avait été l'esclave de la vaine gloire, il
les eût retenus près de lui, car ceux qui sont dominés par cette passion
aiment à se voir environnés d'un grand nombre de personnes. — S. Jean Chrysostome : (hom. 48).
Il s'exprime de la sorte, pour leur montrer que son intention n'est pas de
les flatter, et qu'il leur laisse accomplir les observances légales. — S. Augustin : Ou bien : « vous
allez à cette fête où vous cherchez la gloire humaine, où vous voulez
augmenter les joies de la chair au lieu de penser aux joies éternelles. Pour
moi, je n'y vais point, parce que mon temps n'est pas encore accompli. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 48).
C'est-à-dire, je n'y vais point avec vous, parce que mon temps n'est pas
encore accompli, car ce n'était qu'à la fête de Pâque suivante qu'il devait
être crucifié. — S. Augustin : (Traité
28). Ou bien encore, mon temps, c'est-à-dire le temps de ma gloire n'est
pas encore venu, ce sera là mon véritable jour de fête, non pas une fête
passagère et transitoire comme les fêtes d'ici-bas, mais une fête qui durera
éternellement; ce sera la fête et la joie sans fin, l'éternité sans travail,
la sérénité sans nuages. Versets 9-13.
Théophylactus : Le Seigneur ayant déclaré qu'il n'irait pas
à la fête avec ses frères, refuse tout d'abord d'y aller pour ne point
s'exposer à la colère des Juifs qui avaient juré sa perte : « Ayant dit
ces choses, il demeura en Galilée. » Et il s'y rendit ensuite lui-même :
« Et lorsque ses frères furent partis, il alla aussi lui-même à la fête.
» — S. Augustin : (hom. 28).
Il n'y est point conduit par un vain désir de gloire humaine, il n'a d'autre but
que de leur donner de salutaires enseignements, et de leur rappeler la pensée
de la fête éternelle. — S. Jean
Chrysostome : (hom. 48 et 49 sur S. Jean). Ou bien,
il se rend à cette fête, non pour souffrir, mais pour instruire. Il y vient
secrètement, il aurait pu sans doute s'y rendre publiquement, et maîtriser
les efforts désordonnés de leur colère, comme il le fit souvent dans d'autres
circonstances, mais il ne voulait pas faire un usage continuel de sa
puissance, pour ne pas dévoiler sa divinité d'une manière trop éclatante,
pour rendre plus certain le mystère de son incarnation, et nous enseigner la
pratique de la vertu. C'est donc pour nous apprendre ce que nous devons
faire, à nous, qui ne pouvons arrêter les efforts de nos persécuteurs, qu'il
se rend secrètement à cette fête. L'Evangéliste ne dit pas : En secret, mais
: « Comme en secret, » pour nous montrer qu'il agissait ici par un dessein
tout particulier de sa Providence. En effet, s'il avait toujours agi comme
Dieu, comment pourrions-nous savoir ce que nous devons faire, lorsque nous
sommes aux prises avec les dangers ? — S.
Augustin : (Traité 28). Ou bien encore, il monte secrètement,
parce qu'il ne cherche pas la faveur des hommes, et ne prend point plaisir à
se voir entouré du glorieux cortège de la multitude qui aurait marché à sa
suite. S. Bède : Dans le sens
mystique, nous voyons ici que pendant que des hommes charnels cherchent avec
empressement la gloire humaine, le Seigneur reste dans la Galilée, dont le
nom signifie transmigration, c'est-à-dire qu'il demeure dans ses
membres qui passent des vices aux vertus, et font de grands progrès dans la
perfection. Le Seigneur se rend lui-même à Jérusalem, parce que les membres
du Christ cherchent non pas la gloire de cette vie; mais celle de la vie
éternelle. Mais il s'y rend en secret, parce que toute sa gloire vient de
l'intérieur (Ps 44), c'est-à-dire, d'un cœur pur, d'une bonne
conscience et d'une foi sincère. (1 Tm
1, 5) — S. Augustin : (Traité 28). On
peut dire encore qu'en se rendant comme en secret à cette fête, Jésus a voulu
nous donner une leçon mystérieuse. Toutes les lois et les prescriptions
imposées au peuple ancien, et par conséquent la fête des Tabernacles, étaient
la figure des choses futures; or, tout ce qui était pour eux figure, est
devenu pour nous une réalité. Jésus se rend donc à cette fête comme en
secret, pour figurer qu'il demeurait comme voilé. Au jour même de la fête, le
Sauveur demeura caché, parce que ce jour de fête figurait l'exil des membres
de Jésus-Christ. N'est-ce pas, en effet, habiter comme dans des tentes, que
de regarder cette vie comme un pèlerinage et un exil ? Or, la Scénopégie
était la fête des Tabernacles ou des tentes. « Les Juifs donc le cherchaient pendant la fête, et disaient :
Où est-il ? » — S. Jean Chrysostome : (hom.
49). La haine et l'aversion qu'ils ont pour lui les empêchent même de
prononcer sou nom. « Où est-il ? » Quel grand respect pour la
fête, quel esprit de religion ! ils veulent profiter de cette solennité pour
se saisir frauduleusement du Sauveur. « Et il y avait une grande rumeur dans le peuple à son sujet. » — S. Augustin : (Traité 28).
Cette rumeur était produite par la diversité des opinions que l'Evangéliste
nous fait connaître : « Les uns disaient, c'est un homme de bien; non,
disaient les autres, il séduit la foule. » Ainsi qu'un homme se distingue par
quelque mérite extraordinaire, tel est le jugement qu'on portera de lui; les
uns diront : C'est un homme de bien; les autres : Il séduit le peuple. Mais
quelle consolation pour un chrétien, de penser que ce qu'on dit de lui on l'a
dit auparavant de Jésus-Christ ! En
effet, s'ils donnent au mot séduire le sens de tromper, il est évident que
Jésus-Christ n'est pas un séducteur; mais si séduire, c'est simplement amener
quelqu'un par la persuasion à son sentiment, il faut pour apprécier cette
action, examiner d'où l'on part et où l'on arrive. Celui qui entraîne du bien
au mal est un mauvais séducteur; celui qui ramène du mal au bien est un bon
séducteur, et plût à Dieu qu'on nous appelle et que nous soyons en effet des
séducteurs de cette sorte. — S. Jean
Chrysostome : (hom. 49). A mon avis, c'était le peuple qui le
proclamait un homme de bien, tandis que l'opinion défavorable était celle des
chefs du peuple et des prêtres, comme le prouve d'ailleurs leur manière de
s'exprimer, car ils ne disent pas : Il nous séduit, mais : « Il séduit
la foule. » « Cependant personne ne parlait ouvertement en sa faveur par crainte
des Juifs. » C'était surtout ceux qui disaient : « C'est un homme de bien, »
plutôt que ceux qui le traitaient de séducteur; ces derniers s'exprimaient
plus ouvertement, tandis que les autres ne disaient qu'à voix basse :
« C'est un homme de bien. » — S.
Jean Chrysostome : (hom. 49). Voyez la corruption des chefs de la
nation, et la timidité du peuple qui leur est soumis; il a des idées plus
droites, et il n'ose les manifester, ce qui est un des caractères de la
multitude. Versets 14-19.
S. Jean Chrysostome : (hom. 49). Nôtre-Seigneur, en ne se rendant pas à la fête
dans les premiers jours, mais vers le milieu de la fête, comme l'Evangéliste
le remarque, voulait par ce retard rendre les Juifs plus attentifs à sa
doctrine. En effet, ceux qui l'avaient cherché dans les premiers jours, en le
voyant tout à coup sous leurs yeux, quelles que fussent d'ailleurs leurs
dispositions, qu'ils le considérassent comme un homme de bien ou comme un
séducteur, étaient naturellement portés à donner une plus grande attention à
ses enseignements, les uns pour admirer sa doctrine, et en profiter, les autres
pour le surprendre et se saisir de sa personne. — Théophylactus : Dans les premiers jours de la fête, l'attention
était presque tout entière à la solennité elle-même; mais dans les jours
suivants, les esprits étaient plus disposés à écouter attentivement le
Sauveur. — S. Augustin : (Traité
28). Cette fête, comme le récit le donne à entendre, se célébrait durant
plusieurs jours; voilà pourquoi l'Evangéliste dit : « Vers le milieu de la
fête, » c'est-à-dire, lorsqu'il restait encore autant de jours qu'il s'en
était écoulé. Notre Seigneur agit de la sorte pour tenir la parole qu'il a
donnée : « Je ne vais point à ce jour de fête que vous m'indiquez, »
c'est-à-dire le premier ou le second, mais il se rend à Jérusalem vers le
milieu de la fête. — S. Augustin : (Quest.
sur le Nouv. et l'Anc. Test., quest. 78). Jésus se rendit alors à
Jérusalem, moins pour la solennité que pour manifester sa divine lumière. Ses
parents s'y rendirent pour y jouir des plaisirs de cette fête, mais le vrai
jour de fête pour Jésus-Christ, fut celui où il racheta le monde par sa
passion. S. Augustin : (Traité 29) Voilà celui qui avait voulu d'abord se couvrir
des voiles de l'obscurité qui enseigne, et parle en public, et personne ne
s'empare de lui, car s'il a voulu rester caché, c'est pour notre instruction,
et s'il se manifeste, c'est pour donner des preuves de sa puissance. — S. Jean Chrysostome : (hom. 49).
Quel était le sujet de son enseignement ? L’Evangéliste n'en dit rien, il
rapporte seulement qu'il instruisait d'une manière admirable, car son
enseignement-avait un tel caractère d'autorité, que ceux mêmes qui
l'accusaient de séduire le peuple étaient complètement changés et dans un
profond étonnement : « Et les Juifs étonnés disaient : Comment sait-il
les Ecritures, puisqu'il ne les a pas apprises ? » Voyez comme leur
étonnement est plein de malice; l'Evangéliste ne nous dit pas en effet que ce
fut sa doctrine qui excitât leur étonnement, c'était une autre cause, le
désir de savoir comment il pouvait avoir tant de science. — S. Augustin : (Traité 28).
Tous sans doute partageaient cet étonnement, mais tous ne se convertissaient
pas. Et d'où venait donc cet étonnement ? C'est qu'un grand nombre d'entre
eux connaissaient le lieu de sa naissance et le genre de son éducation. Ils
ne l'avaient jamais vu apprendre les lettres, et ils l'entendaient cependant
discuter la loi, citer les textes de la loi, ce qu'on ne peut faire sans
avoir lu la loi, que personne ne peut lire avant d'avoir fait des études
littéraires, et c'est ce qui causait leur étonnement. S. Jean Chrysostome : (hom. 49). Cette incertitude et ce doute devaient leur
faire conclure que la science du Sauveur n'était pas d'origine humaine, mais
qu'elle était divine. Ils ne vont pas au delà de l'étonnement, parce qu'ils
ne veulent pas tirer cette conclusion. Notre Seigneur va donc s'en charger :
« Jésus lui répondit : Ma doctrine n'est pas de moi, mais de celui qui m'a
envoyé. » — S. Augustin : (Traité
29) Il semble y avoir une contradiction dans ces paroles : « Ma doctrine
n'est pas la mienne, mais la doctrine de celui qui m'a envoyé. » S'il avait
dit : Cette doctrine n'est pas la mienne, il n'y aurait eu aucune difficulté.
Quelle est donc la doctrine du Père, si ce n'est le Verbe du Père ?
Jésus-Christ est donc la doctrine du Père, s'il est le Verbe du Père. Mais
comme le Verbe ou la parole doivent nécessairement avoir un auteur, Notre
Seigneur s'identifie avec sa doctrine, et déclare cependant qu'elle n'est pas
de lui, parce qu'il est le Verbe du Père. Qu'y a-t-il de plus à vous que vous-même
? Et qu'y a-t-il de moins à vous que vous-même, si vous tenez d'un antre tout
ce que vous avez ? En un mot, voici ce que le Sauveur a voulu dire :
« Ma doctrine n'est pas de moi. » Ce qui revient à cette
proposition : Je ne viens pas de moi-même. » Ces paroles renversent
l'hérésie des Sabelliens, qui ont osé avancer que le Fils était le même que
le Père, et qu'il y avait deux noms pour exprimer une seule chose. — S. Jean Chrysostome : (hom. 49).
Ou bien encore, il dit : « Ma doctrine, » parce qu'il l'avait enseignée, et
il déclare qu'elle n'est pas de lui, parce que c'était la doctrine du Père.
Mais si tout ce qui appartient au Père lui appartient également, dès lors que
cette doctrine est la doctrine du Père, elle devrait être la sienne ? Sans doute,
mais en disant : « Elle n'est pas la mienne. » Il affirme énergiquement
que son Père et lui n'ont qu'une seule et même doctrine; comme s'il disait :
Il n'y a aucune différence entre la doctrine de mon Père et la mienne; et
dans mes paroles comme dans mes actions, je fais en sorte qu'on ne remarque
rien qui soit contraire, soit aux paroles, soit à la manière d'agir de mon
Père. — S. Augustin : (De la
Trin., 1, 12). Ou bien encore, il dit qu'elle est sa doctrine dans un
sens, et qu'elle ne l'est pas dans un autre sens; si on le considère comme
Dieu, c'est sa doctrine; si on le considère comme homme, elle n'est plus sa
doctrine, mais celle de son Père. — S.
Augustin : (Traité 29). Si l'intelligence dé ces paroles laisse
encore à désirera quelques-uns, qu'ils écoutent le conseil que leur donne le
Sauveur : « Si quelqu'un veut faire la volonté de Dieu, il reconnaîtra
si ma doctrine est de Dieu. » Mais, que signifient ces paroles :
« Si quelqu'un veut faire la volonté de Dieu ? » C'est-à-dire, s'il veut
croire en Jésus-Christ, car il a dit lui-même précédemment : « L'œuvre
de Dieu est que vous croyiez en celui qu'il a envoyé; » or, qui ne sait
qu'accomplir la volonté de Dieu, c'est faire son œuvre ? De même encore,
connaître c'est comprendre. Ne cherchez donc pas à comprendre pour arriver à
la foi, mais commencez par croire pour arriver à l'intelligence, car si vous
ne croyez pas, vous ne comprendrez pas. (Is 5, 9, selon la vers. des
Sept). — S. Jean Chrysostome : (hom.
49). Ou bien encore, tel est le sens de ces paroles : Bannissez de vos
cœurs la colère, l'envie, la haine que vous nourrissez injustement contre
moi, et rien alors ne vous empêchera de connaître que mes paroles sont-les
paroles mêmes de Dieu. Il apporte ensuite une autre preuve non moins forte
qu'il puise pour notre instruction dans la conduite ordinaire des hommes :
« Celui qui parle de soi-même cherche sa propre gloire, » c'est-à-dire,
celui qui veut établir une doctrine qui lui est personnelle, n'a point
d'autre but que d'acquérir de la gloire. Si donc je cherche la gloire de
celui qui m'a envoyé, pour quelle raison voudrais-je vous enseigner une
doctrine étrangère ? c'est le sens des paroles qui suivent : « Mais qui
cherche la gloire de celui qui l'a envoyé est digne de foi, et il n'y a point
en lui d'imposture. » — Théophylactus
: C'est-à-dire, je suis digne de foi, parce que ma doctrine est
l'expression de la vérité, il n'y a point en moi d'imposture, parce que je ne
cherche pas à usurper la gloire d'autrui. — S. Augustin : (Traité 29). Celui qui cherche sa propre
gloire est un Antéchrist. Notre Seigneur nous a donné un grand exemple
d'humilité, lorsque s'étant rendu semblable à nous par ce qui a paru de lui
au dehors, il a cherché non point sa gloire, mais celle de son Père; pour
vous, au contraire, faites-vous quelque bonne action, vous n'y cherchez que
votre gloire; faites-vous le mal, vous le rejetez injustement sur Dieu. — S. Jean Chrysostome : (hom. 49).
Remarquez donc qu'une des causes de ce langage si humble dans la bouche du
Sauveur, c'est de bien persuader les Juifs qu'il ne désire ni la gloire, ni
la puissance; c'est aussi de s'accommoder à la faiblesse de ses auditeurs, et
enfin d'enseigner aux hommes la fuite de l'orgueil et la pratique de
l'humilité dans les pensées comme dans les paroles. Versets 20-24.
S. Jean Chrysostome : (hom. 49 sur S. Jean). Les Juifs formulaient deux
accusations contre Jésus-Christ, l'une qu'il violait le sabbat, l'autre qu'il
appelait Dieu son Père, et se faisait ainsi l'égal de Dieu. Il confirme cette
dernière proposition en montrant qu'il n'est nullement opposé à Dieu, et
qu'il enseigne la même doctrine. Quant à la violation du sabbat, voici
comment il y répond : « Est-ce que Moïse ne vous a pas donné la loi ? et
personne de vous n'accomplit la loi, » paroles dont voici le sens : La loi
dit : Vous ne tuerez pas, et cependant vous vous rendez coupables de meurtre,
comme il le leur reproche ouvertement : « Pourquoi cherchez-vous à me faire
mourir ? » c'est-à-dire, supposons que j'aie violé la loi en guérissant cet
homme, au moins cette transgression a-t-elle eu pour objet de le sauver;
vous, au contraire, vous violez le sabbat pour commettre le mal; je vous
récuse donc pour juges dans cette question. Il leur oppose donc deux moyens
de défense, et en leur reprochant de chercher à le mettre à mort, et en leur
prouvant que le meurtre qu'ils méditent, les rend indignes de se constituer
les juges d'un autre. — S. Augustin : (Traité
30). Ou bien encore, Notre Seigneur leur parle de la sorte, parce que
s'ils observaient la loi, ils auraient trouvé et reconnu Jésus-Christ dans
les Ecritures, et ne chercheraient point à le mettre à mort, alors qu'il est
au milieu d'eux. La réponse que fait la foule au Sauveur, lui est inspirée
non par le désir de la paix, mais par un esprit de désordre : « Le peuple lui
répondit : Vous êtes possédé du démon, qui cherche à vous mettre à mort ? »
Ils accusent d'être possédé du démon celui qui chassait les démons. Mais le
Seigneur, sans se troubler, et avec ce calme que donne la vérité, ne leur
rend pas injure pour injure, et leur fait une réponse pleine de modération. —
S. Bède : Il nous donne ici un
exemple de la patience avec laquelle nous devons supporter les fausses
accusations dont nous sommes victimes, sans faire connaître la vérité qui peut
nous justifier, et en nous contentant de donner de salutaires avis :
« Jésus répliqua et leur dit : J'ai fait une seule œuvre (le jour
du sabbat), et vous en êtes tous surpris. » — S. Augustin : (Traité 29). C'est-à-dire, que serait-ce
s'il vous était donné de voir toutes mes œuvres ? Ses œuvres, c'était tout ce
qu'ils voyaient dans le monde, mais ils ne voyaient pas celui qui a fait
toutes choses. Il a fait une seule œuvre sous leurs yeux, il a guéri un homme
le jour du sabbat, et ils en sont tous surpris, comme si tout malade, guéri
le jour du sabbat, pouvait l'être par un autre que celui dont ils se sont
scandalisés, parce qu'il avait rendu la santé à un homme le jour du sabbat. —
S. Jean Chrysostome : (hom. 49).
« Vous êtes surpris, étonnés, » c'est-à-dire, vous êtes en proie au
trouble, à l'agitation. Voyez avec quelle prudence il raisonne contre eux en
s'appuyant sur la loi même. Il veut leur prouver qu'en guérissant cet homme,
il n'a point transgressé la loi, car il est beaucoup d'autres points plus
importants que le précepte du sabbat, et dont l'observation accomplit la loi,
loin de la violer. Il ajoute donc : « Cependant Moïse vous a donné la
circoncision (bien qu'elle soit non de Moïse, mais des patriarches), et vous
la pratiquez le jour du sabbat. » — S.
Augustin : (Traité 29). Comme s'il leur disait : Vous avez bien
fait en recevant la circoncision, non point parce qu'elle vient de Moïse,
mais des patriarches. Ce fut, en effet, Abraham qui, le premier, reçut du
Seigneur le précepte de la circoncision : « Et vous pratiquez la circoncision
le jour même du sabbat. » Vous êtes convaincus par Moïse lui-même, la loi
vous fait un devoir de circoncire les enfante le huitième jour, elle vous
oblige également à vous abstenir d'œuvre servile le septième jour. Si le
huitième jour qui suit la naissance d'un enfant, tombe justement le septième
jour de la semaine, vous ne laissez pas de le circoncire, parce que la
circoncision est un moyen de salut, et qu'il n'est pas défendu aux hommes de
travailler à leur salut le jour du sabbat. — Alcuin : La circoncision a été établie pour trois raisons, la
première pour être un signe de la grande foi d'Abraham; la seconde pour être
un signe distinctif entre les Juifs et les autres nations; la troisième, afin
que la circoncision qui était faite sur l'organe de la virilité, rappelât
l'obligation d'observer la chasteté du corps et de l'âme. La circoncision
conférait alors la même grâce que le baptême confère aujourd'hui, avec cette
différence que la porte du ciel n'était pas encore ouverte. Notre Seigneur tire
donc la conclusion des propositions qui précèdent : « Or, si un homme reçoit
la circoncision le jour du sabbat, pour ne pas violer la loi de Moïse,
comment vous indignez-vous contre moi, parce que le jour du sabbat, j'ai rendu
un homme sain dans tout son corps ? » — S.
Jean Chrysostome : C'est-à-dire, violer la loi du sabbat pour donner la
circoncision, c'est observer la loi; c'est ainsi que j'ai moi-même observé la
loi en guérissant un homme le jour du sabbat; et vous qui n'êtes point des
législateurs, vous défendez la loi outre mesure. Moïse, au contraire, ordonne
de transgresser la loi pour observer un précepte qui ne vient pas de la loi,
mais qui a été donné aux patriarches. En disant : « J'ai rendu un homme sain
tout entier, » il montre que la circoncision ne rendait l'homme sain qu'en
partie. S. Augustin : (Traité 30). Peut-être encore cette circoncision était la
figure du Seigneur, car qu'est-ce que la circoncision, sinon le dépouillement
de la chair ? Elle signifiait donc que le cœur était dépouillé de toutes les
convoitises charnelles. Et ce n'est pas sans raison que la circoncision était
opérée sur le membre qui sert à la génération, « car c'est par un seul homme
que le péché est entré dans le monde. » (Rm 5) Tout homme naît avec le
prépuce de sa chair, parce qu'il naît avec le vice qu'il tire de son origine,
et c'est par Jésus-Christ seul, que Dieu le purifie, soit de ce vice
originel, soit de ceux qu'il ajoute volontairement par une vie criminelle. La
circoncision s'opérait avec des couteaux de pierre, et la pierre est la
figure de Jésus-Christ. La circoncision avait lien le huitième jour, parce
que c'est après le septième jour de la semaine que Notre Seigneur est
ressuscité le dimanche. C'est cette même résurrection qui nous circoncit,
c'est-à-dire qui nous dépouille de tous les désirs charnels. Comprenez donc
que cette circoncision était la figure de cette bonne oeuvre, par laquelle
j'ai guéri un homme tout entier le jour du sabbat, je l'ai guéri pour rendre
la santé à son corps, et sa foi lui a procuré la santé de l'âme. La loi vous
interdit les œuvres serviles le jour du sabbat. Est-ce donc une œuvre servile
que de guérir un homme le jour du sabbat ? Vous mangez et vous buvez le jour
du sabbat, parce que le soin de votre santé l'exige, et vous prouvez ainsi
que ce qui est nécessaire à la conservation de la santé n'est nullement
défendu le jour du sabbat. S. Jean Chrysostome : (hom. 49). Notre Seigneur ne dit pas : J'ai fait une œuvre
plus grande que la circoncision, il se contente d'exposer le fait, et leur en
laisse l'appréciation : « Ne jugez pas selon l'apparence, mais jugez selon la
justice. » C'est-à-dire, vous avez pour Moïse une plus grande estime que pour
moi, mais ce n'est point sur l'importance des personnes que vous devez
appuyer votre jugement, c'est sur la nature même des choses; car c'est là
juger selon la justice. Or, personne n'a accusé Moïse d'avoir ordonné que le
précepte d'observer le jour du sabbat, le céderait au précepte de la
circoncision qui avait été établi en dehors de la loi. Moïse doit donc être
plus digne de foi à vos yeux, lui qui vous commande de violer la loi pour
observer un commandement établi antérieurement à la loi. S. Augustin : (Traité 30). La recommandation que fait ici Nôtre-Seigneur,
de ne point juger d'après les personnes, est très-difficile à observer en ce
monde. Cet avertissement qu'il donne aux Juifs, il nous le donne à
nous-mêmes. C'est pour nous que toute parole importante, tombée des lèvres du
Sauveur, a été écrite, qu'elle est conservée, et qu'elle est répétée. Le
Seigneur est dans les cieux, mais il continue d'être la vérité sur la terre :
le corps qu'il a ressuscité peut n'être que dans un seul lien, mais sa vérité
est répandue par toute la terre. Quel est donc celui qui ne juge point sur
l'apparence et d'après les personnes ? Celui qui a pour tous les hommes une
même charité. Ce n'est pas que nous ayons à craindre de faire acception de
personnes, lorsque nous rendons aux hommes les honneurs qui sont dus à leur
position. Ainsi, par exemple, un père est en litige avec son fils, nous ne
rendons pas au fils un honneur égal à celui du père, nous lui faisons
simplement justice, si sa cause est bonne. Egalons le père au fils dans la
vérité, et de cette manière nous rendrons à chacun l'honneur qui lui est dû,
sans sacrifier les droits de la justice et de l'équité. Versets 25-30.
S. Augustin : (Traité 31 sur S. Jean). L'Evangéliste nous a dit
précédemment que Notre Seigneur se rendit à cette fête comme en secret, non
pas dans la crainte qu'on se saisit de sa personne, lui qui, par sa
puissance, était à l'abri de tonte violence, mais pour figurer qu'il était
comme caché dans ce jour de fête célébré par les Juifs, et qu'elle renfermait
son mystère. Il fait maintenant éclater son pouvoir qu'on regardait comme de
la timidité, et il parle publiquement au milieu de la fête, de manière que le
peuple en est tout étonné : « Alors quelques-uns de Jérusalem commencèrent à
dire, » etc. Ils connaissaient avec quelle méchanceté on cherchait à s'emparer
de lui, et ils s'étonnaient de la puissance qui le dérobait à la violence de
ses ennemis. — S. Jean Chrysostome : (hom.
50). L'Evangéliste dit : « Quelques-uns de Jérusalem, » parce qu'en
effet, c'étaient ceux sous les yeux desquels il avait opéré ses plus grands
miracles, qui se conduisaient de la manière la plus misérable, et qui,
témoins d'une des plus grandes preuves de sa divinité, laissaient toute
liberté aux chefs corrompus de leur nation, pour l'accomplissement de leurs
projets. Quelle plus grande preuve, en effet, de la puissance divine du
Sauveur, que de voir ces hommes ivres de fureur, et qui cherchaient à le
mettre à mort, s'arrêter tout à coup et laisser tomber leur colère, alors
qu'il était en leur pouvoir ? S. Augustin : (Traité 31). Le peuple qui ne comprenait point parfaitement
encore la puissance du Sauveur, attribua cette modération des chefs de la
nation à la connaissance qu’ils avaient que Jésus était le Christ : «
Les princes du peuple, dirent-ils, auraient-ils reconnu qu'il est vraiment le
Christ ? » — S. Jean Chrysostome : (hom.
50). Cependant loin de partager ce sentiment qu'ils prêtent aux princes
du peuple, ils émettent leur opinion personnelle aussi fausse qu'insensée : «
Celui-ci, cependant, nous savons d'où il est, mais quand le Christ viendra,
personne ne saura d'où il est. » — S.
Augustin : (Traité 30). Cette opinion ne s'était point produite
sans fondement parmi les Juifs. Les Ecritures ont prédit que le Christ serait
appelé Nazaréen; (Mt 2) elles ont donc annoncé le lieu d'où il
viendrait. Les Juifs, interrogés par Hérode, lui ont répondu qu'il devait
naître à Bethléem, ville de Juda, et ont cité à l'appui un témoignage
prophétique. D'où pouvait donc venir cette opinion parmi les Juifs, que
lorsque le Christ viendrait, personne ne saurait d'où il viendrait ? C'est
que les Ecritures avaient exprimé ces deux vérités, elles avaient prédit d'où
il viendrait comme homme, mais en tant que Dieu, son avènement restait caché
aux impies, et ne se dévoilait qu'aux âmes pieuses. Ce qui avait donné lieu à
cette opinion parmi les Juifs, c'était cette prophétie d'Isaïe : « Qui
racontera sa génération ? » (Is 8) Notre Seigneur répond
en affirmant les deux choses, et qu'ils savaient d'où il était, et qu'ils ne
le savaient pas : « Jésus enseignait donc à haute voix dans le temple, disant
: Et vous savez qui je suis, et vous savez d'où je suis; » c'est-à-dire, vous
savez d'où je suis, et vous ne le savez pas. Vous savez d'où je suis, Jésus
de Nazareth dont vous connaissez les parents, car la seule chose qu'ils
ignoraient ici, c'est l'enfantement virginal de sa mère, et sauf cette
circonstance, ils connaissaient en Jésus tout ce qui avait rapport à son
humanité. C'est donc avec raison qu'il leur dit : « Et vous savez qui je
suis, et vous savez d'où je suis, » selon la chair, et cette forme humaine
dont je suis revêtu, mais comme Dieu : « Je ne suis pas venu de moi-même,
mais celui qui m'a envoyé est véritable. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 50). C'est ainsi qu'il révèle
les secrètes pensées de leur cœur : Je ne suis pas, semble-t-il leur dire, du
nombre de ceux qui sont venus sans mission comme sans raison, celui qui m'a
envoyé est véridique, et s'il est véridique, il m'a envoyé dans la vérité, et
par conséquent celui qu'il a envoyé doit être également digne de foi. Il les
convainc ensuite par leurs propres paroles. Ils disaient : « Lorsque le
Christ sera venu, personne ne saura d'où il vient, » et il leur prouve qu'il
est véritablement le Christ, parce qu'il vient du Père qu'ils ne
connaissaient pas, comme il le leur reproche : « Et vous ne le connaissez
pas. » S. Hilaire : (de la Trin., 6) Est-ce que tout homme, bien qu'il ait reçu de
Dieu une naissance qu'on peut appeler charnelle, ne vient pas de Dieu, selon
l'opinion commune ? Comment donc le Sauveur peut-il nier que les Juifs
sachent ce qu'il est, ou bien d'où il vient, s'il n'a ici dans l'esprit
l'auteur même de sa nature ? Il fait voir la nature d'où il provient, en
affirmant qu'ils ignorent d'où il vient. On ne peut ignorer, en effet, d'où vient
ce qui est tiré du néant, car par là même qu'où sait que cette chose a été
tirée du néant, on n'ignore pas le principe de son existence. Mais pour le
Sauveur, ils ignorent ce qu'il est, parce qu'ils ignorent d'où il vient. Ce
n'est point reconnaître le Fils, que de nier sa naissance éternelle, et on ne
reconnaît point sa naissance quand on croit qu'il a été tiré du néant. S. Jean Chrysostome : (hom. 50) Ou bien encore, Notre Seigneur veut
parler ici de l'ignorance qui se traduit par les œuvres, et dont saint Paul a
dit : « Ils font profession de connaître Dieu, mais ils le renoncent par
leurs œuvres. (Tt 1, 16). Remarquez que le Sauveur les confond
de deux manières : premièrement, il révèle an grand jour ce qu'ils n'osaient
dire qu'en secret, et en second lieu il les enseigne et les confond à haute
voix pour les couvrir de honte. S. Augustin : (Traité 31) Enfin, il leur indique le moyen qu'ils
doivent prendre pour savoir ce qu'il est et d'où il vient : « Moi je le
connais, dit-il (celui qui m'a envoyé), c'est donc à moi qu'il faut vous
adresser pour le connaître vous-mêmes; » car personne ne connaît le Père, si
ce n'est le Fils, et celui à qui le Fils aura voulu le révéler. (Mt 11)
Et si je dis que je ne le connais point, je serai semblable à vous, c'est-à-dire
un menteur. — S. Jean Chrysostome : (hom.
50). Or, cela est impossible, celui qui m'a envoyé est véridique, il est
donc nécessaire que son envoyé soit également véridique et digne de foi;
partout il s'attribue exclusivement la connaissance du Père, parce qu'il
vient du Père. C'est pour cela qu'il ajoute : « Moi je le connais, parce
que je suis de lui. » — S. Hilaire : (de
la Trin., 6) Je me demande si ce qui vient du Père, dans le sens du
Sauveur, a le caractère de création ou de génération. Si c'est une création,
toutes les choses créées viennent de Dieu, et comment se fait-il que toutes
ces choses ne connaissent point le Père, alors que le Fils affirme qu'il le
connaît, par cela seul qu'il vient de lui ? Si, au contraire, la connaissance
du Père est le privilège spécial et réservé de ce qui vient de lui, comment
ce qui vient de lui pourrait-il n'être pas le vrai Fils de Dieu ayant avec
lui une même nature ? Le privilège de la connaissance vient donc ici du
privilège de la génération, mais de peur que l'hérésie n'interprète ces
paroles : « Parce que je suis de lui, » de son avènement temporel, il
ajoute : « Et il m'a envoyé. » Il conserve ainsi l'ordre des mystères que
nous révèle l'Evangile, il proclame à la fois sa naissance et sa mission. — S. Augustin : (Traité 31). Je
suis de lui, parce que je suis le Fils qui vient du Père, mais en tant que
vous me voyez revêtu d'un corps mortel, c'est lui qui m'a envoyé, paroles où
il faut voir non la diversité de nature, mais l'autorité de celui qui a
engendré. S. Jean Chrysostome : (hom. 50). Les Juifs furent irrités de ce que le Sauveur
leur reprochait de ne point connaître le Père, alors qu'ils faisaient
semblant d'avoir cette connaissance : « Ils cherchaient donc à le
prendre, » etc. Voyez comme leur fureur se trouve invisiblement enchaînée.
Cependant l'Evangéliste, pour parler un langage plus rapproché de nos idées
et plus conforme à l'humilité du Sauveur, et confirmer la foi à son
incarnation, ne dit pas qu'il les retint par une puissance invisible, mais a
parce que, dit-il, son heure n'était pas encore venue. » — S. Augustin : (Traité 30).
C'est-à-dire, parce qu'il ne le voulait pas, car le Seigneur n'a pas été
soumis au destin à sa naissance; vous-même n'y avez pas été soumis, combien
moins celui par lequel vous avez été fait ? Si votre heure n'est autre que sa
volonté, que sera son heure si ce n'est cette même volonté ? L'heure dont il
est ici question n'est donc pas celle où il serait forcé de mourir, mais où
il daignerait se soumettre à la mort. Versets 31-36.
S. Augustin : (Traité 31 sur S. Jean). Notre Seigneur sauvait de
préférence les pauvres et les humbles : « Beaucoup d'entre le peuple crurent
en lui, » etc. Le peuple, en effet, reconnut- aussitôt ses infirmités, et
embrassa sans retard les moyens de guérison qui lui étaient offerts. — S. Jean Chrysostome : (hom. 50).
Cependant sa foi n'était pas encore pure, et son langage était bien le
langage vulgaire de la multitude : « Et ils disaient : Quand le Christ
viendra, fera-t-il plus de miracles que celui-ci ? » Ce langage, en effet : «
Lorsque le Christ viendra, » n'indiquait pas qu'ils croyaient bien fermement
que Jésus fut le Christ; ou bien si l'on veut, c'était dans leur esprit une
espèce de preuve qu'il le fût, comme s'ils disaient : Lorsque le Christ
viendra, sera-t-il supérieur à celui-ci, et fera-t-il un plus grand nombre de
miracles ? Le peuple, en effet, se laissé bien plus facilement gagner par
l'éclat des miracles que par l'excellence de la doctrine. — S. Augustin : (Traité 3l). Ou
bien ils veulent dire : S’il ne peut y avoir deux christs, celui-ci doit
nécessairement l'être. Mais les princes du peuple, loin de partager ce
sentiment, se livraient aux transports d'une fureur insensée. Non-seulement
ils refusaient de reconnaître le médecin, mais ils voulaient le mettre à mort
: « Les pharisiens entendirent que le peuple murmurait ainsi à son sujet, et
ils envoyèrent des gardes pour le prendre. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 50). Bien des fois
précédemment, il leur avait annoncé sa doctrine, et jamais ils ne s'étaient
portés à cette extrémité. Ce qui les blessait au vif, c'est que le peuple
glorifiait Jésus comme le Christ; la violation du sabbat n'était que le
prétexte qu'ils mettaient en avant. Ils n'osent cependant eux-mêmes s'emparer
de sa personne, dans la crainte du danger qu'ils pourraient courir, et ils
délèguent ce soin à leurs gardes, comme étant habitués à braver les dangers. S. Augustin : (Traité 31) Comme ils ne pouvaient se saisir du
Sauveur contre sa volonté, leur mission n'eut d'autre effet que de les rendre
témoins de ses enseignements : « Jésus donc leur dit : Je suis encore avec
vous un peu de temps. » — S. Jean
Chrysostome : (hom. 50). Ces paroles respirent une profonde
humilité, ne semble-t-il pas leur dire : Pourquoi vous empresser de me mettre
à mort ? attendez un peu de temps. — S.
Augustin : (Traité 31). Ce que vous voulez faire actuellement vous
le ferez, mais pas aujourd'hui, parce que je ne le veux pas, il me faut
auparavant remplir l'objet de ma mission, et parvenir ainsi au temps de ma
passion. — S. Jean Chrysostome : (hom.
50). Il calmait ainsi la fureur des plus audacieux, et excitait vivement
l'attention de la partie du peuple plus zélée pour l'entendre, eu lui
annonçant qu'il lui restait peu de temps pour profiter de ses enseignements.
Remarquez qu'il ne dit pas : Je suis, mais : « Je suis avec vous, »
c'est-à-dire, bien que vous me persécutiez, je ne cesserai de m'occuper de
vos intérêts et de vous prodiguer les enseignements qui peuvent vous conduire
au salut. Ces paroles qu'il ajoute : « Je m'en vais à celui qui m'a envoyé, »
suffisaient pour les remplir d'effroi. — Théophylactus
: Il s'en allait à son Père, comme pour les accuser; car en couvrant
d'outrages l'envoyé, nul doute qu'ils n'aient également outragé celui qui l'a
envoyé. — S. Bède : « Je m'en vais
à celui qui m'a envoyé, » c'est-à-dire, je remonte vers mon Père qui m'a
commandé de m'incarner pour votre salut; il dit qu'il s'en va vers celui dont
il ne s'est jamais séparé. S. Jean Chrysostome : (hom. 50). Il leur fait connaître ensuite le besoin qu'ils
auraient de lui, en ajoutant : « Vous me chercherez et vous ne me trouverez
point. » Mais où donc les Juifs l'ont-ils cherché ? Saint Luc (Lc 23)
nous rapporte que les femmes le suivaient eu pleurant et en se lamentant. Il
est vraisemblable qu'un grand nombre d'autres furent tourmentés du même
désir, et qu'au moment surtout du siège et de la prise de Jérusalem, ils se
souvinrent de Jésus-Christ, de ses miracles, et qu'ils recherchèrent sa
présence. — S. Augustin : (Traité
31). Ou bien encore, le Sauveur prédit ici sa résurrection, parce que les
Juifs devaient le chercher alors dans les sentiments de la plus vive
componction. Ils refusèrent de le reconnaître, alors qu'il était au milieu
d'eux, et ils le cherchèrent lorsqu'ils virent que la multitude croyait en
lui, et un grand nombre, pénétrés de repentir, s'écrièrent : « Que
ferons-nous ? » Ils virent le Christ expirer, victime de leur haine impie et
criminelle, et ils crurent au Christ qui leur accordait le pardon de leurs
crimes; ils ne désespérèrent de leur salut que jusqu'au moment où ils
consentirent à boire le sang qu'ils avaient répandu. S. Jean Chrysostome : (hom. 50). Le Sauveur ne veut pas laisser croire qu'il
sortira de ce monde par la mort, suivant les règles ordinaires, et il ajoute
: « Et où je suis, vous ne pouvez venir. » S'il demeurait au sein de la
mort, ils pourraient aller le rejoindre, car c'est vers ce terme que nous
nous dirigeons tous. — S. Augustin : (Traité
31). Il ne dit pas : Où je serai, mais : « Où je suis, » car le Christ
n'a jamais quitté le lieu où il retournait, et il y est retourné sans nous
abandonner; Jésus eu tant que revêtu d'une chair visible était sur la terre;
mais par son invisible majesté, il était à la fois dans le ciel et sur la
terre. Il ne dit pas non plus : Vous ne pourrez pas, mais : « Vous ne
pouvez pas venir, » car l'état où ils se trouvaient ne leur permettait pas de
le suivre alors; mais pour vous bien convaincre qu'il m voulait point par ces
paroles, les jeter dans le désespoir, nous lui voyons tenir à peu près le
même langage à ses disciples : « Vous ne pouvez venir là où je vais, » et il
en explique le sens à Pierre, lorsqu'il lui dit : « Vous ne pouvez maintenant
me suivre où je vais, mais vous me suivrez un jour. » (Jn 13, 36). S. Jean Chrysostome : (hom. 50). En s'exprimant de la sorte, Jésus veut les
attirer à lui, le peu de temps qu'il devait passer avec eux, le désir qu'ils
devaient éprouver de le revoir après qu'il les aurait quittés,
l'impossibilité pour eux de le retrouver, étaient des raisons bien
suffisantes pour leur persuader de venir à lui. En leur disant d'ailleurs : «
Je vais à celui qui m'a envoyé, » il fait voir qu'il n'a rien à redouter de
leurs embûches, et que sa passion est tout à fait volontaire. Cependant les
Juifs furent impressionnés de ces paroles, et ils se demandent entre eux où
il devait aller, question qui ne peut guère s'expliquer, s'ils désiraient
être délivrés de lui : « Les Juifs dirent donc entre eux, où doit-il aller,
que nous ne le trouverons pas ? » Doit-il aller chez les nations dispersées, et enseigner les Gentils ? C'est ainsi que les Juifs
appelaient les nations par un sentiment de mépris pour elles, et dans la
haute idée qu'ils avaient d'eux-mêmes, parce que les nations étaient
dispersées par tout l'univers et peu unies entre elles. Mais cette
dénomination injurieuse pesa plus tard sur les Juifs eux-mêmes, qui furent
dispersés par toute la terre. Autrefois, toute la nation ne formait qu'un
seul corps, mais au temps de Jésus-Christ, les Juifs étaient disséminés parmi
toutes les nations, le Sauveur n'aurait donc pas dit : « Vous ne pouvez venir
là où je vais, » si par ces mots, il eut voulu entendre les Gentils. — S. Augustin : (Traité 31). Ces
paroles : « Où je vais, » signifiaient le sein du Père. C'est ce qu'ils
ne comprirent en aucune façon, et cependant, à l'occasion de ces paroles, ils
prédiront notre salut en annonçant que le Sauveur irait vers les Gentils, non
par sa présence corporelle, mais cependant par ses pieds, car ce sont ses
propres membres qu'il a envoyés pour nous mettre nous-mêmes au rang de ses
membres. S. Jean Chrysostome : (hom. 50). Leur intention n'est pas de dire qu'il doit
aller vers les nations pour leur causer du mal, mais pour les enseigner. Déjà
en effet, leur colère s'était calmée, et ils avaient ajouté foi à ses
paroles, car s'ils n'y avaient point cru, ils ne se seraient pas fait cette
question : « Qu'est-ce que cette parole qu'il a dite : « Vous me chercherez,
et vous ne me trouverez point, et là où je vais, vous ne pouvez venir ? » Versets 37-39.
S. Jean Chrysostome : (hom. 51 sur S. Jean). Au moment où la fête
étant terminée ils allaient retourner chez eux, Notre Seigneur leur donne
pour le voyage la nourriture du salut : « Le dernier jour de la fête, qui en
est le plus solennel, » etc. — S.
Augustin : (Traité 32) C'est en ce jour qu'avait lieu la fête de
la Scénopégie, c'est-à-dire de la construction des tentes. — S. Jean Chrysostome : (hom. 51).
Cette fête, comme nous l'avons vu, durait sept jours, le premier jour et le
dernier étaient les plus solennels, comme l'Evangéliste nous l'apprend,
lorsqu'il dit : « Le dernier jour de la fête, qui en est le plus
solennel; » les jours intermédiaires étaient surtout consacrés aux
délassements. Le Sauveur s'est donc abstenu de leur parler le premier jour et
les jours suivants, parce que ses enseignements eussent été perdus pour des
cens livrés aux divertissements et aux plaisirs, il élève la voix à cause du
grand concours de peuple qui se pressait autour de lui. — Théophylactus : Il élève la voix pour
se faire entendre, leur inspirer de la confiance, et montrer qu'il ne craint
personne. S. Jean Chrysostome : (hom. 51). Notre Seigneur crie à haute voix : « Si
quelqu'un a soif, » c'est-à-dire, je n'attire personne par nécessité ou par
violence, je n'appelle que celui qui éprouve un vif désir de se rendre à mon
appel. — S. Augustin : (Traité 32).
Il y a une soif intérieure, parce qu'il y a un homme intérieur. Il est
certain d'ailleurs que l'homme intérieur est l'objet d'un plus grand amour
que l'homme extérieur. Si donc nous éprouvons cette soif, approchons, non
avec les pieds du corps, mais avec les affections de l'âme, non pas en
marchant, mais en aimant. — S. Jean
Chrysostome : (hom. 51) Il leur fait comprendre qu'il s'agit ici
d'une boisson intellectuelle par les paroles qui suivent : « Celui qui croit
en moi, des fleuves d'eau vive, comme dit l'Ecriture, couleront de son sein.
» Mais où donc l'Ecriture parle-t-elle de la sorte ? nulle part. Comment donc
expliquer cette citation du Sauveur ? Il faut séparer de cette manière les
deux membres de la proposition : « Celui qui croit en moi, » comme dit
l'Ecriture, et ajouter comme venant du Sauveur : « Des fleuves d'eau vive
couleront de son sein. » Notre Seigneur leur apprend qu'il faut avoir des
idées plus droites, et croire en lui bien plus sur le témoignage des
Ecritures que sur celui des miracles. C'est pourquoi il les avait renvoyés
précédemment aux Ecritures, on leur disant : « Approfondissez les
Ecritures. » — S. JER. (Prol. de la Genèse). On peut dire encore que
ce témoignage est emprunté au livre des Proverbes, où nous lisons : « Que tes
eaux jaillissent au dehors, et que tes eaux coulent sur les places publiques.
» (Pr 5, 16). — S. Augustin : (Traité
32). Le sein de l'homme intérieur, c'est la conscience de son cœur.
Lorsque la conscience a bu cette divine liqueur, elle est purifiée et reprend
une nouvelle vie, et en puisant de nouveau de cette eau, elle devient
elle-même une source d'eau vive. Or, quelle est cette source, ou bien quel
est ce fleuve qui coule du sein de l'homme intérieur ? C'est la bonté qui le
porte à se consacrer aux intérêts du prochain. Celui qui boit de cette eau
est celui qui croit au Seigneur, mais s'il pense que cette eau qui lui est donnée,
n'est que pour lui seul, l'eau vive ne coulera point de son sein; si, au
contraire, il prodigue à son prochain les soins empressés de la charité,
cette source intérieure ne tarit point, parce qu'elle coule au dehors. — S. Grégoire : (sur Ezéch). Lorsque
les paroles sacrées de la prédication évangélique coulent de l'âme des
fidèles, ce sont comme autant de fleuves d'eau vive qui sortent de leur âme.
Les entrailles, qu'est-ce autre chose que ce qu'il y a de plus intime dans
l'âme, c'est-à-dire l'intention droite, les saints désirs, l'humilité envers
Dieu et la volonté d'être utile au prochain ?— S. Jean Chrysostome : (hom. 51) Il dit « des fleuves » et
non un fleuve, pour exprimer sous cette image l'abondance et la fécondité de
la grâce; ce sont « des fleuves d'eau vive, » et qui ne cesse d'agir. En
effet, lorsque la grâce de l'Esprit entre dans une âme et s'y affermit, elle
coule plus abondamment que toutes les sources, elle ne tarit point, ni ne se
dessèche ni ne s'arrête, comme on peut s'en convaincre en considérant la
sagesse d'Etienne, la parole éloquente de Pierre, la fécondité abondante des
discours de Paul; rien ne les arrêtait; mais semblables à des fleuves au
cours rapide, ils entraînaient tout avec eux. S. Augustin : (Traité 32). L'Evangéliste explique ensuite quel était ce
breuvage que le Seigneur les invitait à venir boire : « Il disait cela de
l'Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui. » Quel est cet
esprit, si ce n'est l'Esprit saint ? car tout homme a en lui-même son propre
esprit. — Alcuin : Le Sauveur
avait promis avant son ascension l'Esprit saint à ses Apôtres, et il le leur
envoya après l'ascension sous la forme de langues de feu, c'est pour cela que
l'Evangéliste dit : « L'Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en
lui. » — S. Augustin : (Traité 32).
Cet esprit était donc l'Esprit de Dieu, mais il n'était pas encore dans ceux
qui croyaient en Jésus-Christ, car le Seigneur avait résolu de ne leur donner
l'Esprit saint qu'après sa résurrection : « L'Esprit n'avait pas encore été
donné, » parce que Jésus-Christ n'était pas encore glorifié. — S. Jean Chrysostome : (hom. 51).
Les Apôtres chassaient d'abord les démons, non par la vertu de
l'Esprit-Saint, mais par la puissance qu'ils avaient reçue de Jésus-Christ.
En effet, lorsqu'il leur donnait leur mission, on ne lit pas qu'il leur donna
l'Esprit saint, mais le pouvoir de chasser les démons. Quant aux prophètes,
tous reconnaissent que l'Esprit saint leur était donne, mais cette grâce
avait cessé de se répandre sur la terre. — S. Augustin : (de la Trin., 4, 20). Mais comment est-il
dit de Jean-Baptiste : « Il sera rempli du Saint-Esprit dès le sein de sa
mère ? » Comment Zacharie est-il inspiré par ce divin Esprit pour prédire la
mission future du Précurseur ? Comment Marie elle-même est remplie de
l'Esprit saint pour annoncer les destinées de son divin Fils, aussi bien que
Siméon et Anne pour proclamer la grandeur de Jésus-Christ dès son berceau. La
seule explication qu'on puisse donner des paroles de l'Evangéliste, c'est que
l'Esprit saint devait être donné après la glorification de Jésus-Christ,
comme il ne l'avait jamais été auparavant, c'est-à-dire que l'effusion de ce
divin Esprit devait avoir un caractère d'efficacité qu'elle n'avait jamais
été précédemment. En effet, nous ne lisons nulle part que sous l'action de
l'Esprit saint qui descendait en eux, les hommes aient parlé des langues
qu'ils ne connaissaient pas, comme il arriva lors de la descente de l'Esprit
saint, dont l'avènement devait être démontré par des prodiges extérieurs et
sensibles. S. Augustin : (Traité 32). Mais comment se fait-il que l'Esprit saint qui
est encore actuellement reçu par les fidèles, ne donne à personne de parler
les langues de tous les peuples ? C'est que l'Eglise parle elle-même la langue
de toutes les nations; et on ne peut recevoir l'Esprit saint qu'autant qu'on
est dans l'Eglise. Si vous aimez l'unité, tout ce que possède chacun de vos
frères est à vous. Bannissez l'envie de votre cœur, et ce que j'ai vous
appartient. L'envie sépare, la charité unit; ayez la charité, et vous
posséderez tout avec elle, et au contraire, tout ce que vous pourrez avoir
sans elle, ne vous servira de rien. Or, la charité de Dieu a été répandue
dans nos cœurs par l'Esprit saint qui nous a été donné. (Rm 5) Mais
pourquoi le Sauveur n'a-t-il voulu donner le Saint-Esprit qu'après sa
résurrection ? C'est pour nous apprendre qu'après cette résurrection
spirituelle, notre charité doit être ardente, nous séparer entièrement de
l'amour du siècle, et se diriger toute entière vers Dieu, car celui qui nous
a dit : « Celui qui croit en moi, qu'il vienne et qu'il boive, et des fleuves
d'eau vive couleront de son sein, » nous a promis la vie éternelle où nous
serons délivrés de tout danger, et affranchis de la crainte de la mort. C'est
donc à raison de ces magnifiques promesses qu'il a faites à ceux que l'Esprit
saint embraserait des feux de la charité, que le Sauveur n'a point voulu
donner ce divin Esprit avant d'être glorifié, pour nous donner dans son corps
ressuscité, un modèle de la vie que nous n'avons pas encore maintenant, mais
dont nous espérons jouir après notre résurrection. S. Augustin : (cont. Faust., 32, 17). Si donc la raison pour laquelle le
Saint-Esprit n'était pas donné, c'est que Jésus n'était pas encore glorifié,
il devait l'envoyer aussitôt qu'il serait glorifié. Les Cataphrygiens ont
prétendu que c'est sur eux que le Saint-Esprit est descendu en vertu de cette
promesse, et sont tombés par là dans l'hérésie. Les Manichéens affirment
aussi que la promesse du Sauveur d'envoyer l'Esprit saint s'est accomplie
dans Manès et dans leur secte, comme si ce divin Esprit n'avait pas été donné
auparavant. — S. Jean Chrysostome : (hom.
51). Ou bien encore, cette gloire dont parle ici Jésus, c'est sa croix.
Nous étions les ennemis de Dieu, et comme ce sont nos amis et non pas nos
ennemis que nous comblons de nos dons, il était nécessaire que le Sauveur
offrit à Dieu la victime d'expiation, qu'il détruisît les inimitiés dans sa
chair, et que devenus ainsi les amis de Dieu, nous fussions capables de
recevoir ses dons. Versets 40-53.
S. Augustin : (Traité 33 sur S. Jean). Lorsque le Seigneur eut
invité ceux qui croyaient en lui, à venir s'abreuver aux sources de l'Esprit
saint, le peuple fut divisé à son sujet : « Dès ce moment, parmi cette
multitude qui avait entendu ses paroles, quelques-uns disaient : Celui-ci est
vraiment le prophète. » — Théophylactus
: C'est-à-dire, le prophète que l'on attendait. Les autres, au contraire,
c'est-à-dire le peuple, disaient : C'est le Christ. — Alcuin : Ils avaient déjà commencé à puiser à cette source
spirituelle, ils n'étaient plus tourmentés par la soif de l'infidélité,
tandis que les autres demeuraient dans la sécheresse de leur incrédulité : «
Mais, disaient les autres, est-ce que le Christ viendra de la Galilée ?
L'Ecriture ne dit-elle pas que c'est de la race de David et de la petite
ville de Bethléem, où naquit David, que le Christ doit venir ? » Ils
connaissaient donc les prophéties qui avaient le Christ pour objet, mais ils
ne savaient pas qu'elles avaient leur accomplissement en Jésus, ils savaient
qu'il avait été élevé à Nazareth, mais ils ne songeaient pas à s'informer du
lieu de sa naissance, et ils ne croyaient pas que la prophétie qu'ils avaient
sous les yeux était accomplie en lui. — S.
Jean Chrysostome : (hom. 51) Admettons toutefois qu'ils
ignoraient le lieu de sa naissance, pouvaient-ils ignorer également la race
d'où il sortait, sa naissance de la maison et de la famille de David ?
Pourquoi donc cette réflexion : « Est-ce que le Christ ne doit pas sortir de
la race de David ? » Mais c'est justement cette circonstance qu'ils voulaient
cacher, en alléguant son éducation à Nazareth, et toutes leurs paroles sont
inspirées par une profonde malice. Aussi voyez, ils ne viennent pas trouver
Jésus pour lui faire cette observation : Les Ecritures disent que le Christ
doit sortir de Bethléem, comment se fait-il que vous venez de la Galilée ?
Non encore une fois, et la malignité seule conduit leur langue et dicte leurs
paroles. Comme ils ne prêtaient aucune attention aux enseignements du Sauveur
et qu'ils n'avaient aucun désir de s'instruire, Jésus-Christ ne leur fit
aucune réponse, tandis qu'il avait donné les plus grands éloges à Nathanaël,
qui lui disait : « Est-ce qu'il peut venir quelque chose de bon de
Nazareth ? » (Jn 1) Parce qu'il était un vrai Israélite, qu'il
cherchait la vérité et qu'il était instruit à fond dans la science des
Ecritures de 1'ancionne loi. « Le peuple était donc partagé à son sujet. » — Théophylactus : Ce n'étaient pas les princes du peuple, ils
étaient trop bien d'accord pour ne pas le reconnaître comme le Christ. Ceux
dont la malice était moins profonde, se contentaient d'attaquer par leurs
paroles la gloire du Sauveur, mais ceux dont la méchanceté était extrême,
désiraient vivement se saisir de sa personne, et c'est de ces derniers dont
l'Evangéliste ajoute : « Quelques-uns d'entre eux voulaient le prendre. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 51).
L'Evangéliste fait cette remarque, pour montrer qu'ils ne manifestaient dans
leur langage ni le désir de chercher la vérité, ni le désir de la dire :
« Mais personne ne mit la main sur lui. » — Alcuin : C'est-à-dire qu'ils eu furent empêchés par celui qui
avait la puissance de réprimer leurs efforts. — S. Jean Chrysostome : (hom. 51). Cette seule circonstance
aurait dû suffire pour leur inspirer un profond repentir, ils n'en firent
rien. Tel est le caractère propre de la méchanceté, elle ne veut céder à
personne, et n'a qu'une chose en vue, c'est de mettre à mort celui à qui elle
tend des embûches. S. Augustin : (Traité 33). Ceux qui avaient été envoyés pour se saisir de
Jésus, revinrent sans s'être souillés de ce crime et remplis d'admiration : «
Lors donc que les gardes revinrent vers les pontifes et les pharisiens, ceux-ci
leur dirent : Pourquoi ne l'avez-vous pas amené ? » — Alcuin : Ils n'ont pu eux-mêmes se saisir de sa personne
lorsqu'ils ont voulu le lapider, et ils reprochent à leurs émissaires de ne
l'avoir point amené. — S. Jean
Chrysostome : (hom. 52). Les pharisiens et les scribes, témoins
des miracles de Jésus, et versés dans la science des Ecritures, n'en tirent
aucun profit; leurs gardes, qui n'ont en aucun de ces avantages, sont gagnés
par un seul des discours du Sauveur; ils étaient envoyés pour le charger de
chaînes, et ils reviennent enchaînés par l'admiration dont ils sont remplis.
Et ils ne disent pas : Nous n'avons pu nous saisir de sa personne à cause de
la foule, mais ils proclament hautement la sagesse de Jésus-Christ : « Jamais
homme n'a parlé comme cet homme. » — S.
Augustin : (Traité 33). Or, il parlait de la sorte, parce qu'il
était Dieu et homme tout ensemble. — S.
Jean Chrysostome : (hom. 52). Nous ne devons pas seulement admirer
la prudence de ces hommes qui, sans avoir besoin de miracles, se laissent
gagner par l'attrait de la doctrine du Sauveur (en effet, ils ne disent pas :
Jamais homme n'a fait de tels miracles, ils disent : « Jamais homme n'a parlé
comme cet homme, ») mais encore leur courage, la liberté avec laquelle ils
s'expliquent de la sorte devant les pharisiens qui étaient les ennemis de
Jésus-Christ. Le Sauveur cependant ne leur avait point parlé longuement, mais
lorsque l'âme n'est pas viciée, elle n'a pas besoin de longs discours. S. Augustin : (Traité 33). Mais les pharisiens ne se rendirent point à
leur témoignage : « Les pharisiens leur répliquèrent : Avez-vous été séduits,
vous aussi ? » C'est-à-dire, nous voyons que vous avez trouvé un véritable
charme dans ses discours. — Alcuin : Et
en effet, ils avaient été heureusement séduits, parce qu'ils avaient renoncé
au malheur de l'incrédulité pour embrasser la foi. — S. Jean Chrysostome : (hom. 52). Voyez quel raisonnement
insensé et pitoyable leur font les pharisiens : « Est-il quelqu'un
d'entre les chefs du peuple ou d'entre les pharisiens qui aient cru en lui ?
Pour cette populace qui ne connaît point la loi, ce sont des gens maudits. »
Mais c'est justement le plus grand chef d'accusation contre eux, que la
foule ait cru en Jésus-Christ, tandis qu'ils ont eux-mêmes refusé de croire.
— S. Augustin : (Traité 33).
Ceux qui n'avaient point la connaissance de la loi, croyaient en celui
qui avait donné la loi, et les docteurs de la loi ne craignaient pas de
condamner l'auteur même de la loi, accomplissant ainsi ces paroles du
Seigneur : « Je suis venu en ce monde pour le jugement, afin que ceux qui ne
voient point voient, et que ceux qui voient deviennent aveugles. » (Jn 9,
39). — S. Jean Chrysostome : (hom.
52). Comment peut-on appeler maudits ceux qui se laissent persuader par
la loi (ou qui obéissent à la loi) ? Les maudits sont bien plutôt ceux qui,
comme vous, n'observent pas la loi. — Théophylactus
: Les pharisiens gardent quelque modération et quelque douceur dans leur
réponse à ceux qu'ils avaient envoyés, dans la crainte de les voir se séparer
complètement d'eux pour s'attacher à Jésus-Christ. S. Jean Chrysostome : (hom. 52). Ils venaient d'objecter qu'aucun des princes du
peuple n'avait cru en Jésus, raison dont l'Evangéliste fait voir la fausseté,
en ajoutant : « Nicodème, l'un d'entre eux, celui qui était venu de nuit
trouver Jésus, leur dit : » — S.
Augustin : (Traité 33). Il n'était pas incrédule mais timide dans
sa foi, c'est pour cela qu'il était venu de nuit trouver la lumière; il
voulait être éclairé, mais il craignait d'être connu. Il répondit donc aux
Juifs : « Notre loi condamne-t-elle un homme sans l'avoir entendu et sans
avoir instruit sa cause ? Il espérait que si les pharisiens consentaient
seulement à l'entendre patiemment, ils éprouveraient la même impression que
ceux qu'ils avaient envoyés pour se saisir de lui, et qui aimèrent mieux
croire en lui; mais ces hommes, profondément pervers, voulaient condamner
avant de connaître. — S. Augustin : (de
la Cité de Dieu, 22, 1). Nicodème appelle la loi de Dieu, « notre loi, »
parce que Dieu l'a donnée aux hommes. S. Jean Chrysostome : (hom. 52). Nicodème leur prouve donc à la fois qu'ils ne
connaissent point la loi et qu'ils ne l'observent point. Mais les pharisiens,
au lieu de montrer, comme ils auraient dû le faire, qu'ils avaient eu raison
d'envoyer se saisir de la personne de Jésus, se laissent aller aux propos
injurieux et outrageants : « Ils lui répondirent : Est-ce que vous êtes aussi
Galiléen ? »— S. Augustin : (Tr.
33). C'est-à-dire, séduit par le Galiléen, car le Sauveur était appelé
Galiléen, parce que ses parents habitaient Nazareth; je dis ses parents du
côté de Marie et non du côté d'un père qu'il n'eut point sur la terre. — S. Jean Chrysostome : (hom. 52).
Ils ajoutent ce reproche blessant pour Nicodème, d'ignorer les Ecritures : «
Examinez les Ecritures, lui disent-ils, et vous verrez que de la Galilée il
ne sort point de prophète; » absolument comme s'ils lui disaient : Allez et
instruisez-vous. — Alcuin : Leur
attention ne se portait que sur le lieu où il passait sa vie, et non sur le
lieu de sa naissance, c'est pourquoi ils refusaient de le reconnaître,
non-seulement pour le Messie, mais pour un simple prophète. » — S. Augustin : (Traité 33). La
Galilée ne voit point sortir de prophète de son sein, mais elle a vu s'élever
au milieu d'elle le Seigneur, des prophètes. « Et ils s'en retournèrent, chacun eu sa maison. — Alcuin : Ils retournèrent dans la
maison de leur incrédulité et de leur impiété, sans avoir rien fait, vides de
foi et sans aucun résultat utile pour le salut de leurs âmes. |
Caput 8 Lectio 1 [86057] Catena in Io., cap. 8 l. 1 Alcuinus.
Dominus maxime circa suam passionem, hanc sibi effecerat consuetudinem, ut
in die quidem in templo, quod erat Hierosolymis, verbum Dei praedicaret,
signa et miracula ostenderet; sero autem revertebatur in Bethaniam, ubi apud
sorores Lazari hospitabatur; et mane iterum ad simile opus revertebatur.
Igitur secundum hunc morem, cum in ultimo die Scenopegiae tota die in templo
praedicasset, vespere perrexit in montem oliveti; et hoc est quod dicitur
Iesus autem perrexit in montem oliveti. Augustinus in Ioannem. Ubi
enim decebat docere Christum nisi in monte oliveti, in monte unguenti, in
monte chrismatis? Christi enim nomen a chrismate dictum est. Chrisma autem
Graece, Latine unctio nominatur. Ideo autem nos unxit, quia luctatores contra
Diabolum fecit. Alcuinus. Unctio enim olei fessis et dolentibus
membris solet afferre levamen. Mons etiam olivarum sublimitatem dominicae
pietatis designat : quia oleos Graece, Latine misericordia. Natura quoque
olei mysterio aptissime congruit : superfertur enim omnibus liquoribus; et
sicut ait Psalmista : miserationes eius super omnia opera eius. Sequitur et
diluculo iterum venit in templum, ut scilicet misericordiam cum incipiente
novi testamenti lumine fidelibus, in templo videlicet suo, pandendam
praebendamque signaret. Quod enim diluculo redibat, exortum novae gratiae
designat. Beda. Significatur autem quod postquam per gratiam coepit
inhabitare in templo suo, idest in Ecclesia, ex omnibus gentibus crediderunt
in eum; unde sequitur et omnis populus veniebat ad eum : et sedens docebat
eos. Alcuinus. Sessio humilitatem incarnationis insinuat. Sedente ergo
domino, ad eum venit populus : quia postquam per susceptam humanitatem
visibilis apparuit, coeperunt eum multi audire, et in eum credere, quem per
humanitatem sibi proximum meminerant. Mansuetis autem et simplicibus sermonem
domini admirantibus, Scribae et Pharisaei interrogant, non ut discant, sed ut
veritati laqueos nectant; unde sequitur adducunt autem Scribae et Pharisaei
mulierem in adulterio deprehensam; et statuerunt eam in medio, et dixerunt ei
: magister, haec mulier deprehensa est modo in adulterio. Augustinus. Animadverterant
enim eum nimium esse mitem : de illo quippe fuerat ante praedictum : procede
et regna, propter veritatem et mansuetudinem et iustitiam. Ergo
attulit veritatem ut doctor, mansuetudinem ut liberator, iustitiam ut
cognitor. Cum loqueretur, veritas agnoscebatur; cum adversus inimicos non
moveretur, mansuetudo laudabatur; in tertio ergo, iustitia scilicet,
scandalum posuerunt : dixerunt enim apud seipsos : si eam dimitti censuerit,
iustitiam non tenebit : lex enim quod iniustum erat, iubere non poterat; et
ideo legem inducunt, dicentes in lege autem Moyses mandavit nobis huiusmodi
lapidare. Ut autem mansuetudinem non perdat, in qua iam
populis amabilis factus est, eam dimitti debere dicturus est. Unde eius
sententiam requirunt dicentes tu ergo quid dicis? Hinc nos inveniemus ad
accusandum occasionem, et reum faciemus tamquam legis praevaricatorem; unde
Evangelista subdit haec autem dicebant tentantes eum, ut possent accusare.
Sed dominus in respondendo et iustitiam servaturus est, et a mansuetudine non
recessurus; sequitur enim Iesus autem inclinans se deorsum, digito scribebat
in terra. Augustinus de Cons. Evang. Tamquam illos tales in terra
scribendos significaret, non in caelo, ubi monuit discipulos ut se scriptos
esse gauderent; aut quod se humiliando, quod capitis inclinatione monstrabat,
signa in terra faceret; aut quod iam tempus esset ut in terra quae fructum
daret, non in lapide sterili, sicut antea, lex eius conscriberetur.
Alcuinus. Per terram enim cor humanum ostenditur, quod bonarum vel malarum
actionum solet reddere fructus; per digitum autem, qui articulorum
compositione flexibilis est, sublimitas discretionis exprimitur. Nos ergo
instruit, ut cum qualibet mala proximorum conspicimus, non statim ea temere
damnemus; sed prius ad conscientiam cordis humiliter reversi, digito
discretionis ea sollicite disquiramus. Beda. Quantum
etiam ad historiam pertinet, per hoc quod digito scripsit in terra, illum se
fore monstravit qui quondam legem in lapide scripsit. Sequitur cum autem
perseverarent interrogantes eum, erexit se. Augustinus in Ioannem. Non
dixit : non lapidetur, ne contra legem dicere videretur. Absit autem ut
diceret : lapidetur; venit enim non perdere quod invenerat, sed quaerere quod
perierat. Quid ergo respondit? Qui sine peccato est vestrum, primus in illam
lapidem mittat. Haec vox iustitiae est. Puniatur peccatrix, sed non a
peccatoribus; impleatur lex, sed non a praevaricatoribus legis. Gregorius
Moralium. Qui enim prius semetipsum non iudicat, quid in alio rectum
iudicet ignorat. Et si novit etiam per auditum recte tamen aliena
merita iudicare non valet, cui conscientia innocentiae propriae nullam
iudicii regulam praebet. Augustinus. Cum ergo eos telo iustitiae
percussisset, nec dignatus est cadentes attendere; sed avertit ab eis
obtutum; unde sequitur et iterum se inclinans scribebat in terra. Alcuinus.
Potest etiam intelligi fecisse hoc dominus iuxta consuetudinem, ut quasi
aliquid agens, vultu intendens in aliud, liberam eis exeundi facultatem
daret. In hoc etiam figurate admonet, ut et priusquam peccantem fratrem
corripiamus, et post adhibitam correctionem, diligenter perpendamus utrum
ipsis peccatis, de quibus alium castigamus, aut aliis obnoxii simus.
Augustinus. Sic igitur illi voce iustitiae tamquam telo percussi sese
inspicientes, et reos invenientes, unus post unum omnes recesserunt; et hoc
est quod subditur audientes autem haec, unus post alium exibant, incipientes
a senioribus. Glossa. Qui forte magis rei erant, vel magis culpas suas
cognoscebant. Augustinus. Relicti sunt autem duo : miseria, et
misericordia; nam sequitur et remansit solus Iesus, et mulier in medio stans.
Credo, territa illa mulier, ab illo se puniendam sperabat in quo peccatum
inveniri non poterat. Ille autem, qui adversarios eius repulerat lingua
iustitiae, levans in illam oculos mansuetudinis, interrogavit eam; unde
sequitur erigens se autem Iesus, dixit ei : mulier, ubi sunt qui te
accusabant? Nemo te condemnavit? Quae dixit : nemo, domine. Audivimus supra
vocem iustitiae : audiamus nunc mansuetudinis; nam sequitur dixit ei Iesus :
nec ego te condemno, a quo te forte condemnari timuisti, quia in me peccatum
non invenisti. Quid est, domine? Faves ergo peccatis? Non plane; attende quod
sequitur : vade, et amplius noli peccare. Ergo et dominus damnavit, sed
peccatum, non hominem : nam si peccatorum auctor esset, diceret : vade, et
vive ut vis; de mea liberatione esto secura : ego te quantumcumque
peccaveris, etiam a Gehenna et Inferni tortoribus liberabo. Non hoc dixit.
Intendant ergo qui amant in domino mansuetudinem, et timeant veritatem :
etenim dulcis et rectus dominus. Lectio 2 [86058] Catena in Io., cap. 8 l. 2 Alcuinus.
Quia
mulierem absolvit a crimine, ne aliqui dubitarent an ille quem videbant verum
hominem, posset peccata dimittere, dignatur ipse apertius suae divinitatis
potentiam demonstrare; unde dicitur iterum ergo locutus est eis dicens : ego
sum lux mundi. Beda. Ubi advertendum est, quia non ait ego sum
lux Angelorum vel caeli, sed lux mundi, idest hominum in tenebris
commorantium : secundum illud : illuminare his qui in tenebris et in umbra
mortis sedent. Chrysostomus in Ioannem. Vel aliter. Quia superius
Galilaeam ei afferebant, et quasi de quodam prophetarum, de eo dubitabant,
voluit ostendere quoniam non unus prophetarum est, sed dominator orbis
terrarum; unde dicitur iterum locutus est eis Iesus, dicens : ego sum lux
mundi, non Galilaeae, neque Palaestinae, neque Iudaeae. Augustinus in
Ioannem. Manichaei solem istum oculis carnis visibilem Christum dominum
esse putaverunt; sed Ecclesia Catholica improbat tale commentum : non est
enim dominus Christus sol factus, sed per quem sol factus est : omnia enim
per ipsum facta sunt, et propter nos sub sole factum est lumen quod fecit
solem : carnis nube tegitur, non ut obscuretur, sed ut temperetur. Loquens
ergo per nubem carnis lumen indeficiens, lumen sapientiae ait hominibus ego
sum lux mundi. Theophylactus. Uteris autem adversus Nestorium hoc
praesenti sermone : non enim ait quoniam in me est lux mundi, sed ego sum lux
mundi; ipse namque qui homo videbatur, idem et filius Dei et lux mundi erat;
non, sicut nugabatur Nestorius, in simplici homine Dei filius habitabat.
Augustinus. Abstulit autem te ab oculis carnis, et revocavit ad oculos
cordis in hoc quod subdit qui sequitur me, non ambulat in tenebris, sed
habebit lumen vitae. Non enim sufficit dicere habebit lumen, sed addidit
vitae. Haec verba domini cum verbis Psalmi concordant : in lumine tuo
videbimus lumen, quoniam apud te est fons vitae. In istis usibus corporalibus
aliud est lumen, et aliud fons : fontem fauces quaerunt, lumen oculi. Apud
Deum, quod lumen est, hoc est fons. Qui tibi lucet ut videas, ipse tibi manat
ut bibas. Quod promisit, futuri temporis verbo posuit; in eo quod facere
debemus, praesens tempus posuit. Qui sequitur, inquit, habebit modo per
fidem, post habebit per speciem. Sequere istum solem visibilem si ipse tendis
ad occidentem, quo et ille tendit; et si nolueris tu illum deserere, ipse te
deseret in occasu. Deus tuus ubique est totus : si non ab illo facies casum,
numquam a te ille faciet occasum. Tenebrae satis metuendae sunt morum, non
oculorum : et si oculorum, non exteriorum, sed interiorum, unde discernitur
non album et nigrum, sed iustum et iniustum. Chrysostomus. Intellectualiter
enim dixit non ambulat in tenebris; idest, non manet in errore. Hinc et
Nicodemum laudat et ministros; et ipsos occulte insinuat dolos complicantes,
qui in tenebris et errore sunt, sed lucem non superabunt. Lectio 3 [86059] Catena in Io., cap. 8 l. 3 Chrysostomus
in Ioannem. Quia dominus dixerat : ego sum lux mundi, et qui sequitur me, non
ambulat in tenebris, Iudaei hoc evertere voluerunt; unde dicitur dixerunt
ergo ei Pharisaei : tu de te ipso testimonium perhibes, et testimonium tuum
non est verum. Alcuinus. Sic responderunt tamquam ipse dominus
solus sibi testimonium perhiberet, cum constet quod antequam in carne
appareret, multos testes praemisit, qui eius sacramenta praedixerunt.
Chrysostomus. Dominus autem evertit quod dixerant; unde sequitur respondit
Iesus, et dixit eis : et si ego testimonium perhibeo de meipso, verum est
testimonium meum. Hoc iuxta eorum suspicionem locutus est, hominem eum nudum
aestimantium; et causam subiungit : quia scio unde venio et quo vado; idest :
ex Deo sum, et Deus, et Dei filius. Non autem hoc dicit manifeste, quia
semper humilia miscet altis. Deus autem ipse sibi fide dignus est.
Augustinus in Ioannem. Verum est enim testimonium luminis, sive se
ostendat, sive alia. Locutus est propheta verum; sed unde haberet, nisi de
fonte veritatis hauriret? Ergo idoneus est Iesus qui sibi testimonium
perhibeat. Dicens autem quia scio unde venio et quo vado, patrem volebat
intelligi : patri enim gloriam dabat filius, a quo est missus. Quantum
ergo debet homo glorificare eum a quo est creatus? Non autem
veniendo inde discessit, aut redeundo nos dereliquit. Non potest hoc fieri ab
isto sole, qui quando pergit ad occidentem, deserit orientem. Sicut autem sol
iste et videntis faciem illustrat, et caeci; sed videt ille, ille non videt :
sic et sapientia Dei, verbum Dei, ubique praesens est etiam infidelibus; sed
quibus eam videant oculos non habent cordis. Ut ergo dominus inter fideles
suos, et inimicos suos Iudaeos, tamquam inter tenebras et lucem distingueret,
subiungit vos autem nescitis unde venio aut quo vado. Isti ergo Iudaei
videbant hominem, nec credebant Deum; et ideo dominus subdit vos secundum
carnem iudicatis, dum scilicet dicitis tu de teipso testimonium perhibes, et
testimonium tuum non est verum. Theophylactus. Ac si dicat : vos
quoniam in carne sum, carnem me solum esse putantes, non autem Deum, secundum
carnem fallibiliter iudicatis. Augustinus in Ioannem. Quia enim Deum
non intelligitis, et hominem videtis; ideo vobis arrogans videor, quia ego de
me testimonium perhibeo. Omnis enim homo quando de se perhibere vult
laudabile testimonium, superbus et arrogans videtur : homines enim infirmi
sumus, verum dicere et mentiri possumus; lux mentiri non potest.
Chrysostomus. Vel aliter. Sicut secundum carnem vivere, male vivere est,
ita secundum carnem iudicare, iudicare iniustum est. Et quia possent dicere :
si iniuste iudicamus, propter quid non convincis, propter quid non condemnas?
Subiungit ego non iudico quemquam. Augustinus. Quod duobus modis
intelligi potest : ut aut hoc intelligamus non iudico quemquam, idest modo,
sicut dicit alio loco : ego non veni ut iudicem mundum, sed ut salvum faciam
mundum, non iudicium suum negando, sed differendo; aut certe quia dixerat vos
secundum carnem iudicatis, ita coniunxit ego non iudico quemquam, ut
subaudias : secundum carnem Christum non iudicare, sicut ab hominibus
iudicatus est; nam ut agnoscas iam iudicem Christum, subditur et si iudico
ego, iudicium meum verum est. Chrysostomus. Quasi dicat : propter hoc
dixi non iudico, quasi non praesumens iudicare : quia si iudicarem iuste, vos
condemnarem; sed nunc tempus iudicii non est; sed de futuro iudicio insinuat,
cum subdit quia solus non sum, sed ego, et qui misit me pater : ostendens
quia non ipse solus eos condemnabit, sed et pater. Hoc autem ad suspicionem
illorum loquitur : non enim aestimabant dignum fide esse filium, nisi patris
testimonium assumpsisset. Augustinus. Si autem tecum est pater,
quomodo te misit? Ergo, domine, missio tua, incarnatio tua est. Hic ergo
Christus erat secundum carnem, et a patre non recesserat : quia pater et
filius ubique erant. Erubesce, Sabelliane : non enim dixit : ego sum pater,
et ego ipse sum filius; sed solus non sum, inquit, quia mecum est pater.
Distingue ergo personas, distingue intelligentiam; agnosce quia pater pater
est, et filius filius est; sed noli dicere : pater maior est, filius minor.
Una substantia est, una coaeternitas, perfecta aequalitas. Ergo verum est,
inquit, iudicium meum, quia filius Dei sum. Ut tamen intelligas quia mecum
est pater, non sic sum filius ut ipsum deseruerim : formam servi accepi; sed
formam Dei non amisi. De iudicio dixerat; de testimonio vult dicere; nam
sequitur et in lege vestra scriptum est, quia duorum hominum testimonium
verum est. Augustinus contra Faustum. An forte Manichaei calumniantur,
quia non ait : in lege Dei, sed in lege vestra scriptum est? Ubi usitatam
locutionem Scripturarum quis non cognoscat? Lege enim vestra dixit vobis
data, sicut apostolus dicit Evangelium suum, quod se tamen accepisse
testatur, non ab homine, sed per revelationem Iesu Christi. Augustinus in
Ioannem. Magnam autem habet quaestionem, et valde videtur in mysterio res
esse constituta, ubi Deus dixit : in ore duorum vel trium testium stat omne
verbum : fieri enim potest ut duo mentiantur. Susanna casta duobus falsis
testibus urgebatur; universus populus mentitus est contra Christum : quomodo
ergo accipiendum est in ore duorum vel trium stabit omne verbum, nisi quia
hoc modo per mysterium Trinitas commendata est, in qua est perpetua
stabilitas veritatis? Accipite ergo nostrum testimonium, ne sentiatis
iudicium : differo iudicium, non differo testimonium; unde sequitur ego sum
qui testimonium perhibeo de meipso, et testimonium perhibet de me qui misit
me, pater. Beda. In multis enim locis pater filio suo perhibet
testimonium, ut est illud : ego hodie genui te; item : hic est filius meus
dilectus. Chrysostomus. Vel aliter. Si quod dictum est, simpliciter
accipiatur, quaestionem habet; nam in hominibus quidem propter hoc
determinatum est quod in ore duorum vel trium testium stat omne verbum, quia
unus solus non est fide dignus; in Deo autem qualiter utique hoc habebit
rationem? Sed et aliter non staret quod dictum est; nam in hominibus cum duo
de aliena re testantur, tunc testimonium est verum; hoc enim est duo testari
: si vero unus eorum sibi ipsi testetur, non adhuc sunt duo testes. Ad nihil
ergo aliud hoc dixit quam ut ostendat se nihil minus patre habentem; alioquin
non dixisset ego, et qui misit me, pater. Considera etiam potestatem nihil
habentem diminutum a patre : homo enim cum a seipso dignus fuerit fide,
testimonio non indiget; sed hoc in aliena re : in propria vero cum testimonio
alieno indigeat, non adhuc dignus est fide. Hic vero totum contrarium :
etenim in propria re testans, et ab alio testimonium habens, dixit se fide
dignum esse. Alcuinus. Vel potest sic intelligi quod dicitur, quasi
dicat : si vestra lex approbat testimonium duorum hominum qui possent decipi
et plura testari; qua ratione meum et patris mei testimonium, quod summa
stabilitate firmum est, verum esse non dicitis? Lectio 4 [86060] Catena in Io., cap. 8 l. 4 Augustinus
in Ioannem. Illi qui audierant a domino : vos secundum carnem iudicatis,
manifestaverunt quod audierunt : patrem enim Christi carnaliter acceperunt;
unde dicitur dicebant ergo ei : ubi est pater tuus? Quasi dicant : audivimus
te dicere : solus non sum; sed ego, et qui misit me, pater : nos solum te
videmus : ostende ergo nobis tecum esse patrem tuum.
Theophylactus. Quidam vero notant hoc prolatum esse a Iudaeis quasi ad
contumeliam et contemptum. Improperabant enim ei tamquam ex fornicatione
genito et proprium genitorem ignoranti, vel tamquam vili existente eo qui
pater eius putabatur, scilicet Ioseph; quasi dicant : ignotus et ignobilis
est pater tuus : quid frequenter patrem nobis inducis? Quia ergo non ut scire
volentes, sed ut tentantes quaerebant, ad praemissam quaestionem non
respondet; unde sequitur respondet Iesus : neque me scitis, neque patrem meum.
Augustinus. Quasi dicat : quaeritis : ubi est pater tuus? Quasi me iam
sciatis, quasi totum hoc sit quod videtis : ergo quia me non nostis, ideo
patrem meum vobis non ostendo. Me quippe hominem putatis; ideo patrem meum
hominem quaeritis. Quia vero secundum quod videtis, aliud sum, et aliud
secundum quod non videtis; patrem autem meum loquor occultus occultum : prius
est ut me noveritis, et tunc patrem scietis; et hoc est quod subdit si me
sciretis, forsitan et patrem meum sciretis. Chrysostomus in Ioannem. Dicit
autem hoc, ut ostendat quod nihil eis prodest dicere quod sciant patrem,
filium nescientes. Origenes in Ioannem. Contrariari autem videtur ad
invicem quod hic dicitur : neque me scitis, neque patrem meum, et quod supra
dictum est : et me scitis, et unde sim scitis. Sed tamen quod dicitur : et me
scitis, ad quosdam dicit Hierosolymitarum dicentium numquid vere
intellexerunt principes quia hic est Christus? Hoc vero quod dicit : neque me
scitis, ad Pharisaeos dicitur. Hierosolymitis tamen in prioribus ait : verax
est qui me misit, quem vos nescitis. Quaeret itaque aliquis : quomodo verum
est quod dicitur si me sciretis, et patrem meum sciretis : cum Hierosolymitae,
quibus dicitur : et me scitis, patrem nesciverunt? Dicendum autem est ad hoc,
quod salvator quandoque quidem de seipso ut de homine loquitur, quandoque
autem secundum divinam naturam : hoc ergo quod dicit : et me scitis, de ipso
homine dicit; hoc vero neque me scitis, de divinitate. Augustinus in
Ioannem. Quid est enim si me sciretis, et patrem meum sciretis, nisi ego
et pater unum sumus? Quando vides aliquem alicui similem, quotidiana locutio
est : si hunc vidisti, illum vidisti. Propter similitudinem tale dedisti
responsum. Hinc et dominus si me, inquit, sciretis, et patrem meum sciretis :
non quia pater est filius, sed quia patri similis est filius.
Theophylactus. Erubescat Arianus : nam si iuxta eum creatura filius sit,
qualiter qui novit creaturam, et Deum novit? Neque enim qui substantiam novit
Angeli, novit et divinam. Cum itaque qui filium novit, et patrem novit;
igitur consubstantialis patri est filius. Augustinus. Hoc autem verbum
forsitan increpative dicitur, quod videtur esse verbum dubitationis : homines
enim de rebus quas certas habent, aliquando verbum dubitationis ponunt; velut
si indignaris servo tuo, et dicas : contemnis me? Considera, forsan dominus
tuus sum : sic et dominus dubitando increpat infideles, cum dicit et patrem
meum forsitan sciretis. Origenes. Oportet autem videre quoniam qui
alterius sectae sunt, opinantur ex hoc probari manifeste, Deum quem Iudaei
colebant, patrem non esse Christi. Si enim, inquiunt, hoc Pharisaeis Deum
provisorem mundi colentibus dicebat salvator, manifestum est, quod patrem
Iesu, alterum a conditore mundi existentem, nequaquam Pharisaei noverunt. Hoc
vero dicunt, non observantes consuetudinem locutionis in Scripturis. Si enim
aliquis vellet inducere ea quae de Deo sunt, a parentibus eruditus, non autem
bene vivat; hunc dicimus de Deo notitiam non habere : unde et filii Heli
propter eorum malitiam Deum ignorasse dicuntur. Sic igitur et Pharisaei
patrem ignoraverunt : non enim vivebant secundum conditoris edictum. Est
autem et aliud significatum cognoscendi Deum, altero existente cognoscere
dominum quam simpliciter credere. Dicitur enim in Psalmo : studete et videte,
quoniam ego sum Deus quis non confitetur hoc scribi populo in conditorem
credenti? Multum enim differt credendo cognoscere, et credere tantum. Sed
Pharisaeis, quibus ait neque me scitis, neque patrem meum, rationabiliter
diceret : neque creditis patri meo : qui enim negat filium, minime patrem
habet, scilicet neque secundum fidem, neque secundum cognitionem. Sed et
aliter dicit Scriptura, illos qui adiuncti sunt alicui, cognoscere illud.
Tunc enim Adam cognovit uxorem suam cum ei coniunctus est. Si ergo qui
adhaeret mulieri, mulierem cognoscit; et qui adhaeret domino, unus spiritus
est et Deum cognoscit. Si vero sic se habet, Pharisaei nec patrem noverunt
nec filium. Post hoc est quidem aliquem cognoscere Deum, non autem cognoscere
patrem. Infinitis ergo orationibus editis in lege non invenimus aliquem
orando dicentem Deum patrem : tamen orant eum tamquam Deum et dominum : ne
praevenirent gratiam per Iesum toti mundo effusam, vocantem cunctos ad
filiationem, iuxta illud : narrabo nomen tuum fratribus meis. Sequitur haec
verba locutus est Iesus in gazophylacio, docens in templo. Alcuinus. Gaza
Persica lingua divitiae, philatin servare. Erat autem locus in templo ubi
servabantur divitiae. Chrysostomus. In templo loquebatur more
magistri; et hic loquebatur super quibus mordebant et accusabant, quoniam
seipsum facit parem patri. Augustinus. Magna igitur fiducia sine
timore : non enim pateretur quod nollet; unde sequitur et nemo apprehendit
eum, quia nondum venerat hora eius. Nonnulli cum hoc audiunt, sub fato fuisse
Christum credunt; sed si fatum, sicut nonnulli intellexerunt, a fando dictum
est, idest a loquendo, verbum Dei quomodo habet fatum? Ubi sunt fata? In
caelo, inquis, in ordine et conversionibus siderum. Quomodo ergo fatum habet
per quem factum est caelum et sidera, cum tua voluntas, si recte sapias,
transcendat et sidera? An quia nosti Christi carnem fuisse sub caelo, ideo
putas et potestatem Christi subditam caelo? Igitur nondum venerat hora eius,
non qua cogeretur mori, sed qua dignaretur occidi. Origenes. Ubicumque
autem additur : haec verba locutus est Iesus in tali loco, si bene attendas,
invenies additionis opportunitatem. Est autem gazophylacium locus numismatum
in honorem Dei et dispensationem pauperum oblatorum. Numismata
autem sunt divina verba, imaginem regis magni impressam habentia. Unusquisque
autem conferat in aedificationem Ecclesiae, portans ad intellectuale
gazophylacium quidquid potest ad honorem Dei et utilitatem communem. Omnibus
autem offerentibus in gazophylacio templi, magis oportebat Iesum munera
portare, quae erant verba vitae aeternae. Loquente ergo
Iesu in gazophylacio, a nemine detentus est : quia sermones eius fortiores
erant his qui eum capere volebant, cum non sit infirmitas in quibus verbum
Dei loquitur. Beda. Vel aliter. In gazophylacio Christus
loquitur, quoniam in parabolis ad Iudaeos sermones proferebat; tunc autem
quasi gazophylacium aperiri coepit, quando discipulis suis caelestia
reseravit : unde etiam gazophylacium templo inhaerebat : quia quae lex et
prophetae figuraliter praedixerant, ad dominum pertinebant. Lectio 5 [86061] Catena in Io., cap. 8 l. 5 Augustinus
in Ioannem. Quia supra dictum est quod nemo apprehendit eum, quia nondum
venerat hora eius, modo de ipsa sua passione, quae posita erat, non in eius
necessitate, sed potestate, locutus est Iudaeis; unde dicitur dixit ergo
iterum eis Iesus : ego vado. Christo enim domino mors profectio
fuit illuc unde venerat et unde discesserat. Beda. Haec autem verborum
connexio talis esse videtur, ut haec uno tempore, uno quoque in loco, vel
certe alio tempore alioque in loco geri potuissent : quoniam nihil interponi
et quaedam vel multa potuerunt. Origenes in Ioannem. Sed obiciet
aliquis sic : si his qui manebant in incredulitate, ista dicebat : quomodo
eis dicit et quaeretis me? Quaerere enim Iesum, est quaerere veritatem et
sapientiam. Sed dices, quia et de persequentibus aliquando dicitur, quod
quaerebant eum capere. Differentiae enim sunt eorum qui quaerunt Iesum : non
omnes enim pro eorum salute et utilitate quaerunt eum. Propter hoc solum hi
qui recte quaerunt eum, inveniunt pacem. Recte autem quaerere dicuntur qui
verbum quod est in principio apud Deum quaerunt, ut illos patri adducat.
Augustinus. Quaeretis ergo, inquit, me, non pio desiderio, sed odio : nam
illum, posteaquam abscessit ab oculis hominum, inquisierunt, et qui oderunt
et qui amabant : illi persequendo, isti habere cupiendo. Et ne putetis quia
me bene quaeretis, in peccato vestro moriemini. Hoc est Christum male
quaerere, in peccato suo mori; hoc est illum odisse, per quem solum posset
salus esse. Dixit sententiam praescius quod in
peccatis suis morientur. Beda. Sed nota, quod peccato in
singulari numero utitur, sed vestro in plurali, ut idem omnium scelus
ostenderet. Origenes. Quaero autem propter hoc quod infra dicitur,
quod hoc ipso loquente multi crediderunt in eum; numquid ad omnes praesentes
dicit in peccato vestro moriemini? Sed ad illos dicebat quos sciebat non
esse credituros, et propter hoc in eorum peccatis esse morituros, et non
valentes post ipsum sequi; nam sequitur quo ego vado, vos non potestis
venire, ubi scilicet veritas et sapientia est : hoc est enim ubi est Iesus.
Non possunt, ait, quia non volunt; si enim voluissent et non potuissent, non
rationabiliter eis diceretur in peccato vestro moriemini. Augustinus
in Ioannem. Hoc autem et discipulis alio loco dicit; nec tamen dixit eis
in peccato vestro moriemini, sed quo ego vado, vos non potestis venire modo.
Non abstulit spem, sed praedixit dilationem. Origenes in Ioannem. Praesens
autem verbum minatur Christi recessum; sed quamdiu salvamus ea quae animae
nostrae sunt insita veritatis semina, nequaquam recedit a nobis verbum Dei :
si vero a lapsu in malitiam corrumpamur, tunc dicitur nobis ego vado : et cum
quaeremus eum, nequaquam inveniemus, sed in peccatis nostris moriemur, ab
ipsa morte occupati. Non oportet autem pertransire inexquisite quod dicitur
in peccatis vestris moriemini. Si enim communiter accipiatur, manifestum est
quod peccatores in peccatis eorum moriuntur, iusti vero in iustitia; si vero
dicitur moriemini, sicut qui ad mortem peccat moritur, manifestum est quod hi
quibus talia dicebantur, nequaquam mortui erant, sed vivebant in infirmitate
animae; sed infirmitas illa ad mortem erat : propter hoc medicus videns eos
graviter infirmantes, dicebat et in peccatis vestris moriemini : et sic
manifestum erat illud quo ego vado, vos non potestis venire. Cum enim aliquis
in suo peccato moritur, quo vadit Iesus, non potest ire : nullus enim mortuus
potest sequi Iesum : non enim mortui laudabunt te, domine. Augustinus. His
autem verbis auditis, quomodo solent, carnalia cogitantes interrogaverunt;
nam sequitur dicebant ergo Iudaei : numquid interficiet semetipsum, quia
dicit : quo ego vado, vos non potestis venire? Stulta verba. Quid enim? Non
poterant illi venire quo ille perrexisset, si interficeret semetipsum?
Numquid ipsi non erant morituri? Ergo quo ego vado, dixit; non quo itur ad mortem,
sed quo ipse ibat post mortem. Theophylactus. Per hoc enim
manifestavit quod resurget in gloria, et sedebit ad dexteram Dei. Origenes. Quaeramus
tamen si hoc ab eis de salvatore dicitur altius aliquid cernentibus. Multa
enim aut ex traditione, aut ex apocryphis ipsos contingebat videre prae
multis. Forte igitur in his quae tradita sunt de Christo, erat iuxta sanas
traditiones propheticorum sermonum, sicut generari eum in Bethlehem, sic et
de morte eius, ut hoc modo transire deberet ab hac vita quomodo ipse dicit :
nemo tollit animam meam a me; sed ego pono eam. Quare quod hic dicitur
numquid interficiet se? Non secundum simplicem sensum dicitur, sed secundum
aliquam Iudaeorum de Christo traditionem. Multum enim ex hoc quod dixerat ego
vado, apparet potestas voluntarie morientis, corpore derelicto. Aestimo autem
quod ignominiose proferentes hoc, quod secundum traditiones suas de morte
Christi ad ipsos devenerat, et non gloriam dantes, dixerunt numquid
interficiet semetipsum? Oportebat enim eos cum demonstratione
gloriae sic dicere : numquid anima eius, cum ipsi placuerit, egredietur
relicto corpore? Dominus autem ad eos qui terrena sapiebant, tamquam
ad terrenos loquitur; unde subditur et dicebat eis : vos de deorsum estis;
idest, terram sapitis, sursum cor non habetis. Chrysostomus
in Ioannem. Quasi dicat : non est mirum vos talia cogitare homines
carnales, et nihil intelligentes spirituale. Ego de supernis sum.
Augustinus. De quibus supernis? Ab ipso patre, quo nihil superius. Vos de
hoc mundo estis, ego non sum de hoc mundo : quomodo enim erat de mundo, per
quem factus est mundus? Beda. Et qui ante mundum fuit; illi autem de
mundo erant, quia postquam mundus esse coepit, fuerant creati.
Chrysostomus. Vel propter mundanas et vanas cogitationes hoc dicit ego non
sum de hoc mundo. Theophylactus. Nihil mundanum, sive terrenum
affectans : unde nullatenus ad tantam insaniam devenirem ut meipsum
occiderem. Sed Apollinarius male suscipiens hunc sermonem, ait, quod corpus
domini non fuit de hoc mundo, sed de sursum caelitus descendit. Numquid
igitur et apostoli, quibus a domino dictum est : vos non estis de hoc mundo,
omnia corpora sunt caelitus obtinentes? Sic igitur intelligendum est cum
dicitur ego non sum de hoc mundo, hoc est, non sum de numero vestrum, qui mundana
curatis. Origenes. Alius autem sensus est eorum qui sunt de sursum, et
eorum qui sunt de hoc mundo. Deorsum enim sicut de loco aliquo intelligitur;
sed mundus materialis locis quidem diversis continetur, quae omnia quantum ad
immaterialia et invisibilia deorsum sunt; quo ad mundum vero comparando mundi
loca, erunt utique quaedam deorsum et quaedam sursum. Ubi autem est thesaurus
uniuscuiusque, ibi est et cor eius. Si itaque aliquis thesaurizet in terra,
deorsum efficitur; si vero aliquis thesaurizet in caelis, fit desuper; sed et
transcendens omnes caelos, in fine beatissimo invenietur. Et iterum qui circa
hunc mundum est amor, facit eum qui de hoc mundo est; qui autem non diligit
mundum, nec ea quae sunt in hoc mundo, non est de mundo hoc. Tamen est et
aliquis alius mundus praeter hunc sensibilem mundum, in quo sunt invisibilia,
cuius visum et decorem videbunt hi qui mundo sunt corde. Sed et ipse
primogenitus omnis creaturae potest dici mundus, prout est summa sapientia :
omnia enim in sapientia sunt facta. In ipso itaque erat totus mundus,
intantum differens a mundo materiali, inquantum differt ratio totius mundi ab
omni materia denudata a materiali mundo. Anima ergo Christi dicit ego non sum
de hoc mundo : quia non conversatur in isto mundo. Augustinus in Ioannem.
Exposuit autem dominus quid intelligi voluerit, cum dixit vos de hoc mundo
estis; quia scilicet peccatores erant. Omnes autem cum peccato nati sumus,
omnes vivendo ad id quod nati eramus addidimus. Tota ergo infelicitas
Iudaeorum ipsa erat, non peccatum habere, sed in peccatis mori; unde subdit
dixi ergo vobis, quia moriemini in peccatis vestris. Credo autem in illa
multitudine quae dominum audiebat, et eos fuisse qui credituri erant; quasi
in omnes autem processerat illa severissima sententia in peccato vestro
moriemini; ac per hoc et illis qui credituri erant, spes erat ablata.
Revocavit ergo eos ad spem, adiungens si enim non credideritis quia ego sum,
moriemini in peccato vestro. Ergo si credideritis quia ego sum, non moriemini
in peccato vestro. Chrysostomus. Si enim propter hoc venit ut peccatum
tollat, et aliter non contingit illud exuere nisi per lavacrum; nec continget
eum qui non credit, baptizari, necesse est eum qui non credit, ex hac vita
abire, veterem hominem, idest peccatum, habentem : non solum quia non credit,
sed etiam quia priora peccata habens, hinc recedit. Augustinus. Cum
autem dixit si non credideritis quia ego sum, quia nihil addidit, multum est
quod commendavit : quia sic etiam et Deus Moysi dixerat : ego sum qui sum. Sed
quomodo audio : ego sum qui sum, et nisi credideritis quia ego sum, quasi
alia non sint? Sed prorsus qualiscumque excellentia, si mutabilis est, vera
non est : non enim est ibi verum esse ubi est et non esse. Discute rerum
mutationem : invenies fuit et erit; cogita Deum, invenies est, ubi tempus
praeteritum esse non possit. Ut ergo tu sis, transcende tempus. Haec itaque
promittens, ne moriamur in peccatis nostris, nihil aliud mihi videtur his
verbis dixisse nisi credideritis quia ego sum, quam : nisi credideritis quia
Deus sum. Deo gratias, quia dicit nisi credideritis; non dixit : nisi
ceperitis : quis enim hoc capiat? Origenes in Ioannem. Manifestum est
autem quod qui moritur in peccatis suis, quamvis dicat se Christo credere,
tamen in veritate non credit : qui enim credit iustitiae, non iniustum facit;
et credens in sapientiam, nil stultum dicit aut facit : et sic si scrutatus
fueris ceteros intellectus Christi, invenies quomodo qui non credit Christo,
moritur in peccatis suis. Accedens autem ad contraria eorum quae
considerantur in Christo, in peccatis suis moritur. Lectio 6 [86062] Catena in Io., cap. 8 l. 6 Augustinus in
Ioannem. Quia dixerat supra dominus : nisi credideritis quia ego sum,
moriemini in peccatis vestris, interrogant illi velut quaerentes nosse in
quem deberent credere, ne in suo peccato morerentur; unde dicitur dicebant
ergo ei : tu quis es? Non enim cum dixisti nisi credideritis quia ego sum,
addidisti quis esses. Sciebat autem ibi quosdam esse credituros; et ideo cum
dixissent tu quis es? Ut scirent quid illum credere deberent, dixit eis Iesus
principium, qui et loquor vobis; non tamquam diceret : principium sum; sed
tamquam diceret : principium me credite : quod in sermone Graeco evidenter
apparet, ubi principium feminini generis est. Principium ergo me credite, ne
moriamini in peccatis vestris : principium enim mutari non potest, in se
manet, et innovat omnia. Absurdum est autem ut filium dicamus principium, et
patrem principium non dicamus; non tamen duo principia, sicut nec duos deos :
spiritus autem sanctus patris et filii est spiritus, nec pater est, nec
filius. Pater tamen et filius et spiritus sanctus sunt unus Deus, unum lumen,
unum principium. Addidit autem qui et loquor vobis : quia humilis propter vos
factus ad ista verba descendi. Ergo credite me esse principium : quia ut hoc
credatis non solum sum principium, sed et loquor vobis. Nam si principium
sicuti est, ita maneret apud patrem, ut non acciperet formam servi, quomodo
ei crederent, cum infirma corda intelligibile verbum sine voce sensibili
audire non possent? Beda. Sane in quibusdam exemplaribus invenitur qui
et loquor vobis; sed congruentius esse probatur, si quia legatur, ut iste sit
sensus : principium me esse credite, quia propter vos ad haec verba descendi.
Chrysostomus in Ioannem. Vel aliter. Consideranda est amentia Iudaeorum,
qui post tempus tantum et signa et doctrinam interrogant tu quis es? Quid
igitur Christus? A principio loquor vobis, quasi dicat : sermones meos
indigni estis audire, non solum ut dicam vobis quis ego sum : vos enim omnia
tentantes loquimini; et haec omnia possem arguere, et vos punire; unde
sequitur multa habeo de vobis loqui et iudicare. Augustinus in Ioannem. Supra
dixit : ego non iudico quemquam; sed aliud est non iudico, et aliud habeo iudicare.
Non iudico, dixit, ad praesens. Quod autem dicit multa habeo de vobis loqui
et iudicare, iudicium futurum dicit. Ideo autem verus in iudicio ero, quia
filius veracis veritas sum; unde sequitur sed qui misit me verax est. Verax
est pater, non participando, sed generando veritatem. Numquid enim dicturi
sumus : plus veritas quam verax? Si hoc dixerimus, filium incipiemus dicere
patre maiorem. Chrysostomus. Dicit autem hoc, ut non aestiment quoniam
tot audiens ex imbecillitate, non punit; aut quia eorum cogitationes et
contumelias non novit. Theophylactus. Vel quia dixerat multa habeo de
vobis loqui et iudicare, iudicium futuro saeculo reservans subiungit sed qui
me misit, verax est; quasi dicat : etsi vos infideles estis, pater meus verax
est, qui diem stabilivit in quo vobis retributio fiet. Chrysostomus. Vel
aliter. Si in hoc me misit pater, non ut iudicem mundum, sed ut salvem
mundum, verax autem est pater; convenienter nullum ego nunc iudico; sed haec
loquor quae sunt ad salutem, non quae ad iudicium; unde sequitur et ego quae
audivi ab eo, haec loquor in mundo. Alcuinus. Audisse autem a patre
idem est et esse a patre : quia ab illo habet audientiam a quo habet
essentiam. Augustinus. Dat gloriam patri aequalis filius; tamquam
dicat : do gloriam ei cuius sum filius; quomodo tu superbus es adversus eum
cuius es servus? Alcuinus. Cum autem audissent verax est qui misit me,
non intellexerunt de quo diceret; unde subditur et non cognoverunt quia
patrem eius dicebat Deum. Nondum enim oculos cordis apertos habebant, quibus
patris et filii aequalitatem intelligerent. Lectio 7 [86063] Catena in Io., cap. 8 l. 7 Augustinus in
Ioannem. Cum dixisset dominus : verax est qui misit me, non intellexerunt
Iudaei quod de patre illis diceret. Videbat autem ibi aliquos quos ipse
noverat post passionem suam esse credituros; et ideo sequitur dixit ergo eis
Iesus : cum exaltaveritis filium hominis, tunc cognoscetis quia ego sum.
Recolite illud : ego sum qui sum, et cognoscetis quid sit dictum ego sum.
Differo cognitionem vestram, ut impleam passionem meam. Ordine vestro
cognoscetis qui sum, cum scilicet exaltaveritis filium hominis. Exaltationem
autem crucis dicit, quia et ibi exaltatus est quando pependit in ligno. Hoc
oportebat impleri per manus eorum qui postea fuerant credituri, quibus dicit
hoc. Quare nisi ut nemo in quocumque scelere et male sibi conscius
desperaret, quando videat eis donari homicidium qui occiderant Christum?
Chrysostomus in Ioannem. Vel aliter continua : quia multa signa faciens et
docens eos non converterat, de cruce de reliquo loquitur, dicens cum
exaltaveritis filium hominis, tunc cognoscetis quia ego sum; quasi dicat :
vos aestimatis quod tunc maxime a me separati eritis quando me occideritis;
ego autem dico quoniam tunc maxime scietis et gratia signorum et
resurrectionis et captivitatis vestrae, quoniam ego sum Christus filius Dei,
et quod non contrarior illi; propter quod subdit et a meipso nihil facio; sed
sicut docuit me pater, sic loquor : per hoc enim indifferentiam substantiae
manifestat, et quod nihil extra paternales intelligentias loquitur; si enim
Deo contrarius essem, non tantam iram movissem contra eos qui me non
audierunt. Augustinus. Vel aliter. Quia dixerat tunc cognoscetis quia
ego sum, et ad ipsum esse pertinet tota Trinitas; ne forte subintraret error
Sabellianorum, continuo subiunxit et a meipso facio nihil; quasi dicat : a
meipso non sum : filius enim de patre est Deus. Quod ergo addidit sicut
docuit me pater, haec loquor, nemini vestrum obrepat cogitatio carnalis.
Nolite vobis quasi duos homines ante oculos ponere, et loquentem patrem ad
filium, sicut facis tu quando aliqua verba dicis filio tuo. Quae enim verba
fierent unico verbo? Si autem loquitur in cordibus vestris sine sono, quomodo
loquitur filio suo? Incorporaliter pater locutus est filio, quia
incorporaliter pater genuit filium; nec eum sic docuit quasi indoctum
genuerit; sed hoc est eum docuisse, quod est scientem genuisse. Si enim
simplex est natura veritatis, hoc est filio esse quod nosse. Quemadmodum ergo
pater illi gignendo dedit ut esset, sic gignendo dedit ut nosset.
Chrysostomus. Rursus ad humilius sermonem reduxit. Sequitur et qui me
misit. Ne autem aestiment hoc quod dicit misit me, minorationis esse, dicit
mecum est; nam hoc quidem dispensationis, hoc autem deitatis est.
Augustinus. Et cum ambo simul sint, unus tamen est missus, alter misit :
quoniam missio incarnatio est, et ipsa incarnatio filii tantum est, non et
patris. Ergo inquit qui me misit; idest cuius auctoritate tamquam paterna
incarnatus sum. Misit itaque pater filium, sed non recessit a filio; unde
sequitur et non reliquit me solum : non enim quo misit filium, non ibi erat
pater, qui dixit : caelum et terram ego impleo. Sed quare eum non dereliquit,
subdit quia quae placita sunt ei facio semper; non ex quodam initio, sed sine
initio, sine fine : Dei enim generatio non habet initium temporis.
Chrysostomus. Vel aliter. Quia continuo dicebant, quoniam non ex Deo est,
et quia sabbatum non custodit; contra est, quod ait quoniam quae placita sunt
ei facio semper : ostendens quoniam et solvere sabbatum, placitum est ei.
Multipliciter enim studet ut ostendat quod nihil facit patri contrarium. Et
quia hoc humanius locutus est, subditur haec illo loquente multi crediderunt
in eum : ac si diceret Evangelista : ne turberis si quid humile a Christo
audieris; qui enim post tantam doctrinam nondum suasi erant, humiliora
audiunt, et suadentur. Igitur crediderunt quidem, sed non ut oportebat; sed
simpliciter quasi laetantes et requiescentes in verborum humilitate : et hoc
ostendit Evangelista in subsequentibus sermonibus, in quibus narratur quod
rursus ei iniuriabantur. Lectio 8 [86064] Catena in Io., cap. 8 l. 8 Augustinus in
Ioannem. Voluit dominus in profundum fundare fidem eorum qui crediderant,
ut non superficie tenus crederent; et ideo dicitur dicebat ergo Iesus ad eos
qui crediderunt ei Iudaeos : si vos manseritis in sermone meo, vere discipuli
mei eritis. Per hoc quod dicit si manseritis, ostendit ea quae in eorum corde
erant : sciebat enim quoniam crediderunt quidam, sed non manserunt : et
magnum quid eis promittit, scilicet vere discipulos eius fieri : in quo
occulte tangit quosdam qui prius ab ipso recesserant : et illi eum audierunt
et crediderunt, et recesserunt, quia non permanserunt. Augustinus de
Verb. Dom. Omnes autem nos unum magistrum habemus, et sub illo
condiscipuli sumus. Nec ideo magistri sumus, quia de loco superiore loquimur
: sed magister est omnium qui habitat in omnibus nobis. Ad discipulum autem
parum est accedere; sed oportet manere nos in illo : et si in illo non
manserimus, cademus. Breve opus, breve verbo, magnum opere, si manseritis.
Quid enim est in verbis Dei manere, nisi nullis tentationibus cedere? Si
labor non est, gratis accipis praemium; si labor est, attende magnum
praemium. Et cognoscetis veritatem. Augustinus in Ioannem. Quasi dicat
: quia nunc credentes estis, manendo, videntes eritis. Non enim quia
cognoverunt crediderunt; sed ut cognoscerent crediderunt. Quid enim est
fides, nisi credere quod non vides; veritas quod credidisti, videre? Si ergo
permaneatur in eo quod creditur, pervenitur ad id quod videtur, ut scilicet
contemplemur ipsam veritatem sicuti est, non per verba sonantia, sed per
lucem splendentem. Veritas incommutabilis est, panis est mentis; reficit, nec
deficit; mutat vescentem, non ipsa in vescentem mutatur. Ipsa autem veritas
verbum Dei est : haec veritas carne induta est propter nos : latebat in
carne, non ut negaretur, sed ut differretur; ut in carne pateretur, ut caro
peccati redimeretur. Chrysostomus in Ioannem. Vel cognoscetis
veritatem, hoc est me : ego enim sum veritas. Iudaica quidem omnia typus
erant, veritatem autem a me scitis. Augustinus de Verb. Dom. Forte
aliquis dicet : et quid mihi prodest cognoscere veritatem? Et ideo subiungit
et veritas liberabit vos; quasi dicat : si non delectat veritas, delectet
libertas. Liberari enim proprie dicitur liberum fieri, quomodo sanari sanum
fieri. Hoc in verbo Graeco planius est : nam in consuetudine Latina maxime in
eo consuevimus audire hoc verbum, ut quicumque liberatur intelligatur
pericula evadere, molestiis carere. Theophylactus. Sicut autem supra
infidelibus ait : in peccatis vestris moriemini, sic manentibus in fide,
absolutionem annuntiat peccatorum. Augustinus de Trin. Unde etiam
veritas liberabit, nisi a morte, a corruptione, a mutabilitate? Veritas
quippe immortalis, incorrupta, incommutabilis permanet. Vera autem
incommutabilitas est ipsa aeternitas. Chrysostomus. Eorum autem qui
crediderant, erat etiam increpationes sufferre; sed hi statim saeviunt. Si
autem oportebat eos turbari in priori, convenientius erat ut turbarentur in
hoc, scilicet quod dixit cognoscetis veritatem, ut dicerent : nunc ergo
veritatem nescimus; lex igitur mendacium est, et cognitio nostra? Sed nullius
horum eis cura erat; sed de mundanis rebus dolent : non enim aliam servitutem
noverant nisi mundanam; unde sequitur responderunt ei Iudaei : semen Abrahae
sumus, et nemini servivimus unquam; quomodo tu dicis : liberi eritis? Quasi
dicant : eos qui de genere sunt Abrahae, qui sunt ingenui, non oportebat
servos vocare : nunquam enim servivimus. Augustinus in Ioannem. Vel
hoc responderunt, non illi qui iam crediderant, sed qui in turba erant nondum
credentes. Hoc autem ipsum nemini servivimus unquam, secundum huius temporis
libertatem, quomodo verum dixisti? Ioseph non est venumdatus? Prophetae
sancti in captivitatem non sunt ducti? O ingrati, quid est quod vobis assidue
imputat Deus, quod vos de domo servitutis liberavit, si nemini servistis? Vos
autem qui loquimini, quomodo solvebatis tributa Romanis, si nemini unquam
servistis? Chrysostomus. Quia vero non ad vanam gloriam erant quae
dicebantur a Christo, sed ad salutem, non voluit ostendere eos servos esse
hominum, sed peccati : quae difficillima servitus est, a qua solus Deus
eripere potest; unde sequitur respondit eis Iesus : amen, amen, dico vobis,
quia omnis qui facit peccatum, servus est peccati. Augustinus. Multum
commendat quod sic pronuntiat : quodammodo, si dici fas est, iuratio eius est
: amen quippe interpretatur verum, et tamen non est interpretatum, nec
Graecus hoc interpres ausus est facere, vel Latinus. Nam hoc verbum amen
Hebraeum est : non est autem interpretatum, ut honorem haberet velamento
secreti : non ut esset ligatum, sed ne vilesceret nudatum. Iam quantum hoc
commendatum sit, ex ipsa geminatione cognoscite. Verum dico vobis. Veritas
dicit; quae utique etsi non diceret : verum dico, mentiri omnino non posset;
tamen inculcat, dormientes quodammodo excitat : contemni non vult quod dicit.
Omnis, inquit, Iudaeus, Graecus, dives, pauper, imperator et mendicus, si
facit peccatum, servus est peccati. Gregorius Moralium. Quia quisquis
se pravo desiderio subicit, iniquitatis domino dudum libera mentis colla
supponit. Sed huic domino contradicimus, cum iniquitati, quae nos ceperat,
reluctamur : cum consuetudini violenter resistimus; cum culpam poenitendo
percutimus et maculas sordium lacrymis lavamus. Gregorius Moralium. Quanto
autem aliqui liberius peragunt perversa quae volunt, tanto eius servitio
obnoxius obligantur. Augustinus. O miserabilis servitus. Servus
hominis aliquando sui domini duris imperiis fatigatus, fugiendo requiescit :
servus peccati quo fugit? Secum trahit quocumque fugerit : peccatum enim quod
facit intus est; voluptas transit, peccatum non transit : praeteriit quod delectabat,
remansit quod pungat. Solus de peccato liberare potest qui venit sine
peccato, et factus est sacrificium pro peccato; nam sequitur servus autem non
manet in domo in aeternum. Ecclesia est domus, servus peccator est : multi
intrant in Ecclesiam peccatores. Non ergo dixit servus non est in domo, sed
non manet in domo in aeternum. Si ergo nullus ibi servus erit, quis ibi erit?
Quis gloriabitur mundum se esse a peccato? Multum nos terruit; sed adiungit
filius autem manet in aeternum. Ergo solus in domo sua erit Christus. An
forte in hoc quod dicit filius, caput et corpus est? Non enim sine causa
terruit et spem dedit; terruit, ne peccatum amaremus; spem dedit, ne de
peccati absolutione diffideremus. Haec est ergo spes nostra ut a libero
liberemur : ipse enim pretium dedit, non argentum, sed sanguinem suum; et
propter hoc subditur si ergo filius vos liberaverit, vere liberi eritis.
Augustinus de Verb. Dom. Non a barbaris, sed a Diabolo; non a corporis
captivitate, sed ab animae iniquitate. Augustinus in Ioannem. Prima
libertas est carere criminibus; sed ista inchoata est, non perfecta libertas
: quia caro concupiscit adversus spiritum, ut non ea quae vultis faciatis.
Libertas autem plena atque perfecta est quando nullae erunt inimicitiae,
quando novissima inimica mors destruetur. Chrysostomus in Ioannem. Vel
aliter. Quia dixerat qui facit peccatum, servus est peccati, ne praecurrant
et dicant : immolationes habemus, illae nos eripere possunt; propterea
induxit servus non manet in domo in aeternum. Filius manet in aeternum. Domus
mentionem facit, patris principatum domum nominans, ostendens ex translatione
humanorum, quoniam sicut dominus in domo, ita ipse omnium potestatem habet :
hoc enim quod dicit non manet, significat : non habet potestatem donandi; sed
filius, qui est dominus domus, habet. Et ideo sacerdotes veteris legis non
habebant potestatem per sacramenta legalia peccata dimittere : omnes enim
peccaverunt, etiam sacerdotes, qui pro seipsis, ut dicit apostolus, necesse
habebant sacrificia offerre; sed filius hanc habet potestatem; unde concludit
si ergo filius vos liberaverit, vere liberi eritis : ostendens quod mundana
libertas, de qua gloriabantur, non est vera libertas. Augustinus. Noli
ergo libertate abuti ad libere peccandum; sed utere ad non peccandum : erit
enim voluntas tua libera, si fuerit pia; eris liber, si fueris servus
iustitiae. Lectio 9 [86065] Catena in Io., cap. 8 l. 9 Augustinus in
Ioannem. Iudaei se liberos dixerant, quia semen erant Abrahae. Quid ergo
dominus ad hoc responderit subditur scio quia filii Abrahae estis; quasi
dicat : agnosco vos quia filii estis Abrahae carnis origine, non cordis fide;
et ideo subdit sed quaeritis me interficere. Chrysostomus in Ioannem. Hoc
enim addidit ut non dicant : peccatum non habemus. Dimittens enim omnem eorum
vitam redarguere, hoc quod prae manibus erat, quod adhuc agere volebant,
ducit in medium. Paulatim enim eos a cognatione illa removit, erudiens in hoc
non magna sapere. Sicut enim libertas et servitus est ab operibus, ita et
cognatio. Sed ne dicerent : hoc iuste agimus, subiungit causam, dicens quia
sermo meus non capit in vobis. Augustinus. Idest, non capit cor
vestrum, quia non recipitur a corde vestro. Sic est enim sermo Dei fidelibus
tamquam pisci hamus : tunc capit quando capitur; nec fit iniuria illis qui
capiuntur : ad salutem quippe, non ad perniciem capiuntur. Chrysostomus. Et
non dixit : non capitis meum sermonem; sed non capit meus sermo in vobis,
altitudinem suorum dogmatum ostendens. Sed possent dicere : quid si a teipso
loqueris? Propter hoc inducit subdens ego quod vidi apud patrem meum, loquor
: non enim solum eamdem substantiam, sed eamdem veritatem habeo patris.
Augustinus. Dominus autem patrem suum Deum vult intelligi; quasi dicat :
veritatem vidi, veritatem loquor, quia veritas sum. Si ergo dominus veritatem
loquitur quam vidit apud patrem, se vidit, se loquitur, quia ipse est veritas
patris. Origenes in Ioannem. Manifestat autem haec auctoritas
salvatorem fuisse visorem eorum quae sunt apud patrem; cum tamen homines,
quibus revelatio fit, visores non sint. Theophylactus. Cum vero audis
quod vidi loquor, nequaquam corporalem visionem intelligas, sed naturalem
notitiam veram et approbatam. Sicut enim oculi videntes, integre aliquid et
vere prospiciunt, nec falluntur; sic ego veraciter ea loquor quae cognovi a
patre meo. Sequitur et vos quod vidistis apud patrem vestrum facitis.
Origenes. Adhuc non nominat patrem ipsorum. Paulo superius Abraham
commemoravit; sed dicturus est alterum patrem eorum, scilicet Diabolum, cuius
filii erant, inquantum mali erant, non inquantum homines erant. Malum ergo
quod faciunt, dominus eis obiurgat et corripit. Chrysostomus. Alia
littera habet : et vos quae vidistis apud patrem vestrum, facite; quasi dicat
: sicut ego verbis et veritate ostendo patrem, ita et vos a rebus ostendite
Abraham. Origenes. Item alia littera habet : et vos quae audistis a
patre, facite. Audierant enim a patre ea quae in lege et prophetis scripta
sunt. Qui autem hoc verbo contra eos qui alterius opinionis sunt, fuerit
usus, ostendit quod non alius Deus est qui legem dedit et prophetas, et
Christi pater. Quaeramus etiam ab inferentibus duas naturas, dicentes : a
patre quidem audivisse alienos, inconveniens est. Si autem proprii salvatoris
erant, et beatae naturae, qualiter quaerebant illum occidere, et salvatoris
sermonem non capiebant? Illi autem longe molestius acceperunt quam protulerit
dominus, quis eorum esset pater : nam eum qui multarum gentium pater est,
fatentur sui fore patrem; unde sequitur responderunt et dixerunt : pater
noster Abraham est. Augustinus. Quasi dicant : quid tu dicturus es
contra Abraham? Videbantur enim eum provocare ut aliquid mali diceret de
Abraham, et esset eis occasio faciendi quod cogitabant. Origenes. Sed
et hoc ipsum salvator interimit tamquam falso dictum; unde subditur dicit eis
Iesus : si filii Abrahae estis, opera Abrahae facite. Augustinus. Et
tamen superius ait : scio quia filii Abrahae estis; unde non negavit eorum
originem, sed facta condemnat. Caro eorum ex illo erat, sed vita non erat.
Origenes. Vel dicendum, quod supra in Graeco habetur : scio quod semen
Abrahae estis. Ut ergo haec pateant, videamus primo corporalis seminis et
filii differentiam. Manifestum enim est quod semen in seipso habet rationes
eius cuius est semen, adhuc manentes et pausantes; filius vero, transmutato
semine, et agente in appositam sibi materiam a muliere, per superinducta
nutrimenta similitudinem accipit generantis : et quantum ad corporalia si
aliquis est filius alicuius, subsistit ex semine; si vero aliquod est semen,
non omnino filius efficitur. Quoniam autem ex operibus iudicantur aliqui
semen Abrahae, videndum est ne forte ex aliquibus seminalibus rationibus,
infusis quibusdam animabus, oporteat imaginari eos qui semen sunt Abrahae.
Non omnes igitur homines semen sunt Abrahae : neque enim omnes habent
huiusmodi rationes consitas in eorum animabus. Oportet igitur eum qui Abrahae
semen est, eius fieri per similitudinem et filium. Possibile vero est ex
negligentia et otio destruere hoc quod est eius semen. Hi autem ad quos sermo
erat, adhuc in spe erant : unde sciebat Iesus quod adhuc semen erant Abrahae,
et nondum peremerant possibilitatem fiendi filii Abrahae : propter quod eis
dicit si filii Abrahae estis, opera Abrahae facite. Si autem super hoc quod
erant semen Abrahae, ad augmentum magnitudinis adolevissent, verbum Iesu
caperent. Sed quia non accesserant ad hoc quod essent filii, verbum non
capiunt, sed interficere volunt verbum, et quasi confringere, non capientes
magnitudinem eius. Si igitur aliquis vestrum semen est Abrahae, et adhuc
verbum Dei non capit, non quaerat interficere verbum; sed transmutet se ad
hoc quod sit filius Abrahae, et tunc poterit capere filium Dei. Quidam autem
unum ex operibus eligunt Abrahae, illud scilicet : credidit Abraham Deo, et
reputatum est illi ad iustitiam. Ut autem concedatur eis quod fides sit opus,
cur non dictum est singulariter : opus Abrahae facite, sed pluraliter? Puto
enim quod hoc dictum aequipollet ei quod est : cuncta opera Abrahae facite;
ut tamen ex historia Abrahae allegorice sumpta opera eius spiritualiter
prosequamur. Neque enim oportet eum qui vult esse filius Abrahae, adire
ancillarum coniugia, nec post obitum coniugis in senectute aliam ducere
coniugem. Sequitur nunc autem quaeritis me interficere, hominem qui veritatem
locutus sum vobis. Chrysostomus. Hanc scilicet veritatem, quod est
patri aequalis; propter hoc enim Iudaei quaerebant eum interficere. Et ut
ostendat quod hoc non est contrarium patri, subdit quam audivi a Deo.
Alcuinus. Quia ipse qui est veritas, a Deo patre genitus erat : audire
enim nihil aliud est quam esse a patre. Origenes. Occidere me, inquit,
hominem. Interim non dico filium Dei; non dico verbum, quia non moritur
verbum; hoc dico, quod videtis, quia quod videtis potestis occidere, et quem
non videtis, offendere. Sequitur hoc Abraham non fecit. Alcuinus. Quasi
dicat : in hoc probatis vos non esse filios Abrahae, quia facitis opera
contraria operibus Abrahae. Origenes. Sed diceret ad hoc quidam,
quoniam superflue dictum est hoc, quod non fecerit Abraham quod suis
temporibus non contingebat fieri : non enim in suis diebus natus erat
Christus. Sed dicendum, quod in temporibus Abrahae natus fuerat homo, qui
quam audierat a domino veritatem, dicebat; non tamen quaesitus est ab
Abraham, ut eum occideret. Et scias quod spiritualis adventus Iesu nullo
tempore defuit sanctis. Ex hoc igitur comprehendo, omnem hominem, qui post
regenerationem et ceteras apud se factas divinitus gratias, peccat, denuo
crucifigere Dei filium propriis reatibus, in quos rediit; sed hoc Abraham non
fecit. Sequitur vos facitis opera patris vestri. Augustinus. Adhuc non
dicit quis est iste pater eorum. Chrysostomus. Dicit autem hoc
dominus, volens eis auferre superfluam gloriam de cognatione, et suadere eis
ut non ultra spem salutis habeant in cognatione naturali, sed in ea quae est
secundum adoptionem : hoc enim eos prohibebat venire ad Christum, quia
aestimabant cognationem Abrahae sibi sufficere ad salutem. Lectio 10 [86066] Catena in Io., cap. 8 l. 10 Augustinus in
Ioannem. Coeperant Iudaei utrumque cognoscere : quia non de carnis
generatione loqueretur dominus, sed de vitae institutione. Consuetudo autem
Scripturarum est fornicationem spiritualiter appellare, cum diis multis et
falsis anima tamquam prostituta subicitur; unde dicitur dixerunt itaque ei :
nos ex fornicatione non sumus nati, unum patrem habemus Deum.
Theophylactus. Quasi responderent, quod Dei quaererent ultionem; et ideo
adversus eum consiliarentur. Origenes in Ioannem. Vel aliter. Quia
redarguti sunt non esse filii Abrahae, atrocius respondent, latenter
designantes, ex adulterio productum fore salvatorem. Sed magis mihi videtur
quod conrixando responderunt. Cum enim prius dixissent : pater noster Abraham
est, et audissent : si filii Abrahae estis, opera Abrahae facite, fatentur se
habere maiorem patrem quam Abraham, scilicet Deum, et non ex fornicatione
sumpsisse exordium. Non enim ex sponsa, sed ex meretrice, seu materia,
Daemon, qui nihil facit ex se, producit eos qui carnalibus usi inhaerent
materiae. Chrysostomus in Ioannem. Sed quid dicitis vos? Patrem
habetis Deum, et Christum incusatis haec dicentem? Et nimirum ex fornicatione
multi eorum nati erant; etenim illicitas commixtiones faciebant; non tamen
hoc redarguit; sed instat, ut ostendat quod non sunt ex Deo; unde sequitur
dixit ergo eis Iesus : si Deus pater vester esset, diligeretis utique me :
ego enim ex Deo processi et veni. Hilarius de Trin. Religiosi nominis
assumptionem Dei filius in his qui se Dei filios confitentes, patrem sibi
Deum dicerent, non improbavit; sed temerariam Iudaeorum usurpationem patrem
sibi Deum praesumentium, per id quod se non diligerent, obiurgat. Non utique
dici potest idipsum esse ex Deo exire, quod venisse. Sed cum ab his qui sibi
Deum patrem dicerent, idcirco se diligendum ait, quia ex Deo exiisset; causam
dilectionis ex causa docuit esse nascendi. Exiisse enim ad incorporalis
nativitatis retulit nomen : quia religio profitendi sibi patrem Deum, ex
dilectione Christi, qui ex eo genitus est, merenda sit. Nec enim in Deum
patrem fit religiosus qui non diligit filium, cum diligendi filii non alia
causa sit quam quod ex Deo sit. Ex Deo igitur filius est, non adventu, sed
nativitate. Dilectio autem in patrem hinc erit omnis, si filius ex eo esse
credatur. Augustinus. Sic ergo, quod de Deo processit verbum, aeterna
processio est : ab illo enim processit ut verbum patris, et venit ad nos,
quia verbum caro factum est. Adventus eius, humanitas eius; mansio eius,
divinitas eius. Dicitis Deum patrem, cognoscite me vel fratrem. Hilarius.
Non esse autem a se sibi originem docuit, cum subdit neque enim a meipso
veni, sed ille me misit. Origenes. Haec arbitror dici propter quosdam
per se venientes, et non missos a patre, de quibus in Ieremia dicitur : non
mittebam eos, et ipsi currebant. Quoniam autem qui duas naturas ingerunt,
utuntur hoc verbo, obiciendum est contra illos. Paulus enim odiebat Iesum cum
persequeretur Ecclesiam Dei; unde dominus ad eum : quare me persequeris? Si
ergo verum est quod hic dicitur si Deus pater vester esset, diligeretis me,
palam est quoniam et recte convertitur : si non diligeretis, nequaquam Deus
pater vester esset. Paulus autem aliquo tempore non diligebat Iesum : fuit
ergo tempus quo Deus pater Pauli non extitit. Non igitur natura Paulus Dei
filius fuit, sed postmodum Dei filius factus est. Quando vero Deus alicuius
fit pater, nisi quando mandata eius custodit? Chrysostomus. Quia vero
semper quaerebant dicentes : quid est hoc quod dicit : quo ego vado, vos non
potestis venire? Propterea subdit quare loquelam meam non cognoscitis? Quia
non potestis audire sermonem meum. Augustinus in Ioannem. Ideo autem
audire non poterant, quia corrigi credendo nolebant. Chrysostomus. Primo
igitur captanda est virtus quae verbum divinum exaudiat, ut deinceps validi
sistamus ad percipiendam totam locutionem Iesu : quoniam quamdiu quis curatus
non est in auditu proprio, a verbo quod dicit surdo : aperiaris, auditu
percipere nequit. Lectio 11 [86067] Catena in Io., cap. 8 l. 11 Chrysostomus
in Ioannem. Exclusit Iudaeos dominus a cognatione Abraham; et quia maiora
ausi sunt, ut scilicet patrem suum Deum dicerent, de reliquo percutit eos,
dicens vos ex patre Diabolo estis. Augustinus in Ioannem. Hic iam
cavenda est haeresis Manichaeorum, quae dicit esse quamdam naturam mali, et
gentem quamdam tenebrarum cum principibus suis, unde Diabolus originem ducit;
et hinc dicunt ducere originem carnem nostram; et secundum hoc putant dictum
a domino vos ex patre Diabolo estis : quod essent illi velut natura mali,
ducentes originem de gente contraria tenebrarum. Origenes in Ioannem. In
hoc autem simile videntur incurrisse ei qui diceret alteram esse oculi
videntis substantiam et alteram caligantis vel se avertentis : quemadmodum
enim in his non differt substantia, sed quaedam contingit causa quae facit
caligare; sic substantia eadem est, sive recipiat rationem, sive non.
Augustinus. Iudaei ergo filii erant Diaboli imitando, non nascendo; unde
sequitur et desideria patris vestri vultis facere. Ecce unde filii estis,
quia talia desideratis, non quia de illo nati estis : quaeritis enim me
occidere, hominem qui veritatem vobis dico : et ille invidit homini et
occidit; unde sequitur ille homicida erat ab initio : utique in primo homine,
in quo potuit fieri homicidium : non enim posset occidi homo, nisi prius
fieret homo. Non ferro accinctus Diabolus ad hominem venit; verbum malum
seminavit et occidit. Noli ergo putare non esse homicidium quando fratri tuo
mala persuades. Vos autem ideo saevitis in carnem, quia non potestis in
mentem. Origenes in Ioannem. Perpende autem, quod non propter aliquem
singulariter tantum, sed pro toto genere quod peremit, inquantum in Adam
cuncti moriuntur, et vere, dictus est ab initio homicida. Chrysostomus. Et
non dixit : opera, sed desideria eius facitis, ostendens quoniam vehementer
et ille et ipsi ab occisionibus possidentur : et quia continue eum accusabant
quod non est a Deo, insinuat occulte quod hoc etiam eis ex Diabolo est; unde
sequitur et in veritate non stetit. Augustinus de Civ. Dei. Forte
autem aliquis dicet, quod ab initio suae conditionis in veritate non
steterit; et ideo numquam beatus cum sanctis Angelis fuerit, suo recusans
esse subditus creatori, ac per hoc falsus et fallax, quia pia subiectione
noluit tenere quod naturae est, affectans per superbam elationem simulare
quod non est. Huic sententiae quisquis acquiescit, non cum Manichaeis sapit,
ut suam quamdam propriam, tamquam ex adverso quodam principio, Diabolus
habeat naturam mali; qui tanta vanitate desipiunt, ut non attendant non
dixisse dominum : a veritate alienus fuit; sed in veritate non stetit; ubi a
veritate lapsum intelligi voluit. Illud etiam quod ait Ioannes : ab initio
Diabolus peccat, hoc intelligunt, si naturale est, nullo modo esse peccatum.
Sed quid respondetur propheticis testimoniis? Sive quod ait Isaias sub
figurata persona principis Babyloniae Diabolum notans : quomodo cecidit
Lucifer, qui mane oriebatur? Sive quod Ezechiel : in deliciis Paradisi Dei
fuisti : quae si aliter convenientius intelligi nequeunt, oportet ut quod
dictum est, in veritate non stetit, sic accipiamus, quod in veritate fuerit,
sed non permanserit; et illud quod ab initio Diabolus peccat, non ab initio
ex quo creatus est, peccare putandus est, sed ab initio peccati : coepit enim
in ipso peccatum, et ipse initium peccati fuit. Origenes. Est autem
uniforme quidem in veritate morari : varium autem ac multiforme, non morari
in ea : quibusdam, ut ita dicam, trementibus gressibus et nitentibus sistere
in eo, non tamen obtinere valentibus; quibusdam vero non passis illud, sed in
periculo consistentibus, secundum illud : mihi autem paulisper commoti sunt
pedes, et ceteris ab ea cadentibus. Causa igitur cur Diabolus veritatem non
colat, subditur quia veritas non est in eo : scilicet quod vana suspicatur et
seductus est ipse a seipso : in hoc deterior, quod illi quidem ab eo
falluntur, is autem sibi ipsi deceptionis auctor existit. Sed oportet
investigare quomodo dicitur, quod veritas in ipso non est : utrum quia nullam
unquam veram habet doctrinam, sed cuncta quae opinatur, falsa sunt; vel quia
Christi particeps non est, qui dixit : ego sum veritas. Impossibile autem est
aliquam rationalem substantiam de cunctis opinari falso, et de nullo vel
exiliter rectitudinem conspicere. Diabolus igitur saltem id vere capit dogma,
considerando de se quod rationalis est. Non igitur eius natura consistit ex
contrario veritatis, idest ex errore et ignavia : nunquam enim veritatem
cognoscere posset. Augustinus de Civ. Dei. Vel cum dicit quia veritas
in eo non est, subiecit indicium, quasi quaesissemus unde ostendatur quod in
veritate non steterit, atque quia veritas non est in eo. Esset autem in eo,
si in ipsa stetisset. Sequitur cum loquitur mendacium, ex propriis loquitur,
quia mendax est et pater eius. Augustinus in Ioannem. In his verbis
quidam Diabolum putaverunt patrem habere, et quaesierunt quis esset Diaboli
pater. Hic est error Manichaeorum. Diabolum autem dominus dixit patrem
mendacii : non enim omnis qui mentitur, pater mendacii sui est : si enim ab
alio mendacium accepisti et dixisti, tu quidem mentitus es, sed pater
mendacii non es. Ille vero, quia non aliunde accepit mendacium, quo mendacio
tamquam veneno serpens hominem occideret, pater est mendacii, sicut Deus
pater est veritatis. Theophylactus. Is enim et Deum apud homines
criminatus est, ad Evam dicens : quoniam invidens vobis, lignum inhibuit : et
apud Deum quondam criminatus est homines, ut cum dixit : an gratis colit Iob
dominum? Origenes. Attende tamen, quod hoc nomen mendax dicitur tam de
Diabolo, qui mendacium genuit, sicut hic dicitur quia mendax est, quam de
homine, secundum illud : omnis homo mendax. Nam si quis mendax non est,
huiusmodi non est homo tantum; ita quod ei et similibus dici potest : ego
dixi : dii estis. Unde, cum aliquis loquitur mendacium, de propriis loquitur.
Spiritus autem sanctus loquitur a verbo veritatis et sapientiae, secundum
illud : de meo accipiet, et annuntiabit vobis. Augustinus de quaest. Nov.
et Vet. Testam. Vel aliter. Diabolus non speciale nomen est, sed commune.
In quocumque enim opera Diaboli fuerint inventa, Diabolus est appellandus :
operis enim nomen est, non naturae. Itaque hoc in loco patrem Iudaeorum Cain
significat, cuius imitatores volentes esse Iudaei, salvatorem peremerunt; ab
ipso enim forma data est fratricidii, quem dixit mendacium de propriis loqui,
ut ostenderet unumquemque non nisi propria voluntate peccare. Sed quia Cain
imitator Diaboli est, patrem eius Diabolum dixit, cuius opera secutus est.
Alcuinus. Sed quia dominus veritas est et filius veracis Dei, veritatem
dicit; sed Iudaei, qui filii erant Diaboli, aversi erant a veritate; et hoc
est quod sequitur ego autem quia veritatem dico vobis, non creditis mihi.
Origenes in Ioannem. Sed quomodo hoc dicitur Iudaeis, qui in eum
crediderant? Sed considera, quod potest aliquis secundum aliquam intentionem
credere, secundum aliam vero non credere : sicut qui credunt in unum qui sub
Pontio Pilato crucifixus est, non autem credunt in natum de Maria virgine, in
eumdem credunt et non credunt. Sic igitur hi ad quos loquebatur credebant in
eum, secundum quod videbatur signorum factor, non credebant autem his quae
profunde ab eo dicebantur. Chrysostomus in Ioannem. Quia igitur
inimici estis veritatis, in nullo me incusantes vultis me interficere; et
ideo subditur quis ex vobis arguet me de peccato? Theophylactus. Quasi
dicat : si Dei filii estis, utique peccantes debetis habere odio. Si ergo me
quoque, quem exosum habetis, non potestis arguere de peccato; manifestum est
quod propter veritatem me odio habetis; quoniam scilicet dicebat se filium Dei.
Origenes in Ioannem. Habet autem hoc verbum Christi magnam fiduciam; cum
nullus hominum fiducialiter hoc dicere potuerit nisi solus dominus noster,
qui peccatum non fecit. Gregorius in Evang. Pensate autem
mansuetudinem Dei. Non dedignatur ex ratione ostendere se peccatorem non
esse, qui ex virtute divinitatis poterat peccatores iustificare; unde subdit
qui est ex Deo, verba Dei audit : propterea vos non audistis, quia ex Deo non
estis. Augustinus in Ioannem. Noli attendere naturam, sed vitium. Sunt
isti ex Deo, et non sunt ex Deo : natura ex Deo, vitium non ex Deo. Eis autem
hoc dictum est qui non solum peccato vitiosi erant, nam hoc commune erat
omnibus, sed etiam praecogniti quod non erant credituri ea fide qua possent a
peccatorum obligatione liberari. Gregorius. Interroget se ergo
unusquisque, si verba Dei aure cordis percipit, et intelliget unde sit. Nam
sunt nonnulli qui praecepta Dei nec aure corporis percipere dignantur; et
sunt nonnulli qui haec quidem corporis aure percipiunt, sed nullo ea mentis
desiderio complectuntur; et sunt nonnulli qui libenter verba Dei suscipiunt,
ita ut etiam in fletibus compungantur; sed post lacrymarum tempus ad
iniquitatem redeunt; hi profecto verba Dei non audiunt, quia haec exercere in
opere contemnunt. Lectio 12 [86068] Catena in Io., cap. 8 l. 12 Chrysostomus
in Ioannem. Cum aliquid altum dominus diceret, hoc apud Iudaeos, qui valde
insensibiles erant, insania videbatur, ut ex eorum responsione colligitur;
dicitur enim responderunt ergo Iudaei, et dixerunt ei : nonne bene dicimus
nos, quia Samaritanus es tu, et Daemonium habes? Origenes in Ioannem. Sed
dignum est quaerere quomodo, cum Samaritani saecula futura denegent, nec
animae durabilitatem acceptent, ausi sunt Samaritanum dicere salvatorem, qui
de resurrectione et iudicio tot et tanta edocuit. Sed forsan velut
improperantes illi hoc dicunt, dum quae sentiunt ipsi non docet.
Alcuinus. Samaritani enim gens odiosa Israelitico populo, decem tribubus
in captivitatem ductis, terram eorum possidebant. Origenes. Convenit
quoque quod aliqui de eo arbitrentur quod secundum Samaritanos sentiret, ut
nihil post obitum reservetur hominibus, sed ficte ad placendum Iudaeis, de
resurrectione et aeterna vita tractaret. Daemonium vero illum habere dicebant
propter eius sermones transcendentes capacitatem humanam, quibus Deum patrem
suum asserebat, et se de caelo descendisse, et cetera huiusmodi; vel propter
suspicionem eorum, quia plures in Beelzebub principe Daemoniorum opinabantur
ipsum eicere Daemones. Theophylactus. Vel Samaritanum illum dicebant,
tamquam ritus Hebraicos dissolventem, utpote sabbati; Samaritani enim non
perfecte iudaizabant. Ex hoc vero quod eorum cogitationes revelabat,
Daemonium ipsum habere suspicabantur. Quando vero eum Samaritanum dixerunt,
nusquam Evangelista dicit : ex quo palam est quod multa praetermiserunt
Evangelistae. Gregorius in Evang. Ecce iniuriam suspiciens Deus, non
contumeliosa verba respondet; sequitur enim respondit Iesus, et dixit : ego
Daemonium non habeo. Ex qua re quid nobis innuitur, nisi ut eo tempore cum a
proximis ex falsitate contumelias accipimus, eorum etiam vera taceamus mala,
ne ministerium iustae correptionis in arma vertatur furoris?
Chrysostomus. Et attendendum, quod ubi eos docere oportebat et eorum
superbiam subtrahere, asper erat : ubi vero exprobratum eum oportebat
sufferre, multa mansuetudine utebatur; erudiens nos, quae quidem ad Deum
vindicare, quae vero ad nos despicere. Augustinus in Ioannem. Et ut
homo prius eius imitetur patientiam, ut perveniat ad potentiam. Sed quamvis
maledictus maledicta non redderet, pertinuit tamen ad eum negare. Duo autem
sibi fuerant obiecta : Samaritanus es, et Daemonium habes. Non dixit : non
sum Samaritanus; Samaritanus enim interpretatur custos; noverat autem ille se
nostrum esse custodem; non enim pertinuit ad eum ut redimeremur, et non
pertinet ut servemur. Denique ipse est Samaritanus, qui accessit ad saucium,
et misericordiam impendit. Origenes. Aliter quoque dominus magis quam
Paulus omnibus omnia fieri voluit, ut omnes nanciscatur; et ideo se non
negavit esse Samaritanum. Aestimo autem solius Iesu fore vocem ego Daemonium
non habeo etc., sicut et illud : venit princeps mundi huius, et in me non
habet quidquam; quia etiam quae delictorum reputata sunt minima, Daemonibus
adaptantur. Augustinus. Deinde post tale convicium hoc solum dixit de
gloria sua : sed honorifico patrem meum; quasi dicat : ne vobis arrogans
videar, habeo quem honorificem. Theophylactus. Honorificavit autem
patrem, ulciscens eum, et non tolerans homicidas et mendaces se Dei veraces
filios appellare. Origenes. Solus autem Christus verissime veneratus
est patrem : nullus enim honorans quidquam ex his quae non honorantur a Deo,
honorat Deum. Gregorius. Sed quia quisquis Dei zelo utitur, a pravis
hominibus dehonestatur, in semetipso nobis dominus patientiae praebuit
exemplum, qui ait et vos inhonorastis me. Augustinus. Quasi dicat :
ego facio quod debeo, vos non facitis quod debetis. Origenes. Non
autem illis solum hoc dictum est, sed et omnibus iniuste agentibus qui
iniuriam inferunt Christo, qui est iustitia; et inferentibus contumeliam
sapientiae, eo quod Christus est sapientia, et similiter de aliis huiusmodi.
Gregorius. Sed quid nobis contra iniurias faciendum sit, suo exemplo nos
admonet, cum subiungit ego autem gloriam meam non quaero : est qui quaerat et
iudicet. Chrysostomus in Ioannem. Quasi dicat : ex honore quem ad
patrem habeo, haec locutus sum vobis, et propter hoc dehonoratis me; sed
nulla est mihi cura huius contumeliae : illi enim noxas debetis propter quem
haec audio. Origenes in Ioannem. Quaerit autem Deus gloriam Christi in
quolibet suscipientium illum, quam quidem reperiret in operantibus secundum
insitas virtutis causas. Cum autem non repererit, punit illos in quibus non
reperit gloriam filii sui; unde dicit est qui quaerat, et iudicet.
Augustinus in Ioannem. Quem autem vult intelligi nisi patrem? Quomodo ergo
alio loco dicit : pater non iudicat quemquam; sed omne iudicium dedit filio?
Sed videte, quod iudicium quandoque pro damnatione accipitur : hic autem
secundum discretionem positum est; quasi dicat : est pater qui gloriam meam a
vestra discernat : vos enim secundum hoc saeculum gloriamini, ego non
secundum hoc saeculum. Discernit etiam gloriam filii sui a gloria omnium
hominum : non enim quia homo factus est, iam comparandus est nobis. Nos
homines cum peccato, ille sine peccato, et hoc secundum ipsam formam servi;
nam illud quis digne loquatur : in principio erat verbum? Augustinus. Vel
aliter. Si vere dictum est a salvatore : omnia mea tua sunt, palam est
quoniam et ipsum iudicium filii, patris est. Gregorius in Evang. Cum
vero malorum perversitas crescit, non solum frangi praedicatio non debet, sed
etiam augeri; unde dominus postquam Daemonium habere dictus est,
praedicationis suae beneficia largius impendit, dicens : amen, amen, dico
vobis : si quis sermonem meum servaverit, mortem non videbit in aeternum.
Augustinus. Videbit dictum est pro eo quod est experietur. Cum ergo
morituris moriturus loqueretur, quid sibi vult quod ait qui sermonem meum
servaverit, mortem non videbit in aeternum, nisi quia videbit aliam mortem,
de qua nos liberare venerat, mortem aeternam, mortem damnationis cum Diabolo
et Angelis eius? Ipsa est vera mors, nam ista migratio est. Origenes. Sic
igitur intelligendum est si quis sermonem meum servaverit, mortem non videbit
in aeternum, ac si diceret : si quis lucem meam custodierit, tenebras non
videbit. Quod autem dicit in aeternum, communiter est sumendum, ut sit talis
intellectus : si quis sermonem meum servaverit in aeternum, mortem non
videbit in aeternum : quia eousque non videt aliquis mortem, quousque Iesu
verbum custodit. Cum vero quis torpens in observantia sermonis, et circa sui
custodiam negligens factus, eum cessat custodire, subinde mortem videt, non
apud alium quam apud seipsum. Sic igitur a salvatore instructi, prophetae
quaerenti : quis est homo qui vivet, et non videbit mortem? Respondere
possumus : qui custodit verbum Christi. Chrysostomus. Servaverit autem
dicit non solum fide, sed etiam per vitam puram. Simul autem et occulte
insinuat quoniam nihil possunt ei facere. Si enim qui sermonem eius servabit,
non morietur in aeternum, multo magis et ipse non potest mori. Lectio 13 [86069] Catena in Io., cap. 8 l. 13 Gregorius in
Evang. Sicut bonis necesse est ut meliores etiam per contumelias existant,
ita semper reprobi de beneficio peiores fiunt : nam accepta praedicatione,
iterum Iudaei blasphemant; dicitur enim dixerunt ergo Iudaei : nunc
cognovimus quia Daemonium habes. Origenes in Ioannem. Hi qui sacris
Scripturis credunt, comprehendunt quod quae praeter rectam rationem ab
hominibus exercentur, non praeter Daemones fiunt. Sic igitur Iudaei virtute
Daemonis putabant Iesum dixisse : si quis sermonem meum servaverit, mortem
non videbit in aeternum. Hoc autem passi sunt quia Dei virtutem non
perspexerunt : nam hic de morte quadam inimica rationi, qua pereunt
delinquentes, hoc fassus est; hi vero de communi morte coniectantes esse quod
dicitur, increpant dicentem, quasi defuncto Abraham et prophetis; unde
subditur Abraham mortuus est et prophetae, et tu dicis : si quis sermonem
meum servaverit, mortem non gustabit in aeternum. Cum aliqua differentia sit
inter mortem gustare et videre, pro eo quod mortem non videbit, mortem non
gustabit protulerunt, velut incauti auditores confundentes dominicum
sermonem. Sicut enim dominus inquantum panis vivus est, gustabilis est; in eo
vero quod est sapientia, est visibilis pulchritudinis : sic etiam adversaria
eius mors et gustabilis est et visibilis. Cum ergo quis steterit per Iesum in
intellectuali loco, mortem non gustabit, si statum servat, secundum illud
Matth. 16, 28 : sunt de hic stantibus qui non gustabunt mortem. Cum autem
aliquis sermonem Christi acceperit et custodierit, mortem non videbit.
Chrysostomus in Ioannem. Rursus autem ex inani gloria ad cognationem
confugiunt; unde sequitur numquid tu maior es patre nostro Abraham, qui
mortuus est? Poterant etiam dicere : numquid tu maior es Deo, cuius sermonem
qui audierunt mortui sunt? Sed non dicunt hoc, quia etiam quam Abraham
minorem eum aestimabant. Origenes. Non enim discernunt, quia non solum
Abraham, sed etiam quolibet nato ex muliere, qui natus est ex virgine maior
est. Nec verum dicebant Iudaei Abraham mortuus est : audivit enim verbum
Christi, atque servavit. Et huiusmodi simile dices de prophetis, de quibus
subdunt et prophetae mortui sunt : nam et verbum filii Dei custodierunt, cum
verbum domini factum fuerit ad Osee, vel Isaiam, vel Ieremiam; quod si quis
alius custodivit, ipsi prophetae custodierunt. Mendacium ergo dicunt et in
hoc : scimus quia Daemonium habes, et in hoc : Abraham mortuus est et
prophetae. Gregorius. Quia enim aeternae morti inhaeserant, et eamdem
mortem cui inhaeserant, non videbant, cum solam mortem carnis aspicerent, in
veritatis sermone caligabant. Subdunt autem quem teipsum facis?
Theophylactus. Quasi dicant : tu, qui nulla cura dignus es, carpentarii
filius de Galilaea, tibi subripis gloriam. Beda. Quem teipsum facis?
Hoc est, cuius meriti cuiusve dignitatis vis credi? Abraham tamen mortuus
erat corpore, anima autem vivebat. Maior autem est mors animae in aeternum
victurae, quam corporis quandoque morituri. Origenes. Caecutientium
autem fuit haec prolatio : quoniam non se fecit Iesus id quod est, sed ex
patre recepit; unde sequitur respondit Iesus : si ego glorifico meipsum,
gloria mea nihil est. Chrysostomus in Ioannem. Hoc quantum ad eorum
suspicionem dixit, sicut et supra : testimonium meum non est verum, si
testimonium perhibeo de meipso. Beda. His autem verbis nihil esse
ostendit gloriam vitae praesentis. Augustinus in Ioannem. Dixit autem
hoc propter illud quod dixerant quem teipsum facis? Refert enim gloriam suam
ad patrem, de quo est; unde subdit est pater meus qui glorificat me. De isto
verbo calumniantur Ariani fidei nostrae, et dicunt : ecce maior est pater,
quia glorificat filium. Haeretici, non legistis et ipsum filium dicentem,
quod glorificet patrem suum? Alcuinus. Glorificavit autem pater
filium, cum tempore Baptismi et in monte, et tempore passionis coram turbis
vox facta est ad eum, et post passionem eum resuscitavit, et collocavit eum
ad dexteram suae maiestatis. Chrysostomus. Addidit autem quem vos
dicitis quia Deus vester est : volebat enim ostendere quoniam non solum
patrem eum nesciebant, sed neque Deum. Theophylactus. Nam si vere patrem
cognoscerent, filium eius venerarentur. Deum etiam contemnunt, qui homicidium
in lege prohibuit, adversus Christum clamantes; unde subdit et non
cognovistis eum. Alcuinus. Quasi dicat : vos carnaliter illum Deum
vestrum vocatis; pro temporalibus ei servitis : et non cognovistis eum, sicut
intelligendus est; spiritualiter ei servire nescitis. Augustinus. Quidam
haeretici dicunt Deum annuntiatum in veteri testamento non esse patrem
Christi, sed nescio quem principem malorum Angelorum. Contra ipsos ergo dicit
patrem suum quem illi dicebant Deum suum, et non cognoverunt : si enim ipsum
cognovissent, eius filium recepissent. De se autem subdit ego autem novi eum.
Secundum carnem iudicantibus potuit et hic arrogans videri; sed arrogantia
non ita caveatur ut veritas relinquatur; propter quod subdit et si dixero
quia non scio eum, ero similis vobis mendax. Chrysostomus. Quasi dicat
: sicut vos dicentes scire eum, mentimini, ita ego si dixero me nescire. Sed
maxima demonstratio est, quod ab illo sit missus, hoc quod sequitur sed scio
eum. Theophylactus. Naturaliter ipsius cognitionem obtinens; qualis
enim ego sum, talis et pater, quoniam ego meipsum cognosco, et illum
cognosco. Praebet autem indicium quod ipsum cognoscat cum subdit et sermonem
eius servo, sermonem mandata nuncupans. Quidam autem sic intelligunt hoc quod
dicitur sermonem eius servo : idest rationem substantiae eius : eadem enim
est ratio substantiae patris et filii : ideoque patrem cognosco : nam et pro
quoniam sumitur, ut sit sensus : quoniam eius sermonem servo. Augustinus.
Sermonem etiam patris tamquam filius loquebatur; et ipse erat verbum
patris, quod hominibus loquebatur. Chrysostomus. Et quia dixerant :
numquid tu maior es patre nostro Abraham? Nihil de morte exponens, se maiorem
quam Abraham esse ostendit consequenter, cum subdit Abraham pater vester
exultavit ut videret diem meum : vidit et gavisus est, scilicet propter
beneficium quod a me habet, ut a maiore. Theophylactus. Quasi dicat :
diem meum desiderabilem habuit et laetitiae plenum, non quasi alicuius minimi
aut fortuiti. Augustinus. Non timuit, sed exultavit ut videret :
credens utique exultavit sperando, ut videret intelligendo diem meum.
Incertum autem potest esse utrum dixerit temporalem diem domini, quo erat
venturus in carne, an diem domini qui nescit ortum, nescit occasum. Sed ego
non dubito patrem Abraham totum scisse : ait enim servo suo quem mittebat :
pone manum sub femore meo, et iura mihi per Deum caeli. Ergo quae fuit illa
iuratio, nisi quia significabatur de genere Abrahae venturum in carne Deum
caeli? Gregorius in Evang. Tunc etiam diem domini Abraham vidit, cum
in figura summae Trinitatis tres Angelos hospitio suscepit. Chrysostomus
in Ioannem. Vel diem suum dicit diem crucis, quem Abraham in oblatione
arietis et Isaac praefiguravit; per hoc ostendens quod non invitus ad
passionem venit, et ostendens eos esse alienos ab Abraham, si in quibus ille
exultavit, hi dolent. Augustinus. Quale autem gaudium fuit cordis
videntis verbum manens, splendorem piis mentibus refulgentem, apud patrem
manentem Deum, et aliquando in carne venturum, non de patris gremio
recessurum. Lectio 14 [86070] Catena in Io., cap. 8 l. 14 Gregorius
in Evang. Carnales mentes Iudaeorum audientium verba Christi, oculos a carne non
sublevant, dum in eo solam carnis aetatem pensant; unde dicitur dixerunt ergo
Iudaei ad eum : quinquaginta annos nondum habes, et Abraham vidisti? Quasi
dicerent : multa sunt annorum curricula, ex quo Abraham mortuus est, et
quomodo vidit diem tuum? Carnaliter enim hoc intellexerunt. Theophylactus.
Tunc autem triginta trium annorum Christus erat : quare ergo non dixerunt
: quadraginta annos nondum habes, sed quinquaginta? Supervacua est huiusmodi
quaestio : simpliciter enim prout eis occurrit dixerunt. Respondent tamen
quidam quod per quinquagesimum annum ex reverentia iubilaeum nominant, in quo
et captivos manumittebant et emptitiis possessionibus cedebant.
Gregorius. Quos benigne redemptor noster a carnis suae intuitu submovet,
et ad divinitatis contemplationem trahit; unde sequitur dixit ergo eis Iesus
: amen, amen, dico vobis : antequam Abraham fieret, ego sum. Ante enim
praeteriti temporis est, sum vero praesentis; et quia praeteritum et futurum
tempus divinitas non habet, sed semper esse habet, non ait : ante Abraham ego
fui, sed ante Abraham ego sum : secundum illud : ego sum qui sum. Ante ergo
vel post Abraham habuit esse, qui et accedere potuit per exhibitionem
praesentiae, et recedere per cursum vitae. Augustinus in Ioannem. Quia
vero creatura est Abraham, non dixit : antequam Abraham esset, sed antequam
fieret; neque dixit : ego factus sum : nam in principio erat verbum.
Gregorius. Sed sustinere ista aeternitatis verba mentes infidelium non
valentes, quem intelligere non poterant, obruere quaerebant; unde sequitur
tulerunt ergo lapides Iudaei, ut iacerent in eum. Augustinus. Tanta
duritia quo curreret, nisi ad similes, scilicet lapides? Quia vero postquam
cuncta quae ad eum spectabant, docendo perfecerat, hi lapides iniciunt,
deserit eos quasi correctionem non suscipientes; unde subditur Iesus autem
abscondit se, et exivit de templo. Non autem abscondit se in angulo templi
quasi timens, aut in domunculam fugiens, vel post murum aut columnam
divertens; sed caelica potestate invisibilem insidiantibus se constituens,
per medium illorum exivit. Iesus autem abscondit se, et exivit de templo.
Gregorius. Qui si divinitatis suae potentiam exercere voluisset, tacito
nutu mentis suae in suis eos actibus ligaret, aut in poenas subitae mortis
obrueret. Sed qui pati venerat, exercere iudicium nolebat. Augustinus. Magis
enim erat commendanda sapientia, quam exercenda potentia. Alcuinus. Ideo
etiam fugit quia nondum venerat hora passionis, et quia ipse non elegerat hoc
genus mortis. Augustinus. Ergo tamquam homo a lapidibus fugit; sed vae
illis a quorum lapideis cordibus fugit Deus. Beda. Mystice autem quot
malas cogitationes quis assumit, quasi tot lapides in Iesum mittit; ac deinde
quantum ad se pertinet, si ad deliberationem transit, Iesum extinguit.
Gregorius. Quid autem abscondendo se dominus significat, nisi quod eis
ipsa veritas absconditur qui eius verba sequi contemnunt? Eam quippe quam non
invenit humilem, veritas fugit mentem. Quid autem nobis hoc exemplo loquitur,
nisi ut etiam cum resistere possumus, iram superbientium humiliter declinemus? |
CHAPITRE VIII
Versets l-11.
Alcuin : (1) Notre-Seigneur, aux approches de sa
passion, avait coutume de passer le jour dans le temple de Jérusalem pour y
prêcher la parole de Dieu et y opérer dos miracles en prouve de sa divinité;
il retournait le soir à Béthanie où il demeurait chez les sœurs de Lazare, et
le lendemain il revenait à Jérusalem pour y recommencer les mêmes œuvres.
C'est d'après cette coutume qu'après avoir enseigné tout le jour dans le
temple le dernier jour de la fête des Tabernacles, nous le voyons se retirer
le soir sur le mont des Oliviers, selon la remarque de l'Evangéliste. — S. Augustin : (Traité 33 sur
S. Jean). Où convenait-il que le Christ enseignât, si ce n'est sur le
mont des Oliviers, sur lu montagne des parfums, sur la montagne de l'onction
? En effet, le nom de Christ vient d'onction, et le mot grec
χρίμα chrême veut dire en latin unctio onction.
Or, Dieu nous a donné cette onction pour faire de nous de forts lutteurs
contre le démon. — Alcuin : L'onction
procure du soulagement aux membres fatigués et souffrants. Le mont des
Oliviers signifie aussi la sublimité de la bonté du Sauveur, parce que le mot
grec έλεος veut dire en latin misericordia, miséricorde.
La nature de l'huile se prête parfaitement à cette signification mystérieuse,
car elle surnage au-dessus de tous les antres liquides, et comme le chante le
Psalmiste : Ses miséricordes sont au-dessus de toutes ses oeuvres : « Et dès
le point du jour il retourna dans le temple, » pour nous donner un symbole de
sa miséricorde qu'il faisait éclater aux yeux des fidèles, concurremment avec
la lumière naissante du Nouveau Testament. En effet, en revenant au point du
jour, il annonçait l'aurore de la grâce de la loi nouvelle. S. Bède : Il voulait encore signifier que dès qu'il
commença d'habiter par sa grâce dans son temple, c'est-à-dire dans son
Eglise, la foi en lui trouva des adhérents dans toutes les nations : « Et
tout le peuple vint à lui, dit l'Evangéliste, et s'étant assis, il les
enseignait. » — Alcuin : L'action
de s'asseoir signifie l'humilité de l'incarnation. Lors donc que Je Seigneur
fut assis, le peuple vint à lui, parce qu'en effet, lorsqu'il se fut rendu
visible par son incarnation, un grand nombre commencèrent à écouter ses
enseignements et à croire en celui que son humanité rapprochait d'eux. Mais
tandis que les simples et les humbles sont dans l'admiration des paroles du
Sauveur, les scribes et les pharisiens lui font des questions, non pour
s'instruire, mais pour tendre des pièges à la vérité : « Alors les scribes et
les pharisiens lui amenèrent une femme surprise en adultère, et ils la
placèrent au milieu de la foule, et ils lui dirent : Maître, celte femme
vient d'être surprise en adultère. » — S.
Augustin : (Traité 33). Ils avaient remarqué l'excessive douceur du
Sauveur, car c'est de lui que le Roi-prophète avait prédit : « Avancez-vous,
soyez heureux, et établissez votre règne par la vérité, parla douceur et par
la justice. » (Ps 44, 5) Il nous a donc apporté la vérité comme
docteur, la douceur comme notre libérateur, et la justice comme celui qui
connaît tout. Lorsqu'il ouvrait la bouche, la vérité éclatait dans ses
paroles; on admirait sa douceur dans le calme et la modération qu'il gardait
vis-à-vis de ses ennemis, ils cherchent donc à lui tendre un piège sur le
troisième point, celui de la justice. Voilà, en effet, ce qu'ils se dirent
entre eux : S'il déclare qu'il faut renvoyer cette femme, il n'observera pas
les prescriptions de la justice; car la loi ne pouvait commander de faire
quelque chose d'injuste; aussi ont-ils soin d'apporter le témoignage de la
loi : « Or, Moïse, dans la loi, nous a ordonné de lapider les adultères. »
Mais Jésus, pour ne point perdre la réputation de douceur qui l'a rendu
aimable au peuple, déclarera qu'il faut la renvoyer sans la punir. Ils lui
demandent son avis sur ce point : « Vous donc que dites-vous ? » En agissant
de la sorte, se disaient-ils, nous trouverons l'occasion de l'accuser, et
nous le traduirons comme coupable et prévaricateur de la loi. C'est la
réflexion que fait l'Evangéliste : « C'était pour le tenter qu'ils
l'interrogeaient ainsi, afin de pouvoir l'accuser. » Mais le Seigneur, dans la réponse qu'il leur fait, restera fidèle à
la justice, sans s'écarter de sa douceur habituelle : « Mais Jésus, se
baissant, écrivait du doigt sur la terre. » — S. Augustin : (de l'acc. Des Evang., 4, 18). Il signifiait
ainsi que le nom de ces hommes ne serait pas écrit dans le ciel, où ses
disciples devaient se réjouir de voir leurs noms écrits; ou bien, il voulait
montrer que c'est en s'humiliant (comme l'indiquait l'action de se baisser),
qu'il opérait des miracles sur la terre; ou bien enfin, il voulait enseigner
que le temps était venu d'écrire la loi, non plus sur une pierre stérile,
mais sur une terre qui pourrait produire des fruits. — Alcuin : La terre est en effet le symbole du cœur humain qui
produit ordinairement le fruit des bonnes et des mauvaises actions; le doigt
qui doit sa souplesse à la flexibilité des articulations, figure la subtilité
du discernement. Jésus nous apprend donc à ne pas condamner aussitôt et avec
précipitation le mal que nous pouvons apercevoir dans nos frères, mais à
rentrer humblement dans notre conscience, et à l'examiner à fond et avec le
plus grand soin, comme avec le doigt du discernement. — S. Bède : Quant au sens qu'on peut appeler historique, Jésus, en
écrivant de son doigt sur la terre, prouvait que c'était lui qui avait
autrefois écrit la loi sur la pierre. « Comme ils continuaient à l'interroger, il se redressa. » — S. Augustin : (Traité 34). Il
ne leur dit pas : Elle ne doit pas être lapidée, pour ne pas se mettre en
opposition avec la loi; encore moins leur dit-il : Qu'elle soit lapidée, car
il n'est point venu perdre ce qu'il avait trouvé, mais chercher ce qui avait
péri. Quelle est donc sa réponse ? « Que celui de vous qui est sans péché,
jette le premier la pierre contre elle. » C'est la voix de la justice
elle-même : Que la pécheresse soit punie, mais non point par les pécheurs,
que la loi soit exécutée, mais non par les prévaricateurs de la loi. — S. Grégoire : (Moral., 14, 13
ou 15). Celui qui ne commence point par se juger tout d'abord, est incapable
de porter un jugement juste sur les autres; malgré les renseignements
extérieurs qu'il peut recueillir, il ne peut apprécier avec, équité le mérite
des actions du prochain, si la conscience de son innocence personnelle ne lui
donne pas une règle sûre de jugement. S. Augustin : (Traité 34). Après les avoir ainsi percés du trait de la
justice, le Sauveur ne daigne même pas jeter un regard sur leur humiliation,
il détourne les yeux : « Et se baissant de nouveau, il écrivait sur la terre.
» — Alcuin : On peut dire encore
que le Sauveur, comme cela arrive souvent, paraissait faire une chose, tout
en fixant son attention sur une autre, pour leur laisser la liberté de se
retirer. Il nous apprend on même temps d'une manière figurée qu'avant de
reprendre nos frères de leurs fautes, comme après avoir rempli le devoir de
la correction, nous devons examiner sérieusement si nous ne sommes pas
coupables des mêmes fautes ou d'autres semblables. — S. Augustin : (Traité 34). Frappés tous par la voix de la
justice comme par un trait perçant et se reconnaissant coupables, ils se
retirèrent les uns après les autres : « Ayant entendu cette parole, ils s'en
allèrent l'un après l'autre, à commencer par les plus anciens. » — La Glose : C'étaient peut-être les
plus coupables, ou du moins ceux qui connaissaient plus leurs crimes. S. Augustin : (Traité 34). Ils restèrent deux, la misère et la
miséricorde, c'est-à-dire qu'il ne resta que Jésus et la femme qui était au
milieu de la foule. Cette femme, je le suppose, fut saisie d'effroi, elle
pouvait craindre d'être punie par celui qu'il lui était impossible de
convaincre de péché. Mais ce bon Sauveur qui avait confondu ses ennemis par
le langage de la justice, leva sur elle les yeux de la douceur et lui fit une
question : « Alors, Jésus, se relevant, lui dit : Femme, où sont ceux qui
vous accusaient ? Personne ne vous a condamnée ? Elle répondit : Personne,
Seigneur. » Nous avons entendu la voix de la justice, entendons maintenant la
voix de la douceur : « Et Jésus lui dit : Ni moi non plus je ne vous
condamnerai, » bien que vous ayez pu le craindre, parce que vous n'avez pas
trouvé de péché en moi. Quelle est donc, cette conduite, Seigneur ? Vous vous
montrez favorable au péché ? Non, assurément. Ecoutez ce qui suit : « Allez,
et ne péchez plus. » Vous le voyez donc, le Seigneur condamne le péché, mais
il ne condamne pas l'homme; s'il favorisait le péché, il aurait dit à cette
femme : Allez et vivez comme vous l'entendez. Soyez assurée que je serai
votre libérateur, quelque énormes que soient vos crimes, je vous délivrerai
de l'enfer et de ses supplices, mais tel n'est point son langage. Que ceux
qui aiment dans le Seigneur la douceur et craignent la vérité, pèsent avec
attention ces paroles : « Car le Seigneur est plein de douceur et de
droiture. » (Ps 24) Versets 12.
Alcuin : Le pardon que Notre Seigneur venait
d'accorder à cette femme, pouvait faire naître dans l'esprit de ceux qui ne
voyaient en lui qu'un homme le doute qu'il pût remettre les péchés, aussi
croit-il devoir mettre dans un plus grand jour sa puissance divine : « Jésus
leur parla de nouveau, disant : Je suis la lumière du monde. » — S. Bède : Remarquez qu'il ne dit pas
: Je suis la lumière des anges, ou la lumière du ciel, mais : « La lumière du
monde, » c'est-à-dire des hommes qui demeurent dans les ténèbres, selon cette
prophétie de Zacharie dans saint Luc : « Pour éclairer ceux qui sont assis
dans les ténèbres et dans l'ombre de la mort. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 52 sur S. Jean). Ou
bien encore, comme ils avaient toujours à la bouche la Galilée, et qu'ils
doutaient s'il n'était pas un prophète, il veut leur prouver qu'il n'est pas
un des prophètes, mais qu'il est le maître de l'univers entier : « Jésus leur
parla de nouveau, disant : Je suis la lumière du monde, » et non pas
seulement la lumière de la Galilée, de la Palestine, de la Judée. S. Augustin : (Traité 34). Les Manichéens ont cru que le soleil qui
éclaire les yeux de notre corps était Notre Seigneur Jésus-Christ; mais
l'Eglise catholique condamne cette interprétation, car Notre Seigneur Jésus-Christ
n'est point ce soleil qui a été créé, mais celui par lequel le soleil a été
créé. Toutes choses, en effet, ont été faites par lui, et cette lumière qui a
créé le soleil s'est faite visible pour nous sous le soleil, elle s'est
couverte de la chair comme d'un nuage, non pour obscurcir, mais pour tempérer
son éclat, c'est donc en parlant à travers le nuage de la chair, que la
lumière indéfectible, la lumière delà sagesse a dit aux hommes : « Je suis la
lumière du monde. » — Théophylactus : Vous
pouvez vous servir de ces paroles pour combattre l'erreur de Nestorius.
Nôtre-Seigneur, en effet, n'a pas dit : La lumière du monde est en moi, mais
: « Je suis la lumière du monde; » car celui qui paraissait être un homme
ordinaire, était en même temps le Fils de Dieu et la lumière du monde; et le
Fils de Dieu n'habitait pas seulement dans l'homme, comme le prétendait sans
fondement Nestorius. S. Augustin : (Traité 31). Le Sauveur vous rappelle des yeux du
corps aux yeux du cœur par les paroles qui suivent : « Celui qui me suit ne
marche pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de vie; car il ne lui
suffisait pas de dire : « Il aura la lumière, » mais il ajoute : « De
vie. » Ces paroles du Sauveur s'accordent avec ces autres du psaume 33 : «
Nous verrons la lumière dans votre lumière, parce qu'en vous est une source
de vie. » Dans les choses extérieures qui sont à l'usage du corps, la lumière
est différente de la source. La gorge altérée cherche la source, les yeux
demandent la lumière; mais en Dieu la lumière est la même chose que la
source, Dieu est tout à la fois la lumière qui brille pour vous éclairer, et
la source qui coule pour étancher votre soif. L'effet de la promesse est au
futur, dans les paroles du Sauveur, ce que nous devons faire est au présent :
« Celui qui me suit, aura, » il me suit actuellement par la foi, il me
possédera plus tard dans ma nature. Suivez ce soleil visible, vous irez
nécessairement à l'Occident, où il se dirige lui-même; et quand vous ne
voudriez pas l'abandonner, il vous abandonnera lui-même. Votre Dieu, au
contraire, est tout entier en tout lieu, et il n'aura jamais pour vous de couchant,
si vous n'avez pas pour lui de défaillance. Les ténèbres les plus à craindre
sont celles des mœurs et non les ténèbres des yeux, on du moins ce ne sont
que les ténèbres des yeux intérieurs à l'aide desquels on distingue non le
blanc du noir, mais le juste de l'injuste. — S. Jean Chrysostome : (hom. 52). C'est dans un sens
spirituel qu'il faut entendre ces paroles : « Il ne demeure pas dans les
ténèbres, » c'est-à-dire, il ne demeure pas dans l'erreur. Le Sauveur donne
ici des éloges à Nicodème et aux serviteurs envoyés par les pharisiens,
tandis que pour ces derniers il laisse à entendre qu'ils sont des artisans de
ruses et de fraudes, qu'ils sont dans les ténèbres et dans l'erreur, mais que
cependant ils ne triompheront point de la lumière. Versets 13-18.
S. Jean Chrysostome : (hom. 52 sur S. Jean). Notre Seigneur venait de
déclarer qu'il était la lumière du monde, et que celui qui le suivait ne
marchait pas dans les ténèbres; les Juifs cherchent à détruire l'effet de ces
paroles : « Alors les pharisiens lui dirent : Vous vous rendez témoignage à
vous-même, » etc. — Alcuin : Ils
s'expriment vis-à-vis du Sauveur, comme s'il était le seul à se rendre
témoignage, quoiqu'il fût certain que bien longtemps avant son incarnation,
il s'était fait précéder par un grand nombre de témoins qui prédirent les
mystères de sa vie. S. Jean Chrysostome : (hom. 52). Le Sauveur combat à son tour la raison qu'ils
viennent de lui opposer : « Jésus leur répondit : Bien que je rende
témoignage de moi-même, mon témoignage est vrai. » Parlant de la sorte,
il se conforme à l'opinion des Juifs, qui pensaient qu'il n'était qu'un
homme, et il donne la raison de ce qu'il vient d'avancer : « Parce que je
sais d'où je viens et où je vais, » c'est-à-dire, que je suis de Dieu, Dieu
moi-même, et Fils de Dieu. Il ne s'exprime pas aussi clairement suivant son
habitude de voiler sous un langage plein d'humilité les vérités les plus
élevées. Or, Dieu est pour lui un témoin assez digne de foi. — S. Augustin : (Traité 35 sur
S. Jean). En effet, le témoignage de la lumière est véritable, soit
qu'elle se découvre elle-même, soit qu'elle se répande sur d'autres objets.
Un prophète annonce la vérité, mais à quelle source a-t-il puisé ses oracles
? A la source même de la vérité. Jésus pouvait donc parfaitement se rendre
témoignage à lui-même. Il déclare qu'il sait d'où il vient et où il va, et il
veut parler de son Père, car le Fils rendait gloire au Père qui l'avait
envoyé, à combien plus forte raison l'homme doit-il glorifier le Dieu qui l'a
créé ? Toutefois le Fils de Dieu ne é'est point séparé de son Père en venant
vers nous, de même il ne nous a pas délaissés en retournant vers lui. Qu'y
a-t-il en cela d'étonnant puisqu'il est Dieu ? Au contraire, cela est
impossible à ce soleil visible, qui, lorsqu'il tourne vers l'Occident quitte
nécessairement l'Orient. Or, de même que ce soleil visible répand sa lumière
sur le visage de celui qui a les yeux ouverts et sur celui de l'aveugle, avec
cette différence que l'un la voit et l'autre ne la voit pas : ainsi la
sagesse de Dieu, c'est-à-dire, le Verbe de Dieu, est présent en tous lieux,
même aux yeux des infidèles qui ne peuvent le voir, parce qu'ils n'ont pas
les yeux du cœur. C'est donc pour établir cette différence entre ceux qui lui
sont fidèles et les Juifs ses ennemis, comme entre les ténèbres et la
lumière, que le Sauveur ajoute : « Pour vous, vous ne savez ni d'où je viens
ni où je vais. » Ces Juifs voyaient donc en lui un homme et ne pouvaient
croire qu'il fût Dieu, c'est pourquoi il leur dit encore : « Vous, vous jugez
selon la chair, lorsque vous dites : Vous rendez témoignage de vous-même,
votre témoignage n'est pas véritable. » — Théophylactus : C'est-à-dire, vous me voyez revêtu d'un corps
mortel, vous concluez que je ne suis qu'un homme, et vous ne voulez pas
croire que je suis Dieu, c'est en quoi vous vous trompez en jugeant selon la
chair. — S. Augustin : (Traité 36).
Comme vous ne pouvez comprendre que je sois Dieu, et que vous ne voyez en moi
qu'un homme, vous regardez comme une témérité présomptueuse que je me rende
témoignage à moi-môme, car tout homme qui veut se rendre un témoignage
favorable encourt le soupçon d'orgueil et de présomption. Les hommes sont
faibles de leur nature, ils peuvent dire la vérité, ils peuvent aussi mentir,
mais pour la lumière elle est incapable de mentir. S. Jean Chrysostome : (hom. 52). Ou bien encore, vivre selon la chair, c'est
vivre d'une manière coupable, ainsi juger selon la chair, c'est faire des
jugements injustes. Et comme ils pouvaient lui dire : Si nous jugeons
injustement, pourquoi ne pas démontrer l'injustice de nos jugements, pourquoi
ne pas nous condamner ? Il ajoute : « Moi, je ne juge personne. » — S. Augustin : (Traité 36). Ce
qui peut s'entendre de deux manières : Je ne juge personne actuellement,
comme il dit dans un autre endroit : « Je ne suis pas venu pour juger le
monde, mais pour sauver le monde. » Il ne nie pas le pouvoir qu'il a de
juger, il en diffère l'exercice. Ou bien encore, il venait de leur dire : «
Vous, vous jugez selon la chair, » et il ajoute : « Pour moi, je ne juge
personne, » sous-entendez selon la chair, c'est-à-dire, que Jésus-Christ ne
juge pas comme il a été jugé. Car afin que chacun reconnaisse que le Sauveur
est juge dès maintenant, il ajoute : « Et si je juge, mon jugement est vrai.
» S. Jean Chrysostome : (hom. 52). Tel est donc le sens de ses paroles, si je vous
dis : « Je ne juge personne; » ce n'est pas que je ne sois sûr de mon
jugement, car si je voulais juger, mon jugement serait juste, mais le temps
déjuger n'est pas encore venu. Il leur annonce ensuite indirectement le
jugement futur en ajoutant : « Parce que je ne suis pas seul, mais moi et mon
Père qui m'a envoyé, » et leur apprend que son Père doit se joindre à lui
pour les condamner. Il répond ainsi en se conformant à leurs pensées, car ils
ne croyaient pas que le Fils fut digne de foi, à moins de joindre le
témoignage du Père à son propre témoignage. S. Augustin : (Traité 36). Mais si le Père est avec vous, comment vous
a-t-il envoyé ? Donc, Seigneur, votre mission, c'est votre incarnation. Le
Fils de Dieu incarné, le Christ était donc avec nous sans qu'il eût quitté
son Père, parce que le Père et le Fils étaient partout en vertu de l'immensité divine. Rougissez donc, disciple de
Sabellius, car Jésus ne dit pas : Je suis le Père, et en même temps : Je suis
le Fils, mais : « Je ne suis pas seul, parce que mon Père est avec moi.
» Distinguez donc les personnes, faites cette distinction par l'intelligence,
reconnaissez que le Père est le Père, et que le Fils est le Fils, mais ne
dites pas : Le Père est plus grand, le Fils lui est inférieur. Ils ont une
même substance, une même éternité, une égalité parfaite. Donc, dit le
Sauveur, mon jugement est vrai, parce que je suis le Fils de Dieu. Comprenez
cependant dans quel sens le Père est avec moi, je ne suis pas son Fils, de
manière à être séparé de lui, j'ai pris la forme de serviteur, mais je n'ai
pas perdu celle de Dieu. Après avoir parlé du jugement, il en vient au témoignage : « Il est
écrit dans votre loi que le témoignage de deux hommes est vrai. » — S. Augustin : (contr. Faust., 16,
13). Les manichéens vont-ils trouver dans ces paroles un nouveau sujet de
calomnie, parce que le Sauveur ne dit pas : Il est écrit dans la loi de Dieu,
mais; « Il est écrit dans votre loi ? » Qui ne reconnaît ici une expression
consacrée dans les Ecritures ? Votre loi signifie ici la loi qui vous a été
donnée, de même que l'Apôtre appelle son Evangile (Rm 2), l'Evangile
qu'il déclare avoir reçu, non par un homme, mais par la révélation de
Jésus-Christ. (Ga 2) S. Augustin : (Traité 36). Ces paroles que Dieu dit à Moïse : « Que tout
soit assuré par la déposition de deux ou trois témoins, » (Dt 19, 18)
ne laissent pas de soulever une grande difficulté et paraissent renfermer un
sens mystérieux; car il peut arriver que deux témoins se rendent coupables de
mensonge. La chaste Suzanne était accusée par deux faux témoins (Dn 13);
le peuple juif tout entier se rendit coupable de calomnies atroces contre
Jésus-Christ (Mt 27); comment donc entendre ces paroles : « Tout sera
assuré par la déposition de deux ou trois témoins, » si nous n'y voyons une
allusion mystérieuse à la sainte Trinité, qui possède éternellement
l'immuable vérité ? Recevez donc, dit le Sauveur, notre témoignage, si vous
ne voulez éprouver la rigueur de notre jugement; je diffère le jugement, mais
je ne diffère point le témoignage : « Or, je rends moi-même témoignage
de moi, » etc. — S. Bède : Nous
voyons dans bien des passages de l'Ecriture, que le Père rend témoignage à
son Fils, comme dans le Psaume 2 : « Je vous ai engendré aujourd'hui, » et
dans saint Matthieu (3 et 17), où le Père dit de lui : « Celui-ci
est mon Fils bien-aimé. » S. Jean Chrysostome : (hom. 52). Ou bien encore, si l'on prend cette parole dans
le sens le plus simple, elle présente une véritable difficulté. Parmi les
hommes, il a été établi que toute déposition doit être appuyée sur le
témoignage de deux ou trois témoins, parce qu'un seul témoin n'est pas digne
de foi; mais comment faire à Dieu l'application de cette règle ? Cependant
cette proposition n'a point d'autre raison d'être. Parmi les hommes, lorsque
deux témoins déposent sur un fait qui ne leur est point personnel, leur
témoignage est vrai, parce que c'est le témoignage de deux personnes
distinctes, mais si l'un des deux vient à se rendre témoignage à lui-même, ce
ne sont plus deux témoins, il n'y a plus qu'un seul. Notre Seigneur ne s'est
donc exprimé de la sorte que pour montrer qu'il n'est pas inférieur a son
Père, autrement il n'aurait pas dit : « Moi et mon Père qui m'a envoyé. »
Considérez encore que sa puissance n'est en rien au-dessous de celle de son
Père. Lorsqu'un homme est par lui-même digne de foi, il n'a pas besoin d'un
autre témoignage, lorsqu'il s'agit d'un fait qui lui est étranger; mais dans
une affaire personnelle où il a besoin du témoignage d'autrui, il n'est plus
également digne de foi. Ici c'est tout le contraire, le Sauveur rend
témoignage dans sa propre cause, tout en ayant pour lui le témoignage d'un
autre, et il se déclare digne de foi. Alcuin : On peut encore entendre ces paroles dans ce
sens : Votre loi reçoit comme vrai le témoignage de deux hommes qui peuvent
être trompés et tromper eux-mêmes, ou faire des déclarations fausses et
incertaines, pourquoi donc refusez-vous d'admettre comme véritable le
témoignage de mon Père et le mien, qui a pour lui la garantie de la plus
haute vérité ? Versets 19-20.
S. Augustin : (Traité 37 sur S. Jean). Notre Seigneur avait
reproché aux Juifs de juger selon la chair, et ils justifient la vérité de ce
reproche, en prenant dans un sens charnel le Père dont il leur parlait : «
Ils lui dirent donc : Où est votre Père, » etc. C'est-à-dire, nous vous avons
entendu dire : « Je ne suis pas seul, mais moi et le Père qui m'a envoyé; »
cependant nous ne voyons que vous, montrez-nous donc que votre Père est avec
vous. Théophylactus : Il on est qui voient dans ces paroles des
Juifs, une intention d'outrager le Sauveur et de le couvrir de mépris; ils
lui demandent insolemment où est son Père, comme s'il était le fruit de la
fornication, ou comme s'il était le Fils d'un père inconnu ou d'un homme
d'une condition obscure, tel qu'était Joseph, qui passait pour être son père.
Ils semblent lui dire : Votre père est un homme sans considération, sans nom
dans le monde, pourquoi nous parler sans cesse de votre Père ? Ce n'est point
par le désir de s'instruire, mais pour éprouver le Sauveur qu'ils lui
adressent cette question; aussi ne veut-il pas y répondre, et il se contente
de leur dire : « Vous ne me connaissez, ni moi ni mon Père. » S. Augustin : (Traité 37). C'est-à-dire, vous me demandez où est mon Père,
comme si vous me connaissiez déjà, comme si je n'étais que ce que vous voyez.
Or, c'est parce que vous ne me connaissez pas, que je ne veux pas vous faire
connaître mon Père; vous ne voyez en moi qu'un homme, et par-là même vous me
cherchez un Père qui ne soit aussi qu'un homme. Mais comme indépendamment de
ce que vous voyez, je suis encore autre chose que vous ne voyez pas, et
qu'inconnu de vous, je vous parle; de mon Père qui vous est également
inconnu, il faudrait que vous me connaissiez d'abord avant de connaître mon
Père : « Si vous me connaissiez, ajoute-t-il, peut-être connaîtriez-vous mon
Père. » — S. Jean Chrysostome : (hom.
52). En leur parlant de la sorte, il leur fait voir qu'il ne leur sert de
rien de connaître le Père, s'ils ne connaissent le Fils. Origène : (Traité 19 sur S. Jean). Il semble y avoir
contradiction entre ce que dit ici Notre Seigneur : « Vous ne me connaissez
ni moi ni mon Père, » et ce qu'il a dit plus haut : « Vous savez qui je suis
et d'où je suis. » Mais cette espèce de contradiction disparaît, lorsqu'on
fait attention que ces paroles : « Vous savez qui je suis, » s'adressent à
quelques habitants de Jérusalem, qui disaient : « Est-ce que les chefs de la
nation ont reconnu qu'il était le Christ ? » Tandis que c'est aux pharisiens
que le Sauveur dit : « Vous ne me connaissez pas. » Cependant il est vrai que
dans ce qui précède, nous voyons Jésus dire aux habitants de Jérusalem :
Celui qui m'a envoyé est véridique, et vous ne le connaissez pas. On se
demande donc, comment il a pu dire ici : « Si vous me connaissiez, vous
connaîtriez aussi mon Père, » alors que les habitants de Jérusalem, à qui il
dit ailleurs : « Vous savez qui je suis, » n'ont pas connu son Père. Nous
répondons que le Sauveur parle tantôt de lui en tant qu'il est homme, et
tantôt en tant qu'il est Dieu. Ces paroles : « Vous savez qui je suis, »
doivent s'entendre de lui comme homme; et ces autres : « Vous ne me
connaissez pas, » veulent dire : Vous ne me connaissez pas comme Dieu. — S. Augustin : (Traité 37). Que
signifient ces paroles : « Si vous me connaissiez vous connaîtriez mon Père,
» si ce n'est : « Mon Père et moi nous ne faisons qu'un. » (Jn 10, 30).
Lorsque vous rencontrez une personne qui ressemble à une autre, vous dites
tous les jours : Si vous avez vu l'une, vous avez vu l'autre, et c'est la
ressemblance parfaite de ces deux personnes qui vous fait tenir ce langage.
Voilà aussi pourquoi Notre Seigneur dit aux Juifs : Si vous me connaissiez,
vous connaîtriez mon Père, non que le Père soit le Fils, mais parce que le
Fils est semblable au Père. Théophylactus : Que les ariens rougissent en entendant ces
paroles, car si, comme ils le prétendent, le Fils est une simple créature,
comment celui qui connaît cette créature peut connaître par là même Dieu.
Est-ce que celui qui connaît la nature d'un ange, connaît par là même la
nature divine ? Donc puisque celui qui connaît le Fils, connaît le Père, le
Fils est nécessairement consubstantiel au Père. S. Augustin : (Traité 37). Cette locution « peut-être, » qui parait être
une expression dubitative, est une parole de reproche; ainsi les hommes
s'expriment d'une manière dubitative sur des choses qu'ils regardent comme
certaines, par exemple, dans un mouvement d'indignation contre votre
serviteur, vous lui dites : Tu me méprises, veuille y réfléchir, peut-être
suis-je ton maître. C'est ainsi que Notre Seigneur s'exprime vis-à-vis des
Juifs infidèles, lorsqu'il leur dit : « Peut-être connaîtriez-vous aussi mon
Père. » Origène : Examinons ici l'opinion de certains
hérétiques qui prétendent pouvoir prouver clairement par ces paroles, que le
Dieu qu'adoraient les Juifs n'était pas le Père de Jésus-Christ; car,
disent-ils, c'est aux pharisiens qui adoraient un Dieu maître du monde, que
le Sauveur tenait ce langage. Or, il est certain que les pharisiens n'ont
jamais connu un Père de Jésus différent du Créateur du monde. En parlant de
la sorte, ces hérétiques ne réfléchissent pas sur le langage ordinaire des
Ecritures. En effet, qu'un homme veuille nous exposer les notions sur la
divinité, qu'il doit à l'instruction que lui ont donnée ses parents, sans
prendre soin d'y conformer sa conduite; nous disons qu'il n'a pas la
connaissance de Dieu; voilà pourquoi l'Ecriture dit des fils d'Héli, par
suite de leur méchanceté, qu'ils ne connaissaient pas Dieu; (1 R 2)
c'est ainsi que les pharisiens eux-mêmes n'ont pas connu Dieu, parce
qu'ils ne vivaient pas conformément aux préceptes du Créateur. Il y a
d'ailleurs une autre manière d'entendre la connaissance de Dieu. En effet,
connaître Dieu, c'est autre chose que de croire simplement en Dieu. Nous
lisons dans le psaume 45 (vers. 10) : « Soyez dans le repos et
considérez que c'est moi qui suis Dieu. » Qui ne reconnaîtra que ces paroles
sont écrites pour le peuple, qui croit en Dieu créateur de cet univers ? Il y
a une grande différence entre la foi jointe à la connaissance, et la foi
seule. Jésus aurait pu avec raison dire aux pharisiens à qui il reproche de
ne connaître ni son Père ni lui : Vous ne croyez pas à mon Père; car celui
qui nie l'existence du Fils, nie par là même l'existence du Père,
c'est-à-dire qu'il n'admet le Père ni par la foi, ni par la connaissance.
Suivant l'Ecriture, il y a encore une autre manière de connaître quelqu'un,
c'est de lui être uni. Aussi Adam connut sa femme lorsqu'il lui fut uni; (Gn
4) celui qui s'attache à une femme, connaît cette femme, et celui qui
s'attache au Seigneur, devient un seul esprit avec lui, (1 Co 6, 17)
et connaît Dieu. S'il en est ainsi, les pharisiens n'ont connu ni le Père, ni
le Fils. Enfin il y a aussi une différence entre connaître Dieu, et connaître
le Père, c'est-à-dire qu'on peut connaître Dieu sans connaître le Père. Ainsi
dans le nombre presque infini de prières que nous trouvons dans l'ancienne
loi, nous n'en trouvons aucune où Dieu soit invoqué comme Père, les Juifs le
priaient et l'invoquaient comme Dieu et Seigneur, pour ne pas prévenir la
grâce que Jésus devait répandre sur le monde entier, en appelant tous les
hommes à l'honneur de la filiation divine, suivant ces paroles : «
J'annoncerai votre nom à mes frères. » (Ps 21) « Jésus parla de la sorte, dans le parvis du Trésor, lorsqu'il
enseignait dans le temple. » — Alcuin
: Le mot gaza dans la langue persane signifie richesse, et
le mot grec φυλάξαι signifie conserver,
c'était l'endroit du temple où l'on conservait les offrandes. — S. Jean Chrysostome : (hom. 53
sur S. Jean). Le Sauveur parlait comme maître et docteur dans le
temple, ce qui aurait dû les toucher davantage : mais ce qu'il disait les
blessait, et ils l'accusaient de se faire égal à Dieu le Père. — S. Augustin : (Traité 37) Il
montre une grande confiance sans mélange d'aucune crainte, car il pouvait ne
rien souffrir, à moins qu'il ne le voulût : « Et personne ne se saisit de
lui, dit l'Evangéliste, parce que son heure n'était pas encore venue. » Il en
est qui, en entendant ces paroles, prétendent que Jésus était soumis aux lois
du destin. Mais si le mot latin fatum (destin) vient du verbe fari,
qui veut dire parler, comment admettre que le Verbe, la parole de
Dieu, soit esclave du destin ? Où sont les destins ? Dans le ciel,
direz-vous, où ils dépendent du cours et des révolutions des astres. Mais
comment encore soumettre à ce destin celui qui a créé le ciel et les astres,
alors que votre volonté à vous-même, si vous êtes conduit par la sagesse,
s'élève bien au-dessus des astres. Est-ce parce que, vous avez appris que le
corps de Jésus-Christ a vécu sous le ciel, que vous voulez soumettre sa
puissance à l'influence des cieux ? Comprenez donc que « son heure n'était
pas encore venue, » non pas l'heure où il souffrirait la mort malgré lui.
mais l'heure où il daignerait l'accepter volontairement. Origène : (Traité 19) Toutes les fois que l'Evangéliste mentionne
cette circonstance : « Jésus parla de la sorte en tel lieu, » si vous voulez
y faire attention, vous découvrirez que ce n'est pas sans raison qu'il
s'exprime ainsi. Le Trésor était l'endroit où se conservait l'argent destiné
au service du temple et à la subsistance des pauvres; les pièces de monnaie
sont les paroles divines qui sont marquées à l'effigie du grand roi. Or,
chacun doit concourir à l'édification de l'Eglise, en déposant dans le trésor
spirituel tout ce qui peut contribuer à l'honneur de Dieu, au bien général;
et puisque tous les Juifs déposaient leurs offrandes volontaires dans le
trésor, il était juste aussi que Jésus mît son offrande dans le trésor,
c'est-à-dire les paroles de la vie éternelle. Personne n'osa se saisir de la
personne du Sauveur, tandis qu'il parlait dans le temple, parce que ses
discours étaient plus forts que ceux qui voulaient s'emparer de lui, car il
n'y a aucune faiblesse dans ceux qui sont les instruments et les organes du
Verbe de Dieu. S. Bède : Ou bien encore, Jésus parle dans le parvis
du Trésor, parce qu'il parlait aux Juifs en paraboles, et il commença à
ouvrir le trésor, lorsqu'il découvrit à ses disciples les mystères des cieux.
Or, le trésor était une dépendance du temple, parce que toutes les prophéties
figuratives de la loi et des prophètes avaient le Sauveur pour objet. Versets 21-24.
S. Augustin : (Traite 38 sur S. Jean). L'Evangéliste vient de nous
dire que « personne ne se saisit de Jésus, parce que son heure n'était pas
encore venue. » Notre Seigneur prend cette occasion de parler aux Juifs de sa
passion, qui dépendait non de la fatalité, mais de sa puissance :
« Jésus leur dit encore : Je m'en vais. » En effet, pour Jésus-Christ,
la mort fut comme un départ vers le lieu d'où il était venu vers nous, sans
qu'il l'ait cependant quitté. — S.
Bède : L'enchaînement qui paraît exister ici dans le récit de
l'Evangéliste, nous permet de supposer également que ces, paroles ont été
dites dans le même lieu et dans le même temps que les précédentes, où
qu'elles ont été dites dans un lieu et dans un temps tout différent, car il
est aussi vraisemblable d'admettre qu'elles font suite immédiate au discours
qui précède, que de supposer d'autres discours ou d'autres faits
intermédiaires. Origène : On peut faire tout d'abord cette objection :
Si Notre Seigneur s'adresse ici à ceux qui persévéraient dans leur
incrédulité, comment peut-il leur dire : « Vous me chercherez ? » Car
chercher Jésus, c'est chercher la vérité et la sagesse. Nous pouvons répondre
qu'il est dit quelquefois de ses persécuteurs qu'ils cherchaient à se saisir
de lui. Il y a, en effet, de grandes différences entre ceux qui cherchent
Jésus; car tous ne le cherchent pas pour leur salut et le bien qui peut leur
en revenir. Aussi il n'y a que ceux qui le cherchent avec droiture, qui
trouvent la paix. Or, chercher avec droiture, c'est chercher celui qui était
en Dieu au commencement, afin qu'il nous conduise à son Père. S. Augustin : (Traité 38). Vous me chercherez donc, leur dit-il, sous
l'inspiration non d'un pieux désir, mais d'une haine mortelle. En effet,
lorsqu'il se fut dérobé aux regards des hommes, ceux qui le haïssaient, comme
ceux qui l'aimaient, le cherchèrent, les uns pour le persécuter, les autres
pour jouir de sa présence. Or, ne croyez pas que vous me chercherez avec de
bonnes dispositions, car « vous mourrez dans votre péché. » Mourir dans son
péché, c'est donc chercher Jésus-Christ avec une intention coupable, c'est
avoir de la haine pour l'unique auteur de notre salut, et c'est contre ceux
qui cherchent ainsi Jésus, que le Sauveur prononce prophétiquement cette
sentence : « Ils mourront dans leur péché. » — S. Bède : Remarquez que le mot péché est au singulier, et
le pronom votre au pluriel, pour montrer que tous étaient coupables du
même crime. Origène : (Traité 19 sur S. Jean). Je me demande comment
l'Evangéliste a pu dire plus bas, qu'à la parole de Jésus-Christ un grand
nombre crurent en lui. Est-ce que ce n'est pas à tous ceux qui étaient
présents qu'il disait : « Vous mourrez dans votre péché ? » Non, c'était à
ceux dont il savait qu'ils ne croiraient point, qu'ils mourraient pour cela
dans leur péché, et qu'ils ne pourraient marcher à sa suite, et c'est à
ceux-là qu'il dit : « Vous ne pouvez venir là où je vais, »
c'est-à-dire où est la vérité et la sagesse, car c'est là qu'est Jésus. Ils
ne peuvent venir, parce qu'ils ne veulent pas; car s'ils l'avaient voulu sans
le pouvoir, le Sauveur n'eût pu leur dire avec justice : « Vous mourrez dans
votre péché. » — S. Augustin : (Traite
38). Il tient dans un autre endroit le même langage à ses disciples,
toutefois il ne leur dit pas : Vous mourrez dans votre péché, mais : « Vous
ne pouvez maintenant venir là où je vais, » il ne leur ôte pas l'espérance,
il en retarde seulement l'accomplissement. Origène : En s'exprimant de la sorte, le Sauveur
menace donc les Juifs de se retirer d'eux, mais pour nous, tant que nous
conservons les semences de vérité qu'il a répandues dans nôtre âme, le Verbe
de Dieu ne se retire pas de nous; si, au contraire, la corruption du mal
entre dans notre âme à la suite d'une chute dans le péché, alors il nous dit
: « Je m'en vais, » et nous le chercherons sans pouvoir le trouver, et nous
mourrons dans notre péché, saisis que nous serons par la mort elle-même. Il
ne faut point passer légèrement sur ces paroles : « Vous mourrez dans votre
péché. » Si on prend ces paroles dans le sens naturel qu'elles présentent,
elles veulent dire évidemment que les pécheurs mourront dans leurs péchés,
comme les justes mourront dans leur justice. Mais si l'on entend ces paroles
: « Vous mourrez, » de la mort dont est frappé celui qui commet un péché
mortel, il est clair que ceux à qui Notre Seigneur les
adressait n'étaient pas morts encore, mais ils vivaient dans une grande
infirmité spirituelle, infirmité qui devait les conduire à la mort, voilà
pourquoi le médecin voyant toute la gravité de leur maladie, leur disait : «
Vous mourrez dans votre péché, » et ces paroles font comprendre celles qui
suivent : « Là où je vais, vous ne pouvez venir; » car celui qui meurt dans
son péché, ne peut aller où va Jésus, puisqu'aucun de ceux qui sont morts ne
peut suivre Jésus, selon ces paroles du Psalmiste : « Ce ne sont pas les
morts qui vous loueront, Seigneur. » (Ps 113) S. Augustin : (Traité 38). Ces paroles ne firent naître chez les Juifs que
des pensées charnelles, et ils interrogent le Sauveur en conséquence : « Les
Juifs disaient donc : Se tuera-t-il lui-même, puisqu'il dit : Là où je vais,
vous ne pouvez venir ? » Quelles paroles insensées ! Quoi, ils ne
pourraient venir là où il irait s'il se donnait la mort ? Est-ce donc qu'ils
ne devaient pas eux-mêmes mourir. Lors donc qu'il leur dit : « Vous ne pouvez
venir là où je vais, » il ne veut point parler du lieu où l'on va par la
mort, mais de celui où il allait lui-même après la mort. — Théophylactus : Il déclarait ainsi
par avance qu'il devait ressusciter dans la gloire, et s'asseoir à la droite
de Dieu. Origène : (Traité 49). Examinons cependant si ce langage n'est pas
dans la bouche des Juifs l'expression de pensées plus relevées. Car ils
puisaient souvent dans leurs traditions ou dans leurs livres apocryphes des
idées qui leur étaient particulières, de même que dans leurs traditions sur
Jésus-Christ, il y en avait de conformes aux oracles authentiques des
prophètes, d'après lesquels il devait naître à Bethléem; il pouvait aussi se
rencontrer des traditions relatives à sa mort, et qui annonçaient qu'il
quitterait cette vie de la manière qu'il le dit lui-même : « Nul ne m'ôte ma
vie, mais je la donne de moi-même. » (Jn 10) Lors donc que les Juifs
se demandent : « Se tuera-t-il lui-même, » il ne faut point prendre ces
paroles dans leur sens ordinaire, mais y voir une allusion à quelque
tradition juive qui se rapportait au Christ; car ces paroles du Sauveur : «
Je m'en vais, » tendaient à faire ressortir dans tout son jour le pouvoir
qu'il avait de mourir eu se séparant volontairement de son corps. Je pense
toutefois que ce n'est point pour faire honneur à Jésus, mais bien plutôt
pour l'outrager, qu'ils citent cette tradition relative à sa mort, et qu'ils
se demandent : « Est-ce qu'il se tuera lui-même ? » car s'ils avaient eu
l'intention de lui appliquer cette tradition dans un sens honorable pour le
Sauveur, ils auraient dû s'exprimer de la sorte : « Est-ce que son âme
sortira de son corps, quand il lui plaira ? » Le Seigneur leur répond comme à des hommes charnels et terrestres : «
Et il leur dit : Vous êtes d'en bas, » c'est-à-dire, vous goûtez les choses
de la terre, et vous ne portez pas bien haut les affections de votre cœur. — S. Jean Chrysostome : (hom. 53).
C'est-à-dire, il n'est point surprenant que des hommes charnels et qui ne
comprennent rien de ce qui est spirituel, aient de semblables pensées, mais :
« Pour moi je suis d'en haut. » — S.
Augustin : Quelles sont ces hauteurs d'où il descend ? De Dieu le l'ère
lui-même, qui n'a rien au-dessus de lui. Vous, vous êtes de ce monde, mais
pour moi je ne suis pas de ce monde, et comment, en effet, celui par qui le
monde a été fait, pourrait-il être du monde ? S. Bède : Comment pourrait-il être du monde, celui qui était
avant le monde ? pour eux, ils étaient du monde, parce qu'ils ont été créés
longtemps après la création du monde. — S.
Jean Chrysostome : (hom. 53). Ou bien encore : « Je ne suis pas de
ce monde, » c'est-à-dire, je n'en partage point les pensées vaines et
profanes. — Théophylactus : Je
n'ai aucun sentiment mondain ou terrestre; je ne puis donc arriver à cet
excès de folie de me donner la mort. Apollinaire, par une fausse
interprétation de ces paroles, prétend que le corps du Seigneur ne fut pas
formé dans ce monde, mais qu'il vint d'en haut, c'est-à-dire du ciel. Mais
dira-t-on que les Apôtres avaient aussi un corps formé dans les cieux, parce
que Notre Seigneur leur a dit : « Vous n'êtes pas de ce monde ? » Ces paroles
: « Je ne suis pas de ce monde, » signifient donc : Je ne suis pas du
nombre de ceux qui, comme vous, sont plongés tout entiers dans les
préoccupations du monde. Origène : (Traité 19). On peut encore donner une autre explication des
choses qui sont d'en bas et de celles qui sont de ce monde. L'expression en
bas, signifie un endroit spécial; or, ce monde matériel se divise en une
multitude d'endroits qui sont tous en bas, relativement aux choses
immatérielles et invisibles. Mais si l'on établit une comparaison entre ces
divers lieux du monde, les uns seront en haut et les autres en bas. Or,
chacun a son cœur là où est son trésor. (Mt 6) Celui donc qui
thésaurise sur la terre, descend en bas; celui au contraire qui amasse des
trésors pour le ciel, monte en haut, il est véritablement d'en haut, et en
s'élevant au-dessus des d'eux, il parviendra à la souveraine béatitude.
Disons encore, que l'amour du monde fait l'homme du monde; celui au contraire
qui n'aime ni le monde, ni les choses qui sont dans le monde, n'est pas de ce
monde. Il est cependant en dehors de ce monde sensible, un autre monde habité
par les êtres invisibles, et dont l'éclat et la splendeur seront révélés à
ceux qui ont le cœur pur. Enfin on peut aussi donner le nom de monde au
premier né de toute créature, et en tant qu'il est la souveraine sagesse, car
toutes choses ont été faites dans la sagesse. Le monde et tout ce qu'il
renferme était donc en lui, mais d'une manière aussi différente du monde
matériel, que la raison même du monde pure de tout principe matériel diffère
du monde extérieur et sensible. L'âme de Jésus-Christ dit donc : « Je ne suis
pas de ce monde, » parce qu'elle ne vit pas dans ce monde. S. Augustin : (Traité 38). Le Seigneur explique le sens de ces paroles
qu'il leur adresse : « Vous êtes de ce monde, » parce qu'ils étaient
pécheurs; or, nous sommes tous nés dans le péché, et tous nous avons ajouté à
ce premier péché par une vie coupable. Tout le crime d'infidélité des Juifs
consistait donc, non pas d'être coupables du péché, mais de mourir dans leur
péché. C'est pourquoi Notre Seigneur ajoute : « Je vous ai dit que vous
mourrez dans vos péchés. » Parmi cette multitude qui écoutait le Sauveur, il
en était qui devaient croire en lui. Mais comme cette sentence sévère :
« Vous mourrez dans votre péché, » semblait tomber sur tous, et ôter
toute espérance à ceux qui devaient croire en lui, il fait renaître
l'espérance dans leur cœur, en ajoutant : « Car si vous ne croyez pas
que je suis, vous mourrez dans votre péché. » Donc si vous croyez que je
suis, vous ne mourrez point dans votre péché. — S. Jean Chrysostome : (hom. 53). En effet, si Notre
Seigneur est venu sur la terre pour effacer les péchés du monde, et si le
péché ne peut être effacé que par le baptême, celui qui ne croit pas est
nécessairement encore revêtu du vieil homme. Car celui qui refuse de mourir
et de s'ensevelir spirituellement par la foi, mourra avec le vieil homme, et
ne sortira de cette vie que pour souffrir les peines ducs à ses crimes. Aussi
Notre Seigneur disait-il : « Celui qui ne croit pas est déjà jugé, »
non-seulement parce qu'il ne croit pas, mais parce qu'il sort de cette vie
chargé des crimes dont il s'est rendu coupable. — S. Augustin : (Traité 38). Nôtre-Seigneur, en disant aux
Juifs : « Si vous ne croyez pas que je suis, » sans rien ajouter, leur
apprend une grande vérité; c'est dans les mêmes termes que Dieu avait dit à
Moïse : « Je suis celui qui suis. » (Ex 3) Mais comment entendre ces
paroles : « Je suis celui qui suis; » et ces autres : « Si vous ne
croyez pas que je suis, » comme si les autres êtres n'existaient pas ? C'est
qu'en effet, quelles que soient l'excellence et la perfection d'un être, dès
lors qu'il est soumis à la loi de la mutabilité, il n’existe vraiment pas.
L'être véritable ne peut se trouver là où il y a alternative de l'être et du
néant. Examinez la nature des êtres soumis à la loi des changements, vous y
trouverez le passé et le futur; reportez votre pensée sur Dieu, vous
trouverez cette seule chose, il est, sans qu'il soit possible de trouver de
temps passé : si donc vous voulez être véritablement, élevez-vous au-dessus
du temps. Ces paroles : « Si vous ne croyez pas que je suis, » par lesquelles
Notre Seigneur nous exhorte à ne point mourir dans nos péchés, n'ont point
d'autre signification que celle-ci : Si vous ne croyez que je suis Dieu.
Rendons grâces à Dieu de ce que le Sauveur nous dit : « Si vous ne croyez
pas, » et non : Si vous ne comprenez pas, car qui pourrait comprendre ces
mystères ? — Origène : Il est
évident que celui qui meurt dans ses péchés, affirmerait-il qu'il croit en
Jésus-Christ, n'y croit pas véritablement. En effet, celui qui croit à la
justice, ne doit commettre aucune injustice; celui qui croit à la sagesse, ne
doit ni dire ni faire rien qui lui soit contraire. Parcourez ainsi les autres
perfections de Jésus-Christ, et vous comprendrez comment celui qui ne croit
point en lui, meurt dans ses péchés, et comment celui dont la conduite est en
opposition avec les divins attributs de Jésus-Christ. Versets 25-27.
S. Augustin : (Traité 39). Le Sauveur venait de leur dire : « Si vous ne
croyez pas que je suis, vous mourrez dans votre péché; » ils lui demandent
maintenant en qui ils doivent croire pour éviter cette mort dans le péché : «
Ils lui dirent donc : Qui êtes-vous ? » (Traité 38) Vous nous avez
bien dit : Si vous ne croyez pas que je suis; mais vous ne nous avez pas
appris qui vous étiez. Il savait que quelques-uns d'entre eux devaient croire
en lui, aussi à cette question : Qui êtes-vous ? Il leur répond : « Le
Principe, moi-même qui vous parle, » pour leur apprendre ce qu'ils devaient
croire de lui. Il ne leur dit point : Je suis le Principe, mais : « Croyez
que je suis le Principe; » ce qui parait clairement dans le texte grec où le
mot Principe est du genre féminin. Croyez donc que je suis le Principe, pour
éviter de mourir dans vos péchés, car le Principe est immuable, il demeure
toujours le même, en renouvelant toute chose. (Traité 39). Il serait
absurde de dire que le Fils est le Principe en refusant cette dénomination au
Père, cependant il n'y a pas plus deux principes qu'il n'y a deux Dieux.
L'Esprit saint est l'Esprit du Père et du Fils, mais il n'est ni le Père, ni
le Fils. Cependant le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont un seul Dieu, une
seule lumière, un seul Principe. Il ajoute : « Qui vous parle, »
c'est-à-dire, je me suis humilié pour vous, et je m'abaisse jusqu'à vous
tenir ce langage. Croyez donc que je suis le Principe, car pour justifier et
appuyer votre foi, non-seulement je suis en effet le Principe, mais je vous
parle. En effet, supposez que le Principe fut resté tel qu'il est dans le
Père, sans prendre la forme de l'esclave, comment les hommes pourraient-ils
croire en lui, puisque leur esprit si faible ne peut recevoir l'idée d'une chose
intellectuelle sans l'intermédiaire de la voix extérieure ? — S. Bède : On lit dans quelques
exemplaires : « Moi qui vous parle, » mais il est plus convenable de lire : «
Car je vous parle, » de manière à offrir ce sens : Croyez que je suis le
Principe, car pour vous je me suis abaissé jusqu'à vous tenir ce langage. S. Jean Chrysostome : (hom. 53) On peut encore considérer à un autre point de
vue la coupable folie des Juifs qui, depuis si longtemps qu'ils sont témoins
des miracles de Jésus-Christ, et reçoivent ses divins enseignements, osent
encore lui faire cette question : « Qui êtes-vous ? » Aussi que leur répond
le Sauveur ? « Je ne cesse de vous le dire depuis le commencement ».
C'est-à-dire, vous êtes indignes d'entendre mes paroles, bien loin de mériter
que je vous dise qui je suis, vous ne m'interrogez que pour me tenter, et
vous ne faites aucune attention à ce que je vous dis; aussi serais-je en
droit de vous condamner et de vous punir : « J'ai beaucoup de choses à
dire de vous et à condamner en vous. » — S.
Augustin : (Traité 39). Il a déclaré plus haut qu'il ne jugeait
personne; mais autre chose est de dire : « Je ne juge point, » et : « J'ai à
juger, » « je ne juge point, » doit s'entendre du présent, tandis que ces
paroles : « J'ai beaucoup de choses à dire de vous et à condamner en vous, »
sont des paroles prophétiques du jugement futur. Or, la vérité réglera mon
jugement, parce que je suis le Fils de celui qui est véridique, et que je
suis la vérité même : « Et celui qui m'a envoyé est véridique. » Le Père est
véridique, non pas en participant à la vérité, mais en engendrant la vérité.
Dirons-nous qu'ici celui qui est la vérité est supérieur à celui qui est
véridique ? Mais alors ce serait reconnaître que le Fils est plus grand que
le Père. — S. Jean Chrysostome : (hom.
53) Il leur parle de la sorte pour leur faire comprendre que s'il ne les
punit pas de tant d'outrages qu'il reçoit d'eux, ce n'est point par
faiblesse, ou parce qu'il ne connaît ni leurs pensées, ni les injures qu'ils
lui font. — Théophylactus : Ou
peut encore donner cette explication : « En leur disant : J'ai beaucoup de
choses à dire de vous et à condamner en vous, » il renvoyait, pour ainsi
dire, l'exercice du jugement à l'autre vie, il ajoute donc : « Mais celui qui
m'a envoyé est véridique, c'est-à-dire, si vous êtes infidèles, mon Père ne
laisse pas d'être véridique, » et il a établi un jour on vous recevrez ce que
vous méritez. — S. Jean Chrysostome : (hom.
53). Ou bien encore : Si mon Père m'a envoyé, non pour juger le monde,
mais pour sauver le monde, comme mon Père est véridique je ne dois juger
personne, et mes paroles ont pour objet votre salut, et non votre jugement et
votre condamnation : « Et ce que j'ai entendu de lui je le dis au monde. » — Alcuin : Entendre du Père pour le
Fils, c'est la même chose qu'exister par le Père, car celui qui lui donne
d'entendre est aussi celui qui lui donne son essence. — S. Augustin : (Traité 39). Le Fils égal et consubstantiel
à son Père, rend gloire à son Père, comme s'il disait : Je rends gloire à
celui dont je suis le Fils, comment pouvez-vous affecter de l'orgueil devant
celui dont vous n'êtes que le serviteur ? — Alcuin : Mais ils ne comprirent point de qui Jésus voulait parler
en disant : « Celui qui m'a envoyé est véridique. » C'est ce qu'ajouté
l’Evangéliste : « Et ils ne comprirent point, » qu'il disait que Dieu était
son Père, car ils n'avaient pas encore ouvert ces yeux du cœur, qui auraient
pu leur faire comprendre l'égalité du Père et du Fils. Versets 28-30.
S. Augustin : (Traité 40 sur S. Jean). Les
Juifs ne comprirent donc pas que le Sauveur parlait de son Père, lorsqu'il
disait : « Celui qui m'a envoyé est véridique. » Mais comme il en voyait
quelques-uns parmi eux qu'il prévoyait devoir croire en lui après sa passion,
il leur dit : « Lorsque vous aurez élevé le Fils de l'homme, alors vous
connaîtrez que je suis. » Rappelez-vous ces paroles : « Je suis celui qui
suis, » (Ex 3) et vous comprendrez ce que signifie cette parole : « Je
suis. » Je diffère le moment où vous me connaîtrez pour rendre possible ma
passion, et vous connaîtrez en votre temps qui je suis, lorsque vous aurez
élevé le Fils de l'homme. Il veut parler ici de son élévation sur la croix,
parce qu'il fut élevé en réalité lorsqu'il fut suspendu à l'arbre de la
croix; or, il fallait que sa mort sur la croix s'accomplît par les mains de
ceux qui devaient par la suite croire en lui. Mais dans quel dessein leur
adresse-t-il ces paroles ? C'est afin que personne ne se laisse aller au
désespoir, sa conscience lui reprochât-elle les plus grands crimes, lorsqu'il
voit ceux qui avaient mis Jésus-Christ à mort, obtenir le pardon de leur
homicide. S. Jean Chrysostome : (hom. 53). On peut encore établir autrement la suite du
discours du Sauveur. Il n'avait pu convertir les Juifs, malgré la multitude
de ses miracles et la force de ses divins enseignements; il ne lui reste donc
plus qu'à leur parler de sa croix : « Lorsque vous aurez élevé le Fils de
l'homme, » etc., c'est-à-dire, vous pensez que vous serez délivrés de moi lorsque
vous m'aurez mis à mort; mais moi, je vous dis que c'est alors surtout que
l'éclat des miracles, ma résurrection, et votre propre captivité, vous feront
connaître que je suis le Christ, le Fils de Dieu, et que je ne lui suis point
opposé. C'est pour cela qu'il ajoute : « Alors vous reconnaîtrez que je ne
fais rien de moi-même, mais que je dis ce que mon Père m'a enseigné. »
C'est ainsi qu'il prouve que le Père et le Fils ont une seule et même nature,
et qu'il ne dit rien qui ne soit l'expression de là pensée de son Père. Car
si j'étais en opposition avec Dieu, je n'aurais pu exciter une si grande
colère contre ceux qui ont refusé de m'écouter. S. Augustin : (Traité 40). Ou bien encore comme il
venait de dire : « Alors vous connaîtrez que je suis, » et que la Trinité
tout entière est le principe et la source de l'être même, le Sauveur prévient
l'erreur des Sabelliens, en ajoutant aussitôt : « Et que je ne fais rien de
moi-même, » c'est-à-dire, je ne viens pas de moi-même; car le Fils, qui est
Dieu, vient du Père, qui est Dieu. Si donc il ajoute encore : « Et je dis ce
que mon Père m'a enseigné, » gardez-vous, à ces paroles, de toute pensée
charnelle; ne vous représentez point deux hommes devant les yeux, l'un qui
serait le père, l'autre le fils, et le père parlant à son fils comme lorsque
vous adressez vous-même la parole à votre fils; car quelles paroles le Père
pourrait-il adresser à son Verbe unique ? Si Dieu parle à vos cœurs sans
l'intermédiaire d'aucune voix extérieure, comment parle-t-il à son Fils ? Il
lui parle d'une manière incorporelle, parce qu'il l'a engendré d'une manière
incorporelle; il ne l'a point enseigné comme s'il l'avait engendré sans
aucune science. Pour Dieu le Père, enseigner son Fils, c'est l'engendrer dans
toute sa science; car comme la nature de la vérité est simple, être et
connaître sont une même chose pour le Fils. Et en l'engendrant, le Père lui a
donné la connaissance, de la même manière qu'il lui a donné l'être. S. Jean Chrysostome : (hom. 53). Notre Seigneur ramène de nouveau son discours à
des proportions plus humbles : « Et celui qui m'a envoyé est avec moi. » Mais
dans la crainte que ces paroles : « Il m'a envoyé, » ne paraissent à leurs
yeux un signe d'infériorité, il ajoute : « Il est avec moi. » L'une de ces
deux choses entrait dans l'économie de l'incarnation, l'autre est une preuve
de divinité. — S. Augustin : (Traité
40). Tous deux sont ensemble, cependant l'un a été envoyé, l'autre a
envoyé, parce que l'incarnation est une véritable mission, le Fils seul s'est
incarné, et non le Père. Le Sauveur dit : « Celui qui m'a envoyé, »
c'est-à-dire celui qui, par son autorité paternelle, a été la cause de mon
incarnation. Ainsi le Père a envoyé le Fils, mais il ne s'est point séparé du
Fils. Aussi ajoute-t-il : « Et il ne me laisse pas seul. » En effet, le Père
ne pouvait être absent du lieu où il envoyait le Fils, lui qui nous dit, par
son prophète : « Je remplis le ciel et la terre. » (Jr 23, 24). Le
Sauveur donne ensuite la raison pour laquelle Dieu ne l'abandonne point : « Parce
que je fais toujours ce qui lui plaît. » Je n'ai pas commencé à le faire, je
fais ce qui lui plaît sans commencement comme sans fin, car la génération
divine n'a pas de commencement. — S.
Jean Chrysostome : (hom. 53). Ou bien encore Notre Seigneur répond
ici à l'objection qu'ils lui faisaient de ne pas venir de Dieu et de ne pas
observer la loi du sabbat, en leur disant : « Je fais toujours ce qui lui
plaît, » et il leur démontre ainsi qu'il était agréable à Dieu qu'il
transgressât la loi du sabbat, car il s'applique en toute circonstance à
prouver qu'il ne fait rien de contraire à Dieu son Père. Ces paroles, ce
langage moins élevé, en déterminèrent un certain nombre à croire en lui :
« Comme il disait ces choses, plusieurs crurent en lui. » L'Evangéliste
semble dire : Ne soyez pas surpris d'entendre sortir de la bouche du Sauveur
une doctrine moins relevée, puisque vous voyez que ceux que la sublimité de
ses enseignements n'avaient pu persuader, sont amenés à croire en lui par des
paroles en disproportion ce semble avec sa grandeur. Ils crurent donc en lui,
mais non pas comme ils le devaient; ils se contentèrent de se reposer avec
joie dans les paroles plus humbles qu'ils venaient d'entendre. La suite
prouvera bientôt, en effet, toute l'imperfection de leur foi, puisque nous
les verrons se laisser aller à de nouveaux outrages contre le Sauveur. Versets 31-36.
S. Jean Chrysostome : (hom. 54 sur S. Jean). Notre
Seigneur voulait appuyer sur de solides fondements la foi de ceux qui avaient
cru en lui, pour que cotte foi ne fut point purement superficielle. Jésus dit
donc à ceux des Juifs qui croyaient en lui : « Si vous demeurez dans ma
parole, vous serez vraiment mes disciples. » Par ces paroles : « Si vous
demeurez, » il révèle les dispositions intérieures de leur cœur; il savait
bien, en effet, qu'ils avaient cru, mais il savait aussi que leur foi ne
persévérerait pas, et pour les affermir dans la foi, il leur fait une
magnifique promesse, c'est qu'ils deviendront ses disciples. Il blâme
indirectement par là ceux qui s'étaient précédemment séparés de lui; ils
l'avaient entendu, ils avaient cru en lui, et ils le quittèrent, parce que
leur foi ne fut point persévérante. S. Augustin : (serm. 40 sur les par. du Seig). Nous n'avons tous
qu'un seul maître, et nous sommes tous également ses disciples. Nous ne
portons pas justement le titre de maîtres, parce que nous enseignons d'un
lieu plus élevé, le véritable maître de tous les hommes est celui qui habite
au dedans de nous. Or, l'important pour le disciple n'est point d'approcher
de son maître, il faut que nous demeurions en lui; et si nous ne demeurons
pas en lui, notre chute est inévitable. Si vous demeurez, c'est là une œuvre
abrégée en apparence, oui, abrégée dans les termes, mais bien étendue dans
l'exécution. Qu'est-ce, en effet, que demeurer dans les paroles du Seigneur,
si ce n'est ne succomber à aucune tentation ? Si vous agissez sans efforts,
vous recevez la récompense sans l'avoir méritée, mais si vous avez de grands
obstacles à vaincre, considérez aussi la grande récompense qui vous attend :
« Et vous connaîtrez la vérité. » — S.
Augustin : (Traités 40 et 41). C'est-à-dire, vous croyez
maintenant, si vous demeurez dans la foi, vous verrez ce qui fait l'objet de
votre foi; car remarquez-le bien, la foi ne fut point produite par la
connaissance, mais la connaissance a été le fruit de la foi. Qu'est-ce que la
foi ? croire ce que vous ne voyez pas; qu'est-ce que la vérité ? voir ce que
vous avez cru. Si donc nous demeurons dans ce que nous croyons, nous parviendrons
à la claire vision, c'est-à-dire que nous contemplerons la vérité telle
qu'elle est, non plus par l'intermédiaire de paroles qui retentissent à nos
oreilles, mais à la splendeur éclatante delà lumière elle-même. Or, la vérité
est immuable, c'est un pain véritable qui répare les forces de l'âme, et qui
est inépuisable; il change en lui celui qui s'en nourrit, mais il n'est pas
changé en celui qu'il nourrit. La vérité c'est le Verbe de Dieu lui-même,
cette vérité s'est revêtue d'une chair mortelle; c'est pour nous qu'elle se
cachait sous l'enveloppe de la chair, non point dans le dessein de se voir
niée, mais elle différait de se faire connaître, afin qu'elle pût ainsi
souffrir dans la chair, et racheter par ses souffrances la chair du péché. — S. Jean Chrysostome : (hom. 53).
Ou bien vous connaîtrez la vérité, c'est-à-dire, vous me connaîtrez moi-même,
car je suis la vérité, la loi des Juifs ne renfermait que des figures, c'est
par moi que vous connaîtrez la vérité. S. Augustin : (serm. sur les par. du Seign). Quelqu'un dira peut-être : Et que me
servira-t-il de connaître la vérité ? Ecoutez ce qu'ajoute Notre Seigneur : «
Et la vérité vous délivrera. » Il semble leur dire : Si la vérité vous
touche peu, soyez du moins sensibles au charme de la liberté, car être
délivré, c'est être libre, de même qu'être guéri, c'est être rendu à la
santé. Cette signification ressort bien plus clairement du texte grec
έλεθερώση, car dans la langue
latine, le mot délivrer (liberari) signifie plutôt échapper au danger,
être affranchi de toutes choses pénibles. — Théophylactus : Il a menacé plus haut ceux qui persévèrent dans
leur infidélité de les laisser mourir dans leurs péchés, ici, au contraire,
il promet à ceux qui demeurent dans sa parole l'absolution de leurs péchés. —
S. Augustin : (de la Trin., 4,
18). Mais de quoi la vérité nous délivrera-t-elle, si ce n'est de la mort, de
la corruption, du changement ? car la vérité demeure immortelle,
incorruptible, immuable, et la véritable immutabilité, c'est l'éternité
elle-même. S. Jean Chrysostome : (hom. 53). Il était du devoir de ceux qui avaient cru en
Jésus-Christ du supporter au moins les reproches qu'il leur adressait; loin
de là, ils entrent aussitôt en fureur contre lui. Mais si les paroles du
Sauveur avaient dû être pour eux une cause d'agitation et de trouble, c'était
plutôt celles qui précèdent : « Et vous connaîtrez la vérité; » et ils
auraient eu quelque raison de dire : Nous ne connaissons donc point la
vérité, notre loi n'est donc que mensonge, ainsi que notre science. Mais ils
n'ont aucun souci de la vérité, et leur mécontentement porte tout entier sur
des objets profanes, car ils ne connaissaient d'autre servitude que la
servitude extérieure. Les Juifs lui répondirent : « Nous sommes la race
d'Abraham, et nous n'avons jamais été esclaves de personne. » C'est-à-dire,
vous ne devez pas traiter d’esclaves ceux qui sont libres par leur naissance,
nous n'avons jamais été esclaves. — S.
Augustin : (Traité 41). On peut dire aussi que cette réponse fut
faite non point par ceux qui avaient cru aux paroles du Sauveur, mais par
ceux qui n'avaient pas encore la foi en lui. Mais comment pouvez-vous dire en
vérité que vous n'avez jamais été en servitude, si vous l'entendez de la
servitude extérieure et publique ? Est-ce que Joseph n'a pas été vendu ?
Est-ce que les saints prophètes n'ont pas été conduits en captivité. O
ingrats que vous êtes ! pourquoi donc Dieu vous reproche-t-il continuellement
d'oublier qu'il vous a délivrés de la demeure de la servitude, si vous n'avez
jamais été esclaves ? Mais vous-mêmes qui tenez ce langage, pourquoi
payez-vous le tribut aux Romains, si vous n'avez jamais été asservis à
personne ? S. Jean Chrysostome : (hom. 53). Or comme le Sauveur ne parlait point par un
motif de vaine gloire, mais uniquement pour leur salut, il s'abstient de leur
prouver qu'ils étaient esclaves des hommes, et il se borne à leur montrer
qu'ils sont sous l'esclavage du péché, esclavage le plus dur de tous, et dont
Dieu seul peut délivrer : « Jésus leur répartit : En vérité, en vérité,
je vous le dis, » etc. S. Augustin : (Traité 41) Cette manière de parler dans la bouche du
Sauveur, annonce toujours une vérité sur laquelle il veut attirer notre
attention, c'est comme une espèce de serment. Amen veut dire vrai, et
cependant ni l'interprète grec, ni l'interprète latin n'ont voulu exprimer
cette signification du mot amen qui est un mot hébreu; peut-être pour
protéger le mystère de ce mot sous le voile du secret, non pas sans doute
pour en cacher absolument la signification, mais pour en prévenir la
profanation. Sa répétition même prouve son importance : « En vérité je
vous le dis, » c’est la vérité même qui vous parle, quand bien même elle
ne vous préviendrait pas qu'elle dit la vérité, il lui serait absolument
impossible de ne point la dire; cependant elle tient à le rappeler, elle
réveille pour ainsi dire les âmes endormies, elle veut défendre de tout
mépris ses divins enseignements. Tout homme, dit-elle, Juif ou Grec, riche ou
pauvre, roi ou mendiant, s'il commet le péché, devient esclave du péché. — S. Grégoire : (4 Mor., 21 ou 42) Tout homme, en effet, qui se laisse dominer par un désir
coupable, abaisse et plie la liberté de son âme sous le joug de la servitude;
nous résistons à cette servitude, lorsque nous luttons contre l’iniquité qui
veut nous dominer, lorsque nous résistons énergiquement à la tyrannie de
l'habitude, lorsque nous détruisons en nous le crime par le repentir, lorsque
nous lavons dans nos larmes les souillures de nos fautes. S. Grégoire : (Moral., 25, 14 ou 20). Plus on se plonge librement dans tous
les excès du crime, et plus on resserre étroitement les chaînes de cet
esclavage. — S. Augustin : (Traité
41) O misérable servitude ! L'esclave
d'un homme, fatigué du joug tyrannique de son maître, cherche son repos dans
la fuite, mais où peut fuir l'esclave du péché ? Partout où il dirige ses
pas, il se porte avec lui; le péché qu'il a commis est nu-dedans de lui-même;
la volupté passe, le péché ne passe pas; le plaisir qui flatte passe, le
remords qui déchire demeure. Celui-là seul peut nous délivrer du péché qui
est venu sur la terre sans aucun péché, et qui s'est offert en sacrifice pour
le péché. Car pour l'esclave, ajoute le Sauveur, il ne demeure pas toujours
dans la maison. Cette maison, c'est l'Eglise, l'esclave, c'est le pécheur; un
grand nombre de pécheurs entrent dans l'Eglise, aussi Notre Seigneur ne dit
pas : L'esclave n'est pas dans la maison, mais : « Il ne demeure pas
toujours dans la maison. » Mais s'il n'y a point d'esclave dans la maison,
qu'y aura-t-il donc ? Qui peut se glorifier d'être pur de tout péché ? Cette
parole du Sauveur est vraiment effrayante, aussi ajoute-t-il : « Mais le Fils
y demeure toujours. » Est-ce donc que le Christ sera seul dans sa maison ? Ou
bien, sous le nom de Fils, comprend-il le chef et les membres ? Ce n'est pas
sans raison qu'il inspire tour à tour la crainte et l'espérance, la crainte
pour nous détourner d'aimer le péché, l'espérance pour ne point nous laisser
désespérer du pardon de nos péchés. Notre espérance est donc d'être délivré
par celui qui est libre; c'est lui qui a payé notre rançon, non point avec de
l'argent, mais avec son sang, et c'est pour cela qu'il ajoute : « Si
le Fils vous délivre, vous serez véritablement libres. » S. Augustin : (serm. 48 sur les par. du Seig). Vous serez libres,
non point du joug des barbares, mais des chaînes du démon, non point de la
captivité du corps, mais de l'iniquité de l'âme. — S. Augustin : (Traité 41 sur S. Jean). La liberté
qui vient en premier lieu consiste à être exempt de tout crime, mais ce n'est
que le commencement de la liberté, ce n'en est point la perfection, parce que
la chair ne laisse point de convoiter encore contre l'esprit, de sorte que
vous ne fassiez pas ce que vous voulez. (Ga 6) La liberté pleine et
parfaite nous sera donnée, lorsque toutes les inimitiés auront cessé, et que
la mort, c'est-à-dire, le dernier ennemi, sera détruite. (1 Co 15,
26). S. Jean Chrysostome : (hom. 43 sur S. Jean). On peut encore donner cette
explication. Les Juifs, à ces paroles du Sauveur : « Celui qui commet
le péché est esclave du péché, pouvaient objecter : nous avons des sacrifices
qui peuvent nous délivrer du péché; Notre Seigneur les prévient donc en leur
disant : « L'esclave ne demeure pas toujours dans la maison. » Sous le nom de
maison, il veut désigner le royaume de son Père, et par cette comparaison
empruntée aux choses humaines, il leur apprend qu'il a puissance et autorité
sur toutes choses, de même que le maître d'une maison sur tout ce qu'elle
renferme. En effet, cette expression : « Il ne demeure pas, » signifie : Il
n'a le pouvoir de rien donner, le Fils, au contraire, qui est le maître de la
maison, a ce pouvoir; voilà pourquoi les prêtres de l'ancienne loi n'avaient
point le pouvoir de remettre les péchés par les sacrifices de la loi
ancienne, « car tous ont péché, » (Rm 7, 23) même les prêtres,
qui ont aussi besoin, comme le dit l'Apôtre, d'offrir des sacrifices pour
eux-mêmes (He 7, 27); le Fils, au contraire, a ce pouvoir, c'est pour
cela qu'il conclut en disant : « Si le Fils vous délivre, vous serez vraiment
libres, » leur montrant ainsi que la liberté extérieure dont ils se
glorifiaient, n'était pas la vraie liberté. — S. Augustin : (Traité 41) Gardez-vous donc d'abuser
de celte liberté pour pécher plus librement, mais servez-vous-en, au
contraire, pour fuir le péché, car votre volonté sera libre si elle est
sincèrement pieuse; vous serez affranchis du péché si vous êtes esclaves de
la justice. Versets 37-41.
S. Augustin : (Traité 42 sur S. Jean). Les Juifs se proclamaient
libres, parce qu'ils étaient les enfants d'Abraham. Que répond le Sauveur à
cette prétention ? « Je sais que vous êtes enfants d'Abraham, » c'est-à-dire,
je sais que vous êtes les descendants d'Abraham par la chair, mais non par la
foi du cœur, et c'est pour cela qu'il ajoute : « Mais vous cherchez à me
faire mourir. » — S. Jean
Chrysostome : (hom. 53 sur S. Jean). Notre Seigneur ajoute
ces paroles pour réprimer leur arrogance et les empêcher de dire : « Nous
n'avons point de péché. » Il s'abstient de relever les autres crimes de leur
vie, il les prend sur le fait et leur met sous les yeux l'acte coupable
qu'ils voulaient consommer. Il leur enlève peu à peu l'honneur de cette
parenté et leur apprend à ne point tant s'en glorifier, car ce sont les
œuvres surtout qui établissent la véritable parenté, de même que ce sont les
œuvres qui font les hommes libres ou esclaves. Et pour leur ôter tonte excuse
de dire qu'ils agissaient en cela avec justice, le Sauveur leur fait
connaître la cause de leurs desseins coupables : « Parce que ma parole ne
prend point en vous. » — S.
Augustin : (Traité 42) C'est-à-dire, elle ne prend point
votre cœur, parce qu'il ne la reçoit pas. La parole de Dieu est pour les
fidèles ce qu'est l'hameçon pour le poisson, il prend l'hameçon lorsqu'il est
pris, et ici aucun mal n'est fait à ceux qui sont pris de la sorte, car c'est
pour leur salut et non pour leur, perte qu'on les prend. S. Jean Chrysostome : (hom. 53). Notre Seigneur ne dit pas
: Vous ne prenez pas ma parole, mais : « Ma parole ne prend point en
vous, » pour montrer la hauteur des vérités qu'il enseigne. Mais ils
pouvaient lui dire : Où est la justice de votre réponse, si vous parlez de
vous-même ? Il se hâte donc d'ajouter : « Ce que j'ai vu dans mon Père,
je le dis, » non-seulement j'ai la même nature, mais la même vérité que lui.
— S. Augustin : (Traité 42).
Notre Seigneur veut leur faire comprendre que son Père est Dieu : J'ai vu la
vérité, leur dit-il; je dis la vérité, parce que je suis la vérité. Si donc
le Seigneur dit la vérité qu'il a vue dans son Père, il s'est vu lui-même, il
s'affirme lui-même, parce qu'il est lui-même la vérité du Père. — Origène : (Traité 20 sur S.
Jean). Ces paroles prouvent que le Sauveur a vu par lui-même ce qui était
dans le Père, taudis que les hommes à qui la vérité est révélée, ne la voient
point par eux-mêmes. — Théophylactus :
Il ne faut pas entendre ces paroles du Sauveur : « Je dis ce que j'ai vu;
» dans le sens d'une vision corporelle, elles expriment une connaissance
naturelle, véritable et parfaite, et veulent dire : De même que les yeux en
fixant un objet, le voient dans son intégrité et dans sa vérité sans se
tromper; ainsi je dis dans toute leur vérité toutes les choses que j'ai vues
dans mon Père. « Et vous, ce que vous avez vu dans votre père, vous le faites. » — Origène : (Traité 20). Il ne
nomme pas encore leur Père, il a parlé plus haut d'Abraham, mais il va leur
parler d'un autre père, c'est-à-dire du démon, dont ils sont enfants, non pas
en tant qu'hommes, mais en tant qu'ils sont livrés au mal. C'est ce mal
qu'ils commettent, que le Seigneur reprend et condamne en eux. — S. Jean Chrysostome : (hom. 53).
Une autre version porte : « Faites ce que vous avez vu dans votre père. »
C'est-à-dire, de même que je montre mon Père par mes paroles et par la vérité
de mes œuvres, montrez vous-mêmes Abraham par vos œuvres. — Origène : Une autre version porte
encore : Pour vous, faites ce que vous avez entendu de votre père, car ils
avaient appris du Père ce qui est écrit dans la loi et les prophètes. Si l'on
adopte cette version, on pourra la faire servir à prouver contre ceux qui
sont d'une opinion contraire, que le Dieu qui a donné la loi et inspiré les
prophètes, n'est autre que le Père de Jésus-Christ. Interrogeons aussi ceux qui
soutiennent le système des deux natures, diront-ils qu'ils ont entendu la
parole du Père, quoique lui étant étrangers ? Cela n'est pas possible;
soutiendront-ils qu'ils participaient à la même nature que le Sauveur,
comment alors cherchaient-ils à le mettre à mort, et ne pouvaient-ils
comprendre sa parole ? Ils ne purent supporter que le Sauveur prolongeât la discussion sur
cette question, quel était leur père, car ils se prétendaient les enfants de
celui que Dieu a déclaré le père d'un grand nombre de nations : « Ils
lui répondirent : Notre père est Abraham. » — S. Augustin : Ils semblent lui dire : Quel reproche pouvez-vous
faire à Abraham ? Et veulent-ils l'exciter à dire du mal d'Abraham pour y
trouver eux-mêmes l'occasion d'exécuter leur dessein ? — Origène : Mais le Sauveur leur enlève
ce moyen de défense comme n'étant point fondé sur la vérité : « Jésus leur
dit : Si vous êtes les enfants d'Abraham, faites les œuvres d'Abraham. » — S. Augustin : Et cependant il leur a
dit plus haut : Je sais que vous êtes les enfants d'Abraham, il ne met donc
point en doute leur origine, mais il condamne leur conduite. Leur chair
descendait d'Abraham, mais leur vie n'en venait pas. — Origène : (Traité 20). On peut encore donner une autre
explication fondée sur le texte grec : « Je sais que vous êtes de la race, ou
littéralement de la semence d'Abraham. » Pour rendre cette explication
plus claire, voyons d'abord la différence qui existe entre la semence
destinée à former le corps et l'enfant. Il est évident d'abord que la semence
a en elle-même toutes les raisons constitutives de celui dont elle est la
semence, bien qu'elles soient encore à l'état d'inaction et de repos. Mais
après la transformation de cette semence et son action particulière sur la
matière qui lui est présentée par la femme, l'enfant, au moyen de
l'alimentation qu'il reçoit, prend lui-même la forme de celui qui l'a
engendré. Quant au corps, tout enfant vient nécessairement d'une semence,
mais toute semence ne se transforme pas en enfant. Mais puisque c'est par les
œuvres que l'on juge quels sont ceux qui méritent d'être considérés comme la
race, comme la semence d'Abraham, voyons si ce ne serait pas au moyen de
certaines semences intellectuelles répandues dans les âmes qu'on pourrait
reconnaître ceux qui sont de la race d'Abraham. Tous les hommes ne sont donc
pas la semence d'Abraham, parce que tous n'ont pas ces semences
intellectuelles infuses dans leurs âmes. Il faut que celui qui est la semence
d'Abraham, devienne aussi son fils en prenant sa ressemblance. Or, il peut
arriver que par suite de sa négligence ou de son inaction, il détruise en lui
cette précieuse semence. Quant à ceux à qui Notre Seigneur s'adressait, toute
espérance n'était pas encore détruite, Jésus savait qu'ils étaient encore la
semence d'Abraham, et qu'ils n'avaient pas encore perdu le pouvoir de devenir
enfants d'Abraham. C'est pourquoi il leur dit : « Si vous êtes les enfants
d'Abraham, faites les œuvres d'Abraham. » S'ils avaient voulu laisser croître
cette précieuse semence jusqu'à son parfait développement, ils auraient
compris la parole de Jésus. Mais comme ils ne sont point parvenus à être les
enfants d'Abraham, ils ne peuvent comprendre cette parole, et ils cherchent à
la détruire et comme à la briser, parce qu'ils n'en comprennent point la
grandeur. Si donc quelqu'un d'entre vous est la semence d'Abraham, et qu'il
ne comprenne pas encore le Verbe de Dieu, qu'il se garde bien de chercher à
mettre le Verbe à mort, mais qu'il se transforme en fils d'Abraham, et alors
il pourra comprendre le Fils de Dieu. Il en est qui se bornent à choisir une
seule des œuvres d'Abraham, celle que l'Apôtre relève en ces termes :
« Abraham crut à la parole de Dieu, et sa foi lui fut imputée à justice.
» Mais si, comme ils le prétendent, la foi est la seule œuvre nécessaire,
pourquoi le Sauveur n'a-t-il pas dit au singulier : « Faites l'œuvre
d'Abraham, » mais au pluriel : « Faites les œuvres d'Abraham » ? Ces paroles
sont l'équivalent de celles-ci : Faites toutes les œuvres d'Abraham, en
prenant toutefois la vie d'Abraham dans le sens allégorique et ses actions
dans un sens spirituel. En effet, celui qui veut devenir le fils d'Abraham,
ne doit point, à l'exemple d'Abraham, prendre ses servantes pour épouses, ni
après la mort de sa femme en épouser une autre dans sa vieillesse. « Mais maintenant vous cherchez à me faire mourir, moi qui vous ai
dit la vérité. » — S. Jean Chrysostome
: (hom. 53). Quelle vérité ? Qu'il est égal au Père, car c'est
pour cela que les Juifs cherchaient à le mettre à mort. Et pour leur montrer
que cette vérité n'est pas contraire à Dieu, il ajoute : « Que j'ai entendue
de Dieu. » — Alcuin : C'est qu'en
effet, celui qui est la vérité, avait été engendré par le Père, car pour lui
entendre du Père, n'est autre qu'être engendré de Dieu le Père. — Origène : « Moi, un homme qui vous ai
dit la vérité. » Je ne dis pas encore : Moi le Fils de Dieu, je ne dis pas :
Moi le Verbe, parce que le Verbe ne meurt pas; je dis ce que vous voyez,
parce que vous pouvez mettre à mort ce que vous voyez, et que vous ne pouvez
qu'outrager ce que vous ne voyez pas. « Ce n'est point ce qu'à fait Abraham. » — Alcuin : C'est-à-dire, vous prouvez justement que vous n'êtes pas
les enfants d'Abraham, parce qui; vous faites des œuvres contraires à celles
qu'a faites Abraham. — Origène : Mais,
me dira-t-on, c'est bien in utilement qu'on fait un mérite à Abraham de
n'avoir point fait ce qu'il n'aurait pu faire de son temps, car le Christ
n'était pas né du temps d'Abraham ? Nous répondons qu'au temps même d'Abraham
il y avait des hommes qui annonçaient la vérité qu'ils avaient entendue de
Dieu, et que certainement Abraham ne chercha point à les mettre à mort. Il
faut se rappeler, en effet, que l'avènement spirituel de Jésus a toujours été
présent pour les saints, d'où je conclus que tout homme qui après sa
régénération et les grâces célestes qu'il a reçues, retombe dans le péché,
crucifie de nouveau le Fils de Dieu par les crimes dans lesquels il retombe.
Ce que n'a pas fuit Abraham. « Vous faites les oeuvres de votre père. » — S. Augustin : (Traité 42). Il ne leur dit pas encore quel
est leur père. — S. Jean Chrysostome :
(hom. 53). Son dessein, en leur parlant de la sorte, est de
détruire en eux ces sentiments de vaine gloire, que leur inspire leur parenté
avec Abraham, et de bien les persuader de placer l'espérance de leur salut,
non point dans une parenté toute naturelle, mais dans la parenté fondée sur
l'adoption spirituelle, parce, qu'en effet ce qui les empêchait de venir à
Jésus-Christ, c’est qu'ils pensaient que cette parenté avec Abraham suffisait
pour le salut. Versets 41-43.
S. Augustin : (Traité 42 sur S. Jean). Les Juifs avaient commencé à
comprendre que Jésus ne leur parlait pas de la génération ou de la parenté
selon la chair, mais qu'il s'agissait de la sage direction de toute la vie.
Et comme les saintes Ecritures donnent le nom de fornication spirituelle au
culte, que l'âme, semblable à une prostituée, rend à une multitude de fausses
divinités, ils se hâtent de répondre : « Nous ne sommes pas nés de la fornication,
nous avons un seul père qui est Dieu. » — Théophylactus : Ils lui font entendre par là qu'ils demandent
vengeance à Dieu, et qu'ils invoquent son appui dans les desseins qu'ils
forment contre lui. Origène : (Traité 22 sur S. Jean). Ou bien encore, comme Jésus
leur a reproché de n'être pas les enfants d'Abraham, ils lui répondent par un
outrage personnel, et veulent insinuer à mots couverts que le Sauveur est le
fruit de l'adultère. Il me parait cependant plus vraisemblable que cette
réponse fait suite à la discussion. Ils ont commencé par dire : « Notre père
est Abraham, » et Jésus leur a répondu : « Si vous êtes les enfants
d'Abraham, faites les œuvres d'Abraham, » ils déclarent maintenant
qu'ils ont un père plus grand qu'Abraham, c'est-à-dire Dieu, et qu'ils ne
sont point enfants de la fornication. Car ce n'est point d'une épouse
légitime, mais de la matière comme d'une prostituée, que le démon qui ne fait
rien de lui-même, produit ceux qui, plongés dans les jouissances charnelles,
sont esclaves de la matière. — S. Jean
Chrysostome : (hom. 54) Mais que dites-vous ? Vous avez Dieu pour
père, et vous faites un crime au Christ de tenir ce langage ? Et
cependant un grand nombre d'entre eux étaient nés de la fornication, car les
unions illicites étaient fréquentes chez les Juifs. Le Sauveur, toutefois, ne
leur en fait point un reproche, mais il s'attache à leur prouver qu'ils ne
sont point de Dieu : « Jésus leur dit donc : Si Dieu était votre père, vous
m'aimeriez certainement, parce que je suis sorti de Dieu, et que je viens de
sa part. » — S. Hilaire : (De
la Trin., 6) Le Fils de Dieu ne défend pas que cet auguste nom soit porté
par ceux qui, faisant profession d'être les enfants de Dieu, reconnaissent
Dieu pour leur père; mais il blâme la téméraire présomption des Juifs qui
prétendaient que Dieu était leur père, et qui n'avaient pour lui, son Fils,
aucun amour. On ne peut dire que sortir de Dieu et venir de Dieu soient deux
termes identiques, mais comme il déclare que ceux qui proclament Dieu leur père,
devraient l'aimer par ce seul motif qu'il est sorti de Dieu, il donne donc
pour motif de cet amour le motif de sa naissance, car sortir de Dieu est la
même chose que naître, incorporellement de lui. On n'est donc vraiment digne
de la religion, par laquelle on reconnaît Dieu pour père, qu'en aimant
Jésus-Christ qui a été engendré du Père, et il est impossible d'être vraiment
religieux envers le Père, sans aimer le Fils, puisque l'unique cause d'aimer
le Fils, c'est qu'il est sorti de Dieu. Le Fils virait donc du Père, non par
avènement, mais par naissance, et la plus grande marque d'amour envers le
Père sera toujours de croire que le Fils est venu de lui. S. Augustin : (Traité 42) Le Verbe procède donc de Dieu, et il en procède
éternellement, car il en procède comme le Verbe du Père, et il est venu
jusqu’à nous, parce que le Verbe s’est fait chair. Son avènement c'est donc
son humanité, et sa demeure, sa divinité. Vous dites que Dieu est votre
Père, reconnaissez-moi au moins pour votre frère. — S. Hilaire : Notre Seigneur enseigne clairement qu'il ne tire
point son origine de lui-même en ajoutant : « Je ne suis pas venu de
moi-même, mais c'est lui qui m'a envoyé. » — Origène : Je pense que le Sauveur s'exprime de la sorte pour
blâmer la conduite de ceux qui venaient de leur propre autorité, sans être
envoyés par le Père, et dont Jérémie disait : « Je ne les envoyais point, et
ils couraient d'eux-mêmes. » (Jr 21, 23). Mais comme les partisans des
deux natures appuient leur erreur sur ces paroles, nous pouvons leur demander
sous forme d'objection : Paul, sans doute, haïssait Jésus, lorsqu'il
persécutait l'Eglise de Dieu ? Et voilà pourquoi le Seigneur lui disait : «
Pourquoi me persécutez-vous ? » Si donc nous devons admettre la vérité de
cette proposition : « Si Dieu était votre Père, vous m'aimeriez certainement,
» il faut admettre également la vérité de cette autre proposition : « Si vous
ne m'aimiez pas, Dieu ne serait pas votre Père. » Il fut donc un temps où
Paul n'aimait pas Jésus, il fut un temps où Dieu n'était pas le père de Paul,
Paul ne fut donc jamais enfant de Dieu par nature, mais il est devenu par la
suite enfant de Dieu. Or, quand devient-on le fils de Dieu, si ce n'est quand
on observe ses commandements ? S. Jean Chrysostome : (hom. 54). Comme ils faisaient sans cesse cette question :
Que veut-il dire, quand il nous déclare que là où il va, nous ne pouvons
aller ? le Sauveur ajoute : « Pourquoi ne reconnaissez-vous point mon langage
? parce que vous ne pouvez point entendre ma parole. » — S. Augustin : (Traité 42). Or, ils ne pouvaient
l'entendre, parce qu'ils ne voulaient pas y croire pour réformer leur vie. — Origène : (Traité 22). La
première chose est donc d'obtenir la vertu d'écouter le Verbe divin, afin
d'être plus fort ensuite pour suivre la doctrine de Jésus dans toute son
étendue; car tant que l'homme n'a pas été guéri dans le sens de l'ouïe, par
la parole qui a dit au sourd de l'Evangile : « Ouvrez-vous, » (Mc 7)
il lui est impossible d'en faire usage pour entendre. Versets 44-47.
S. Jean Chrysostome : (hom. 54 sur S. Jean). Notre Seigneur a prouvé aux
Juifs qu'ils n'avaient aucun droit à se dire la race d'Abraham, et comme ils
élevaient plus haut encore leurs prétentions, en proclamant qu'ils avaient
Dieu pour père, ils les confond de nouveau en leur disant : « Vous avez le
démon pour père. » — S. Augustin : (Traité
42) Il faut nous garder ici de l'erreur des Manichéens, qui
prétendent qu'il existe un certain principe du mal, une nation de ténèbres
avec ses chefs, d'où le démon a tiré son origine, c'est de là aussi que notre
chair puiserait la raison de son existence, et c'est pour confirmer cette
opinion que le Sauveur dit aux Juifs : « Vous avez le démon pour père, »
c'est-à-dire qu'ils seraient mauvais par nature, parce qu'ils tiraient leur
origine de la nation des ténèbres, en hostilité avec Dieu. Origène : (Traité 22) Ils sont tombés dans la même erreur que
celui qui prétendrait que l'œil d'un homme qui voit, diffère quant à sa
nature de l'œil de l'aveugle où de celui qui détourne les yeux de la lumière.
Non la nature de l'œil est la même dans ces deux hommes, mais il y a une
cause particulière qui empêche l'un de ces deux hommes de voir. Ainsi la
nature de l'âme reste la même soit qu'elle se rende à la raison, soit qu'elle
y résiste. S. Augustin : (Traité 42). Les Juifs étaient donc les enfants du démon,
non par naissance, mais par imitation : « Et vous voulez accomplir les désirs
de votre Père. » Ce qui vous fait ses enfants, ce n'est pas que vous soyez
nés de lui, c'est que vous nourrissez les mêmes désirs. Car vous cherchez à
me faire mourir, moi un homme qui vous ai dit la vérité; et le démon a aussi
porté envie au premier homme et l'a mis à mort : « Et il était homicide dès
le commencement. » Il a été homicide à l'égard du premier homme qu'il a pu
mettre à mort, puisqu'il n'aurait pu le mettre à mort avant qu'il commençât
d'exister. Ce n'est point avec le glaive que le démon s'est présenté pour
attaquer l'homme, il lui a suffi de semer dans son âme une mauvaise parole
pour lui donner la mort. Ne vous regardez donc pas comme innocent d'homicide,
lorsque vous persuadez le mal à votre frère. Mais pour vous, vous voulez
exercer votre fureur sur mon corps, parce que vous ne pouvez rien sur mou
âme. Origène : Remarquez que le démon a mérité ce nom
d'homicide dès le commencement, non pour avoir commis un seul homicide, mais
pour avoir mis à mort tout le genre humain (en tant que tous les hommes sont
morts dans Adam). — S. Jean
Chrysostome : (hom. 54). Jésus ne leur dit pas : Vous faites les
œuvres, mais : « Vous voulez accomplir les désirs de votre père, » pour
exprimer la violente passion du meurtre qui les domine, à l'exemple du démon;
et comme ils lui reprochaient continuellement de ne point venir de Dieu, il
leur insinue indirectement que celle pensée vient aussi du démon : « Et
il n'est point demeuré dans la vérité. » — S. Augustin : (Cité de Dieu, 11, 13). Il en est qui
prétendent que dès le commencement de son existence, le démon n'est point
demeuré dans la vérité, et qu'il n'a jamais eu part à la béatitude des saints
anges; car, disent-ils, il a refusé de se soumettre à son Créateur, et il est
devenu aussitôt un esprit faux et trompeur, parce qu'au lieu de conserver par
une humble soumission ce qu'il était véritablement, il a mieux aimé affecter
par un excès d'orgueil, une élévation qui ne lui appartenait pas. Ce
sentiment n'a rien de commun avec l'erreur des Manichéens qui enseignent que
le démon tient sa nature mauvaise d'un principe essentiellement mauvais et
opposé à Dieu. Séduits par la vanité de leurs pensées, ils ne font point
attention que Notre Seigneur n'a pas dit : Il fut étranger à la vérité, mais
: « Il n'est pas demeuré dans la vérité, » ce qui indique qu'il est tombé des
hauteurs de la vérité, (chap. 15) Ils entendent encore ces paroles de saint
Jean : «Le démon pèche dès le commencement, » (1 Jn 3) dans ce sens
qu'il n'a jamais été sans péché. Mais comment expliquer alors les témoignages
contraires des prophètes ? celui d'Isaïe qui, voulant figurer le démon dans
la personne du roi de Babylone, lui dit : « Comment est tombe du ciel
Lucifer, ce bel astre qui se levait dès le matin ? » (Is 14) et celui
d'Ezéchiel : « Vous avez été dans les délices du paradis de Dieu. » (Ez 28)
Si l’on ne peut donner de ces deux passages une interprétation plus fondée,
il faut les entendre dans ce sens que le démon a été dans la vérité, mais
qu'il n'y a pas demeuré. Quant à ces paroles de saint Jean : « Le démon pèche
dès le commencement, » il faut les entendre non point du moment qu'il a été
créé, mais de celui où il a commencé à pécher. Car c'est en lui que le péché
a commencé, et il a été lui-même le commencement du péché. Origène : (Traité 20). Il n'y a qu'une manière uniforme de demeurer
dans la vérité, tandis qu'on en sort par des voies nombreuses et variées; les
uns dont les genoux sont chancelants, s'efforcent de demeurer dans la vérité,
et ne peuvent y réussir; d'autres, sans être aussi faibles, éprouvent la même
hésitation au milieu des dangers, selon cette parole du Roi-prophète :
« Pour moi, mes pieds ont été ébranlés; » (Ps 71) d'autres enfin
tombent et se détachent complètement delà vérité. Or, le Sauveur nous donne
la raison pour laquelle le démon n'est pas resté fidèle à la vérité, « c'est
que la vérité n'est point en lui, » c'est-à-dire qu'il s'est laissé entraîner
par la vanité de ses pensées, et qu'il a été son propre séducteur, en cela
d'autant plus méchant, que les hommes sont trompés par lui, tandis qu'il est
lui-même l'auteur de sa déception. Mais dans quel sens est-il dit que la vérité
n'est pas en lui ? Faut-il admettre qu'il n'a jamais possédé la véritable
doctrine, et que toutes ses pensées ne sont que mensonge ? Ou bien ces
paroles signifient-elles qu'il n'a jamais été participant de Jésus-Christ qui
a dit de lui-même : « Je suis la vérité ? » Il est impossible, ce me semble,
qu'une nature raisonnable ait des idées fausses sur toutes choses, et
n'aperçoive pas, ne fût-ce qu'une petite partie de la vérité, et le démon
comprend au moins cette vérité qu'il est lui une nature raisonnable.
L'essence de sa nature n'est donc pas contraire à la vérité, elle n'est pas
un composé d'erreur et d'impuissance; car alors il ne pourrait jamais
connaître la vérité. — S. Augustin : (Cité
de Dieu, 11, 18). Ou bien encore, Notre Seigneur en disant : « La vérité
n'est point en lui, » répond à la question qu'on pourrait lui faire, et donne
la raison pour laquelle le démon n'est point demeuré dans la vérité, c'est
que la vérité n'était point en lui, et elle eût été en lui, s'il y fût
demeuré. « Lorsqu'il dit le mensonge, il dit ce qu'il trouve en lui-même,
parce qu'il est menteur et le père du mensonge. » — S. Augustin : Ces paroles ont donné lieu à quelques-uns de penser
que le démon avait un père, et de rechercher quel était son père, c'est
l'erreur des Manichéens. Le Sauveur dit que le démon est le père du mensonge.
En effet, tout homme qui ment n'est pas le père de son mensonge; ainsi vous
avez entendu un mensonge et vous le répétez; vous avez menti, il est vrai,
mais vous n'êtes pas le père de ce mensonge. Le démon, au contraire, n'a
point reçu d'ailleurs le mensonge avec lequel il a tué le premier homme,
comme un serpent avec son venin; il est donc le père du mensonge, comme Dieu
est le père de la vérité. — Théophylactus
: Il a été tout à la fois l'accusateur de Dieu près des hommes, en disant
à Eve que c'était par envie qu'il leur avait défendu de manger du fruit de
l'arbre; et l'accusateur des hommes près de Dieu, lorsqu'il dit à Dieu, par
exemple : Est-ce donc en vain que Job honore Dieu ? Origène : (Traité 20). Remarquez que ce nom de menteur est donné aussi
bien au démon, qui est le père du mensonge, qu'à l'homme, selon ces paroles
du Psalmiste : « Tout homme est menteur; » (Ps 115) car celui qui
n'est pas coupable de mensonge n'est pas seulement un homme, et ou peut lui
appliquer, ainsi qu'à ceux qui lui ressemblent, ces paroles : « Je l'ai dit,
vous êtes des dieux. » (Ps 81, 6). Lors donc qu'un homme profère un
mensonge, il parle de son propre fonds. L'Esprit saint, au contraire, parle
d'après le Verbe de la vérité et de la sagesse, d'après ces paroles du
Sauveur : « Il recevra de ce qui est à moi, et vous l'annoncera. » (Jn
15, 14). — S. Augustin : (Quest.
sur le Nouv. et l'Anc. Test., quest. 90). Ou bien encore le diable n'est
pas ici un nom spécial, mais un nom commun, que vous pouvez donner à tout
homme en qui vous trouvez les œuvres du diable, car c'est un nom qui convient
aux actions plutôt qu'à la nature. Notre Seigneur veut indiquer que les Juifs
ont pour père Caïn, parce qu'ils veulent se rendre ses imitateurs en le
mettant à mort. C'est Caïn, en effet, qui a donné le premier exemple de
fratricide, et le Sauveur dit qu'il puise le mensonge dans son propre fonds,
pour nous apprendre qu'on ne peut pécher que par sa propre volonté. Comme Caïn
a été lui-même l'imitateur du diable, on lui donne pour père le diable, dont
il a imité les œuvres. Alcuin : Dieu est la vérité, et le Fils de Dieu, qui
est la vérité ne peut dire lui-même que la vérité; mais les Juifs (qui
étaient les enfants du démon) avaient la vérité en horreur, comme le Sauveur
le leur reproche : « Et moi, si je vous dis la vérité, vous ne me croyez
point. » — Origène : ( Traité 20.
) Mais comment peut-il faire ce reproche aux Juifs qui ont cru en lui ? Il
faut remarquer ici qu'on peut croire sous un rapport, et ne pas croire sous
un autre, comme ceux par exemple qui croient en Celui qui a été crucifié sous
Ponce-Pilate, et qui ne croient pas qu'il soit né de la Vierge Marie; ils
croient et tout à la fois ne croient pas à la même personne. C'est ainsi que
les Juifs à qui s'adressait Notre Seigneur croyaient en lui à la vue des
miracles qu'il opérait, et ne croyaient pas aux vérités sublimes qu'il leur
enseignait. S. Jean Chrysostome : (hom. 54) C'est donc parce que vous êtes les ennemis de la
vérité, que sans avoir aucune accusation à formuler contre moi, vous voulez
me mettre à mort. C'est pour cela qu'il ajoute : « Quel est celui d'entre
vous qui me reprendra de péché ? » — Théophylactus
: C'est-à-dire, si vous êtes les enfants de Dieu, vous devez
nécessairement haïr ceux qui l'offensent, si donc vous ne pouvez me
convaincre de péché, moi, l'objet de votre haine, il est évident que c'est
par haine de la vérité que vous me haïssez, parce que je me dis le
Fils de Dieu. — Origène : (Traité
20). Ces paroles de Jésus-Christ sont l'expression d'une confiance
extraordinaire, et aucun autre homme ne peut porter un semblable défi, si ce
n'est Nôtre-Seigneur, qui n'a jamais connu le péché. (1 P 2,
22). — S. Grégoire : (hom. 18
sur les Evang). Considérez ici la douceur de Nôtre-Seigneur, il ne
dédaigne point de prouver qu'il n'est point pécheur, lui qui par sa vertu
divine pouvait justifier les pécheurs. Il ajoute donc : « Celui qui est de
Dieu, entend les paroles de Dieu, et c'est parce que vous n'êtes pas de Dieu,
que vous ne les entendez pas. » — S.
Augustin : (Traité 43). Ne considérez donc pas ici la nature, mais
le vice de la nature. Les Juifs étaient de Dieu, et n'étaient pas de Dieu;
leur nature venait de Dieu, le vice de leur nature n'en venait point. Or, le
Sauveur adresse ce reproche non-seulement à ceux qui étaient coupables de
péché, car ils l'étaient tous; mais à ceux qu'il prévoyait devoir repousser
la foi, qui seule aurait pu les affranchir des liens de leurs péchés. — S. Grégoire : (hom. 18 sur
les Evang). Que chacun se demande s'il écoute les paroles de Dieu avec
l'oreille du cœur, et il saura d'où il vient. Il en est, en effet, qui ne
veulent même pas écouter les préceptes divins des oreilles du corps; il en
est d'autres qui ouvrent ces oreilles pour les entendre, mais qui n'éprouvent
pour ces préceptes aucun désir du cœur; il en est d'autres enfin, qui
reçoivent volontiers la parole de Dieu, et qui s'en laissent pénétrer
jusqu'aux larmes, mais après ce moment consacré aux larmes du repentir, ils
retournent à leurs iniquités; et on peut dire qu'ils n'écoutent pas
véritablement les paroles de Dieu, parce qu'ils refusent de les traduire dans
leurs œuvres. Versets 48-51.
S. Jean Chrysostome : (hom. 54 sur S. Jean). Toutes les fois que le Sauveur
leur enseignait une doctrine plus relevée, les Juifs, aveugles par leur
fureur insensée, n'y voyaient qu'un acte de folie. « Les Juifs lui
répondirent donc : N'avons-nous pas raison de dire que vous êtes un
Samaritain, » etc. — Origène : (Traité
20). C'est une question digne d'intérêt que de savoir comment les Juifs
ont osé traiter de Samaritain le Sauveur, lui qui n'a cessé de multiplier ses
enseignements sur la résurrection et le jugement, alors que les Samaritains,
au contraire, nient la vie future et l'immortalité de l'âme. Mais peut-être
est-ce un outrage purement gratuit qu'ils lui font en lui donnant le nom
d'une secte dont il ne partage pas les opinions. — Alcuin : Les Samaritains, nation odieuse au peuple juif,
occupaient le pays habité autrefois par les dix tribus qui furent emmenées en
captivité. — Origène : On peut
dire aussi que quelques-uns pensaient que Jésus partageait l'opinion des
Samaritains sur l'anéantissement de l'âme après la mort, et que c'était pour
plaire aux Juifs, et sans y croire, qu'il leur parlait de la résurrection et
de la vie éternelle. Ils l'accusent d'avoir en lui le démon, parce que les
grandes vérités qu'il leur enseignait, que Dieu était son Père, qu'il était
descendu du ciel et d'autres choses semblables, dépassaient la portée de
l'intelligence humaine. Ou bien encore ils adoptaient les soupçons de
plusieurs d'entre eux, qui pensaient que c'était par Béelzébub, prince des
démons, qu'il chassait lui-même les démons.— Théophylactus : Ou bien encore ils le traitaient de Samaritain,
comme détruisant les pratiques de la loi des Hébreux, en particulier
l'observance du sabbat, car les Samaritains n'observaient point parfaitement
toutes les pratiques de la loi juive. Ils soupçonnaient qu'il avait en lui un
démon, parce qu'il leur révélait leurs propres pensées. L'Evangéliste ne
mentionne pas dans quelles circonstances ils l'avaient appelé Samaritain,
preuve que les Evangélistes ont passé beaucoup de choses sous silence. S. Grégoire : (hom. 18 sur les Evang). Le Fils de Dieu reçoit ces
outrages et n'y répond point par des injures : Jésus repartit : « Il n'y a
point en moi de démon; » ainsi nous enseigne-t-il à ne point divulguer les
véritables défauts du prochain, lors même que ses outrages n'ont d'autre
fondement que la calomnie, de peur que le ministère de la correction
fraternelle ne devienne une occasion et un instrument de vengeance. — S. Jean Chrysostome : (hom. 54)
Remarquons aussi que lorsqu'il s'agissait de les instruire et de combattre
leur orgueil, Jésus se montrait plus sévère, mais lorsqu'il n'y avait que des
outrages à supporter, il faisait preuve de la plus grande douceur, nous
apprenant ainsi à venger les injures qui sont faites à Dieu, et à mépriser
celles dont nous sommes l'objet. — S.
Augustin : (Traité 43). Son dessein est encore que l'homme imite
d'abord sa patience pour parvenir à la puissance qu'il désire. Notre Seigneur
ne rend donc pas injure pour injure; toutefois il regarde comme un devoir de
repousser leur imputation calomnieuse. Ils avaient formulé contre lui deux
accusations : « Vous êtes un Samaritain, » et : « Vous êtes possédé du démon.
» Jésus ne nie point qu'il est Samaritain, car le mot Samaritain veut dire gardien,
et il savait qu'il était notre gardien par excellence, car s'il avait
pour mission de nous racheter, n'avait-il pas aussi celle de nous conserver ?
— Origène : N'est-il pas
d'ailleurs le bon Samaritain, qui s'est approché du voyageur blessé, et a
pratiqué à son égard tous les devoirs de la miséricorde ? (Lc 18)
Disons encore que le Sauveur, bien plus que l'apôtre saint Paul, a voulu se
faire tout à tous pour gagner tous les hommes, et c'est pour cela qu'il ne
nia point qu'il fût Samaritain. Il n'appartenait du reste qu'à Jésus seul de
pouvoir dire : « Il n'y a point de démon en moi, » etc.; et encore ces autres
paroles : « Le prince de ce monde vient et il n'a rien en moi; » (Jn 14)
car les péchés qui sont regardés comme les plus légers, étaient attribués au
démon. S. Augustin : (Traité 43 sur S. Jean,) Après avoir reçu un tel
outrage, Notre Seigneur ne dit que ces paroles dans l'intérêt de sa gloire :
« Mais j'honore mon Père, » c'est-à-dire, je ne m'honore point moi-même,
pour ne pas prêter à l'accusation d'arrogance, il eu est un autre que
j'honore. — Théophylactus : Il a
honoré son Père en vengeant sa gloire et en ne permettant pas à des homicides
et des menteurs de se proclamer les vrais enfants de Dieu. — Origène : (hom. 20).
Jésus-Christ seul a véritablement honoré son Père, car personne ne peut
prétendre honorer Dieu, s'il témoigne encore quelque honneur à des choses que
Dieu n'a point en estime. — S.
Grégoire : (hom. 18 sur les Evang). Mais comme tout homme
qui brûle de zèle pour la gloire de Dieu est exposé aux outrages des
méchants, le Seigneur a voulu nous donner dans sa personne un exemple de
patience, lorsqu'il se contente de répondre aux Juifs : « Et vous, vous me
déshonorez. » — S. Augustin : C'est-à-dire,
je fais ce que je dois faire, et vous, vous ne faites pas ce que vous devez
faire. — Origène : (Traité 20).
Ces paroles ne s'adressent pas seulement aux Juifs, mais à tous ceux qui
commettent l'injustice, à ceux qui outragent Jésus-Christ, qui est la
justice, comme à ceux qui font outrage à la sagesse, parce que Jésus-Christ
est la sagesse, et ainsi des autres vertus. — S. Grégoire : Mais que devons-nous opposer aux outrages que nous
recevons ? Le Sauveur nous l'apprend par son exemple : « Pour moi, je
glorifie mon Père, » etc. — S. Jean
Chrysostome : (hom. 54). C'est-à-dire, l'honneur que je professe
pour mon Père m'a porté à vous adresser ces paroles, et c'est pour cela que
vous me déshonorez, mais peu m'importent vos outrages, je laisse le soin de
les châtier à celui pour l'honneur duquel je les supporte. Origène : (Traité 20). Dieu cherche la gloire de Jésus-Christ dans chacun
de ceux qui le reçoivent, et il la trouve dans tous ceux qui cultivent avec
soin les principes de vertu répandus dans leur âme, mais s'il est trompé dans
ses recherches, il punit sévèrement ceux en qui il ne trouve pas la gloire de
son Fils. C'est ce que signifient ces paroles : « Il est quelqu'un qui en
prendra soin et qui fera justice. » — S.
Augustin : (Traité 43) De qui veut-il parler, si ce n'est de son
Père ? Or comment dit-il dans un autre endroit : « Le Père ne juge personne,
mais il a donné tout pouvoir de juger à son Fils ? » (Jn 5) Il faut se
rappeler que le mot jugement se prend quelquefois dans le sens de
condamnation, tandis qu'ici il signifie simplement discernement, séparation; Notre
Seigneur leur dit donc : « C'est à mon Père de discerner, de séparer ma
gloire de la vôtre; » car vous ne recherchez que la gloire de ce monde, quant
à moi, je ne veux point de cette gloire, Dieu distingue et sépare encore la
gloire de son Fils de la gloire des hommes, car le mystère de son incarnation
ne l'a pas entièrement assimilé à nous; nous sommes des hommes coupables de
péché, mais pour lui il est sans péché, même en tant qu'il a pris la forme
d'esclave; car qui pourrait dignement redire ces paroles : « Au commencement
était le Verbe ? » — Origène : Ou
bien encore, s'il faut admettre la vérité de ces paroles du Sauveur à son
Père : « Tout ce qui est à vous est à moi, » il est évident que le pouvoir de
juger qui est propre au Fils appartient au Père. S. Grégoire : (hom. 18 sur les Evang). Lorsque les prédicateurs
voient s'accroître la perversité des méchants, non-seulement ils ne doivent
point s'en laisser abattre, ils doivent au contraire redoubler de zèle. Voyez
Nôtre-Seigneur, les Juifs l'accusent d'avoir en lui le démon, et pour toute
vengeance, il leur donne avec plus de profusion les bienfaits de sa divine
doctrine : « En vérité, en vérité, je vous le dis, si quelqu'un garde ma
parole, il ne verra point la mort, » etc. — S. Augustin : (Traité 43) Il ne verra point, c'est-à-dire,
il n'éprouvera point la mort. Le Sauveur qui devait mourir parlait à des
hommes qui devaient mourir eux-mêmes, que signifient donc ces paroles : «
Celui qui gardera ma parole ne verra point la mort ? » C'est qu'il avait en
vue une autre mort dont il était venu nous délivrer, la mort éternelle, la
mort de la damnation avec le démon et ses anges. Voilà la seule vraie mort,
l'autre n'est qu'un passage. — Origène
: (Traité 20). Ces paroles : « Si quelqu'un garde ma parole, il ne
verra jamais la mort, » doivent être entendues dans ce sens : Si quelqu'un
garde fidèlement ma lumière, il ne verra point les ténèbres. Le mot
éternellement doit être entendu dans cette signification usuelle : Celui qui
gardera éternellement ma parole, ne verra pas éternellement la mort. On ne
voit jamais en effet la mort tant qu'on garde la parole de Jésus, mais
lorsqu'on se relâche dans l'observance de ses commandements et dans la
vigilance sur soi-même, on cesse de garder sa parole, alors on voit la mort
qu'on ne trouve nulle part ailleurs qu'en soi-même. Ainsi instruits par le
Sauveur, nous pouvons répondre au prophète qui nous demande : « Quel est
l'homme qui vivra et ne verra pas la mort ? » C'est celui qui aura gardé la
parole de Jésus-Christ. — S. Jean
Chrysostome : (hom. 54) Celui qui aura gardé, non-seulement par la
foi, mais par la pratique d'une vie pure. Nôtre-Seigneur, en même temps, fait
entendre indirectement aux Juifs qu'ils ne peuvent rien contre lui, car si
celui qui garde sa parole ne mourra jamais, à plus forte raison ne peut-il
mourir lui-même. Versets 52-56.
S. grég. (hom. 18 sur les Evang). De même que les bons
deviennent meilleurs par les outrages dont ils sont l'objet, ainsi les
méchants deviennent pires par les bienfaits qu'ils reçoivent, c'est ainsi que
les Juifs, en reconnaissance des enseignements du Sauveur, blasphèment de
nouveau contre lui. Les Juifs lui dirent : Nous voyons maintenant qu'un démon
est en vous. — Origène : Ceux qui
croient aux saintes Ecritures savent que ce que les hommes font de contraire
à la droite raison, n'est point étranger à l'action du démon. Les Juifs
pensaient donc que c'était sous l'inspiration du démon, que Jésus avait dit :
« Si quelqu'un garde ma parole, il ne verra jamais la mort. » Ils tombèrent
dans cette erreur, parce qu'ils n'ont point considéré la puissance de Dieu.
Le Sauveur veut parler ici de celte mort ennemie de la droite raison et qui
frappe tous les pécheurs; les Juifs, au contraire, n'entendent que la mort
ordinaire, et tournent en ridicule ses paroles, en lui rappelant qu'Abraham
et les prophètes sont morts : « Abraham et les prophètes sont morts, vous
dites : Si quelqu'un garde ma parole, il ne goûtera jamais la mort, » etc. Il
y a une différence entre « goûter la mort et voir la mort, » cependant au
lieu de : « Il ne verra pas la mort, » ils disent : « Ils ne goûtera pas la
mort, » comme des auditeurs inattentifs qui confondent les paroles du
Sauveur. De même, en effet, que le Seigneur, en tant qu'il est le pain
vivant, peut être goûté, et qu'il est la beauté visible en tant qu'il est la
sagesse de Dieu; de même, la mort qui est son ennemie, peut être goûtée et
vue. Tout homme qui se tient dans un milieu spirituel ne goûtera point la
mort s'il reste dans cet état, selon ces paroles : « Il en est de ceux qui se
tiennent ici qui ne goûteront pas la mort, » (Mt 16) mais pour
celui qui reçoit et garde la parole de Jésus-Christ, il ne verra jamais la
mort. S. Jean Chrysostome : (hom. 55). La vaine gloire les fait encore invoquer leur
parenté avec Abraham : « Etes-vous plus grand que notre père Abraham,
qui est mort ? » Ils auraient pu aussi bien lui dire : « Etes-vous plus
grand que Dieu, qui n'a point sauvé de la mort ceux qui ont entendu sa parole
? » Mais ils ne le font pas, parce qu'ils le considèrent comme bien inférieur
à Abraham. — Origène : Ils ne
comprennent pas que celui qui est né de la Vierge est plus grand,
non-seulement qu'Abraham, mais que tous ceux qui sont nés des femmes.
D'ailleurs, il est contraire à la vérité de dire comme ils le font,
qu'Abraham est mort, car Abraham a entendu la parole du Christ et l'a gardée
aussi bion que les prophètes, dont les Juifs ajoutent : « Et que les
prophètes qui sont morts. » Ils ont gardé, en effet, la parole de Dieu,
lorsque cette parole s'est fait entendre par exemple à Osée ou à Jérémie;
d'autres ont pu la garder, mais les prophètes l'ont gardée les premiers. Ils
mentent donc à la vérité, et lorsqu'ils accusent Jésus-Christ d'être possédé
du démon, et lorsqu'ils disent : « Abraham est mort aussi bien que les
prophètes. » —S. Grégoire : (hom.
18 sur les Ev). Ils étaient livrés à la mort éternelle, et ils
n'apercevaient pas cette mort à laquelle ils s'étaient dévoués, au milieu des
ténèbres qui les environnaient, ils ne voyaient que la mort du corps dans les
discours de la vérité. Ils lui font ensuite cette question : « Qui êtes-vous
? » — Théophylactus : C'est-à-dire,
vous qui n'êtes digne d'aucune considération, fils d'un charpentier de la
Galilée, vous voulez vous attribuer une gloire qui ne vous appartient pas. — S. Bède : « Que prétendez-vous être ?
» c'est-à-dire, quel mérite, quelle dignité voulez-vous qu'on vous suppose ?
Abraham était mort de la mort du corps, mais son âme était vivante; or, la
mort de l'âme qui doit vivre éternellement, est bien autrement importante que
la mort du corps destiné à mourir un jour. Origène : Cette question suppose un grand aveuglement
dans les Juifs, car Jésus ne s'est pas fait ce qu'il est, mais il l'a reçu de
son Père : « Jésus répondit : Si je me glorifie moi-même, ma gloire n'est
rien. » — S. Jean Chrysostome : (hom.
55). Notre Seigneur en parlant de la sorte, se conforme à leur manière de
voir, comme dans ces autres paroles : « Si je rends témoignage de moi-même,
mon témoignage n'est pas vrai. » S. Bède : Le Sauveur fait ainsi voir le néant de la
gloire de ce monde. — S. Augustin : (Traité
42). C'est la réponse à la question qu'ils lui ont faite : « Que
prétendez-vous être ? » Il rapporte toute sa gloire à Dieu son Père de qui il
vient. Il ajoute : « C'est mon Père qui m'a glorifié. » Les Ariens accusent
ici notre foi et disent : Le Père est donc plus grand que le Fils, puisqu'il
le glorifie ? Hérétiques que vous êtes, vous n'avez donc pas entendu le Fils,
vous dire qu'il glorifie lui-même son Père ? — Alcuin : Quant au Père, il a glorifié son Fils lors de son
baptême (Mt 3), sur la montagne du Thabor (Mt 16), aux
approches de sa passion, lorsqu'une voix du ciel se fit entendre devant le
peuple (Jn 12), et après sa passion, lorsque Dieu l'a ressuscité et
placé à la droite de sa majesté. (Ep 1; He 1) Il ajoute : « Lui
que vous dites être votre Dieu. » — S.
Jean Chrysostome : Il voulait leur prouver que non-seulement ils ne le
connaissaient pas, mais qu'ils ne connaissaient même pas Dieu. — Théophylactus : En effet, s'ils
connaissaient véritablement le Père, ils honoreraient son Fils. Mais ils
méprisent Dieu lui-même qui a défendu l'homicide dans la loi, lorsqu'ils
demandent à grands cris la mort du Sauveur : Aussi, ajoute-t-il encore :
« Et vous ne le connaissez pas. » — Alcuin
: C'est-à-dire, vous l'appelez votre Dieu dans un sens tout charnel, vous
ne le servez que pour un obtenir les biens de la terre, et vous ne le
connaissez pas comme il doit être connu, vous ne lui rendez pas un culte
spirituel. S. Augustin : (Traité 45 sur S. Jean). Il est des hérétiques qui
prétendent que le Dieu annoncé dans l'Ancien Testament n'est point le Père de
Jésus-Christ, mais je ne sais quel prince des mauvais anges. Notre Seigneur combat
cette erreur, en appelant son Père celui qu'ils disaient être leur Dieu, sans
le connaître, car s'ils l'avaient connu, ils auraient reçu son Fils : « Quant
à moi, ajoute le Sauveur, je le connais. » Cette assertion put paraître
téméraire et présomptueuse à ceux qui ne le jugeaient que selon les yeux de
la chair, mais s'il faut fuir la présomption, ce ne doit jamais être aux
dépens de la vérité, c'est pour cela qu'il ajoute : « Et si je disais que je
ne le connais point, je serais menteur comme vous. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 55). C'est-à-dire, de même que
vous mentez en disant que vous le connaissez, je mentirais moi-même, si je
disais que je ne le connais point. Mais la plus grande preuve que Jésus est
envoyé de Dieu, c'est ce qu'il ajoute : « Pour moi je le connais, et je garde
sa parole. » — Théophylactus : Je
le connais d'une connaissance naturelle et parfaite, car je suis absolument
égal à mon Père, donc je le connais, puisque je me connais moi-même. Et la
preuve qu'il le connaît, c’est, ajoute-t-il, « que je garde sa parole, »
c'est-à-dire ses commandements. Il en est qui l'entendent en ce sens : « Je
garde la raison d'être, » parce qu'en effet, le Fils a la même raison d'être
que le Père. C'est pour cela que je connais mon Père, la particule mais doit
être prise ici dans le sens de parce que : « Je connais mon Père,
parce que je garde sa parole ou sa raison d'être. » — S. Augustin : (Traité 45). Comme Fils du Père, il faisait
entendre sa parole, et il était lui-même le Verbe de Dieu qui parlait aux
hommes. S. Jean Chrysostome : (hom. 55) Etes-vous plus grand que notre père Abraham, lui
avaient demandé les Juifs ? Notre Seigneur eu leur répondant ne leur dit rien
de sa mort, et voici comme il leur montre qu'il est plus grand qu'Abraham :
« Abraham, votre père, a tressailli du désir de voir mon jour, il l'a
vu, et a été rempli de joie, » pour tout le bien qu'il a reçu de moi comme
lui étant supérieur. — Théophylactus :
C'est-à-dire, mon jour a été l'objet de ses désirs les plus ardents, et
de sa joie la plus vive, et il ne l'a pas considéré comme quelque chose de
fortuit et de peu d'importance. — S.
Augustin : (Traité 45). Abraham ne craignit pas de voir ce jour,
mais il tressaillit du désir de le voir, sa foi le fit aussi tressaillir
d'espérance de voir et de comprendre mou jour. On ne peut dire d'une manière
certaine si le Sauveur a voulu parler du jour de sa vie mortelle, ou de ce
jour qui n'a ni lever ni coucher. Mais pour moi, je ne doute pas qu'Abraham
n'ait connu l'un et l'autre de ces deux jours, car lorsqu'il envoie son
serviteur demander une épouse pour son fils Isaac, il lui dit : « Mets ta
main sous ma cuisse et jure-moi par le Dieu du ciel. » (Gn 24) Or, que
signifiait ce serment ? que c'était de la race d'Abraham que le Dieu du ciel
viendrait un jour dans une chair mortelle. — S. Grégoire : (hom. 18 sur les Evang). Abraham vit
encore le jour du Seigneur, lorsqu'il donna l'hospitalité à trois anges qui
étaient la figure de la sainte Trinité. (Gn 8) Ou bien encore,
ce jour, c'est le jour de sa croix, dont Abraham vit la figure dans
l'immolation du bélier et d'Isaac. (Gn 22) Il leur prouvait ainsi que
ce n'était point malgré lui qu'il allait endurer les souffrances de sa
passion, et en même temps qu'ils étaient de véritables étrangers pour
Abraham, puisqu'ils trouvaient un sujet de douleur dans ce qui l'avait fait
tressaillir d'allégresse. — S.
Augustin : (Traité 45). Quelle joie dut inonder le cœur de celui
qui vit le Verbe immuable, brillant d'un éclat resplendissant aux regards de
la piété, Dieu restant toujours avec son Père, et qui ne devait point quitter
le sein de Dieu, lorsqu'il viendrait sur la terre revêtu d'une chair mortelle
? Versets 57-59.
S. Grégoire : (hom. 48 sur les Evang). L'esprit charnel des Juifs en entendant ces
paroles de Jésus-Christ n'élève pas les yeux au-dessus de la terre, et ne
songe qu'à l'âge de la vie mortelle du Sauveur : « Mais les Juifs lui
répliquèrent : Vous n'avez pas encore cinquante ans, et vous avez vu Abraham
? » c'est-à-dire, il y a bien des siècles qu'Abraham est mort, et comment
a-t-il pu voir votre jour ? Ils entendaient ces paroles dans un sens tout
charnel. — Théophylactus : Jésus-Christ
n'avait alors que trente-trois ans, pourquoi donc ne lui disent-ils pas :
Vous n'avez pas encore quarante ans, mais : « Vous n'avez pas encore
cinquante ans ? » Question tout à fait inutile. Les Juifs dirent tout
simplement ce qui se présenta à leur esprit. Il en est cependant qui pensent
qu'ils ont choisi le nombre cinquante par respect pour l'année du jubilé,
dans laquelle ils rendaient la liberté aux esclaves et où chacun rentrait
dans les biens qu'il avait possédés. (Lv 25, 26) — S. Grégoire : (hom. 18). Notre
Sauveur les détourné avec douceur de ces pensées qui n'avaient pour objet que
sa chair, et cherche à les élever jusqu'à la contemplation de sa divinité : «
Jésus leur répondit : En vérité, en vérité, je vous le dis, avant qu'Abraham
fût fait, moi je suis, » paroles qui ne peuvent convenir qu'à sa divinité;
car le mot avant embrasse tout le temps passé, et le mot je suis,
le présent, or comme la divinité ne connaît ni passé ni futur, mais qu'elle
est continuellement au présent, Notre Seigneur ne dit pas : Avant Abraham
j'étais, mais : « Avant Abraham je suis, » selon ces paroles de Dieu à Moïse
: « Je suis celui qui suis. » (Ex 3) Celui donc qui s'est rapproché de
nous en nous manifestant sa présence, et qui s'en est séparé en suivant le.
cours ordinaire de la vie, a existé avant comme après Abraham. — S. Augustin : Remarquez encore que
comme Abraham est une créature, le Sauveur ne dit pas : Avant qu'Abraham
existât, mais : « Avant qu'Abraham fût fait, » et il ne dit pas non plus
: J'ai été fait, car le Verbe était au commencement. S. Grégoire : (hom. 18). Mais ces esprits incrédules ne peuvent
supporter ces paroles d'éternité, et ils cherchent à écraser celui qu'ils ne
peuvent comprendre : « Alors ils prirent des pierres pour les lui jeter. » — S. Augustin : A quoi ces cœurs si
durs pouvaient-ils avoir recours qu'à ce qui leur ressemblait, c'est-à-dire à
des pierres ? — Théophylactus : C'est
après qu'il a terminé tous les enseignements qui avaient pour objet sa divine
personne, qu'ils lui jettent des pierres, et Jésus les abandonne comme
incapables de revenir à de meilleurs sentiments : « Mais Jésus se cacha et
sortit du temple. » Jésus ne se cache pas dans un coin du temple par un
sentiment de crainte, il ne s'enfuit pas dans une maison écartée, il ne se
dérobe pas à leurs regards derrière un mur ou une colonne, mais par un effet
de son pouvoir divin, il se rend invisible aux yeux de ses ennemis, et passe
au milieu d'eux. — S. Grégoire : S'il
avait voulu faire un usage public de sa puissance divine, il eût pu les
enchaîner dans leurs propres filets par un seul acte de sa volonté, ou les
frapper du terrible châtiment d'une mort subite, mais il était venu pour
souffrir, et ne voulait pas faire les fonctions de juge. — S. Augustin : Il valait mieux
d'ailleurs nous recommander la pratique de la patience que l'exercice de la
puissance. — Alcuin : Il fuit
encore, parce que l'heure de sa passion n'était pas encore venue, et qu'il
n'avait pas choisi ce genre de mort. — S.
Augustin : Il fuit donc, comme le ferait un homme, les pierres qu'on veut
lui jeter, mais malheur aux cœurs de pierre dont le Seigneur s'enfuit ! S. Bède : Dans le sens allégorique, autant de
mauvaises pensées, autant de pierres lancées contre Jésus, et celui qui va
plus loin jusqu'au délire de la passion, étouffe Jésus, autant qu'il le peut
faire. — S. Grégoire : Mais quelle
leçon le Sauveur veut-il nous donner eu se cachant ? c'est que la vérité se
cache aux yeux de ceux qui négligent de suivre ses enseignements. La vérité
s'enfuit de l'âme, en qui elle ne trouve point la vertu d'humilité. Que nous
enseigne-t-il encore par cet exemple ? c'est que lors même que nous avons le
droit de résister, nous nous dérobions avec humilité à la colère des esprits orgueilleux. |
Caput 9 Lectio 1 [86071] Catena in Io., cap. 9 l. 1 Chrysostomus
in Ioannem. Quia Iudaei sermonum Christi altitudinem non susceperant,
exiens de templo curavit caecum, sui absentia eorum furorem mitigans, et per
operationem signi, eorum duritiam molliens, et de his quae dicta sunt a se,
faciens fidem; unde dicitur et praeteriens Iesus, vidit hominem caecum a
nativitate. Ubi considerandum, quod egrediens de templo, studiose venit ad
opus sui manifestativum : ipse enim vidit caecum, non caecus ad eum accessit;
et ita studiose respexit ut discipuli eius videntes eum studiose aspicientem
interrogarent; sequitur enim et interrogaverunt eum discipuli eius : Rabbi,
quis peccavit, hic, an parentes eius, ut caecus nasceretur? Augustinus in
Ioannem. Rabbi magister est. Magistrum appellant, quia discere cupiebant :
quaestionem quippe proposuerant domino tamquam magistro. Theophylactus. Videtur
tamen haec quaestio peccare : neque enim susceperant apostoli nugas
gentilium, quoniam anima in alio saeculo vivens peccavit : sed diligenter
intuenti non apparet simplex haec quaestio. Chrysostomus. Venerunt
enim ad hanc interrogationem, quia prius paralyticum curans dixit : ecce
sanus factus es : non ultra pecces. Illi igitur cogitantes quia propter
peccata fuerat ille paralysi resolutus, quaerunt de isto si hic peccavit;
quod non est dicere : a nativitate enim caecus est; aut parentes eius; sed
neque hoc : filius enim pro patre non sustinet poenam. Sequitur respondit
Iesus : neque hic peccavit, neque parentes eius. Augustinus. Numquid
vel ipse sine originali peccato natus erat, vel vivendo nihil addiderat?
Habebant ergo peccatum et ipse et parentes eius, sed non ipso peccato factum
est ut caecus nasceretur. Ipse autem causam dicit quare caecus sit natus, cum
subdit sed ut manifestentur opera Dei in illo. Chrysostomus. Non autem
ex hoc ostendit quod alii caeci facti sunt propter peccata parentum : neque
enim contingit uno peccante alium puniri. Quod autem dicit ut manifestetur
gloria Dei, de seipso dicit, non de patre : illius enim gloria iam manifesta
erat. Sed numquid iste iniuste passus est? Sed ego eum beneficium accepisse
dico per caecitatem : per hanc enim interioribus respexit oculis. Qui vero ex
non ente ad esse eum deduxit, potestatem habebat absque iniuria et ita eum
dimittere. Dicunt autem quidam, quoniam ut hic non est causativum, sed
significat eventum, sicut et illud : lex subintravit, ut abundaret delictum;
sic et hoc consecutum est, ut dominus oculos clausos aperiens, et alia
naturalis infirmitatis nocumenta corrigens, suam demonstravit virtutem.
Gregorius Moralium. Alia itaque est percussio qua peccator percutitur, ut
sine retractatione puniatur; alia qua peccator percutitur ut corrigatur; alia
qua quisque percutitur non ut praeterita corrigat, sed ne ventura committat;
alia per quam nec praeterita culpa corrigitur, nec futura prohibetur. Sed dum
inopinata salus percussionem sequitur, salvantis virtus cognita ardentius
amatur. Chrysostomus. Et quia de seipso dixit ut manifestetur gloria
Dei, subiungit me oportet operari opera eius qui misit me; idest me oportet
manifestare meipsum, et facere ea quae manifestent me patri eadem facientem.
Beda. Cum enim filius se operari opera patris asseruit, sua et patris
opera eadem esse monstravit; quae sunt infirma salvare, debilia roborare,
homines illuminare. Augustinus. Per hoc autem quod dicit qui misit me,
universam gloriam dat illi de quo est, quia ille habet filium qui de illo
sit; ipse non habet de quo sit. Chrysostomus. Addidit autem donec dies
est, idest, donec licet credere hominibus in me, donec vita haec consistit,
oportet me operari; et hoc ostendit subdens venit nox, quando nemo potest
operari. Nox dicta est, secundum illud : proicite eum in tenebras exteriores.
Ibi ergo erit nox, ubi nemo potest operari, sed recipere quod operatus est.
Cum vivis, fac si quid facturus es : ultra enim neque fides est, neque
labores, neque poenitentia. Augustinus. Si autem modo operamur, hic
est dies, hic est Christus; unde subdit quamdiu sum in mundo, lux sum mundi.
Ecce ipse est dies. Dies iste qui circuitu solis impletur, paucas horas
habet; dies praesentiae Christi usque in consummationem saeculi extendetur :
ipse enim dixit : ecce ego vobiscum sum usque in consummationem saeculi.
Chrysostomus in Ioannem. Quia vero sermonem quem dixerat, per opera credi
fecit, subiungit Evangelista haec cum dixisset, expuit in terram, et fecit
lutum ex sputo, et linivit lutum super oculos caeci. Qui autem maiores
substantias de nihilo ad esse perduxit, multo magis oculos sine materia
fecisset; sed voluit docere seipsum esse creatorem, qui in principio usus est
luto ad hominis formationem. Ideo autem non aqua utitur ad lutum faciendum,
sed sputo, ut nihil ascribatur fonti; sed discas quoniam virtus oris oculos
aperuit et plasmavit : et deinde ut non videatur eis ex virtute terrae esse
curatio, iussit lavari; unde sequitur et dixit ei : vade, et lava ad
natatoria Siloe, quod interpretatur missus : ut discas quoniam non indigeo
luto ad faciendos oculos. Et quia in Siloe erat virtus Christi, quae omnia
operabatur, propter hoc et interpretationem nobis Evangelista adiecit, dicens
quod interpretatur missus : ut discas quoniam et illic Christus eum curavit.
Sicut enim apostolus dicit quod petra erat Christus, ita et Siloe spiritualis
erat, cuius repentinus aquae defluxus occulte insinuat nobis Christi
manifestationem praeter omnem spem. Sed quare non statim eum fecit lavari,
sed ad Siloe misit? Ut destruatur Iudaeorum indevotio : conveniens enim erat
omnes eum videre euntem, et lutum super oculos habentem. Et etiam volens
ostendere quoniam non alienus est a lege et veteri testamento, mittit eum ad
Siloe. Non autem erat timendum ne Siloe sumeret hanc gloriam : multi enim
lavantes ibi oculos, nullo tali beneficio sunt potiti. Et iterum ut discas
caeci fidem, qui non contradixit, neque cogitavit apud seipsum : lutum solet
magis excaecare : multoties lavi in Siloe, et in nullo sum adiutus : si quam
virtutem haberet, praesens utique curasset. Sed simpliciter obedivit; unde
sequitur abiit ergo, et lavit, et venit videns. Sic igitur manifestavit suam
gloriam : non enim parva gloria est ut aestimetur auctor creationis : ea enim
quae de maiori est fides, quod minus est certificat. In universa autem
creatione honorabilior est homo, eorum autem quae in nobis sunt membrorum
honorabilior est oculus : hic enim corpus gubernat, hic ornat visum; et quod
sol est in orbe terrarum, hoc est oculus in corpore : unde superiorem locum
sortitur, sicut in quodam regali loco collocatus. Theophylactus. Quidam
tamen dicunt quod lutum non fuit depositum, sed in oculos est conversum.
Beda. Mystice autem postquam expulsus est de cordibus Iudaeorum, mox
transivit ad gentilium populum. Praeterire autem eius, vel iter facere, est
de caelis in terram descendere. Itaque videt caecum, cum misericorditer
respexit genus humanum. Augustinus. Genus enim humanum est iste caecus
: haec enim caecitas contigit in primo homine per peccatum, de quo omnes
originem duximus : caecus est ergo a nativitate. Spuit dominus in terram, de
saliva sua lutum fecit, quia verbum caro factum est, et inunxit oculos caeci.
Inunctus erat et nondum videbat : quando enim inunxit, forte eum catechumenum
fecit. Mittit illum ad piscinam, quae vocatur Siloe, quia baptizatus est in
Christo, et tunc eum illuminavit. Pertinuit autem ad Evangelistam ut
commendaret nobis nomen huius piscinae; et ait quod interpretatur missus :
nisi enim ille fuisset missus, nemo nostrum esset ab iniquitate dimissus.
Gregorius Moralium. Vel aliter. Per salivam sapor intimae contemplationis
accipitur, quae ad os a capite defluit, quia de claritate conditoris adhuc in
hac vita nos positos gustu revelationis tangit; unde dominus salivam luto
miscuit, et caeci nati oculos reparavit, quia superna gratia carnalem
cognitionem nostram per admixtionem suae contemplationis irradiat, et ab
originali caecitate hominem ad intellectum reformat. Lectio 2 [86072] Catena in Io., cap. 9 l. 2 Chrysostomus
in Ioannem. Inopinabilitas facti miraculi incredulitatem inducebat, et
ideo dicitur itaque vicini, et qui viderant eum prius quia mendicus erat,
dicebant : nonne hic est qui sedebat et mendicabat? Mirabilis Dei clementia
quo descendebat? Eos qui mendicabant, cum multa devotione curabat, et hinc
Iudaeorum os obstruens, quoniam non praeclaros, non insignes, neque
principes, sed ignobiles sua dignos ducebat providentia : etenim in salutem
omnium venerat. Sequitur alii dicebant, quia hic est. Caeco enim per longam
viam eunte diligentes inspectores facti ex inopinabilitate eius quod
viderant, non ultra poterant dicere : non est hic. Sequitur alii autem :
nequaquam, sed similis eius est. Augustinus in Ioannem. Aperti enim
oculi vultum mutaverunt. Sequitur ille autem dicebat : quia ego sum. Vox
grata, ne damnetur ingrata. Chrysostomus. Non enim verecundatus est de
priori caecitate, neque formidavit furorem plebis, neque renuit ostendere
seipsum, ut praedicet benefactorem. Sequitur dicebant ergo ei : quomodo
aperti sunt oculi tui? Hunc modum neque nos scimus, neque ipse qui curatus
est novit : sed quod quidem factum est, noverat, modum autem comprehendere
non poterat; unde sequitur respondit : ille homo qui dicitur Iesus, lutum
fecit, et linivit oculos meos. Vide quomodo verax est. Non dixit unde fecit :
quod enim non noverat, non dicit : neque enim scivit quoniam in terra expuit.
Quoniam autem superunxit, per sensum tactus didicit. Sequitur et dixit : vade
ad natatoria Siloe, et lava. Et hoc etiam ex auditu testatus est : recognovit
enim eius vocem ex disputatione cum discipulis. Et quia ad unum se
praeparaverat, scilicet omnia sibi suaderi a iubente, subiungit et abii et
lavi et vidi. Augustinus. Ecce annuntiator factus est gratiae, ecce
evangelizat et confitetur Iudaeis. Caecus ille confitebatur, et cor impiorum
stringebatur, quia non habebant in corde quod iam ille habebat in facie; unde
sequitur et dixerunt : ubi est ille? Chrysostomus. Dicebant autem hoc,
occisionem meditantes; iam enim adversus ipsum conspiraverant. Christus autem
non aderat his qui curabantur; non enim quaerebat gloriam, neque se
ostentare. Recedebat etiam semper curans Iesus, ut omnis suspicio tolleretur
signorum. Qui enim non cognoscebant eum, qualiter ob gratiam eius se curatos
confiterentur? Unde sequitur : ait : nescio. Augustinus. In his verbis
inuncto similis erat, nondum videnti : praedicat, et nescit quid praedicat.
Beda. Unde figuram tenet catechumenorum, qui etsi credunt in Iesum, adhuc
tamen eum quasi nesciunt, quia nondum loti existunt. Pharisaeorum autem erat
approbare opus vel improbare. Chrysostomus. Iudaei igitur quaerentes
ubi est ille? Volebant eum invenire ut eum ducerent ad eos; quia vero non
habuerunt eum, ducunt caecum; unde sequitur adducunt eum ad Pharisaeos qui
caecus fuerat, ut scilicet vehementius eum interrogarent. Propterea autem et
Evangelista subdit erat autem sabbatum quando lutum fecit Iesus, et aperuit
oculos eius : ut scilicet eorum malam mentem demonstraret, et causam propter
quam eum quaerebant; ut scilicet occasionem contra eum invenirent, et ut
detraherent miraculo per aestimatam legis praevaricationem : quod etiam
manifestum est ex his quae sequuntur; sequitur enim iterum ergo interrogabant
eum Pharisaei quomodo vidisset. Vide autem qualiter non turbatur caecus : nam
quandoquidem turbis dicebat sine periculo interrogatus, non ita magnum erat
veritatem dicere; mirabile autem est nunc, quod in ampliori periculo
constitutus, neque negat, neque contraria dicit prioribus; sequitur enim ille
autem dixit eis : lutum posuit mihi super oculos meos, et lavi, et video. Hoc
autem ad eos qui iam audierant succinctius loquitur : non enim dixit nomen
dicentis, neque quoniam dixit mihi vade et lava; sed confestim lutum mihi
posuit super oculos, et lavi, et video; et sic contrarium passi sunt eius
quod volebant : duxerunt enim eum ut negaturum, sed ab eo certius didicerunt.
Sequitur dicebant ergo ex Pharisaeis. Augustinus. Non omnes, sed
quidam : iam enim inungebantur quidam. Dicebant ergo nec videntes nec inuncti
non est hic homo a Deo, qui sabbatum non custodit. Ipse potius custodiebat
qui sine peccato erat : sabbatum enim observare spiritualiter, est non habere
peccatum; et hoc admonet Deus quando commendat sabbatum : omne opus servile
non facietis. Quid sit opus servile a domino audite : omnis qui facit
peccatum servus est peccati. Sed isti sabbatum carnaliter observabant,
spiritualiter violabant. Chrysostomus in Ioannem. Malitiose autem quod
factum est silentes, aestimatam praevaricationem in medium ferebant : non
enim dicebant quoniam sabbato curat, sed quoniam sabbatum non servat.
Sequitur alii dicebant : quomodo potest homo peccator haec signa facere? A
signis enim inducebantur, sed imbecilliter erant dispositi : congruum enim
erat ostendere qualiter sabbatum non solvitur; sed nondum hanc habebant
mentem quod Deus esset, ut possent respondere quoniam dominus sabbati haec
fecit. Nullus denique eorum audebat ea quae volebat, manifeste dicere, sed in
ambiguitate : hi quidem propter improbabilitatem, alii vero propter amorem
principatus. Sequitur et schisma erat inter eos. Augustinus. Dies enim
erat Christus, qui inter lucem et tenebras dividit. Chrysostomus in
Ioannem. Volentes autem qui dixerant homo peccator non potest talia signa
facere, os aliorum obstruere, eum qui suscepit virtutis experientiam, in
medium ducunt, ut non videantur ipsi advocatione uti; unde sequitur dicunt
ergo caeco iterum : tu quid dicis de illo qui aperuit tibi oculos?
Theophylactus. Vide quomodo benevole quaerunt : non enim dixerunt : tu
quid dicis de illo qui sabbatum non observat? Sed miraculum commemorant :
quomodo aperuit tibi oculos? Pene ipsum sanatum concitantes; quasi dicerent :
benefecit tibi, unde debes eum praedicare. Augustinus. Vel quaerebant
quemadmodum hominem calumniarentur, ut eum ex synagoga eicerent. Sed ille
constanter quod sentiebat expressit; unde sequitur ille autem dixit, quia
propheta est. Adhuc quidem inunctus in corde, nondum Dei filium confitebatur;
non mentitur tamen : ipse enim dominus de seipso ait : non est propheta sine
honore nisi in patria sua. Lectio 3 [86073] Catena in Io., cap. 9 l. 3 Chrysostomus
in Ioannem. Quia Pharisaei caecum attonitum facere non valuerunt, sed
videbant eum cum omni propalatione benefactorem suum praedicantem, per
parentes putabant Christi miraculum annihilare; unde dicitur non crediderunt
ergo Iudaei de illo quia caecus fuisset et vidisset, donec vocaverunt parentes
eius qui viderat. Augustinus in Ioannem. Idest, caecus fuerat et
viderat. Chrysostomus. Sed haec est veritatis natura : per quae
putatur insidias pati, per haec fortior fit : mendacium enim sibi ipsi quidem
obviat, et per ea per quae laedere veritatem videtur, per ea clariorem eam
ostendit, quod et nunc factum est. Ne enim aliquis diceret quod vicini nihil
certum dixerunt, sed per quamdam assimilationem locuti sunt, parentes in
medium ducuntur, qui maxime suum filium cognoscebant. Statuentes autem eos in
medium, cum multo furore interrogant; unde sequitur et interrogaverunt eos,
dicentes : hic est filius vester? Et non dicunt : qui quandoque fuit caecus,
sed quem dicitis quia natus est caecus. O iniqui. Quis pater eligeret talia
mentiri de filio? Solum non dicunt : quem vos fecistis caecum. Duobus autem
his ad negationem eos inducere conantur : et in hoc quod dicunt quem dicitis
quia natus est caecus, et in hoc quod subdunt quomodo ergo nunc videt?
Theophylactus. Quasi dicant : aut hoc falsum est quod nunc videat, aut
primum quod caecus fuerit; sed constat hoc esse verum quod videt : falsum
ergo fuit quod caecum eum dicebatis. Chrysostomus. Tribus ergo
interrogationibus factis : si filius eorum est, si caecus fuit, et qualiter
vidit, duas confitentur; unde sequitur responderunt ergo eis parentes eius,
et dixerunt : scimus quia hic est filius noster, et quia caecus natus est.
Tertiam autem abiciunt; unde subdunt quomodo autem nunc videat nescimus, aut
quis eius aperuit oculos nos nescimus. Et hoc etiam pro veritate factum est,
ut nullus alius, sed is qui curatus est, et qui dignus fide erat, hoc
confiteretur; unde sequitur ipsum interrogate : aetatem habet, ipse de se
loquatur. Augustinus. Quasi dicant : iuste cogeremur loqui pro
infante, quia ipse pro se loqui non posset. Caecum a nativitate novimus, sed
loquentem. Chrysostomus. Qualiter ergo grati fuerint parentes, qui
eorum quae sciebant quaedam tacuerunt propter timorem Iudaeorum? Sequitur
enim haec dicebant parentes eius, quia timebant Iudaeos. Rursus et hic opinionem
Iudaeorum et mentem Evangelista inducit; unde sequitur iam enim
conspiraverant Iudaei ut si quis eum confiteretur esse Christum, extra
synagogam fieret. Augustinus. Iam non erat malum fieri extra synagogam
: illi expellebant, Christus suscipiebat. Sequitur propterea parentes eius
dixerunt : quia aetatem habet, ipsum interrogate. Alcuinus. In quo
ostendit Evangelista, illos non per ignorantiam, sed propter metum talia
respondisse. Theophylactus. Imbecilliores enim filio erant, qui testis
aderat intrepidus veritatis, illuminatos habens oculos intellectus a Deo. Lectio 4 [86074] Catena in Io., cap. 9 l. 4 Chrysostomus
in Ioannem. Quia parentes miserunt Pharisaeos ad illum qui curatus est,
rursus vocaverunt eum secundo; unde dicitur vocaverunt ergo rursus hominem
qui caecus fuerat. Non autem manifeste dicunt : nega quoniam Christus te
curavit; sed sub praetextu religionis ad hoc eum inducere volunt; unde
sequitur da gloriam Deo : quasi dicant : confitere quia hic nihil est
operatus. Augustinus in Ioannem. Nega quod accepisti. Hoc plane non
est Deo gloriam dare, sed Deum potius blasphemare. Alcuinus. Sic autem
volebant illum dare gloriam Deo, ut, sicut et ipsi, Christum diceret
peccatorem; unde sequitur nos scimus quia hic homo peccator est.
Chrysostomus in Ioannem. Qualiter ergo non arguistis eum dicentem : quis
ex vobis arguet me de peccato? Alcuinus. Sed ille ut neque pateret
calumniae, neque veritatem celaret, non dixit : scio eum iustum; nam sequitur
dicit ergo ille : si peccator est, nescio. Chrysostomus in Ioannem. Qualiter
qui dixit : quoniam propheta est, nunc dicit si peccator est, nescio? Numquid
modo timuit caecus? Absit; sed voluit Christum a rei testimonio, et non a sua
voce ab incusatione eripere, et suam responsionem facere fide dignam ab accepto
beneficio; unde subdit unum scio, quia caecus cum essem, modo video; quasi
dicat : nihil modo de hoc dico utrum sit peccator, sed iterum dico quod
manifeste novi. Quia igitur nequiverant evertere quod factum est, ad priores
redeunt sermones, rursus modum curationis inquirentes; sicut canes quidem
venationem nunc huc, nunc illuc investigantes; unde sequitur dixerunt ergo
illi : quid fecit tibi? Quomodo aperuit tibi oculos? Hoc est, numquid
praestigio aliquo? Non enim dixerunt : qualiter vidisti? Sed : qualiter
aperuit oculos tibi? Dantes occasionem detrahendi contra eius operationem.
Donec igitur res inquisitione indigebat, caecus remisse loquebatur; quia vero
iam vicerat, audacter de reliquo eis loquitur; unde sequitur respondit eis :
dixi vobis iam, et audistis; quid iterum vultis audire? Quasi dicat : non
attenditis ad ea quae dicuntur : unde ultra non respondebo vobis inaniter
interrogantibus, et non volentibus addiscere, sed cavillari quae dicuntur;
unde sequitur numquid et vos vultis discipuli eius fieri? Augustinus in
Ioannem. Quid est numquid et vos, nisi quia iam ego sum, numquid et vos
vultis? Iam video, sed non invideo. Haec loquebatur iam stomachans adversus
duritiam Iudaeorum, et ex caeco videns, non ferens caecos. Chrysostomus. Ita
forte quid est veritas, ita imbecille mendacium; nam veritas quidem et si
despectos assumpserit, claros eos facit vel ostendit; mendacium autem et si
cum fortibus fuerit, imbecilles eos monstrat. Sequitur maledixerunt ergo ei,
et dixerunt : tu discipulus eius sis. Augustinus. Maledictum est, si
cor discutias, non si verba perpendas. Tale maledictum super nos et super
filios nostros. Sequitur nos autem Moysi discipuli sumus; nos scimus quia
Moysi locutus est Deus. Sed tunc sciretis, quia per Moysen praedictus est Deus
: habetis enim dominum dicentem : si crederetis Moysi, crederetis et mihi :
de me enim ille scripsit. Itane sequimini servum et dorsum ponitis contra
dominum? Nam subditis hunc autem nescimus unde sit. Chrysostomus. Ea
quae per visum cognoscitis, auditu minora aestimatis : illa enim quae nosse
vos dicitis, a progenitoribus audistis. Sed nonne fide dignior est qui
certificavit quod a Deo venit per miracula, quae non solum audistis, sed
vidistis? Unde sequitur respondit ille homo, et dixit eis : in hoc enim
mirabile est, quia vos nescitis unde sit, et aperuit oculos meos. Ubique
signum inducit, quia hoc depravare non poterant, sed ab eo convincebantur :
et quia dixerant quod homo peccator non potest talia signa facere, de cetero
illorum assumit iudicium, propria verba eis in memoriam reducens; unde subdit
scimus autem quia peccatores Deus non audit; quasi dicat : opinio haec mea et
vestra communis est. Augustinus. Adhuc tamen unctus loquitur : nam et
peccatores exaudit Deus. Si enim non exaudiret, frustra publicanus diceret :
Deus, propitius esto mihi peccatori; ex illa confessione meruit
iustificationem, quomodo ipse caecus illuminationem. Theophylactus. Vel
dicendum est, quoniam quod dictum est, Deum non exaudire peccatores, hoc
significat quod facere miracula Deus peccatoribus non concedit. Cum vero
veniam implorant de commissis, translati sunt de gradu peccantium ad statum
poenitentium. Chrysostomus. Et vide quod cum supra dixit si peccator
est, nescio, non dubitans dixit : hic enim non solum a peccatis eum excusat;
sed valde Deo placentem ostendit : nam subdit si quis Dei cultor est, et
voluntatem eius facit, hunc exaudit. Non enim sufficit Deum cognoscere, sed
voluntatem eius facere. Deinde extollit quod factum est, dicens a saeculo non
est auditum quia quis aperuit oculos caeci nati; quasi dicat : si confitemini
quoniam Deus peccatores non audit, hic autem miraculum fecit, et tale quale
nullus hominum fecit, manifestum est virtutem qua hoc fecit, maiorem esse
quam quae est secundum hominem virtus; unde subdit nisi esset hic a Deo, non
posset facere quidquam. Augustinus. Libere, constanter, veraciter.
Haec enim quae facta sunt a domino, a quo fierent nisi a Deo? Aut quando a
discipulis talia fierent, nisi in eis dominus habitaret? Chrysostomus. Quia
ergo veritatem locutus, in nullo confusus est; quando maxime admirari eum
oportebat, tunc eum condemnant; sequitur enim responderunt et dixerunt ei :
in peccatis natus es totus, et tu doces nos? Augustinus. Quid est
totus? Cum oculis clausis. Sed qui aperuit oculos, salvat et totum.
Chrysostomus. Vel dicunt totus ac si dicant : a prima aetate in peccatis
es. Hic igitur eius caecitatem exprobrant, ostendentes quod propter peccata
factus est caecus; quod rationem non habebat. Donec ergo expectabant eum
negaturum esse, fide dignum esse putabant; sed nunc eum eiciunt; unde
sequitur et eiecerunt eum foras. Augustinus. Ipsi illum magistrum
fecerant, ipsi ut discerent toties interrogaverunt, et ingrati docentem
proiecerunt. Beda. Solet enim maiorum consuetudo a minoribus aliquid
discere dedignari. Lectio 5 [86075] Catena in Io., cap. 9 l. 5 Chrysostomus
in Ioannem. Qui propter veritatem et Christi confessionem iniuria opprimuntur, hi
maxime honorantur; quod in caeco factum est : eiecerunt enim eum ex templo
Iudaei, et invenit eum dominus templi, et eum suscepit sicut agonotheta
athletam multum laborantem, et coronavit; unde dicitur audivit Iesus quia
eiecerunt eum foras, et cum invenisset eum, dixit ei : tu credis in filium
Dei? Ostendit autem Evangelista quoniam propter hoc venit Iesus ut ei
loqueretur. Interrogat autem non ignorans, sed volens seipsum notum facere,
et ostendens quoniam multum appretiatur eius fidem; quasi dicat : plebs
conviciata est mihi, sed nulla mihi est cura illorum : unius cura est : ut tu
credas. Melior est faciens voluntatem Dei, quam decies mille iniqui. Hilarius de
Trin. Si autem sola Christi qualiscumque confessio fidei esset
consummatio, dictum fuisset : tu credis in Christum? Sed
quia haereticis pene omnibus hoc nomen in ore esset futurum ut Christum
confiterentur, et filium tamen negarent, id quod proprium Christo est, ad
fidem poscitur, idest ut credatur in Dei filium. Credidisse autem in Dei
filium quid proficit, si credatur in creaturam, cum a nobis fides in Christo
non creaturae Dei, sed filii Dei postuletur? Chrysostomus.
Nondum autem caecus Christum noverat : caecus enim erat antequam veniret
ad Christum, et post curationem a Iudaeis circum trahebatur; unde sequitur
respondit ille, et dixit : quis est, domine, ut credam in eum? Desiderantis
et valde inquirentis animae verbum est. Pro quo tot disputavit, hunc ignorat,
ut discas in eo veritatis amorem. Non autem dixit ei dominus : ego sum qui
curavi te; sed medie adhuc loquitur; unde sequitur et vidisti eum. Theophylactus.
Hoc autem dicit, ut reducat ei in memoriam sanitatem, et quia ab ipso
virtutem videndi acceperat. Attende autem, quoniam qui loquebatur,
ex Maria natus est, et ipse idem est Dei filius, non alius et alius secundum
errorem Nestorii; unde sequitur et qui loquitur tecum, ipse est. Augustinus
in Ioannem. Modo lavat faciem cordis eius. Denique iam facie lota cordis,
et mundata conscientia, agnoscit illum non filium hominis tantum, quod ante
crediderat, sed iam filium Dei, qui carnem susceperat; unde sequitur at ille
ait : credo, domine. Parum est credere; vis videre qualem credat? Et
procidens adoravit eum. Beda. In quo possunt sumere
exemplum, ut non erecta cervice quis dominum roget; sed supplex in terram
prostratus eius misericordiam imploret. Chrysostomus. Per hoc igitur
eius divinam virtutem ostendit, verbo opus adiungens. Dominus autem illum
ferventiorem circa fidem fecit, et eos qui eum sequebantur, erexit; unde
sequitur et dixit eis Iesus : in iudicium ego in hunc mundum veni. Augustinus. Dies
enim erat inter lucem et tenebras discurrens. Recte autem subditur ut qui non
vident, videant : quia de tenebris liberat. Sed quid est quod sequitur : et
qui vident, caeci fiant? Audi quod sequitur : commoti sunt enim Pharisaei
quidam ex verbis istis; unde sequitur et audierunt quidam ex Pharisaeis qui
cum ipso erant, et dixerunt ei : numquid et nos caeci sumus? Hoc enim eos
movebat et qui vident, caeci fiant. Sequitur dixit ergo eis Iesus : si caeci
essetis, non haberetis peccatum; id est, si vos caecos diceretis, et ad
medicum recurreretis. Nunc vero quia dicitis : videmus, peccatum vestrum
manet : quia enim dicendo videmus, medicum non quaeritis, in caecitate vestra
manebitis. Hoc ergo quod paulo ante dixit ego veni ut qui non vident,
videant, id est, qui se non videre confitentur, et medicum quaerunt, ut
videant; et qui vident, caeci fiant, id est, qui se putant videre, et medicum
non quaerunt, in sua caecitate permaneant. Ergo istam
discretionem vocavit iudicium, cum ait in iudicium veni in hunc mundum. Non illud
iudicium iam intulit mundo quo de vivis et mortuis in fine saeculi iudicabit.
Chrysostomus. Vel aliter. In iudicium dixit, id est in maius supplicium,
ostendens quoniam qui condemnaverunt eum, ipsi sunt qui condemnati sunt. Quod
autem dicit ut qui non vident, videant, et qui vident caeci fiant, idem est
quod Paulus dicit quod gentes quae non quaerebant iustitiam, invenerunt
iustitiam quae est ex fide Christi; Israel autem persequens legem iustitiae,
in legem iustitiae non pervenit. Theophylactus. Quasi dicat : ecce qui
a nativitate non viderat, iam videt anima et corpore; qui vero videre
videntur, excaecati sunt intellectu. Chrysostomus. Sunt enim duae
visiones et duae caecitates, scilicet sensibilis et intellectualis. Illi
autem ad sensibilia inhiabant solum, et de sensibili solum verecundabantur
caecitate; unde ostendit eis quod melius esset eos esse caecos quam sic
videntes; propter quod dicit si caeci essetis, non haberetis peccatum, quia
tolerabilius fieret vobis supplicium. Sed nunc dicitis, quia videtis.
Theophylactus. Non considerantes factum in caeco miraculum, non estis
digni venia, quasi ex visis miraculis ad fidem non attracti.
Chrysostomus. Hoc igitur quod aestimabant esse magnam laudem, ostendit
quod eis fert supplicium : et simul consolatus est eum qui a nativitate fuerat
caecus de corporali caecitate. Non autem sine causa Evangelista dicit, quod
audierunt hoc quidam ex Pharisaeis qui cum ipso erant; sed ut rememoretur
quoniam isti illi erant qui prius restiterant Christo, deinde eum lapidare
voluerunt. Erant enim quidam superficie tenus sequentes, et facile in
contrarium transmutabantur. Theophylactus. Vel aliter. Si caeci
essetis, idest inscii Scripturarum, nequaquam tam grande vobis peccatum
incumberet, tamquam ignorantia peccantibus : nunc vero quia prudentes vos atque
legisperitos asseritis, per vos ipsos condemnabiles estis. |
CHAPITRE IX
Versets 1-7
S. Jean Chrysostome : (hom. 56 sur S. Jean). Comme les Juifs n'avaient pu
comprendre la hauteur des enseignements de Jésus-Christ, en sortant du
temple, il guérit un aveugle. Il veut en se dérobant à leurs regards apaiser
leur fureur, et en même temps amollir leur dureté par le miracle qu'il va
faire et confirmer la vérité de ses paroles : « Et comme Jésus passait, Jésus
vit un homme qui était aveugle de naissance, » etc. Remarquons qu'en sortant
du temple, il a le dessein formel d'opérer une œuvre qui fit connaître sa
divinité, car c'est lui qui vit l'aveugle, ce ne fut point l'aveugle qui vint
le trouver, et il le considéra avec tant d'intérêt, que ses disciples le remarquèrent
et lui firent cette question : « Maître, est-ce cet homme qui a péché ou ses
parents ? » — S. Augustin : (Traité
44 sur S. Jean). Rabbi veut dire maître, ils lui donnent le
nom de maître, parce qu'ils voulaient apprendre de lui ce qu'ils ignoraient;
et ils proposent cette question au Seigneur comme à leur maître. — Théophylactus : Cette question paraît
fautive de la part des Apôtres, qui n'admettaient pas cette opinion ridicule
des Gentils, que l'âme avait péché dans un autre monde où elle avait vécu
auparavant; mais en y réfléchissant de plus près, cette question n'est pas
aussi simple qu'elle le parait. — S.
Jean Chrysostome : (hom. 56). Ils furent amenés en effet à lui
faire cette question, parce qu'en guérissant le paralytique, Jésus lui avait
dit : « Voilà que vous êtes guéri, ne péchez plus davantage. » (Jean,
5) Et dans la pensée que ses péchés avaient été la cause de sa paralysie,
ils demandent si cet aveugle ne s'est pas rendu aussi coupable de péché, ce
qu'on ne pouvait ni dire ni supposer, puisqu'il était aveugle de naissance;
ou bien ses parents, ce qui n'était pas plus raisonnable, car le fils ne
porte pas le péché du père. « Jésus répondit : Ce n'est point qu'il ait péché, ni ses parents. — S. Augustin : Est-ce donc qu'il était
né sans la faute ORIGinelle ou qu'il n'y avait ajouté par la suite aucune
faute volontaire ? Non, sans doute, ses parents aussi bien que lui étaient
coupables, mais ce n'est pas à cause du péché qu'ils avaient commis que cet
homme était né aveugle. Notre Seigneur en donne la véritable cause, lorsqu'il
ajoute : « C'est afin, dit-il, que les œuvres de Dieu soient manifestées en
lui. » — S. Jean Chrysostome : (hom.
56). On ne peut conclure de ces paroles que les autres aveugles le sont
devenus en punition des péchés de leurs parents, car il n'arrive pas qu'un
homme soit puni pour le péché d'un autre. Ces paroles du Sauveur :
« Afin que la gloire de Dieu soit manifestée, » doivent s'entendre de sa
propre gloire et non de celle du Père, dont la manifestation avait déjà eu
lieu. Mais cet homme souffrait-il donc injustement ? Non, et je réponds que
la cécité fut pour lui un bienfait, car il lui dut de voir des yeux de l'âme.
Il est évident que celui qui avait tiré cet homme du néant pour lui donner
l'être, avait aussi le pouvoir de l'affranchir de toute infirmité. On peut
dire du reste avec quelques-uns, que la particule ut n'exprime pas ici
la cause, mais plutôt la conséquence. Comme dans cette autre phrase : « La
loi est survenue, ut abundaret delictum, en sorte que le péché a
abondé; » (Rm 5, 20) de même ici, la conséquence de la guérison de cet
aveugle et de toutes les autres maladies qui accablent l'infirmité humaine, a
été la manifestation de sa puissance. S. Grégoire : (1 Moral. ou Préf. sur Job). Il y a des châtiments que Dieu
inflige aux pécheurs sans qu'il y ait pour lui de retour possible; il en est
d'autres qui le frappent afin de le rendre meilleur; il en est d'autres
encore qui ont pour fin, non point de punir les fautes passées, mais de
prévenir les fautes à venir; d'autres enfin qui n'ont pour but ni de punir
les péchés passés, ni de prévenir ceux que l'on peut commettre dans l'avenir,
mais de faire connaître d'une manière plus éclatante et aimer plus ardemment
la puissance de celui qui sauve par le salut inespéré qui suit immédiatement
le châtiment. S. Jean Chrysostome : (hom. 56). Notre Seigneur vient de dire, en parlant de
lui-même : « Afin que la gloire de Dieu soit manifestée, » il ajoute : «
Il faut, pendant qu'il est jour, que je fasse les œuvres de celui qui m'a
envoyé, » c'est-à-dire, il faut que je me manifeste moi-même, et que je fasse
les œuvres propres à me manifester, les mêmes que celles que fait mon Père. —
S. Bède : Lorsque le Fils affirme
qu'il fait les œuvres de son Père, il prouve ainsi que ses œuvres sont les
mêmes que celles de son Père, c'est-à-dire, guérir ce qui est infirme,
fortifier ce qui est faible, éclairer tous les hommes. — S. Augustin : En disant : « Les œuvres de celui qui m'a
envoyé, » il renvoie toute la gloire à celui de qui il vient, car le Père a
un Fils qui vient de lui, et il n'a pas lui-même de Père de qui il vienne. S. Jean Chrysostome : (hom. 56). Il ajoute : « Pendant qu'il est jour, »
c'est-à-dire, il me faut agir tandis qu'il est permis aux hommes de croire en
moi, ou bien tant que dure cette vie, et les paroles qui suivent viennent à
l'appui de cette explication : « La nuit vient, où personne ne peut agir. »
Cette nuit dont il a été dit : « Jetez-le dans les ténèbres extérieures. » (Mt
22) La nuit sera donc le temps où personne ne peut plus travailler et où
l'on recevra la récompense de sou travail. Tandis que vous vivez, faites donc
ce que vous devez faire, car au delà de cette vie, ni la foi n'est possible,
ni les travaux, ni le repentir. S. Augustin : Mais si nous prenons soin de travailler
pendant cette vie, c'est vraiment le jour, c'est le Christ. Aussi Notre
Seigneur ajoute-t-il : « Tant que je suis dans le monde, je suis la
lumière du monde. » Il est donc lui-même le jour; ce jour qui se mesure sur
la révolution du soleil compte un petit nombre d'heures, mais le jour de la
présence de Jésus-Christ s'étend jusqu'à la consommation des siècles, comme
il le déclare lui-même : « Voici que je suis avec vous jusqu'à la
consommation des siècles. » S. Jean Chrysostome : (hom. 56). C'est par des œuvres que le Sauveur veut
confirmer la vérité de ce qu'il vient de dire, l'Evangéliste ajoute donc :
« Après avoir parlé ainsi, il cracha à terre, et ayant fait de la boue
avec sa salive, il l'étendit sur les yeux de l'aveugle. Celui qui a tiré du
néant et appelé à l'être des créatures beaucoup plus importantes, eût bien pu
donner des yeux à cet aveugle, sans une matière préexistante; mais il a voulu
nous enseigner qu'il était le Créateur, qui au commencement s'est servi de
bouc pour créer l'homme. (hom. 57). Il ne se sert pas d'eau, mais de
salive pour faire cette boue, pour vous empêcher d'attribuer rien à la vertu
de la fontaine, et vous apprendre que c'est la vertu de sa bouche qui a fait
et ouvert les yeux de cet aveugle, et il lui ordonne ensuite de les laver
pour que la guérison ne soit point non plus rapportée à une vertu secrète de
la terre : « Et il lui dit : Allez vous laver dans la piscine de Siloë (mot
qui veut dire envoyé), » pour vous apprendre que je n'ai pas besoin de boue
pour faire des yeux. La piscine de Siloë tirait toute sa vertu de
Jésus-Christ qui opérait toutes les guérisons qui s'y faisaient, et c'est
pour cela que l'Evangéliste donne la signification de ce nom en ajoutant : «
Qui signifie envoyé, » et il vous apprend par là que c'est Jésus-Christ qui a
guéri cet aveugle. De même, en effet, que l'Apôtre nous dit : « La pierre
c'était le Christ, » ainsi la piscine de Siloë, alimentée par un cours d'eau
qui coulait soudainement à certains intervalles, nous figurait secrètement
que Jésus-Christ se manifeste souvent contre toute espérance. Mais pourquoi
donc ne lui commande-t-il pas de se laver immédiatement sans aller à la
piscine de Siloë ? C'est pour mieux confondre l'impudence des Juifs. Il était
bon, en effet, que tous le vissent se diriger vers cette piscine, ayant les
yeux couverts de boue. Jésus voulait d'ailleurs montrer en l'envoyant à cette
piscine, qu'il n'est opposé ni à la loi, ni à l'Ancien Testament. Il n'était
point d'ailleurs à craindre qu'on attribuât la gloire de cette guérison à la
piscine de Siloë, car beaucoup s'y lavaient les yeux sans obtenir une grâce
aussi importante. Il voulait encore faire éclater la foi de cet aveugle, qui
ne cherche pas à contredire le Sauveur, qui ne se dit pas en lui-même : La
boue d'ordinaire est bien plus propre à faire perdre la vue qu'à la rendre,
je me suis lavé plusieurs fois dans la piscine de Siloë, je n'en ai éprouvé
aucun soulagement, si cette eau avait quelque efficacité, elle m'eût guéri
sur-le-champ, il obéit avec simplicité : « Il y alla, se lava et revint
voyant clair. » (hom. 56). C'est donc ainsi qu'il manifesta sa gloire,
car ce n'est pas une faible gloire que de passer pour le créateur de toutes
choses; la foi que l'on donnait à cette grande vérité en faisait accepter
d'autres moins importantes. L'homme, en effet est la première et la plus
honorable de toutes les créatures; et de tous ses membres, l'œil est le plus
digne d'honneur, car c'est lui qui gouverne le corps, lui qui est le plus bel
ornement du visage, ce qu'est le soleil dans l'univers, l'œil l'est dans le
corps de l'homme, c'est pour cela qu'il occupe la partie la plus élevée et
qu'il y est placé comme sur son trône. — THEOPHYLACTE. Il en est qui pensent
que cette boue ne fut pas lavée, mais qu'elle servit à former les yeux de cet
aveugle. S. Bède : Dans le sens allégorique, nous voyons ici
que le Sauveur, chassé du cœur des Juifs, se dirige aussitôt vers les
Gentils. Son passage, le chemin qu'il fait, c'est sa descente du ciel sur la
terre. Il vit cet aveugle, lorsqu'il abaissa les regards de sa miséricorde
sur le genre humain. — S. Augustin : Cet
aveugle, en effet, c'est le genre humain tout entier qui a été frappé de
cécité par le péché du premier homme, dont nous tirons tous notre ORIGine; il
est donc aveugle de naissance. Le Seigneur laisse tomber à terre un peu de
salive, et la mélangeant avec la poussière du chemin, il en fait de la boue,
parce que le Verbe s'est fait chair, et il étend cette boue sur les yeux de
l'aveugle. Lorsque ses yeux étaient ainsi couverts, il ne voyait pas encore,
parce que le Seigneur ne fit de lui qu'un catéchumène, lorsqu'il lui couvrit
ainsi les yeux. Il l'envoie à la piscine de Siloë, car c'est en Jésus-Christ
qu'il a été baptisé, et c'est alors que le Sauveur lui donna l'usage de la
vue. L’Evangéliste nous donne la signification du nom de cette piscine, qui
veut dire envoyé, et, en effet, si le Fils de Dieu n'avait été envoyé
sur la terre, personne d'entre nous n'eût été délivré de son iniquité. — S. Grégoire : (Moral., 8, 12
ou 18). Ou bien encore, la salive figure la saveur de la contemplation
intime. Elle descend de la tête dans la bouche, parce qu'elle part des
splendeurs de Dieu, qu'elle nous fait goûter par les douceurs de la
révélation alors que nous sommes encore dans cette vie. Notre Seigneur mêle
sa salive à la terre, et donne ainsi à cet aveugle l'usage de la vue, parce
que c'est en mêlant la contemplation de la vérité à nos pensées charnelles,
que la grâce céleste répand sa lumière dans notre âme, et délivre notre
intelligence de la cécité ORIGinelle dont elle a été frappée dans le premier
homme. Versets 8-17.
S. Jean Chrysostome : (hom. 57). L'étrangeté de ce miracle le rendait plus
difficile à croire, et c'est en effet ce qui arrive : « Les gens du voisinage,
dit l'Evangéliste, et ceux qui l'avaient vu auparavant demander l'aumône,
disaient : N'est-ce pas là celui qui était assis et mendiait ? » Admirable
condescendance de la clémence de Dieu ! Le Sauveur guérissait avec une grande
bonté les pauvres mendiants, et il ferme ainsi la bouche aux Juifs, en
jugeant dignes de ses bienfaits les hommes obscurs et inconnus de préférence
aux personnages illustres ou distingués par leurs talents ou leurs dignités,
car il était venu pour le salut de tous les hommes : « Les uns disaient :
C'est lui. » Comme cet aveugle avait une longue route à parcourir et que leur
attention était excitée par la singularité de ce miracle dont ils avaient été
les témoins, ils ne pouvaient pas dire : Ce n'est point lui. « D'autres
cependant, poursuit l'Evangéliste, disaient : Point du tout, mais il lui
ressemble. » — S. Augustin : (Traité
44). En effet, ses yeux ouverts avaient changé sa physionomie :
« Mais lui disait : C'est moi, » c'est la voix de la reconnaissance qui
veut se mettre à couvert du reproche d'ingratitude. — S. Jean Chrysostome : (hom. 57). Il ne rougit pas de son
premier état, il ne redoute point la colère du peuple, et il n'hésite pas à
se montrer en public pour faire connaître son bienfaiteur : « Ils lui
disaient donc : Comment vos yeux se sont-ils ouverts ? » De quelle manière
fût-il guéri, nous ne le savons pas, il ne le savait pas lui-même, il savait
seulement qu'il était guéri sans pouvoir comprendre comment cela s'était fait
: « Il répondit : Cet homme qu'on appelle Jésus, a fait de la boue et l'a
étendue sur mes yeux. » Voyez comme il s'attache à ne dire que la vérité. Il
ne dit pas comment Jésus a fait cette boue, parce qu'il ne le savait pas,
qu'il avait craché à terre, tandis que le sens du toucher lui fit connaître
qu'il avait étendu de la boue sur ses yeux : « Et il m'a dit : « Allez à la
piscine de Siloë et vous y lavez. » Il put encore certifier ce fait par le
sens de l'ouïe, car il reconnut la voix de Jésus, dont il avait entendu la
discussion avec ses disciples. Et comme il s'était préparé à une seule chose,
c'est-à-dire, à faire avec docilité tout ce qui lui serait commandé, il
ajoute : « J'y ai été, je me suis lavé et je vois. » S. Augustin : (Traité 44). Le voici devenu prédicateur de la grâce, il
évangélise et confesse Jésus-Christ. Mais tandis que cette aveugle confesse
ainsi la vérité, le cœur des impies se resserrait, parce qu'ils n'avaient pas
dans le cœur les yeux qui brillaient sur sa figure : « Et ils lui dirent : Où
est cet homme ? » — S. gIlrys. (hom. 57). Ils lui faisaient cette
question dans le dessein qu'ils avaient formé de mettre Jésus à mort, car
déjà ils avaient conspiré contre lui. Mais Jésus ne restait pas auprès de
ceux qu'il avait guéris, parce qu'il ne cherchait ni la gloire ni l'ostentation,
il se retirait aussitôt qu'il avait opéré un miracle de ce genre, pour
éloigner tout soupçon de fraude on de concert, car comment ceux qui ne le
connaissaient pas auraient-ils déclaré dans son intérêt, que leur guérison
venait de lui ? « Et il répondit : Je ne sais. » En faisant cette réponse, il
est semblable au catéchumène, qui n'a reçu que l'onction, et qui n'est pas
encore éclairé, il prêche et il ne connaît pas encore ce qu'il annonce. — S. Bède : Il est donc en cela la
figure des catéchumènes qui ont bien la foi eu Jésus-Christ, mais qui ne le
connaissent pas encore parfaitement, parce qu'ils ne sont pas encore
purifiés. C'étaient aux pharisiens qu'il appartenait d'approuver ou de blâmer
cette œuvre. — S. Jean Chrysostome : Les
Juifs donc, en demandant où était Jésus, avaient le dessein de le conduire
aux pharisiens, mais n'ayant pu le trouver, ils leur amènent l'aveugle : «
Alors ils amenèrent aux pharisiens celui qui avait été aveugle, pour le
presser par de nouvelles et plus vives questions. » C'est pour cela que
l'Evangéliste fait cette remarque : « Or, c'était le jour du sabbat que Jésus
détrempa ainsi de la terre, » etc. Il voulait ainsi nous faire connaître les
mauvaises dispositions du leur âme, et la cause pour laquelle ils le
cherchaient, c'est-à-dire, pour trouver l'occasion de la perdre, et détruire
l'impression produite par ce miracle par la prétendue violation de la loi, ce
qui ressort évidemment des questions qu'ils lui adressent : « Les
pharisiens lui demandèrent donc aussi comment il avait recouvré la vue. »
Voyez comment l'aveugle répond sans se troubler; quand le peuple
l'interrogeait, il n'avait aucun danger à craindre, il ne fallait pas un
grand courage pour dire la vérité; mais ce qui est vraiment admirable, c'est
que bien qu'ayant tout à craindre de la haine des pharisiens, il ne songe ni
à nier le fait, ni à dire le contraire de ce qu'il a déclaré précédemment : «
Il leur dit : Il m'a mis de la boue sur les yeux, je me suis lavé et je vois.
» Il abrège ici sa réponse, parce qu'il parle à des hommes qui connaissaient
déjà le fait. Il ne leur dit pas le nom de celui qui lui a donné cet ordre,
il ne rapporte pas les paroles que Jésus lui a adressées : « Allez, et
lavez-vous; » il va tout de suite au fait : « Il m'a mis de la boue sur les
yeux, je me suis lavé et je vois. » Ils éprouvèrent donc le contraire de ce
qu'ils espéraient, ils l'amenèrent dans l'intention de lui faire nier le fait
de sa guérison, et ils en acquirent une certitude beaucoup plus grande. « Sur cela, quelques-uns des pharisiens disaient, » etc. — S. Augustin : Ce n'étaient pas tous,
mais quelques-uns seulement, car déjà il y en avait parmi eux qui recevaient
l'onction. Ceux donc qui ne voyaient pas encore et qui n'avaient pas reçu la
grâce de l'onction, disaient : « Cet homme n'est point de Dieu, puisqu'il
n'observe point le sabbat. » Au contraire, il en était le plus fidèle
observateur, lui qui était sans péché, car l'observation spirituelle du
sabbat, c'est de n'avoir aucun péché, et c'est l'avertissement que Dieu nous
donne quand il nous recommande l'observation de la loi du sabbat :
« Vous ne ferez aucune œuvre servile. » Qu'est-ce qu'un œuvre servile ?
le Seigneur lui-même vous l'apprend : « Tout homme qui commet le péché est
esclave du péché; » (Jn 7) or, les pharisiens tout en observant
extérieurement la loi du sabbat, la violaient spirituellement. S. Jean Chrysostome : Ils passent malicieusement sous silence le
fait de la guérison, et ne mettent en avant que la prétendue violation du
sabbat. Ainsi, ils ne disent pas : Il guérit le jour du sabbat, mais : « Il
transgresse la loi du sabbat. » D'autres disaient : « Comment un pécheur
peut-il faire de tels prodiges ? » Vous voyez qu'ils sont vivement
impressionnés par ce miracle, mais leurs dispositions étaient imparfaites,
car ils auraient dû plutôt chercher à prouver qu'il n'y avait point ici
transgression de la loi du sabbat. Mais ils ne croyaient pas encore qu'il
était Dieu, et ne pouvaient répondre que c'est le maître du sabbat qui avait
opéré ce miracle. Nul d'entre eux n'osait déclarer ouvertement ce qu'il
aurait voulu dire, ils tenaient un langage ambigu, les uns, parce qu'ils
n'osaient parler librement, les autres par amour du pouvoir : « Et ils
étaient divisés entre eux. » Cette division avait lieu dans le peuple et
avait gagné jusqu'aux chefs du peuple. — S.
Augustin : Jésus-Christ était le jour qui sépare la lumière des ténèbres. S. Jean Chrysostome : Ceux qui avaient osé dire : Un pécheur ne
peut faire de tels prodiges, voulant fermer la bouche à leurs contradicteurs,
fout avancer au milieu d'eux celui qui avait éprouvé les heureux effets de la
puissance de Jésus-Christ, pour éviter tout reproche de flatterie : « Ils
dirent donc de nouveau à l'aveugle : Et vous, que dites-vous de celui qui
vous a ouvert les yeux ? » — Théophylactus
: Voyez comme leur question est pleine de bienveillance; ils ne lui
demandent pas : Que dites-vous de celui qui n'observe pas la loi du sabbat ?
Ils ne rappellent que le miracle qu'il a opéré, mais : « Comment vous a-t-il
ouvert les yeux ? » Ils semblent exciter le zèle de cet homme, et lui dire :
Il est votre bienfaiteur, et c'est un devoir pour vous de proclamer ses
bienfaits. — S. Augustin : Ou bien
peut-être ils cherchaient une occasion de calomnier cet homme et de le
chasser de la synagogue, mais il continua de dire avec courage tout ce qu'il
pensait : « Il répondit : C'est un prophète. » Il avait déjà reçu l'onction
du cœur, mais il ne reconnaît pas encore Jésus pour le Fils de Dieu.
Cependant il ne ment pas, car Notre Seigneur a dit, en parlant de lui-même :
« Aucun prophète n'est sans honneur, si ce n'est dans sa patrie. » (Lc 4) Versets 18-23.
S. Jean Chrysostome : (hom. 58). Les pharisiens n'ayant pu intimider cet homme,
et voyant qu'il proclamait en toute liberté le nom de son bienfaiteur,
crurent qu'ils pourraient détruire la vérité du miracle au moyen de ses
parents; c'est ce que signifient ces paroles de l'Evangéliste : « Mais les
Juifs ne voulurent pas croire qu'il eût été aveugle et qu'il eût recouvré la
vue, jusqu'à ce qu'ils eussent fait venir les parents de celui qui voyait. »
— S. Augustin : C'est-à-dire, de
celui qui avait été aveugle et qui avait recouvré la vue. — S. Jean Chrysostome : (hom. 58).
Mais telle est la nature de la vérité, qu'elle puise une force plus grande
dans les difficultés qu'on lui suscite. Le mensonge se détruit par lui-même,
et les moyens qu'il prend pour détruire la vérité, ne servent qu'à la rendre
plus éclatante; c'est ce que nous voyons arriver ici. On aurait pu dire que
le témoignage des voisins n'était pas bien certain, que la ressemblance avait
pu les tromper; on fait donc venir les parents, qui connaissaient leur fils
mieux que personne ne pouvait le connaître : « Et ils leur demandèrent :
Est-ce là votre fils, que vous dites être né aveugle ? » Ils ne disent pas :
Qui était autrefois aveugle, mais : « Que vous dites être né aveugle ? » O
hommes pervers et dignes d'exécration ! Quel
est le père qui voudrait faire un tel mensonge à l'égard de son fils ? Il n'y
a qu'une chose qu'ils ne disent pas, c'est que ce sont eux-mêmes qui l'ont
rendu aveugle. Ils s'efforcent donc de leur faire nier sa guérison par ces
deux questions : « Est-ce là votre fils que vous dites être né aveugle ? » et
: « Comment donc voit-il maintenant ? » — Théophylactus : C'est-à-dire qu'ils voudraient révoquer en doute
l'un des deux faits, ou il est faux qu'il voie maintenant, ou il n'a pas été
précédemment aveugle. Mais comme on ne peut nier qu'il voie maintenant, il
est donc faux qu'il fût aveugle, comme vous l'avancez. S. Jean Chrysostome : (hom. 58). Sur trois questions qui leur sont faites, s'il
est leur fils, s'il était aveugle, et comment il se fait qu'il voie
maintenant, ils répondent à deux : « Ses parents leur répondirent : Nous
savons que c'est là notre fils, et qu'il est né aveugle. » Quant à la
troisième, ils l'éludent, en disant : « Mais comment il voit maintenant, et
qui lui a ouvert les yeux, nous ne le savons. » C'est pour le plus grand
triomphe de la vérité que nul autre que celui qui a été guéri, et qui était
bien digne de foi, atteste le miracle dont il est l'objet. « Interrogez-le,
disent ses parents, il a de l'âge, qu'il parle de ce qui le concerne. » — S. Augustin : C'est-à-dire, on
pourrait nous forcer de parler pour un enfant, parce qu'il ne pourrait parler
pour lui-même : nous l'avons connu aveugle de naissance, mais ayant
l'usage de la parole. S. cIlrys. (hom. 58). Quelle ingratitude dans les parents de
cet homme, qui n'osent dire ce qu'ils savent très-bien, par la crainte qu'ils
ont des Juifs ! « Ils parlèrent ainsi, dit l'Evangéliste, parce qu'ils
craignaient les Juifs. » Il nous fait connaître en même temps la
pensée des Juifs et leur dessein : « Car, ajoute-t-il, les Juifs étaient
convenus entre eux que quiconque reconnaîtrait Jésus pour le Christ, serait
chassé de la synagogue. » — S.
Augustin : Ce n'était plus, du reste, un mal que d'être chassé de la
synagogue; car, si l'on était chassé par les Juifs, on était reçu par
Jésus-Christ. C'est pourquoi ses parents dirent : « Il a de l'âge, interrogez-le, »
— Alcuin : L'Evangéliste nous
donne ici une preuve que, ce n'est point l'ignorance, mais la crainte qui
leur a dicté cette réponse. — Théophylactus
: Ils sont plus timides que leur enfant, qui se montre le témoin
intrépide de la vérité, parce que Dieu avait éclairé les yeux de son âme. Versets 24-34.
S. Jean Chrysostome : (hom. 58 sur S. Jean). Les parents ayant renvoyé
les pharisiens à celui-là même qui avait été guéri, ils l'appelèrent une
seconde fois, comme le dit l'Evangéliste : « Ils appelèrent donc de nouveau
l'homme qui avait été aveugle. » Ils ne lui dirent pas ouvertement :
Niez que Jésus-Christ vous ait guéri; mais ils veulent l'y amener
indirectement, sous prétexte de religion : « Rendez gloire à Dieu, » lui
dirent-ils; c'est-à-dire, avouez que Jésus ne vous a rien fait. — S. Augustin : (Traité 47).
Niez le bienfait que vous avez reçu; ce qui n'est point rendre gloire à Dieu,
mais se rendre coupable de blasphème envers lui. — Alcuin : Mais ils voulaient qu'il rendit gloire à Dieu à leur façon,
c'est-à-dire en reconnaissant que Jésus-Christ était un pécheur : « Nous
savons, disent-ils, que cet homme est un pécheur. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 58). Pourquoi donc ne lui
avez-vous point prouvé qu'il était un pécheur lorsqu'il vous a fait ce défi :
« Qui de vous me convaincra de péché ? » Alcuin : Cet homme, qui ne voulait ni donner lieu à
la calomnie, ni cacher la vérité, ne dit pas : Je sais qu'il est juste, mais
il leur dit : « S'il est pécheur, je n'en sais rien. » — S. Jean Chrysostome : Comment celui qui avait reconnu
précédemment que Jésus était un prophète, peut-il dire maintenant : « S'il
est un pécheur, je ne sais ? » Est-ce qu'il se laisse influencer par la
crainte ? Non; mais il veut justifier Jésus-Christ contre ses accusateurs par
le témoignage du miracle lui-même, et rendre ses paroles dignes de foi par le
bienfait qu'il a reçu : « Je sais seulement que j'étais aveugle, et qu'à
présent je vois. » C'est-à-dire, je ne m'explique point sur cette question
s'il est pécheur ou non, mais je dis ce que je sais à n'en pouvoir douter.
Les pharisiens ne pouvant détruire la vérité du fait miraculeux, reviennent à
leurs premières questions, et s'informent de nouveau de la manière dont cette
guérison a eu lieu, semblables à des chiens qui cherchent sans discontinuer
leur proie, tantôt d'un côté tantôt d'un autre : « Sur quoi ils lui dirent :
Que vous a-t-il fait ? Comment vous a-t-il ouvert les yeux ? » C'est-à-dire,
est-ce au moyen de quelque prestige ? Ainsi ils ne lui disent pas : Comment avez-vous
vu ? mais : « Comment vous a-t-il ouvert les yeux ? » pour lui offrir
l'occasion de calomnier le miracle opéré par Jésus. Tant que les
éclaircissements avaient été nécessaires, l'aveugle s'était expliqué avec
modération; mais comme la vérité est désormais triomphante, il leur parle
avec une généreuse liberté : « Il leur répondit : Je vous l'ai déjà dit, et
vous l'avez entendu, pourquoi voulez-vous l'entendre encore ? » C'est-à-dire
: Vous ne tenez aucun cas de ce que je vous ai dit, je ne répondrai donc plus
à des questions qui n'ont aucun but, et que vous faites non pour apprendre,
mais pour trouver dans mes réponses un sujet de critique ou d'accusation. Il
ajoute : « Est-ce que, vous aussi, vous voulez devenir ses disciples ? » — S. Augustin : Que veulent dire ces
paroles : « Est-ce que vous aussi ? » Quant à moi, je suis déjà son
disciple, voulez-vous aussi le devenir ? Je vois, mais je jouis sans envie du
bienfait de la vue. C'est avec cette noble fermeté que cet homme, autrefois
aveugle, et qui ne peut plus supporter les aveugles, condamne la dureté
opiniâtre des Juifs. — S. Jean
Chrysostome : (hom. 58). Voyez à la fois la force de la vérité, et
la faiblesse du mensonge. La vérité rend les hommes illustres et les couvre
de gloire, quelque méprisés qu'ils soient d'ailleurs; et le mensonge, eût-il
pour organe les puissants du monde, dévoile toute leur faiblesse. « Ils le maudirent alors et lui dirent : Sois son disciple, toi. »
Que cette malédiction soit sur nous et sur nos enfants, car elle n'existe que
dans leur cœur, et non dans leurs paroles : « Pour nous, ajoutent-ils, nous
sommes disciples de Moïse; nous savons que Dieu a parlé à Moïse. » Plût à
Dieu que vous sachiez que Dieu a parlé à Moise, vous sauriez également alors
que Moïse a prédit l'avènement d'un Dieu; puisque c'est le Seigneur lui-même
qui vous dit : « Si vous croyiez à Moïse, vous croiriez aussi en moi; car il
a parlé de moi dans ses écrits. » Ainsi vous vous faites gloire de suivre le
serviteur, et vous tournez le dos au Maître ? Car vous ajoutez : « Mais
celui-ci, nous ne savons d'où il est » — S.
Jean Chrysostome : (hom. 58). C'est-à-dire que ce que vous voyez
de vos yeux vous paraît moins véritable que ce que vous avez entendu dire; en
effet ce que vous dites savoir, vous le tenez de vos ancêtres. Mais n'est-il
pas bien plus digne de foi, celui qui vous a prouvé qu'il venait de Dieu par
des miracles, dont vous n'avez pas seulement entendu parler, mais que vous
avez vus de vos propres yeux ? C'est ce que leur répond cet homme : « Il est
vraiment surprenant que vous ne sachiez pas d'où il est, et qu'il m'ait
ouvert les yeux. » Il ne cesse de leur rappeler ce miracle, parce qu'ils ne
pouvaient en contester la réalité, et qu'il portait avec lui sa conviction;
et comme ils avaient déclaré qu'un pécheur ne pouvait opérer de semblables
prodiges, il s'appuie sur cet aveu, et leur remet en mémoire leurs propres
paroles : « Nous savons, leur dit-il, que Dieu n'exauce point les
pécheurs; » c'est-à-dire, vous et moi nous sommes d'accord sur ce point. S. Augustin : Il parle ici comme un homme qui n'a pas
encore reçu l'onction, car Dieu exauce les pécheurs; et, s'il ne les exauçait
pas, c'est donc en vain que le publicain lui aurait fait cette prière : «
Seigneur, soyez-moi propice, à moi, qui ne suis qu'un pécheur. » Mais au
contraire il mérita, par cette confession, d'être justifié, comme l'aveugle
mérita que la lumière lui fût rendue. — Théophylactus
: Ou bien encore on peut dire que Dieu n'exauce point les pécheurs, en ce
sens qu'il ne leur accorde pas le pouvoir de faire des miracles, mais
lorsqu'ils implorent le pardon de leurs fautes, ils passent de l'état de
pécheurs à celui de pénitents. S. Jean Chrysostome : (hom. 58). Et, remarquez que les paroles qui précèdent :
« S'il est un pécheur, je ne sais, » n'expriment pas un doute de la part
de cet homme; car ici, non-seulement il le justifie de tout péché, mais il
montre combien il est agréable à Dieu. « Mais celui qui l'honore, et fait sa
volonté, c'est celui-là qu'il exauce; » ainsi il ne suffît pas de connaître
Dieu, il faut encore accomplir sa volonté. «Voyez encore comme il relève le
miracle dont il vient d'être l'objet : « Jamais on n'a ouï dire que personne
ait ouvert les yeux à un aveugle-né. » C'est-à-dire : Si vous reconnaissez
que Dieu n'exauce point les pécheurs, et que cet homme cependant ait fait un
miracle comme jamais aucun homme n'en a fait, il est évident que la puissance
en vertu de laquelle il a fait ce miracle est supérieure à toute puissance
humaine : « Si cet homme n'était pas de Dieu, ajouta-t-il, il ne pourrait
rien faire. » — S. Augustin : Il
ne pourrait rien faire avec liberté, avec constance, avec vérité; car,
comment les choses que le Seigneur a faites auraient-elles pu exister si Dieu
lui-même n'en était l'auteur ? et comment ses disciples pourraient-ils opérer
de semblables prodiges, si le Seigneur lui-même n'habitait en eux pour les
revêtir de sa puissance ? S. Jean Chrysostome : Cet homme a donc confessé la vérité sans la
moindre crainte, et cependant au lieu d'admirer sa noble fermeté, les
pharisiens le condamnent, « Ils lui répondirent : Tu es né tout entier dans
le péché, et tu nous enseignes ! » Que veulent dire ces mots : « Tout
entier ? » Avec les yeux fermés; mais celui qui lui a ouvert les yeux l'a
guéri aussi tout entier. — S. Jean
Chrysostome : (hom. 58). Ou bien ces paroles : « Tout entier, »
signifient : Vous êtes dans le péché depuis vos premières années. Ils lui
reprochent donc sa cécité, comme la suite et la punition de ses péchés, ce
qui était dénué de fondement. Tant qu'ils ont espéré qu'il nierait cette
guérison miraculeuse, ils l'ont juge digne de foi; maintenant ils le
repoussent loin d'eux. « Et ils le chassèrent dehors. » — S. Augustin : Ils l'avaient eux-mêmes
établi comme maître, ils l'avaient interrogé à plusieurs reprises, comme pour
s'instruire, et après qu'il leur a enseigné la vérité, ils le chassèrent avec
une superbe ingratitude. — S. Bède : C'est,
en effet, la coutume des grands, de dédaigner de rien apprendre de la bouche
de leurs inférieurs. Versets 35-41.
S. Jean Chrysostome : (hom. 59 sur S. Jean). Dieu se plaît à honorer
surtout ceux qui sont couverts d'outrages pour avoir rendu témoignage à la
vérité et confessé Jésus-Christ. C'est ce qui se vérifie dans cet aveugle.
Les Juifs le chassent du temple, et le Maître du temple le rencontre, et
l'accueille avec bonté, comme le président des combats accueille celui qui a
courageusement combattu et mérité la couronne. « Jésus apprit qu'ils
l'avaient ainsi chassé; et, l'ayant rencontré, il lui dit : Croyez-vous au
Fils de Dieu ? » Le récit de l'Evangéliste nous fait voir que Jésus était
venu exprès pour lui parler. Or, il l'interroge, non pour apprendre ce qu'il
ignorait, mais pour se faire connaître à lui, et lui montrer la grande estime
qu'il fait de sa foi; et il semble lui dire : Ce peuple m'a outragé, mais peu
m'importe; je n'ai à cœur qu'une seule chose, c'est de vous inspirer la foi :
mieux vaut un homme faisant la volonté de Dieu, que dix mille impies. S. Hilaire : (de la Trinité, 6) Si une foi telle quelle en Jésus-Christ devait
être regardée comme une foi consommée, le Sauveur aurait dit à cet homme :
Croyez-vous en Jésus-Christ ? Mais comme presque tous les hérétiques devaient
avoir ce nom à la bouche et confesser le Christ, tout en niant qu'il était le
Fils de Dieu, Jésus demande à cet homme de croire ce qui est le signe
caractéristique du Christ, c'est-à-dire, de croire qu'il est Fils de Dieu.
Que servirait-il de croire au Fils de Dieu, si l'objet de la foi n'était
qu'une créature ? La foi qui nous est demandée, c'est la foi en Jésus-Christ,
non comme créature de Dieu, mais comme Fils de Dieu. S. Jean Chrysostome : (hom. 59). Cet homme ne connaissait pas encore
Jésus-Christ, il était aveugle avant que Jésus l'eût rencontré pour la première
fois; et après sa guérison, il avait été entraîné de tous côtés par les
Juifs. « Il répondit : Qui est-il, Seigneur, afin que je croie en lui ? »
C'est là l'expression d'un vif et ardent désir. Il ne connaît point celui
dont il a pris et soutenu la défense avec tant de force et de chaleur, preuve
de son grand amour pour la vérité. Le Seigneur ne lui a point encore dit
expressément : « C'est moi qui vous ai guéri; » mais il le lui fait connaître
équivalemment en lui disant : « Vous l'avez vu, et c'est lui-même qui vous
parle. » — Théophylactus : Il s'exprime ainsi pour rappeler à cet homme sa
guérison, parce que c'est de lui qu'il avait reçu la faculté de voir.
Remarquez que celui qui lui parle est à la fois le Fils de Marie et le Fils
de Dieu, et il n'y a point en lui deux personnes, suivant l'erreur de
Nestorius; « et c'est lui-même qui vous parle, » lui dit le Sauveur. S. Augustin : (Traité 44) Notre Seigneur lave et
purifie maintenant la face de son cœur, et après que son cœur est purifié,
ainsi que sa conscience, il le reconnaît non comme Fils de l'homme, ce qu'il
croyait déjà auparavant, mais comme Fils de Dieu, revêtu d'une chair mortelle
: « Et il lui dit : Je crois, Seigneur. » C'est peu de croire; voulez-vous
voir tout ce que sa foi découvre en lui ? « Et, se jetant à ses pieds, il
l'adora. » — S. Bède : Cet exemple
nous apprend qu'on ne doit point prier Dieu la tète haute, mais implorer sa
miséricorde la face prosternée contre terre. — S. Jean Chrysostome : ( hom. 59. ) Par son attitude autant
que par son langage, cet homme révèle la puissance divine de Jésus; le
Seigneur, de son côté, donne une nouvelle ardeur à sa foi, et rend ceux qui
le suivent plus attentifs : « Alors Jésus dit : Je suis venu dans ce monde
pour exercer le jugement. » — S. Augustin
: Jésus était le jour, qui sépare la lumière des ténèbres, et il ajoute
justement : « Afin que ceux qui ne voient pas voient, » parce qu'il délivre
des ténèbres. Mais que signifient les paroles qui suivent : « Et que ceux qui
voient deviennent aveugles ? » La suite nous en donne le véritable sens :
«Quelques-uns, d'entre les pharisiens qui étaient-là, ayant entendu ces
paroles, lui dirent : « Sommes-nous donc aussi des aveugles ? » Car cette
parole : « Et que ceux qui voient deviennent aveugles, » les avait vivement
touchés. « Jésus leur répondit : Si vous étiez aveugles, vous n'auriez point
de péché; » c'est-à-dire, si vous reconnaissiez que vous êtes des aveugles,
vous auriez recours au médecin. « Mais maintenant vous dites : Nous voyons,
votre péché demeure. » En effet, en prétendant que vous voyez, vous n'avez
nul souci de chercher le médecin, et vous demeurez dans votre aveuglement;
c'est ce qu'il vient de leur prédira, en leur disant : « Je suis venu pour
que ceux qui ne voient point voient, » (c'est-à-dire, ceux qui reconnaissent
qu'ils ne voient point, et cherchent un médecin, pour qu'il leur rende la
vue,) « et que ceux qui voient deviennent aveugles. » (C'est-à-dire, afin que
ceux qui s'imaginent qu'ils voient et ne cherchent pas le médecin, demeurent
dans leur aveuglement). C'est cette distinction qu'il appelle jugement,
lorsqu'il dit : « Je suis venu dans le monde pour exercer le jugement, » et
il ne veut point dire qu'il vienne exercer sur le monde ce jugement qui doit
n'avoir lieu qu'à la fin des siècles, pour les vivants et les morts. S. Jean Chrysostome : (hom. 59). Ou bien encore, tel est le sens de ces paroles
: « Je suis venu pour le jugement; » c'est-à-dire, pour augmenter la rigueur
du supplice qui vous est réservé; et il montre aussi que ceux qui l'ont
condamné, seront eux-mêmes l'objet d'une sévère condamnation. Les paroles
suivantes : « Afin que ceux qui ne voient point voient, et que ceux qui
voient deviennent aveugles, » doivent être entendues dans le même sens que
ces autres de saint Paul : « Que les Gentils qui ne cherchaient point la
justice, ont embrassé la justice, et la justice qui vient de la foi de
Jésus-Christ; et qu'Israël, au contraire, qui recherchait la loi de la
justice, n'est point parvenu à la loi de la justice. » (Rm 9, 30-31).
— Théophylactus : Notre Seigneur semble
dire : Celui qui était aveugle dès sa naissance voit maintenant, et ceux qui
paraissent avoir l'usage de la vue, sont aveugles dans leur intelligence. — S. Jean Chrysostome : (hom. 59).
Il y a, en effet, deux manières de voir, comme deux manières d'être aveugle,
l'une extérieure, l'autre intérieure; or, les Juifs n'avaient de désirs que
pour les choses sensibles, et de mépris que pour la cécité extérieure; Jésus
leur déclare donc qu'il vaudrait mieux pour eux être aveugles, que de voir de
la sorte : « Si vous étiez aveugles, leur dit-il, vous n'auriez point de
péché, » et votre châtiment serait moins rigoureux; « mais maintenant vous
dites : Nous voyons. » — Théophylactus
: Vous ne voulez faire nulle attention au miracle opéré en faveur de cet
aveugle, vous êtes donc indigne de pardon, puisque la vue de tels prodiges
n'est point capable de vous attirer à la foi. S. Jean Chrysostome : (hom. 59). Il leur montre ainsi que ce qu'ils regardaient
comme un titre de gloire, sera pour eux une cause de châtiment, et en même
temps il console de sa cécité extérieure cet homme qui avait été aveugle de
naissance. Ce n'est pas sans raison que l’Evangéliste nous fait remarquer que
quelques-uns d'entre les pharisiens qui étaient là entendirent ces paroles;
il veut nous rappeler que ce sont les mêmes qui avaient d'abord résisté à
Jésus-Christ, et avaient voulu ensuite le lapider; ils étaient de ceux qui
suivaient le Sauveur comme par manière d'acquit, et à la première occasion se
déclaraient contre lui. — Théophylactus
: Ou bien encore, si vous étiez aveugles, c'est-à-dire si vous ignoriez
les Ecritures, votre péché serait moins grand, parce qu'il aurait l'ignorance
pour excuse; mais maintenant, que vous vous donnez comme des sages et des
hommes versés dans la loi, vous vous condamnez vous-mêmes. |
Caput 10 Lectio 1 [86076] Catena in Io., cap. 10 l. 1 Chrysostomus
in Ioannem. Quia dominus de caecitate Iudaeorum disputaverat, ne dicant :
non est ex nostra caecitate quod ad te non accedimus, sed a te avertimur, ut
erroneum fugientes, vult ostendere quod non est erroneus, sed pastor, ponens
signa latronis et pastoris. Et primo ostendit quis est erroneus et fur,
dicens amen, amen, dico vobis : qui non intrat per ostium in ovile ovium, sed
ascendit aliunde, ille fur est et latro. Hic autem et eos qui ante eum
fuerunt, occulte insinuat, et eos qui post eum futuri sunt, Antichristum et
pseudochristos. Ostium autem Scripturas vocavit; hae enim Dei cognitionem
aperiunt, hae oves custodiunt, et lupos supervenire non permittunt,
haereticis introitum praecludentes. Qui ergo non Scripturis utitur, sed
aliunde ascendit, hoc est aliam sibi et non legitimam viam facit, hic fur
est. Dicit autem ascendit, et non intrat, ad similitudinem furis maceriam
transcendere volentis, et periculose omnia agentis. Dicens autem aliunde,
etiam Scribas occulte insinuavit, qui docebant mandata et doctrinas hominum,
et legem praevaricabantur. Si autem infra seipsum ostium dicit, non oportet
turbari : etenim pastorem seipsum et ovem differenter praedicat : quia enim
adducit nos patri, ostium se dicit; quia vero procurat, pastorem.
Augustinus in Ioannem. Vel aliter. Multi sunt qui secundum quamdam vitae
huius consuetudinem dicuntur boni homines, qui ea quae in lege mandata sunt
quasi observant, et Christiani non sunt, et plerumque se iactant sicut
Pharisaei : numquid et nos caeci sumus? Quia vero omnia ista quae faciunt, et
nesciunt ad quem finem referant, inaniter faciunt, dominus de grege suo et
ostio quo intratur ad ovile, similitudinem posuit, dicens amen, amen, dico
vobis : qui non intrat per ostium in ovile ovium, sed ascendit aliunde, ille
fur est et latro. Dicant ergo Pagani vel Iudaei vel haeretici : bene vivimus
: si per ostium non intrant, quid eis prodest? Ad hoc enim debet unicuique
prodesse bene vivere, ut detur illi semper vivere : quia nec bene vivere
dicendi sunt qui finem bene vivendi vel caecitate nesciunt, vel inflatione
contemnunt. Non est autem cuiquam spes vera semper vivendi, nisi cognoscat
vitam, quod est Christus, et per hanc ianuam intret in ovile. Quicumque ergo
vult intrare ad ovile, per ostium intret : non solum Christum praedicet, sed
Christi gloriam quaerat, non suam. Humilis autem ianua est Christus : qui
intrat per hanc ianuam, oportet humilem esse, ut sano capite possit intrare.
Qui autem se non humiliat, sed extollit, per maceriam vult ascendere; ideo
exaltatur ut cadat. Quaerunt ergo plerumque tales homines etiam persuadere
hominibus ut bene vivant et Christiani non sint : per aliam partem volunt
ascendere et rapere et occidere. Tales ergo fures sunt, quia quod alienum
est, suum dicunt; latrones, quia quod furantur occidunt. Chrysostomus. Vidisti
qualiter descripsit latronem : intuere et pastoris definitionem; sequitur
enim qui autem intrat per ostium, pastor est ovium. Augustinus de Verb.
Dom. Intrat per ostium qui intrat per Christum, qui imitatur passionem
Christi, qui cognoscit humilitatem Christi; ut cum Deus factus sit homo pro
nobis, cognoscat se homo non esse Deum, sed hominem. Qui enim vult Deus
videri cum sit homo, non imitatur illum qui cum Deus esset, homo factus est.
Tibi autem non dicitur : esto aliquid minus quam es; sed : agnosce quid es.
Sequitur huic ostiarius aperit. Chrysostomus. Nihil prohibet ostiarium
vocare Moysen : ille enim est cui eloquia Dei credita sunt.
Theophylactus. Vel spiritus sanctus est ostiarius, per quem Scripturae
reseratae nobis indicant Christum. Augustinus in Ioannem. Vel aliter.
Ostiarium ipsum dominum debemus accipere : multo sunt enim magis inter se diversa
in rebus humanis pastor et ostium, quam ostiarius et ostium; et tamen dominus
et pastorem se dixit et ostium. Cur ergo non intelligamus ipsum et ostiarium?
Ipse enim se aperit, qui seipsum exponit. Si aliam personam quaeris ostiarii,
vide ostiarium forte spiritum sanctum, de quo dominus dicit : ipse vos
docebit omnem veritatem. Ostium est Christus qui est veritas. Quis aperit
ostium nisi qui docet veritatem? Cavendum tamen est ne maior aestimetur
ostiarius esse quam ostium, quia in domibus hominum ostiarius ostio, non
ostium praeponitur ostiario. Chrysostomus. Quia vero dicebant eum esse
deceptorem, et hoc ex infidelitate sui ipsorum certificabant dicentes : quis
principum credit in eum? Ostendit nunc quod ex hoc quod non attendunt ei, ex
ordine ovium excluduntur; unde sequitur oves vocem eius audiunt. Si enim
pastoris est per legitimum intrare ostium, per quod ipse intravit, ab ovium
congregatione se abstrahunt qui ipsum non audiunt. Sequitur et proprias oves
vocat nominatim. Augustinus in Ioannem. Novit enim nomina
praedestinatorum; unde discipulis ait : gaudete quoniam nomina vestra scripta
sunt in caelo. Sequitur et educit eas. Chrysostomus in Ioannem. Oves
educebat quando eas mittebat, non extra lupos, sed in medio luporum. Videtur
autem et de caeco occulte insinuare : etenim illum eduxit vocans ex medio
Iudaeorum, et vocem eius audivit. Augustinus. Sed et quis alius oves
emittit, nisi qui earum peccata dimittit, ut eum sequi duris liberatae
vinculis possint? Sequitur enim et cum proprias oves emiserit, ante eas vadit.
Glossa. Emittit siquidem eas de tenebris ignorantiae ad lucem, dum ante
eas vadit, quasi in columna nubis et ignis. Chrysostomus. Nimirum
pastores contrarium faciunt oves sequentes; sed ipse ostendit se contrarium
facere, quoniam oves deducit ad veritatem. Augustinus. Et quis est qui
oves praecessit nisi qui surgens a mortuis iam non moritur, et patri dixit :
quos dedisti mihi, volo ut ubi ego sum et ipsi sint mecum? Sequitur et oves
illum sequuntur, quia sciunt vocem eius; alienum autem non sequuntur, sed
fugiunt ab eo, quia non noverunt vocem alienorum. Chrysostomus. Alienos
dicit eos qui circa Theodam et Iudam, aut eos qui post haec alios debent
decipere, pseudoapostolos : ut enim non dicatur unus illorum esse, per multa
se ab eis separat. Primo quidem per doctrinam Scripturarum, per quas Christus
ad se homines adducebat; illi vero ab eis homines abstrahebant. Secundo per
ovium obedientiam : nam in eum quidem non solum viventem, sed etiam mortuum
homines crediderunt; illos autem confestim reliquerunt. Theophylactus. Significat
etiam Antichristum, qui paululum decipiens, non obtinebit sequaces post eius
mortem. Augustinus. Sed quomodo solvetur ista quaestio? Audiunt vocem
Christi quandoque non oves : audivit enim Iudas, sed lupus erat; et non
audiunt oves : aliqui enim eorum qui Christum crucifixerunt, non audierunt,
sed oves erant. Sed dicet aliquis : quando non audiebant, oves non erant; vox
audita eos mutavit, et ex lupis oves fecit. Me autem adhuc movet quod per
Ezechielem obiurgat dominus pastores, et dicit inter cetera de ovibus :
errantem non revocastis : et errantem dicit, et ovem appellat. Non erraret,
si vocem pastoris audiret; sed ideo erravit, quia vocem alieni audivit. Dico
ergo : novit dominus qui sunt eius : novit praescitos, novit praedestinatos.
Ipsi sunt oves, aliquando se ipsi nesciunt; sed pastor novit eas : multae
enim oves foris sunt, et multi lupi intus. De praedestinatis ergo loquitur.
Est autem aliqua vox pastoris in qua oves non audiunt alienos, in qua non
oves non audiunt Christum. Quae est ista vox? Qui perseveraverit usque in
finem, hic salvus erit. Hanc vocem non negligit proprius, non audit alienus.
Sequitur hoc proverbium dixit eis Iesus; illi autem non cognoverunt quid
loqueretur eis. Pascit enim dominus manifestis, exercet obscuris. Cum autem
duo audiunt verba Evangelii, unus impius, alter pius, et talia forte sunt ut
ambo non intelligant : unus dicit : verum est quod dixit, et bonum est quod
dixit, sed nos non intelligimus; iste, quia credit, iam pulsat; dignus est
cui aperiatur, si pulsare persistat. Alius dicit : nihil dixit; quia adhuc
audiet : nisi credideritis, non intelligetis. Lectio 2 [86077] Catena in Io., cap. 10 l. 2 Chrysostomus
in Ioannem. Dominus attentiores volens Iudaeos facere, manifestat quod
supra dixerat; unde dicitur dixit ergo iterum eis Iesus : amen, amen, dico
vobis : ego sum ostium ovium. Augustinus in Ioannem. Ecce quod clausum
posuerat, aperuit : ipse est ostium : intremus, et nos intrasse gaudeamus.
Sequitur omnes quotquot venerunt, fures sunt et latrones. Chrysostomus. Non
de prophetis hoc dicit, sicut haeretici dicunt, sed de seditiosis; unde et
laudans oves, subiungit sed non audierunt eos oves. Nusquam autem videtur
laudare eos qui non obedierunt prophetis; sed eis detrahit vehementer.
Augustinus. Intellige ergo : quotquot venerunt praeter me; non autem
praeter illum prophetae venerunt, quia cum illo venerunt qui cum verbo Dei
venerunt, qui veraces fuerunt : quia ipse verbum et veritas venturus
praecones mittebat : sed eorum corda quos miserat possidebat : carnem quippe
ipse accepit ex tempore qui est semper : in principio enim erat verbum. Ante
adventum autem eius, quo humilis venit in carne, praecesserunt iusti, sic eum
credentes venturum, quomodo nos credimus in eum qui venit : tempora variata
sunt, non fides : eadem enim fides utrosque coniungit, et eos qui venturum
esse, et eos qui venisse crediderunt. Quotquot ergo praeter illum venerunt,
fures fuerunt et latrones; idest ad furandum et occidendum venerunt. Sed non
audierunt eos oves; illi scilicet de quibus dictum est : novit dominus qui
sunt eius. Eos ergo non audierunt oves in quibus non erat vox Christi,
errantes, vana fingentes, miseros seducentes. Quare autem se ostium dixerit,
aperit subdens ego sum ostium : per me si quis introierit, salvabitur.
Alcuinus. Quasi dicat : illos non audiunt oves, sed me audiunt : quia ego
sum ostium : et qui per me non fictus, sed verus introierit, perseverando
salvabitur. Theophylactus. Educit autem ad pascua dominus oves per
ostium; unde sequitur et ingredietur et egredietur, et pascua inveniet. Quae
sunt autem haec pascua nisi delectatio futura, et requies in quam nos dominus
introducit? Augustinus. Sed quid est quod dicit ingredietur et
egredietur? Ingredi quippe in Ecclesiam per ostium Christum, valde bonum est
: exire autem de Ecclesia non est bonum. Potest ergo dici ingredi nos, quando
interius aliquid cogitamus; egredi autem, quando exterius aliquid operamur,
secundum illud : exibit homo ad opus suum. Theophylactus. Vel ingredi
dicitur cui est curae homo interior; egredi vero qui hominem exteriorem, id
est membra quae sunt supra terram, in Christo mortificat : hic enim pascua in
futuro reperiet saeculo. Chrysostomus. Vel hoc dicitur propter
apostolos, qui cum audacia introierunt, et exierunt, ut totius orbis terrarum
facti domini, et nullus eos eicere valuit : et nutrimentum habuerunt.
Augustinus. Sed plus me delectat quod ipse quodammodo nos admonuit cum
secutus adiungit fur non venit nisi ut furetur. Alcuinus. Quasi dicat
: merito oves non audiunt vocem furis, quia non venit fur nisi ut furetur,
alienam rem sibi usurpando, non de praeceptis Christi suos sectatores
instruens, sed suis exemplis eos vivere suadens; unde subditur et mactet,
mala doctrina retrahendo a fide, et perdat, in aeterna damnatione. Illi ergo
furantur et occidunt. Ego veni, ut vitam habeant, et abundantius habeant.
Augustinus. Videtur mihi dixisse ut vitam habeant ingredientes, hoc est
per fidem quae per dilectionem operatur, per quam fidem in ovile ingrediuntur
ut vivant, quia iustus ex fide vivit. Et abundantius habeant, scilicet
egredientes, scilicet quando veri fideles moriuntur, et abundantius habent
vitam, ubi nunquam deinde moriuntur. Quamvis ergo et hic in ipso ovili non
desint pascua, invenient tamen pascua ubi saturentur, qualia invenit cui
dictum est : hodie mecum eris in Paradiso. Gregorius super Ezech. Ingredietur
ergo ad fidem, egredietur ad speciem; pascua vero inveniet in aeterna
satietate. Chrysostomus. Quod autem dicit fur non venit nisi ut
furetur et mactet et perdat, de seditiosis dicit : quod ad litteram est
factum, omnibus occisis et perditis qui eos sequebantur; et sic etiam
praesenti vita eos privaverunt. Ego autem veni pro salute ovium ut vitam
habeant, et abundantius habeant in regno caelorum : et haec est tertia
differentia, qua se discernit a pseudoprophetis. Theophylactus. Mystice
autem fur Diabolus est, qui venit tentando ut furetur per cogitationes
illicitas, et mactet per consensum, et deinde per opera destruat. Lectio 3 [86078] Catena in Io., cap. 10 l. 3 Augustinus in
Ioannem. Aperuit dominus duas res quas quodammodo clausas proposuerat.
Primo quidem scimus quia ostium ipse est; nunc autem ostendit quia pastor
est, dicens ego sum pastor bonus. Supra autem dixerat pastorem intrare per
ostium. Si ergo ipse est ostium, quomodo per seipsum intrat? Sicut ergo ipse
per seipsum novit patrem, nos autem per illum; sic intrat in ovile per
seipsum, nos autem per ipsum : nos, quia Christum praedicamus, per ostium
intramus; Christus autem seipsum praedicat : lumen enim et alia demonstrat et
seipsum. Si autem praepositi Ecclesiae, qui filii sunt, pastores sunt;
quomodo unus pastor est, nisi quia sunt illi omnes unius membra pastoris? Et
quidem quod pastor est dedit et membris suis : nam et Petrus pastor, et
ceteri apostoli pastores, et omnes boni episcopi : ostium vero nemo nostrum
se dicit : hoc sibi ipse proprie tenuit. Non autem adderet bonus, nisi essent
et pastores mali : ipsi sunt fures et latrones, aut certe ut multum
mercenarii. Gregorius in Evang. Atque eius bonitatis formam, quam nos
imitemur, adiungit, dicens bonus pastor animam suam ponit pro ovibus suis.
Fecit quod monuit, ostendit quod iussit : pro ovibus suis animam suam posuit,
ut in sacramento nostro corpus suum et sanguinem verteret, et oves quas
redemerat carnis suae alimento satiaret. Ostensa est nobis de contemptu
mortis via quam sequamur, apposita forma cui imprimamur. Primum nobis est
exteriora nostra misericorditer ovibus eius impendere; postremum vero, si
necesse sit, etiam in mortem animam nostram pro eisdem ovibus ministrare. Qui
autem non dat pro ovibus substantiam suam, quando pro his daturus est animam
suam? Augustinus in Ioannem. Non autem solus Christus hoc fecit, et
tamen si illi qui fecerunt, membra eius sunt, idem ipse unus hoc fecit : ipse
enim potuit facere sine illis, illi sine illo non poterant. Augustinus de
Verb. Dom. Omnes tamen pastores boni fuerunt, non solum quia sanguinem
fuderunt, sed quia pro ovibus fuderunt : non enim fuderunt elatione, sed
caritate. Nam et apud haereticos, qui propter iniquitates et errores suos
aliquid molestiarum perpessi fuerunt, nomine martyrii se iactant, ut hoc
pallio dealbati facilius furentur, quia lupi sunt. Non autem omnes qui
corpora sua in passione etiam ignibus tradunt, aestimandi sunt sanguinem
fudisse pro ovibus, sed potius contra oves; dicit enim apostolus : si
tradidero corpus meum ita ut ardeam, caritatem autem non habeam, nihil mihi
prodest. Quomodo autem habet vel exiguam caritatem, qui etiam convictus non
amat unitatem? Quam dominus commendans, noluit multos appellare pastores, sed
pastorem unum, dicens ego sum pastor bonus. Chrysostomus in Ioannem. Sic
igitur de cetero dominus de passione sua disputabat, ostendens quoniam pro
salute fieret mundi, et non invitus in hanc venit. Deinde rursus ostendit
signa pastoris et mercenarii, cum dicit mercenarius autem, et qui non est
pastor, cuius non sunt oves propriae, videt lupum venientem, et dimittit oves
et fugit. Gregorius. Sunt enim nonnulli qui dum plus terrenam
substantiam quam oves diligunt, merito nomen pastoris perdunt : non enim
pastor, sed mercenarius vocatur qui non pro amore intimo oves dominicas, sed
ad temporales mercedes pascit. Mercenarius quippe est qui pastoris locum
tenet, sed lucrum animarum non quaerit, terrenis commodis inhiat, honore
praelationis gaudet. Augustinus de Verb. Dom. Aliud ergo quaerit in
Ecclesia, non Deum quaerit : si Deum quaereret, castus esset, quia legitimum
maritum anima Deum habet : quisquis a Deo praeter Deum aliquid quaerit, non
caste Deum quaerit. Gregorius. Utrum vero pastor sit, vel mercenarius,
cognosci veraciter non potest, si occasio necessitatis deest :
tranquillitatis enim tempore plerumque ad gregis custodiam sicut verus
pastor, sic etiam mercenarius stat; sed lupus veniens indicat quo quisque
animo super gregis custodiam stabat. Augustinus. Lupus autem Diabolus
est, et qui illum sequuntur : nam dictum est quod induti quidam pellibus
ovium, intus sunt lupi rapaces. Augustinus in Ioannem. Ecce lupus ovis
guttur apprehendit, Diabolus fideli adulterium persuasit, excommunicandus est
: sed excommunicatus inimicus erit, insidiabitur, nocebit cum potuerit : unde
taces, non increpas : lupum venientem vidisti, et fugisti : corpore stetisti,
animo fugisti; affectiones enim nostrae motus animorum sunt : laetitia animi
diffusio est, tristitia autem contractio, cupiditas animi progressio, timor
animi fuga est. Gregorius. Lupus etiam super oves venit cum quilibet
iniustus et raptor fideles quosque atque humiles opprimit. Sed is qui pastor
esse videbatur et non erat, reliquit oves et fugit : quia dum sibi ab eo
periculum metuit, resistere eius iniustitiae non praesumit. Fugit autem non
mutando locum, sed subtrahendo solatium. Sed contra haec mercenarius nullo
zelo accenditur : quia dum solum exteriora commoda requirit, interiora gregis
damna negligenter patitur; unde subditur mercenarius autem fugit, quia
mercenarius est, et non pertinet ad eum de ovibus. Sola ergo causa est ut
mercenarius fugiat quia mercenarius est, ac si dicat : stare in periculo ovium
non potest qui in eo quod ovibus praeest, non oves diligit, sed lucrum
terrenum quaerit; et ideo opponere se contra periculum trepidat, ne hoc quod
diligit amittat. Augustinus. Si autem apostoli pastores fuerunt, non
mercenarii, quare fugiebant quando persecutionem patiebantur? Et hoc domino
dicente : si vos persecuti fuerint, fugite. Pulsemus, aderit qui aperiet.
Augustinus ad Honoratum. Fugiant ergo omnino de civitate in civitatem
servi Christi, ministri verbi et sacramenti eius, quando eorum quisquam specialiter
a persecutoribus quaeritur, ut ab aliis qui non ita requiruntur non deseratur
Ecclesia. Cum autem omnium, idest episcoporum, et clericorum, et laicorum est
commune periculum, hi qui aliis indigent, non deserantur ab his quibus
indigent. Aut igitur ad loca munita omnes transeant; aut qui habent remanendi
necessitatem, non relinquantur ab eis, per quos eorum ecclesiastica est
implenda necessitas. Tunc ergo de locis in quibus sumus, premente
persecutione, fugiendum est Christi ministris, quando ibi aut plebs Christi
non fuerit cui ministretur, aut potest impleri per alios necessarium
ministerium, quibus eadem non est causa fugiendi. Cum autem plebs manet et
ministri fugiunt, ministeriumque subtrahitur, quid erit nisi mercenariorum
illa fuga damnabilis, quibus non est cura de ovibus? Augustinus in
Ioannem. In bonis ergo nominantur ostium, ostiarius, pastor et oves; in
malis fures et latrones, mercenarii, lupus. Augustinus de Verb. Dom. Diligendus
est pastor, cavendus latro, tolerandus mercenarius. Tamdiu enim est utilis
mercenarius, quamdiu non videt lupum, furem vel latronem; cum autem viderit,
fugit. Augustinus in Ioannem. Nec enim mercenarius diceretur, nisi
acciperet a conducente mercedem. Filii aeternam hereditatem patris patienter
expectant, mercenarius temporalem mercedem conducentis festinanter exoptat;
et tamen per linguas utrorumque divina Christi gloria diffamatur. Inde ergo
laedit unde mala facit, non unde bona dicit : botrum carpe, spinam cave :
quia botrus aliquando de radice vitis exortus, pendet in spinis : multi
quippe in Ecclesia commoda terrena sectantes, Christum praedicant, et per eos
vox Christi auditur; et sequuntur oves, non mercenarium, sed vocem pastoris
per mercenarium. Lectio 4 [86079] Catena in Io., cap. 10 l. 4 Chrysostomus in
Ioannem. Duos superius malos praemisit dominus : unum qui furatur et
mactat et rapit; alterum qui non prohibet : per illum seditiosos insinuans,
per hunc Iudaeorum magistros confundens, et non procurantes creditas oves.
Sed ab utrisque seipsum Christus distinxit : ab illis quidem qui ad laedendum
venerunt, in hoc quod dixit : veni ut vitam habeant; ab his qui contemnunt
luporum rapinas, ex eo quod pro ovibus animam ponit; et ideo quasi concludens
subdit : ego sum pastor bonus. Sed quia superius dixerat, quod oves pastoris
vocem audiunt, et sequuntur eum, ne quis dicat : quid ergo dicis de his qui
tibi non credunt? Consequenter subdit et cognosco oves meas, et cognoscunt me
meae; quod et Paulus ostendit, dicens : non repellit dominus plebem suam,
quam praescivit. Gregorius in Evang. Ac si aperte dicat : diligo oves
meas, et ipsae me diligentes obsequuntur : qui enim veritatem non diligit,
adhuc minime cognovit. Theophylactus. Hinc autem differentiam
mercenarii et pastoris elicias : nam mercenarius ignorat oves, quia raro
visitat eas; pastor vero cognoscit oves proprias tamquam erga eas sollicitus.
Chrysostomus. Deinde ut non aestimes parem mensuram cognitionis Christi et
ovium, consequenter subdit sicut novit me pater, et ego cognosco patrem;
quasi dicat : ita certissime ipsum scio, sicut ipse me. Hic ergo est par
cognitio, ibi non; nam sequitur et animam meam pono pro ovibus meis.
Gregorius. Ac si aperte dicat : in hoc constat quia cognosco patrem et
cognoscor a patre, quia animam meam pono pro ovibus meis; idest, ea caritate
qua pro ovibus meis morior, quantum patrem diligam ostendo. Chrysostomus.
Hoc etiam dicit ostendens quod non est erroneus : quia et apostolus quando
seipsum voluit ostendere verum esse magistrum, contra pseudoapostolos induxit
rationem a periculis et mortibus. Theophylactus. Seductores enim non
exposuerunt animam suam pro ovibus, sed sicut mercenarii deseruerunt illos
qui eos sequebantur. Dominus autem, ut non caperentur, dixit : sinite hos
abire. Gregorius. Quia vero non solum Iudaeam, sed etiam gentilitatem
redimere venerat, adiungit et alias oves habeo quae non sunt ex hoc ovili.
Augustinus de Verb. Dom. Loquebatur enim primo de ovili de genere carnis
Israel : erant autem alii de genere fidei ipsius Israel : extra erant, adhuc
in gentibus erant, praedestinati, nondum congregati. Non ergo sunt de hoc
ovili, quia non sunt de genere carnis Israel; sed erunt de hoc ovili; nam
sequitur et illas oportet me adducere. Chrysostomus. Ostendit utrosque
dispersos, et pastores non habentes. Sequitur et vocem meam audient; ac si
dicat : quid miramini si hi me sunt secuturi et vocem meam audituri, quando
alios videbitis me sequentes, et vocem meam audientes? Deinde et futuram
eorum praenuntiat unionem; unde subdit et fiet unum ovile et unus pastor.
Gregorius. Quasi ex duobus gregibus unum ovile efficit, quia Iudaicum et
gentilem populum in sua fide coniungit. Theophylactus. Idem namque
omnibus est Baptismi signaculum, unus pastor verbum Dei. Attendant ergo
Manichaei, quoniam unum ovile et unus pastor est novi et veteris testamenti.
Augustinus in Ioannem. Quid ergo est : non sum missus nisi ad oves quae
perierunt domus Israel, nisi quia praesentiam suam corporalem non exhibuit
nisi populo Israel, ad gentes autem non perrexit ipse, sed misit?
Chrysostomus. Hoc autem verbum oportet, quod hic positum est, non
necessitatis est demonstrativum, sed eius quod omnino fiet. Quia autem
alienum dicebant eum a patre, subiungit propterea me pater diligit, quia ego
pono animam meam, ut iterum sumam eam. Augustinus in Ioannem. Idest,
quia morior, ut resurgam : cum magno enim pondere dictum est ego pono. Non
glorientur Iudaei : saevire poterunt : si ego noluero ponere animam meam,
quid saeviendo facturi sunt? Theophylactus. Dilexit autem pater
filium, non tamquam stipendia mortis pro nobis sustinendae, dilectionem suam
ei tribuens; sed quasi suae quidditatis proprietatem in genito intuens, dum
ex eadem caritate pro nobis voluit mortem subire. Chrysostomus in
Ioannem. Vel utitur hic condescensione; quasi dicat : etsi nihil aliud
esset, hoc suasit mihi amare vos, quod vos ita amamini a patre, ut ego etiam
propter hoc diligar ab eo, quia pro vobis morior. Non autem a patre antea non
amabatur, et nos sumus facti amoris eius causa. Similiter autem et hoc
ostendere vult, quoniam non invitus ad passionem venit; unde sequitur nemo
tollit eam a me, sed ego pono eam a meipso. Augustinus de Trin. In quo
demonstravit quod nulla causa peccati usque ad mortem carnis accesserit, sed
quia voluit, quando voluit, et quomodo voluit; unde sequitur potestatem habeo
ponendi animam meam. Chrysostomus. Quia enim multoties consiliabatur
eum interficere, dicit quoniam nolente eo inutilis erat hic labor. Ita enim
habeo potestatem animam meam ponere, ut nullus possit me invito facere : quod
in hominibus non est : nos enim non habemus potestatem aliter ponere, nisi
interficiendo nosmetipsos; ipse autem solus dominus est ponendi eam. Hoc
autem existente vero et illud constat, quod quandocumque voluerit, eam
suscipere possit; unde sequitur et potestatem habeo iterum sumendi eam : in
quo et resurrectionem demonstravit indubitabilem. Ut autem non aestiment, cum
eum interfecerint, derelictum a patre, subiungit hoc mandatum accepi a patre
meo, scilicet ponendi animam et sumendi. Ex quo non est intelligendum quod prius
expectaverit audire, et opus ei fuerit discere; sed voluntarium monstravit
processum, et contrarietatis ad patrem suspicionem destruxit.
Theophylactus. Nihil enim aliud mandatum hic dicitur quam ea quae ad
patrem concordia. Alcuinus. Verbum enim non verbo accepit mandatum,
sed in verbo unigenito patris est omne mandatum. Cum autem dicitur filius
accipere quod substantialiter habet, non potestas minuitur, sed generatio
eius ostenditur : pater enim filio, quem perfectum genuit, omnia gignendo
dedit. Theophylactus. Postquam autem de se sublimia ostenderat, mortis
et vitae se principem exprimens, rursum inducit humilia, sic mira
dispositione utraque connectens ut nec minor aut subditus patri reputetur,
nec Dei adversarius, sed eiusdem potestatis et consilii. Augustinus in
Ioannem. Per hoc autem quod dixit de anima sua, instruimur contra
Apollinaristas, qui dicunt Christum non habuisse animam humanam, idest
rationalem. Quaeramus autem quomodo dominus animam suam ponit. Christus enim
est verbum et homo, idest verbum et anima et caro. Christus ergo ex eo quod
verbum est, ponit animam, et iterum sumit eam; an ex eo quod anima humana
est, ipsa se ponit, et iterum ipsa se sumit; an iterum ex eo quod caro est,
caro animam ponit, et iterum sumit? Si autem dixerimus quia verbum Dei posuit
animam suam et iterum sumpsit eam : ergo aliquando anima illa separata est a
Dei verbo. Mors enim corpus ab anima separavit; a verbo autem animam
separatam non dico. Si autem dixerimus quia ipsa se anima posuit,
absurdissimus sensus est : si enim a verbo separata non erat, a seipsa
poterat separari? Caro ergo ponit animam suam, et iterum sumit eam, non tamen
potestate sua, sed potestate inhabitantis carnem, scilicet verbi.
Alcuinus. Et quia lux in tenebris lucebat, et tenebrae eam non comprehenderunt,
subiungitur dissensio itaque facta est inter Iudaeos propter sermones hos.
Dicebant autem multi ex ipsis : Daemonium habet et insanit. Chrysostomus.
Quia enim maiora erant quam secundum hominem ea quae dicebantur, Daemonium
eum habere dicebant. Sed quod Daemonium non habebat ostendunt alii ab his
quae fecit; unde sequitur alii autem dicebant : haec verba non sunt Daemonium
habentis. Numquid Daemonium potest caecorum oculos aperire? Quasi dicant :
nec ipsa verba Daemonium habentis videntur. Si vero non suademini a verbis,
ab operibus moveamini. Quia ergo dominus eam quae per res est tribuerat
demonstrationem, silebat de reliquo : neque enim responsione erant digni. Sed
et nos erudivit mansuetudinem et longanimitatem omnem. Ipsi etiam seipsos compescebant,
quando ab invicem divisi altercabantur. Lectio 5 [86080] Catena in Io., cap. 10 l. 5 Alcuinus. Audivimus
patientiam Dei et inter opprobria praedicationem salutis; sed ipsi obdurati
magis eum tentare quam ipsi obedire volebant; unde dicitur facta sunt autem
encaenia in Hierosolymis. Augustinus in Ioannem. Encaenia festivitas
erat dedicationis templi : Graece enim chenon, dicitur novum : quandocumque
novum quid fuerit dedicatum, encaenia vocantur. Chrysostomus in Ioannem. Dicit
enim diem secundum quam templum dedicatum est, redeuntibus eis a captivitate
Babylonis. Theophylactus. Splendide ergo prosequebantur solemnitatem,
veluti proprium decorem recuperante civitate post tam longam captivitatem.
Alcuinus. Vel haec dedicatio in memoriam illius erat dedicationis quam
Iudas Machabaeus fecit. Prima enim dedicatio a Salomone facta est tempore
autumni; secunda a Zorobabel et Iesu sacerdote, tempore veris; haec autem
tempore hiemali; unde sequitur et hiems erat. Beda. Sub Iuda enim
Machabaeo statutum legitur ut eadem dedicatio per omnes annos in memoriam
solemnibus renovaretur officiis. Theophylactus. Tempus autem hiemis
Evangelista exprimit, ad ostendendum quod proximum esset tempus passionis :
nam in vere sequenti passus est dominus; et ideo Hierosolymis conversabatur.
Gregorius Moralium. Vel idcirco hiemis curavit tempus exprimere, ut inesse
Iudaeorum cordibus malitiae frigus indicaret. Chrysostomus. In hac
autem solemnitate Christus cum multo studio aderat : de reliquo enim Iudaeam
frequentabat, quia passio erat in ianuis; unde sequitur et ambulabat Iesus in
templo in porticu Salomonis. Alcuinus. Porticus Salomonis dicitur ubi
rex ille ad orandum stare consueverat : et ideo ex eius nomine
cognominabatur. Solent autem porticus quibus templum cingebatur, ex nomine
templi vocari. Si autem filius Dei in templo in quo caro brutorum animalium
offerebatur, ambulare voluit; quanto magis nostram orationis domum, in qua
caro et sanguis eius consecratur, visitare gaudebit? Theophylactus. Satagas
tu quoque, dum hiems imminet, idest vita praesens turbinibus iniquitatis
concussa, spirituales encaenias tui templi celebrare, semper renovando
teipsum, et ascensiones in corde tuo disponens : tunc Iesus erit praesto tibi
in porticu Salomonis, pacificum statum tibi tribuens sub tegmine proprio. In
saeculo autem futuro nemo renovationis solemnia perficere poterit.
Augustinus in Ioannem. Quia ergo Iudaei friguerant a diligendi caritate,
et ardebant nocendi cupiditate, non accedebant prosequendo, sed premebant
persequendo; unde sequitur circumdederunt ergo eum Iudaei, et dixerunt ei :
quousque animam nostram tollis? Si tu es Christus, dic nobis palam. Non
veritatem desiderabant, sed calumniam praeparabant. Chrysostomus. Opera
enim eius in nullo incusare valentes, captionem quamdam ex verbis cupiebant
invenire. Et intuere perversitatem illorum : nam cum per sermonem erudit,
dicunt ei quod signum ostendis? Cum autem per opera demonstrat, dicunt ei si
tu es Christus, dic nobis palam : quasi semper ad contrarium stantes. Sed et
plenum odio erat quod dicunt dic nobis palam. Et nimirum ipse palam omnia
dicebat, in festivitatibus semper assistens, et nihil occulte loquebatur. Sed
et adulationis verba praemittunt, dicentes quousque animam nostram tollis? Ut
scilicet eum provocantes, aliquam captionem inveniant. Alcuinus. Causantur
enim quod animos eorum incertos et suspensos dimittendo tolleret, qui venerat
ut animas salvaret. Augustinus. Quaerebant autem audire a domino : ego
sum Christus; et fortasse de Christo secundum hominem sapiebant, sed
divinitatem Christi in prophetis non intelligebant, et sic si diceret : ego
sum Christus, secundum quod illi sapiebant, de semine David, calumniarentur
quod sibi arrogaret regiam potestatem. Alcuinus. Et sic cogitabant eum
tradere potestati praesidis ad puniendum, quasi contra Augustum imperium
usurparet; quare dominus ita temperavit responsionem ut etiam calumniatorum
ora concluderet, et quia Christus est, fidelibus panderet : et de homine
quaerentibus divinitatis mysteria narrat; unde sequitur respondit eis Iesus :
loquor vobis, et non creditis. Opera quae ego facio in nomine patris mei,
haec testimonium perhibent de me. Chrysostomus. Quia enim simulabant a
solo verbo se suaderi, qui a tot operibus non sunt suasi, arguit malitiam
eorum, quasi dicat : si operibus non creditis, qualiter verbis credetis? Et
quare non credant, ostendit subdens sed vos non creditis, quia non estis ex
ovibus meis. Augustinus. Hoc autem dixit, quia videbat eos ad
sempiternum interitum praedestinatos, non ad vitam aeternam sui sanguinis
pretio comparatos : oves enim sunt credendo, pastorem sequendo.
Theophylactus. Postquam vero dixerat : non estis ex ovibus meis,
consequenter induxit eos ut oves eius efficiantur, dicens oves meae vocem
meam audiunt. Alcuinus. Idest, praeceptis meis ex animo obediunt. Et
ego cognosco eas, idest eligo : et sequuntur me, hic mansuetudinis et
innocentiae viam incedendo, et post ad gaudia aeternae vitae intrando; unde
sequitur ego vitam aeternam do eis. Augustinus. Ista sunt pascua de
quibus supra dixerat : et pascua inveniet. Bona pascua vita aeterna dicitur,
ubi nulla herba arescit, totum viret. Vos autem calumniam propterea
quaeritis, quia de vita praesenti cogitatis. Sequitur et non peribunt in
aeternum : subaudi tamquam eis dixerit : vos peribitis in aeternum, quia non
estis ex ovibus meis. Theophylactus. Sed quomodo videmus Iudam
periisse? Quia non permansit usque ad finem. Christus autem de
perseverantibus hoc dixit; nam si quis separatur ab ovium grege, desinens
sequi pastorem, confestim incurrit periculum. Augustinus. Quare autem
non pereant, subdit et non rapiet eas quisquam de manu mea : de illis enim
ovibus de quibus dicitur : novit dominus qui sunt eius, nec lupus rapit, nec
fur tollit, nec latro interficit. Securus est de numero illorum qui pro eis
novit quid dedit. Hilarius de Trin. Consciae potestatis haec vox est :
at vero ut in natura licet Dei, tamen ex Deo intelligenda sit eius nativitas,
subiecit pater meus quod dedit mihi, maius omnibus est. Non occultat ex patre
esse se natum : quod enim a patre accepit, accepit nascendo, non postea;
tamen ex alio est dum accepit. Augustinus in Ioannem. Non enim
crescendo, sed nascendo aequalis est qui semper natus est de patre filius, de
Deo Deus. Hoc est ergo quod dedit mihi pater, quod maius omnibus est, ut
scilicet sim verbum eius, ut sim unigenitus filius eius, ut sim splendor
lucis eius. Ideo ergo nemo rapit oves meas de manu mea, quia nec de manu
patris mei; unde sequitur et nemo potest rapere de manu patris mei. Si manum
intelligamus potestatem, una est patris et filii potestas, quia una divinitas
: si autem manum intelligamus filium, manus patris est ipse filius : quod non
ita dictum est tamquam Deus pater habeat corporis membra; sed quod per ipsum
facta sunt omnia. Nam solent et homines dicere manus suas esse alios homines
per quos faciunt quod volunt. Aliquando et ipsum opus hominis manus hominis
dicitur, quod fit per manum; sicut dicitur quisque agnoscere manum suam, cum
id quod scriptum sit, agnoscit. Hoc autem loco manum patris, et filii intelligimus
potestatem : ne forte cum hic manum patris ipsum filium dictum acceperimus,
incipiat carnalis cogitatio etiam filii quaerere filium. Hilarius. Ut
enim per corporalem significationem, virtutem possis eiusdem nosse naturae,
commemorata est filii manus, manus patris, quia natura et virtus patris est
etiam in filio. Chrysostomus in Ioannem. Deinde ut non aestimes quia
ipse quidem imbecillis est, propter patris autem virtutem in tuto sunt oves,
subdit ego et pater unum sumus. Augustinus. Utrumque audi, et unum et
sumus, et a Charybdi et a Scilla liberaberis. Quod dixit unum, liberat te a
Sabellio. Si unum, non ergo diversum; si sumus, ergo pater et filius.
Augustinus de Trin. Unum enim sumus dictum est : quod ille hoc et ego
secundum essentiam, non secundum relativum. Hilarius de Trin. Haec
igitur quia haeretici negare non possunt, impietatis suae mendacio neganda
corrumpunt : tentant enim id ad unanimitatis referre consensum, ut voluntatis
in his unitas sit, non naturae; idest, ut non per id quod sunt idem, sed per
id quod idem volunt, unum sint. Sed per naturae nativitatem, dum nihil Deus
in ea ex se gignendo eum degenerat, unum sunt. Dumque de manu eius non
rapiuntur, non rapiuntur de manu patris; dum in operante se operatur pater,
dum ipse in patre, et in eo pater est. Hoc non praestat creatura, sed
nativitas; non efficit voluntas, sed potestas; non loquitur unanimitas, sed
natura. Non negamus igitur unanimitatem inter patrem et filium : nam hoc
solent haeretici mentiri, ut cum solam concordiam ad unitatem non recipimus,
discordes eos a nobis affirmari loquantur. Sed audiant quam a nobis
unanimitas non negetur. Unum sunt pater et filius natura, honore et virtute;
nec natura eadem potest velle diversa. Lectio 6 [86081] Catena in Io., cap. 10 l. 6 Augustinus in
Ioannem. Audierunt ergo Iudaei : ego et pater unum sumus, et non
pertulerunt, et more suo duri ad lapides cucurrerunt; unde dicitur
sustulerunt lapides Iudaei, ut lapidarent eum. Hilarius de Trin. Nunc
haereticorum furor iam domino in caelis sedente pari infidelitate dictis non
obedientes, odium impietatis exercent, verborum lapides iniciunt, et, si
possent, de throno eum suo in crucem retraherent. Theophylactus. Dominus
autem ostendens quod nullam iustam habebant occasionem furendi adversus eum, commemorat
signa quae fecerat; nam sequitur respondit eis Iesus : multa bona opera
ostendi vobis ex patre meo. Alcuinus. Scilicet in sanitatibus
infirmorum, in exhibitione doctrinae et miraculorum; quae ex patre ostendi,
quia eius gloriam per omnia quaesivi. Propter quod eorum opus me lapidatis?
Quamvis inviti, confitentur multa beneficia sibi impensa a Christo; sed quod
de sua patrisque aequalitate dixerat, pro blasphemia deputabant; unde
sequitur responderunt ei Iudaei : de bono opere non lapidamus te, sed de
blasphemia, et quia, homo cum sis, facis teipsum Deum. Augustinus. Ad
hoc responderunt quod dixerat : ego et pater unum sumus. Ecce Iudaei
intellexerunt quod Ariani non intelligunt; ideo enim irati sunt, quoniam
senserunt non posse dici : ego et pater unum sumus, nisi ubi aequalitas est
patris et filii. Hilarius. Iudaeus dicit cum sis homo; Arianus : cum
sis creatura; utrique autem dicunt facis te Deum. Subicit enim Arianus
substantiae novae et alienae Deum, ut aut alterius generis Deus sit, aut
omnino nec Deus; dicit enim : non est filius ex nativitate, non est Deus ex
veritate; creatura est praestantior cunctis. Chrysostomus in Ioannem. Dominus
autem non destruxit opinionem Iudaeorum aestimantium quod se Deo parem
diceret; sed magis contrarium facit; nam sequitur respondit eis Iesus : nonne
scriptum est in lege vestra? Augustinus in Ioannem. Idest, vobis data
: quia ego dixi : dii estis. Deus hoc dicit per prophetam in Psalmo,
hominibus. Et legem appellavit dominus generaliter omnes illas Scripturas, quamvis
alicubi specialiter dicat legem, a prophetis distinguens, sicuti est : in his
duobus praeceptis tota lex pendet et prophetae. Aliquando autem in tria
distribuit easdem Scripturas, ubi ait : oportebat impleri omnia quae scripta
sunt in lege et prophetis et Psalmis de me. Nunc vero etiam Psalmos legis
nomine nuncupavit : ex quibus sic argumentatur : si illos dixit deos ad quos
sermo Dei factus est, et non potest solvi Scriptura, quem pater
sanctificavit, et misit in mundum, vos dicitis : quia blasphemas, quia dixi :
filius Dei sum? Hilarius. Demonstraturus quidem quod ipse et pater
unum essent, in eo primo ineptia ridiculi opprobrii confutatur, cur in reatum
vocaretur, quod se, cum homo esset, Deum faceret. Cum enim lex huius nominis
appellationem sanctis hominibus decerneret, et sermo Dei indissolubilis
confirmaret hanc impartiti nominis professionem; iam ergo non est criminis,
quod se Deum, cum homo sit, faciat, cum eos qui homines sunt, deos lex
dixerit. Et si a ceteris hominibus non irreligiosa huius nominis usurpatio
est : ab eo homine quem sanctificavit pater, non impudenter usurpari videtur,
quia Dei filium se dixerit, cum praecellat ceteros per id quod sanctificatus
in filium est, beato Paulo dicente quod praedestinatus est filius in virtute
secundum spiritum sanctificationis : omnis enim haec de homine responsio est,
quod Dei filius etiam hominis filius est. Augustinus. Vel aliter.
Sanctificavit; idest, ut sanctus esset, gignendo ei dedit, quia sanctum eum
genuit. Si autem sermo Dei factus est ad homines ut dicerentur dii, ipsum
verbum Dei quomodo non est Deus? Si per sermonem Dei homines participando
fiunt dii, verbum unde participatur non est Deus? Theophylactus. Vel
sanctificavit eum, hoc est sanxit sacrificari pro mundo. In quo ostendit se
non esse Deum sicut ceteri : nam salvum facere mundum, divinum opus est, non
autem hominis deificati per gratiam. Chrysostomus in Ioannem. Vel
interim quidem, ut susciperetur sermo, humilius locutus est; postea autem ad
maius eos reduxit, dicens si non facio opera patris mei, nolite credere mihi;
per hoc ostendens quod in nullo minor est patre : quia enim substantiam eius
impossibile erat eis videre, ab operum parilitate et identitate
demonstrationem eius quae secundum virtutem indissimilitudinis est, tribuit.
Hilarius. Quid hic adoptio, quid indulgentia nominis loci invenit, ne ex
natura Dei filius sit, cum Dei filius ex naturae paternae operibus credendus
sit? Non exaequatur ac similis est Deo creatura, neque ei naturae alienae
potestas comparatur. Gerere autem se, non sua, sed quae patris sunt,
testatur, ne per magnificentiam gestorum naturae nativitas auferatur. Et quia
sub sacramento assumpti corporis nati ex Maria hominis, Dei filius non
intelligebatur, fides nobis intimatur ex gestis, cum ait si autem facio, et
si mihi non vultis credere, operibus credite. Cur enim sacramentum nati
hominis intelligentiam divinae nativitatis impediat, cum divina nativitas
omne opus suum sub mysterio assumpti hominis exequatur? Faciens igitur opera
patris, demonstrare debuit quid esset operibus credendum; nam sequitur ut
cognoscatis et credatis quia pater in me est, et ego in patre. Hoc est illud
Dei filius sum; hoc est illud ego et pater unum sumus. Augustinus in
Ioannem. Non enim filius sic dicit in me est pater et ego in illo, quomodo
possunt dicere homines : si enim bene cogitemus et bene vivamus, in Deo
sumus, et Deus in nobis est, quasi participantes eius gratiam et illuminati
ab ipso : unigenitus autem Dei filius in patre est, et pater in illo tamquam
aequalis. Lectio 7 [86082] Catena in Io., cap. 10 l. 7 Beda.
Adhuc Iudaeos in coepta dementia persistere Evangelista ostendit, dicens
quaerebant ergo eum apprehendere. Augustinus in Ioannem. Non credendo
et intelligendo, sed saeviendo et occidendo. Tu apprehendas ut habeas; illi
apprehendere volebant ut non haberent; unde sequitur et exivit de manibus
eorum. Non eum apprehenderunt, quia manus fidei non habuerunt. Sed non erat
magnum verbo eicere carnem suam de manibus carnis. Chrysostomus
in Ioannem. Cum autem Christus aliquid magnum locutus fuerit, recedit
velociter, ut sedetur eorum furor per absentiam eius; quod utique et nunc
fecit; unde sequitur et abiit iterum trans Iordanem in eum locum ubi erat
Ioannes baptizans primum, et mansit illic. Ideo hunc locum Evangelista commemorat,
ut discas quoniam proprie abiit, ut recordetur eorum quae illic facta sunt et
dicta a Ioanne, et testimonii illius. Beda. Dicit autem ubi erat
primum, idest a primaeva aetate. Demorante autem eo ibi, narrat quia multi
venerunt ad eum; unde sequitur et multi venerunt ad eum, et dicebant quia
Ioannes quidem fecit signum nullum. Augustinus. Idest, nullum
miraculum ostendit : non Daemonia fugavit, non caecos illuminavit, non
mortuos suscitavit. Chrysostomus. Vide autem qualiter syllogismos
componunt indubitabiles. Ioannes quidem, dicunt, nullum signum fecit; hic
autem facit : quare huius praeeminentia ostenditur. Deinde ne putetur
Ioannes, quia nullum signum fecit, indignus testimonio, subdunt omnia autem
quaecumque dixit Ioannes de hoc, vera erant; quasi dicant : etsi nullum
signum fecerit, tamen de hoc omnia veraciter dixit. Ergo dicunt : si Ioanni
credere oportebat, multo magis huic, cum illius testimonio etiam
demonstrationem signorum habenti; unde sequitur et multi crediderunt in eum.
Augustinus. Ecce qui apprehenderunt permanentem, non quomodo Iudaei
volebant apprehendere discedentem. Et nos ergo per lucernam veniamus ad diem,
quia Ioannes lucerna erat, et diei testimonium perhibebat. Theophylactus.
Notandum autem, quod crebro dominus educit populus ad solitaria loca, de
perfidorum societate eripiens, ut magis fructificent; sicut legem veterem
daturus, eduxit populum in desertum. Mystice autem recedens a Hierosolymis
dominus, hoc est a plebe Iudaica, ad loca fontes habentia se transfert, idest
ad Ecclesiam ex gentibus, quae habet fontem Baptismi, per quem multi ad
Christum accedunt, quasi transeuntes Iordanem. |
CHAPITRE X
Versets 1-6.
S. Jean Chrysostome : (hom. 59 sur S. Jean). Notre Seigneur venait de
convaincre les Juifs d'aveuglement, mais ils pouvaient lui répondre : Ce
n'est point par aveuglement que nous ne vous suivons pas, nous nous séparons
de vous comme d'un imposteur, il veut donc leur prouver que loin d'être un
imposteur, il est le véritable pasteur, en donnant les signes distinctifs de
l'un et de l'autre, et d'abord le signalement de l'imposteur et du voleur : «
En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui n'entre point par la porte
dans la bergerie, mais qui y monte par un autre endroit, est un voleur et un
larron. » Notre Seigneur désigne ici indirectement tons ceux qui sont venus
avant lui et ceux qui doivent paraître après lui, l'Antéchrist et les faux
prophètes. Les saintes Ecritures sont la porte, car ce sont elles qui
ouvrent l'intelligence à la connaissance de Dieu, elles servent d'ailleurs à
garder les brebis et ne laissent point approcher les loups, c'est-à-dire, les
hérétiques qu'elles empêchent d'entrer dans la bergerie. Celui donc qui,
laissant là les Ecritures, veut monter par un autre endroit, et s'ouvre un
chemin particulier et non autorisé, est un voleur. Le Sauveur dit : « Il
monte, » et non pas : « Il entre, » à l'exemple du voleur qui cherche à
escalader le mur de clôture, et s'expose pour cela à tous les dangers. Notre
Seigneur ajoute : « Par un autre endroit, » et il désigne à mots couverts les
scribes, qui enseignaient des maximes et des doctrines tout humaines, et
transgressaient ouvertement la loi. S'il déclare plus bas qu'il est lui-même
la porte, il ne faut pas s'en étonner, il s'appelle la porte et pasteur sous
des rapports différents. Il est la porte, parce qu'il nous amène à son Père,
et il est notre pasteur, parce qu'il nous conduit et nous dirige. S. Augustin : (Traité 45 sur S. Jean). Ou bien encore, il en est
beaucoup que selon l'usage ordinaire de la vie, on appelle des hommes de
bien, ils observent d'une manière quelconque les commandements de la loi, et
toutefois ils ne sont pas chrétiens et demandent avec fierté comme les
pharisiens : « Est-ce que nous sommes aveugles ? » Or, Notre Seigneur leur
montre que toutes leurs actions qu'ils ne savent à quelle fin rapporter, sont
vaines sous la figure d'un troupeau et de la porte par laquelle on entre dans
la bergerie : « En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui n'entre point
par la porte, » etc. Que les païens donc, que les Juifs, que les hérétiques
disent : « Notre vie est bonne, » à quoi cela leur sert-il s'ils n'entrent
point par la porte ? La fin de la bonne vie doit être pour chacun de lui
faire obtenir la vie éternelle, et on ne peut appeler des hommes de bien ceux
qui, par aveuglement ou bien par orgueil, dédaignent de connaître ce qui doit
être la fin de la bonne vie. Or, la véritable espérance de vivre toujours
n'est donnée qu'à celui qui connaît la vie qui est Jésus-Christ, et qui entre
par la porte dans la bergerie. Que celui donc qui veut entrer dans la
bergerie, entre par la porte, qu'il ne se contente pas d'annoncer
Jésus-Christ, qu'il cherche la gloire de Jésus-Christ au lieu de chercher la
sienne. Mais Jésus-Christ est une porte qui est bien basse, et il faut
s'abaisser pour entrer par cette porte sans se blesser la tête, or celui qui
s'élève au lieu de s'humilier, veut escalader le mur, et il ne s'élève que
pour tomber. Ces hommes, la plupart du temps, cherchent à persuader aux
autres à vivre en hommes de bien sans être chrétiens, ils veulent monter et
passer ailleurs que par la porte pour ravir et pour tuer. Ce sont des
voleurs, parce qu'ils disent que ce qui est aux autres, leur appartient, et
des larrons, parce qu'ils tuent ce qu'ils ont volé. S. Jean Chrysostome : (hom. 59). Vous avez vu la description du voleur, voici
celle du pasteur : « Mais celui qui entre par la porte est le pasteur
des brebis. » — S. Augustin : (serm.
49 sur les par. du Seign). Celui qui entre par la porte est celui
qui entre par Jésus-Christ, qui imite la passion de Jésus-Christ, qui connaît
l'humilité de Jésus-Christ, c'est-à-dire, qu'à la vue d'un Dieu fait homme,
l'homme doit reconnaître que lui-même n'est pas Dieu, mais qu'il n'est qu'un
homme, car celui qui veut affecter de paraître un Dieu, lorsqu'il n'est qu'un
homme, n'imite pas celui qui étant Dieu s'est fait homme. Or, on ne vous dit
pas : Soyez moins que ce que vous êtes, mais : Reconnaissez ce que vous êtes
en réalité. « C'est à lui que le portier ouvre. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 59). Rien ne s'oppose à ce que
ce portier soit Moïse, car c'est à lui qu'a été confié le dépôt des oracles
de Dieu. — Théophylactus : Ou bien
encore ce portier, c'est l'Esprit saint qui nous ouvre le sens des Ecritures
pour nous y faire reconnaître le Christ. — S. Augustin : Ou bien encore ce portier, c'est le Seigneur
lui-même; dans les choses humaines, en effet, il y a une bien plus grande
différence entre le pasteur et la porte qu'entre le portier et la porte, et
cependant le Sauveur se donne à la fois comme le pasteur et comme la porte.
Pourquoi donc ne pas voir aussi en lui le portier ? Ne s'ouvre-t-il pas
lui-même lorsqu'il s'explique lui-même ? Si cependant vous voulez qu'un autre
soit le portier, vous pouvez donner cette dénomination à l'Esprit saint, dont
le Seigneur a dit : « Il vous enseignera lui-même toute vérité. » (Jn 16)
La porte, c'est Jésus-Christ qui est la vérité. Qui ouvre la porte, si ce
n'est celui qui enseigne la vérité ? Prenons garde cependant de regarder ici
le portier comme supérieur à la porte, parce que dans les maisons des hommes,
le portier est plus que la porte, et non la porte plus que le portier. S. Jean Chrysostome : (hom. 59). Comme les Juifs traitaient Jésus d'imposteur et
confirmaient cette opinion par leur incrédulité, en disant : « Qui d’entre
les princes du peuple a cru en lui ? » il leur signifie que pour avoir refusé
de l'écouter, ils sont exclus du nombre de ses brebis : « Et les brebis
entendent sa voix. » Si en effet, c'est un signe distinctif du pasteur
d'entrer par la porte, comme Notre Seigneur lui-même est entré, c'est se
séparer du troupeau de ses brebis que de refuser d'écouter sa voix. « Et il appelle par leur nom ses brebis. » — S. Augustin : En effet, il connaît le nom des prédestinés, et
c'est pour cela qu'il dit à ses disciples : « Réjouissez-vous de ce que vos
noms sont écrits dans les cieux. » (Lc 10) « Et il les fait sortir. »
— S. Jean Chrysostome : (Hom. 59).
Il faisait sortir ses brebis, quand il les envoyait non loin des loups, mais
au milieu même des loups. Le Sauveur paraît faire ici allusion à l'aveugle,
car en l'appelant, il l'a comme fait sortir du milieu des Juifs. — S. Augustin : Quel est celui qui fait
véritablement sortir les brebis, si ce n'est celui qui leur remet leurs
péchés, afin qu'elles puissent le suivre délivrées qu'elles sont des lourdes
chaînes de leur esclavage ? « Et lorsqu'il a fait sortir ses brebis, il
marche devant elles. » — La Glose : Il
les fait sortir des ténèbres de l'ignorance à la lumière de la vérité, en
marchant devant elles, comme il marchait autrefois devant le peuple de Dieu,
dans une colonne tour à tour de nuée et de feu. S. Jean Chrysostome : Les bergers font le contraire de ce qui est
ici marqué, et marchent après leur troupeau. Notre Seigneur nous apprend
qu'il agit tout différemment, parce qu'il conduit ses brebis à la vérité. — S. Augustin : Quel est le pasteur qui
a précédé ses brebis, si ce n'est celui qui est ressuscité des morts pour ne
plus mourir (Rm 6), et qui a dit à son Père : « Mon Père, je veux
que là où je suis, ceux que vous m'avez donnés soient aussi avec moi ? »
(Jn 17, 24). « Et les brebis le suivent, parce qu'elles connaissent sa voix, mais
elles ne suivent point un étranger, » etc. — S. Jean Chrysostome : Ces étrangers sont les partisans de Théodas
et de Judas (Ac 6, 36-37), et de tous les faux apôtres qui, après eux
devaient tromper le peuple de Dieu. Or, pour n'être point confondu avec eux,
il fait voir les différents caractères qui l'en séparent; d'abord la doctrine
des Ecritures, par lesquelles Jésus-Christ amenait les hommes à lui, tandis
que les autres en détournaient les hommes; en second lieu, l'obéissance que
les brebis avaient pour lui, car les hommes ont cru en lui, non-seulement
pendant sa vie, mais après sa mort, tandis que ces faux pasteurs furent
bientôt abandonnés de ceux qui les avaient suivis. — Théophylactus : Il veut encore désigner ici l'Antéchrist, qui,
après avoir égaré un instant les hommes, n'aura point de disciples après sa
mort. S. Augustin : Mais comment résoudre celte question ? Ceux
qui ne sont pas des brebis de Jésus entendent quelquefois sa voix, comme
Judas, par exemple, qui était un loup, tandis qu'une partie de ceux qui
avaient crucifié le Sauveur, n'écoutèrent pas sa voix, bien qu'ils fussent du
nombre de ses brebis. On peut dire que lorsqu'elles n'entendaient pas sa
voix, elles n'étaient pas encore du nombre des brebis, la voix qu'elles ont
entendue, les a changés, et en a fait des brebis de loups qu'elles étaient.
Je suis encore frappé de ces reproches que Dieu adresse aux pasteurs par la
bouche d'Ezéchiel, lorsqu'il leur dit entre autres choses, en parlant des
brebis : « Vous n'avez point ramené la brebis qui s'égarait. » (Ez 34,
4). Elle s'égare et il ne laisse pas de lui donner le nom de brebis; elle ne
s'égarerait pas, si elle entendait la voix du pasteur, et elle ne s'égare que
parce qu'elle écoute la voix d'un étranger. Disons donc : « Le Seigneur
connaît ceux qui sont à lui, » (2 Tm
2) il connaît les
prédestinés, ce sont les brebis. Quelquefois ils ne se connaissent pas
eux-mêmes, mais le pas-tour les connaît, car il y a beaucoup de brebis
dehors, comme il y a un grand nombre de loups dans l'intérieur. Notre
Seigneur veut donc parler ici des prédestinés. Il y a d'ailleurs une certaine
voix du pasteur qui ne sera jamais confondue parles brebis avec celle des
étrangers, et que ceux qui ne sont pas brebis n'entendront jamais comme la
voix de Jésus-Christ. Quelle est cette voix ? « Celui qui persévérera jusqu'à
la fin sera sauvé. » (Mt 10 et 24) Cette voix est toujours entendue de
celui qui appartient à Jésus-Christ; elle ne l'est pas de celui qui lui est
étranger : « Jésus leur dit cette parabole, mais ils ne comprirent pas ce
qu'ils lui disaient. » Nôtre-Seigneur, en effet, nourrit notre âme par les
vérités qu'il révèle clairement, et il l'exerce par celles qu'il, laisse dans
l'obscurité. Deux hommes entendent les paroles de l'Evangile, l'un est un
homme religieux, l'autre est un impie, et ce qu'ils entendent n'est peut-être
compris ni de l'un ni de l'autre. L'un s'exprime de la sorte : Ce que le
Sauveur vient de nous dire est vrai et bon, mais nous ne le comprenons pas;
cet homme a déjà la foi, il est digne qu'on lui ouvre, s'il persévère à
frapper. L'autre, au contraire, soutient qu'il ne leur a rien dit, il a donc
encore besoin d'entendre ces paroles : « Si vous ne croyez pas, vous ne
comprendrez pas. » (Is 7, 9, selon la vers. des Sept). Versets 7-10.
S. Jean Chrysostome : (hom. 59 sur S. Jean). Nôtre-Seigneur, pour rendre
les Juifs plus attentifs, leur explique ce qu'il vient de dire : « Jésus donc
leur dit encore : En vérité, en vérité, je vous le dis, je suis la porte des
brebis. » — S. Augustin : (Traité
45 sur S. Jean). Voici qu'il ouvre ce qui était fermé, il est
lui-même la porte; entrons et réjouissons-nous d'être entrés. « Tous ceux qui sont venus sont des voleurs et des larrons. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 59).
Ce n'est point aux prophètes que s'appliquent ces paroles, comme le disent
les hérétiques, mais à ceux qui ont excité des séditions. Aussi se hâte-t-il
de faire l'éloge des brebis en ajoutant : « Et les brebis ne les ont point
écoutés; » or, jamais nous ne le voyons donner des louanges à ceux qui n'ont
point obéi aux prophètes, au contraire, il les blâme toujours sévèrement. — S. Augustin : Comprenez donc ces
paroles dans ce sens : « Tous ceux qui sont venus en dehors de moi; » or, les
prophètes ne sont point venus en dehors de lui, tous ceux qui sont venus avec
le Verbe de Dieu sont venus avec lui, et ceux qui sont venus avec lui sont
dignes de foi, parce qu'il est lui-même le Verbe et la vérité. Avant de venir
lui-même sur la terre, il envoyait devant lui ses hérauts, mais il était le
maître des cœurs de ceux qu'il envoyait, car s'il a pris une chair mortelle
dans le temps, il existe de toute éternité. Que signifient ces paroles : « De
toute éternité ? » « Au commencement était le Verbe. » Or, avant son
avènement si plein d'humilité dans la chair, il a paru sur la terre des
justes qui croyaient au Christ qui devait venir, comme nous croyons au Christ
qui est venu. Les temps ont changé, la foi est restée la même, et cette même
foi unit étroitement ceux qui croyaient que le Christ devait venir avec ceux
qui croyaient qu'il est venu. Tous ceux donc qui sont venus en dehors de lui
sont des voleurs et des larrons, c'est-à-dire, qu'ils ne sont venus que pour
voler et pour tuer. Mais les brebis, c'est-à-dire ceux dont saint Paul a dit
: « Le Seigneur connaît ceux qui lui appartiennent, » (2 Tm 2)
ne les ont point écoutés. Les brebis n'ont donc pas écouté ceux en qui
n'était point la voix de Jésus-Christ, c'étaient des maîtres d'erreur et de
mensonge qui ne pouvaient que séduire des âmes infortunées. Il explique ensuite pourquoi il s'est appelé la porte : « Je suis la
porte, si quelqu'un entre par moi, il sera sauvé. » — Alcuin : C'est-à-dire, les brebis ne les écoutent point; mais ils
m'écoutent, parce que je suis la porte, et que celui qui entrera par moi sans
artifice, en toute sincérité, et en toute persévérance, sera sauvé. — Théophylactus : Or, le Seigneur
conduit ses brebis aux pâturages par la porte : « Et il entrera, et il
sortira, et il trouvera des pâturages. » Quels sont ces pâturages ? ce sont
les délices du ciel, et ce repos dans lequel Notre Seigneur nous fera entrer.
— S. Augustin : (Traité 45).
Mais que signifient ces paroles : « Il entrera et il sortira ? » Entrer dans
l'Eglise par la porte elle-même est une excellente chose, mais il n'est pas
aussi avantageux de sortir de l'Eglise. On peut donc dire que nous entrons,
quand nous avons quelque pensée au dedans de nous, et que nous sortons quand
nous agissons au dehors, selon ces paroles : « L'homme sortira pour
accomplir son œuvre. » (Ps 103) — Théophylactus : Ou bien encore, entrer c'est prendre soin de
l'homme intérieur; sortir, c'est mortifier en Jésus-Christ l'homme extérieur,
c'est-à-dire les membres qui sont sur la terre. (Col 3) Celui qui agit
ainsi trouvera des pâturages dans la vie future. — S. Jean Chrysostome : (hom. 59). Peut-être encore ces
paroles doivent s'entendre des Apôtres, qui entrèrent et sortirent librement
comme les maîtres du monde entier, sans que personne les en pût chasser ou
les empêcher de trouver leur nourriture. S. Augustin : (Traité 41) Mais j'aime mieux voir ici un
avertissement que la vérité elle-même, comme un bon pasteur, nous confirme
dans les paroles qui suivent : « Le larron ne vient que pour dérober, pour
égorger, et pour détruire. » — Alcuin
: Paroles dont voici le sens : Les brebis ont raison de ne pas écouter la
voix du larron, parce qu'il ne vient que pour voler, en dérobant ce qui ne
lui appartient pas, c'est-à-dire, en persuadant à ceux qui le suivent de
vivre conformément à ses exemples, au lieu de leur enseigner les préceptes de
Jésus-Christ. Le Sauveur ajoute : « Et pour égorger, » en les détournant de
la foi par sa doctrine pernicieuse, « et pour les perdre, » en les
précipitant dans l’éternelle damnation. Les larrons ne font donc que voler et
égorger; « mais je suis venu pour qu'elles aient la vie, et une vie plus
abondante. » — S. Augustin : Je
crois que Notre Seigneur veut dire : Afin qu'elles aient la vie en entrant,
c'est-à-dire au moyen de la foi, qui opère par la charité. (Gal 5)
Cette foi les fait entrer dans la bergerie, pour leur donner la vie, parce
que le juste vit de la foi. (Rom 1, 17). Il ajoute : « Et une vie plus
abondante en sortant, » c'est-à-dire, quand les vrais fidèles sortent de
cette vie, et entrent en possession d'une vie plus abondante, qui est pour
toujours à l'abri de la mort. Car, bien que sur la terre même, et dans la
bergerie, les pâturages ne leur aient pas manqué, ils trouveront alors des
pâturages où ils seront pleinement rassasiés, tels que les a trouvés celui à
qui Jésus a dit : « Aujourd'hui vous serez avec moi dans le paradis. » — S. Grégoire : (hom. 13, sur Ezech).
Il entrera donc pour recevoir la foi, il sortira pour entrer dans la
claire vision, et il trouvera des pâturages là où son âme sera éternellement
rassasiée. S. Jean Chrysostome : (hom. 59). Ces paroles : « Le voleur
ne vient que pour dérober, pour égorger et pour perdre, » s'appliquent à tous
les auteurs de révolte ou de sédition, et elles se sont vérifiées à la lettre
dans tous ceux qui ont été misa mort pour les avoir suivis, et qui ont ainsi
perdu même la vie présente. Mais pour moi, je suis venu pour le salut de
tous, pour qu'ils aient la vie, et une vie plus abondante dans le royaume des
cieux, et c'est la troisième différence qui le distinguo, des faux prophètes.
— Théophylactus : Dans le sens
allégorique, le voleur est le démon qui vient par la tentation pour dérober,
par les pensées coupables qu'il inspire, égorger par le consentement, et
perdre par les actes. Versets 11-13.
S. Augustin : (Traité 46 sur S. Jean). Notre
Seigneur nous a déjà expliqué deux choses qu'il nous avait proposées sous le
voile de la parabole; nous savons déjà qu'il est lui-même la porte, nous
savons qu'il est lui-même le pasteur; il va maintenant prouver qu'il est le
bon pasteur : « Je suis le bon pasteur. » (Traité 47). Il avait
dit précédemment que le pasteur entre par la porte; si donc il est lui-même
la porte, comment peut-il entrer par lui-même ? Le Fils de Dieu connaît le
Père par lui-même, et nous ne le connaissons que par lui; ainsi il entre dans
la bergerie par lui-même, tandis que nous n'y entrons que par lui. Nous, qui
prêchons Jésus-Christ, nous entrons par la porte; Jésus-Christ, au contraire,
se prêche lui-même, car la lumière se manifeste elle-même en découvrant les
autres objets qu'elle éclaire. (Traité 46). Si les chefs de l'Eglise, qui
sont ses enfants, sont pasteurs, comment peut-il dire qu'il n'y a qu'un seul
pasteur, si ce n'est parce qu'ils sont tous les membres d'un seul et même
pasteur ? (Traité 47). Il a communiqué à ses membres son titre et ses
fonctions de pasteur; ainsi Pierre est pasteur, les autres apôtres sont
pasteurs, tons les saints apôtres sont eux-mêmes pasteurs. Mais personne
d'entre nous n'ose se dire la porte; c'est une prérogative que le Sauveur
s'est réservée à l'exclusion de tout autre. Il n'aurait pas ajouté au nom de
pasteur la qualification de bon, s'il n'y avait de mauvais pasteurs; ce sont
les voleurs et les larrons, ou du moins les mercenaires, qui sont en grand
nombre. — S. Grégoire : (hom. 14
sur les Evang). Il propose ensuite à notre imitation l'exemple de sa
bonté et de son dévouement pour ses brebis. « Le bon pasteur donne sa
vie pour ses brebis. » Il a fait lui-même ce qu'il nous enseigne; il pratique
le commandement qu'il nous a impose, il a donné sa vie pour ses brebis, afin
de faire de son corps et de son sang un véritable sacrement pour nous, et
rassasier de sa chair, devenue notre aliment, les brebis qu'il avait
rachetées, il nous a tracé, pour que nous la suivions, la voie du mépris de
la mort; il nous a donné le modèle que nous devons reproduire. Notre premier
devoir est de distribuer charitablement nos biens à ses brebis; le second, de
sacrifier généreusement, s'il le faut, notre vie pour elles. Mais celui qui
ne sacrifie même pas ses biens pour ses brebis, quand sera-t-il disposé à
sacrifier sa vie ? S. Augustin : (Traité 47) Or, le Christ n'est pas
le seul qui ait donné personnellement cette preuve de charité, et cependant
on peut dire que c'est lui seul qui l'a donnée, dans la personne de ceux qui
étaient ses membres; car lui seul pouvait la donner sans eux, tandis qu'ils
ne pouvaient, sans lui, accomplir cet acte de dévouement. — S. Augustin : (Serm. 50 sur
les paroles du Seig). Tous cependant ont été de bons pasteurs,
non-seulement parce qu'ils ont versé leur sang, mais parce qu'ils l'ont versé
pour leurs brebis, et qu'ils l'ont versé non par orgueil, mais par charité.
Il est des hérétiques, en effet, qui osent décorer du nom de martyre les
tribulations qu'ils ont pu souffrir à cause de leurs erreurs et de leurs
iniquités, et qui se couvrent de ce manteau pour pouvoir plus facilement
voler et piller, parce qu'ils sont de véritables loups. Mais gardons-nous de
croire que tous ceux qui livrent leur corps au supplice même du feu versent
leur sang pour les brebis, c'est bien plutôt contre elles qu'elles le
versent. Car, comme dit l'Apôtre : « Quand je livrerai mon corps pour
être brûlé, si je n'ai pas la charité, cela ne me sert de rien. » (1 Co
13) Or, comment peut-on prétendre avoir le moindre degré de charité,
quand on n'aime pas l'unité de la communion chrétienne ? C'est pour nous
recommander cette unité que le Seigneur ne veut point dire qu'il y a
plusieurs pasteurs, mais un seul, en disant : « Je suis le bon pasteur.
» S. Jean Chrysostome : (hom. 89 sur S. Jean). Notre Seigneur en vient
ensuite à parler de sa passion, et à montrer qu'elle avait pour objet le
salut du monde, et qu'il allait volontairement au-devant d'elle. Puis il
expose de nouveau les signes distinctifs du pasteur et du mercenaire. « Mais
le mercenaire et celui qui n'est pas le pasteur, à qui les brebis
n'appartiennent pas, voit venir le loup, laisse là les brebis et
s'enfuit. » — S. Grégoire : Il
en est quelques-uns qui, en préférant dans leur affection les avantages de la
terre, aux brebis elles-mêmes, perdent justement le nom de pasteur; car celui
qui ne conduit pas ses brebis par un sentiment d'amour, mais pour un gain
terrestre, n'est pas un pasteur, c'est un mercenaire. Le mercenaire, en
effet, est celui qui tient la place du pasteur, mais ne cherche pas l'intérêt
des âmes, ne soupire qu'après les richesses de la terre, et se complaît dans
les prérogatives de sa dignité. — S.
Augustin : (Serm. 49 sur les par. du Seig). Il cherche donc
dans l'Eglise autre chose que Dieu; s'il cherchait Dieu, il serait chaste,
car le légitime époux de l'âme c'est Dieu, et celui qui demande à Dieu autre
chose que Dieu lui-même, ne le cherche pas avec des dispositions pures. S. Grégoire : — Ce n'est, du reste, que dans les temps
d'épreuve qu'on peut distinguer parfaitement le pasteur du mercenaire; dans
les temps de paix, le mercenaire veille ordinairement à la garde du troupeau
comme le véritable pasteur : mais lorsque le loup survient, il découvre les
vrais motifs qui inspiraient cette vigilance. — S. Augustin : (Serm. 49 sur les par. du Seign). Le
loup, c'est le démon et tous ceux qui font profession de le suivre; car, Notre
Seigneur lui-même nous dit que, tout revêtus qu'ils sont de peaux de brebis,
ils sont au dedans des loups ravisseurs. (Mt 7) — S. Augustin : (Traité 46 sur S. Jean). Voici que le
loup saisit la brebis à la gorge, le démon persuade à un fidèle de commettre
un adultère, vous devez l'excommunier; mais cette excommunication le rendra
votre ennemi déclaré, il vous tendra des pièges, et vous nuira autant qu'il
le pourra; vous gardez le silence, vous ne lui faites aucun reproche; vous
avez vu le loup qui venait, et vous vous êtes enfui; vous êtes resté de
corps, mais vous vous êtes enfui d'esprit; car c'est par les affections que
notre âme se meut, elle se répand par la foi, se resserre par la tristesse,
marche par le désir, et s'enfuit par la crainte. — S. Grégoire : Le loup vient encore fondre sur les brebis toutes
les fois qu'un homme injuste ou ravisseur opprime les fidèles et les humbles.
Or, celui qui n'avait que l'extérieur du pas-leur et ne l'était pas en effet,
laisse les brebis et s'enfuit à son approche, parce que le danger qu'il
redoute pour lui le rend incapable de résister à l'injustice; et il s'enfuit
non pas en changeant de lieu, mais en privant ses brebis de son appui. A la
vue des dangers que court son troupeau, le mercenaire n'est enflammé d'aucun
sentiment de zèle; et il supporte avec indifférence les maux qui viennent
fondre sur ses brebis, parce qu'il n'est préoccupé que de ses intérêts
personnels. « Le mercenaire s'enfuit, » etc. L'unique raison pour
laquelle le mercenaire s'enfuit, c'est qu'il est mercenaire; et voici le sens
de ces paroles : Celui qui dirige les brebis non par un sentiment d'amour,
mais en vue d'un gain sordide, ne peut supporter le danger qui menace les
brebis, et il redoute de l'affronter, parce qu'il craint de perdre ce qu'il
aime. S. Augustin : (Tr. 46 sur S. Jean). Les Apôtres étaient des
pasteurs et non des mercenaires, et pourquoi donc fuyaient-ils devant la
persécution, obéissant en cela au conseil du Sauveur : « S'ils vous
persécutent, fuyez » (Mt 10, 23). Frappons, quelqu'un nous ouvrira. —
S.AUG. (Lett. 180 à Honor). Les serviteurs de Jésus-Christ, les
ministres de sa parole et de ses sacrements peuvent fuir de ville en ville,
peuvent fuir de ville en ville,et spécial de la haine des persécuteurs, à la
condition que l'Eglise ne soit pas abandonnée par ceux qu'épargne la
persécution. Mais lorsque le danger devient commun pour tous, pour les
évoques, pour les clercs, pour les simples fidèles, ceux qui ont besoin du
ministère de leurs frères, ne doivent pas être abandonnés par eux. Que tous
donc s'enfuient alors dans des lieux de sûreté, ou que ceux qui sont obligés
de rester ne soient pas privés du ministère de ceux qui doivent pourvoir à leurs
besoins spirituels. Ainsi il est permis aux ministres de Jésus-Christ, de
fuir devant la persécution, quand ils ne laissent pas derrière eux tout un
peuple qui réclame leur ministère, ou lorsque ce ministère peut être rempli
par ceux qui n'ont pas les mêmes raisons de fuir. Mais si le peuple est
obligé de rester et que les ministres le laissent sans secours en s'enfuyant,
c'est la fuite honteuse et inexcusable des mercenaires qui n'ont aucun souci
de leurs brebis. S. Augustin : (Traité 46 sur S. Jean). Parmi les bons, il nous faut
donc compter la porte, le portier, le pasteur et les brebis; parmi les
mauvais, les voleurs, les larrons, les mercenaires et les loups. — S. Augustin : (serm. 49 sur
les par. du Seig). Il faut aimer le pasteur, se garder du voleur,
supporter le mercenaire, car le mercenaire peut être utile tant qu'il ne voit
point le loup, le voleur ou le larron, mais à leur vue seule, il s'enfuit. — S. Augustin : (Traité 46 sur
S. Jean). On ne lui donne le nom de mercenaire, que parce qu'il est payé
par celui qui le loue. Les enfants attendent patiemment l'héritage de leur
père, le mercenaire soupire ardemment après le salaire qu'il regarde comme le
prix de son travail, et cependant la gloire du divin Sauveur se répand par la
bouche de chacun d'eux. Le mercenaire n'est donc nuisible que lorsqu'il fait
mal et non lorsqu'il annonce la bonne doctrine : cueillez le raisin,
gardez-vous des épines. Quelquefois, en effet, la grappe de raisin qu'a
produite le cep de vigne, pend aux branches d'un buisson; il en est beaucoup
dans l'Eglise, qui cherchent leurs avantages temporels en prêchant
Jésus-Christ, la voix de Jésus-Christ se l'ait entendre par eux, et les
brebis suivent alors, non pas le mercenaire, mais la voix de Jésus-Christ qui
se fait entendre par le mercenaire. Versets 14-21.
S. Jean Chrysostome : (hom. 60 sur S. Jean). Notre Seigneur a fait
connaître dans ce qui précède l'existence de deux mauvais maîtres, l'un qui
vole, égorge et pille, l'autre qui ne s'y oppose point; par le premier il
veut représenter les auteurs de sédition; et par le second, confondre les
docteurs des Juifs, qui ne veillaient point sur les brebis qui leur étaient
confiées. Il se sépare nettement de ces deux maîtres, d'abord de ceux qui ne
venaient que pour perdre en disant : « Je suis venu pour qu'elles aient la
vie, » et ensuite de ceux qui voient avec indifférence les rapines des loups,
en déclarant qu'il donne sa vie pour ses brebis, et comme conclusion de tout
ce qui précède, il dit : « Je suis le bon pasteur. » Mais comme il venait de
dire que les brebis entendent la voix du pasteur et le suivent, on pouvait
lui objecter : « Que dites-vous donc de ceux qui ne croient point en vous; »
il ajoute donc : « Et je connais mes brebis, » etc. Vérité que saint
Paul confirme, lorsqu'il dit : « Dieu n'a pas rejeté son peuple qu'il a connu
dans sa prescience. » — S. Jean
Chrysostome : Il semble dire ouvertement : J'aime mes brebis, et leur
amour pour moi est le principe de leur obéissance, car celui qui n'aime pas
la vérité n'en a pas la moindre intelligence. — Théophylactus : Vous pouvez conclure de là quelle différence
sépare le pasteur du mercenaire, le mercenaire ne connaît pas les brebis,
parce qu'il les visite rarement; le pasteur les connaît en vertu de la
sollicitude qu'il a pour son troupeau. S. Jean Chrysostome : Gardez-vous de croire cependant que la
connaissance de Jésus-Christ et celle des brebis soit la même : « Comme mon
Père me connaît, ajoute-t-il, et que moi-même je connais mon Père, » etc.,
c'est-à-dire, je le connais avec autant de certitude qu'il me connaît
lui-même, la connaissance du Père et du Fils est donc la même, il n'en est
pas de même de la connaissance des brebis, car il ajoute : « Et je donne ma
vie pour mes brebis. » — S. Grégoire :
(hom. 14). La preuve évidente que je connais mon Père, et que mon
Père me connaît, c'est que je donne ma vie pour mes brebis, c'est-à-dire, la
charité qui me porte à sacrifier ma vie pour mes brebis, fait voir la
grandeur de l'amour que j'ai pour mon Père. — S. Jean Chrysostome : Il prouve un môme temps qu'il n'est pas un
imposteur, de même que le grand Apôtre voulant prouver contre les faux
apôtres qu'il était un véritable maître, puisait ses raisons dans les dangers
qu'il avait courus et dans les périls de mort auxquels il avait été exposé.
— Théophylactus : En effet,
les séducteurs n'ont jamais exposé leur vie pour leur brebis, mais comme des
mercenaires, ils ont abandonné ceux qui les suivaient, et le Sauveur, pour
qu'on ne se saisît pas de la personne de ses disciples, dit à ses ennemis : «
Laissez-les aller ». S. Grégoire : Cependant comme le Sauveur était venu
racheter, non-seulement les Juifs, mais les Gentils, il ajoute : « J'ai
encore d'autres brebis qui ne sont point de cette bergerie. » — S. Augustin : (serm. 50 sur
les par. du Seig). Il s'adressait tout d'abord au bercail qui était
composé des enfants d'Israël par le sang, il y en avait d'autres qui en
faisaient partie par la foi, ils étaient encore au milieu des Gentils, ils
étaient prédestinés, mais ils n'étaient pas encore réunis. Ils ne sont donc
pas encore de cette bergerie, parce qu'ils n'appartiennent point par le sang
à la race d'Israël, mais ils en feront un jour partie d'après la parole du
Sauveur : « Il faut que je les amène, » etc. — S. Jean Chrysostome : (hom. 60). Il nous apprend ainsi que
les uns et les autres étaient dispersés et n'avaient point de pasteurs : « Et
ils entendront ma voix, » paroles dont voici le sens : Pourquoi vous
étonner que les premiers me suivront et entendront ma voix, quand vous verrez
les autres eux-mêmes se mettre à ma suite et écouter ma voix ? Il prédit
ensuite l'union future des deux troupeaux : « Et il n'y aura qu'une bergerie
et qu'un pasteur. » — S. Grégoire : Il
ne fait de ces deux troupeaux qu'une seule bergerie, parce qu'il unit dans
les liens d'une seule et même foi les Juifs et les Gentils. — Théophylactus : Tous deux, en effet,
n'ont qu'un seul et même sacrement du baptême, un seul et même pasteur qui
est le Verbe de Dieu. Que les manichéens comprennent donc ici que l'Ancien et
le Nouveau Testament n'ont qu'un seul pasteur et un seul bercail. — S. Augustin : (Traité 17). Que
signifient alors ces paroles : « Je ne suis envoyé qu'aux brebis perdues
de la maison d'Israël ? » C'est que le peuple d'Israël seul a joui de sa
présence corporelle, et qu'il n'a pas été en personne vers les Gentils, mais
qu'il leur a envoyé ses Apôtres. S. Jean Chrysostome : (hom. 60). Ce mot : « Il faut, » n'exprime pas la
nécessité, mais la certitude de l'événement, et comme les Juifs prétendaient
que Jésus était en opposition avec le Père, il ajoute : « Mon Père m'aime,
parce que je donne ma vie pour la reprendre. » — S. Augustin : C'est-à-dire, parce que je meurs pour ressusciter.
Remarquez la force de cette expression : « Je donne ma vie. » Que les
Juifs cessent de se glorifier, ils pourront se déchaîner contre moi, mais si
je ne consens à donner ma vie, à quoi peuvent aboutir les efforts de leur
fureur ? Or, l'amour que le Père a pour le Fils, n'est pas comme le prix de
la mort qu'il doit soutenir, mais il l'aime en contemplant dans ce Fils qu'il
a engendré sa propre nature, alors qu'en vertu de ce même amour, il consent à
donner sa vie pour nous. S. Jean Chrysostome : (hom. 60). On peut dire encore qu'en parlant de la sorte,
il s'accommode à notre faiblesse et veut nous dire : Quand il n'y aurait pas
d'autre motif, ce qui me porte à vous aimer, c'est l'amour que mon Père a
pour vous, amour qui est si grand, qu'il m'aime moi-même, parce qu'il me voit
disposé à mourir pour vous. Il ne faut pas toutefois l'entendre dans ce sens,
que le Père n'aimait pas auparavant son Fils, et que nous soyons la cause de
cet amour. Le Sauveur veut encore prouver que ce n'est point malgré lui qu'il
a enduré les souffrances de sa passion : a Personne, dit-il, ne me la ravit,
mais je la donne de moi-même. » — S.
Augustin : (de la Trin., 4, 13). Ces paroles sont la preuve que sa
mort n'a été l'effet et la suite d'aucun péché personnel, mais qu'il est mort
parce qu'il l'a voulu, quand il l'a voulu, et de la manière qu'il l'a voulu :
« Et j'ai le pouvoir de la donner, et le pouvoir de la reprendre. » — S. Jean Chrysostome : Combien de fois
les Juifs avaient formé le projet de le mettre à mort, il leur déclare donc
que tous leurs efforts sont inutiles, s'il ne consent à donner sa vie. J'ai
tellement le pouvoir de la donner, dit-il, que personne ne peut me l'arracher
malgré moi, pouvoir qui n'appartient pas à tous les hommes. Ainsi nous
n'avons le pouvoir de donner notre vie qu'en nous donnant la mort à
nous-mêmes, et Notre Seigneur a le véritable pouvoir de la donner. De cette
vérité suit nécessairement cette autre qu'il a le pouvoir de reprendre sa
vie, et il donne ainsi une preuve certaine de sa résurrection. Mais comme ils
auraient pu penser qu'après qu'ils l'auraient mis à mort, il serait abandonné
de son Père, il ajoute : « J'ai reçu de mon Père ce commandement, »
c'est-à-dire, de donner ma vie et de la reprendre. Ne croyons pas cependant
qu'il ait attendu que ce commandement lui ait été donné, et qu'il ait eu
besoin de l'apprendre, il veut simplement montrer ici que sa volonté est
libre, et détruire tout soupçon d'opposition entre lui et son Père. — Théophylactus : Ce commandement, en
effet, n'exprime autre chose que la parfaite harmonie entre son Père et lui.
— Alcuin : Et ce n'est point par
une parole extérieure, que le Verbe a reçu ce commandement, car tout
commandement a sa racine dans le Verbe, Fils unique du Père. Lors donc qu'on
dit du Fils, qu'il reçoit ce qu'il possède, par sa nature, ce n'est point
pour amoindrir sa puissance, mais pour prouver sa génération, car c'est par
la génération que le Père a tout donné à son Fils, qu'il a engendré dans
toute sa perfection. Théophylactus : Après avoir parlé de lui-même en termes
aussi relevés et s'être donné pour le maître de la mort et de la vie; le
Sauveur tempère de nouveau son langage, et unit ainsi les choses les plus
contraires dans une admirable harmonie, afin que nous le considérions, non
comme inférieur à son Père, ni comme son adversaire, mais comme possédant le
même pouvoir et la même sagesse. S. Augustin : (Traité 47). La manière dont Notre Seigneur parle ici de son
âme, nous prémunit contre l'erreur des apollinaristes, qui prétendent que
Jésus-Christ n'a pas eu d'âme humaine, c'est-à-dire, une âme intelligente et
raisonnable. Dans quel sens donc Notre Seigneur dit-il qu'il a le pouvoir de
donner son âme ou sa vie ? Jésus-Christ est à la fois Verbe et homme,
c'est-à-dire, Verbe, âme et chair; or, est-ce comme Verbe qu'il donne son âme
ou sa vie et qu'il la reprend ? Ou bien est-ce en tant qu'il est une âme
humaine que l'âme se donne et qu'elle se reprend ? Ou bien encore est-ce en
tant qu'il est chair, que la chair donne son âme ou la reprend ? Si nous
disons que le Verbe de Dieu a donné son âme et l'a reprise, donc cette âme a
été pendant un certain temps séparée du Verbe de Dieu, puisque la mort sépare
l'âme du corps, mais non, l'âme n'a jamais été séparée du Verbe. Si nous
disons au contraire que l'âme elle-même s'est donnée, c'est une proposition
absurde, car si elle ne pouvait être séparée du Verbe, pouvait-elle être
séparée d'elle-même ? C'est donc la chair qui laisse son âme pour la
reprendre ensuite, non cependant par sa puissance, mais par la puissance du
Verbe qui habitait en elle. Alcuin : Et comme la lumière luisait dans les
ténèbres, et que les ténèbres ne l'ont point comprise, l'Evangéliste ajoute :
« Il s'éleva de nouveau une dissension parmi les Juifs, à l'occasion de ce
discours, plusieurs d'entre eux disaient : Il est possédé du démon et il a
perdu le sens. » — S. Jean Chrysostome
: Ses enseignements dépassaient la portée de l'intelligence humaine, ils
l'accusaient doue d'être possédé du démon; mais il trouve des défenseurs qui
savent bien le venger de cette accusation par les œuvres qu'il a faites : «
D'autres disaient : Ce ne sont pas là les paroles d'un homme possédé du
démon, est-ce que le démon peut ouvrir les yeux des aveugles ? »
C'est-à-dire, ces paroles ne sont pas celles d'un homme possédé du démon,
mais si elles ne suffisent point pour vous convaincre, laissez-vous an moins
persuader par les œuvres. Après cette démonstration tirée des faits
eux-mêmes, Notre Seigneur se tait sur le reste, car ils n'étaient pas dignes
qu'il leur répondit. Il nous enseigne aussi à pratiquer dans toute leur
étendue la douceur et la longanimité. D'ailleurs ils se réfutaient eux-mêmes
les uns les autres par les divisions qui existaient entre eux. Versets 22-30.
Alcuin : Nous avons entendu le récit de la patience
du Seigneur, et comment les outrages dont il est l'objet ne peuvent
interrompre pour lui le ministère de la prédication du salut, mais les Juifs,
plus que jamais endurcis, cherchaient à le tenter plutôt qu'à lui obéir,
voici dans quelles circonstances : « Or, c'était à Jérusalem la fête de la
Dédicace. » — S. Augustin : (Traité
48). Le mot encœnia signifiait la fête de la Dédicace du temple,
car le mot grec χαινόν veut dire nouveau, et on
appelait encœnia, toute dédicace de chose nouvelle. — S. Jean Chrysostome : (hom. 61).
C'était l'anniversaire du jour où le temple fut de nouveau consacré, au retour
des Juifs de la captivité de Babylone. — Théophylactus
: Ils célébraient cette fête avec une grande pompe, il leur semblait que
la ville de Jérusalem avait recouvré tout son éclat après une si longue
captivité. — Alcuin : Ou bien
encore, cette dédicace était l'anniversaire de celle qu'avait faite Judas le
Machabée, car la première dédicace avait été faite par Salomon en automne, la
seconde par Zorobabel et Jésus au printemps, et celle-ci avait lieu en hiver,
comme le remarque l'Evangéliste : « Et c'était l'hiver. » — S. Bède : Nous lisons en effet, qu'il
fut établi sous Judas Machabée, que l'anniversaire de cette dédicace aurait
lieu solennellement tous les ans. S. Bède : L'Evangéliste précise l'époque de cette fête
qui avait lieu en hiver, pour nous faire comprendre que le temps de la
passion était proche, car ce fut au printemps suivant qu'eut lieu la passion
du Sauveur, et c'est pour cela qu'il se trouvait alors à Jérusalem. — S. Grégoire : (2 Mor., 2). On
bien encore, il fait mention de la saison d'hiver pour exprimer la froide
méchanceté qui avait gagné les cœurs des Juifs. S. Jean Chrysostome : Notre Seigneur s'était rendu avec un grand
empressement à cette solennité, et il restait d'ailleurs de préférence dans
la Judée, parce que sa passion approchait : « Et Jésus se promenait
dans le temple, sous le portique de Salomon. » — Alcuin : On appelait portique de Salomon, celui où ce roi se
tenait ordinairement pour la prière, et qui pour cette raison avait reçu son
nom, car ces portiques qui entouraient le temple, tiraient leur nom de la
partie du temple qu'ils entouraient. Or, si le Fils de Dieu a voulu
fréquenter le temple où l'on n'offrait que la chair des animaux sans raison,
combien plus aimera-t-il à visiter notre maison de prière où se fait la consécration
de sou corps et de son sang. Théophylactus : Efforcez-vous aussi pendant la durée de
l'hiver, c'est-à-dire, durant cette vie présente si souvent agitée par les
tempêtes de l'iniquité, de célébrer la dédicace spirituelle de votre temple,
en vous renouvelant sans cesse vous-même et en disposant dans votre cœur les
degrés qui vous élèvent jusqu'à Dieu, alors Jésus viendra à votre rencontre
sous le portique de Salomon, et vous fera jouir d'une paix assurée sous son
propre toit. Mais dans la vie future, nous n'aurons plus à célébrer les fêtes
solennelles de la dédicace. S. Augustin : Comme le feu de la charité s'était éteint
dans le cœur des Juifs, et qu'ils brûlaient au contraire de l'ardeur de faire
le mal, ce n'est point la foi qui les amenait à Jésus, c'est le désir de le
persécuter : « Les Juifs donc l'entourèrent et lui dirent : Jusques à quand
tiendrez-vous notre esprit en suspens ? Si vous êtes le Christ, dites-nous-le
ouvertement. » Ils lui font cette question, non qu'ils désirent connaître la
vérité, mais pour trouver occasion de le calomnier. — S. Jean Chrysostome : (hom. 61). Ils ne peuvent incriminer
aucune de ses actions, ils désiraient donc trouver dans ses paroles un sujet
d'accusation. Et voyez jusqu'où va leur perversité : lorsqu'il les enseigne
par ses paroles, ils lui disent : « Quel miracle faites-vous ? » S'il fait
des miracles pour démontrer sa divinité, ils viennent lui dire : « Si
vous êtes le Christ, dites-le nous ouvertement, » tant ils sont dominés par
l'esprit de contradiction. Remarquez encore quelle haine dans ces paroles : «
Si vous êtes le Christ, dites-le nous ouvertement. » Mais Jésus parlait
toujours en public, il assistait à toutes les grandes solennités, et ne
disait rien en secret. Ils commencent toutefois par un langage plein de
flatterie : « Jusques à quand tiendrez vous notre âme en suspens ? » pour le
provoquer et le faire tomber dans un piège. — Alcuin : Ils reprochent à celui qui était venu sauver les âmes de
tenir leur âme en suspens et dans l'incertitude. S. Augustin : Ils cherchaient à obtenir du Sauveur cet
aveu : « Je suis le Christ, » et comme ils n'avaient du Christ que des idées
tout humaines, et qu'ils ne comprenaient point sa divinité prédite par les
prophètes, s'il leur avait répondu qu'il était le Christ, ils l'auraient
accusé d'usurper la puissance royale d'après la croyance où ils étaient que
le Christ devait sortir de la race de David. — Alcuin : Ils pensaient donc à le livrer au gouverneur pour le
faire punir comme usurpateur du pouvoir de l'empereur Auguste, mais Notre
Seigneur leur répond de manière à fermer la bouche des calomniateurs, à faire
connaître aux fidèles qu'il est vraiment le Christ, et à dévoiler les
mystères de sa divinité à ceux qui ne l'interrogeaient que sur son humanité :
« Jésus leur répondit : Je vous parle et vous ne me croyez point. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 61).
Comme ils paraissaient vouloir se rendre à l'évidence seule de ses paroles,
eux que tant d'œuvres miraculeuses n'avaient pu persuader, il confond leur
malice et semble leur dire : Si vous ne croyez pas à mes œuvres, comment
croirez-vous à mes paroles ? et il leur fait connaître la raison de leur peu
de foi : « Mais vous ne croyez point, parce que vous n'êtes point de mes
brebis. » — S. Augustin : (Traité
48). Il leur tient ce langage, parce qu'il les voyait prédestinés à la
mort éternelle et privés à jamais de la vie éternelle qu'il avait acquise par
son sang, car ce qui fait les brebis c'est leur foi et leur obéissance à leur
pasteur. Théophylactus : Après leur avoir déclaré qu'ils ne sont
point de ses brebis, il les engage ensuite à le devenir, et leur en donne le
moyen : « Mes brebis, leur dit-il, entendent ma voix. » — Alcuin : C'est-à-dire, elles
obéissent de cœur à mes préceptes, « et je les connais, » c'est-à-dire, je
les choisis, « et elles me suivent, » en marchant ici dans les voies de la
douceur et de l'innocence, et en entrant ensuite dans les joies de la vie
éternelle : « Et je leur donne la vie éternelle. » — S. Augustin : (Traité 48). Ce
sont les pâturages dont il avait dit précédemment : « Il trouvera des
pâturages. » Ce pâturage excellent, c'est la vie éternelle, où l'herbe, loin
de se flétrir, conserve toute sa verdure, mais pour vous, vous cherchez à me
calomnier, parce que vous ne songez qu'à la vie présente : « Et elles ne
périront pas à jamais; » ajoutez ce qu'il sous-entend : Pour vous, vous
périrez éternellement, parce que vous n'êtes pas de mes brebis. — théophyl.
Mais comment Judas a-t-il péri ? Parce qu'il n'a point persévéré jusqu'à la
fin. Or, Jésus-Christ ne veut parler ici que de ceux qui persévèrent, car si
quelques brebis se séparent du troupeau, et cessent de suivre le pasteur,
elles s'exposent aussitôt aux plus grands dangers. S. Augustin : (Traité 48). Il explique
ensuite pourquoi ses brebis ne périssent point; les brebis dont il est dit :
« Le Seigneur connaît ceux qui sont à lui, » (2 Tm 2) ni le loup ne
les ravit, ni le voleur ne les enlève, ni le larron ne les égorge, celui qui
sait le prix qu'elles lui ont coûté est assuré de n'en perdre aucune. — S. Hilaire : (de la Trin., 7)
Cette parole est le témoignage d'une puissance qui a conscience
d'elle-même; mais comme tout en ayant la nature même de Dieu, il faut
cependant admettre qu'il est né de lui; il ajoute : « Ce que mon Père m'a
donné est plus grand que toutes choses. » Il ne dissimule point qu'il est né
du Père, car ce qu'il a reçu du Père, il l'a reçu par sa naissance, et non
dans la suite. — S. Augustin : En
effet, le Fils qui est né du Père, Dieu de Dieu, n'est point devenu son égal
par un accroissement successif, il l'est par sa naissance seule. Voilà donc
ce que mon Père m'a donné, et ce qui est plus grand que toutes choses, c'est
que je suis son Verbe, son Fils unique, la splendeur de sa lumière. On ne
peut donc ravir mes brebis d'entre mes mains, parce qu'on ne peut les ravir
d'entre les mains de mon Père : « Et nul ne peut ravir ce qui est entre les
mains de mon Père. » Si par la main nous entendons la puissance, le Père et
le Fils ont une seule et même puissance, parce qu'ils ont une seule et même
divinité; mais si par la main nous entendons le Fils, c'est le Fils qui est
la main du Père, ce qui ne veut point dire que Dieu le Père ait des membres
comme ceux du corps de l'homme, mais qu'il a tout fait par son Fils. (Jn 1,
3). C'est ainsi que les hommes appellent leurs mains ceux de leurs
semblables, qui sont les instruments de leurs volontés. Quelquefois même
l'œuvre de l'homme est appelée sa main, parce qu'elle est le produit de sa
main, c'est ainsi qu'on dit qu'un homme reconnaît sa main lorsqu'il reconnaît
son écriture. Dans cet endroit la main doit s'entendre de la puissance du
Père et du Fils, de peur qu'en appliquant exclusivement au Fils cette
dénomination, une pensée toute charnelle ne nous fasse chercher le Fils du
Fils. — S. Hilaire : (de la
Trin., 7) La main du Fils est ici appelée la main du Père, pour vous
faire comprendre par une comparaison sensible, qu'ils ont une puissance de
même nature, parce que la nature et la puissance du Père se trouvent
également dans le Fils. S. Jean Chrysostome : Et afin que vous ne puissiez soupçonner que
la puissance du Père vient au secours de la puissance du Fils, pour mettre
les brebis en sûreté, Notre Seigneur ajoute : « Mon Père et moi nous sommes
un. » — S. Augustin : (Traité 48).
Comprenez bien ces deux mots : « Un, » et : « Nous sommes, » et vous ne
tomberez ni dans Charybde, ni dans Scylla. En disant : « Un, » il
vous délivre d'Arius, et en disant : « Nous sommes, » il vous débarrasse de
Sabellius; s'il y a unité, il n'y a donc point de différence; si : « Nous
sommes, » il y a donc Père et Fils. — S.
Augustin : (de la Trin., 6) Il a dit : « Nous sommes un, » ce
qu'il est, je le suis moi-même, quant à la nature, non quant à la relation de
personne à personne. — S. Hilaire : (de
la Trin., 8) Les hérétiques contraints d'avouer la vérité de ces paroles,
s'efforcent de les dénaturer par leurs interprétations mensongères aussi
ridicules qu'elles sont impies. Ils cherchent donc à les expliquer dans le
sens d'unité parfaite de consentement; il y a, disent-ils, unité de volonté,
mais non unité de nature, c'est-à-dire, que le Père et le Fils sont un, non
par leur essence, mais par la conformité parfaite de leur volonté. Ils sont
un, non par le mystère d'une économie quelconque, mais par la génération de
la nature divine, parce que la nature divine ne dégénère en aucune manière
par cette génération. Ils sont un, en ce sens que ce qui ne peut être ravi
d'entre les mains du Fils, ne peut être ravi d'entre les mains du Père; parce
que le Père agit en lui et en même temps que lui; puisqu'il est dans le Père,
et que le Père est en lui. Ce n'est point là l'effet d'une création, mais de
la naissance; ce n'est pas la volonté, mais la puissance qui agit ici, ce
n'est point une simple unanimité de sentiments qui parle ici, c'est l'unité
de nature. Nous ne nions donc pas l'unanimité de sentiments entre le Père et
le Fils, ce que les hérétiques nous attribuent à tort en prétendant que nous
n'admettons point cette unanimité entre le Père et le Fils, parce que nous
voulons voir ici autre chose que l'unanimité. Qu'ils comprennent donc dans
quel sens nous affirmons cette unanimité; le Père et le Fils sont un en
nature, en honneur, en puissance, et une même nature ne peut avoir des
volontés différentes. Versets 31-38.
S. Augustin : (Traité 48). Les Juifs ne purent supporter ces paroles : «
Mon Père et moi nous sommes un, » et obéissant à leur dureté habituelle, ils
coururent chercher des pierres pour les lui jeter : « Alors les Juifs prirent
des pierres pour le lapider. » — S.
Hilaire : (de la Trin., 7) Maintenant que le Seigneur est assis an
plus haut des cieux, les hérétiques refusent encore d'obéir à ses paroles par
le même sentiment d'incrédulité, et le poursuivent de leur haine sacrilège;
ils lancent contre lui leurs impiétés comme autant de pierres, et s'ils le
pouvaient, ils le renverseraient de son trône pour l'attacher de nouveau à la
croix. Théophylactus : Mais le Sauveur voulant leur prouver que
leur fureur contre lui n'a aucune raison d'être, leur rappelle les prodiges
qu'il avait opérés : « J'ai fait devant vous beaucoup d'œuvres
excellentes, » etc. — Alcuin : C'est-à-dire,
les guérisons des infirmes, l'éclat de ma doctrine et de mes miracles, dont
mon Père était le principe comme je vous l'ai déclaré, parce que j'ai
toujours cherché sa gloire, pour laquelle donc de ces œuvres me lapidez-vous
? Ils sont forcés de reconnaître la multitude des bienfaits dont Jésus-Christ
les a comblés, mais ils relèvent comme un blasphème ce qu'il a dit, qu'il
était égal à son Père : « Les Juifs lui répondirent : Ce n'est pas pour
aucune bonne œuvre que nous vous lapidons, mais à cause de votre blasphème, »
etc. — S. Augustin : C'est la
réponse qu'ils font à cette parole du Sauveur : « Mon Père et moi nous
ne sommes qu'un. » Voici donc que les Juifs ont compris ce que n'ont pas
compris les Ariens, car la colère des Juifs vint de ce qu'ils comprirent bien
qu'il ne pouvait dire : Mon Père et moi nous ne sommes qu'un, qu'autant qu'il
y avait égalité parfaite entre son Père et lui. — S. hil. (de la
Trin., 7) Le Juif dit : « Alors que vous êtes un homme; » l'Arien : «
Alors que vous êtes une créature, » et tous deux poursuivent : « Vous
vous faites Dieu. » Les ariens, en effet, en font un Dieu d'une nature
nouvelle et toute particulière, un Dieu d'un nouveau genre, ou plutôt un Dieu
qui n'en est pas un, puisqu'ils prétendent qu'il n'est point Fils de Dieu par
naissance, qu'il n'est point Dieu en vérité, et qu'il est tout simplement une
créature plus excellente que les antres. S. Jean Chrysostome : (hom. 61). Nôtre-Seigneur, loin de détruire l'opinion où
étaient les Juifs, qu'il se disait égal à Dieu, cherche au contraire à la
confirmer : « Jésus leur repartit : N'est-il pas écrit dans votre loi, » etc.
— S. Augustin : C'est-à-dire, dans
la loi qui vous a été donnée : « Je l'ai dit : Vous êtes des dieux. » Ce
sont les paroles que Dieu adresse aux hommes dans les psaumes par son
prophète. Le Sauveur comprend quelquefois sous le nom de loi, toutes les
Ecritures; en d'autres endroits il la distingue des écrits prophétiques :
« A ces deux commandements se rattachent toute la loi et les prophètes.
» (Mt 22) Quelquefois il divise les Ecritures en trois parties : « Il
fallait que tout ce qui a été prédit de moi, dans la loi, dans les prophètes
et dans les psaumes, fût accompli. » (Lc 14) Ici il comprend les
psaumes sous le nom de loi, et voici son raisonnement : Si l'Ecriture appelle
dieux ceux à qui la parole de Dieu a été adressée, et que l'Ecriture ne
puisse être démentie, comment dites-vous à celui que le Père a sanctifié et
envoyé dans le monde : Vous blasphémez, parce que j'ai dit : Je suis le Fils
de Dieu ? S. Hilaire : (de la Trin., 7) Le Sauveur, avant de démontrer que son Père et
lui n'avaient qu'une seule et même nature, commence par repousser
l'accusation aussi ridicule qu'outrageante, que les Juifs dirigeaient contre
lui, qu'il se faisait Dieu, lorsqu'il était homme, car puisque ce nom était
donné à de saints personnages, et que la parole de Dieu appuyait de son
autorité irréfragable l'attribution faite de ce nom à de simples mortels, ce
n'est donc point un crime pour lui de se faire Dieu, quand il n'aurait été
qu'un homme, puisque la loi elle-même appelle Dieu ceux qui ne sont que des
hommes. Et si les autres hommes peuvent prendre ce nom sans aucune usurpation
sacrilège, à plus forte raison celui que le Père a sanctifié peut-il sans
usurpation prendre ce nom et se dire le Fils de Dieu, puisqu'il surpasse tous
les autres par la sanctification qu'il a reçue comme Fils, d'après ces paroles
de saint Paul : « Qu'il était prédestiné Fils de Dieu en puissance,
selon l'esprit de sanctification, » (Rm 1, 4) car toute cette réponse
du Sauveur a trait à son humanité, et tend à établir que le Fils de Dieu est
aussi le Fils de l'homme. S. Augustin : Ou bien encore, le Père l'a sanctifié,
c'est-à-dire, lui a donné d'être saint eu l'engendrant, parce qu'il l'a
engendré dans la plénitude de la sainteté. Or, si la parole de Dieu, adressée
aux hommes, leur a donné le nom de dieux, comment le Verbe de Dieu ne
serait-il pas Dieu lui-même ? Et si les hommes, en participant au Verbe de
Dieu, deviennent eux-mêmes des dieux, comment le Verbe qui fait entrer en
participation de lui-même, ne serait-il pas Dieu ? — Théophylactus : Ou bien, il l'a sanctifié, c'est-à-dire, il a
ordonné qu'il serait offert en sacrifice pour le monde, ce qui prouve qu'il
n'est pas Dieu comme les autres hommes, car sauver le monde est une œuvre
toute divine et bien au-dessus d'un homme déifié par la grâce. S. Jean Chrysostome : (hom. 61). Ou bien encore, Notre Seigneur s'exprime
d'abord en termes plus humbles de lui-même, pour faire recevoir plus
facilement ses paroles, et s'élever ensuite à de plus hautes considérations :
« Si je ne fais pas les œuvres de mon Père, ne me croyez point. » Il
prouve ainsi qu'il n'est en rien inférieur à son Père : et comme il était
impossible de voir sa nature divine, il prouve que la ressemblance est
l'identité des œuvres, la parfaite égalité de puissance. — S. Hilaire : (de la Trin., 7)
Comment trouver place ici à une simple adoption, à un nom concédé par
indulgence, pour nier qu'il soit le Fils de Dieu par nature, alors que les
œuvres de la puissance du Père prouvent évidemment qu'il est le Fils de Dieu
? La créature ne peut prétendre ni à l'égalité ni à la ressemblance avec
Dieu, et aucune nature créée ne peut lui être comparée en puissance. Or, le
Fils déclare qu'il accomplit non pas ses œuvres, mais les œuvres de son Père,
pour ne pas détruire par l'éclat de ses œuvres la vérité de sa naissance. Et
comme le mystère de son incarnation, dans le sein de Marie, découvrait
surtout en lui le Fils de l'homme et non le Fils de Dieu, il appuie notre foi
sur ses œuvres : « Mais si je les fais, quand bien même vous ne voudriez pas
me croire, croyez aux œuvres. » Pourquoi, en effet, le mystère de sa
naissance humaine, de son humanité, nous empêcherait-il d'admettre sa
naissance divine, puisque c'est sous le voile de l'humanité que la nature
divine accomplit toutes ses œuvres ? Mais quelle est la vérité qu'il veut faire
ressortir des œuvres du Père qu'il accomplit ? « Afin que vous connaissiez et
que vous croyiez que mon Père est en moi, et moi dans mon Père, »
c'est-à-dire que je suis le Fils de Dieu, ou en d'autres termes, que mon Père
et moi ne sommes qu'un. — S. Augustin
: (Traité 48 sur S. Jean). Le Fils de Dieu ne dit pas : Mon
Père est en moi. et moi en lui, dans le sens que les hommes le peuvent dire;
car si nos pensées sont bonnes, nous sommes en Dieu, et si notre vie est
sainte, Dieu est en nous. Lorsque nous participons à sa grâce et que nous
recevons sa lumière, nous sommes en lui, et lui en nous. Mais pour le Fils
unique de Dieu, il est dans le Père, et le Père est en lui, comme un égal est
dans celui qui lui est égal. Versets 39-42.
S. Bède : Nous voyons par le récit de l'Evangéliste
que les Juifs persévèrent avec opiniâtreté dans leur égarement : « Les
Juifs cherchaient donc à le prendre. » — S.
Augustin : (Traité 48) Ils cherchent à le prendre, non par
la foi ou par l'intelligence, mais pour satisfaire leur haine contre lui en
le mettant à mort. Vous le prenez pour l'avoir en votre possession, ils
veulent le prendre pour se défaire de lui : « Et il s'échappa de leurs mains.
» Ils ne purent se saisir de lui, parce qu'ils n'avaient pas les mains de la
foi, et il ne fut pas difficile au Verbe de délivrer son corps de ces mains
de chair. — S. Jean Chrysostome : (hom.
61). Lorsque le Sauveur a enseigné aux Juifs quelque grande vérité, il se
dérobe presque aussitôt pour apaiser leur fureur par son absence, comme il le
fait encore ici : « Et il s'en alla de nouveau au delà du Jourdain. »
Pourquoi l'Evangéliste fait-il mention du lieu où il se retire ? c'est pour
rappeler le souvenir des actions et des paroles de Jean-Baptiste, aussi bien
que de ses témoignages multipliés. — S.
Bède : Il dit : « Où Jean était d'abord, » c'est-à-dire dès ses premières
années. Pendant le séjour que Jésus, y fit, l'Evangéliste nous raconte qu'un
grand nombre de personnes vinrent le trouver : « Et un grand nombre de
personnes vinrent à lui, et ils disaient : Jean n'a fait aucun miracle. » — S. Augustin : C'est-à-dire qu'il n'a
fait aucun miracle public, il n'a ni chassé les démons, ni rendu la vue aux
aveugles, ni ressuscité les morts. S. Jean Chrysostome : Voyez la force de leurs raisonnements : «
Jean, disent-ils, n'a fait aucun miracle. Jésus, au contraire, en a fait de
nombreux. ce qui établit sa supériorité et sa prééminence. Cependant il ne
faut pas croire pour cela que parce que Jean n'a fait aucun miracle, son
témoignage soit sans autorité, aussi ajoutent-ils : « Tout ce que Jean a
dit de celui-ci était vrai. » Si Jean n'a fait aucun miracle, tous les
témoignages qu'il a rendus à Jésus sont véritables. Donc si l'on devait
ajouter foi aux témoignages de Jean, à plus forte raison doit-on croire à
celui qui, à l'autorité de ce témoignage, joint encore l'autorité des
miracles. C'est ce qui eut lieu en effet : «Et beaucoup crurent en lui. » — S. Augustin : Voici qu'ils s'emparent
de Jésus-Christ, alors qu'il demeure au milieu d'eux, non pas comme les Juifs
qui voulaient se saisir de lui, lorsqu'il s'échappait de leurs mains.
Servons-nous donc aussi de la lampe pour arriver au jour, puisque Jean était
la lampe, et qu'il rendait témoignage au jour. Théophylactus : Il est à remarquer que le Seigneur aimait à
conduire le peuple dans des lieux solitaires, et qu'il les arrachait à la
société des méchants pour leur faire produire des fruits de vertu. C'est
ainsi qu'il avait conduit le peuple hébreu dans le désert pour lui donner la
loi ancienne. Dans le sens mystique, Notre Seigneur s'éloigne de Jérusalem,
c'est-à-dire du peuple juif, et se dirige vers les lieux où les fontaines
abondent, c'est-à-dire vers l'Eglise des nations qui a la fontaine du
baptême, par laquelle un grand nombre parviennent jusqu'à Jésus-Christ en
traversant le Jourdain. |
Caput 11 Lectio 1 [86083] Catena in Io., cap. 11 l. 1 Beda. Dixerat
Evangelista, dominum trans Iordanem abiisse, tuncque Lazarum contigit
infirmari; unde dicitur erat quidam languens Lazarus a Bethania. Hinc est
quod in quibusdam exemplaribus copulativa coniunctio et posita invenitur, ut
sequentia verba superioribus connexa videantur. Interpretatur autem Lazarus
adiutus. Inter omnes enim mortuos quos dominus suscitavit, hic magis ab eo
adiuvatur, quem non solum mortuum, sed quatriduanum suscitavit.
Augustinus in Ioannem. Inter omnia enim miracula quae fecit dominus,
Lazari resurrectio praecipue praedicatur. Sed si attendamus quis fecerit,
delectari debemus potius quam mirari. Ille suscitavit hominem qui fecit hominem
: plus enim est hominem creare quam resuscitare. Infirmabatur autem in
Bethania Lazarus; unde dicitur a Bethania de castello Mariae et Marthae
sororum eius; quod castellum erat proximum Hierosolymis. Alcuinus. Et
quia plures feminae huius nominis erant, ne erraremus in nomine, ostenditur
ex notissima actione; nam sequitur Maria autem erat quae unxit dominum
unguento, et extersit pedes eius capillis suis, cuius frater Lazarus
infirmabatur. Chrysostomus in Ioannem. Igitur primum quidem illud
necessarium discere, quoniam haec non fuit illa meretrix quae in Luca legitur
: haec enim honesta fuit, et studiosa circa Christi susceptionem.
Augustinus de Cons. Evang. Vel aliter. Hoc dicens Ioannes attestatur
Lucae, qui hoc in domo Pharisaei cuiusdam Simonis factum esse narravit : iam
itaque hoc Maria fecerat. Quod autem in Bethania rursus fecit, aliud est,
quod ad Lucae narrationem non pertinet, sed pariter narratur a tribus.
Augustinus de Verb. Dom. Invaserat igitur Lazarum pernicies inimica
languoris; miserandi hominis corpus quotidie edax febris incendium
consumebat. Aderant autem duae sorores languenti, et casum dolentes, iuvenis
aegrotantis lectulo iugiter inhaerebant; unde de eis mox subditur miserunt
ergo sorores eius ad eum, dicentes : domine, ecce quem amas infirmatur.
Augustinus in Ioannem. Non dixerunt : veni et sana; non ausae sunt dicere
: ibi iube, et hic fiet; sed tantummodo ecce quem amas infirmatur.
Chrysostomus. Per hoc enim ad miserendum volunt attrahere Christum; adhuc
enim ei quasi homini intendebant. Ideo autem non iverunt ad Christum, sicut
centurio et regulus, sed mittunt, quia vehementer confidebant de Christo,
propter multam familiaritatem quam habebant ad eum, et quia a luctu
detinebantur. Theophylactus. Et quia mulieres erant, quas non decet de
facili domo exire. Multam autem devotionem et fidei magnitudinem exprimunt,
dicentes ecce quem amas infirmatur : tantam enim potentiam in domino esse
credebant, quod mirum videretur qualiter virum sibi dilectum infirmitas
potuerit occupare. Sequitur audiens autem Iesus dixit eis : infirmitas haec
non est ad mortem : quia ipsa mors non erat ad mortem, sed potius ad
miraculum : quo facto crederent homines in Christum et vitarent veram mortem;
unde sequitur sed pro gloria Dei. Ubi ex obliquo dominus Deum se dixit,
contra haereticos qui dicunt, quod filius Dei non sit Deus. Pro gloria ergo
cuius Dei? Audi quod sequitur : ut glorificetur filius Dei per eam, scilicet
infirmitatem. Chrysostomus. Hoc autem ut non est causale, sed eventus;
nam evenit quidem aliunde infirmitas, usus est autem ea in gloriam Dei.
Sequitur diligebat autem Iesus Martham et sororem eius Mariam et Lazarum.
Augustinus. Ille languens, illae tristes, omnes dilecti. Habebant ergo
spem, quoniam diligebantur ab eo qui est dolentium consolator, languentiumque
sanator. Chrysostomus. Per hoc etiam erudit nos Evangelista non
tristari, si qua infirmitas facta fuerit circa bonos viros et Dei amicos. Lectio 2 [86084] Catena in Io., cap. 11 l. 2 Alcuinus. Dominus,
nuntiata infirmitate Lazari, quousque quatriduum compleretur sanare distulit,
ut mirabilius suscitaret; unde dicitur ut autem audivit quia infirmabatur,
tunc quidem mansit in eodem loco duobus diebus. Chrysostomus. Ut
scilicet expiraret et sepeliretur et dicerent quoniam foetet, ut nullus posset
dicere, quoniam nondum defunctum eum suscitavit, sed stupor fuit, et non
mors. Sequitur deinde post haec dicit discipulis suis : eamus in Iudaeam
iterum. Augustinus. Ubi pene fuerat lapidatus, quia propterea inde
discessisse videbatur ne lapidaretur. Discessit enim ut homo; sed in
redeundo, quasi oblitus infirmitatem, ostendit potestatem. Chrysostomus. Nusquam
autem alibi dominus praedixit discipulis quo iturus esset; sed hic praedicit,
quia formidabant vehementer, ut non repente eos conturbet; nam sequitur
dicunt ei discipuli : Rabbi, nunc quaerebant te Iudaei lapidare, et tu iterum
vadis illuc? Formidabant enim et pro eo et pro seipsis : nondum enim erant in
fide firmati. Augustinus. Cum autem vellent dare consilium homines
Deo, discipuli magistro, corripuit eos; unde sequitur respondit Iesus : nonne
duodecim horae sunt diei? Ut enim diem se ostenderet, duodecim discipulos
elegit. In hoc autem verbo non ipsum Iudam, sed successorem eius praevidebat.
Iuda enim cadente, successit Mathias, et duodenarius numerus mansit. Horae
ergo illustrantur a die, ut per horarum praedicationem credat mundus in diem.
Me ergo sequimini, si non vultis offendere; unde subdit si quis ambulaverit
in die, non offendit, quia lucem huius mundi videt; si autem ambulaverit in
nocte, offendit, quia lux non est in eo. Chrysostomus. Quasi dicat :
qui sibi nihil conscius est nequitiae, nihil patietur versutiae; qui vero
mala agit, patietur. Itaque non oportet formidare : nihil enim dignum morte
gessimus. Vel aliter. Si quis lucem huius mundi videt, securus est; multo
magis qui mecum est, nisi amoverit se a me. Theophylactus. Quidam vero
hunc diem intelligunt tempus praecedens passionem, noctem vero ipsam
passionem. Dicit ergo eis : dum dies est, idest dum nondum imminet tempus
passionis, non offendetis : non enim vos persequentur Iudaei : cum autem nox
venerit, passionem propriam dico, ex tunc noctem possidebitis angustiarum. Lectio 3 [86085] Catena in Io., cap. 11 l. 3 Chrysostomus
in Ioannem. Posita una confortatione discipulorum, hic alio modo eos
confortat, ostendens quoniam non Hierosolymam debent ire, sed in Bethaniam;
unde dicitur haec ait, et post haec dicit illis : Lazarus amicus noster
dormit; sed vado ut a somno excitem eum; quasi dicat : non eo rursus
disputaturus contra Iudaeos, sed amicum nostrum excitaturus : propter hoc
ergo dicit amicus noster, ut ostendat necessarium suum adventum.
Augustinus in Ioannem. Quod autem dixit dormit, verum dixit. Domino
dormiebat, hominibus mortuus erat, qui eum suscitare non poterant : nam dominus
tanta facilitate excitabat de sepulchro, quanta tu excitas dormientem de
lecto. Ergo secundum potentiam suam dixit dormientem, sicut et apostolus
dicit : de dormientibus autem nolo vos ignorare. Dormientes appellavit, quia
resurrecturos praenuntiavit. Sed quomodo interest in ipsis qui quotidie
dormiunt et exurgunt, quid quisque videat in somnis; alii sentiunt laeta
somnia, alii torquentia : sic unusquisque cum causa sua dormit, cum causa sua
surgit. Chrysostomus. Discipuli autem impedire voluerunt eius adventum
in Iudaeam; unde sequitur dixerunt ergo discipuli eius : domine, si dormit,
salvus erit : solet enim esse somnus aegrotantium salutis indicium; quasi
dicant : si dormit, non igitur utile est quod tu vadas ad excitandum eum.
Augustinus. Quomodo ergo intellexerunt discipuli, sic responderunt; unde
sequitur dixerat autem Iesus de morte eius; illi vero putaverunt quod de
dormitione somni diceret. Chrysostomus. Si vero quis dicat : quomodo
non cognoverunt discipuli mortuum esse, ab eo quod dixit vado ut excitem
illum? Stultum enim erat eum ire per tot stadia ut Lazarum a somno excitaret
: istud dicemus, quoniam aestimabant hoc aenigma esse, qualia multa
loquebatur. Augustinus. Quia ergo obscure dixerat dormit, manifestat
quod dixerat; unde sequitur tunc ergo dixit eis manifeste : Lazarus mortuus
est. Chrysostomus. Non autem hic adiecit : vado ut resuscitem eum; non
enim volebat verbis praedicere quod per opera debebat certificare, vanam
gloriam ubique nos fugere docens; et quod non oportet simpliciter promittere.
Sequitur et gaudeo propter vos, ut credatis, quoniam non eram ibi.
Augustinus. Aeger enim, non mortuus fuerat nuntiatus; sed quomodo lateret
eum qui creaverat, ad cuius manus anima morientis exierat? Ait ergo gaudeo
propter vos, ut credatis, quoniam non eram ibi : ut iam inciperent admirari,
quia dominus poterat dicere mortuum, quod nec viderat nec audiverat. Ubi
meminisse debemus quod adhuc etiam ipsorum discipulorum miraculis
aedificabatur fides, non ut esse inciperet, sed ut quae coeperat cresceret.
Quod ergo dicit ut credatis, intelligendum est ut amplius robustiusque
credatis. Theophylactus. Intellexerunt autem quidam hoc sic. Gaudeo,
inquit, pro vobis : nam cum illic non extiterim, confert ad maioritatem fidei
vestrae; quoniam si astitissem, aegrotantem curassem, quod esset modicum
signum ad meae virtutis indicium. Quia vero me absente supervenit mors,
potius in fide mea corroboramini, cum videbitis me posse etiam defunctum
putrescentem resuscitare. Chrysostomus. Igitur omnes discipuli quidem
timebant Iudaeos, super alios vero Thomas; unde sequitur dicit ergo Thomas,
qui dicitur Dydimus, ad condiscipulos : eamus et nos, et moriamur cum eo :
infirmior enim erat aliis et infidelior, postea omnibus fortior factus est et
irreprehensibilis, qui solus orbem terrarum percurrit, et in mediis plebibus
volvebatur volentibus eum interficere. Beda. Vel castigati discipuli
superioribus domini verbis non ausi sunt ultra contradicere; sed Thomas prae
omnibus socios hortatur, ut irent et morerentur cum eo : in quo magna eius
videtur esse constantia : sic enim loquebatur, quasi facere posset quae alios
hortabatur, immemor suae fragilitatis, sicut et Petrus. Lectio 4 [86086] Catena in Io., cap. 11 l. 4 Alcuinus. Dominus
ad hoc venire distulerat ut quatriduum impleretur, ut Lazarus gloriosius
resuscitaretur; unde dicitur venit itaque Iesus, et invenit eum quatuor dies
iam in monumento habentem. Chrysostomus in Ioannem. Manserat enim
dominus duobus diebus, et ante duos dies venerat nuntius, in qua die Lazarus
est defunctus : ipse autem quarta die accessit. Augustinus in Ioannem. De
quatuor autem diebus multa dici possunt. Diversis enim modis una res
significari potest. Est enim unus dies mortis quem homo trahit de mortis
propagine. Sed et legem naturalem transgrediuntur homines : ecce alter dies
mortis. Lex etiam Scripturae data est divinitus per Moysen, et ipsa
contemnitur : adde tertium diem mortis. Venit Evangelium, et ipsum
transgrediuntur homines : ecce quartus dies mortis. Et ad tales excitandos
dominus non dedignatur accedere. Alcuinus. Aliter. Primum peccatum
extitit elatio in corde, secundum consensus, tertium factum, quartum
consuetudo. Sequitur erat autem Bethania iuxta Hierosolymam quasi stadiis
quindecim. Chrysostomus. Quod erat milliaria duo. Hoc autem inducitur
ad ostendendum quod congruum fuit multos Iudaeorum a Hierosolymis adesse;
unde subditur multi autem ex Iudaeis venerant ad Martham et Mariam, ut
consolarentur eas de fratre suo. Sed quomodo Iudaei consolabantur dilectas a
Christo, cum iam statuissent quod si quis Christum confiteretur, extra
synagogam fieret? Sed propter calamitatis necessitatem, aut quasi nobiles has
mulieres reverentes, eas consolabantur; aut quia hi aderant qui non mali
erant : multi enim ex ipsis credebant. Hoc autem dicebat Evangelista ad
ostendendum quod Lazarus vere mortuus erat. Beda. Nondum autem dominus
castellum introierat; unde adhuc extra castellum posito occurrit Martha; unde
sequitur Martha ergo, ut audivit quia Iesus veniret, occurrit illi; Maria
autem domi sedebat. Chrysostomus. Non autem assumit sororem obviam
Christo vadens; vult enim singulariter Christo loqui, et quod factum est ei
annuntiare; cum vero eam in bonam spem duxit, tunc abiit et vocavit Mariam.
Theophylactus. Primo itaque non pandit sorori, volens astantes hoc latere;
quoniam si percepisset Maria Christum accedere, obviam iret, et comitarentur
eam praesentes Iudaei, quibus notum fore adventum Iesu Martha nolebat.
Sequitur dixit autem Martha ad Iesum : domine, si fuisses hic, frater meus
non fuisset mortuus. Chrysostomus. Credebat enim in Christum, sed non
ut oportebat : nondum enim cognoscebat quoniam Deus erat; et ideo dicebat si
fuisses hic, frater meus non fuisset mortuus. Theophylactus. Quasi
diffidens quoniam etiam absens, si vellet, posset prohibere mortem fratris
sui. Chrysostomus. Nondum etiam cognoscebat quod propria virtute hoc
faceret; quod apparet ex hoc quod subditur : sed nunc scio quia quaecumque
poposceris a Deo, dabit tibi Deus : ut de virtuoso quodam et approbato viro
loquens. Augustinus in Ioannem. Non autem dicit ei : rogo te ut
resuscites fratrem meum; unde enim sciebat, si fratri eius resurgere utile
fuerat? Hoc tamen dixit : scio quia potes, si vis, facere : utrum facias,
iudicii tui est, non praesumptionis meae. Chrysostomus. Dominus autem
vera quae non cognoscebat eam docuit; unde sequitur dixit ei Iesus : resurget
frater tuus. Non dixit : petam ut resurgat. Sed si diceret : non indigeo
adiutorio, a me ipso omnia facio, valde fuisset grave mulieri; sed hoc dicere
: resurget, medium erat. Augustinus. Ambiguum autem fuit quod dixit
resurget : non enim ait : modo; et ideo sequitur dicit ei Martha : scio quia
resurget in resurrectione in novissimo die. De illa resurrectione secura sum,
de hac incerta sum. Chrysostomus in Ioannem. Audierat autem mulier
multa a Christo de resurrectione loquente; dominus autem manifestius suam
ostendit auctoritatem : nam subditur dicit ei Iesus : ego sum resurrectio et
vita : ostendens quoniam non indiget alio adiutorio : si enim alio adiutorio
indigeret, qualiter erit resurrectio? Si vero ipse est vita, non loco
circumcluditur, sed ubique existens potest sanare. Alcuinus. Ideo ego
sum resurrectio, quia vita : per quem tunc cum aliis resurget, per eumdem
potest et modo resurgere. Chrysostomus. Illa ergo dicente : quaecumque
petieris, ipse dicit qui credit in me, etiam si mortuus fuerit, vivet :
ostendens quoniam ipse est tributor bonorum, et ab ipso oportet petere. Per
hoc autem eius intellectum elevat : non enim hoc erat solum quod quaerebatur,
ut solum Lazarum suscitaret; sed etiam oportebat eam et qui praesentes erant
discere resurrectionem. Augustinus. Dicit ergo qui credit in me, etiam
si mortuus fuerit in carne, vivet in anima, donec resurget caro, nunquam
postea moritura : nam vita animae fides est. Sequitur et omnis qui vivit in
carne, et credit in me, etiam si moriatur ad tempus propter mortem carnis,
non morietur in aeternum. Alcuinus. Propter vitam spiritus, et
immortalitatem resurrectionis. Sciebat autem dominus, quem nihil latet, quod
hoc credebat; sed confessionem qua salvaretur quaerit; unde sequitur credis
hoc? Ait illi : utique, domine, ego credidi quia tu es Christus filius Dei
vivi, qui in hunc mundum venisti. Chrysostomus. Videtur mihi non
intellexisse mulier quod dictum est; sed quoniam magnum quid erat intellexit,
non tamen cognovit quid est : propterea aliud interrogata, aliud respondit.
Augustinus. Vel aliter. Quando hoc credidi quod filius es Dei, credidi
quia tu es vita : quia et qui credit in te, etiam si moriatur, vivet. Lectio 5 [86087] Catena in Io., cap. 11 l. 5 Chrysostomus
in Ioannem. Ex virtute sermonum Christi interim Martha lucrata est luctus
dissolutionem : ea enim quae ad magistrum erat devotio non permittebat eam
sentire praesentia, quae luctum inducere poterant; unde dicitur et cum haec
dixisset, abiit, et vocavit Mariam sororem suam silentio. Augustinus in
Ioannem. Advertendum, quod suppressam vocem silentium nuncupavit : nam
quomodo siluit, cum subdatur dicens : magister adest, et vocat te?
Chrysostomus in Ioannem. Ideo autem occulte sororem vocat : si enim
scivissent Iudaei Christum advenire, recessissent, et non fuissent testes
miraculi. Augustinus. Advertendum etiam, quemadmodum Evangelista non
dixerit ubi, vel quando, vel quomodo Mariam dominus vocaverit, ut hoc in
verbis Marthae potius intelligeretur, narrationis brevitate servata.
Theophylactus. Sive etiam ipsam Christi praesentiam vocationem reputavit,
quasi dicat : inexcusabile est ut eo praesente tu non exeas obviam ipsi.
Chrysostomus. Omnibus autem assidentibus, illa lugens et plangens non
expectavit ad se venire magistrum, neque dignitatem servavit, neque a luctu
detenta est; sed surgens confestim obviavit; unde sequitur illa ut audivit,
surrexit cito, et venit ad eum. Augustinus. Ex quo patet quod non
illam praevenisset Martha, si ei notus fuisset adventus Iesu. Sequitur nondum
enim venerat Iesus in castellum : sed erat adhuc in illo loco ubi occurrerat
ei Martha. Chrysostomus. Vacantius enim ibat, ut non videatur inicere
seipsum miraculo, sed rogari ab aliis. Hoc igitur vult occulte Evangelista
insinuare : aut quia cito currebat, ut anticiparet eum venientem. Venit autem
non sola, sed omnes trahens Iudaeos; unde sequitur Iudaei igitur qui erant in
domo cum ea, et consolabantur eam, cum vidissent Mariam quia cito surrexit et
exiit, secuti sunt eam, dicentes, quia vadit ad monumentum ut ploret ibi.
Augustinus. Hoc pertinuit ad Evangelistam narrare, ut videamus quae
occasio fuerit quod plures ibi essent quando Lazarus resuscitatus est; ut tam
grande miraculum quatriduani mortui resurgentis testes plures inveniret.
Sequitur Maria ergo cum venisset ubi erat Iesus, videns eum, cecidit ad pedes
eius. Chrysostomus. Ferventior haec sorore erat : non enim turbam
verecundata est, nec suspicionem timuit quam de Christo Iudaei habebant, cum
aliqui inimicorum Christi interessent; sed omnia contempsit humana praesente
magistro, et soli se dabat ei qui ad magistrum honori. Theophylactus. Quamvis
etiam se diminute videbatur habere, dicens domine, si fuisses hic, frater
meus non fuisset mortuus. Alcuinus. Quasi dicat : dum nobiscum
praesens fuisti, non morbus, non infirmitas aliqua apparere ausa est, apud
quas vita noverat habitare sive hospitari. Augustinus de Verb. Dom. O
infidelis conventio. Te adhuc posito in saeculo Lazarus amicus moritur. Si
amicus moritur, inimicus quid patietur? Parum est si non tibi soli superi
serviunt; ecce tuum dilectum Inferi rapuerunt. Beda. Non autem omnia
dixit Maria quae Martha protulerat : quia consueto hominum more lacrymis non
omnia quae voluit et in animo habuit, proferre potuit. Lectio 6 [86088] Catena in Io., cap. 11 l. 6 Chrysostomus
in Ioannem. Mariae loquenti nihil Christus loquitur; neque ea dicit quae
sorori dixerat : turba enim aderat multa, et non erat tempus illorum
verborum. Sed condescendit, et humiliatur, humanam naturam denudans : quia
enim miraculum magnum erat futurum, et multos per id lucraturus, sua
condescensione attrahit testes, et humanam monstrat naturam; unde dicitur
Iesus ergo ut vidit eam plorantem, et Iudaeos qui venerant cum ea plorantes,
infremuit spiritu, et turbavit semetipsum. Augustinus in Ioannem. Quis
enim eum posset nisi ipse turbare? Turbatus est Christus, quia voluit;
esurivit, quia voluit; in illius potestate erat sic vel sic affici, vel non
affici. Verbum enim animam suscepit et carnem, totius hominis sibi coaptans
in personae unitate naturam; ac per hoc ubi summa potestas est, secundum
voluntatis nutum turbatur infirmitas. Theophylactus. Ad approbandam
enim conditionem humanam iubet ei quod suum est prosequi, nec non iniungit ei
virtute spiritus sancti, illamque compescit. Haec autem cuncta naturam pati
dominus connivet, cum approbando quod homo verus et non apparens fuerat, tum
etiam nos monendo, ac metam moestitiae et iucunditati imponendo. Nam ex toto
nec compati nec moerere ferinum, ac horum exuberantia muliebre. Sequitur et
dixit : ubi posuistis eum? Augustinus de Verb. Dom. Non locum sepulti
ignorare credi debuerat, sed fidem populi approbare volebat.
Chrysostomus. Non enim vult ipse se inicere, sed omnia ab aliis discere,
et rogatus facere, ut ab omni suspicione eripiat signum. Augustinus Lib.
83 quaest. Quod et interrogat, vocationem nostram, quae fit in occulto,
arbitror significare. Praedestinatio enim nostrae vocationis occulta est,
cuius secreti signum est interrogatio domini quasi nescientis, cum ipsi
nesciamus : vel quod ignorare se peccatores alio loco dominus ostendit,
dicens : non novi vos; quia in disciplina et praeceptis eius non sunt
peccata. Sequitur dicunt ei : domine, veni et vide. Chrysostomus. Nondum
enim aliquod signum resurrectionis monstraverat : unde ita videbatur iturus
ut lacrymaturus, non ut resuscitaturus, propter hoc ei dicunt veni et vide.
Augustinus. Videt autem dominus quando miseretur; unde illi dicit : vide
humilitatem meam et laborem meum, et dimitte omnia peccata mea. Sequitur et
lacrymatus est Iesus. Alcuinus. Quia fons pietatis erat, flebat pro
parte humanitatis quem resuscitare poterat per potentiam divinitatis.
Augustinus. Quare autem flevit Christus, nisi quia homines flere docuit?
Beda. Est autem hominum consuetudo caros suos mortuos lugere : secundum
hanc consuetudinem Iudaei dominum flere putabant; unde subditur dixerunt ergo
Iudaei : ecce quomodo amabat eum. Augustinus. Quid est amabat eum? Non
veni vocare iustos, sed peccatores ad poenitentiam. Sequitur quidam autem ex
ipsis dixerunt : non poterat hic, qui aperuit oculos caeci nati, facere ut
hic non moreretur? Plus est quod facturus est, ut mortuus suscitetur.
Chrysostomus. Erant autem ex inimicis eius qui hoc dixerunt. Ex quibus
igitur oportebat eius admirari virtutem, ex his ei detrahunt, scilicet ex
illuminatione caeci nati, quasi nec illo miraculo facto. In hoc etiam se
ostendunt esse corruptos, quia nondum Christo adveniente ad monumentum,
praeassumunt accusationes, non exspectantes rei finem. Sequitur Iesus ergo
rursum fremens in semetipso venit ad monumentum. Studiose Evangelista
frequenter dicit quod lacrymatus est, et quod fremuit, ut discas quod vere
nostram naturam induit. Quia enim hic magis aliis Evangelistis magna de eo
loquitur, etiam in rebus corporalibus humiliora dicit. Augustinus in
Ioannem. Fremas autem et in te, si disponis reviviscere; omni homini
dicitur qui premitur pessima consuetudine. Sequitur erat autem spelunca, et
lapis superpositus ei. Mortuus sub lapide, reus sub lege : lex enim quae data
est Iudaeis, in lapide scripta est. Omnes autem rei sub lege sunt, iusto
autem non est lex posita. Beda. Est autem spelunca rupes cavata. Porro
monumentum dicitur eo quod mentem moneat; hoc est, mortuos ad memoriam
revocat. Sequitur ait Iesus : tollite lapidem. Chrysostomus. Sed quare
non lapide iacente fecit resuscitari? Nonne poterat qui corpus movit mortuum
voce, etiam multo magis lapidem movere? Non autem hoc fecit, ut eos testes
faciat miraculi, ut non dicant quod in caeco dixerant : non est hic. Manus
enim, et accessus ad monumentum testabantur quod ipse est. Augustinus. Mystice
autem dicit removete lapidem, removete legis pondus, gratiam praedicate.
Augustinus Lib. 83 quaest. In quo puto illos significari qui venientibus
ad Ecclesiam ex gentibus, onus circumcisionis imponere volebant; vel eos qui
in Ecclesia corrupte vivunt, et offensioni sunt credere volentibus.
Augustinus de Verb. Dom. Iam autem Maria et Martha sorores Lazari, quae
Christum frequenter mortuos resuscitasse viderant, fratrem suum posse
resuscitare penitus non credebant; nam sequitur dicit ei Martha soror eius
qui mortuus fuerat : domine, iam foetet, quatriduanus enim est.
Theophylactus. Hoc autem Martha tamquam diffidens dicit, veluti impossibile
credens posse fratrem suscitari, ob dierum diuturnitatem. Beda. Vel
haec verba non sunt desperationis, sed potius admirationis. Chrysostomus
in Ioannem. Sed hoc etiam quod dicit, valet ad obstruendum indevotos, ut
et miraculum testentur manus tollentes lapidem, et auditus vocem audiens
Christi, et visus videntium Lazarum exire, et odoratus foetorem recipiens.
Theophylactus. Christus autem rememorat mulieri ea de quibus secum
contulerat, et pene ut obliviscenti loquitur; unde sequitur dicit ei Iesus :
nonne dixi tibi, quoniam si credideris, videbis gloriam Dei?
Chrysostomus. Non enim memor erat mulier eius quod Christus dixerat supra
: qui credit in me, etiam si mortuus fuerit, vivet. Et discipulis quidem
dixit : ut glorificetur filius Dei in ea : hic autem gloriam Dei de patre
dicit. Infirmitates enim eorum qui audiebant, causa erant differentiae eorum
quae dicebantur. Nolebat dominus interim turbare adstantes; et ideo dicit
videbis gloriam Dei. Augustinus. In hoc autem est gloria Dei, quia et
foetentem et quatriduanum resuscitat. Sequitur tulerunt ergo lapidem.
Origenes in Ioannem. Mora tollendi lapidem adiacentem ex sorore defuncti
causata est : nisi enim dixisset iam foetet, est enim quatriduanus, non
diceretur dixit Iesus : tollite lapidem. Sustulerunt ergo lapidem : nunc ergo
longe tardius ablatus est. Commodum est igitur nihil interponere inter iussa
Iesu et ipsorum executionem. Lectio 7 [86089] Catena in Io., cap. 11 l. 7 Alcuinus. Quia
Christus secundum hominem minor erat patre, ab illo petit suscitationem
Lazari; atque ideo se exauditum esse dicitur : Iesus autem elevatis sursum
oculis dixit : pater, gratias ago tibi, quoniam audisti me. Origenes in
Ioannem. Elevavit quidem sursum oculos, quoniam intelligentiam humanam
erexit, adducens illam per orationem ad excelsum patrem. Sed et necesse est
volentem ad exemplar orationis Christi orare, elevare oculos cordis sursum,
ac erigere illos a praesentibus rebus memoria, cogitationibus, atque
intentionibus. Si autem digne orantibus huiusmodi quaedam exprimitur a Deo de
propria oratione promissio : adhuc loquente dicam : ecce adsum, quid expedit
arbitrari de domino et salvatore? Erat enim oraturus pro resurrectione
Lazari. Sed praeveniens illius orationem qui solus bonus pater est, exaudivit
dicenda. Pro impletione igitur orationis subdit gratiarum actiones, dicens
pater, gratias ago tibi, quoniam audisti me. Chrysostomus in Ioannem. Hoc
est, nihil est contrarium mei ad te. Non autem ostendit quod ipse non potuit,
vel quod minor sit patre; quia hoc et amicis dicitur, et honore aequalibus.
Ut autem ostendat quoniam non indiget oratione, subiungit ego autem sciebam
quoniam semper me audis; quasi dicat : ad hoc quod fiat voluntas mea, non
indigeo oratione ut tibi suadeam : una enim est nostra voluntas. Hoc autem obumbrate
dicit, propter auditorum imbecillitatem. Deus enim non ita dignitatem suam
respicit, ut ad salutem nostram : propterea excelsa quidem et magna, pauca,
et ipsa occultata, humilia vero multa circumfluunt eius sermonibus.
Hilarius de Trin. Non igitur prece eguit : nobis oravit, ne filius
ignoraretur; unde subditur sed propter populum qui circumstat dixi, ut
credant quia tu me misisti. Cum enim sibi non proficeret deprecationis sermo,
ad profectum tamen nostrae fidei loquebatur. Non inops ergo auxilii est, sed
nos sumus inopes doctrinae. Chrysostomus. Non autem dixit ut credant
quoniam minor sum, quoniam sine oratione non possum facere; sed quoniam tu me
misisti. Non dixit : misisti me imbecillem, servitutem recognoscentem, a
meipso nihil facientem; sed me misisti, ut non Deo contrarium aestiment, nec
dicant : non est ex Deo; et ut ostendam, secundum tuam voluntatem opus hoc
fieri. Augustinus de Verb. Dom. Venit autem Christus ad monumentum in
quo Lazarus dormiebat, et non tamquam mortuum, sed tamquam sanum, tamquam
audire paratum, de sepulchro protinus vocavit; unde sequitur haec cum
dixisset, voce magna clamavit : Lazare, veni foras. Ideo dicit nomen, ne
omnes mortui cogerentur exire. Chrysostomus. Non autem dixit : surge
tu; sed veni foras, ut viventi loquens ei qui mortuus fuerat : propter quod
non dixit : in nomine patris mei veni foras; aut : resuscita eum, pater; sed
haec omnia dimittens, postquam orantis formam acceperat, per res auctoritatem
ostendit : quoniam et hoc sapientiae suae est, per verba quidem
condescensionem, per res vero ostendere potestatem. Theophylactus. Alta
vero salvatoris vox, quae Lazarum suscitavit, indicium est tubae magnae
sonaturae in communi resurrectione. Altius etiam clamavit, ut gentilium ora
refrenet fabulantium, in tumulis esse animas defunctorum : nam quasi foras
manentem eam advocat per clamorem. Sicut autem universalis resurrectio in
ictu oculorum proveniet, sic et haec resurrectio singularis; et ideo sequitur
et statim prodiit qui mortuus fuerat, ligatus manus et pedes institis, et
facies eius sudario erat ligata. Iam mancipatur effectui quod dicitur : venit
hora cum audient defuncti vocem filii Dei, et qui audierint vivent.
Origenes in Ioannem. Nam vox elata et clamor non inconvenienter dicitur
excitasse illum; et sic adimpletum est quod dixerat : vado ut excitem eum.
Sed et pater, qui filium orantem exaudivit, suscitavit Lazarum, ut sic
resurrectio Lazari commune opus sit filii orantis et patris exaudientis.
Sicut enim pater suscitat mortuos et vivificat, sic et filius quos vult
vivificat. Chrysostomus. Exiit autem ligatus, ut non putaretur esse
phantasma. Sed et hoc quod exibat ligatus, non minus videbatur esse quam
resuscitare. Sequitur dicit eis Iesus : solvite eum, ut videlicet tangentes,
et ei appropinquantes, videant quia vere est ille. Sequitur et sinite abire;
et hoc propter humilitatem; non enim ducit eum, neque iubet secum ambulare ad
sui demonstrationem. Origenes. Dixerat autem supra dominus : propter
populum qui circumstat, dixi, ut credant quia tu me misisti : nullo autem
eorum credente hoc dixisset, velut aliquis hominum inscius futurorum; unde ad
hoc removendum subditur multi ergo ex Iudaeis qui venerant ad Mariam et
Martham, et viderant quae fecit crediderunt in eum. Quidam autem ex ipsis
abierunt ad Pharisaeos et dixerunt eis quae fecit Iesus. Continet quid
ambiguum sermo praesens : verum qui iverunt ad Pharisaeos, fuerint ex illis
multis qui crediderant, proponentes conciliare Christo hostiliter se habentes
ad eum; vel alii a credentibus, irritare volentes invidum Pharisaeorum zelum
in ipsum. Et videtur mihi hoc magis Evangelistam exprimere velle : multos
enim dixit qui per hoc quod viderunt crediderunt, veluti paucis existentibus
aliis, de quibus subdit quidam autem ex ipsis abierunt ad Pharisaeos, et
dixerunt eis quae fecit Iesus. Augustinus Lib. 83 quaest. Quamquam
autem secundum Evangelistae historiam resuscitatum Lazarum plena fide
teneamus, tamen in allegoria aliquid significare non dubito; neque cum res
factae allegorizantur, gestae rei fidem amittunt. Augustinus in Ioannem. Omnis
quidem qui peccat moritur; sed Deus magna misericordia animas suscitat, ne
moriantur in aeternum. Intelligimus ergo tres mortuos, quos in corporibus
suscitavit, aliquid significare de resurrectionibus animarum. Gregorius
Moralium. Puellam enim in domo, adolescentem extra portam, in sepulchro
autem Lazarum suscitat. Adhuc quippe in domo mortuus iacet qui iacet in
peccato : iam quasi extra portam ducitur cuius iniquitas usque ad
inverecundiam publicae perpetrationis operatur. Augustinus. Vel intus
est mors, quia cogitatum malum nondum processit in factum. Si autem ipsum
malum fecisti, quasi mortuum extra portam extulisti. Gregorius. Sepulturae
vero aggere premitur qui in perpetratione nequitiae etiam usu consuetudinis
pressus gravatur; sed hos plerumque divina gratia respectus sui lumine
illustrat. Augustinus Lib. 83 quaest. Vel accipiamus Lazarum in
monumento animam terrenis peccatis obrutam. Augustinus in Ioannem. Et
tamen Lazarum dominus amabat : si enim peccatores non amaret, de caelo ad
terras non descenderet. Bene autem de illo qui peccare consueverat, dicitur
foetet : incipit enim habere pessimam famam tamquam odorem teterrimum.
Augustinus liber 83 quaest. Recte etiam dicit quatriduanus est : ultimum
enim elementorum terra est : significat enim puteum terrenorum peccatorum,
idest cupiditatum carnalium. Augustinus in Ioannem. Fremuit autem
dominus, lacrymavit, voce magna clamavit : quia difficile surgit quem moles
consuetudinis premit. Turbat semetipsum Christus, ut tibi significet quomodo
tu turbari debeas, cum tanta mole peccati gravaris et premeris. Fides enim
hominis sibi displicentis fremere debet in accusatione malorum operum, ut
violentiae poenitentis cedat consuetudo peccandi. Quando dicis : illud feci
et pepercit mihi Deus : Evangelium audivi et contempsi : quid facio? Iam
fremit Christus, quia fides fremit; in voce frementis apparet spes
resurgentis. Gregorius Moralium. Dicitur autem Lazaro veni foras, ut
ab excusatione et occultatione peccati ad accusationem suam ore proprio exire
provocetur; ut qui intra conscientiam suam absconsus iacet per nequitiam, a
semetipso foras exeat per confessionem. Augustinus Lib. 83 quaest. Quod
autem Lazarus exiit de monumento, animam significat recedentem a carnalibus
vitiis; quod vero institis obvolutus, hoc est quod etiam a carnalibus
recedentes, et mente servientes legi Dei, adhuc tamen in corpore constituti,
alieni a molestiis carnis esse non possumus; quod autem facies eius sudario
tecta erat, hoc est quod in hac vita plenam cognitionem habere non possumus;
quod autem dicit solvite eum et sinite abire, hoc est quod post hanc vitam
auferuntur omnia velamina, ut facie ad faciem videamus. Augustinus in
Ioannem. Vel aliter. Quando contemnis, mortuus iaces; quando confiteris,
procedis. Quid est enim procedere nisi ab occultis velut exeundo manifestari?
Sed ut confitearis Deus facit, magna voce clamando, idest magna gratia
vocando. Mortuus autem procedens adhuc ligatus est, confitens adhuc reus; ut
autem solverentur peccata eius, ministris hoc dixit : solvite eum, et sinite
abire; quod est : quae solveritis super terram, erunt soluta et in caelis.
Alcuinus. Christus ergo suscitat, quia interius per seipsum vivificat :
solvunt discipuli, quia per ministerium sacerdotum absolvuntur vivificati.
Beda. Per eos autem qui Pharisaeis annuntiaverunt, significantur nonnulli,
qui videntes bona servorum Dei opera, odiis insequuntur et infamare conantur. Lectio 8 [86090] Catena in Io., cap. 11 l. 8 Theophylactus.
Decebat admirari ac extollere eum qui talia peragebat miracula : ipsi vero
potius consiliantur illum occidere; unde dicitur collegerunt ergo pontifices
et Pharisaei Concilium adversus Iesum, et dicebant : quid facimus?
Augustinus in Ioannem. Nec tamen dicebant : credemus; plus enim perditi homines
cogitabant quomodo nocerent et perderent, quam quomodo sibi consulerent ne
perirent; et tamen timebant, et quasi consulebant : dicebant enim quid
facimus, quia hic homo multa signa facit? Chrysostomus in Ioannem. Hominem
eum adhuc vocant qui tantam susceperunt eius deitatis demonstrationem.
Origenes in Ioannem. Est autem per ea quae dicuntur ab ipsis, considerare
eorum insipientiam et caecitatem : insipientiam quippe, quia testificabantur
illum et multa peregisse miracula, et tamen aestimabant se posse adversus eum
aemulari, velut non posset pro se adversus eorum aemulationes. Caecitatis
autem hoc ipsum erat : ad facientem enim tot miracula pertinebat ut se ab
eorum insidiis eximeret : nisi forte crederent quod signa fecit, et putabant
ea non fieri divina virtute. Hi quidem igitur deliberabant non dimittere
ipsum, opinantes se per hoc esse impedimento volentibus credere in eum, et
Romanis, ne eis auferrent terram et gentem; unde sequitur si dimittimus eum
sic, omnes credent in eum, et venient Romani et tollent locum nostrum et
gentem. Chrysostomus. Hoc dicentes, populum volunt concutere, ut
periclitandum ex suspicione tyrannidis; quasi dicant : si Romani viderint eum
turbas ducentem, suspicabuntur nos in tyrannidem velle consurgere, et
destruent nostram civitatem. Sed fictio erat quae dicebantur : quid enim
demonstrabat tale? Armigeros circumferebat, et equitaturas trahebat? Nonne
deserta persequebatur? Sed ut non putentur ob passionem suam hoc dicere,
totam civitatem periclitari dicunt. Augustinus. Vel timuerunt ne si
omnes in Christum crederent, nemo remaneret qui adversus Romanos civitatem
Dei templumque defenderent : quoniam contra ipsum templum et contra suas
paternas leges doctrinam Christi esse sentiebant. Temporalia ergo perdere
timuerunt, et vitam aeternam non cogitaverunt : nam et Romani post domini
passionem et glorificationem tulerunt eis et locum et gentem, expugnando et
transferendo. Origenes. Sed et secundum anagogem, locum eorum qui ex
circumcisione sunt gentes occupaverunt, quia per eorum casum salus gentibus
evenit : loco enim gentium Romani ponuntur, ex regnantibus qui regno suberant
nuncupati. Gens etiam ab eis sublata est : quia qui fuit populus Dei, factus
est non populus. Chrysostomus. Cum autem illi haesitabant, et in
ordine consilii proponebant, dicentes quid facimus? Unus inverecunde et cum
crudelitate clamavit : unde sequitur unus autem ex ipsis, Caiphas nomine, cum
esset pontifex anni illius. Augustinus. Movere potest quomodo dicatur
pontifex anni illius, cum dominus constituerit unum summum sacerdotem, cui
mortuo unus succederet. Sed intelligendum est, per ambitiones et contentiones
inter Iudaeos, postea constitutum esse plures fore pontifices, qui per annos
singulos vicibus ministrarent; et forte etiam in unum annum plures administrabant,
quibus alio anno alii succedebant. Alcuinus. Nam de hoc Caipha
Iosephus refert, quod pretio sibi sacerdotium unius anni redemerit.
Origenes in Ioannem. Increpatur autem Caiphae pravitas in hoc quod dicitur
pontifex anni illius, quo scilicet noster salvator exercuit ministerium
passionis; et tamen cum esset pontifex anni illius, dixit eis vos nescitis
quidquam, neque cogitatis, quia expedit vobis ut unus moriatur homo pro
populo, et non tota gens pereat; quasi dicat : vos sedetis, et adhuc segnius
rem attenditis; sed attendatis, unius hominis salutem pro communi republica
oportere contemnere. Theophylactus. Hoc autem ipse quidem prava dixit
intentione : tamen spiritus sancti gratia ore eius usa est ad futuri
praesagium; unde subditur hoc autem a semetipso non dixit; sed cum esset
pontifex anni illius, prophetavit quia Iesus moriturus erat pro gente.
Origenes. Non quicumque prophetizat, propheta est; sicut non quicumque ius
prosequitur, iustus est, sicut qui facit aliquod opus propter humanam
gloriam. Caiphas ergo prophetavit quidem, nec tamen erat propheta, sicut et
Balaam. Audebit autem quis dicere quod non per spiritum sanctum Caiphas
prophetaverit, quia etiam spiritus maligni est attestari Iesu et prophetare
pro eo, iuxta illud quod dicitur : novimus te quod sis sanctus Dei : nam eius
intentionis est non fideles auditores efficere, sed incitare in praetorio
considentes adversus Iesum, ut eum perimerent. Deinde quod dicit expedit
vobis, quod pars eius prophetiae fuit, dicit verum, vel mentitur? Nam si
verum dicit, salvantur hi qui in praetorio adversus Iesum nituntur, mortuo
Iesu pro populo, et pertingunt ad id quod expedit. Quod si inconveniens est,
manifestum est quod non fuit spiritus sanctus qui dedit haec proferri, quia
spiritus sanctus non mentitur. Si autem quis velit veridicum et in hoc esse
Caipham, concederetur illi quod gratia Dei pro omnibus gustet mortem, et quod
est salvator omnium hominum, maxime fidelium. Fatebitur etiam cuncta quae
sunt in hoc loco prophetiam esse veridicam, incipiendo ab illo vos nihil
scitis; nihil enim noverant qui Iesum ignorabant esse veritatem, sapientiam,
iustitiam et pacem, et quod ipsis quoque erat expediens ut hic unus inquantum
est homo moriatur pro populo; non enim inquantum est imago invisibilis Dei,
est susceptibilis mortis. Pro populo autem obiit, velut potens totius orbis
culpam, in seipsum retorquens, dissipare ac delere. Ex hoc vero quod dicitur
hoc autem a semetipso non dixit, docemur quod aliqua nos homines per nos
dicimus, nulla inducente virtute ad proferendum; quaedam vero suadente nobis
quadam virtute, etsi non integre exprimamus, et sic inconsequenter disponamur
ad ea, insectantes ea quae dicimus, sed non intentionem dictorum; velut
Caiphas ex se nihil protulit, nec dixit intentionem, quia prophetiam dicti
non accipiebat. Sed etiam apud Paulum quidam legisperiti sunt non
intelligentes nec ea quae proferunt. Augustinus. Hic docemur, etiam
homines malos prophetiae spiritu futura praedicere; quod tamen Evangelista
divino attribuit sacramento, quia pontifex fuit, idest summus sacerdos.
Chrysostomus. Vide autem quanta spiritus sancti virtus est : a mente enim
mala valuit verba proferre prophetiae. Vide etiam quanta est pontificalis
virtus potestatis : pontifex enim effectus, etsi indignus existens, tamen prophetavit
nesciens quid diceret : ore enim solum usa est gratia, contaminatum autem cor
non tetigit. Augustinus. Caiphas igitur de sola gente Iudaeorum
prophetavit, in qua erant oves, de quibus ait ipse dominus : non sum missus
nisi ad oves quae perierunt domus Israel. Sed noverat Evangelista alias esse
oves, quae non erant de hoc ovili, quas oportebat adduci; et ideo addidit et
non tantum pro gente, sed ut filios Dei, qui erant dispersi, congregaret in
unum. Haec autem secundum praedestinationem dicta sunt : nam neque oves eius,
neque filii Dei adhuc erant. Gregorius Moralium. Persecutores igitur
peregerunt hoc quod perniciose moliti sunt; intulerunt mortem, ut ab eo
abscinderent fidelium devotionem; sed fides inde crevit unde se hanc
extinguere infidelium crudelitas credidit. Ille enim ad pietatis suae
obsequium redegit quod contra illum humana crudelitas extorsit. Origenes.
Concitati autem ad iram ex verbis Caiphae, taxaverunt ut occiderent
dominum; unde sequitur ab illo ergo die cogitaverunt ut interficerent eum. Et
quidem si non spiritu sancto Caiphas prophetaverat, alius spiritus fuit qui
valuit et per impium loqui, et sibi compares adversum Christum incitare. Qui
autem vult respondere pro spiritu sancto, dicet quod sicut sacrarum
intentionem Scripturarum ad utilitatem prolatam aliqui prave suscipiunt ad
constituendam enormem disciplinam, sic edita pro salvatore prophetiam
veridicam non debito modo percipientes, consiliati sunt ut interficerent
Christum. Chrysostomus. Quaerebant quidem et prius eum interficere,
nunc et sententiam firmaverunt. Lectio 9 [86091] Catena in Io., cap. 11 l. 9 Origenes
in Ioannem. Cum Concilium congregaverunt pontifices et Pharisaei ut
occiderent Iesum, ipse cautius se observans non ultra cum fiducia
conversabatur cum Iudaeis; sed neque ad aliam civitatem abiit populatam, sed
ad quamdam remotam : unde dicitur Iesus ergo iam non in palam ambulabat apud
Iudaeos; sed abiit in regionem iuxta desertum, in civitatem quae dicitur
Ephrem. Augustinus in Ioannem. Non quia potentia eius defecerat, in qua, si
vellet, palam cum Iudaeis conversaretur, et nihil ei facerent; sed exemplum
discipulis demonstravit, quo appareret non esse peccatum, si fideles eius
oculis persequentium se subtraherent, et furorem sceleratorum latendo potius
evitarent, quam se ostendendo magis accenderent. Origenes. Honestum
namque est imminente agone confitenti Iesum non evitare confessionem, nec
recusare subire mortem gratia veritatis; nec minus honestum est non tradere
occasionem tantae tentationi, non solum propter incertitudinem eventus
proprii, sed ne nos occasionem praestemus ut alii magis impii ac noxii fiant
: nam si quis factus erga quemquam materia criminis luet poenas, quo modo
persecutorem non declinans, non etiam et persequentis delicto dabit
responsum? Non solus autem dominus illuc ivit, immo, ut nullam daret causam
perquirentibus eum, discipulos etiam secum duxit; unde sequitur et ibi
morabatur cum discipulis suis. Chrysostomus in Ioannem. Qualiter putas
turbatos discipulos humane videntes eum salvatum? Ipsi autem, quando omnes
laetabantur et festa celebrabant, tunc occultantur, et in periculis sunt; sed
tamen permanebant cum eo, secundum illud : vos estis qui permansistis mecum
in tentationibus meis. Origenes. Quo ad anagogiam vero dicatur, quod
Iesus dudum cum fiducia ambulabat inter Iudaeos, cum verbum divinum per
prophetas in ipsis conversabatur; sed abiit illinc, nec est verbum Dei inter
Iudaeos. Accessit autem ad villam quae est prope desertum, de qua dicitur :
multi filii desertae magis quam coniugatae. Villa autem dicitur Ephrem, qui
interpretatur fertilitas. Fuit autem Ephraim frater Manasse senioris populi
oblivioni traditi : post populum enim oblivioni datum et praetermissum
prodiit ex gentibus abundantia. Discedens ergo a Iudaeis dominus, venit in
terram totius orbis prope desertam Ecclesiam, quae dicitur civitas fecunda;
et ibi moratur cum discipulis usque nunc. Augustinus in Ioannem. Ille
autem qui de caelo venerat pati, propinquare voluit loco passionis, quia
imminebat hora passionis; unde sequitur proximum autem erat Pascha Iudaeorum.
Habebant Iudaei Pascha in umbra, nos in luce : sanguine occisi pecoris
Iudaeorum postes signati sunt; sanguine Christi frontes nostrae signantur.
Illum diem festum Iudaei cruentum habere domini sanguine voluerunt; illo die
festo occisus est agnus, qui eumdem diem festum suo sanguine consecravit.
Mandatum autem erat in lege Iudaeis ut die festo, quo Pascha erat, omnes
undique convenirent, et illius diei celebratione sanctificarentur; unde
sequitur et ascenderunt multi Hierosolymam de regione ante Pascha ut
sanctificarent seipsos. Theophylactus. Ascenderunt autem ante Pascha
ut purgarentur : quoniam quicumque peccaverant inviti vel spontanei, Pascha
non celebrabant, nisi prius expiarentur, ut moris erat, balneationibus et
ieiuniis, ac rasura, quin etiam quasdam deputatas oblationes offerendo. Hi
ergo expiationem celebrantes, insidiantur domino; unde sequitur quaerebant
ergo Iesum, et colloquebantur ad invicem in templo stantes : quid putatis
quia non venit ad diem festum? Chrysostomus. Insidiabantur ei, et
tempus festi tempus faciebant occisionis. Origenes. Et propter hoc non
dixit Pascha domini, sed Iudaeorum : nam salvator in illo patiebatur insidias.
Alcuinus. Illi ergo quaerebant Iesum non bene; nos autem quaerimus eum
stantes in templo Dei, mutuo nos consolando et exorando ut veniat ad diem
festum nostrum, et sua praesentia nos sanctificet. Theophylactus. Sed
si talia solum vulgus perageret, videretur utique passio ex imperitia
progredi; sed etiam Pharisaei praecipiunt ut capiatur; unde sequitur dederant
autem pontifices et Pharisaei mandatum ut si quis cognoverit ubi sit, indicet
ut apprehendant eum. Origenes. Et attende, quod ignorabant ubi est :
ostensum est enim eum discessisse. Dices etiam quoniam insidiantes Iesu
ignorabant ubi sit : propter quod dederunt alia quam divina mandata, docente
disciplinas et mandata hominum. Augustinus. Nos autem indicemus modo
Iudaeis ubi sit. Utinam velint audire et apprehendere. |
CHAPITRE XI
Versets 1-5.
S. Bède : L'Evangéliste venait de dire que le Seigneur
était allé au delà du Jourdain, et que c'est alors que Lazare tomba malade :
« Or, il y avait un homme malade, nommé Lazare, de Béthanie. » De là vient
que dans quelques exemplaires la conjonction copulative se trouve placée en tête
de ce récit, de manière à le rattacher à ce qui précède. Le mot Lazare
signifie qui a été secouru; car de tous les morts que Jésus a
ressuscites, Lazare est celui qui a reçu le secours le plus signale, puisque
non-seulement Il était mort, mais dans le tombeau depuis quatre jours,
lorsqu'il fut ressuscité. — S.
Augustin : (Traité 49, sur S. Jean). La résurrection de Lazare est un des plus éclatants miracles qu’ait
opéré Noire-Seigneur. Mais si nous considérons l'auteur de ce miracle, notre
joie doit être plus grande que notre étonnement. Celui qui a ressuscité un
homme, est celui-là même qui a créé l'homme; car, créer l'homme est un acte,
de puissance plus grande que de le ressusciter. Or, Lazare était malade à
Béthanie, bourg où demeuraient Marthe et Marie, sa sœur, selon la remarque de
l'Evangéliste. Ce bourg était proche de Jérusalem. — Alcuin : Et, comme il y avait plusieurs hommes du nom de Marie,
pour nous faire éviter toute erreur, l'Evangéliste caractérise celle, dont il
s'agit par une action très connue : « Marie était celle qui oignit de parfum
le. Seigneur, » etc. S. Jean Chrysostome : (hom. 62 sur S. Jean). Ce qu'il faut savoir tout
d'abord, c'est, que ce ne fut pas cette femme de mauvaise vie dont il est
parlé dans saint Luc. La sœur de Lazare était une femme vertueuse et
empressée à recevoir le Sauveur. — S.
Augustin : (de l'accord des Evang., 2, 79). Ou bien encore, en s'exprimant de la sorte, saint Jean rend
témoignage au récit
de saint Luc, qui raconte, que
ce fait se passa dans la maison d'un pharisien appelé Simon. Marie avait donc
déjà répandu des parfums sur la tête de Jésus; elle renouvela cette action à
Béthanie, comme le racontent les trois autres évangélistes, à l'exclusion de
saint Luc, qui n'en parle point, parce que ce fait était étranger à son
récit. S. Augustin : (Serm. 52, sur les par. du Seig). Lazare était donc
atteint d'une langueur mortelle, et le feu dévorant de la fièvre consumait de
jour en jour le corps de cet infortuné. Ses deux sœurs lui prodiguaient leurs
soins, et, pleines de compassion pour leur jeune frère souffrant, elles
restaient constamment près de son lit. Aussi les voyons-nous agir aussitôt
dans son intérêt, « Ses sœurs donc envoyèrent dire à Jésus : Seigneur,
voilà que celui que vous aimez est malade. » — S. Augustin : (Traité 49). Elles ne lui disent pas :
Venez, et guérissez-le; elles n'osent lui dire : Commandez là où vous êtes,
et la guérison aura lieu ici; elles se contentent de lui dire : « Voilà que
celui que vous aimez est malade, » c'est-à-dire, il suffit que vous en soyez
averti, car vous n'abandonnez jamais celui que vous aimez. S. Jean Chrysostome : (hom. 62). Elles veulent, par ce message, réveiller
la compassion pour son ami dans le cœur de Jésus; car elles agissaient encore
avec lui comme avec un homme. Elles ne vinrent point trouver le Sauveur comme
le Centurion et l'officier du roi; mais elles envoient vers lui, parce que la
grande intimité qu'elles avaient avec Jésus-Christ leur inspirait une vive
confiance dans sa bonté, et que d'ailleurs leur tristesse les retenait chez
elles. — Théophylactus : Ajoutons
qu'il ne convient pas à des femmes de sortir trop facilement de leur maison.
Mais quelle foi et quelle, confiance dans cette courte prière : « Voilà que
celui que vous aimez est malade ! » Elles reconnaissent dans le Seigneur
une si grande puissance, qu'il leur paraît surprenant que la maladie ait pu
atteindre un homme qui lui était si cher. « Ce qu'entendant Jésus, il leur
dit : Cette maladie n'est pas pour la mort. » — S. Augustin : (Traité 49). La mort elle-même de Lazare
n'était pas pour la mort, mais plutôt pour donner lieu à un grand miracle qui
fit croire les hommes en Jésus-Christ et leur fit éviter la véritable mort.
C'est pour cela qu'il ajoute : « Mais elle est pour la gloire de Dieu. »
C'est ainsi qu'il prouve indirectement qu'il est Dieu, contre les hérétiques,
qui prétendent que le Fils de Dieu n'est pas Dieu. Notre Seigneur explique,
du reste, ces paroles : « Elle est pour la gloire de Dieu, » en ajoutant
: « Afin que le Fils de Dieu en soit glorifié, » c'est-à-dire par cette
infirmité. — S. Jean Chrysostome : (hom.
62). La particule ut, afin, n'exprime pas ici la cause, mais ce
qui arriva en effet, c'est-à-dire que l'infirmité eut une autre cause, et que
Jésus la fit servir à la gloire de Dieu. « Or, Jésus aimait Marthe, Marie, sa sœur, et Lazare. » — S. Augustin : Lazare était malade,
ses sœurs dans la tristesse, et tous étaient aimés de Jésus. Ils étaient donc
pleins d'espérance, parce qu'ils étaient aimés de celui qui est le consolateur
des affligés et le salut des infirmes.— S.
Jean Chrysostome : (hom. 62). L'Evangéliste veut encore nous
apprendre, par cette réflexion, à ne point nous attrister lorsque nous voyons
des hommes de bien, des amis de Dieu éprouvés par la maladie et la souffrance. Versets 6-10.
Alcuin : — Notre Seigneur ayant appris la maladie de
Lazare, diffère de le guérir et attend quatre jours entiers, afin d'avoir
l'occasion d'opérer un plus grand miracle en le ressuscitant. « Ayant
donc appris qu'il était malade, il demeura encore deux jours au lieu où il
était. » — S. Jean Chrysostome : Il
attend que Lazare ait rendu le dernier soupir, qu'il soit enseveli, qu'il
exhale déjà une odeur infecte, afin que personne ne puisse dire : Il n'était
pas encore mort lorsqu'il a paru le ressusciter; ce n'était qu'une léthargie,
et non une mort véritable. « Après cela, il dit à ses disciples : Retournons en Judée. » — S. Augustin : (Traité 49). Dans
la Judée, où il avait failli être lapidé, et d'où il était parti comme un
homme qui veut se dérober an danger; mais en revenant, il semble oublier sa
faiblesse, pour ne faire paraître que sa puissance. — S. Jean Chrysostome : (hom. 62). Nulle part ailleurs on ne
le voit prévenir ses disciples du lieu où il doit aller; il le fait ici, parce
qu'ils redoutaient grandement ce voyage, et qu'il veut leur épargner un trop
vif sentiment de terreur ! « Ses disciples lui dirent : Maître, tout à
l'heure les Juifs voulaient vous lapider, et vous retournez là ? » Ils
craignaient tout à la fois pour lui et pour eux, car ils n'étaient pas encore
affermis dans la foi. S. Augustin : Les hommes voulurent donc donner un conseil
à Dieu, les disciples à leur Maître; aussi les en reprend-il immédiatement :
« N'y a-t-il pas douze heures au jour ? » C'est pour signifier qu'il est
lui-même le jour, qu'il a choisi douze disciples. En parlant ainsi, il avait
en vue, non point Judas, mais son successeur; car, après la chute de Judas,
Matthias lui succéda, et la perfection du nombre douze demeura dans son
intégrité. Les heures sont éclairées par la lumière du jour, et c'est par la
prédication des heures que le monde est amené à croire à celui qui est le
jour. Suivez-moi donc, si vous ne voulez pas vous heurter, car : « Si
quelqu'un marche pendant le jour, il ne se heurte point, » etc. — S. Jean Chrysostome : (hom. 62).
C'est-à-dire, celui qui a la conscience pure de tout crime, n'aura rien à
craindre d'aucune embûche; mais celui qui fait le mal, en souffrira la peine.
Ne craignons donc point, car nous n'avons rien fait qui mérite la mort. Ou
bien encore, celui que marche à la lumière extérieure de ce monde, est en
pleine sécurité; à plus forte raison celui qui marche avec moi, à la
condition qu'il ne s'écartera jamais de moi. Théophylactus : Il en est qui par le jour entendent le temps
qui a précédé sa passion, et par la nuit, sa passion elle-même : Il leur dit
donc : « Pendant qu'il est jour, » c'est-à-dire avant que le temps de ma
passion soit proche, vous n'avez rien à craindre, les Juifs ne vous
persécuteront point. Mais lorsque la nuit sera venue, c'est-à-dire ma
passion, alors vous serez comme plongés dans une nuit de tribulations. Versets 11-16.
S. Jean Chrysostome : (hom. 62 sur S. Jean). A ce premier encouragement
donné aux Apôtres, le Sauveur eu ajoute un second, en leur apprenant que ce
n'est pas à Jérusalem, mais à Béthanie, qu'ils doivent se rendre : « Il leur
parla ainsi, et ensuite il leur dit : Notre ami Lazare dort, mais je vais le
tirer de son sommeil, » c'est-à-dire je ne retourne pas en Judée pour avoir de
nouvelles discussions avec les Juifs, j'y vais pour réveiller notre ami. Il
dit : « Notre ami, » pour leur faire comprendre la nécessité de son voyage. —
S. Augustin : Rien de plus exact
que cette expression : « Lazare dort. » Aux yeux des hommes qui ne pouvaient
pas le ressusciter Lazare était mort, mais pour le Seigneur il n'était qu'un
homme endormi, car il pouvait plus facilement faire sortir un mort du
tombeau, que vous ne pouvez réveiller un homme endormi. Il dit donc de Lazare
qu'il dort, au point de vue de sa puissance, c'est dans ce sens que l'Apôtre
lui-même a dit : « Nous ne voulons pas, mes frères, que vous ignoriez ce que
vous devez savoir touchant ceux qui dorment. (1 Th 4, 12). Il
appelle la mort des chrétiens un sommeil, parce qu'il annonçait leur
résurrection. Mais de même qu'il y a une différence entre ceux que nous
voyons tous les jours dormir et s'éveiller, et que les mêmes images ne se
présentent pas à eux dans le sommeil, les uns ont des songes agréables, les
autres en ont d'affreux; ainsi chacun s'endort du sommeil de la mort, et se
réveille avec une cause de jugement qui lui est propre. S. Jean Chrysostome : (hom. 62). Ses disciples voulurent de nouveau s'opposer à
son retour dans la Judée : « Ses disciples lui dirent : S'il dort, il
guérira, » car le sommeil est pour les malades un signe de guérison. Ils
semblent donc lui dire : S'il dort, il est inutile que vous alliez le
réveiller de son sommeil. — S.
Augustin : (Traité 49). La réponse des disciples est conforme au
sens qu'ils ont donné aux paroles du Sauveur : « Jésus, dit l'Evangéliste,
voulait parler de la mort de Lazare, mais ils pensaient qu'il parlait de
l'assoupissement du sommeil. » — S.
Jean Chrysostome : (hom. 62). Mais, dira-t-on, comment les
disciples ne comprirent-ils pas que Lazare était mort, lorsque Jésus leur dit
: « Je vais le réveiller de son sommeil ? » N'était-il pas ridicule de faire
un voyage de plusieurs stades pour le réveiller simplement de son sommeil ?
Nous répondrons que les disciples virent dans cette manière de parler un
langage figuré qui était très-ordinaire au Sauveur. — S. Augustin : Il ne tarde pas du reste à expliquer ce qu'il y
avait d'obscur dans cette expression : « Alors Jésus leur dit clairement
: Lazare est mort. » — S. Jean
Chrysostome : (hom. 62). Il n'ajoute pas ici : Je vais le
ressusciter, car il ne voulait point proclamer par ses paroles ce que ses
œuvres devaient suffisamment établir; et il nous apprend ainsi tout à la fois
à fuir la vaine gloire, et à ne pas nous contenter de faire de simples
promesses. « Et je me réjouis à cause de vous, de ce que je n'étais pas là. » — S. Augustin : (Traité 49). On
lui avait annoncé la maladie et non la mort de Lazare; mais que pouvait
ignorer celui qui l'avait créé, et entre les mains duquel son âme était
retournée au sortir de son corps ? « Il leur dit donc : Je me réjouis à cause
de vous de ce que je n'étais pas là, afin que vous croyiez. » Ce devait être
déjà pour eux un premier sentiment d'étonnement d'entendre le Seigneur leur
annoncer une chose qu'il n'avait ni vue, ni entendue, la mort de Lazare. Nous
devons ici nous rappeler que la foi des Apôtres eux-mêmes s'appuyait encore
sur les miracles, non pour commencer d'être, mais pour se développer. Ces
paroles : « Afin que vous croyiez, » signifient donc : Afin que votre
foi devienne plus ferme et plus robuste. Théophylactus : Voici une autre explication : « Je me
réjouis à cause de vous, » car mon absence, lors de la mort de Lazare, doit
être pour vous un nouveau motif de foi. En effet, si j'eusse été présent, je
l'aurais guéri de sa maladie, ce qui n'eût donné qu'une faible idée de ma
puissance. Mais comme sa mort est arrivée en mon absence, votre foi en moi
n'en deviendra que plus forte, lorsque vous verrez que je puis ressusciter un
mort qui tombe déjà en pourriture. S. Jean Chrysostome : (hom. 62). Tous les disciples avaient une grande crainte
des Juifs, mais par-dessus tout Thomas : « Sur quoi Thomas, qui est appelé
Didyme, dit aux autres disciples : Allons et mourons avec lui. » Il était le
plus faible de tous et celui qui avait le moins de foi, mais il devint par la
suite le plus fort et le plus indomptable, parcourant seul le monde entier,
et se trouvant tous les jours au milieu de peuples qui voulaient le mettre à
mort. — S. Bède : On peut encore
dire que les disciples, instruits par les paroles qui précèdent, n'osèrent
plus contredire leur divin Maître; mais Thomas entre tous exhorte les autres
disciples à suivre leur Maître et à mourir avec lui. Il donne en cela une
grande preuve de courage; car il parle ainsi comme un homme qui était disposé
à faire ce qu'il conseille aux autres, et qui, comme plus tard Pierre,
oubliait sa propre fragilité. Versets 17-27.
Alcuin : Le dessein de Notre Seigneur en retardant
son départ, était de laisser passer quatre jours et de rendre plus glorieuse
la résurrection de Lazare : « Jésus vint donc et il le trouva mis dans le
sépulcre depuis quatre jours. » — S.
Jean Chrysostome : (hom. 62). Le Sauveur était encore resté deux
jours dans le même endroit, et l'envoyé était arrivé deux jours auparavant,
le jour même de la mort de Lazare, c'est donc le quatrième jour que Notre
Seigneur vint à Béthanie. S. Augustin : On peut expliquer ces quatre jours de
plusieurs manières différentes, car une même chose peut avoir diverses
significations. Le péché que l'homme reçoit avec la transmission de la vie
est un premier jour de mort; la transgression de la loi naturelle est un
second jour de mort; le troisième c'est le mépris de la loi écrite, que Dieu
a donnée par Moïse, et la violation de la loi de l'Evangile est le quatrième
jour de mort. Or, le Seigneur ne dédaigne pas de venir pour ressusciter de
semblables morts. — Alcuin : Ou
bien encore, le premier péché qui a existé, c'est l'enflure du cœur; le
second, le consentement; le troisième, l'acte; le quatrième, l'habitude. « Or, Béthanie était près de Jérusalem, à quinze stades environ,
» c'est-à-dire à deux mille. L'Evangéliste fait cette remarque pour montrer
qu'il était très-naturel qu'un grand nombre de Juifs fussent venus de Jérusalem
: « Beaucoup de Juifs étaient venus près de Marthe et de Marie pour les
consoler de la mort de leur frère; » Mais comment les Juifs purent-ils venir
consoler les amies de Jésus, après avoir décidé que celui qui le
reconnaîtrait pour le Christ, serait chassé de la synagogue ? Ils vinrent les
consoler ou à cause des convenances dues au malheur, ou par égard pour la
condition élevée des deux sœurs de Lazare. Ou bien encore, ceux qui vinrent
n'étaient pas de ceux qui s'étaient déclarés contre Jésus; car un grand
nombre d'entre eux croyaient en lui. Or, l'Evangéliste fait mention de cette
circonstance, comme preuve que Lazare était véritablement mort. S. Bède : Notre Seigneur n'était pas encore entré dans
le bourg de Béthanie, et c'est au dehors du bourg que Marthe vient au-devant
de lui : « Marthe ayant donc appris que Jésus venait, alla au-devant de lui.
» — S. Jean Chrysostome : Elle n'a
point pris sa sœur avec elle pour aller au-devant de Jésus-Christ, elle veut
lui parler en particulier, l'informer de ce qui est arrivé, et ce n'est
qu'après que Jésus lui a donné bon espoir qu'elle retourne appeler Marie. — Théophylactus : Elle ne fait pas
connaître d'abord son dessein à sa sœur, parce qu'elle veut le laisser
ignorer à ceux qui étaient présents. Si, en effet, Marie eut appris que Jésus
approchait, elle eût été à sa rencontre, et les Juifs qui étaient Tenus
l'auraient accompagnés. Or, Marthe ne voulait pas leur faire connaître
l'arrivée de Jésus. « Marthe dit donc à Jésus : Seigneur, si vous eussiez été ici, mon
frère ne serait pas mort. » — S. Jean
Chrysostome : (hom. 62). Elle croyait en Jésus-Christ, mais sa foi
n'était pas encore ce qu'elle devait être; elle ne savait pas encore qu'il
était Dieu, voilà pourquoi elle lui disait : « Si vous eussiez été ici, mon
frère ne serait pas mort. » — Théophylactus
: Elle paraît douter que Jésus tout absent qu'il était, eût pu, s'il
l'eût voulu empêcher son frère de mourir. — S. Jean Chrysostome : Elle ne savait pas encore non plus que
Jésus agirait ici en vertu de sa propre puissance, comme nous le voyons dans
ce qu'elle dit au Sauveur : « Cependant, maintenant encore, je sais que tout
ce que vous demanderez à Dieu, Dieu vous le donnera, » elle regarde ici Jésus
comme un homme vertueux et aimé de Dieu. — S. Augustin : (Traité 49). Elle ne lui dit pas : Je vous
prie de ressusciter mon frère; car comment pouvait-elle savoir qu'il serait
utile à son frère de ressusciter ? Elle se contente de dire au Sauveur : « Je
sais que vous pouvez le faire, si vous le voulez, mais ce n'est pas à moi,
c'est à vous seul qu'il appartient de juger, s'il est utile de le faire. » — S. Jean Chrysostome : Notre Seigneur lui
enseigne alors la vérité qu'elle ne savait point : « Jésus lui répondit
: Votre frère ressuscitera. » Il ne lui dit pas : Je demanderai à Dieu qu'il
ressuscite. Il ne dit pas non plus : Je n'ai pas besoin de secours, je fais
tout de moi-même, ce qui eût paru surprenant à cette femme; il prend un moyeu
terme et lui dit : « Votre frère ressuscitera. » — S. Augustin : Il y avait cependant quelque ambiguïté dans cette
expression : « Il ressuscitera, » puisque Jésus ne disait pas : Il va
ressusciter actuellement. Aussi Marthe lui dit : « Je sais qu'il ressuscitera
à la résurrection, au dernier jour, » je suis certaine de cette résurrection,
mais je ne le suis pas de celle qui aurait lieu immédiatement. S. Jean Chrysostome : (hom. 62). Marthe avait souvent entendu Jésus-Christ
parler de la résurrection; il lui fait donc connaître ici clairement sa
puissance : « Jésus lui dit : Je suis la résurrection et la vie. »
Il loi prouve ainsi qu'il n'a point besoin d'un secours étranger, car si ce
secours lui était nécessaire, comment serait-il la résurrection ? S'il est
loi-même la vie, il n'est limité par aucun espace, il existe partout, et
partent aussi il peut faire sentir sa vertu bienfaisante. — Alcuin : Je sois la résurrection, par
la même raison que je suis la vie, et celui qui un jour doit ressusciter
votre frère avec tous les autres hommes, peut aussi bien le ressusciter dès
aujourd'hui. — S. Jean Chrysostome : Marthe
lui a dit : « Tout ce que vous demanderez, Dieu vous le donnera; » et Jésus
lui répond : « Celui qui croit en moi, fût-il mort, vivra, » il lui apprend
ainsi qu'il est le dispensateur de tous les biens, et que c'est à lui qu'il
faut les demander, et il élève en même temps son intelligence à de plus
hautes pensées, car il ne se proposait pas seulement de ressusciter Lazare,
mais de rendre tous ceux qui étaient présents témoins de sa résurrection. — S. Augustin : Voici donc
l'explication des paroles du Sauveur : « Celui qui croit en moi, fût-il mort
(dans son corps), vivra (dans son âme), jusqu'au jour où son corps
ressuscitera pour ne plus mourir, car la vie de l'âme c'est la foi. » Il
ajoute : « Et quiconque vit (de la vie du corps) et croit en moi (quand
bien même il viendrait à perdre pour un temps cette vie du corps), il ne
mourra point pour toujours. — Alcuin :
A cause de la vie de l'esprit et de l'immortalité de la résurrection. Le
Seigneur, pour qui rien n'est caché, savait que Marthe croyait ces vérités,
mais il voulait qu'elle fit extérieurement la profession de foi qui sauve. Il
lui demande donc : « Croyez-vous cela ? » Elle lui répondit : « Oui,
Seigneur, je crois que vous êtes le Christ, le Fils du Dieu vivant, qui êtes
venu en ce monde. » — S. Jean
Chrysostome : (hom. 62). Marthe ne me parait pas avoir compris
entièrement ce que Jésus lui avait dit; elle comprit qu'il s'agissait d'un
grand mystère, mais elle ne savait encore ce que c'était; aussi ne
ré-pond-elle pas directement à la question que lui fait le Sauveur. — S. Augustin : Ou bien encore : en
croyant que vous êtes le Fils de Dieu, je crois que vous êtes la vie, car
celui qui croit en vous, vivra alors même qui perdra la vie du corps. Versets 28-32.
S. Jean Chrysostome : (hom. 63). Les paroles de Jésus-Christ eurent la puissance
de mettre fin à la douleur de Marthe, car la pieuse affection qu'elle avait
pour le divin Maître ne lui permettait pas de se livrer à l'affliction que
lui causait la mort de son frère : « Lorsqu'elle eut parlé ainsi, elle
s'en alla et appela à voix basse Marie, sa sœur. » — S. Augustin : (Traité 49).
L'Evangéliste dit qu'elle l'appela en silence, c'est-à-dire, à voix basse,
car comment dire qu'elle a fait tout en silence, puisqu'elle lui dit : « Le
Maître est là, il vous appelle ? » — S.
Jean Chrysostome : (hom. 63). Elle appelle sa sœur en secret, car
si les Juifs eussent appris l'arrivée de Jésus, ils se seraient retirés et
n'eussent pas été témoins du miracle. S. Augustin : Il est à remarquer que l'Evangéliste ne dit
ni le lieu, ni le moment où le Seigneur appela Marie, ni de quelle manière;
pour abréger son récit, il ne nous fait connaître cette circonstance que par
les paroles de Marthe. — Théophylactus
: Peut-être aussi Marthe regarda-t-elle la présence seule de Jésus-Christ
comme un appel, et semble-t-elle dire à sa sœur : Vous seriez inexcusable si,
le Seigneur étant là, vous n'alliez pas à sa rencontre. S. Jean Chrysostome : (hom. 63). Un cercle d'amis entouraient Marie, plongée
dans la douleur et dans les larmes. Cependant elle n'attend pas que le Maître
vienne la trouver, elle n'est retenue ni par les bienséances de sa condition,
ni par son profond chagrin, elle se lève aussitôt pour aller à sa rencontre :
« Ce que celle-ci ayant entendu, elle se leva aussitôt et vint à lui. »
— S. Augustin : Nous voyons par-là
que Marthe n'eût pas eu besoin de prévenir sa sœur, si Marie eût connu
l'arrivée de Jésus. « Car Jésus n'était pas encore entré dans le bourg. » — S. Jean Chrysostome : Notre Seigneur approchait
lentement, il ne voulait point paraître se jeter au-devant du miracle, mais
il attendait qu'on vînt l'en prier, c'est ce que l'Evangéliste semble vouloir
indiquer en termes couverts, lorsqu'il dit que Marie se leva aussitôt, ou bien
il veut nous apprendre qu'elle vint à sa rencontre pour prévenir son arrivée.
Or elle vint, non pas seule, mais accompagnée de tous les Juifs qui étaient
avec elle : « Cependant les Juifs, qui étaient dans la maison avec Marie, et
la consolaient, la suivirent, » etc. — S.
Augustin : L'Evangéliste a pris soin de mentionner cette circonstance,
pour nous apprendre la raison pour laquelle il y avait tant de monde, lorsque
Lazare fut ressuscité; c'était pour qu'un plus grand nombre fussent témoins
d'un aussi grand miracle que la résurrection d'un mort de quatre jours. « Lorsque Marie fut arrivée au lieu où était Jésus, le voyant,
elle se jeta à ses pieds. » — S. Jean
Chrysostome : (hom. 63). Marie était plus ardente que sa sœur,
elle n'est arrêtée ni par la multitude, ni par les préjugés que les Juifs
avaient contre Jésus-Christ, ni par la présence de plusieurs de ses ennemis
personnels, la vue du Sauveur lui fait mépriser toutes les considérations
humaines, et elle n'est préoccupée que d'une seule pensée, l'honneur de sou
divin Maître. — Théophylactus : Cependant
elle ne parait pas avoir de lui une idée encore assez relevée, en lui disant
: « Seigneur, si vous eussiez été ici, mon frère ne fût pas mort. » — Alcuin : Tant que vous êtes demeuré
avec nous, aucune maladie, aucune infirmité n'ont osé apparaître chez celles
qui avaient pour hôte et pour habitant la vie elle-même. — S. Augustin : (serm. 52 sur
les paroles du Seigneur). Quel pacte déloyal ! Lazare, votre ami,
meurt pendant que vous êtes encore sur cette terre, et si vous laissez mourir
votre ami de la sorte, à quoi doit s'attendre votre ennemi ? C'est peu que
les cieux ne vous obéissent point, voici que les enfers vous ont enlevé celui
que vous aimez. — S. Bède : Marie
parle moins à Jésus que n'avait fait sa sœur, car par un effet ordinaire de
la douleur et des larmes, elle ne put épancher les sentiments dont son cœur
était plein. Versets 33-40.
S. chris, (hom. 63 sur S. Jean). Jésus ne répond rien à
Marie, il ne lui tient pas le même langage qu'à sa sœur, il était environné
d'une grande multitude, et ce n'était pas le moment de faire de longs
discours, mais il s'abaisse, il s'humilie, et dévoile en lui les sentiments
de la nature humaine. Comme il allait opérer un grand miracle qui devait lui
gagner beaucoup de disciples, il s'entoure d'un grand nombre de témoins, et
montre qu'il a véritablement pris notre nature : « Jésus la voyant pleurer,
et les Juifs, qui étaient venus avec elle pleurer aussi, fut ému en lui-même
et se troubla. » — S. Augustin : (Traité
49 sur S. Jean). Qui pourrait le troubler, si ce n'est lui-même ?
Jésus-Christ a été troublé parce qu'il l'a voulu, il a eu faim parce qu'il
l'a voulu, il était en son pouvoir de se prêter ou de se soustraire à ces
impressions, car le Verbe a pris une âme et un corps, et s'est uni la nature
humaine tout entière en unité de personne; or, là où se trouve une puissance
souveraine, la faiblesse humaine ne peut être troublée qu'autant que cette
puissance souveraine y consent. — Théophylactus
: C'est afin de prouver la vérité de sa nature humaine, qu'il lui
commande de manifester les sentiments qui lui sont propres, et c'est par la
vertu de l'Esprit saint qu'il lui donne cet ordre, et qu'il réprime ses trop
vives émotions. Le Seigneur vent que la nature humaine subisse ces épreuves,
pour nous prouver qu'il était homme en réalité et non-seulement en apparence,
et aussi pour nous enseigner à mettre des bornes à la tristesse comme à la
joie, car n'être accessible à aucun sentiment de compassion ou de tristesse, c'est
l'insensibilité de la brute, comme aussi il n'appartient qu'aux caractères
efféminés de se livrer sans mesure à ces affections. « Et il dit : Où l'avez-vous mis ? » — S. Augustin : (serm. sur les par. du Seig). Ce n'est pas
qu'il ignorât le lieu où Lazare était enseveli, mais il voulait éprouver la
foi de ce peuple. — S. Jean
Chrysostome : (hom. 63). Il ne veut pas se mettre en avant, et il
veut être instruit par les autres et ne rien faire que sur leur prière, pour
ne laisser aucune place au soupçon. — S.
Augustin : (Liv. des 83 quest., quest. 65). Cette question
du Sauveur est comme le symbole de notre vocation qui se passe dans le
secret, car la prédestination de notre vocation est une chose cachée, et la
marque qu'elle est secrète, c'est la question que fait le Seigneur sur ce
sujet comme s'il l'ignorait, alors que c'est nous-mêmes qui l'ignorons. Ou
bien peut-être est-ce parce que le Seigneur déclare dans un autre endroit
qu'il ne connaît pas les pécheurs auxquels il dit : « Je ne vous connais pas,
» (Mt 7, 25) parce que les péchés se commettent en dehors de la loi et
de ses préceptes : « Ils lui répondirent : Seigneur, venez et voyez. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 63).
Il n'avait encore fait aucun miracle de résurrection, il leur paraissait donc
ne se diriger vers le tombeau que pour pleurer sur Lazare, et non pour le
ressusciter, c'est pour cela qu'ils lui disent : « Venez et voyez. » — S. Augustin : Le Seigneur voit
lorsqu'il a compassion, c'est pour cela que le Psalmiste lui dit : « Voyez
mon humiliation et ma douleur, et pardonnez-moi tous mes crimes. » (Ps 24) « Et Jésus pleura. » — Alcuin
: Il était la source inépuisable de la bonté, et il pleurait comme homme
celui qu'il pouvait ressusciter par un acte de sa puissance divine. — S. Augustin : Or, pourquoi Jésus
a-t-il pleuré ? pour enseigner aux hommes à verser eux-mêmes des larmes. — S. Bède : Les hommes ont coutume de
pleurer les personnes chères que la mort leur a enlevées. Les Juifs crurent
que Jésus pleurait sons l'impression de ce sentiment, et c'est ce qui leur
fait dire : « Voyez comme il l'aimait ! » — S. Augustin : Que signifient ces paroles : Il
l'aimait ? » « Je ne suis pas venu appeler les justes mais les
pécheurs à la pénitence. » « Mais quelques-uns d'entre eux dirent : Ne
pouvait-il pas, lui qui a ouvert les yeux d'un aveugle-né, faire que cet
homme ne mourût point ? » Il fera bien plus, puisqu'il va le ressusciter
après sa mort. — S. Jean Chrysostome :
Ceux qui parlèrent ainsi étaient de ses ennemis, ils se servent pour le
calomnier d'un fait qui aurait dû leur faire admirer sa puissance,
c'est-à-dire, la guérison de l'aveugle-né, et ils se plaignent que Jésus
n'ait pas empêché par un miracle Lazare de mourir. Une nouvelle preuve de
leur perversité, c'est qu'ils prennent le rôle d'accusateurs avant même que
Jésus soit arrivé au tombeau, et sans attendre l'issue de l'événement : «
Jésus donc, frémissant de nouveau en lui-même, vint au tombeau. »
L'Evangéliste prend soin de répéter que Jésus pleura, et frémit en lui-même
pour vous convaincre qu'il a pris véritablement notre nature. L'Evangéliste
saint Jean nous a décrit les grandeurs du Verbe incarné, bien plus
magnifiquement que ne l'ont fait les autres évangélistes, et par une même
raison, il s'appesantit davantage sur ses humiliations. — S. Augustin : Frémissez aussi en
vous-même si vous voulez reprendre une nouvelle vie, c'est, ce qu'on peut
dire à tout homme qui est accablé sous le poids d'une habitude criminelle : «
C'était une grotte et une pierre était posée dessus. » Ce mort étendu sous la
pierre, c'est l'homme coupable sous la loi, car la loi qui fut donnée aux
Juifs, était écrite sur la pierre. Tous les coupables sont sous la loi, mais
la loi n'a pas été établie pour le juste. (1 Tm
1) — S. Bède : Une grotte est une excavation pratiquée dans un rocher.
On appelle monuments ces grottes qui servent de tombeau, parce qu'ils
avertissent notre âme (mentem monet), et leur rappellent le souvenir
des morts. « Jésus leur dit : Otez la pierre. » — S. Jean Chrysostome : Pourquoi le Sauveur n'a-t-il pas ressuscité
Lazare sans que la pierre fût ôtée ? Celui qui, d'une seule parole, rendit la
vie et le mouvement à ce cadavre, ne pouvait-il pas, à plus forte raison,
ôter la pierre qui fermait le tombeau ? Oui, sans doute, mais il ne l'a pas fait,
parce qu'il voulait rendre les Juifs témoins de ce miracle, et les empêcher
de dire ce qu'ils avaient dit de l'aveugle-né : « Ce n'est pas lui, » car
leurs mains qui roulaient cette pierre et leur présence au tombeau
attestaient d'une manière infaillible que c'était bien Lazare. — S. Augustin : Dans le sens
allégorique, ces paroles : « Otez la pierre, » signifient : Enlevez le
poids de la loi, et annoncez la grâce de la loi nouvelle. — S. Augustin : (Lim. des 83 quest.,
quest. 65). Ceux à qui le Sauveur donne cet ordre, me paraissent figurer
les Juifs qui voulaient imposer le fardeau de la circoncision aux Gentils,
qui entraient dans l'Eglise; ou bien, les chrétiens qui, au sein de l'Eglise
même, mènent une vie corrompue et sont un scandale pour ceux qui veulent
embrasser la foi. S. Augustin : (serm. 82 sur les par. Du Seign). Cependant Marie et
Marthe, soeurs de Lazare, qui avaient va souvent Jésus ressusciter des morts
ne croient pas entièrement qu'il puisse ressusciter leur frère : « Marthe, la
sœur de celui qui était mort, lui dit : « Seigneur, il sent déjà mauvais, »
etc. — Théophylactus : Marthe
parle de la sorte sous l'impression d'un sentiment de défiance qui lui fait
regarder comme impossible la résurrection de son frère après quatre jours
qu'il était dans le tombeau. — S. Bède
: On peut dire encore que ces paroles sont l'expression de J'étonnement
et de l'admiration plutôt que de la défiance. — S. Jean Chrysostome : Elles peuvent servir aussi à fermer la
bouche aux incrédules, et nous voyons ainsi concourir à la démonstration de
ce miracle les mains qui ont ôté la pierre, les oreilles qui ont entendu la
voix de Jésus-Christ, les yeux qui ont vu Lazare sortir du tombeau, et
l'odorat qui sentait l'odeur que son cadavre exhalait. Théophylactus : Notre Seigneur rappelle à la sœur de Lazare
ce qu'il lui avait déjà dit, et qu'elle paraissait avoir presque oublié :
« Jésus lui répondit : Ne vous ai-je pas dit que si vous croyiez, vous
verriez la gloire de Dieu ? » — S.
Jean Chrysostome : (hom. 63). Marthe ne se souvenait plus en effet
de ce que Jésus-Christ lui avait dit : « Celui qui croit en moi fût-il mort,
vivra. » En parlant à ses disciples, il leur avait dit : « Afin que le
Fils de Dieu soit glorifié par cette maladie. » Ici il ne parle que de Dieu
le Père, les dispositions imparfaites de ceux qui l'écoutaient le forçaient
ainsi de modifier son langage. Il ne voulait point jeter le trouble dans
l'âme de ceux qui étaient présents, et c'est pour cela qu'il dit à Marthe :
« Vous verrez la gloire de Dieu. » — S. Augustin : (Traité 49). La gloire de Dieu parut
en effet dans la résurrection d'un mort de quatre jours exhalant déjà l'odeur
infecte du tombeau. « Ils ôtèrent donc la pierre. » — Origène : (Traité 28 sur S. Jean). Le retard que
l'on mit à enlever cette pierre, vint de la sœur de Lazare; si elle n'avait
pas dit : « Il sent déjà mauvais, car il y a quatre jours qu'il est là, »
Jésus n'eût pas été obligé de donner l'ordre d'ôter la pierre. Ils enlevèrent
donc cette pierre, mais plus tard qu'elle n'aurait du l'être. Il est
souverainement utile de ne mettre aucun intervalle entre les ordres de Jésus
et leur exécution. Versets 41-46.
Alcuin : En tant qu'homme, Notre Seigneur Jésus-Christ
était inférieur à son Père, et c'est sous ce rapport qu'il lui demande la
résurrection de Lazare, et qu'il dit eu avoir été exaucé : « Jésus,
levant les yeux en haut, dit : Mon Père, je vous rends grâces de ce que vous
m'avez exaucé. » — Origène : (Traité
28 sur S. Jean). Il élève les yeux en haut, c'est-à-dire qu'il
élève son âme humaine, et qu'il la conduit par la prière jusqu'au Très-Haut.
Celui donc qui veut imiter la prière de Jésus-Christ doit aussi élever
jusqu'au ciel les yeux de son cœur, et les détacher de toutes les choses
présentes, de tout ce qui remplit mémoire, ses pensées, ses intentions. Mais
si Dieu promet d'exaucer la prière de ceux qui remplissent ces conditions,
comme il le déclare par la bouche d'Isaïe : « Pendant que vous parlerez
encore, je dirai : Me voici, » (Is 58, 9) que devons-nous penser de Notre
Seigneur Jésus-Christ notre Sauveur ? Il allait prier Dieu pour obtenir la
résurrection de Lazare, mais celui qui seul est un Père plein de bonté exauce
sa prière avant même qu'il l'ait faite. Et c'est pour remercier son Père
qu'il lui rend grâces en ces termes : « Mon Père, je vous rends grâces de ce
que vous m'avez exaucé..., afin qu'ils croient que vous m'avez envoyé. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 64).
C'est-à-dire qu'il n'y a aucune contradiction entre vous et moi. Ce langage
du Sauveur n'est point une preuve de son impuissance, ou de son infériorité
vis-à-vis de son Père, car on peut ainsi parler à ses amis et à ses égaux.
Pour montrer du reste qu'il n'avait pas besoin de recourir à la prière, il
ajoute : « Pour moi, je savais que vous m'exaucez toujours, »
c'est-à-dire, je n'ai pas besoin de vous prier pour vous persuader de faire
ma volonté; car nous n'avons tous deux qu'une même volonté; vérité qu'il
n'exprime qu'en termes couverts à cause de la faiblesse de ceux qui
l'entendaient; car le Dieu Sauveur a moins égard à sa dignité qu'à notre
salut, aussi nous parle-t-il très-peu de ses grandeurs, et toujours d'une
manière voilée, tandis qu'il s'étend comme avec complaisance sur ses
humiliations. S. Hilaire : (de la Trin). Il n'avait donc aucun besoin de prier, et s'il a
prié, c'est pour nous faire connaître sa filiation divine : « Mais je dis
ceci à cause de ce peuple qui m'entoure, afin qu'ils croient que vous m'avez
envoyé. » La prière lui était inutile, il prie cependant dans l'intérêt de
notre foi. Il n'a pas besoin de secours, mais nous avons besoin d'être
instruits. — S. Jean Chrysostome : Il
ne dit pas toutefois : Afin qu'ils croient que je vous suis inférieur (parce
que je ne puis rien faire sans vous prier), mais : « Afin qu'ils croient que
vous m'avez envoyé. » Il ne dit pas non plus : Que vous m'avez envoyé, dénué
de tout pouvoir, avec la connaissance de ma dépendance absolue, ne pouvant
rien faire de moi-même, mais : « Que vous m'avez envoyé, » afin qu'ils
ne pensent pas que je suis en opposition avec Dieu, et ne disent point : Il
ne vient pas de Dieu, et pour leur montrer que c'est d'après sa volonté que
je vais faire ce miracle. S. Augustin : (serm. 52 sur les par. du Seig). Jésus s'approche
donc du tombeau où était enseveli Lazare, et il l'appelle à en sortir, non
pas comme s'il était vivant, et prêt à entendre sa voix : « Ayant ainsi
parlé, il cria d'une voix forte : Lazare, sortez dehors. » Il l'appelle par
son nom, pour faire voir que ce ne sont pas les autres morts qu'il appelle à
sortir du tombeau. — S. Jean
Chrysostome : Il ne lui dit pas : Ressuscitez, mais : « Venez dehors, »
il parle à celui qui était mort, comme s'il était vivant, il ne lui dit pas
non plus : Au nom de mon Père, sortez dehors, ou bien encore : Mon Père,
ressuscitez-le, il laisse de côté ces formules qui convenaient à un
suppliant, et prouve sa puissance par les faits. Il entrait, en effet, dans
les desseins de la sagesse de faire preuve d'humilité dans ses discours, et
de puissance dans ses œuvres. Théophylactus : La voix forte du Sauveur qui ressuscita
Lazare est le symbole de cette trompette éclatante qui doit se faire entendre
à la résurrection générale. (1 Co 15, 52). Le Sauveur élève la voix pour
fermer la bouche aux Gentils qui prétendent sans aucun fondement que les âmes
des morts sont dans les tombeaux, et il appelle à haute et forte voix l'âme
de Lazare comme étant absente très au loin. Cette résurrection individuelle
de Lazare eut lieu en un clin d'œil, comme se fera un jour la résurrection
générale : « Et aussitôt celui qui avait été mort, sortit, » etc. Nous voyons
dès lors s'accomplir ce que disait le Sauveur : « L'heure est venue où les
morts entendront la voix du Fils de Dieu, et ceux qui l'entendront vivront. »
(Jn 5) — Origène : (Traité
28 sur S. Jean). On peut dire avec raison que c'est cette voix
forte qui a ressuscité Lazare, et ainsi se trouve accomplie cette parole du
Sauveur : « Notre ami Lazare dort, je vais le réveiller. » Le Père qui a
exaucé la prière du Fils a aussi ressuscité Lazare, et cette résurrection est
l'œuvre commune du Fils et du Père qui l'a exaucé, car de même que le Père
ressuscite les morts et leur rend la vie, le Fils donne aussi la vie à qui il
veut. » (Jn 5, 21). S. Jean Chrysostome : Lazare sortit les pieds et les mains liés de
bandelettes, pour qu'on ne crût pas qu'il n'était qu'un fantôme, et ce ne fut
pas une chose moins admirable de le voir sortir avec ces bandelettes et
entouré d'un suaire, que de le voir ressusciter : « Jésus leur dit :
Déliez-le, » afin que ceux qui le toucheraient de leurs mains fussent bien
convaincus que c'était vraiment lui. « Et laissez-le aller. » Le Sauveur
agit ainsi par humilité, et c'est pour cela qu'il ne prend pas Lazare avec
lui, et ne lui commande pas de marcher à sa suite comme preuve du miracle
qu'il vient d'opérer. Origène : Notre Seigneur avait dit précédemment : « Je
dis ceci à cause de ce peuple qui m'entoure, afin qu'ils croient que vous
m'avez envoyé. » Si aucun de ceux qui étaient présents n'avaient cru en lui,
il eût parlé comme un homme qui n'a aucune connaissance de l'avenir; aussi
est-ce pour éloigner ce soupçon que l'Evangéliste ajoute : « Plusieurs
d'entre les Juifs crurent en lui, mais quelques-uns d'entre eux allèrent
trouver les pharisiens et leur racontèrent ce que Jésus avait fait. » Cette
proposition paraît offrir un sens équivoque, ceux qui allèrent trouver les
pharisiens étaient-ils du grand nombre de ceux qui crurent en Jésus-Christ,
et se proposèrent-ils de concilier à Jésus-Christ les pharisiens animés de
dispositions hostiles à son égard ? ou bien étaient-ils différents de ceux
qui crurent en lui, et ne cherchèrent-ils qu'à exciter contre le Sauveur le
zèle plein de jalousie des pharisiens ? C'est cette dernière supposition qui
paraît ressortir du récit de l'Evangéliste. D'après son récit, en effet,
c'est le grand nombre de ceux qui étaient présents qui crurent en
Jésus-Christ, et un petit nombre d'entre eux dont il ajoute : « Quelques-uns
allèrent trouver les pharisiens, » etc. S. Augustin : (liv. des 83 quest., quest. 65). Quoique nous
admettions avec une foi entière la résurrection de Lazare dans le sens
historique, je regarde cependant comme certain qu'elle contient aussi une
vérité allégorique; car le sens allégorique d'un événement ne lui fait perdre
en aucune façon son caractère de réalité historique. — S. Augustin : (Traité 49). Tout homme qui pèche, est tombé
victime de la mort, mais Dieu, par sa grande miséricorde, ressuscite les âmes
et les sauve ainsi de la mort éternelle. Les trois morts dont Notre Seigneur a
ressuscité les corps sont donc la figure de la résurrection des âmes. — S. Grégoire : (Moral., 4, 25
ou 29). Il a ressuscité une jeune fille dans sa maison, un jeune homme hors
des portes de la ville, et Lazare déjà enseveli dans le tombeau. Celui qui
est mort dans son péché est comme étendu sans vie dans sa maison; le pécheur
est conduit hors des portes, lorsque son péché affiche le caractère
scandaleux d'un péché public. — S.
Augustin : (Traité 49). Ou bien, la mort est encore à l'intérieur
lorsque la pensée du mal ne s'est pas encore produite par un acte extérieur;
mais si vous commettez le mal, vous portez pour ainsi dire le mort hors des
portes de la ville. — S. Grégoire : (Moral.,
4) Le pécheur est comme oppressé sous la pierre du tombeau, lorsqu'il est
écrasé par l'horrible pierre des mauvaises habitudes qu'il a contractées,
mais souvent la grâce divine éclaire ces pauvres pécheurs d'un rayon de sa
lumière. — S. Augustin : (liv.
des 83 quest., quest. 68). Ou bien Lazare, dans le tombeau, figure
encore l'âme qui est comme accablée sous le poids des péchés de la terre. » —
S. Augustin : (Traité 49) Et
cependant le Seigneur aimait Lazare, car s'il n'avait pas aimé les pécheurs,
il ne serait pas descendu du ciel sur la terre. C'est à juste titre que l'on
dit du pécheur d'habitude : « Il sent mauvais, » car sa mauvaise réputation
se répand partout comme une odeur infecte et nauséabonde. — S. Augustin : (liv. des 83 quest).
C'est encore avec raison qu'il est dit : « Il y a quatre jours qu'il
est dans le tombeau; » car le dernier des éléments c'est la terre, qui figure
l'abîme des péchés de la terre, c'est-à-dire des convoitises charnelles. S. Augustin : (Traité 49). Jésus frémit, il verse des larmes, il crie à
haute voix, parce qu'il est bien difficile de se relever pour celui qui est
accablé sous le poids de ses habitudes vicieuses. Jésus se trouble lui-même
pour vous apprendre le trouble dont vous devez être saisi lorsque vous êtes
comme écrasé sous le poids énorme de vos péchés. La foi de l'homme qui devient pour lui-même un objet
d'horreur, doit frémir en accusant ses actions coupables, afin de faire céder
l'habitude du péché à la violence du repentir. Lorsque vous dites : J'ai
commis ce crime, et Dieu m'a épargné; j'ai entendu la doctrine évangélique,
et je l'ai méprisée, qu'ai-je fait ? Jésus-Christ frémit en vous, parce que
la foi frémit, ce frémissement contient déjà l'espérance de la ré-surrection.
— S. Grégoire : (Moral., 22,
9 ou 13). Le Sauveur dit à Lazare : « Sortez dehors, afin que le pécheur
qui cherche à dissimuler et à cacher son péché, soit comme forcé par cette
voix de se faire son propre accusateur, et que celui qui est enseveli dans le
tombeau de sa conscience, en sorte de lui-même par la confession de ses
fautes. » S. Augustin : (liv. des 83 quest). Lazare, sortant de son tombeau,
est le symbole de l'âme qui se retire des vices de la chair; les bandelettes
dont il reste encore enveloppé nous apprennent que ceux-là mêmes qui ont
renoncé aux plaisirs charnels, et veulent obéir de cœur à la loi de Dieu, ne
peuvent tant qu'ils sont dans ce corps mortel être entièrement à l'abri des
atteintes de la chair. Le suaire dont sa figure est couverte signifie que
nous ne pouvons avoir dans cette vie la pleine intelligence de la vérité. Notre
Seigneur ajoute : « Déliez-le, et laissez-le aller, » pour nous apprendre
qu'après cette vie tous les voiles seront enlevés, afin que nous puissions
voir Dieu face à face. S. Augustin : (Traité 49). Ou bien encore, lorsque vous faites mépris de
la loi de Dieu, vous êtes comme mort et enseveli dans le tombeau; si vous
faites l'aveu de vos fautes, vous sortez de ce tombeau; car sortir du
tombeau, c'est sortir de la retraite cachée de son cœur pour se produire au
grand jour. Mais c'est Dieu qui vous amène à faire cet aveu en vous appelant
à haute voix, c'est-à-dire par une grâce extraordinaire. Le mort qui sort du
tombeau est encore lié, de même que celui qui confesse ses péchés est encore
coupable, et c'est pour le délier de ses péchés que Jésus dit aux serviteurs
: « Déliez-le, et laissez-le aller, » c'est-à-dire, tout ce que vous aurez
délié sur la terre, le sera le ciel. Alcuin : C'est donc Jésus-Christ qui ressuscite,
parce que c'est lui qui donne par lui-même la vie à l'intérieur, ce sont ses
disciples qui délient, parce que c'est par le ministère des prêtres que ceux
.qu'il vivifie sont absous. — S. Bède
: Ceux qui vont apprendre aux pharisiens ce que Jésus a fait, figurent
ceux qui, à la vue des bonnes œuvres des serviteurs de Dieu, les poursuivent
de leur haine, et s'efforcent de noircir leur réputation. Versets 47-83.
Théophylactus : Les pharisiens auraient dû admirer et
exalter l'auteur d'aussi grands miracles, et au contraire, ils forment le
dessein de le mettre à mort : « Les pontifes et les pharisiens assemblèrent donc
le conseil, » etc. — S. Augustin : (Traité
49). Ils ne disent point : Croyons en lui, ces hommes pervers sont bien
plus préoccupés de la pensée de faire le mal et de mettre à mort un innocent,
que des moyens d'assurer leur propre salut. Et cependant la crainte les
agite, et ils se consultent : « Et ils disaient : Que ferons-nous ? car cet
homme opère beaucoup de miracles ? » — S.
Jean Chrysostome : Ils ne le regardent encore que comme un homme, après
qu'il leur a donné une si grande preuve de sa divinité. Origène : (Traité 28 sur S. Jean). Le langage que tiennent les
pontifes et les pharisiens nous donne une idée de l'étendue de leur folie et
de leur aveuglement. Quelle folie, en effet, de reconnaître et d'attester que
Jésus a opéré un grand nombre de miracles, et de penser qu'ils pouvaient
néanmoins lui dresser des embûches, comme s'il n'était point capable de
déjouer toutes leurs machinations ! Leur
aveuglement n'est pas moins surprenant, de ne pas voir que celui qui pouvait
opérer de si grands prodiges, pouvait également échapper à leurs embûches, à
moins que dans leur pensée ses miracles ne fussent pas l'œuvre d'une
puissance divine. Ils forment donc le dessein de ne point le laisser aller,
ils s'imaginent par là empêcher ses disciples de croire en lui, et s'opposer
à ce que les Romains ne détruisent leur pays et leur nation : « Si nous le
laissons faire, disent-ils, tous croiront en lui, et les Romains viendront, »
etc. — S. Jean Chrysostome : (hom.
64). En parlant de la sorte, ils veulent soulever le peuple, comme s'il
courait le danger d'être soupçonné par les Romains de vouloir s'affranchir de
leur domination, et leurs paroles peuvent ainsi se traduire : Si les Romains
le voient entraîner la multitude après lui, ils en prendront ombrage,
croiront que nous voulons nous ériger en pouvoir indépendant, et ils
détruiront notre cité. Mais cette supposition était purement imaginaire; car
sur quoi reposait-elle ? Voyait-on Jésus entouré d'hommes en armes ?
traînait-il après lui des escadrons de gardes? Au contraire, ne cherchait-il
pas la solitude ? Ils ne veulent pas qu'on les soupçonne de vouloir la mort
du Sauveur, et ils mettent en avant le danger que courent leur cité et leur
nation. — S. Augustin : Ou bien
encore, ils craignirent que si tous venaient à croire en Jésus-Christ, il ne
restât plus personne pour prendre contre les Romains la défense de leur ville
et de leur temple; car ils comprenaient que la doctrine de Jésus-Christ était
contraire à leur temple et aux institutions données à leurs ancêtres. La
crainte donc qu'ils avaient de perdre les choses du temps, les empêcha de
penser à celles de l'éternité, et ils perdirent les unes et les autres; car
après la passion et la résurrection glorieuse du Sauveur, les Romains
ruinèrent le pays et la nation des Juifs en les détruisant on en les emmenant
en captivité. Origène : (Traité 28) Dans le sens anagogique, les Gentils
prirent la place du peuple de la circoncision, parce que leur chute est
devenue le salut des Gentils. (Rm 11, 11). Les Romains sont mis ici à
la place des Gentils, c'est-à-dire ceux qui avaient l'empire à la place de
ceux qui leur étaient soumis. Leur nationalité fut aussi détruite, car le
peuple qui avait été le peuple de Dieu, cessa de l'être. — S. Jean Chrysostome : (hom. 65).
Pendant qu'ils hésitaient et qu'ils soumettaient de nouveau cette question à
la délibération du conseil, en disant : « Que faisons-nous, » un d'entre eux
prend la parole et ouvre cet avis plein d'impudence et de cruauté :
« Mais l'un deux, nommé Caïphe, qui était le pontife de cette année-là,
leur dit, » etc. S. Augustin : On peut être surpris que Caïphe soit appelé
le pontife de cette année, alors que Dieu n'avait établi qu'un seul
grand-prêtre, qui n'avait de successeur qu'après sa mort. Il faut donc se
rappeler que ta prétentions ambitieuses et les rivalités qui régnaient parmi
les Juifs, les avaient amenés à instituer plusieurs grands-prêtres, qui
exerçaient leur ministère tour à tour pendant un an. Peut-être même il y en
avait plusieurs pour une même année, et d'autres leur succédaient l'année
suivante. Alcuin : Ainsi, l'historien Josèphe rapporte que
c'est à prix d'argent que Caïphe avait acheté le souverain pontificat pour
cette année-là. Origène : (Traité 28). La méchanceté de Caïphe ressort de cette
circonstance qu'il était grand-prêtre pour cette année-là, dans laquelle
notre Sauveur accomplit le ministère douloureux de sa passion : « Or, comme
il était pontife de cette année-là, il leur dit : « Vous n'y entendez rien,
et vous ne songez pas qu'il vous est avantageux qu'un seul homme meure pour
le peuple. » — S. Jean
Chrysostome : (hom. 65). Il semble leur dire : Vous êtes assis
tranquillement et vous délibérez négligemment sur cette affaire, mais
veuillez donc réfléchir que la vie d'un homme doit être comptée pour rien
quand il s'agit de l'intérêt public. — THEOPYHL. Il parle de la sorte dans
une intention coupable, et cependant l'Esprit saint se sert de sa bouche pour
prophétiser l'avenir : « Or, il ne dit pas cela de lui-même, mais étant
le grand-prêtre de cette année, il prophétisa que Jésus devait mourir pour la
nation. » Origène : Tout homme qui prophétise n'est point par-là
même prophète, de même qu'on n'est pas juste pour avoir fait une action
juste, si par exemple on l'a faite par un motif de vaine gloire, Caïphe
prophétise donc, mais sans être prophète, pas plus que Balaam. (Nb 23)
Osera-t-on dire que ce n'est point par l'inspiration de l'Esprit saint que
Caïphe a prophétisé, parce que l'esprit mauvais peut également rendre
témoignage à Jésus, et prophétiser dans son intérêt, comme nous voyons les
démons dire à Jésus : « Nous savons qui vous êtes, le saint de Dieu. »
Mais son intention n'est pas de gagner des disciples à Jésus, c'est, au
contraire, d'exciter contre lui ceux qui, dans le conseil avait mis en lui
leur confiance, et de leur arracher une sentence de mort. D'ailleurs ces
paroles : « Il vous est avantageux, » etc. qui sont une partie de la
prophétie, sont-elles vraies ou fausses ? Si elles sont vraies, il s'ensuit
que tous ceux qui, dans le conseil, se déclarent contre Jésus, seront sauvés,
puisque Jésus meurt pour le salut du peuple; et tous obtiendront cet
avantage; mais s'il est absurde de dire que Caïphe, et les antres membres du
conseil qui délibéraient contre Jésus, soient sauvés, il est évident que ce
n'est pas l'Esprit saint qui lui a dicté ces paroles, parce que l'Esprit
saint ne ment jamais. Si l'on veut cependant que Caïphe ait dit ici la
vérité, on comprendra ce que dit saint Paul : a Que la bonté de Dieu a voulu
qu'il mourût pour tous, » (He 2, 9) et qu'il est le Sauveur de
tous les hommes, surtout des fidèles. (1 Tm
4, 10). Il reconnaîtra que
toute cette prophétie est vraie dans son ensemble, à partir de ces mots : «
Vous n'y entendez rien, » car ils ne connaissaient vraiment rien, eux qui
ignoraient que Jésus est la vérité, la justice, la sagesse et la paix. Il est
vrai encore qu'il était avantageux que ce seul homme (en tant qu'il est
homme) mourût pour le peuple, car en tant qu'il est l'image du Dieu
invisible, il ne peut être soumis à la mort. Il est mort pour le peuple en
vertu de la puissance qu'il avait d'effacer les crimes de tout l'univers en
les prenant sur lui. Cette réflexion de l'Evangéliste : « Il ne dit pas
cela de lui-même, » nous apprend qu'il y a des choses que nous pouvons dire
par nous-mêmes, sans avoir besoin pour cela d'aucun secours étranger, mais
qu'il en est d'autres qui nous sont inspirées par une vertu secrète, bien que
nous ne les comprenions point dans toute leur étendue. Dans ce dernier cas,
nous nous attachons au sens que paraissent présenter les choses que nous
disons, mais sans comprendre dans quelle intention elles nous ont été
dictées. C'est ainsi que Caïphe ne dit rien ici de lui-même, et ne pense
point faire une véritable prophétie, parce qu'il ne comprend pas le sens
prophétique des paroles qu'il prononce. Tels étaient ces prétendus docteurs
de la loi dont parle saint Paul : « Qui n'entendent ni ce qu'ils disent, ni
ce qu'ils affirment. » (1 Tm 1, 7) — S.
Augustin : (Traité 49). Nous apprenons par cet exemple que des
hommes livrés au mal peuvent recevoir l'esprit de prophétie pour prédire
l'avenir, ce que l'Evangéliste attribue à un conseil secret de la divine
providence, parce que Caïphe était grand-prêtre cette année. — S. Jean Chrysostome : (hom. 65).
Voyez combien grande est la puissance de l'Esprit saint, qui peut faire
sortir d'un esprit corrompu un oracle prophétique ! Voyez aussi la grandeur
et la vertu du pouvoir pontifical. Caïphe est grand-prêtre, tout indigne
qu'il est de cet honneur, et il prophétise sans savoir ce qu'il dit : La
grâce ne s'est servi que de ses lèvres, et n'effleura même pas le cœur de cet
homme profondément corrompu. — S.
Augustin : Caïphe ne prophétisa que de la seule nation des Juifs, dans
laquelle se trouvaient les brebis, dont le Seigneur a dit lui-même :
« Je ne suis envoyé qu'aux brebis qui ont péri de la maison d'Israël. » (Mt
15) Mais l'Evangéliste savait qu'il y avait d'autres brebis qui n'étaient
pas de cette bergerie et qu'il fallait amener au bercail (Jn 10); et
c'est pour cela qu'il ajoute : « Et non seulement pour la nation, mais afin
de rassembler en un seul corps les enfants de Dieu. Il se place ici au point
de rue de la prédestination, car les Gentils n'étaient alors ni les brebis,
ni les enfants de Dieu. S. Grégoire : (Moral., 6, 12 ou 13 dans les anc). Les ennemis
de Jésus mirent donc à exécution le dessein criminel qu'ils avaient formé.
Ils firent mourir Jésus-Christ, pour empêcher la piété des fidèles de
s'attacher à lui; mais la foi grandit et s'accrut par les moyens mêmes que la
cruauté des impies avait pris pour l'éteindre, et Jésus fit servir à
l'accomplissement de ses desseins miséricordieux ce que la cruauté des hommes
avait inventé contre lui. — Origène : (Traité
28). Ces paroles de Caïphe les enflammèrent de colère, et ils résolurent
dès lors de mettre à mort le Seigneur : « Depuis ce jour ils pensèrent à le
faire mourir. » Si ce n'est point par l'inspiration de l'Esprit saint que
Caïphe a prophétisé; il y eut un autre esprit qui parla par la bouche de cet
impie et qui excita ses semblables contre Jésus-Christ. Si cependant on veut
absolument que l'Esprit saint ne soit pas étranger aux paroles de Caïphe et à
la délibération qui suivit, on peut dire que de même qu'on voit des hommes
faire servir à l'établissement de leur monstrueuse doctrine les saintes
Ecritures qui ont pour objet l'utilité des fidèles, de même les pharisiens,
en ne prenant point dans son vrai sens la prophétie véritable qui avait le
Christ pour objet, en ont tiré comme conclusion le dessein de le mettre à
mort. — S. Jean Chrysostome : (hom.
65). Ils cherchaient depuis longtemps à le faire mourir, et ils
s'affermirent plus que jamais dans leur dessein. Versets 54-86.
Origène : (Traité 28). Jésus ayant appris la résolution que les
prêtres et les pharisiens avaient prise dans leur conseil de le mettre à
mort, s'environna de plus de précautions, et ne se montra plus avec autant de
confiance au milieu des Juifs. Il choisit pour retraite non une cité
populeuse, mais une petite ville éloignée et située près du désert : « C'est
pourquoi Jésus ne se montrait plus en public parmi les Juifs, » etc. — S. Augustin : (Traité 19). Ce
n'est pas que sa puissance lui fit défaut, et il aurait très bien pu, s'il
avait voulu, demeurer publiquement au milieu des Juifs, sans avoir rien à
craindre, mais il voulut apprendre par son exemple à ses disciples, qu'il n'y
a pour eux aucun péché à se dérober à la haine de leurs persécuteurs, et
qu'il vaut mieux échapper en se cachant à leur fureur sacrilège, que de la rendre
plus ardente en paraissant à leurs yeux. — Origène : Il est beau et louable pour confesser le nom de Jésus,
de ne point rougir d’affronter le combat qui se présente, et de ne point
refuser de souffrir la mort pour la défense de la vérité; mais il n'est pas
moins louable de ne point donner occasion à une si grande épreuve,
non-seulement parce que nous ne pouvons pas prévoir l'issue d'un si grand
combat, mais parce que nous devons éviter de donner aux impies et aux
méchants les moyens augmenter leur impiété et leurs crimes; car si celui qui
devient pour un autre une occasion de péché, portera nécessairement la peine
de ce péché, celui qui ne fuit point la persécution, lorsqu'il le peut, ne
sera-t-il pas aussi responsable du crime de son persécuteur ? Et non-seulement
le Seigneur se rendit dans cet endroit écarté, mais pour ôter tout motif à
ses ennemis de le chercher, il y conduisit avec lui ses disciples : « Et
il y demeurait avec ses disciples. » — S.
Jean Chrysostome : Combien les disciples durent être troublés en voyant
leur divin Maître échapper au danger par des moyens humains, et comme forcé
de chercher un refuge pour se dérober à la poursuite de ses ennemis ? Tous
sont dans la joie et l'allégresse qui accompagnent les grandes solennités,
eux, au contraire, se cachent exposés qu'ils sont à de grands dangers;
cependant ils persévèrent avec le Sauveur, suivant la parole qu'il leur avait
dite : « C'est vous qui êtes demeurés avec moi au milieu de mes épreuves. » Origène : Dans le sens anagogique, on peut dire que
Jésus demeurait avec confiance au milieu des Juifs, alors que le Verbe divin
habitait avec eux dans la personne des prophètes; mais il s'en est retiré, et
le Verbe de Dieu n'est plus avec les Juifs. Il se rendit dans une petite
ville qui était près du désert et dont le prophète a dit : « Les enfants
de la femme abandonnée (ou déserte) sont plus nombreux que les enfante de
l'épouse. » Cette ville s'appelait Ephrem, qui veut dire fertilité;
or, Ephraïm fut le frère de Manassé, c'est-à-dire, du peuple ancien livré à
l'oubli, car c'est après que ce peuple eut été livré à l'oubli et abandonné,
que l'abondance sortit du milieu des nations. Notre Seigneur quitte donc la
Judée et vient dans la terre de tout l'univers, auprès de l'Eglise déserte et
abandonnée, et dont le nom veut dire cité féconde, et il y demeure avec ses
disciples. S. Augustin : (Traité 50 sur S. Jean). Celui
qui était descendu du ciel pour souffrir, ne voulut pas s'éloigner du lieu de
sa passion, parce que l'heure de sa mort approchait : « Or, la Pâque des
Juifs était proche, » etc. Les Juifs n'avaient que l'ombre de la vraie Pâque,
nous en avons la lumière; le haut des portes des maisons juives était marqué
du sang de l'agneau immolé, nos fronts sont marqués du sang de Jésus-Christ.
Les Juifs ont voulu ensanglanter ce jour en répandant le sang du Seigneur, et
l'Agneau qui a été immolé a consacré à jamais ce jour de fête par son sang.
La loi faisait un précepte aux Juifs de se réunir pour cette fête à
Jérusalem, de toutes les parties de la Judée, et de se sanctifier par la
célébration de cette grande fête : « Un grand nombre de Juifs, dit
l'Evangéliste, montèrent de la province à Jérusalem avant la Pâque, pour se
purifier. » — Théophylactus : Ils
se rendirent à Jérusalem avant la Pâque pour se purifier, parce que ceux qui
s'étaient rendus coupables d'une faute volontaire ou involontaire ne
célébraient point la Pâque avant de s'être purifiés, selon la coutume, par
des bains, par des jeûnes, en se rasant les cheveux, et aussi en faisant les
offrandes qui étaient commandées à cet effet. C'est donc pendant le temps
qu'ils accomplissaient ces purifications légales qu'ils cherchent à tendre
des pièges au Sauveur. « Ils cherchaient donc Jésus, et se disaient les uns
aux autres : Que pensez-vous de ce qu'il n'est pas venu pour la fête ? » — S. Jean Chrysostome : (hom. 65).
Ils lui tendent des embûches jusque dans cette fête de Pâque, et font de
cette grande solennité un temps de meurtre et d'homicide. — Omet. Aussi
l'Evangéliste ne dit pas : La Pâque du Seigneur, mais : « La Pâque des
Juifs, » parce qu'ils dressaient des embûches au Seigneur dans cette fête. — Alcuin : Les Juifs cherchaient
Jésus-Christ avec de mauvaises intentions; pour nous, nous le cherchons en
restant dans le temple à nous consoler, à nous exhorter mutuellement, et à
demander qu'il se rende à notre jour de fête, et nous sanctifie par sa
présence. — Théophylactus : S'il
n'y avait que le peuple pour s'occuper de ce dessein sanguinaire, on pourrait
dire que sa passion a été le résultat de l'ignorance, mais ce sont les
pharisiens eux-mêmes qui donnent l'ordre de se saisir du sa personne : « Or,
les pontifes et les pharisiens avaient donné ordre que si quelqu'un savait où
il était, il le déclarât, afin qu'ils le fissent prendre. » — Origène : Remarquez qu'ils ignoraient
où il était; car, nous avons dit qu'il avait quitté la ville de Jérusalem.
Vous irez ajouter qu'en cherchant à tendre des pièges à Jésus, ils ne auvent
où il est, et qu'ils donnent des commandements bien différents des commandements
divins, en enseignant des maximes et des ordonnances tout humaines. — S. Augustin : Pour nous, indiquons
aux Juifs où Jésus se trouve maintenant. Plaise à Dieu qu'ils veuillent nous
entendre et se saisir de lui ! Qu'ils viennent dans l'Eglise, qu'ils
apprennent où se trouve Jésus-Christ, et qu'ils s'emparent de sa personne. |
Caput 12 Lectio 1 [86092] Catena in Io., cap. 12 l. 1 Alcuinus. Appropinquante
tempore in quo dominus pati disposuit, appropinquavit ipse loco in quo
eiusdem passionis dispensationem perficere voluit; unde dicitur Iesus ergo
ante sex dies Paschae venit in Bethaniam. Primo venit in Bethaniam, deinde
Hierosolyma. In Hierosolymam quidem ut ibi pateretur; in Bethaniam vero ut
resuscitatio Lazari memoriae omnium arctius imprimeretur; unde subditur ubi
fuerat Lazarus mortuus, quem suscitavit Iesus. Theophylactus. Decima
autem die mensis agnum Iudaei capiunt immolandum in festo Paschae, ex tunc
enim festivitatis praelibant solemnia : quapropter in die quae est nona
mensis, et praecedit sextum diem ante Pascha, epulantur splendide, et
exordium festi hanc diem constituunt : quo fit ut Iesus quoque pergens
Bethaniam convivaretur; unde sequitur fecerunt autem ei coenam ibi, et Martha
ministrabat. Per hoc autem quod dixit quod Martha ministrabat, insinuat quod
in illius domo erat convivium. Sed attende mulieris fidelitatem : non enim
famulabus imponit ministerium, sed ipsamet suscepit. Innuere autem volens
Evangelista verae resurrectionis Lazari signum, subdit Lazarus vero unus erat
ex discumbentibus cum eo. Augustinus in Ioannem. Vivebat, loquebatur,
epulabatur, veritas ostendebatur, infidelitas Iudaeorum confundebatur.
Chrysostomus in Ioannem. Maria autem non faciebat communem famulatum, sed
ad solum dominum constituit honorem, et non ut ad hominem accedit, sed ut ad
Deum; unde sequitur Maria ergo accepit libram unguenti nardi pistici
pretiosi, et unxit pedes Iesu, et extersit capillis suis pedes eius.
Augustinus. Quod ait pistici, locum aliquem credere debemus, unde erat hoc
unguentum pretiosum. Alcuinus. Vel pistici, idest fidelis, nec
extraneis speciebus adulterati. Haec est illa mulier quae quondam peccatrix
in domo Simonis venit ad dominum cum alabastro unguenti. Augustinus de
Cons. Evang. Quod autem hoc in Bethania rursus fecit, aliud est quod ad
Lucae narrationem non pertinet, sed pariter narratur a tribus, Ioanne
scilicet, Matthaeo et Marco. Quod ergo Matthaeus et Marcus caput domini
unguento illo perfusum dicunt, Ioannes autem pedes; non solum caput, sed et
pedes domini accipiamus perfudisse mulierem. Matthaeus et Marcus
recapitulando ad illum diem redeunt in Bethaniam, qui erat ante sex dies
Paschae, et narrant quod Ioannes de coena et unguento. Sequitur et domus
impleta est ex odore unguenti. Augustinus in Ioannem. Ad apostolum
revoca intentionem, qui dicit : aliis sumus odor vitae ad vitam, aliis sumus
odor mortis ad mortem; denique audies hinc ex unguento isto, quomodo erat
aliis odor bonus in vitam, aliis odor malus in mortem; unde sequitur dixit
ergo unus ex discipulis suis, Iudas Iscariotes, qui erat eum traditurus.
Augustinus de Cons. Evang. Quod alii dicunt discipulos murmurasse de
unguenti pretiosi effusione, Ioannes autem Iudam commemorat, puto
discipulorum nomine Iudam significatum, plurali numero pro singulari
usurpato. Potest etiam intelligi quod alii discipuli aut senserint hoc, aut
dixerint, aut eis Iuda dicente persuasum sit : atque omnium voluntatem
Matthaeus et Marcus verbis etiam expresserint; sed Iudas propterea dixerit
quia fur erat, ceteri propter pauperum curam; Ioannem vero de solo illo id
commemorare voluisse, cuius ex hac occasione furandi consuetudinem credidit
intimandam; nam sequitur dixit autem hoc, non quia de egenis pertinebat ad
eum; sed quia fur erat, et loculos habens, ea quae mittebantur portabat.
Alcuinus. Portabat ministerio, exportabat furto. Augustinus in
Ioannem. Non tunc periit Iudas quando accepit a Iudaeis pecuniam, ut
dominum traderet : iam fur erat, dominum perditus sequebatur non corde, sed
corpore. Voluit autem per hoc dominus nos admonere ut malos toleremus, ne
corpus Christi dividamus. Qui aliquid de Ecclesia furatur, Iudae perdito
comparatur. Tolera malum bonus, ut venias ad praemium bonorum, ne immittaris
in poenam malorum. Exemplum domini accipite conversantis in terra. Quare
habuit loculos cui Angeli ministrabant, nisi quia Ecclesia ipsius loculos
habitura erat? Quare fures admisit, nisi ut eius Ecclesia fures dum patitur
toleraret? Sed ille, qui consueverat de loculis pecuniam tollere, non
dubitavit accepta pecunia ipsum dominum vendere. Chrysostomus in Ioannem.
Ideo etiam ei furi existenti loculos commisit pauperum, ut omnem
abscinderet occasionem : non enim habuit dicere quoniam propter pecuniarum
desiderium hoc fecit; etenim sufficientem habebat ex loculo concupiscentiae
mitigationem. Theophylactus. Quidam vero administrationem pecuniae
suscepisse Iudam fatentur, tamquam minimum omnium. Nam pecuniae
administratio, doctrinae administratione inferior est, secundum quod dicunt
apostoli : non est aequum nos derelinquere verbum Dei, et ministrare mensis.
Chrysostomus. Christus autem multa condescensione ad Iudam utens, non
increpavit eum surripientem, sed communem intulit excusationem; nam sequitur
dixit ergo Iesus : sinite illam, ut in diem sepulturae meae servet illud.
Alcuinus. Significat se moriturum, et ad sepeliendum aromatibus esse
ungendum; ideo Mariae, cui ad unctionem mortui corporis multum desideranti
pervenire non liceret, donatum sit viventi adhuc impendere obsequium, quod
post mortem celeri resurrectione praeventa nequiret. Chrysostomus. Rursus
etiam propter proditorem rememoratus est sepulturae; ac si dicat : gravis sum
tibi et onerosus; sed expecta parum, et abibo; et hoc ostendit, cum subdit
pauperes enim semper habebitis vobiscum, me autem non semper habebitis.
Augustinus in Ioannem. Loquebatur de praesentia corporis sui : nam
secundum maiestatem suam, secundum providentiam, secundum ineffabilem et
invisibilem gratiam, impletur quod ab eo dictum est : ecce ego vobiscum sum
usque ad consummationem saeculi. Vel aliter. In Iudae persona significati
sunt in Ecclesia mali : si enim bonus homo es, habes Christum et in praesenti
per fidem et sacramentum, et habebis semper : quia cum hinc exieris, ad illum
venies, qui dixit latroni : hodie mecum eris in Paradiso. Si autem male
versaris, videris habere in praesenti Christum, quia baptizaris Baptismo
Christi, accedis ad altare Christi; sed male vivendo non semper habebis. Non
autem dixit : habes, sed habebis, quia unus malus corpus malorum significat.
Sequitur cognovit ergo turba multa ex Iudaeis quia illic esset, et venerunt,
non propter Iesum tantum, sed ut Lazarum viderent, quem suscitavit a mortuis.
Curiositas eos adduxit, non caritas. Theophylactus. Visores enim
suscitati fieri cupiebant, expectantes etiam de Inferis aliquid Lazaro
referente perpendere. Augustinus. Quia vero tantum miraculum domini
tanta erat evidentia diffamatum, ut non possent vel occultare quod factum
est, vel negare, cogitaverunt ut Lazarum interficerent; unde sequitur
cogitaverunt autem principes sacerdotum ut et Lazarum interficerent. O caeca
saevitia. Quasi dominus suscitare potuerit mortuum, et non possit occisum.
Ecce utrumque dominus fecit : et Lazarum mortuum, et seipsum suscitavit
occisum. Chrysostomus in Ioannem. Nullum autem miraculum Christi eos
ita furere fecit : hoc enim mirabilius erat, et coram multis factum est; et
erat inopinabile, mortuum quatriduanum videre ambulantem et loquentem. Aliter
etiam isti in aliis putabant criminari sabbati solutionem, et hac via
abducere turbas; hic autem quia a nullo habebant conqueri contra Iesum,
adversum Lazarum faciunt conatum : itaque et in caeco hoc fecissent, nisi
haberent accusationem de sabbato. Aliter autem. Ille quidem ignobilis erat,
et eiecerunt eum de templo : hic vero clarus. Hoc etiam eos mordebat quod
festivitatem instantem omnes dimittentes, Bethaniam veniebant. Alcuinus. Mystice
autem quod ante sex dies venerat Bethaniam, significat quod ille qui sex
diebus omnia fecerat, et sexto die hominem creaverat, ipsa sexta mundi
aetate, sexta feria, sexta hora redimere mundum venerat. Coena autem
dominica, fides est Ecclesiae, quae per dilectionem operatur. Martha
ministrat, cum fidelis anima opera suae devotionis domino impendit. Lazarus
unus erat ex discumbentibus, cum ii qui post peccatorum mortem resuscitati sunt
ad iustitiam, una cum eis qui in sua permanserunt iustitia, de praesentia
veritatis exsultant, et caelestis gratiae muneribus aluntur. Et bene in
Bethania celebratur, quae interpretatur domus obedientiae : nam Ecclesia est
obedientiae domus. Augustinus. Unguentum autem quo Maria unxit pedes
Iesu, iustitia fuit, ideo libra fuit. Erat autem unguentum nardi pistici
pretiosi. Pistis Graece, Latine fides dicitur. Quaerebas operari iustitiam?
Iustus ex fide vivit. Unge pedes Iesu bene vivendo, dominica sectare vestigia,
capillis terge; si habes superflua, da pauperibus, et domini pedes tersisti :
capilli enim superflua corporis videntur. Alcuinus. Et notandum, quod
primo tantum pedes unxerat, hic autem pedes et caput unxit; ibi rudimenta
poenitentium, hic iustitia perfectarum designatur animarum. Per caput enim
domini sublimitas divinitatis, per pedes humilitas incarnationis exprimitur;
vel per caput ipse Christus, per pedes pauperes, qui sunt membra eius.
Augustinus. Domus autem repleta est odore, mundus impletus est bona fama. Lectio 2 [86093] Catena in Io., cap. 12 l. 2 Chrysostomus
in Ioannem. Praeceptum legis erat ut decima luna primi mensis agnus sive
hoedus in domo recluderetur usque ad quartam decimam lunam eiusdem mensis,
quando ad vesperam immolabatur : unde et verus agnus ex omni grege sine
macula electus, pro populi sanctificatione immolandus, ante quinque dies,
idest decima luna, Hierosolymam ascendit. Augustinus in Ioannem. Quantus
autem fructus apparuerit praedicationis eius, et quantus grex ovium ex his
quae perierant domus Israel, vocem pastoris audierit intuendum ex eo quod
dicitur in crastinum autem turba multa, quae convenerat ad diem festum, cum
audissent quia venit Iesus Hierosolymam, acceperunt ramos palmarum et cetera.
Rami palmarum laudes sunt, significantes victoriam qua erat dominus mortem
moriendo superaturus, et trophaeo crucis de Diabolo mortis principe
triumphaturus. Chrysostomus in Ioannem. Ostendebant autem quoniam de
reliquo maiorem quam de propheta opinionem habebant de eo; unde sequitur et
processerunt obviam ei, et clamabant : hosanna, benedictus qui venit in
nomine domini, rex Israel. Augustinus. Hosanna vox est obsecrantis,
magis affectum indicans quam rem aliquam significans, sicut sunt in lingua
Latina quas interiectiones vocant. Beda. Est autem compositum ex
corrupto et integro : hosi enim, salva, Anna obsecrantis est interiectio.
Hosi corruptum, Anna est integrum. Benedictus autem qui venit in nomine
domini, sic potius accipiendum est ut in nomine domini, in nomine Dei patris
intelligatur; quamvis possit intelligi etiam in nomine suo, quia et ipse
dominus est : sed verba eius melius nostrum dirigunt intellectum, qui ait :
ego veni in nomine patris mei. Non utique amittit divinitatem, quando nos
docet humilitatem. Chrysostomus. Hoc est etiam quod maxime coegit
credere in Christum omnes, quoniam non est Deo contrarius : et hoc maxime
erigebat plebem quod ipse dicebat se a patre venisse. Ex his ergo verbis
colligimus quod Deus est : nam hosanna salvos fac interpretatur; salutem autem
soli Deo Scriptura attribuit. Deinde quia vere est Deus, qui venit, inquiunt,
non : qui ducitur; hoc enim servile est quodammodo, illud vero dominicum.
Quod etiam dicunt in nomine domini, illud idem erga ipsum protendit : non
enim in nomine servi, sed domini dicunt illum venire. Augustinus. Quid
autem magnum fuit regi saeculorum regem fieri hominum? Non enim rex Israel
Christus ad exigendum tributum vel ferro exercitum armandum; sed rex Israel,
quod mentes regat, quod in regnum caelorum perducat. Quod ergo rex esse
voluit Israel, dignatio est, non promotio; miserationis indicium, non
potestatis augmentum : qui enim appellatus est in terra rex Iudaeorum, in
caelis est dominus Angelorum. Theophylactus. Iudaei autem regem Israel
ipsum nuncupabant, quasi sensibilem regem somniantes : expectabant namque
exurgere quemdam in regem maiorem quam secundum humanam naturam, salvaturum
eos a Romanorum iurisdictione. Quomodo autem dominus venerit, ostendit
Evangelista subdens et invenit Iesus asellum, et sedit super eum.
Augustinus. Hoc breviter dictum est : nam quemadmodum sit factum, apud
alios Evangelistas plenissime legitur. Pullum autem asinae in quo nemo
sederat (hoc enim apud alios Evangelistas invenitur), intelligimus populum
gentium, qui legem domini non acceperat; asinam vero (quia utrumque domino
adductum est), plebem eius quae veniebat ex populo Israel. Chrysostomus. Fecit
ergo hoc, prophetice aliquid figurans : quoniam videlicet immundum gentium
populum debebat subiectum habere; et prophetiam quamdam implens. Augustinus.
Adhibetur autem huic facto propheticum testimonium, ut appareat quoniam
maligni principes Iudaeorum eum non intelligebant in quo implebantur quae
legebant; unde sequitur sicut scriptum est : noli timere, filia Sion : ecce
rex tuus venit tibi sedens super pullum asinae. In illo populo erat filia
Sion : ipsa est Ierusalem, quae est Sion, cui dicitur : noli timere illum,
agnosce qui a te laudatur; et noli trepidare cum patitur, quia ille sanguis
funditur per quem tuum delictum deleatur, et vita redimatur.
Chrysostomus. Vel aliter. Quia reges eorum iniusti fuerant, et eos
obnoxios bellis faciebant, confide, ait, hic non talis, sed mitis et
mansuetus; quod ostendit ab asino : non enim exercitum habens intrabat, sed
asinum habens solum. Vide autem Evangelistae sapientiam : non verecundatur
priorem ignorantiam divulgare; nam sequitur haec non cognoverunt discipuli
eius primum, sed quando glorificatus est Iesus. Augustinus. Idest,
quando virtutem suae resurrectionis ostendit, tunc recordati sunt quod haec
erant scripta de eo, et haec fecerunt ei, idest non alia quam quae scripta
erant de eo. Chrysostomus. Hoc autem ignorabant, quoniam ipse non
revelavit eis : scandalizasset enim eos, si rex existens talia passurus erat;
et etiam non suscepissent statim cognitionem regni de quo hic dicebatur : de
regno enim temporali hoc dici putassent. Theophylactus. Aspice autem
consequentiam passionis. Suscitavit Lazarum, hoc omnium novissime reservans
miraculum, et ob hoc plurimi concurrebant et credebant; unde sequitur testimonium
ergo perhibebat turba, quae cum eo erat quando vocavit Lazarum de monumento,
et suscitavit eum a mortuis : propterea et obviam venit ei turba, quia
audierunt eum fecisse hoc signum. Exinde livor et insidiae; unde sequitur
Pharisaei autem dicebant ad semetipsos : videtis quia nihil proficimus : ecce
mundus totus post eum abiit. Augustinus. Turba turbavit turbam. Quid
autem invidet caeca turba, quia post eum abiit mundus per quem factus est
mundus? Chrysostomus. Mundum enim hic turbam dicunt. Videtur autem
mihi hoc dictum esse eorum qui sani quidem erant, non audebant autem
propalari : demum ab eventu deterrebant alios, quasi inconsummabilia
tentantes. Theophylactus. Ac si dicerent : quantumcumque insidiemini,
tanto hic augetur, et gloria eius intenditur : quis ergo profectus de tantis
insidiis? Lectio 3 [86094] Catena in Io., cap. 12 l. 3 Beda. Templum
domini Hierosolymis situm adeo erat famosum ut diebus festis non solum
vicini, sed etiam multae ex longinquis regionibus gentes illuc advenirent, sicut
de eunucho Candacis reginae Aethiopum actus apostolorum declarant. Hac ergo
consuetudine hi gentiles venerant adorare, de quibus dicitur erant autem
quidam gentiles ex his qui ascenderant ut adorarent in die festo.
Chrysostomus in Ioannem. Prope existentes ut de cetero proselyti fierent.
Fama itaque audita de Christo, volunt eum videre; unde sequitur hi ergo
accesserunt ad Philippum, qui erat a Bethsaida Galilaeae, et rogaverunt eum
dicentes : domine, volumus Iesum videre. Augustinus in Ioannem. Ecce
volunt eum Iudaei occidere, gentiles videre; sed etiam illi ex Iudaeis erant
qui clamabant : benedictus qui venit in nomine domini. Ecce illi ex
circumcisione, illi ex praeputio, velut duo parietes de diverso venientes, et
in unam fidem Christi pacis osculo concurrentes. Sequitur venit Philippus, et
dicit Andreae. Chrysostomus. Quasi priori existenti : audiverat enim :
in viam gentium ne abieritis; propterea cum condiscipulo communicans magistro
refert; unde sequitur Andreas rursum et Philippus dicunt Iesu. Augustinus
in Ioannem. Audiamus ergo vocem lapidis angularis; unde sequitur Iesus
autem respondit eis, dicens : venit hora ut clarificetur filius hominis.
Forsitan aliquis putat ideo se dixisse glorificatum, quia gentiles volebant
eum videre. Non ita est; sed videbat gentiles post passionem et
resurrectionem suam in omnibus gentibus credituros. Ex occasione igitur
istorum gentilium qui eum videre cupiebant, annuntiat futuram plenitudinem
gentium, et promittit iam adesse horam glorificationis suae, qua facta in
caelis gentes fuerant crediturae, secundum illud : exaltare super caelos,
Deus, et super omnem terram gloria tua. Sed altitudinem glorificationis
oportuit ut praecederet humilitas passionis; unde adiunxit amen, amen, dico
vobis : nisi granum frumenti cadens in terram mortuum fuerit, ipsum solum
manet; si autem mortuum fuerit, multum fructum affert. Se autem dicebat
granum mortificandum in infidelitate Iudaeorum, multiplicandum in fide
populorum. Beda. Ipse enim ex semine patriarcharum in agro huius mundi
seminatus est ut moriendo cum multiplicatione resurgeret : solus mortuus est,
cum multis surrexit. Chrysostomus. Et quia per sermones non ita
suadebat, utitur experimento, quia frumentum magis facit fructum cum mortuum
fuerit. Si autem in seminibus hoc accidit, multo magis in me. Quia igitur de
reliquo debebat mittere discipulos ad gentes, videt autem gentiles
praesilientes ad fidem, ostendit quod tempus erat ut ad crucem veniret. Non
enim prius eos ad gentes misit donec Iudaei offenderunt, donec crucifixerunt.
Et quia de morte sua praevidit discipulos contristandos, superabundantiam
facit sermonis, dicens : non solum si non mortem meam patienter
sustinueritis, sed etiam si vos ipsi non moriamini, nullum vobis erit lucrum;
et hoc est quod subdit qui amat animam suam, perdet eam. Augustinus. Hoc
duobus modis intelligi potest : qui amat, perdet; id est : si amas, perdes :
si cupis vitam tenere in Christo, noli mortem timere pro Christo. Item alio
modo : qui amat animam suam, perdet eam. Noli amare in hac vita, ne perdas in
aeterna vita. Hoc autem quod posterius dixi, magis habere videtur evangelicum
sensum; sequitur enim et qui odit animam suam in hoc mundo, in vitam aeternam
custodit eam. Ergo quod supra dictum est, qui amat, subintelligitur in hoc
mundo. Chrysostomus in Ioannem. Amat autem animam suam in hoc mundo
qui desideria eius inconvenientia facit; odit autem eam qui non cedit ei
noxia concupiscenti. Et non dixit : qui non cedit ei, sed qui odit eam :
quemadmodum enim eorum qui odio habentur, nec vocem audire sustinemus nec
vultum videre delectamus, ita et animam cum contraria iniungit quae Deo non
placent, cum vehementia avertere oportet. Theophylactus. Quia enim
valde onerosum erat audire quod oportet odire animam, consolatur per hoc quod
addit in hoc mundo, temporis indicans particularitatem : non enim in
perpetuum iubet animam odio haberi; et emolumentum ponit cum dicit in vitam
aeternam custodit eam. Augustinus in Ioannem. Sed vide ne tibi
subrepat ut teipsum interimere velis : sic intelligendo quod debes in hoc
mundo odisse animam tuam; hinc enim quidam maligni atque perversi homicidae
flammis se donant, aquis praefocant, praecipitatione collidunt et pereunt.
Hoc Christus non docuit : immo et Diabolo praecipitium suggerenti respondit :
vade, Satana. Cum ergo causae articulus venerit, ut haec conditio proponatur
aut faciendum esse contra Dei praeceptum, aut ab hac vita migrandum,
comminante mortem persecutore, ibi oderis in hoc mundo animam tuam, ut in
vitam aeternam custodias eam. Chrysostomus. Dulcis quidem est praesens
vita his qui affixi sunt ei : si vero quis ad caelum respexerit, videns quae
ibi sunt bona, cito contemnet vitam praesentem. Cum enim apparuerit melior,
contemnitur peior. In hoc ergo nos inducens Christus, subdit qui mihi
ministrat, me sequatur; idest, me imitetur. De morte hoc dicit, et de ea quae
per opera assecutione; oportet enim eum qui ministrat, eum cui ministrat
sequi. Augustinus. Quid ergo sit ministrare Christo, in ipsis verbis
agnoscimus, cum dicit si quis mihi ministrat. Ministrant ergo Iesu qui non
quae sua sunt quaerunt, sed quae Iesu Christi; hoc est enim me sequatur :
vias ambulet meas, non suas : non ea tantum quae ad misericordiam pertinent
corporalem, sed omnia opera bona propter Christum faciens, usque ad illud
opus magnae caritatis, quod est animam pro fratribus ponere. Sed quo fructu,
qua mercede? Sequitur et ubi ego sum, illic et minister meus erit. Gratis
ametur, ut operi quo ministratur illi, pretium sit esse cum illo.
Chrysostomus. Ostendit autem per hoc, quod resurrectio morti succedet. Ubi
autem sum, ait, quia in caelis ante resurrectionem Christus erat. Igitur
illuc transmigremus animo et mente. Sequitur si quis mihi ministraverit,
honorificabit eum pater meus. Augustinus. Per hoc intelligitur
exposuisse quod supra dixerat illic et minister meus erit : nam quem maiorem
honorem accipere poterit adoptatus quam ut sit ubi est unicus?
Chrysostomus. Non autem dixit : ego honorificabo eum, sed pater meus :
nondum enim de eo decentem opinionem habebant, sed maiorem de patre. Lectio 4 [86095] Catena in Io., cap. 12 l. 4 Chrysostomus
in Ioannem. Quia dominus ad passionem discipulos exhortatus fuerat, ne
dicant, quod ipse extra dolores existens humanos facile de morte
philosophatur, et nos admonet, propter hoc quod ipse est sine periculo,
ostendit quod et ipse in agonia sit, et tamen propter utilitatem mortem non
renuit; unde dicit nunc anima mea turbata est. Augustinus in Ioannem. Audio
qui in hoc mundo odit animam suam, in vitam aeternam custodit eam : et mundum
contemnere accendor, et in conspectu meo nihil est vitae huius totus,
quantumlibet fuerit prolixus, vapor; pro amore aeternorum temporalia mihi
cuncta vilescunt; et rursum dominum audio dicentem nunc anima mea turbata
est. Sequi iubes animam meam; sed turbari video animam tuam : quale
fundamentum quaeram si petra succumbit? Agnosco, domine, misericordiam tuam :
nam qui caritatis voluntate turbaris, multos in corpore tuo, qui suae
infirmitatis necessitate turbantur, ne desperando pereant, consolaris. In se
ergo caput nostrum suscepit membrorum suorum affectum; et ideo non est ab
aliquo turbatus; sed, sicut de illo dictum est : turbavit semetipsum.
Chrysostomus. Appropinquans enim de reliquo cruci, quod humanum est
ostendit, et naturam non volentem mori, sed praesenti adhaerentem vitae,
ostendens quoniam non extra humanas passiones erat : sicut enim esurire non
crimen est, ita neque praesentem vitam appetere. Christus autem corpus a
peccato mundum habebat, non a naturalibus necessitatibus erutum. Hoc igitur
dispensationis est, non deitatis. Augustinus. Denique homo qui sequi
vult, audiat qua hora sequatur. Accessit forte hora terribilis : proponitur
optio aut faciendae iniquitatis, aut subeundae passionis : turbatur anima
infirma; audi ergo quid subiungit : et quid dicam? Beda. Hoc est, quid
aliud nisi ut membra mea instruantur? Pater, salvifica me ex hac hora.
Augustinus. Docuit te quem invoces, cuius voluntatem tuae voluntati
praeponas. Non ideo tibi videatur ex alto diffidere, quia te vult ab initio
proficere. Hominis suscepit infirmitatem ut doceat contristatum dicere : non
quod ego volo, sed quod tu vis; unde subditur sed propterea veni in horam
hanc. Pater, glorifica nomen tuum, in sua scilicet passione et resurrectione.
Chrysostomus. Quasi dicat : non habeo quid dicam, ereptionem quaerens :
propterea enim veni in horam hanc; ac si dicat : etsi turbemur et tumultum
patiamur, non fugiamus mortem : quia ego nunc turbatus, non dico ut effugiam;
oportet enim ferre quod supervenit; non dico : eripe me ex hac hora; sed contrarium
dico, scilicet clarifica nomen tuum. Ostendit enim quoniam pro veritate
moritur, gloriam Dei hoc vocans; et hoc evenit : futurum enim erat ut post
crucem converteretur orbis terrarum, et cognosceret nomen Dei, et coleret,
non solum patris, sed etiam filii. Sed tamen hoc silet. Sequitur venit ergo
vox de caelo dicens : et clarificavi, et iterum clarificabo. Gregorius
Moralium. Huiusmodi verbis per Angelum loquitur Deus, cum nil in imagine
ostenditur, sed supernae vocis verba audiuntur : et nimirum de caelestibus
loquens, verba sua quae audiri ab hominibus voluit, rationali creatura
administrante formavit. Augustinus in Ioannem. Clarificavi autem
dicit, antequam facerem mundum, et iterum clarificabo, cum resurget a
mortuis. Vel aliter. Clarificavi, cum de virgine natus est, cum miracula
multa fecit, cum descendente spiritu sancto in specie columbae monstratus
est; et iterum clarificabo, cum resurget a mortuis, cum exaltabitur super
caelos Deus et super omnem terram gloria eius. Sequitur turba ergo quae stabat
et audierat, dicebat tonitruum factum esse. Chrysostomus in Ioannem. Aperta
quidem et bene significativa erat vox : sed cito ab eis evolavit quasi a
grossioribus, et carnalibus, et desidiosis. Et hi quidem sonitum tantum
retinuerunt; alii vero quoniam articulata erat vox noverant; quid autem
significavit non adhuc; de quibus subditur : alii dicebant : Angelus ei
locutus est. Sequitur respondit Iesus, et dixit : non propter me haec vox
venit, sed propter vos. Augustinus. Hic ostendit, illa voce non sibi
indicatum quod iam sciebat, sed eis quibus indicari oportebat. Sicut autem
vox illa non propter eum facta est, sed propter eos; sic anima eius, non
propter ipsum, sed propter eos turbata est. Chrysostomus. Ad illud
enim instat vox patris quod semper dicebant, quoniam non est ex Deo : qui
enim a Deo glorificatur, qualiter non est ex Deo? Ubi vide quod humilia
propter eos facta sunt, non quasi filio auxilio indigente. Quia ergo dixit
clarificabo, ostendit consequenter et modum gloriae; nam sequitur nunc iudicium
est mundi. Augustinus. Iudicium enim quod in fine expectant, erit
praemiorum poenarumque aeternarum. Dicitur etiam iudicium, non damnationis,
sed discretionis : hoc vocabat hic iudicium, discretionem scilicet, et a suis
redemptis Diaboli expulsionem; unde sequitur nunc princeps mundi huius
eicietur foras. Absit ut Diabolum principem mundi ita dictum existimemus ut
eum caeli et terrae dominari posse credamus; sed mundus appellatur in malis
hominibus, qui toto orbe terrarum diffusi sunt. Sic ergo dictum est princeps
huius mundi, idest princeps malorum hominum, qui habitant in mundo.
Appellatur etiam mundus in bonis, qui similiter per totum orbem terrarum
diffusi sunt; ideo dicit apostolus : Deus erat in Christo, mundum
reconcilians sibi. Hi sunt ex quorum cordibus princeps mundi eicietur foras.
Praevidebat enim dominus, post passionem et glorificationem suam, per
universum mundum multos populos credituros, in quorum cordibus Diabolus intus
erat, cui quando ex fide renuntiant, eicitur foras. Sed numquid de cordibus
veterum iustorum non est eiectus foras? Quomodo ergo dictum est nunc eicietur
foras, nisi quia tunc quod in hominibus paucissimis factum est, nunc in
multis magnisque populis iam mox futurum esse praedictum est? Quid ergo ait
quispiam : quia Diabolus eicitur foras, iam fidelium neminem tentat? Immo
tentare non cessat; sed aliud est intrinsecus regnare, aliud forinsecus
oppugnare. Chrysostomus. Sed quale est istud iudicium quo Diabolus
foras eicitur, exemplo id faciam manifestum. Sit aliquis debitores expetens,
et feriat, et in vincula mittat : deinde ex eadem dementia et eum qui nihil
debet sub eumdem carcerem ducat : hic et eorum quae in alios fecit, dabit
vindictam. Ita et in Christo factum est : eorum enim quae Diabolus in nos
fecit, per ea quae in Christum ausus est, sustinebit vindictam. Et ne quis
dicat : qualiter mittetur foras, si te superabit? Subiungit et ego si
exaltatus fuero a terra, omnia traham ad meipsum. Qualiter enim superatur qui
et alios trahit? Hoc autem, plus fuit dicere, quam : resurgam. Si enim hoc
dixisset, nondum manifestum esset quod traheret; dicendo vero traham,
utrumque demonstrat. Augustinus. Sed quae omnia trahit, nisi ex quibus
Diabolus eicitur foras? Non autem dixit : omnes, sed omnia : non enim omnium
est fides. Non itaque hoc ad universitatem hominum retulit, sed ad creaturae
integritatem, idest spiritum, et animam, et corpus; ad illud scilicet quod
intelligimus, quod vivimus, quod visibiles sumus : aut si omnia ipsi homines
intelligendi sunt, omnia praedestinata ad salutem possumus dicere; aut certe
omnia hominum genera secundum innumerabiles differentias, quibus inter se
praeter sola peccata homines distant. Chrysostomus. Qualiter igitur
supra dixit, quoniam pater trahit? Quia scilicet filio trahente, pater
trahit. Dicit autem traham, quasi a tyranno detentos, et per seipsos
nequeuntes accedere, et illius manus effugere. Augustinus. Sed si
exaltatus, inquit, fuero a terra; hoc est, cum exaltatus fuero; non enim
dubitat futurum esse quod venit implere : nam exaltationem suam dixit in
cruce passionem; unde Evangelista subdit hoc autem dixit significans qua
morte esset moriturus. Lectio 5 [86096] Catena in Io., cap. 12 l. 5 Augustinus in
Ioannem. Cum intellexissent Iudaei quod dominus de sua morte dixisset,
proponunt ei quaestionem, quomodo se diceret moriturum; unde dicitur
respondit ei turba : nos audivimus ex lege quia Christus manet in aeternum;
quomodo tu dicis : oportet exaltari filium hominis? Memoriter tenuerunt quod
dominus assidue dicebat se esse filium hominis : nam hoc loco non dixit : si
exaltatus fuerit filius hominis; sed superius dixerat : venit hora ut
clarificetur filius hominis. Hoc ergo in animo retinentes, inquiunt : si
Christus manet in aeternum, quomodo exaltabitur a terra; idest, quomodo
crucis passione morietur? Chrysostomus in Ioannem. Hinc est videre
quoniam multa eorum quae parabolice dicebantur, intelligebant : quia enim
praevenit de morte disputans, audientes hic exaltationem, suspicati sunt hoc.
Augustinus. Vel hoc eum dixisse intelligebant quod facere cogitabant. Non
ergo eis verborum istorum obscuritatem aperuit infusa sapientia, sed
stimulata conscientia. Chrysostomus. Et vide qualiter malitiose
interrogant; non enim dixerunt nos audivimus ex lege quia Christus nihil
patitur : in multis enim Scripturarum locis et passio et resurrectio simul
ponitur; sed quoniam manet in aeternum : et nimirum hoc non erat contrarium,
immortalitati enim per passionem non est factum impedimentum. Sed
aestimaverunt per hoc ostendere eum non esse Christum, quoniam Christus manet
in aeternum. Deinde subdunt : quis est filius hominis? Et hoc malitiose;
quasi dicant : non dicas quod propter odium tuum hoc dicamus : ecce enim non
novimus de quo dicis. Sed Christus respondit, ostendens quoniam passio non
prohibet manere eum in aeternum; unde subditur dixit ergo eis Iesus : adhuc
modicum lumen in vobis est : quasi dicat : adhuc parvo tempore ego lux
vobiscum sum; per hoc ostendens quod mors eius transmigratio est : etenim lux
solaris non interimitur, sed parum recedens rursus apparet. Augustinus. Vel
aliter. Modicum lumen in vobis est, per hoc quod intelligitis quia Christus
manet in aeternum; ergo ambulate, accedite, totum intelligite, et moriturum
Christum, et victurum in aeternum, dum lucem habetis. Chrysostomus. Hic
dicit tempus totum praesentis vitae et ante crucem et post crucem : multi
enim post crucem crediderunt in eum. Ut non tenebrae vos comprehendant.
Augustinus. Si scilicet eo modo credideritis Christi aeternitatem ut
negetis in eo mortis humilitatem. Sequitur et qui ambulat in tenebris, nescit
quo vadat. Chrysostomus. Quanta denique Iudaei nunc agunt, et nesciunt
quid agunt; sed ut in tenebris ambulantes, putant rectam quidem incedere
viam, contrariam autem vadunt; propterea subdit dum lucem habetis, credite in
lucem. Augustinus. Idest, dum aliquid veri habetis, credite in
veritatem, ut renascamini veritati; unde sequitur ut filii lucis sitis.
Chrysostomus. Quod est filii mei. In principio autem Evangelista dicit
quod ex Deo nati sunt, hoc est ex patre; hic autem ipse dicitur hos generare,
ut discas quoniam una est actio patris et filii. Sequitur haec locutus est
Iesus, et abiit, et abscondit se ab eis. Augustinus. Non ab eis qui
credere et diligere coeperunt, sed ab eis qui videbant et invidebant. Cum
autem se abscondit, nostrae infirmitati consuluit, non suae potestati
derogavit. Chrysostomus. Sed cum nec lapides levarent, nec
blasphemarent, cuius gratia occultatus est? Corda enim rimatus noverat
furorem in eis saevientem, et non expectavit ut in opus exirent; sed
occultatur, mitigans eorum invidiam. Lectio 6 [86097] Catena in Io., cap. 12 l. 6 Chrysostomus
in Ioannem. Noverat dominus ferventem animum Iudaeorum, et occisionem
meditantem; et ideo occultatus est : et hoc occulte insinuavit Evangelista
subdens cum autem tanta signa fecisset coram eis, non crediderunt in eum.
Theophylactus. Non autem modicae iniquitatis fuit tantis signis non
credere : ea vero signa commemorat quae supra sunt posita. Chrysostomus. Ne
quis autem dicat : cuius gratia venit Christus, non noverant, quod non ei
intenderent; ideo ad hoc excludendum inducit etiam prophetas hoc scientes;
propter quod sequitur ut sermo Isaiae impleretur, quem dixit : domine, quis
credidit auditui nostro, et brachium domini cui revelatum est? Alcuinus. Quis
pro raritate posuit : quia quod sancti prophetae a Deo audierunt et populo
praedicaverunt, paucissimi crediderunt. Augustinus in Ioannem. Satis
autem ostendit brachium domini ipsum Dei filium nuncupatum : non quod Deus
pater figura detinetur carnis humanae : sed quia omnia per ipsum facta sunt,
ideo brachium domini dictum est. Si enim aliquis homo tanta potestate
praevaleret ut sine ullo motu corporis sui, quod diceret fieret, verbum eius,
brachium eius esset. Non autem patet occasio erroris his qui dicunt quia
solus pater est, si brachium eius est filius (non enim duae, sed una persona
est homo et brachium eius), non intelligentes quomodo verba de rebus aliis ad
res alias propter aliquam similitudinem transferantur. Quidam autem inter se
mussitant : quae culpa fuit Iudaeorum, si necesse erat ut sermo Isaiae
impleretur? Quibus respondemus, Deum praescium futurorum per prophetam
praedixisse infidelitatem Iudaeorum, non fecisse : non enim propterea
quemquam Deus ad peccandum cogit, quia futura hominum peccata iam novit :
ipsorum enim praescivit peccata, non sua. Fecerunt ergo peccatum Iudaei quod
facturos esse praedixit quem nihil latet. Chrysostomus. Quod ergo
dixit ut sermo Isaiae prophetae impleretur, ly ut non causale est, sed
eventus : non enim quia dixit Isaias, non crediderunt; sed quia non erant
credituri, propterea Isaias dixit. Augustinus. Sed ea quae sequuntur,
profundiorem faciunt quaestionem; adiungit enim et dicit propterea non
poterant credere, quia iterum dixit Isaias : excaecavit oculos eorum, et induravit
cor eorum, ut non videant oculis, et non intelligant corde, et convertantur,
et sanem eos. Si enim credere non poterant, quod peccatum est hominis non
facientis quod non potest facere? Et, quod est gravius, ad Deum causa
refertur, quandoquidem ipse excaecavit oculos eorum et induravit eorum cor :
non enim hoc saltem de Diabolo dicitur, sed de Deo. Sed quare non poterant
credere? Respondeo : quia nolebant. Sicut enim quod dominus negare seipsum
non potest, laus est voluntatis divinae, ita quod illi non poterant credere,
culpa est voluntatis humanae. Chrysostomus. Hoc autem et in communi
consuetudine custoditur, ut cum quis dicit : non possum amare illum :
vehementiam voluntatis impotentiam dicit. Sed Evangelista dicit non poterant,
ut ostendat quoniam impossibile est mentiri prophetam : non tamen propterea
impossibile erat eos credere; non enim haec praedixisset, si credituri essent.
Augustinus. Sed aliam causam, inquis, dicit propheta, non voluntates eorum
: quia scilicet excaecavit oculos eorum, et induravit cor eorum. Sed hoc
etiam eorum voluntatem meruisse respondeo. Sic enim excaecat et obdurat Deus
deserendo et non adiuvando; quod occulto iudicio facere potest, iniquo non
potest. Chrysostomus. Neque enim derelinquit nos nisi voluerimus nos,
secundum illud : oblitus es legis Dei tui; obliviscar et ego tui. Haec dicit
ostendens nos incipere derelictionem et causam fieri perditionis. Sicut enim
sol infirmum offendit visum non ex propria natura; ita fit in his qui non
attendunt Dei sermones. Terrens autem auditores Scriptura dicit excaecavit et
induravit. Augustinus. Quod autem addidit et convertantur, et sanem
eos, utrum subaudiendum sit non, idest non convertantur, etenim conversio de
illius gratia est; an forte et hoc de supernae medicinae misericordia factum
intelligendum, ut quoniam superbe suam iustitiam constituere volebant, adhuc
desererentur et excaecarentur, ut offenderent in lapidem offensionis, et
impleretur facies eorum ignominia, atque humiliati quaererent non suam, qua
inflatur superbus, sed iustitiam Dei, qua iustificatur impius? Hoc enim
multis eorum profecit in bonum, qui de suo scelere compuncti, in Christum
postea crediderunt. Sequitur haec dixit Isaias quando vidit gloriam eius, et
locutus est de eo. Vidit autem non sicuti est, sed modo quodam significativo,
sicut prophetae visio fuerat informanda. Nemo ergo vos fallat eorum qui
dicunt invisibilem patrem et visibilem filium, qui putant eum esse creaturam
: in forma enim Dei, in qua aequalis est patri, etiam filius invisibilis est
: ut autem ab hominibus videretur, formam servi accepit. Ostendit etiam se,
antequam susciperet carnem, oculis hominum, sicut voluit in subiecta
creatura, non sicuti est. Chrysostomus. Gloriam autem hic dicit
visionem sedentis in throno excelso, et alia quae ibi dicuntur; unde sequitur
et locutus est de eo, hoc scilicet : vidi Deum sedentem, et quod audivit
vocem dicentem : quem mittam, et quis ibit nobis? Sequitur verumtamen ex
principibus multi crediderunt in eum; sed propter Pharisaeos non
confitebantur, ut de synagoga non eicerentur. Dilexerunt enim magis gloriam
hominum, quam gloriam Dei. Alcuinus. Gloria Dei est publice confiteri
Christum; gloria hominum est in mundanis gloriari. Augustinus. Hos
ergo improbavit Evangelista qui in hoc gressu fidei si proficerent per
amorem, quae humanae gloriae sunt proficiendo superarent. Lectio 7 [86098] Catena in Io., cap. 12 l. 7 Chrysostomus
in Ioannem. Quia amor humanae gloriae principes credentes confiteri
prohibebat, dominus contra hoc eis loquitur; unde dicitur Iesus autem
clamavit, et dixit : qui credit in me, non credit in me, sed in eum qui me
misit; quasi dicat : quid formidatis credere in me? In Deum fides pervenit
per me. Augustinus in Ioannem. Quia enim homo apparebat hominibus, cum
lateret Deus, ne putarent eum hoc esse tantum quod videbant, talem ac tantum
se volens credi qualis et quantus est pater, qui credit in me, inquit, non
credit in me, idest in hoc quod videt, sed in eum qui me misit, idest in
patrem. Nam si putaverit eum habere filios secundum gratiam, non autem habere
filium aequalem sibi atque coaeternum, nec credit in patrem qui eum misit,
quia non est hoc pater qui eum misit. Ne autem putarent sic voluisse
intelligi patrem tamquam multorum filiorum per gratiam generatorem, non unici
verbi aequalis sibi, continuo subiecit qui videt me, videt eum qui misit me;
quasi dicat : usque adeo nihil distat inter eum et me, ut qui me videt,
videat eum qui misit me. Apostolos suos certe ipse dominus misit; numquam
tamen aliquis eorum dicere auderet : qui credit in me. Credimus enim
apostolo, sed non credimus in apostolum. Filius autem recte unigenitus dicit
qui credit in me, non credit in me, sed credit in eum qui me misit; ubi non a
se abstulit credentis fidem, sed noluit in forma servi remanere credentem. Chrysostomus.
Vel dicit qui credit in me, non credit in me, sed in eum qui misit me,
quasi dicat : qui fluminis accipit aquam, non eam quae est fluminis accipit
sed eam quae est fontis. Volens autem ostendere quoniam non est credere in
patrem, non credentem in eum, subiungit qui videt me, videt eum qui me misit.
Quid igitur? Corpus est Deus? Nequaquam; sed consideratio veri, quae est per
intellectum, hic visio dicitur. Deinde ostendit eam quae est ad patrem
cognitionem, in hoc quod subdit ego lux in mundum veni : quia enim pater lux
vocatur, ubique eo hic utitur nomine. Lucem autem se hic vocavit, eo quod ab
errore eripit, et intellectuales tenebras solvit; unde subdit ut omnis qui
credit in me, in tenebris non maneat. Augustinus. In quo satis
manifestat, omnes se in tenebris invenisse. Sed ne in eis
tenebris maneant in quibus inventi sunt, debent credere in lucem, quae venit
in mundum. Dixit quodam loco discipulis suis : vos estis lux
mundi; non tamen eis dixit : vos lux venistis in mundum, ut omnis qui credit
in vos, in tenebris non maneat. Lumina ergo sunt omnes sancti; sed credendo
illuminantur ab eo a quo si quis recesserit, tenebratur.
Chrysostomus. Ut autem non existiment quod propter imbecillitatem eos qui
ipsum contemnunt illaesos dimittat, subiungit et si quis audierit verba mea
et non custodierit, ego non iudico eum. Augustinus. Intelligendum est
: modo non iudico eum; cum alio loco dicat : pater omne iudicium dedit filio.
Quare autem modo non iudicat, ostendit subdens non enim veni ut iudicem
mundum, sed ut salvificem mundum; idest, ut salvum faciam mundum. Nunc ergo
est tempus misericordiae, post erit iudicii. Chrysostomus. Deinde ut
non pigriores ex hoc fiant, terribile subdit iudicium qui spernit me et non
accipit verba mea, habet qui iudicet eum. Augustinus in Ioannem. Non
dicit : ego non iudico eum in novissimo die : hoc enim esset contrarium illi
sententiae : omne iudicium dedit filio. Expectantibus autem quisnam esset
ille, secutus adiungit sermo quem locutus sum, ille iudicabit eum in
novissimo die. Satis manifestavit seipsum in novissimo die iudicaturum :
seipsum quippe locutus est, seipsum annuntiavit. Aliter itaque iudicabuntur
qui non audierunt, aliter qui audierunt et contempserunt. Augustinus de
Trin. Ideo autem iudicat verbum quod locutus est filius, quia non ex se
locutus est filius; unde sequitur quia ego ex meipso non sum locutus; per
quod intelligi voluit : ego non ex me natus sum. Quaero itaque quomodo
intelligamus : ego non iudicabo, sed verbum quod locutus sum iudicabit; cum
ipse sit verbum patris quod loquitur. Vel ita. Ego non iudicabo ex potestate
humana, quia filius hominis sum, sed ego iudicabo ex potestate verbi Dei,
quia filius Dei sum. Chrysostomus in Ioannem. Vel aliter. Ego non
iudico eum; idest, non sum causa perditionis eius; sed ipse qui verba mea
spernit. Verba enim quae modo locutus sum, in ordine stabunt accusatoris
omnem tollentia excusationem; et hoc est quod subdit sermo quem locutus sum,
ille iudicabit eum. Et quis sermo? Quia ego ex meipso non sum locutus; sed
qui misit me pater, ipse mihi mandatum dedit quid dicam, et quid loquar.
Omnia igitur haec propter eos dicebantur, ut nullam habeant excusationem.
Augustinus in Ioannem. Mandatum autem, non quod filius non habeat, pater
dedit; sed in sapientia patris, quod est verbum patris, omnia mandata sunt
patris. Dicitur autem mandatum datum, quia non est a seipso, cui dicitur
datum; et hoc est dare filio id sine quo numquam filius fuit, quod est
gignere filium qui numquam non fuit. Theophylactus. Cum enim verbum
patris existat filius, et quae sunt in mente patris revelet in integrum,
mandatum accepisse dicit quid sit dicturus, et quid loquatur. Sicut etiam
nostrum verbum, si verum fateri volumus, ea profert quae suggerit mens.
Sequitur et scio quia mandatum eius vita aeterna est. Augustinus. Si
ergo vita aeterna est ipse filius, et vita aeterna est mandatum patris, quid
aliud dictum est nisi quia ego sum mandatum patris? Proinde et id quod
adiungit, quae ergo loquor, sicut dixit mihi pater, sic loquor, non
accipiamus dixit mihi quasi per verba locutus sit unico verbo. Dixit ergo
pater filio id sine quo numquam filius fuit, sicut dedit vitam filio : non
quod nesciebat vel non habebat, sed quod ipse filius erat. Quid est autem
sicut dixit mihi, sic loquor, nisi verbum loquor? Ita ille dixit ut verax,
ita iste loquitur ut veritas; verax autem genuit veritatem : quid ergo iam
diceret veritati? Non enim imperfecta erat veritas, cui verum aliquod
adderetur. |
CHAPITRE XII
Versets 1-11.
Alcuin : Le temps où le Sauveur avait résolu de souffrir
approchait; il se rapprocha donc aussi du lieu où il devait accomplir la
mystérieuse économie de sa passion : « Jésus donc, six jours avant la Pâque,
vint à Béthanie. » Il se rend d'abord à Béthanie, puis à Jérusalem; à
Jérusalem pour y souffrir, à Béthanie pour que la résurrection de Lazare
s'imprimât plus profondément dans la mémoire de tous; et c'est pour cela que
l'Evangéliste ajoute : « Où était mort Lazare, qu'il avait ressuscite. » théophyi. Le dixième jour du mois, les Juifs prennent un agneau pour
l'immoler dans les fêtes de Pâques; c'est de ce jour que commence pour eux
les solennités de cette fête. Voilà pourquoi le neuvième jour du mois, qui
précède le dixième jour avant la Pâque, ils font un festin splendide, et ce
jour est comme l'ouverture de cette grande fête; c'est pour cela que Jésus,
venant à Béthanie, prend part à on festin de ce genre : « On lui prépara là
un souper, » etc. En nous disant que Marthe servait à table, l'Evangéliste
nous fait entendre que ce repas avait lieu dans sa maison. Mais considérez la
foi de cette femme; elle ne charge pas les femmes de service de servir à
table, elle veut elle-même remplir cet office. L'Evangéliste nous donne
encore une preuve évident la résurrection de Lazare, en ajoutant :
« Lazare était un de ceux qui étaient assis à table avec lui. » — S. Augustin : (Traité 50 sur S.
Jean). Il était donc vivant, il parlait, il mangeait, la vérité se
montrait au grand jour, et l'incrédulité des Juifs était confondue. S. Jean Chrysostome : (hom. 65). Quant à Marie, elle ne s'occupe point du
service ordinaire, elle est tout entière à l'honneur qu'elle veut rendre à
son divin Maître, et elle s'approche de lui non comme d'un homme, mais comme
d'un Dieu : « Or, Marie prit une livre de parfum de nard pur, d'un grand
prix, le répandit sur les pieds de Jésus, et les essuya avec ses cheveux, »
etc. — S. Augustin : Le mot pistici
indique probablement le lieu d'où venait ce parfum précieux. —Alcuin : Ou bien, ce mot ajouté à
celui de parfum, veut dire qu'il était pur (de fides), et n'était
mélangé d'aucune substance étrangère. Marie était cette femme pécheresse qui
était déjà venue trouver le Seigneur dans la maison de Simon, avec un vase de
parfum. — S. Augustin : (de
l'accord des Evang., 2, 79). Ce fait, qui se répète à Béthanie,
est différent de celui que raconte saint Luc; mais il est également raconté
par les trois autres évangélistes, saint Jean, saint Matthieu et saint Marc.
Dans saint Matthieu et dans saint Marc, le parfum est répandu sur la tète;
dans saint Jean, il est répandu sur les pieds; mais nous devons entendre que
Marie le répandit non-seulement sur la tête, mais encore sur les pieds du
Seigneur. C'est comme par récapitulation que saint Matthieu et saint Marc
parlent de ce fait, qui eut lieu à Béthanie, six jours avant la Pâque, et
qu'ils racontent le repas dont parle ici saint Jean, et du parfum qui fut
répandu sur le Sauveur. « Et la maison fut remplie de l'odeur du parfum. » — S. Augustin : (Traité 80).
Rappelez-vous ces paroles de l'Apôtre : « Aux uns nous sommes une odeur de
mort pour la mort, et aux autres une odeur de vie pour la vie, » (2 Co 2,
16) et vous comprendrez par ce parfum comment il était pour les uns une bonne
odeur qui donnait la vie, et pour les autres une mauvaise odeur qui donnait
la mort : « Alors un de ses disciples, Judas Iscariote, qui devait le trahir,
dit : Pourquoi n'a-t-on pas vendu ce parfum trois cents deniers, » etc. — S. Augustin : Les autres
évangélistes disent que les disciples murmurèrent également à la vue de ce
parfum répandu, saint Jean ne parle que de Judas, on peut donc dire que saint
Matthieu et saint Marc ont voulu désigner Judas sons le nom des disciples en
général, en mettant le pluriel pour le singulier. On peut encore dire que les
disciples eurent la même pensée que Judas, ou qu'ils l'exprimèrent, ou que
Judas leur fit partager sa manière de voir, et que saint Matthieu et saint
Marc ont exprimé ce qu'ils pensaient intérieurement. Mais Judas parle ainsi
parce que c'était un voleur, et les autres par intérêt pour les pauvres, et
Jean n'a cru devoir ici mentionner que celui dont il voulait faire apparaître
l'habitude de voler : « Il dit cela, non qu'il se souciât des choses, mais
parce qu'il était voleur, et qu'ayant la bourse, il portait ce qu'on y
déposait. » — Alcuin : Son devoir
était de la porter, son crime de la voler. S. Augustin : La perversion de Judas ne date pas seulement
du jour où il reçut des Juifs la somme d'argent pour leur livrer
Nôtre-Seigneur, bien auparavant il avait la passion du vol, il était déjà perdu,
et suivait Jésus, non de cœur, mais de corps seulement. Le Seigneur voulut
nous apprendre ainsi à supporter les méchants pour ne point diviser le corps
de Jésus-Christ. Celui qui vole l'Eglise en quelque chose, est semblable au
traître Judas. Si vous êtes bon, tolérez les mauvais pour obtenir la
récompense des bons, et ne point partager le supplice des méchants. Prenez
exemple sur la conduite du Seigneur, lorsqu'il vivait sur cette terre;
pourquoi lui qui avait les anges pour le servir, voulût-il que ses disciples
eussent une bourse à son usage, sinon pour nous apprendre qu'il serait aussi
permis à son Eglise d'avoir de l'argent en réserve ? Pourquoi permit-il qu'il
y eût un voleur dans sa compagnie, si ce n'est pour enseigner à son Eglise à
supporter les voleurs qu'elle aurait dans son sein ? Remarquez cependant que
celui qui avait contracté l'habitude de voler son maître, n'hésita pas à
vendre le Seigneur pour une somme d'argent. S. Jean Chrysostome : (hom. 65). Jésus lui confia, quoiqu'il fût un voleur, la
bourse des pauvres, pour ôter tout prétexte, toute excuse à sa trahison, car
il ne peut alléguer que c'est le désir d'avoir de l'argent qui l'avait porté
à cet excès, puisqu'il trouvait dans la bourse qu'il portait de quoi
satisfaire abondamment ce désir. — Théophylactus
: Il en est qui pensent que Judas fut chargé de l'emploi et de la
distribution de l'argent, comme le dernier des apôtres, car l'administration
de l'argent est inférieure à la prédication de la doctrine, selon ce que
disent les Apôtres eux-mêmes : « Il n'est pas juste que nous abandonnions la
parole de Dieu pour le service des tables. » (Ac 6, 2). S. Jean Chrysostome : Cependant Jésus-Christ fait preuve de la
plus grande bonté à l'égard de Judas, il ne lui reproche pas les vols qu'il a
commis, il donne à l'action de cette femme une excuse générale : « Jésus
lui dit donc : Laissez-la réserver ce parfum pour le jour de ma sépulture. »
— Alcuin : Notre Seigneur prédit
ainsi qu'il doit mourir et que son corps doit être embaumé avec des parfums,
et comme Marie, malgré tout son désir, ne pourrait embaumer son corps après
sa mort qui devait être suivie d'une résurrection si prompte, il lui permet
de lui rendre cet hommage pendant sa vie. — S. Jean Chrysostome : En rappelant le souvenir de sa sépulture,
il veut encore donner un avertissaient à son traître disciple, et il semble
lui dire : Je vous suis à charge, ma présence vous pèse, mais attendez un
peu, et je m'en irai; c'est ce que signifient ces paroles : « Vous avez
toujours des pauvres avec vous, mais vous ne m'aurez pas toujours. » — S. Augustin : Il parlait ici de sa
présence corporelle, car sous le rapport de sa puissance divine, de sa
providence, de sa grâce ineffable et invisible, il accomplit cette promesse
qu'il a faite à ses disciples : « Voici que je suis avec vous jusqu'à la
consommation des siècles. » Ou bien encore, Judas est la figure de tous les
méchants; si vous êtes bon, vous jouissez de la présence de Jésus-Christ par
la foi dans son sacrement, et vous en jouirez toujours, car vous ne sortirez
de cette vie que pour aller trouver celui qui a dit au bon larron : «
Aujourd'hui vous serez avec moi dans le paradis. » Mais si votre conduite est
mauvaise, vous paraîtrez jouir de la présence de Jésus-Christ pendant cette
vie, parce que vous avez reçu son baptême, parce que vous vous approchez de
son autel, mais votre vie criminelle vous la fera bientôt perdre, Jésus ne
dit pas : Tu as, mais : « Vous avez, » parce que dans un seul homme mauvais,
il voit la figure de tous les méchants. « Une grande multitude de Juifs
surent qu'il était là, et ils vinrent, non à cause de Jésus seulement, mais
pour voir Lazare qu'il avait ressuscité d'entre les morts. »
C'est la curiosité qui les amène et non la charité. — Théophylactus : Ils désiraient voir celui qu'il avait ressuscité,
dans l'espérance d'apprendre de Lazare quelque nouvelle des enfers. S. Augustin : (Traité 30). Ce miracle que Notre Seigneur avait opéré,
portait avec lui un caractère si éclatant d'évidence, il avait reçu
d'ailleurs une si grande publicité, qu'ils ne pouvaient ni le dissimuler, ni
le nier, que firent-ils donc ? Ils formèrent le projet de faire mourir
Lazare. Projet insensé, cruauté aveugle ! Est-ce que le Seigneur, qui a pu
ressusciter un homme mort, ne pourrait le ressusciter s'il était tué ? Voici
qu'il a fait l'un et l'autre : Il a ressuscité Lazare qui était mort, et il
s'est ressuscité lui-même, après que les Juifs l'eurent fait mourir de mort
violente. — S. Jean Chrysostome : (hom.
66). Aucun miracle de Jésus-Christ ne leur causa une si grande fureur, il
était un des plus éclatants, il avait été fait devant un grand nombre de
témoins, et c'était un spectacle vraiment extraordinaire que de voir marcher
et parler un mort de quatre jours. On peut dire encore que dans d'autres
circonstances, ils croyaient pouvoir détacher la multitude de Jésus, en
l'accusant de violer la loi du sabbat, mais comme ici ils ne pouvaient
formuler contre lui aucune accusation, ils tournent tous leurs efforts contre
Lazare; c'est ce qu'ils eussent fait à l'égard de l'aveugle-né, s'ils
n'avaient cru pouvoir accuser Jésus d'avoir violé la loi du sabbat. Peut-être
encore, comme l'aveugle-né était de condition obscure, se contentèrent-ils de
le chasser du temple, Lazare, au contraire, était d'une famille distinguée,
comme on le voit par le grand nombre de ceux qui étaient venus pour consoler
ses sœurs. Ce qui les blessait encore profondément, c'est que tout le monde
quittait la fête qui commençait pour se rendre à Béthanie. ALCUIN, Dans le sens mystique, Jésus, en venant à Béthanie six jours
avant la Pâque, nous apprend que celui qui avait fait tout l'univers en six
jours, et créé l'homme le sixième jour, était venu racheter le monde au
sixième âge du monde, le sixième jour de la semaine et à la sixième heure. Le
festin que l'on prépare au Seigneur, c'est la foi de l'Eglise qui opère par
la charité. (Gal 5, 7) Marthe sert le Seigneur dans toute âme fidèle
qui offre à Jésus l'hommage de sa piété et de sa dévotion. Lazare, qui était
un de ceux qui étaient assis à table avec lui, est la figure des pécheurs
qui, après être morts au péché, sont ressuscites à la justice, se réjouissent
de la présence de la vérité avec ceux qui ont persévéré dans la justice, et
se nourrissent avec eux des dons de la grâce céleste. C'est à Béthanie que se
célèbre ce festin, et avec raison, car Béthanie veut dire maison de
l'obéissance, et l'Eglise est vraiment la maison de l'obéissance. — S. Augustin : Le parfum que Marie
répandit sur les pieds de Jésus, est le symbole de la justice, et c'est pour
cela qu'il y en avait une livre. C'était un parfum de nard pur d'un grand
prix, car le mot pistici, veut dire foi. Vous cherchiez à opérer la
justice ? Rappelez-vous que le juste vit de la foi. Couvrez de parfums les
pieds de Jésus par une vie sainte, suivez les traces du Seigneur, essuyez ses
pieds avec vos cheveux, c'est-à-dire, si vous avez du superflu, donnez-le aux
pauvres, et vous aurez essuyé les pieds du Seigneur, car les cheveux sont
comme une partie superflue du corps. — Alcuin
: Remarquez que la première fois elle n'avait répandu ses parfums que sur
les pieds de Jésus; ici elle les répand à la fois sur les pieds et sur la
tête; d'un côté ce sont les commencements de la vie pénitente, de l'autre
c'est la justice des âmes parfaites, car la tête du Seigneur figure la
hauteur sublime de sa divinité, et ses pieds l'humilité de son incarnation;
ou bien encore la tête, c'est Jésus-Christ lui-même, les pieds ce sont les
pauvres qui sont ses membres. — S.
Augustin : La maison fut remplie de l'odeur du parfum, c'est-à-dire, que
le bruit de cette action s'est répandue dans le monde entier comme un parfum
d'agréable odeur. Versets 12-19.
S. Jean Chrysostome : La loi ordonnait que le dixième jour de la
lune du premier mois, chacun prît un agneau ou un chevreau, et le gardât dans
sa maison jusqu'au quatorzième jour de ce mois, au soir duquel on devait
l'immoler (Ex 12); voilà pourquoi l'Agneau véritable, l'Agneau sans
tache, choisi dans tout le troupeau, et qui devait être immolé pour la
sanctification du peuple, se rendit à Jérusalem cinq jours avant son
immolation, c'est-à-dire, le dixième jour de la lune. — S. Augustin : (Traité 51 sur S. Jean). Voulez-vous
juger du fruit de la prédication du Sauveur et du grand nombre de brebis
(parmi celles qui avaient péri de la maison d'Israël), qui avaient entendu la
voix du pasteur, considérez ce que dit l'Evangéliste : « Le lendemain, une
foule nombreuse qui était venue pour la fête, ayant appris que Jésus venait à
Jérusalem, prit des rameaux de palmiers, » etc. Les rameaux de palmier sont
les louanges et l'emblème de la victoire que le Seigneur devait remporter sur
la mort en mourant lui-même, et du triomphe qu'il devait obtenir par le
trophée de la croix sur le démon, le prince de la mort. S. Jean Chrysostome : (hom. 66). Cette multitude témoignait à haute voix qu'elle
voyait eu lui beaucoup plus qu'un prophète : « En effet, dit l'Evangéliste,
ils allèrent au-devant de lui, en criant : hosanna, » etc. — S. Augustin : Le mot hosanna est
une parole de supplication, qui exprime plutôt un sentiment du cœur qu'une
pensée déterminée, comme sont les mots qu'on appelle dans la langue latine
interjections. — S. Bède : Ce mot
est composé d'une abréviation et d'un mot entier, osi veut dire sauvé,
et anna est une interjection suppliante. Le mot osi est
abrégé, anna est entier, « Béni soit celui qui vient au nom du
Seigneur, » peut être entendu dans ce sens : « Béni soit celui qui vient
an nom de Dieu le Père, » bien qu'on puisse aussi l'entendre de son propre
nom, puisqu'il est aussi le Seigneur; mais le sens le plus vraisemblable de
ces paroles nous est indiqué par ces autres du Sauveur : « Je suis venu au
nom de mon Père. » (Jn 10) Il ne perd pas sa divinité en nous
enseignant l'humilité. S. Jean Chrysostome : Un des plus puissants motifs qui porta la
multitude à croire en Jésus-Christ, c'est qu'il n'était pas contraire à Dieu,
et ce qui frappait le plus l'esprit du peuple, c'est qu'il disait qu'il
venait du Père. De ces paroles nous tirons cette conclusion qu'il était Dieu.
En effet, le mot hosanna signifie sauvé. Or, l'Ecriture
n'attribue qu'à Dieu la puissance de sauver. Nous concluons encore qu'il
était vrai Dieu, parce qu'il vient et qu'il n'est pas conduit par un autre;
car être conduit, indique qu'on est sous la dépendance de quelqu'un tandis
que venir soi-même, n'appartient qu'au Maître. Ce qu'ils ajoutent : « Au nom
du Seigneur, » exprime la même vérité; car ils ne disent pas qu'il vient au
nom du serviteur, mais « au nom du Seigneur. » S. Augustin : Qu'était-ce pour le Roi éternel des siècles
de devenir le roi des hommes ? Jésus-Christ ne fut pas roi d'Israël pour
imposer des tributs, pour lever et armer des troupes, mais pour gouverner les
âmes et les conduire dans le royaume des cieux. Si donc il a voulu être roi
d'Israël, ce n'est point pour s'élever lui-même, mais par bonté pour nous,
c'est un témoignage de sa miséricorde, plutôt qu'une marque de sa puissance;
car celui qui s'est appelé sur la terre le roi des Juifs, est dans le ciel le
roi des anges. — Théophylactus : Les
Juifs le proclamaient roi d'Israël dans un sens conforme à leurs rêves sur la
royauté temporelle de leur Messie. Ils espéraient, en effet, voir s'élever du
milieu d'eux un roi dont la puissance surpasserait celle des rois de la
terre, et qui les affranchirait de la domination des Romains. L'Evangéliste décrit ensuite l'entrée du Sauveur dans la ville de
Jérusalem : « Et Jésus trouva un ânon, » etc. — S. Augustin : Saint Jean ne raconte que d'une manière abrégée ce
fait qui se trouve complètement développé dans les autres évangélistes. Ce
petit de l'ânesse sur lequel personne encore ne s'était assis, suivant la
remarque des autres évangélistes, est la figure du peuple des Gentils qui
n'avait pas encore reçu la loi du Seigneur, l'ânesse (puisque l'un et l'autre
furent amenés au Seigneur) était le symbole du peuple fidèle qui se forma au
milieu du peuple d'Israël. — S. Jean
Chrysostome : En montant sur cet ânon, Notre Seigneur nous enseigne
figurativement qu'il doit s'assujettir le peuple immonde des nations, et il
accomplit en même temps une prophétie. — S.
Augustin : L'Evangéliste joint au récit de ce fait un oracle prophétique
pour faire voir que les princes des Juifs, aveuglés par leur méchanceté, ne
comprenaient point que les prophéties qu'ils lisaient s'accomplissaient en
Jésus-Christ : « Selon ce qui est écrit : Ne craignez point, fille de Sion,
voici votre Roi qui vient, assis sur le petit d'une ânesse. » C'est dans le
peuple juif que se trouvait la fille de Sion, la ville de Jérusalem est elle-même
cette Sion, à qui il est dit : « Ne craignez point. » Reconnaissez celui qui
est l'objet de vos louanges, et ne soyez point effrayée lorsque vous le
verrez souffrir, car le sang qui est répandu doit effacer vos crimes et
racheter votre vie. — S. Jean
Chrysostome : Ou bien encore, comme les rois des Juifs avaient été
injustes pour la plupart, et avaient jeté leurs peuples dans des guerres sans
fin, le prophète dit ici : Ce roi ne leur est pas semblable, il est plein de
douceur et de mansuétude, comme le prouve l'âne qu'il choisit pour monture;
car il n'entre pas à la tête d'une armée, il entre assis sur son ânon. Voyez l'humilité de l'Evangéliste, il ne rougit pas de faire
connaître l'ignorance où ils étaient alors : « Ses disciples ne
comprirent pas ceci d'abord, mais quand Jésus fut glorifié, alors ils se
souvinrent, » etc. — S. Augustin : Lorsque
Notre Seigneur eut fait éclater la vertu de sa résurrection, ils se
souvinrent alors que ces choses étaient écrites de lui, et que ce qu'ils
avaient fait à son égard en était l'accomplissement, c'est-à-dire qu'ils
n'avaient fait autre chose que ce qui était prédit de lui. » — S. Jean Chrysostome : Leur ignorance
venait de ce que Jésus ne leur avait pas révélé qu'il allait accomplir cette
prophétie; car il les eût scandalisés en leur faisant connaître qu'il
soumettrait sa royauté à cette humiliation, ils n'eussent point compris tout
d'abord quel était le royaume dont il leur parlait, et ils auraient cru qu'il
s'agissait d'un royaume temporel. Théophylactus : Considérez ici l'enchaînement des faits qui
amenèrent la passion du Sauveur. Il ressuscita Lazare, réservant ce miracle
pour le dernier, et la vue et le bruit de ce miracle déterminèrent nu grand
nombre de Juifs à croire en lui : « C'est ainsi que lui rendait
témoignage la multitude qui était avec lui, lorsqu'il appela Lazare du
tombeau, et le ressuscita d'entre les morts. » C'est pour cela aussi que le
peuple vint en foule au-devant de lui, parce qu'il avait appris que Jésus
avait fait ce miracle. De là l'envie haineuse et les embûches des pharisiens
: « Les pharisiens se dirent donc entre eux : Vous voyez que nous ne gagnons
rien, voilà que tout le monde court après lui. » — S. Augustin : (Traité 51). Cette multitude trouble une
autre multitude. Mais pourquoi cette multitude aveugle se laisse-t-elle aller
à la jalousie ? parce que le monde s'empresse autour de celui par qui le
monde a été fait. — S. Jean
Chrysostome : Le monde ici est pris pour la multitude. Ces paroles, du
reste, me paraissent venir de ceux qui étaient animés de bons sentiments à
l'égard de Jésus, mais qui n'osaient les faire connaître, et qui
s'efforçaient par cette considération de détourner les autres de leur projet
comme d'une chose dont l'exécution était impossible. — Théophylactus : Ils semblent leur dire : Plus vous cherchez à lui
tendre des embûches, plus vous le grandissez, et rendez sa gloire éclatante.
Quel fruit donc retirez-vous de tant d'efforts ? Versets 20-26.
S. Bède : Le temple élevé à Dieu dans la ville de
Jérusalem avait une si grande célébrité, qu'aux jours de fête, non-seulement
ceux qui étaient voisins, mais une nombreuse multitude accourue des points
les plus éloignés de l'univers encombrait la ville; comme les Actes des
Apôtres nous l'apprennent de l'eunuque de Candace, reine d'Ethiopie. (Ac 8)
C'est d'après cet usage que les Gentils, dont il est ici question, étaient
venus pour adorer Dieu : « Or, parmi ceux qui étaient venus pour adorer en
ces jours de fête, il y avait quelques Gentils. » — S. Jean Chrysostome : Ils étaient sur le point de se faire
prosélytes. Attirés par la réputation du Sauveur, ils désirent le voir : «
Ils s'approchèrent donc de Philippe qui était de Bethsaide, de Galilée, et le
prièrent disant : Seigneur, nous voudrions voir Jésus. » — S. Augustin : Voici que les Juifs
veulent le mettre à mort, tandis que les Gentils désirent le voir, et aux
Gentils se joignent ceux d'entre les Juifs qui criaient : « Béni soit celui
qui vient au nom du Seigneur ! » Ainsi les uns viennent du peuple de la
circoncision, les autres, du peuple des incirconcis, comme deux murailles qui
ont un point de départ différent, et se réunissent par un baiser de paix dans
la même foi de Jésus-Christ. « Philippe le vint dire à André. » — S. Jean Chrysostome : Comme étant plus ancien que lui dans
l'apostolat. Ils avaient, en effet, entendu dire au Sauveur : « N'allez pas
dans la voie des nations. » (Mt 10) Philippe croit donc, devoir
soumettre la question à André avant d'en référer à leur divin Maître : « Et
André et Philippe le dirent à Jésus. » — S.
Augustin : (Traite 51) écoutons donc la réponse de la
pierre angulaire : « Jésus leur répondit : L'heure est venue que le Fils de
l'homme doit être glorifié. » Quelqu'un pourrait penser peut-être que Jésus
annonce qu'il va être glorifié, parce que les Gentils désirent le voir; non
il n'en est pas ainsi. Jésus prévoyait que les Gentils de toutes les parties
de l'univers croiraient en lui après sa passion et sa résurrection. Il prend
donc occasion de ces Gentils qui désirent le voir, pour prédire la conversion
future de toute la Gentilité, et il annonce la venue prochaine de l'heure de
sa glorification dans les cieux, qui devait être suivie de la conversion à la
foi de tous les Gentils. C'est ce que le Roi-prophète avait prédit : « Soyez
exalté, ô Dieu, au-dessus des deux, et que votre gloire éclate par toute la
terre. » (Ps 56, 12; 107, 6). Mais cette haute élévation dans la
gloire a dû être précédée par les humiliations de la passion. Aussi le
Sauveur ajoute : « En vérité, en vérité, je vous le dis : Si le grain de
froment qui tombe dans la terre, ne meurt, il demeure seul; mais s'il meurt,
il produit beaucoup de fruits. » Ce grain de froment c'était lui que
l'incrédulité des Juifs devait faire mourir, et qui devait se multiplier par
la foi des peuples. — S. Bède : Il
est, en effet, ce grain qui a été semé de la semence des patriarches dans le
champ du monde, c'est-à-dire qui s'est incarné pour mourir et ressusciter en
se multipliant au centuple. Lui seul est mort, mais il est ressuscité avec un
grand nombre d'autres. S. ghrts. Comme les paroles du Sauveur ne portaient pas toujours la
persuasion dans les cœurs, il a recours à cette comparaison, parce que le
froment est une des graines qui produit le plus de fruit lorsqu'elle est
morte. Or, si ce phénomène se manifeste dans les semences, à plus forte
raison se produira-t-il en moi. Notre Seigneur devait dans la suite envoyer
ses disciples vers les Gentils, et il les voit déjà venir d'eux-mêmes avec
ardeur pour embrasser la foi, il annonce donc que le moment est venu pour lui
de souffrir le supplice de la croix; car il n'envoya point ses Apôtres vers
les nations avant que les Juifs se fussent brisés eux-mêmes contre la pierre,
avant qu'ils l'eussent crucifié : Et, comme il prévoyait que sa mort devait
jeter ses disciples dans une profonde tristesse, il expose pleinement la
doctrine de la croix, et semble dire à ses disciples : Il ne suffit pas que
vous supportiez ma mort avec patience; si vous ne mourez vous-mêmes, vous
n'avez aucun fruit à espérer de ma mort : « Celui qui aime son âme, la
perdra. » — S. Augustin : On peut
entendre ces paroles de deux manières : la première, « celui qui aime son
âme, la perdra; » c'est-à-dire, si vous l'aimez véritablement, n'hésitez pas
à la perdre; si vous désirez obtenir la vie, qui est en Jésus-Christ, ne
craignez pas de souffrir la mort pour Jésus-Christ. Ou bien : « Celui
qui aime son âme, la perdra. » N'aimez donc point votre âme dans cette vie,
pour ne point la perdre dans la vie éternelle. Cette seconde interprétation
est plus conforme à l'ensemble du texte évangélique, où nous lisons ensuite :
« Et celui qui hait son âme dans ce monde, » etc. Donc, dans le membre de
phrase précédent : « Celui qui aime, » il faut sous-entendre : En ce
monde. — S. Jean Chrysostome : (hom.
67). Or, aimer son âme en ce monde, c'est satisfaire ses désirs
criminels; haïr son âme, c'est résister à ses désirs coupables. Et remarquez
que Notre Seigneur ne dit pas : Celui qui ne se rend pas aux désirs de son
âme, mais : « Celui qui la hait. » Lorsque nous avons de la haine contre
quelqu'un, nous ne pouvons entendre sa voix, sa présence nous est
désagréable; ainsi lorsque notre âme nous suggère des pensées contraires à la
loi de Dieu, nous devons la repousser avec horreur. — Théophylactus : Comme cette obligation de haïr son âme pouvait
paraître bien dure, le Sauveur adoucit cette dure obligation en ajoutant :
« En ce monde, » paroles qui annoncent la brièveté de l'épreuve; il ne
nous commande pas de haïr notre âme pour toujours, et il nous fait savoir
quel sera le prix de ce sacrifice : « Il la conservera pour la vie éternelle.
» — S. Augustin : Mais prenez
garde de vous laisser aller à la pensée de vous donner la mort à vous-même
par une fausse interprétation de ce précepte : « Qu'il faut haïr son âme
eu ce monde. » C'est ainsi que l'entendent certains hommes pervers et mal
inspirés, qui se rendent coupables d'homicide et trouvent la mort en se
jetant dans les flammes, en s'étouffant dans les eaux, en se précipitant d'un
lieu élevé (1). Ce n'est pas ce que Jésus-Christ a enseigné; au contraire,
lorsque le démon lui eut conseillé de se jeter du haut du temple, il lui
répondit : « Retire-toi, Satan. » Lors donc que vous vous trouvez dans
cette alternative ou d'enfreindre un précepte divin, ou de sortir de cette
vie sous la menace de mort d'un persécuteur, c'est alors que vous devez haïr
votre âme eu ce monde, pour la conserver dans la vie éternelle. S. Jean Chrysostome : (hom. 67). Cette vie présente paraît pleine de douceur à
ceux qui en sont violemment épris, mais celui qui jette les yeux vers le ciel
et qui considère les biens qui l'y attendent, n'aura que du mépris pour la
vie présente; car, en présence d'un plus grand bien, le bien qui est moindre
n'a plus de valeur. Or, Jésus-Christ nous conseille ce mépris, lorsqu'il nous
dit : « Si quelqu'un veut être mon serviteur, qu'il me suive; » c'est-à-dire,
qu'il marche sur mes traces. Le Sauveur veut parler ici de la mort et de
l'imitation par les œuvres, car le serviteur doit nécessairement suivre celui
qu'il sert. — S. Augustin : Notre
Seigneur nous apprend lui-même ce que c'est que le servir, en nous disant : »
Si quelqu'un veut être mon serviteur, qu'il me suive, » etc. Servir
Jésus-Christ, c'est donc ne pas chercher ses intérêts, mais ceux de Jésus-Christ.
C'est ce que signifient ces paroles : « Qu'il me suive, » c'est-à-dire,
qu'il marche dans mes voies, et non dans les siennes; qu'il ne se contente
pas des œuvres extérieures de miséricorde, mais qu'il fasse tontes ses bonnes
œuvres pour Jésus-Christ, jusqu'à cette oeuvre de charité héroïque qui
consiste à donner sa vie pour ses frères. Mais quel en sera le fruit, quelle
en sera la récompense ? « Et où je suis, là sera aussi mon serviteur. »
Que le serviteur de Jésus-Christ l'aime d'un amour désintéressé, afin que la
récompense du dévouement à son service soit d'être avec lui. — S. Jean Chrysostome : (hom. 67).
Notre Seigneur nous apprend ainsi que la mort sera suivie de la résurrection
: il dit : « Là où je suis, » parce qu'avant même sa résurrection, il était
dans ciel; c'est donc là que nous devons transporter nos pensées et nos
affections. « Si quelqu'un me sert, mon Père l'honorera. — S. Augustin : C'est l'explication de ces paroles : « Où je
suis, là sera aussi mon serviteur. » Car, quel plus grand honneur pour le
fils adoptif, que d'être là où est le Fils unique ? — S. Jean Chrysostome : Il ne dit point : C'est moi qui
l'honorerai, mais : « Mon Père l'honorera. » Car, ils n'avaient pas
encore des idées convenables sur le Sauveur, et ils regardaient le Père comme
lui étant supérieur. Versets 27-33.
S. Jean Chrysostome : (hom. 67 sur S. Jean). Aux exhortations que Notre
Seigneur faisait à ses disciples, de ne craindre ni les souffrances ni la
mort; ils auraient pu répondre qu'il lui était facile, à lui, qui était placé
en dehors des douleurs de notre humanité, de philosopher sur la mort et de
les engager à supporter des épreuves dont il était affranchi; il prévient
cette objection en leur faisant voir qu'il est lui-même exposé aux mêmes
dangers, et que cependant, à cause du bien qui doit en résulter, il ne craint
pas la mort. C'est ce qui lui fait dire : « Et maintenant mon âme est
troublée. » — S. Augustin : (Traité
52). J'entends ces paroles : « Celui qui hait son âme en ce monde, la
garde pour la vie éternelle; » et je me sens enflammé d'un saint mépris pour
le monde, et la vapeur légère de cette vie, quelque prolongée qu'elle soit,
n'est rien à mes yeux, l'amour des biens éternels me fait paraître viles
toutes les choses de la terre; et voilà que j'entends de nouveau le Seigneur
me dire : « Maintenant mon âme est troublée. » Vous commandez à mon âme de
vous suivre, mais je vois que la vôtre est dans le trouble; sur quel
fondement m'appuyer, si la pierre elle-même succombe ? Je reconnais, Seigneur,
votre miséricorde; c'est votre charité qui est la cause de votre trouble, et
vous voulez ainsi consoler et sauver du désespoir, qui les perdrait, les
membres si nombreux de votre corps, qui sont troublés par suite des
faiblesses nécessaires de leur nature. Notre chef a donc voulu ressentir en
lui toutes les affections de ses membres. Son trouble ne vient donc point
d'une cause étrangère, mais comme l'Evangéliste l'a remarqué plus haut, il
s'est troublé lui-même. — S. Jean
Chrysostome : (hom. 67). Aux approches de sa croix, il fait
paraître les sentiments qui sont propres à notre humanité, une nature qui a
horreur de la mort, et qui s'attache à la vie présente, et Il prouve ainsi
qu'il n'était point étranger aux fassions de notre humanité; car ce n'est pas
plus un crime de désirer conserver la vie présente que ce n'est un crime
d'éprouver le besoin de la faim. Le corps de Jésus-Christ était pur de tout
péché, mais il n'était pas affranchi des infirmités de notre nature; c'était
l'effet et la suite non de sa divinité, mais de son incarnation. S. Augustin : (Traité 52). Enfin que l'homme qui désire suivre le Sauveur,
apprenne à quel moment il doit marcher à sa suite, voici peut-être une heure
terrible; on vous donne le choix, ou de commettre l'iniquité, ou de souffrir
la mort, votre âme faible se trouble; écoutez ce que Jésus ajoute : « Et
que dirai-je ? » — S. Bède : C'est-à-dire,
que dirai-je que ce qui peut être une leçon pour mes membres ? « Père,
sauvez-moi de cette heure. » — S.
Augustin : C'est ainsi qu'il vous montre celui que vous devez invoquer,
celui à la volonté duquel vous devez subordonner la vôtre; ne regardez donc
pas comme une chute pour lui l'acte par lequel il veut vous tirer de votre
misère, il a pris sur lui nos infirmités, pour enseigner à ceux qui sont dans
la tristesse, à dire : « Non ce que je veux, mais ce que vous voulez. » C'est
ce que signifient les paroles suivantes : « Mais c'est pour cela que je suis
arrivé à cette heure. » — S. Jean
Chrysostome : C'est-à-dire, je n'ai rien à dire pour me dérober à la mort
qui me menace, « car c'est pour cela que je suis arrivé à cette heure; »
langage dont voici le sens : Malgré le trouble et l'agitation auxquels vous
êtes en proie, ne cherchez pas à vous soustraire à la mort, puisque moi-même,
malgré le trouble où mon âme est plongée, je ne demande pas d'y échapper (car
il faut supporter ce qui doit arriver); je ne dis pas : Délivrez-moi de cette
heure, mais au contraire : « Mon Père, glorifiez votre nom. » Il montre ainsi
qu'il meurt pour la vérité, ce qu'il appelle la glorification du nom de Dieu.
C'est en effet ce qui s'est vérifié, puisqu'après le supplice de la croix,
l'univers entier devait se convertir, connaître et adorer le nom de Dieu, ce
qui était autant la gloire du Fils que du Père, mais Jésus ne dit rien de ce
qui lui était personnel. « Et une voix vint du ciel : Je l'ai glorifié, et je le
glorifierai encore. » — S. Grégoire : (Moral.,
28, 2). C'est par le ministère d'un ange que Dieu fit entendre ces
paroles, puisque rien ne parait aux yeux, et qu'on entend seulement une voix
qui vient du ciel. Comme en parlant du haut des cieux, Dieu, voulant être
entendu de tous, s'est servi pour cela de l'intermédiaire d'une créature
raisonnable. — S. Augustin : (Traité
52). « Je l'ai glorifié, » avant la création du monde, « et je le
glorifierai encore » lorsqu'il ressuscitera d'entre les morts; ou bien
encore, je l'ai glorifié, lorsqu'il est né d'une Vierge, lorsqu'il a fait une
multitude de miracles, lorsque l'Esprit saint est descendu sur lui sous la
forme visible d'une colombe; et je le glorifierai de nouveau lorsqu'il
ressuscitera d'entre les morts, lorsqu'il sera exalté comme Dieu an-dessus
des cieux, et que sa gloire éclatera sur toute la terre. « Or, la foule qui était là et qui avait entendu, disait : C'est le
tonnerre. » — S. Jean Chrysostome : Cette
voix était claire, et le sens de ces paroles facile à comprendre, mais elle
ne fit qu'une impression fugitive sur des esprits grossiers, charnels et
indolents. Les uns ne firent attention qu'au son de la voix, les autres
avaient bien remarqué que c'était une voix articulée, mais ils n'en savaient
pas encore le sens, et c'est d'eux que l'Evangéliste ajoute : « D'autres
disaient : Un ange lui a parlé. » « Jésus répondit : Ce n'est pas pour moi que cette voix est venue,
c'est pour vous. » — S. Augustin : Cette
voix n'apprenait donc point au Sauveur ce qu'il savait déjà, mais elle
donnait cette connaissance à ceux qui en avaient besoin. De même donc que ce
n'est point pour lui, mais pour nous que cette voix se fit entendre; ainsi ce
n'est point pour lui, mais pour notre instruction qu'il permit que sou âme
fût troublée. — S. Jean Chrysostome : (hom.
67). La voix du Père se fait entendre ici pour répondre à ce qu'ils ne
cessaient de dire : que Jésus ne venait pas de Dieu, car comment Dieu
pourrait-il glorifier celui qui ne viendrait pas de Dieu ? Vous voyez que
toutes les actions empreintes d'un caractère plus humble, sont faites pour
les hommes et non pour le Fils, qui n'en avait nul besoin. Le Père a dit : «
Je le glorifierai. » Voici de quelle manière : « C'est maintenant le jugement
du monde. » — S. Augustin : (Traité
52). Le jugement que nous attendons à la fin des siècles, sera le
jugement des récompenses et des châtiments éternels. Il y a encore un autre
jugement, non de condamnation, mais de discernement, c'est ce discernement
que Jésus appelle jugement, aussi bien que l'expulsion du démon des âmes,
qu'il a rachetées : « Maintenant le prince du monde sera jeté dehors. »
Gardons-nous de croire que le démon soit appelé le prince du monde dans ce
sens qu'il exerce un empire absolu dans le ciel et sur la terre; le monde
ici, c'est l'ensemble des hommes méchants qui sont répandus sur toute la
surface de la terre. Le prince de ce monde, c'est donc le prince des méchants
qui habitent le monde. Le monde est pris aussi quelquefois pour les bons qui
sont également répandus par tout l'univers; c'est dans ce sens que l'Apôtre
dit : « Dieu était en Jésus-Christ, se réconciliant le monde. » (2
Co 7) C'est de leurs cœurs que le prince du monde devait être chassé, car
le Seigneur prévoyait qu'après sa passion et sa glorification, un grand
nombre de peuples répandus dans tout l'univers croiraient en lui. Le démon
était dans leur cœur, et il est chassé dehors quand ils renoncent an démon en
embrassant la foi. Mais est-ce donc que le démon n'a pas été chassé du cœur
des justes de l'ancienne loi ? Pourquoi donc le Sauveur dit-il ici : « Maintenant
le prince du monde va être jeté dehors ? » C'est-à-dire que ce qui ne s'est
fait qu'en faveur d'un très-petit nombre, doit se réaliser pour une multitude
innombrable de peuples. Mais dira-t-on encore : De ce que le démon a été
chassé dehors, s'ensuit-il que tous les fidèles soient à l'abri de ses
tentations ? Tout au contraire, il ne cesse de tenter les hommes, mais il y a
une grande différence entre attaquer extérieurement et régner dans
l'intérieur de l'âme. S. Jean Chrysostome : Mais quel est ce jugement par lequel le
démon est chassé ? La comparaison suivante le fera comprendre : supposez un
créancier impitoyable qui maltraite ses débiteurs et les jette dans les fers,
et qui, emporté par sa fureur insensée, fait jeter dans le même cachot celui
qui ne lui doit rien. Ce dernier lui fera expier l'injustice des mauvais
traitements qu'il a soufferts et de ceux qu'il a fait souffrir aux autres.
C'est ce qu'a fait Jésus-Christ; il a tiré vengeance du joug tyrannique que
le démon a fait peser sur nous, et de son entreprise insolente contre
Jésus-Christ lui-même. Mais comment sera-t-il jeté dehors, s'il triomphe du
Sauveur lui-même ? Il répond à cette objection, en ajoutant : « Et moi, quand
j'aurai été élevé de terre, j'attirerai tout à moi. » Comment, en effet,
celui qui entraîne les autres pourrait-il être vaincu ? Dire : « J'attirerai
tout à moi, » c'est dire plus que : « Je ressusciterai; » car de la
prédiction qu'il ressusciterait, il ne s'ensuivait pas nécessairement qu'il
attirerait tout à lui, mais l'expression : « J'attirerai tout à moi, »
supposait les deux choses. — S.
Augustin : Or quelles sont toutes ces choses qu'il doit attirer à lui, si
ce n'est celles dont le démon doit être chassé ? Remarquez qu'il ne dit pas :
Je les attirerai tous, car tous les hommes n'ont pas la même foi. Ces paroles
ne se rapportent donc pas à l'universalité des hommes, mais à l'ensemble de
la nature humaine, c'est-à-dire, à l'esprit, à l'âme, au corps, à ce qui est
en nous la cause de la pensée, de la vie, et à ce qui fait de nous des
créatures visibles. Ou bien, s'il faut entendre des hommes cette expression :
« Toutes choses, » il faut l'appliquer aux prédestinés ou à toutes les
espèces d'hommes séparés entre eux, à l'exception du péché, par
d'innombrables différences. — S. Jean
Chrysostome : Mais comment expliquer ce que Notre Seigneur dit plus haut,
que : « Son Père nous attire ? » Parce que c'est le Père qui attire,
lorsque le Fils lui-même attire. Il dit : « J'attirerai, » expression
qui signifie qu'il délivre les captifs de la tyrannie, et qu'il rend la
liberté à ceux qui ne peuvent venir d'eux-mêmes et briser les chaînes de leur
servitude. — S. Augustin : Mais «
si une fois je suis élevé de terre, » c'est-à-dire, « lorsque je serai
élevé, » car il n'a aucun doute sur la réalisation prochaine du mystère qu'il
doit accomplir, et c'est sa mort sur la croix qu'il désigne sous le nom
d'élévation. C'est pour cela que l'Evangéliste ajoute : « Ce qu'il
disait, pour marquer la mort dont il devait mourir. » Versets 34-36.
S. Augustin : (Traité 47). Les Juifs ayant compris que Notre Seigneur avait
parlé de sa mort, lui demandent comment il pouvait dire qu'il devait mourir :
» Le peuple lui répondit : Nous avons appris par la loi que le Christ demeure
éternellement, comment dites-vous donc : Il faut que le Fils de l'homme soit
élevé ? » Ils avaient conservé dans leur mémoire que le Seigneur se disait
continuellement le Fils de l'homme, car le Sauveur n'avait point employé ici
cette dénomination : Lorsque le Fils de l'homme sera élevé, comme
précédemment : « L'heure vient où le Fils de l'homme sera glorifié. »
Ils avaient donc présent à l'esprit ce nom qu'il se donnait, lorsqu'ils lai
font cette question : « Si le Christ demeure éternellement, comment sera-t-il
élevé sur la terre ? » c'est-à-dire, comment mourra-t-il de la mort de la
croix ? — S. Jean Chrysostome : Nous
voyons ici qu'ils comprenaient un grand nombre des choses que le Sauveur leur
disait dans un sens parabolique; il leur avait prédit plus haut sa mort, et
ils entendent dans ce sens ce qu'il dit de son élévation. — S. Augustin : Ou bien ils comprirent
qu'il leur parlait de ce qu'ils avaient l'intention de faire, ce ne fut donc
point une lumière reçue d'en haut, mais leur conscience agitée par le remords
qui leur révèle l'obscurité de ces paroles. — S. Jean Chrysostome : Voyez quelle malice dans cette question;
ils ne s'expriment pas de cette manière : Nous avons appris par la loi que le
Christ doit être exempt de souffrances (car dans une foule d'endroits, les
saintes Ecritures annoncent en même temps sa passion et sa résurrection),
mais ils disent : « Nous avons appris que le Christ demeure
éternellement. » Et il n'y avait en cela aucune contradiction, car la passion
du Sauveur n'est point devenue un obstacle à son immortalité. Mais les Juifs
s'imaginaient qu'ils prouveraient par là qu'il n'était pas le Christ, parce
que le Christ doit demeurer éternellement. Ils ajoutent : « Quel est ce
Fils de l'homme ? » question également pleine de malice et dont voici le sens
: N'allez pas dire que nous vous faisons cette question par un sentiment de
haine, car nous ne savons pas de qui vous voulez parler. Notre Seigneur leur
répond en leur démontrant que sa passion n'est pas un obstacle à ce qu'il
demeure éternellement : « Jésus leur dit : La lumière est encore pour un peu
de temps au milieu de vous. » Il leur apprend par là que la mort n'est qu'un
passage, de même que la lumière du soleil ne s'éteint pas, mais se retire un
peu de temps pour reparaître bientôt. — S.
Augustin : Ou bien encore, la lumière qui vous fait comprendre que le
Christ demeure éternellement est pour un peu de temps au milieu de vous;
marchez donc à cette lumière, tandis que vous en jouissez, en d'autres termes
: Approchez, comprenez la vérité tout entière, c'est-à-dire, que le Christ
doit mourir et vivre éternellement. — S.
Jean Chrysostome : Il veut parler ici du temps de cette vie tout entière,
de celui qui devait précéder sa croix comme de celui qui devait la suivre,
car un grand nombre crurent en lui après la passion : « De peur que les
ténèbres ne vous surprennent. » — S.
Augustin : Si vous ne voulez croire l'éternité du Christ, qu'en niant
l'humiliation de sa mort. « Et celui qui marche dans les ténèbres ne sait où il va. » De quels
crimes énormes les Juifs se rendent maintenant coupables ! Ils ne savent ce qu'ils font, mais tout en marchant
dans les ténèbres, ils s'imaginent suivre le droit chemin, tandis qu'ils
s'égarent dans une fausse voie, et c'est pour cela que le Sauveur ajoute : «
Pendant que vous avez la lumière, croyez en la lumière. » — S. Augustin : C'est-à-dire, tandis
que vous retenez encore quelque parcelle de la vérité, croyez en la vérité,
pour que vous puissiez renaître à la vérité : « Afin que vous soyez des
enfants de lumière. » — S. Jean
Chrysostome : (hom. 68). C'est-à-dire, mes enfants. Au
commencement de son Evangile, saint Jean dit qu'ils sont nés de Dieu,
c'est-à-dire, du Père; ici, d'après ses paroles, c'est lui-même qui les
engendre, pour vous faire comprendre que le Père et le Fils ont une seule et
même action. « Jésus dit ces choses, puis il s'en alla et se cacha d'eux. » —
S. Augustin : Il ne se cacha pas
de ceux qui avaient commencé à croire en lui et à l'aimer, mais de ceux qui,
témoins de ces merveilles, nourrissaient contre lui une noire envie. En se
dérobant ainsi à ses ennemis, il a égard à notre faiblesse, il ne déroge pas
à sa puissance divine. — S. Jean
Chrysostome : Mais pourquoi se cacher, alors qu'ils ne cherchaient pas à
le lapider, et qu'ils ne proféraient aucun blasphème ? Il pénétrait le
fond de leurs cœurs, il y voyait la fureur dont ils étaient animés contre
lui, et il n'attendit pas qu'elle se traduisît en excès sacrilèges. Il se
cache donc pour calmer ainsi leur jalousie. Versets 37-43.
S. Jean Chrysostome : (hom. 67 sur S. Jean). Notre Seigneur connaissait
la haine furieuse des Juifs, qui méditaient sa mort, et c'est le motif qui le
porte à se cacher, comme l'Evangéliste semble l'indiquer par ces paroles :
« Mais, quoiqu'il eût fait tant de miracles devant eux, ils ne croyaient
point en lui, » etc. — Théophylactus :
Ils furent grandement coupables de ne pas croire à de si grands miracles.
Ces miracles sont ceux dont il a été parlé plus haut. — S. Jean Chrysostome : Et, pour qu'on ne pût excuser leur
incrédulité, en disant qu'ils ne savaient pas l'objet de la mission du
Christ, l'Evangéliste apporte le témoignage des prophètes qui ont connu cet
objet : « De sorte que cette parole d'Isaïe fût accomplie : Seigneur, qui a
cru à votre parole, et à qui le bras du Seigneur a-t-il été révélé ? — Alcuin : Le Prophète dit : « Qui
a cru ? » pour exprimer le petit nombre de ceux qui ont cru à ce que les
sainte prophètes avaient appris de Dieu et annoncé au peuple. — S. Augustin : (Traité 53 sur
S. Jean). Il fait assez entendre que ce bras du Seigneur c'est le Fils de
Dieu lui-même, non pas que Dieu le Père ait une forme humaine, mais il
l'appelle le bras de Dieu, parce que toutes choses ont été faites par lui. (Jn
1) Si un homme, en effet, avait une puissance assez grande pour exécuter
ce qu'il veut sans aucun mouvement de son corps, sa parole serait pour ainsi
dire son bras. Cette expression ne peut nullement appuyer l'erreur de ceux
qui prétendent qu’il n'y a que la personne du Père, si le Fils est son bras,
puisque l'homme et le bras ne forment qu'une seule personne. Ils ne
comprennent pas qu'une expression puisse être détournée de sa signification
naturelle pour être appliquée à un genre de choses tout différent, à cause de
certains points d'analogie et de ressemblance. Il en est d'autres qui demandent, en murmurant, en quoi les Juifs ont
été coupables, s'il fallait que la prophétie d'Isaïe fût accomplie ? Nous
répondons que Dieu, dans la connaissance qu'il a de l'avenir, a prédit
l'incrédulité des Juifs, sans en être l'auteur; car Dieu ne force aucun homme
à pécher, par là même qu'il prévoit les péchés que commettront les hommes. Ce
sont leurs péchés qu'il prévoit, et non les siens. Les Juifs se rendirent
donc coupables d'un crime qui avait été prévu et prédit par celui à qui rien
ne peut être caché. — S. Jean
Chrysostome : Dans cette locution : « Afin que la prophétie d'Isaïe fut
accomplie, » la particule afin que n'indique pas la cause, mais
l'effet; car, si les Juifs n'ont pas cru, ce n'est point parce qu'Isaïe
l'avait prédit, mais e'est, au contraire, parce qu'ils devaient être
incrédules, qu'Isaïe a prédit leur incrédulité. — S. Augustin : Cependant les paroles qui suivent soulèvent une
difficulté plus grave; en effet, l'Evangéliste ajoute : « C'est pour cela
qu'ils ne pouvaient croire; » parce qu'Isaïe a dit encore « Il a aveuglé
leurs yeux, et il a endurci leur cœur, de peur qu'ils ne voient des yeux, et
ne comprennent du cœur, » etc. Or, s'ils ne pouvaient croire, quel est le
crime d'un homme qui ne fait point ce qui lui est impossible de faire ? Et,
ce qu'il y a de plus grave ici, c'est que Dieu paraît être la cause de leur
incrédulité, puisque c'est lui qui a aveuglé leurs yeux et endurci leur cœur;
car ce n'est point au démon, mais à Dieu, que l'Evangéliste attribue cet
aveuglement. Mais pourquoi donc ne pouvaient-ils croire ? Je réponds : Parce
qu'ils ne le voulaient pas; car, de même que c'est la gloire de la volonté
divine que Dieu ne puisse se démentir lui-même, ainsi c'est la faute de la
volonté humaine de ne pouvoir croire à la parole divine. — S. Jean Chrysostome : Cette manière
de parler est passée en usage; c'est ainsi que l'on dit : Nous ne pouvons
l'aimer, en rejetant sur l'impuissance de la volonté ce qui est l'effet d'une
violente antipathie. L'Evangéliste se sert de cette expression : « Ils ne
pouvaient pas, » pour montrer qu'il était impossible que le Prophète ait fait
une fausse prédiction; mais ce n'est point cette prédiction qui leur rendait
la foi impossible, car Isaïe ne l'eût point faite s'ils avaient dû croire. S. Augustin : Mais, direz-vous, le Prophète indique une
autre cause que leur volonté, quand il ajoute : « Il a aveuglé leurs yeux, »
etc. Je réponds que c'est leur volonté qui a mérité cet aveuglement, car Dieu
aveugle et endurcit, en abandonnant et en refusant son secours, ce qu'il peut
faire par un jugement secret, mais qui ne peut jamais être injuste. — S. Jean Chrysostome : Dieu, en effet,
ne nous abandonne que lorsque nous le voulons, selon ces paroles du prophète
Osée : « Vous avez oublié la loi de votre Dieu, je vous oublierai
moi-même. » (Os 4, 6). Il parle ainsi pour nous apprendre que c'est
nous qui commençons nous-mêmes l'œuvre de notre réprobation, et qui devenons
la cause de notre perte. De même que le soleil blesse une vue malade, bien
que cet effet ne soit point dans sa nature, ainsi arrive-t-il pour ceux qui
ne font nulle attention aux enseignements divins. Or, ces paroles de
l'Ecriture : « Il a aveuglé et endurci, » sont propres à jeter l'effroi dans
l'âme des auditeurs.— S. Augustin : Dans
celles qui suivent : « Et que venant à se convertir, je les guérisse, » faut-il
sous-entendre la particule négative ne (c'est-à-dire que ne se
convertissant pas), car la conversion est un effet de sa grâce ? Ou bien
n'est-ce point par un effet de la bonté de ce divin Médecin que les Juifs,
pour avoir voulu établir leur justice orgueilleuse (Rm 10), aient été
abandonnés et aveuglés pour un temps, afin qu'ils viennent heurter contre la
pierre de scandale (Rm 9, 32),
que leur face soit couverte de confusion (Ps 82, 17), et qu'ainsi humiliés, ils cherchent non plus
celte justice personnelle qui enfle le superbe, mais la justice de Dieu, qui
justifie l'impie ? Car, ce châtiment a été une cause du salut pour un grand
nombre d'entre eux qui, repentants de leur crime, ont cru ensuite en
Jésus-Christ. l'Evangéliste ajoute : « Isaïe a dit ces choses lorsqu'il a vu
sa gloire et qu'il a parlé de lui. » Il a vu sa gloire non telle qu'elle est
en elle-même, mais sous une forme symbolique, comme il convenait que Dieu la
révélât à un prophète. Ne vous laissez donc point induire en erreur par ceux
qui enseignent que le Père est invisible, et que le Fils seul est visible, et
qui soutiennent qu'il est une simple créature; car le Fils est également
invisible dans sa nature divine, qui le rend égal au Père. Il s'est revêtu de
la forme du serviteur pour se rendre visible. Mais avant même son
incarnation, il s'ost manifesté aux yeux des hommes sous une forme créée et
non tel qu'il est. — S. Jean
Chrysostome : La gloire dont il parle ici est celle qui se révéla aux
yeux du prophète, lorsqu'il vit Celui qui était assis sur un trône élevé, il
tout ce qui est rapporté en cet endroit. l’Evangéliste ajoute : « Et qu'il a
parlé de lui. » Qu'a-t-il dit de lui ? « J'ai vu le Seigneur assis, et j'ai
entendu la voix qui me disait : Qui enverrai-je, et qui ira, » etc. «
Néanmoins plusieurs des sénateurs eux-mêmes crurent en lui; mais à cause des
pharisiens, ils n'osaient le reconnaître publiquement, de crainte d'être
chassés de la synagogue; car, ils ont plus aimé la gloire des hommes que la
gloire de Dieu. » — Alcuin : La
gloire de Dieu, c'est de confesser publiquement le Christ : la gloire des
hommes, c'est de se glorifier dans les vanités du monde. — S. Augustin : L'Evangéliste condamne
donc ceux qui auraient pu s'élever, par l'amour, au-dessus de ce premier
degré de la foi, et triompher ainsi des tentations de la gloire humaine. Versets 44-50.
S.
Jean Chrysostome : (hom. 69 sur S. Matth). Comme l'amour de la gloire, humaine empochait les
princes du peuple d'avouer qu'ils croyaient en Jésus-Christ, le Sauveur
s'élève avec force contre cette passion : « Jésus s'écria et dit : Celui qui
croit en moi, ne croit point en moi, mais en celui qui m'a envoyé. » Comme
s'il leur disait : Pourquoi redoutez-vous de croire en moi ? Votre foi arrive
jusqu'à Dieu par moi. — S. Augustin : (Traité
52 sur S. Jean). Les hommes ne voyaient que son humanité, qui
voilait sa divinité, et pouvaient penser qu'il n'était que ce qu'il
paraissait à leurs yeux. Le Sauveur, qui voulait que l'on crût sa nature et
sa majesté égales à la nature et à la majesté de son Père, dit aux Juifs :
« Celui qui croit en moi, ne croit point en moi, » c'est-à-dire, en ce
qu'il voit de ses yeux, mais en celui qui m'a envoyé; c'est-à-dire, en mon
Père. Car, s'il pense que mon Père n'a que des fils selon la grâce, et qu'il
n'a point de Fils qui lui soit égal et coéternel, il ne croit point au Père,
qui l'a envoyé, parce que tel n'est point le Père, qui l'a envoyé. Et, comme
il ne veut pas laisser supposer que son Père a bien engendré un grand nombre
d'enfants par la grâce, mais qu'il n'est point le Père d'un Fils qui lui soit
égal, il ajoute aussitôt : « Et celui qui me voit, voit celui qui m'a envoyé.
» C'est-à-dire, il est si vrai qu'il n'y a point de différence entre mon Père
et moi, que celui qui me voit, voit celui qui m'a envoyé. Certainement c'est
le Seigneur qui a envoyé les Apôtres, jamais cependant aucun d'eux n'a osé
dire : « Celui qui croit en moi; » car, nous croyons à l'apôtre, mais nous ne
croyons pas en l'apôtre. Le Fils unique au contraire peut dire avec raison :
« Celui qui croit en moi, ne croit pas en moi, mais croit en celui qui
m'a envoyé. » Non pas qu'il repousse la foi de celui qui croit en lui,
mais il ne veut pas que cette foi s'arrête à la forme du serviteur. S. Jean Chrysostome : Ou bien encore, ces paroles : « Celui
qui croit en moi, ne croit point en moi, mais en celui qui m'a envoyé, »
doivent être entendues dans ce sens : Celui qui reçoit l'eau d'un fleuve, ne
reçoit pas l'eau du fleuve, mais l'eau qui sort de la source. Or, le Sauveur
voulant montrer qu'on ne peut croire en Dieu le Père sans croire en lui,
ajoute : « Celui qui me voit, voit celui qui m'a envoyé. » Quoi donc, est-ce
que Dieu est un corps ? Non, sans doute; mais le Sauveur donne ici le nom de
vision à la considération du vrai, qui se fait par l'intelligence. Il
explique ensuite ce qu'est la connaissance du Père, en ajoutant : « Et moi,
qui suis la lumière, je suis venu en ce monde. » Comme le Père est appelé la
lumière, le Sauveur emploie et s'applique partout ce nom. Il s'appelle ici la
lumière, parce qu'il nous délivre de l'erreur et dissipe les ténèbres de
l'intelligence; c'est pour cela qu'il ajoute : « Afin que tous ceux qui
croient en moi, ne demeurent pas dans les ténèbres. » — S. Augustin : Il nous fait assez comprendre par là qu'il a trouvé
tous les hommes plongés dans les ténèbres; mais, s'ils veulent sortir des
ténèbres au milieu desquelles il les a trouvés, il leur faut croire dans la
lumière qui est venue dans le monde. Dans un autre endroit, il dit à ses
disciples : « Vous êtes la lumière du monde. » Il ne leur dit pas, toutefois
: Vous êtes venus dans le monde comme étant la lumière, afin que tout homme
qui croit en vous ne demeure pas dans les ténèbres. Tous les saints sont donc
des lumières; mais c'est en croyant en Jésus-Christ qu'ils sont éclairés par
lui, dont on ne peut se séparer sans retomber dans les ténèbres. S. Jean Chrysostome : Le Sauveur veut éloigner la pensée que
l'impunité, dont semblent jouir ceux qui le méprisent, vient de sa faiblesse,
et il ajoute : « Si quelqu'un écoute mes paroles, et ne les garde pas, je ne
le juge pas. » — S. Augustin : Il
faut entendre : Je ne le juge pas actuellement, puisqu'il dit dans un autre
endroit : « Le père a donné tout pouvoir de juger à son Fils. » (Jn 5)
Pourquoi ne juge-t-il pas maintenant ? Il en donne lui-même la raison : « Car
je ne suis pas venu pour juger le monde, mais pour sauver le monde. »
C'est donc maintenant le temps de la miséricorde : viendra ensuite celui du
jugement. — S. Jean Chrysostome : Mais
de peur que ce délai ne devienne une cause de relâchement, il rappelle l'idée
de ce terrible jugement : « Celui qui me méprise et ne reçoit pas mes
paroles, a quelqu'un qui le jugera. » — S.
Augustin : Il ne dit pas : Je ne le jugerai pas au dernier jour, ce qui
serait en contradiction avec ce qu'il a dit plus haut : « Il a donné
tout pouvoir de juger à son Fils. » Les paroles : « Celui qui me méprise, a
quelqu'un qui le jugera, » donnaient naturellement lieu à cette question :
Quel est celui qui jugera ? Notre Seigneur la prévient, en ajoutant : « Ce
sera la parole même que j'ai annoncée qui le jugera an dernier jour. »
En s'exprimant de la sorte, il fait assez entendre que c'est lui-même qui
doit juger au dernier jour; car, il s'est affirmé lui-même, il s'est annoncé
et fait connaître lui-même. Ceux donc qui n'ont point entendu sa parole,
n'auront point le même jugement à subir que ceux qui ne l'ont entendue que
pour la mépriser. S. Augustin : (De la Trin., 1, 12). C'est la parole annoncée par le Fils, qui
jugera an dernier jour; parce que le Fils n'a point parlé de lui-même. « Car,
ajoute-t-il, je n'ai point parlé de moi-même. » Mais je me demande comment
nous devons entendre ces paroles : « Ce n'est pas moi qui jugerai, ce sera la
parole que j'ai annoncée qui jugera, » puisqu'il est lui-même la parole du
Père. On peut les expliquer de la sorte : Je ne jugerai pas en vertu d'un
pouvoir humain, parce que je suis le Fils de l'homme, mais je jugerai par la
puissance du Verbe de Dieu, parce que je suis le Fils de Dieu. — S. Jean Chrysostome : On bien encore
: « Je ne le juge pas, » c'est-à-dire, je ne suis pas la cause de sa
perte, qui ne doit être imputée qu'à celui qui méprise mes paroles; car, ces
paroles que j'ai dites prendront le rôle d'accusateur, et enlèveront toute
excuse. C'est pour cela qu'il ajoute : « La parole que j'ai annoncée, le
jugera. » Et quelle est cette parole? Celle que je n'ai point dite de
moi-même, mais qui est la parole de mon Père, qui m'a envoyé; car c'est lui
qui m'a prescrit, par son commandement, ce que je dois dire, et comment je
dois parler. Toutes les vérités qu'il leur annonçait étaient donc dans leur
intérêt, et aussi pour les rendre inexcusables s'ils refusaient d'y croire. S. Augustin : Or, le Père n'a point donné au Fils un commandement
qu'il n'avait pas auparavant; car tous les commandements du Père émanent de
la sagesse du Verbe, qui est le Verbe du Père. Notre Seigneur dit que ce
commandement lui est donné parce que celui à qui il est donné n'existe pas de
lui-même. Donner au Fils ce sans quoi il n'a jamais été Fils, c'est engendrer
le Fils, qui n'a jamais cessé d'exister. — Théophylactus : Comme le Fils est le Verbe du Père, et qu'il
révèle et qu'il explique dans toute leur vérité ce qui est dans
l'intelligence du Père, il dit qu'il a reçu le commandement qui lui prescrit
ce qu'il doit dire, et commentai doit parler. C'est ainsi que notre parole,
lorsque nous voulons dire la vérité, ne fait qu'énoncer ce que la pensée lui
suggère. « Et je sais que son commandement est la vie éternelle. » — S. Augustin : Si donc le Fils est la
vie éternelle, et que la vie éternelle soit le commandement du Père, quelle
conclusion tirer de ces paroles, si ce n'est : Je suis le commandement du
Père ? Ainsi lorsqu'il ajoute : « Ce que je dis donc, je le dis selon
que mon Père me l'a enseigné, » il ne faut pas l'entendre dans ce sens que
Dieu ait adressé une parole extérieure à son Verbe. Le Père a donc parlé au
Fils de la même manière qu’il lui a donné la vie, non en lui faisant
connaître ce qu'il ignorait, ou en lui donnant ce qu'il n'avait pas, mais en
lui donnant ce par quoi il était son Fils. Que signifient ces paroles : «
Comme il dit, je parle, » si ce n'est : Je parle comme étant le Verbe ? Le
Père parle comme étant essentiellement vrai; le Fils parle comme étant la
vérité. Celui qui est vrai a engendré la vérité; que pourrait-il donc dire à
la vérité ? Car la vérité n'était point dans cet état d'imperfection qui la
rendit susceptible d un accroissement quelconque de vérité. |
Caput 13 Lectio 1 [86099] Catena in Io., cap. 13 l. 1 Theophylactus.
Quia dominus transmigraturus erat de praesenti saeculo, explicat qualem
erga suos amicitiam gereret; unde dicitur ante diem festum Paschae, sciens
Iesus quia venit hora eius ut transeat ex hoc mundo ad patrem, cum dilexisset
suos qui erant in mundo, in finem dilexit eos. Beda. Plurimas siquidem
festivitates Iudaei habebant; sed apud eos insignior atque celebrior erat
Paschae festivitas; propter quod signanter dicit ante diem festum Paschae.
Augustinus in Ioannem. Pascha, non sicut quidam existimant, Graecum nomen
est, sed Hebraeum; opportunissime tamen occurrit in hoc nomine quaedam
congruentia utrarumque linguarum : quia enim pati Graece paschin dicitur,
ideo Pascha passio putata est, ut hoc nomen a passione sit appellatum : in
sua vero lingua, hoc est in Hebraea, Pascha transitus dicitur, propterea quia
tunc primum Pascha celebravit populus Dei quando ex Aegypto fugientes, rubrum
mare transierunt. Nunc ergo figura illa prophetica in veritate completa est,
cum sicut ovis ad immolandum ducitur Christus, cuius sanguine illinitis
postibus nostris, idest cuius signo crucis signatis frontibus nostris, a
perditione huius saeculi, tamquam a captivitate Aegyptiaca, liberamur, et
agimus saluberrimum transitum, cum de Diabolo transimus ad Christum, et ab
isto instabili saeculo ad eius fundatissimum regnum. Hoc itaque nomen, idest
Pascha, velut interpretans nobis Evangelista, dicit sciens quia venit hora
eius ut transeat ex hoc mundo ad patrem. Ecce Pascha, ecce transitus. Chrysostomus
in Ioannem. Non solum autem tunc sciens, sed olim. Transitum autem eius
mortem vocat. Relicturus autem discipulos maiorem eis demonstravit amorem; et
hoc est quod dicit cum dilexisset suos qui erant in mundo, in finem dilexit
eos; hoc est, nihil dereliquit, eorum quae eum qui valde amat, decens est
facere. Non autem a principio hoc fecit, sed maiora postea adiecit ut eorum
augeat familiaritatem, et multam eis praeparet consolationem ad ea quae
superventura erant; suos autem eos vocat secundum familiaritatis rationem,
quia et alios suos dicit secundum conditionis rationem, ut cum dicitur : sui
eum non receperunt. Addit autem qui erant in mundo : quia sui erant etiam
defuncti, ut Abraham, Isaac et Iacob; sed in mundo non erant. Hos ergo suos
qui erant in mundo, mansit amans continue, et tandem perfectam amicitiam
circa eos ostendit; et hoc est in finem dilexit eos. Augustinus. Vel
aliter in finem dilexit eos, ut et ipsi de hoc mundo ad suum caput dilectione
transirent. Quid est enim in finem, nisi in Christum? Finis enim legis
Christus ad iustitiam omni credenti, finis perficiens, non interficiens.
Video autem posse ista verba quodam humano modo etiam sic accipi tamquam
usque ad mortem Christus dilexerit suos. Sed absit ut dilectionem morte
finierit qui non est morte finitus : nisi forte sit ita intelligendum : usque
ad mortem dilexit eos : idest, usque ad mortem illum dilectio ipsa perduxit.
Sequitur et coena facta, idest iam peracta, et ad convivantium mensam usumque
perducta. Non enim ita debemus intelligere coenam factam, veluti iam
consumptam atque transactam : adhuc enim coenabatur cum surrexit, et pedes
lavit discipulis : nam postea recubuit, et buccellam traditori dedit. Quod
autem ait cum iam Diabolus misisset in cor ut traderet eum Iudas Simonis
Iscariotis, missio ista spiritualis suggestio est, et non fit per aurem, sed
per cogitationem : diabolicae enim suggestiones immittuntur, et humanis
cogitationibus immiscentur. Factum ergo iam fuerat in corde Iudae per
immissionem diabolicam ut traderet discipulus magistrum. Chrysostomus. Hoc
autem quasi stupens interseruit Evangelista, quoniam eum qui iam prodere
statuerat, dominus lavit : ostendit etiam proditoris multam nequitiam,
quoniam neque talis eum communicatio detinuit, quod maxime consuevit nequitiam
detinere. Augustinus. Locuturus autem Evangelista de tanta domini
humilitate, prius eius celsitudinem voluit commendare; ad quod pertinet quod
dicit sciens quia omnia dedit ei pater in manus : ergo et ipsum traditorem.
Gregorius Moralium. Sciebat enim quod in manu sua ipsos etiam persecutores
acceperat, ut ipse in se ad usum pietatis intorqueret quidquid eorum contra
se malitia permissa saeviret. Origenes in Ioannem. Omnia enim tradidit
ei pater in manus, hoc est in opere eius et potestate. Pater enim meus usque
huc, inquit, operatur et ego operor. Vel omnia tradidit ei pater in manus
cuncta capientes, ut quaelibet ei famulentur. Chrysostomus. Traditionem
enim hic salutem fidelium vocat. Cum autem audieris traditionem, nihil
humanum suspiceris; eum enim qui ad patrem est ostendit honorem et
concordiam. Sicut enim pater ei tradidit, ita ipse patri : unde Paulus : cum
tradiderit, inquit, regnum Deo et patri. Augustinus. Sciens etiam quia
a Deo exivit, et ad Deum vadit, nec Deum cum inde exiret, nec nos deserens
cum rediret. Theophylactus. Quia ergo pater omnia ei commisit in
manus; idest, salutem ei commisit fidelium; decens reputabat quaecumque
spectant ad salutem, illis ostendere. Sciens etiam quod a Deo exivit et ad
Deum vadit, nullatenus eius gloria minui poterat dum pedes discipulorum
ablueret : neque enim gloriam usurpavit : qui enim dignitatem usurpant,
minime condescendunt, ne dissipent quod incongrue sibi diripuerunt.
Augustinus. Cum ergo illi pater omnia dedisset in manus, ille discipulorum
non manus, sed pedes lavit; et cum se sciret a Deo exisse et pergere ad Deum,
non Dei domini, sed hominis servi implevit officium. Chrysostomus. Hoc
autem dignum erat, eo quod a Deo exivit et ad Deum vadit, ut universum
conculcaret tumorem; unde sequitur surgit a coena, et ponit vestimenta sua,
et cum accepisset linteum, praecinxit se. Deinde misit aquam in pelvim, et
coepit lavare pedes discipulorum, et extergere linteo quo erat praecinctus.
Vide qualiter humilitatem ostendit non solum in lavando pedes, sed etiam
aliter. Non enim antequam recumberet, sed postquam resederunt omnes, tunc
surrexit : deinde non solum lavit, sed vestimenta deposuit, linteum
praecinxit, et pelvim implevit, et non alii impleri iussit; sed omnia
operatur, ostendens quod cum omni studio oportet talia facere. Origenes. Mystice
autem prandium primus cibus esse dignoscitur; et ante terminum diei
spiritualis, qui in vita praesenti consideratur, et his qui introducuntur,
conveniens existit : coena vero finalis; et his qui iam ultra progressi sunt
apponitur. Aliter quoque poterit quis asserere prandium fore intellectionem
Scripturarum antiquarum, coenam vero recondita in novo testamento mysteria.
Puto autem quod qui una cum Iesu coenant, et in finali vitae praesentis die
secum convivantur, egent lavacro quodam, non utique erga quod primorum, ut
ita loquar, corporis et animae, sed quod ad ultima et postrema, quae terrae
necessario haerent. Dicit autem, quod coepit lavare pedes; nam postmodum
lavit, et finivit loturam : quia pedes apostolorum fuerunt contaminati, iuxta
illud : omnes vos scandalizabimini ista nocte in me. Postea autem perfecit
eos lavare, purgans eos, ut ultra non foedentur. Augustinus. Posuit
autem vestimenta sua, qui cum in forma Dei esset, semetipsum exinanivit;
praecinxit se linteo, qui formam servi accepit; misit aquam in pelvim unde
lavaret pedes discipulorum, qui in terram sanguinem fudit, quo immunditiam
dilueret peccatorum : linteo autem quo erat praecinctus, pedes quos laverat
tersit, qui carne qua erat indutus, Evangelistarum vestigia confortavit; et
linteo quidem ut se praecingeret, posuit vestimenta quae habebat; ut autem
formam servi acciperet, quando semetipsum exinanivit, non quod habebat
deposuit, sed quod non habebat accepit; crucifigendus sane, suis expoliatus est
vestimentis, et mortuus involutus est linteis, et tota eius passio nostra
purgatio est. Lectio 2 [86100] Catena in Io., cap. 13 l. 2 Origenes in
Ioannem. Sicut medicus plurium aegrotorum intentus curae, ab his qui magis
indigent, propriam curam incipit; sic et Christus, qui foedos abluit pedes
discipulorum, exorditur ab his qui magis erant foedi, et sic ultimo venit ad
Petrum, quasi minus aliis indigentem lotura pedum; unde dicitur venit ergo ad
Simonem Petrum; cui quodammodo ad resistendum pene munda pedum conscientia
persuadebat; unde sequitur et dixit ei Petrus : domine, tu mihi lavas pedes?
Augustinus in Ioannem. Quid est tu? Quid est mihi? Cogitanda sunt potius
quam dicenda; ne forte quod ex his verbis aliquatenus quidem digne concepit
anima, non explicet lingua. Chrysostomus in Ioannem. Vel Petrus primus
erat, sed credibile est proditorem stultum existentem ante eum recubuisse;
quod Evangelista significavit cum dixit coepit lavare; deinde venit ad Petrum.
Theophylactus. Ex quo patet quod non primitus lavit Petrum; ex ceteris
vero discipulis nullus tentavisset ante Petrum lavari. Chrysostomus. Quaereret
autem utique quis quare nullus eum aliorum prohibuit, sed solus Petrus; quod
non parvi amoris et verecundiae erat. Ex hoc igitur mihi videtur prius solum
proditorem lavisse; deinde ad Petrum venisse, et alios discipulos per eum de
reliquo castigatos. Si enim quemquam ex ceteris lavare coepisset,
prohibuisset dominum, et dixisset quae Petrus dixit. Vel aliter. Omnes
porrigebant pedes, decernentes quod tantus non irrationabiliter eorum lavaret
pedes : solus autem Petrus nullam aliam considerationem conferens, tamquam
reverens Iesum, non praebebat pedes suos ad lavandum : saepe enim Scriptura
designavit Petrum fervidum ad insinuandum quae sibi visa sunt utiliora et
meliora. Augustinus. Vel aliter. Non debemus putare hoc Petrum inter
ceteros formidasse atque recusasse, cum et id alii ante ipsum libenter vel
aequanimiter fieri permisissent; non enim ita intelligendum est quasi
aliquibus iam lavisset, et post eos venisset ad primum : quis enim nesciat
primum apostolorum esse beatissimum Petrum? Sed quod ab illo coeperit. Quando
ergo pedes discipulorum lavare coepit, venit ad eum a quo coepit, idest ad
Petrum; et tunc Petrus expavit; quod etiam quilibet eorum expavesceret.
Sequitur respondit Iesus, et dixit ei : quod ego facio, tu nescis modo, scies
autem postea. Chrysostomus. Idest humilitatem huius doctrinae, et
quomodo humilitas sufficit in Deum perducere. Origenes. Vel insinuat
dominus quod hoc erat mysterium. Lavando enim et exsiccando pedes eorum,
faciebat eos decoros, debentes evangelizare honesta, ut ostendere valeant
iter sanctum, ac pergere per eum qui dixit : ego sum via. Oportebat autem
lavari pedes discipulorum a Iesu deponente vestimenta, ut mundos pedes
mundiores efficiat, vel ut immunditiam pedum discipulorum suscipiat in
proprium corpus per linteum, quo solo praecinctus manebat : ipse namque
languores nostros portavit. Attende etiam, quod cum debeat pedes discipulorum
abluere, non aliud tempus elegit quam cum Diabolus iam intraverat in cor
Iudae ut eum proderet, et futura pro hominibus dispensatio imminebat : nam
ante hoc non erat opportunum pedes discipulorum lavari a Iesu. Quis enim
pedum eorum sorditiem intermedii temporis usque ad passionem lavasset? Sed
neque tempore passionis; alter enim Iesus non aderat qui pedes eorum lavaret;
sed neque post dispensationem; illo namque tempore spiritu sancto
superveniente, eorum loti sunt pedes. Huius ergo mysterii, dicit dominus
Petro, tu non es capax; sed post haec nosces, cum illud perceperis
illustratus. Augustinus. Nec tamen ille dominici facti altitudine
exterritus permittit fieri, quod cur fieret ignorabat; sed usque ad suos
pedes humilem Christum videre non potest sustinere; nam sequitur dicit ei
Petrus : non lavabis mihi pedes in aeternum; hoc est, nunquam hoc patiar. Hoc
quippe in aeternum non fit quod nunquam fit. Origenes in Ioannem. Ex
hoc autem accipimus exemplum, quoniam possibile est quemquam secundum purum
propositum dicere propter ignorantiam quod sibi non prodest. Petrus enim
ignorans hoc esse conveniens, primo quidem quasi dubitans suaviter dixit :
domine, tu mihi lavas pedes? Secundo : non lavabis mihi pedes in aeternum :
quod erat prohibitivum operis perducentis eum ad habendum partem cum Iesu :
in quo etiam non tantum Iesum arguit inconvenienter lavantem pedes
discipulorum, sed etiam condiscipulos indecenter suos pedes porrigentes. Cum
ergo non esset expediens Petro proprium responsum, non permisit illud dominus
verificari; nam subditur respondit ei Iesus : si non lavero te, non habebis
partem mecum. Augustinus. Ita dictum est : si non lavero te, cum de
solis pedibus ageretur, quomodo dici solet : calcas me, quando sola planta
calcatur. Origenes. Qui autem recusant haec et similia tropologizare,
dicant quomodo probabile est eum qui ob reverentiam Iesu dixit non lavabis
mihi pedes in aeternum, non habiturum partem cum Dei filio, propter non
lavari pedes ab eo, sicut propter immane scelus : et ideo praestandi sunt
pedes, idest mentis affectus, lavandi a Iesu, ut sint pedes nostri decori, et
praesertim cum aemulantes potiora dona, volumus adnumerari eis qui
evangelizant bona. Chrysostomus. Ideo autem non dixit cuius gratia hoc
faciebat, sed minas imposuit, quia ille nequaquam persuasus esset; audiens
enim scies autem postea, non dixit : doce igitur me ut permittam; sed quando
comminatus est id quod maxime timebat, scilicet separari ab eo, tunc permisit.
Origenes. Hoc dicto utemur contra eos qui indiscretius se facere
statuerunt quod eis non prodest : nam ostendendo illis quod non sunt habituri
partem cum Iesu, dum praesumptuosum decretum observant, admonebimus illos ne
immorentur male decretis, etiam si iureiurando ex multo impetu illud
firmaverunt. Augustinus. At ille amore et timore perturbatus plus expavit
Christum sibi negari quam usque ad suos pedes humiliari; unde sequitur dicit
ei Simon Petrus : domine, non tantum pedes, sed et manus et caput.
Origenes. Manus autem lavare nolebat Iesus, contemnens quae dicebantur
quoniam discipuli tui non lavant manus, cum panem manducant, caput autem
submergi nolebat, in quo imago et gloria patris extiterat : satis est autem
ei ut pedes lavandos porrigeret; unde sequitur dicit ei Iesus : qui lotus
est, non indiget nisi ut pedes lavet, sed est mundus totus. Augustinus. Totus
utique praeter pedes, vel nisi pedes, quos habet opus lavare : homo enim in
Baptismo totus abluitur, non praeter pedes, sed totus omnino; verumtamen cum
in rebus humanis postea vivitur, utique terra calcatur. Ipsi igitur humani
affectus, sine quibus in hac mortalitate non vivitur, quasi pedes sunt, ubi
ex humanis rebus afficimur, ut si dixerimus quia peccatum non habemus, nos
ipsos decipiamus. Si autem confitemur peccata nostra, qui pedes discipulorum
lavit, nobis peccata dimittit usque ad pedes, quibus conversamur in terra.
Origenes. Impossibile autem puto non contaminari extrema animae et infima
eius, quamquam quo ad homines perfectus quis esse putetur; plurimi autem et
post Baptismum implentur pulvere scelerum usque ad verticem; qui vero legitime
discipuli Christi sunt, erga solos pedes indigent lavatione. Augustinus
ad Seleucianum. Ex hoc autem quod hic dicitur, intelligitur quod iam
Petrus baptizatus fuerat : intelligimus enim eius discipulos, per quos
baptizabat, iam fuisse baptizatos, sive Baptismo Ioannis, sicut nonnulli
arbitrantur, sive, quod magis credibile est, Baptismo Christi. Neque enim
renuit ministerium baptizandi, ut haberet baptizatos servos per quos ceteros
baptizaret, qui non defuit humilitatis ministerio, quando eis pedes lavit;
unde sequitur et vos mundi estis, sed non omnes. Augustinus in Ioannem. Hoc
quid sit ne quaeramus, ipse Evangelista patefecit adiungens sciebat enim
quisnam esset qui traderet eum : propterea dixit : non estis mundi omnes.
Origenes. Quod ergo dicit vos mundi estis, refertur ad undecim; quod vero
subditur sed non omnes, dicitur propter Iudam existentem immundum : primo
quidem quia pauperes non erant sibi curae, sed fur erat; demum Diabolo
ingresso in cor eius, ut proderet Christum. Lavat autem pedes postquam mundi
erant : quoniam gratia transcendit necessitatem; et, sicut dicit Ioannes :
mundus mundificetur adhuc. Augustinus. Vel ipsi discipuli, cum loti
essent, non opus habebant nisi pedes lavare; quia dum in isto saeculo vivit
homo, humanis affectibus terram velut pedibus calcans contrahit.
Chrysostomus. Vel aliter. Non dicit eos mundos, ut a peccatis erutos
aestimes, victima nondum oblata; sed eam quae cognitionis est mundationem
dicit : iam enim ab errore Iudaico eruti erant. Lectio 3 [86101] Catena in Io., cap. 13 l. 3 Augustinus. Memor
dominus se promisisse scientiam facti sui Petro, dicens : scies autem postea,
quid sit quod fecit, docere nunc incipit; unde dicitur postquam ergo lavit
pedes eorum, accepit vestimenta sua : et cum recubuisset iterum, dixit eis :
scitis quid fecerim vobis? Origenes in Ioannem. Quid vel interrogative
proferatur, ut ostendat facti magnitudinem, vel imperative, ut eorum erigat
intellectum. Alcuinus. Mystice autem, impleta redemptionis nostrae
purgatione per sanguinis sui effusionem, accepit vestimenta sua, tertia die
de sepulchro resurgens, et eodem corpore iam immortali vestitus; et cum
recubuisset ascendens in caelum in dextera paterna divinitatis recumbens,
inde venturus est ad iudicandum. Chrysostomus in Ioannem. Non autem
adhuc ad solum Petrum, sed ad omnes loquitur dicens vos vocatis me magister
et domine : in quo eorum iudicium assumit; deinde ut non illorum gratiae esse
putentur haec verba, subiungit et bene dicitis, sum etenim. Augustinus. Homini
praeceptum est : non te laudet os tuum, sed laudet te os proximi tui :
periculosum est enim sibi placere, cui cavendum est superbire. Ille autem qui
super omnia est, quantumcumque se laudet, non se extollit excelsius. Nec
potest recte dici arrogans Deus : nobis namque expedit Deum nosse, non illi;
nec eum quisque cognoscit, si non se indicet ipse qui novit. Si ergo se
laudando quasi arrogantiam vitare voluerit, nobis sapientiam denegabit.
Quomodo autem arrogantiam veritas timet? Et quidem quod magistrum se dicit,
nemo reprehenderet, etiam qui eum nihil aliud quam hominem crederet; quoniam
id profitetur quod et ipsi homines in quibuslibet artibus usque adeo sine
arrogantia profitentur, ut professores vocentur; quod vero dominum
discipulorum se dicit, cum sint secundum saeculum ingenui, quis ferat in
homine? Sed cum Deus loquitur, nulla est elatio tantae celsitudinis, nullum
mendacium veritatis : nobis subiacere utile est illi celsitudini, servire
veritati. Ideo bene ergo dicitis, vocando me magistrum et dominum, quia sum :
nam si non essem quod dicitis, male diceretis. Origenes. Et illi
quidem non bene dicunt domine, quibus dicetur : discedite a me qui operamini
iniquitatem; sed apostoli bene dicunt : magister et domine : non enim eis
nequitia dominabatur, sed verbum Dei. Sequitur si ergo lavi pedes vestros
dominus et magister, et vos debetis alter alterius lavare pedes.
Chrysostomus. A maioribus rebus accipit exemplum, ut quod minus est
operemur : nam ipse quidem dominus est; nos autem ad conservos facimus, si
fecerimus; et ideo subdit exemplum enim dedi vobis, ut quemadmodum ego feci
vobis, ita et vos faciatis. Beda. Primum dominus egit factis quod
postmodum docuit verbis, secundum illud : coepit Iesus facere et docere.
Augustinus in Ioannem. Hoc est, beate Petre, quod nesciebas; hoc tibi
postea sciendum promisit. Origenes. Considerandum vero est si
necessarium est quemlibet volentem disciplinam Iesu perficere, velut debitum
opus prosequi lavacrum sensibilium pedum; propter hoc quod dicit debetis ad
invicem lavare pedes. Sed hic mos vel non fit, vel admodum raro.
Augustinus. Est enim apud plerosque consuetudo huius humilitatis, cum se
invicem hospitio suscipiunt, et faciunt hoc sibi invicem fratres, etiam opere
ipso visibili. Multo enim melius est et sine controversia verius, ut etiam
manibus fiat, ne dedignetur quod fecit Christus, facere Christianus. Cum enim
ad pedes fratrum inclinatur corpus, etiam in corde ipso excitatur, vel, si
iam inerat, confirmatur humilitatis affectus. Sed excepto hoc morali
intellectu, numquid etiam frater fratrem a delicti poterit contagione
mundare? Sed confiteamur invicem delicta nostra, invicem nos delicta donemus,
et pro nostris delictis invicem oremus; atque ita quodammodo invicem pedes
nostros lavemus. Origenes. Vel aliter. Hoc lavacrum spirituale pedum,
de quo dictum est, principaliter quidem a nullo nisi a solo Iesu potest
effici : secundario vero a discipulis eius quibus dixit vos debetis ad
invicem lavare pedes. Iesus enim lavit pedes discipulorum inquantum magister,
et servorum in eo quod dominus. Hic autem est finis magistri, ut discipulum
faciat sicut se : quod de salvatore apparet, qui, prae ceteris magistris et
dominis, vult ut fiant eius discipuli quasi magister et dominus, non habentes
spiritum servitutis, sed spiritum filiationis, in quo clamant : abba, pater.
Prius ergo quam fiant et magister et dominus, egent lavacro pedum, velut
insufficientes discipuli, et adhuc sapientes spiritum servitutis; cum autem
aliquis eorum statum magistri attingit et domini, tunc imitari poterit eum
qui lavit discipulorum pedes, ac lavare pedes per doctrinam quasi magister.
Chrysostomus. Adhuc autem provocans eos ad lavandum pedes, subiungit amen,
amen dico vobis : non est servus maior domino suo, neque apostolus maior eo
qui misit illum; quasi dicat : si ergo haec a me facta sunt, multo magis a
vobis oportet haec fieri. Theophylactus. Necessario etiam hic
apostolos admonet : quia enim ad dignitates habebant attingere, et hic quidem
maiores, hic minores, ne insurgant ad invicem, serenat conscientiam omnium.
Beda. Quia vero scire bonum, et non facere, non pertinet ad beatitudinem,
sed ad condemnationem, secundum illud : scienti bonum et non facienti,
peccatum est illi, subiungit si haec scitis, beati eritis, si feceritis ea.
Chrysostomus. Nam scire quidem omnium est, facere vero non omnium. Deinde
proditorem non manifeste redarguit, sed obumbrate, cum subditur non de
omnibus vobis dico. Augustinus in Ioannem. Quasi dicat : est inter vos
qui non erit beatus, neque facit ea. Ego scio quos elegerim. Quos, nisi eos
qui beati erunt, faciendo quae praecepit? Non est igitur Iudas electus. Quid
est ergo quod alio loco dicit : nonne ego vos duodecim elegi? An ipse ad
aliquid est electus, ad quod erat utique necessarius, non autem ad
beatitudinem, de qua dicit beati eritis, si feceritis ea. Origenes in
Ioannem. Vel aliter. Non recte existimo posse referri quod dicitur non de
omnibus vobis dico, ad hoc quod dictum est beati eritis, si feceritis ea :
totum enim hoc et de Iuda et de quolibet alio verum est dicere : beatus
talis, si fecerit hoc. Reducemus autem haec ad illud dictum : non est servus
maior domino suo, nec apostolus maior eo qui misit illum. Iudas enim, cum
esset servus peccati, non erat servus divini verbi, nec apostolus, Diabolo
ingresso in cor eius. Cum ergo dominus novisset qui sunt sui, alienos a se
non novit : propter quod non ait : ego scio cunctos praesentes; sed ego scio
quos elegerim; quasi dicat : electos meos novi. Chrysostomus in Ioannem. Deinde
ut non multos contristet suo sermone, subiungit sed ut impleatur Scriptura :
qui manducat mecum panem, levabit calcaneum suum contra me; ostendens quod
non ignorans traditur; quod maxime sufficiens erat Iudam retinere. Et non
dixit : tradet me; sed levabit contra me calcaneum suum, dolum et
occultationem insidiarum repraesentare volens. Augustinus. Quid est
enim levabit calcaneum suum super me, nisi conculcabit me? In quo Iudas
traditor eius attingitur. Chrysostomus. Dicit autem qui manducat mecum
panem; idest, qui a me nutritus est, qui mea mensa communicavit : ut si
quando a famulis aut aliquibus vilioribus patiamur aliquod malum, non
scandalizemur, respicientes Iudae exemplum, qui infinitis potitus bonis, in
contrarium remuneravit benefactorem. Augustinus. Illi ergo qui electi
erant, manducabant dominum; ille manducabat panem domini contra dominum :
illi vitam, ille poenam. Qui enim manducat indigne, ait apostolus, iudicium
sibi manducat. Sequitur amodo dico vobis priusquam fiat, ut cum factum fuerit
credatis quia ego sum, de quo scilicet illa Scriptura praecessit. Origenes.
Non autem dictum est apostolis ut credatis, quasi non credentibus; sed
dictum est tamquam aequipolleat ei quod est : ut credentes operemini,
perseverantes in credulitate, nec aliquam occasionem ad repulsam captantes :
super ea enim quae obtinebant discipuli ad fidem facientia, hoc etiam adepti
sunt, videre perfici Scripturam praedictam. Chrysostomus in Ioannem. Quia
ergo discipuli exituri erant ad praedicandum et multa passuri, duobus modis
eos consolatur : uno modo a seipso, cum dicit : beati eritis, si feceritis
ea; alio vero modo consolatus est eos ab aliis, eo scilicet quod ab hominibus
multa potientur procuratione; unde subdit amen, amen, dico vobis : qui
accipit si quem misero, me accipit : qui autem me accipit, accipit eum qui me
misit. Origenes. Qui enim recipit quem mittit Iesus, Iesum, qui in
misso consistit, recipit; qui autem Iesum recipit, patrem recipit. Igitur qui
recipit quem mittit Iesus, mittentem recipit patrem. Potest etiam et hic
sermo fore : qui recipit quem ego misero, usque ad mei receptionem attingit;
qui vero non per aliquem apostolorum meorum me recipit, sed recipit me
venientem ad animas, patrem recipit, ut non tantum ego in eo maneam, sed et
pater. Augustinus in Ioannem. Ariani autem cum hoc audiunt, statim ad
gradus sui dogmatis currunt, dicentes : quantum apostolus distat a domino,
tantum filius a patre. Sed ubi dominus dixit : ego et pater unum sumus,
nullam distantiae suspicionem reliquit. Quoniam ergo nos accepturi sumus haec
verba dominica qui me accipit, accipit eum qui me misit, quod unius naturae
sunt pater et filius, consequens videbitur, quia dixit qui accipit si quem
misero, me accipit, ut unius naturae sint filius et apostolus. Ita dixisse
possit videri : qui accipit si quem misero, me secundum hominem accipit; qui
autem me secundum Deum accipit, accipit eum qui me misit. Sed cum ista
dicebat, non ab illo naturae unitas, sed in eo qui mittitur, mittentis
commendabatur auctoritas. Si ergo attendas Christum in Petro, discipuli
praeceptorem; si autem patrem in filio, invenies unigeniti genitorem. Lectio 4 [86102] Catena in Io., cap. 13 l. 4 Chrysostomus
in Ioannem. Quia dominus apostolis debentibus orbem terrarum universum
percurrere, exhibuerat duplicem consolationem praedictam, cogitans quod
utraque proditor privatus est, turbatur; et hoc significat Evangelista dicens
cum haec dixisset Iesus, turbatus est spiritu, et protestatus est, et dixit :
amen, amen, dico vobis, quia unus ex vobis me tradet. Augustinus in
Ioannem. Non illi hoc tunc primum venit in mentem; sed quia proditorem iam
fuerat expressurus, ut non lateret in ceteris, ideo turbatus est spiritu : et
quia ipse traditor iam fuerat exiturus, ut Iudaeos, quibus dominus ab eo
traderetur, adduceret. Turbavit eum imminens passio, et periculum proximorum,
et traditoris impendentes manus, cuius fuerat praecognitus animus. Hoc etiam
dominus significare sua turbatione dignatus est, quod quando ex falsis
fratribus aliquos separari, etiam ante messem, urgens causa compellit, fieri
sine Ecclesiae turbatione non possit. Turbatus est autem non carne, sed
spiritu : spiritus enim in huiusmodi scandalis non perversitate, sed caritate
turbatur; ne forte in separatione aliquorum zizaniorum, simul aliquod
eradicetur et triticum. Sive ergo ipsum Iudam pereuntem miserando, sive sua
morte appropinquante, turbatus est; non animi infirmitate, sed potestate
turbatur : non enim aliquo cogente turbatur, sed turbavit semetipsum, ut
supra dictum est. Quod autem turbatur, infirmos in suo corpore, hoc est in
sua Ecclesia, consolatur, ut si qui suorum morte imminente turbantur, non se
reprobos putent. Origenes in Ioannem. In eo enim quod dicit turbatus
est spiritu, quod humanum est, scilicet passio, proveniebat ab exuberantia
spiritus : si enim sanctus quilibet in spiritu vivit, et agit, et patitur,
quanto magis haec dicenda sunt de Iesu sanctorum praemiatore? Augustinus.
Pereant igitur argumenta Stoicorum, qui negant in sapientem cadere
perturbationem animorum; qui profecto, sicut vanitatem aestimant veritatem,
sic stuporem deputant sanitatem. Turbetur plane animus Christiani, non
miseria, sed misericordia. Dicit autem unus ex vobis, numero, non merito;
specie, non virtute. Chrysostomus in Ioannem. Quia vero non nominatim
dixit, rursum in omnes inducit timorem; unde sequitur aspiciebant ergo discipuli
ad invicem, haesitantes de quo diceret. Et nimirum nullius sibi ipsis conscii
mali, tamen enuntiationem Christi propriis cogitationibus credibiliorem
putabant. Augustinus in Ioannem. Sic etiam in eis erat erga magistrum
suum pia caritas, ut tamen eos humana, alterum de altero, stimularet
infirmitas. Origenes. Reminiscebantur etiam, ut homines existentes,
quoniam alterabilis est affectus adhuc provectorum, ac susceptibilis
appetitus contrariorum his quae prius voluerant. Chrysostomus. Omnibus
autem trementibus, et ipso vertice, scilicet Petro, formidante, Ioannes velut
dilectus recubuit in sinu Iesu; unde sequitur erat ergo recumbens unus ex
discipulis eius in sinu Iesu, quem diligebat Iesus. Augustinus. Ipse
est Ioannes, cuius est hoc Evangelium, sicut postea manifestat. Erat enim
haec eorum consuetudo qui sacras nobis litteras ministrarunt, ut quando ab
aliquo eorum divina narrabatur historia, cum ad seipsum veniret, tamquam de
alio loqueretur. Quid enim deperit veritati, quando et res ipsa dicitur, et
quodammodo dicentis iactantia devitatur? Chrysostomus. Si autem
huiusmodi familiaritatis causam quaeris discere, amoris res erat : propterea
dicit quem diligebat Iesus : quamvis enim et alii amarentur, tamen iste plus
aliis. Origenes. Aestimo autem quod etiam hoc protendit, quod Ioannes
recumbens verbo, ac in secretioribus pausans, incumbebat gremio verbi.
Chrysostomus. Volebat etiam ostendere seipsum esse alienum a crimine; et
hoc etiam dicit, ne aestimes quod Petrus ei ut maiori existenti innueret; nam
sequitur innuit ergo huic Simon Petrus, et dicit ei : quis est de quo dicit?
Ubique enim invenitur Petrus ab amore impetum faciens; et quia primo
increpatus est non locutus est, sed mediante Ioanne vult discere. Ubique enim
Scriptura ostendit Petrum fervidum, et familiaritatem habentem ad Ioannem.
Augustinus. Notanda autem locutio est, dicere aliquid non sonando, sed
tantummodo innuendo : innuit, inquit, et dicit; idest, innuendo dicit. Si
enim cogitando aliquid dicitur, sicut illud : dixerunt apud semetipsos,
quanto magis innuendo, ubi iam foris qualibuscumque signis promitur quod
fuerit corde conceptum? Origenes in Ioannem. Vel primo innuit, et
deinde non contentus nutu, dixit illi : dic quis sit de quo dicit. Sequitur
itaque cum recubuisset ille super pectus Iesu, dicit ei : domine, quis est?
Augustinus in Ioannem. Quod autem nunc supra pectus dicit, paulo supra
dixerat in sinu. Vel aliter. Primo quidem iacens in sinu Iesu, superascendit,
et incubuit supra pectus; quasi si non incubuisset in pectore, sed remansisset
iacens in sinu, nequaquam dominus ei tradidisset verbum quod Petrus scire
cupierat. Per hoc ergo quod ultimo supra pectus incubuit, exprimitur tamquam
per maiorem et abundantiorem gratiam, specialis Iesu discipulus esse.
Beda. Quod autem in sinu et supra pectus recubuit, non solum fuit
praesentis amoris indicium, sed etiam futurae rei signum : quod scilicet inde
vocem sumeret, quam postmodum cunctis saeculis inauditam emitteret.
Augustinus. Per sinum enim quid aliud significatur quam secretum? Hic est
utique pectoris sinus, sapientiae secretum. Chrysostomus. Neque autem
tunc nominatim proditorem dominus manifestavit; nam sequitur respondit Iesus
: ille est cui intinctum panem porrexero. Et modus ipse manifestationis
conversurus erat : quia enim ob mensationem verecundatus non est, eodem pane
communicans verecundari debuit. Sequitur et cum intinxisset panem, dedit
Iudae Simonis Iscariotis. Non, ut putant quidam negligenter legentes, tunc
Iudas solus Christi corpus accepit : intelligendum est enim quod iam eis
omnibus distribuerat dominus sacramenta corporis et sanguinis sui, ubi et
ipse Iudas erat, sicut Lucas narrat; at demum ad hoc ventum est, ubi secundum
narrationem Ioannis dominus per buccellam tinctam atque porrectam suum
exprimit traditorem; fortassis per panis tinctionem illius significans
fictionem : non enim omnia quae tinguntur abluuntur : sed ut inficiantur,
nonnulla tinguntur. Si autem bonum aliquid haec significat tinctio, eidem
bono ingratum merito est secuta damnatio; sequitur enim et post buccellam,
tunc introivit in eum Satanas. Origenes in Ioannem. Attende quod primo
quidem non introivit Satanas in Iudam, sed immisit in cor eius solum ut
proderet praeceptorem, post panem autem in eum ingressus est. Quamobrem nobis
cavendum est ne Diabolus intrudat in cor nostrum aliquid ignitorum telorum
suorum : nam si intruserit, insidiatur deinde ut et ipse introeat.
Chrysostomus. Donec enim fuit in collegio, non audebat insilire, sed
extrorsum immittebat; quando vero eum manifestum fecit et expulit, libere in
eum de cetero exilivit. Augustinus. Vel intravit in eum, ut sibi iam
traditum plenius possideret : neque enim non in illo erat quando ad Iudaeos
de pretio tradendi dominum pactus est, cum Lucas dicat : intravit autem
Satanas in Iudam; et abiit, et locutus est cum principibus sacerdotum. Talis
iam venerat ad coenandum; sed post panem introivit in eum, non ut adhuc
alienum tentaret, sed ut proprium possideret. Origenes. Decebat enim,
ut aestimo, propter panis exhibitionem auferri ab indigno bonum quod se
habere credebat; quo privatus, factus est capax ingressus Satanae in ipsum.
Augustinus in Ioannem. Dicunt autem aliqui : ita ne hoc meruit panis
porrectus de mensa Christi, ut post illum intraret in discipulum Satanas?
Quibus respondemus, hinc potius nos doceri quam sit cavendum male accipere
bonum : si enim corripitur qui non diiudicat, hoc est non discernit a ceteris
cibis domini corpus, quomodo damnatus qui ad eius mensam fingens se amicum,
accedit inimicus? Sequitur et dicit ei Iesus : quod facis, fac citius.
Origenes. Cui autem id ambiguum est quoniam potuit vel Iudae vel Satanae
dominus dixisse quod facis, citius, provocans adversarium ad pugnam, vel
proditorem ad subministrandum dispensationi quae erat futura salubris
saeculo? Quam non amplius tardari nec protrahi, sed pro posse maturari
volebat. Augustinus. Non tamen praecepit facinus, sed praedixit : non
tam in perniciem perfidi saeviendo, quam ad salutem fidelium festinando.
Chrysostomus. Hoc enim quod dicit quod facis, fac citius, non praecipientis
est neque consiliantis, sed exprobrantis, et ostendentis quoniam ipse nolebat
suam proditionem impedire. Sequitur hoc autem nemo scivit discumbentium ad
quid dixerit ei. Multam utique quis hic dubitationem inveniet, si
interrogantibus discipulis : quis est? Dixit : cui ego intingens panem dabo,
et tamen non intellexerunt : nisi dicatur, quod latenter dixit, ut nullus
audiret; et propterea supra pectus Ioannes residens interrogat, quasi ad
aurem, ut non fieret proditor manifestus. Fortasse enim si Christus eum
manifestum fecisset, Petrus utique eum interfecisset. Propterea dicit, quod
nullus cognovit recumbentium, sed neque Ioannes : nequaquam enim putavit quod
discipulus in tantum iniquitatis prodiret : quia enim procul a tali
iniquitate erat, non de aliis hoc suspicabatur. Veram igitur causam eorum
quae a Christo dicta sunt ignoraverunt. Quid autem aestimarent, ostendit
Evangelista, cum subdit quidam putabant, quia loculos habebat Iudas, quod
dixisset ei Iesus : eme ea quae opus sunt nobis ad diem festum; aut ut egenis
aliquid daret. Augustinus. Habebat ergo dominus loculos, et a
fidelibus oblata conservans, et suorum necessitatibus, et aliis indigentibus
tribuebat. Tunc primum ecclesiasticae pecuniae forma est instituta, ut
intelligeremus, quod praecepit non cogitandum esse de crastino, non ad hoc
esse praeceptum ut nihil pecuniae servetur a sanctis; sed ne Deo propter ista
serviatur, et propter inopiae timorem iustitia deseratur. Chrysostomus in
Ioannem. Et nimirum nullus discipulorum pecunias afferebat; sed per hoc
quod dicit hic, occulte insinuat quod quaedam mulieres eum de suis
facultatibus nutriebant. Qui autem non peram, non virgam, non aes iubet
deferre, loculos ferebat ad inopum ministerium; ut discas quoniam valde
pauperem et mundo crucifixum, huius oportet partis multam facere
procurationem; multa enim ad nostram dispensans doctrinam agebat.
Origenes. Sic igitur Iudae salvator dicebat quod facis, fac citius; ac
proditor in hoc tantum ad praesens obedivit magistro : accepto namque pane,
nullam traxit moram; unde sequitur cum ergo accepisset ille buccellam, exivit
continuo. Et revera exiit, non solum recedendo de domo in qua tenebatur; sed
omnino egressus est a Iesu. Ego autem opinor, quod post panem ingressus
Satanas in Iudam, non tolerabat in eodem loco cum Iesu esse : nulla namque
conformitas est Iesu ad Satanam. Non frustra autem requiram, quare super hoc
quod est et accipiens panem, non adicitur : et manducans. Numquid igitur
accepto pane non manducavit Iudas? Post panem enim forsan acceptum a Iuda,
non esum, qui semel in cor eius immiserat ut magistrum prodat, timore ductus
ne quod immissum fuerat evanesceret usu panis, quam cito panem Iudas recepit,
introivit in eum, et statim domum excessit. Aliter quoque non inepte dicetur,
quod sicut qui indigne manducat panem domini, aut bibit eius calicem, in
praeiudicium sibi comedit atque bibit; sic panis Iesu datus aliis fuit ad
salutem, Iudae in damnum, ut post panem intraret in eum Satanas.
Chrysostomus. Subdit autem erat autem nox, ut discas Iudae temeritatem,
quoniam neque tempus eum tenuit ab impetu. Origenes in Ioannem. Nox
etiam sensibilis instar extitit obductae noctis in anima Iudae. Gregorius
Moralium. A qualitate enim temporis, finis exprimitur actionis : dum non
rediturus ad veniam, ad traditionis perfidiam nocte Iudas exisse perhibetur. Lectio 5 [86103] Catena in Io., cap. 13 l. 5 Origenes in
Ioannem. Post evenientia ex prodigiis, nec non ex transfiguratione
praeconia, initium glorificandi filii hominis fuit exitus Iudae a loco ubi
morabatur Iesus, cum Satana, qui eum ingressus est; unde dicitur cum ergo
exisset, dixit Iesus : nunc clarificatus est filius hominis. Non enim
immortalis unigeniti verbi, sed hominis qui factus est ex semine David,
gloria hic narratur. Si enim in morte Christi glorificantis Deum illud verum
est : exuens principatus et potestates, traduxit confidenter triumphans in
ligno, et illud : concilians per sanguinem crucis suae sive quae in terris
sive quae in caelis sunt, in his omnibus glorificatus est filius hominis, Deo
etiam glorificato in eo; unde sequitur et Deus clarificatus est in eo; quia
non est Christum glorificari, nisi cum eo quoque glorificetur et pater. At
quoniam quicumque glorificatur, ab aliquo glorificatur; si quaeras de eo quod
clarificatus est filius hominis, a quo, respondens subdit si Deus
clarificatus est in eo, et Deus clarificabit eum in semetipso.
Chrysostomus in Ioannem. Hoc est per seipsum, non per alium. Sequitur et
continuo clarificabit eum : quasi dicat : non post longum tempus, sed confestim
in ipsa cruce ea quae clara sunt apparebunt. Sol namque aversus est, petrae
scissae sunt, multa corpora eorum qui dormierant surrexerunt. Hac autem via
eas quae ceciderant, cogitationes discipulorum restituit, et suadet non solum
non tristari, sed etiam laetari. Augustinus in Ioannem. Vel aliter.
Exeunte immundo, omnes mundi cum suo mundatore manserunt. Tale aliquid erit
cum zizaniis a tritico separatis, iusti fulgebunt sicut sol in regno patris
sui. Hoc futurum praevidens dominus discedente Iuda, tamquam zizaniis
separatis, remanentibus tamquam tritico apostolis sanctis, dixit nunc
clarificatus est filius hominis : tamquam diceret : ecce in illa mea
clarificatione quid erit, ubi malorum nullus erit, ubi bonorum nullus perit.
Sic autem non est dictum : nunc significata est clarificatio filii hominis;
sed nunc clarificatus est filius hominis : sicut non est dictum : petra
significat Christum; sed petra erat Christus. Solet enim loqui Scriptura, res
significantes, tamquam illa quae significantur appellans. Est autem
clarificatio filii hominis, ut Deus clarificetur in eo; unde adiungit et Deus
clarificatus est in eo. Denique tamquam ista exponens, adiungit et dicit si
filius clarificatus est in eo, quia non venit facere voluntatem suam, sed
voluntatem eius qui eum misit et Deus clarificabit eum in semetipso, ut
natura humana, quae ab aeterno verbo suscepta est, etiam immortali
aeternitati donetur. Sequitur et continuo clarificabit eum; resurrectionem
scilicet suam, non sicut nostram in fine saeculi, sed continuo futuram, hac
attestatione praedicens. Potest et de ista clarificatione dictum videri nunc
clarificatus est filius hominis; ut quod ait nunc, non ad imminentem
passionem, sed ad vicinam resurrectionem pertinere credatur; tamquam fuerit
factum quod erat tam proxime iam futurum. Hilarius de Trin. Quod autem
Deus in eo glorificatus est, ad corporis gloriam spectat, per quam Dei
intellecta est gloria, quasi corpus ex naturae divinae consociatione gloriam
mutuaret. Quod vero quia glorificatus in eo Deus est, ideo glorificavit eum
in se, ut qui regnat in gloria quae ex Dei gloria est, ipse exinde in Dei
gloriam transeat, toto iam in Deo ex ea qua homo est dispensatione mansuro.
Nec sane de tempore tacuit, dicens et continuo clarificabit eum : ut quia
prodeunte ad proditionem Iuda, gloriam quae sibi post passionem, consecuta
resurrectione, futura esset, significasset in praesens, eam qua in se Deus
eum clarificaturus esset, in posterum reservaret, Dei in eo gloria per
virtutem resurrectionis ostensa; ipso vero in Dei gloria ex subiectionis
dispensatione mansuro. Hilarius de Trin. Primam autem significationem
huius dicti non ambiguam existimo, cum ait nunc clarificatus est filius
hominis : gloria enim non verbo, sed carni acquirebatur. Hoc vero quod
sequitur, et Deus clarificatus est in eo, quid significet interrogo; et cum
non alius sit filius hominis, neque alius filius Dei : verbum enim caro
factum est, requiro quis in hoc filio hominis, qui et filius Dei est,
glorificatus sit Deus. Et videamus quid sit hoc quod tertio dicitur si Deus
clarificatus est in eo, et Deus clarificabit eum in semetipso. Homo utique
non per se glorificatur, neque rursum qui in homine glorificatur Deus, licet
gloriam accipiat, non tamen aliud ipse quam Deus est. Utique aut Christum
necesse est esse qui glorificatur in carne, aut patrem qui glorificatur in
Christo. Si Christus est Deus, certe Christus est qui glorificatur in carne :
si pater, sacramentum est unitatis, cum pater glorificatur in filio. De eo
vero quod glorificatum in filio hominis Deum Deus glorificat in seipso, in
quo relicta facultas exerendae impietatis existimatur, ne secundum naturae
veritatem verus Deus Christus sit? Numquid enim extra se est quod glorificat
in seipso? Quem enim in seipso pater glorificat, in eius gloria confitendus
est; et qui in patris gloria glorificandus est, in his intelligendus est esse
in quibus est pater. Origenes in Ioannem. Vel aliter. Nomen gloriae
non hic accipitur iuxta quosdam Paganorum, qui definiunt gloriam esse a
pluribus collata praeconia. Palam est enim quod hoc aliud est ab eo quod in
Exodo dicitur, quod gloria Dei repletum est tabernaculum, et quod aspectus
Moysi glorificatus erat : quantum enim ad corporalia divinior quaedam
apparitio contigit in tabernaculo, necnon in facie Moysi cum Deo locuti;
quantum ad anagogiam vero gloria Dei dicitur esse quae apparuit : quoniam
deificatus ac transcendens cuncta materialia intellectus, ut scrutetur
divinam visionem in his quae cernit, deificatur : ut hoc sit tropice quod
glorificata est facies Moysi, eo facto divino secundum intellectum. Nulla
autem comparatio fuit excellentiae Christi ad cognitionem Moysi glorificantem
faciem animae eius : totius enim divinae gloriae fulgorem esse filium
aestimo, dicente Paulo : qui cum sit splendor gloriae et figura substantiae
eius; quinimmo proveniunt ab hac totius gloriae luce singulares splendores ad
totam rationalem creaturam : non enim arbitror quempiam totum posse capere
totius divinae gloriae fulgorem, nisi filium eius. Inquantum igitur non erat
notus filius mundo, nondum in mundo glorificatus erat; cum autem pater
aliquibus de mundo existentibus tradidit Iesu notitiam, tunc glorificatus est
filius hominis in his qui cognoverunt eum; et hoc dedit gloriam
cognoscentibus : nam qui libera facie divinam gloriam intuentur, secundum
eamdem transfigurantur imaginem a gloria glorificati in glorificantium
gloriam. Cum igitur appropinquavit ad eam dispensationem, qua mundo notus
debebat gloriam promereri in gloria glorificantium ipsum, ait nunc
clarificatus est filius hominis. Et quia nullus novit patrem nisi filius, et
cui revelaverit filius, debebat autem ex dispensatione depromere patrem
filius, ob hoc etiam Deus glorificatus in illo dignoscitur. Vel hoc quod est
et Deus clarificatus est in eo, cum illo perscrutaberis : qui me videt, et
patrem meum videt : nam videbitur in verbo, cum Deus existat, et imago
invisibilis Dei, qui genuit eum pater. Amplius autem sic quoque clarius quae
sunt in hoc loco capientur. Velut enim per quosdam nomen Dei blasphematur in
gentibus, sic per sanctos, quorum bona gesta coram hominibus plenissime
discernuntur, celsi patris nomen extollitur. In quo vero adeo glorificatus
est, ut in Iesu, dum peccatum non fecit, nec dolus inventus est in ore eius?
Cum ergo talis est filius, glorificatus est, et Deus glorificatus est in eo.
At si Deus in eo glorificatus est, recompensat ei pater maius illo quod
filius hominis exercuit. Longe enim superstans est gloria in filio hominis
cum glorificat eum pater, quam in patre cum in illo glorificatus est : et
decebat praepotentem maiorem rependere gloriam. Deinceps quoniam statim haec
erant futura (dico autem filium hominis in Deo glorificari), ob hoc subiecit
et continuo glorificabit eum. Lectio 6 [86104] Catena in Io., cap. 13 l. 6 Augustinus in
Ioannem. Cum dixisset superius : et continuo clarificabit eum, ne putarent
quod sic eum clarificaturus esset Deus ut non eis coniungeretur ulterius ea
conversatione quae in terra est, adiecit, atque ait filioli, adhuc modicum
vobiscum sum; tamquam diceret : continuo quidem resurrectione clarificabor,
non tamen continuo ascensurus in coelum. Sicut enim scriptum est in actibus
apostolorum, fuit cum eis post resurrectionem quadraginta dies. Hos igitur
quadraginta dies significavit dicendo adhuc modicum vobiscum sum. Origenes
in Ioannem. Per hoc autem quod dicit filioli, ostendit adhuc imminentem
animabus eorum parvitatem. Hi autem quibus nunc dicit filioli, post
resurrectionem fiunt fratres : sicut et antequam essent filioli, fuerunt
servi. Augustinus. Potest etiam et sic intelligi : adhuc sicut vos in
hac infirmitate carnis etiam ipse sum, donec scilicet moreretur atque
resurgeret. Cum illis quidem fuit postquam resurrexit, exhibitione
praesentiae corporalis; sed non cum illis fuit consortio infirmitatis
humanae. Apud alium enim Evangelistam post resurrectionem ait : haec locutus
sum vobis, dum adhuc essem vobiscum; idest, in carne mortali cum essem sicut
et vos. Tunc enim in eadem quidem carne erat, sed cum illis in eadem
mortalitate iam non erat. Est et alia divina praesentia sensibus ignota
mortalibus, de qua idem dicit : ecce ego vobiscum sum usque ad consummationem
saeculi. Hoc non est adhuc modicum sum vobiscum : non enim modicum est usque
ad consummationem saeculi; aut si et hoc modicum est, quia in oculis Dei
mille anni sunt dies unus, non tamen hoc significare voluisse credendus est
nunc, quando secutus adiunxit quo ego vado, vos non potestis venire. Numquid
enim post consummationem saeculi, quo ipse vadit, venire non poterant? De
quibus postea dicturus est : pater, volo ut ubi ego sum, et ipsi sint mecum.
Origenes in Ioannem. Intrinsecus autem sciscitaberis, an post multum non
fuit cum eis : non ideo quod non aderat illis secundum carnem; sed eo modico
consummato, vos scandalizabimini in me in ista nocte, et sic non erit cum eis
qui cum dignis tantummodo conversatur. Sed si cum eis non erat, nihilominus
ipsi quaesituri erant Iesum; velut Petrus post negationem graviter plorabat
quaerens puto Iesum; et ideo sequitur quaeritis me, et, sicut dixi Iudaeis,
quo ego vado vos non potestis venire. Quaerere Iesum, est verbum quaerere,
sapientiam, iustitiam, veritatem, divinam virtutem, quae omnia Christus est.
Volentibus ergo discipulis sequi Iesum : non quippe velut rudiores
arbitrantur corporaliter, sed ut significat illud : qui non tollit crucem
suam et sequitur me, non potest meus esse discipulus, ait nunc dominus quo
ego vado vos non potestis venire; nam etsi vellent sequi verbum et illud
confiteri, tamen nondum erant validi circa hoc : cum nondum esset spiritus
datus, eo quod Iesus non erat glorificatus. Augustinus. Vel hoc dicit,
quia adhuc minus idonei erant sequi moriturum dominum pro iustitia : quomodo
enim iam fuerant secuturi martyrio non maturi? Aut iturum dominum ad
immortalitatem carnis, quomodo iam fuerant secuturi, non quandolibet
morituri, sed in fine saeculi resurrecturi? Aut iturum dominum ad sinum
patris quomodo iam erant secuturi, cum esse nemo possit in illa felicitate
nisi perfectus in caritate? Iudaeis autem cum hoc diceret, non addidit modo.
Ipsi autem non poterant venire tunc quo ille ibat, sed poterant postea; et
ideo subdit et vobis dico : modo. Origenes. Quasi dicat : et vobis
dico non absque additione huius adverbii modo. Iudaei namque, quos
praevidebat in suis facinoribus morituros, in brevi tempore non valebant
pergere quo Iesus ibat : sed discipuli post breve tempus poterant sequi
verbum. Chrysostomus in Ioannem. Ne autem audientes discipuli : sicut
dixi Iudaeis, aestiment similiter et in eos dictum esse, adiecit filioli.
Origenes in Ioannem. Quod est exprimentis imminentem adhuc animae
discipulorum modicitatem. Fiunt autem post resurrectionem hi quibus dixit
filioli, fratres; sicut et prius servi fuerant antequam essent filioli.
Chrysostomus. Hoc autem dicit eum qui in seipsum est, erigens discipulorum
amorem. Cum enim viderimus aliquos dilectissimorum discedentes, exardescimus,
et maxime cum viderimus eos in locum abeuntes in quem non est possibile nobis
abire. Simul etiam ostendit quoniam mors eius quaedam translatio est et
transpositio melior ad loca mortalia corpora non suscipientia. Augustinus
in Ioannem. Docens autem quomodo idonei esse possint pergere quo ille
antecedebat, subiungit mandatum novum do vobis, ut diligatis invicem. Nonne
iam hoc erat mandatum in antiqua lege Dei, ubi scriptum est : diliges
proximum tuum tamquam teipsum? Cur ergo novum mandatum appellatur a domino?
An quia exuto vetere induit nos hominem novum? Innovat quippe audientem, vel
potius obedientem, non omnis, sed ista dilectio, quam dominus, ut a carnali
dilectione distingueret, addidit sicut dilexi vos, ut et vos diligatis
invicem : non sicut se diligunt qui corrumpunt, nec sicut se diligunt
homines, quia homines sunt; sed sicut se diligunt qui Dei sunt et filii
altissimi omnes, ut sint filio eius unico fratres, ea dilectione invicem
diligentes qua ipse dilexit eos, perducturus eos ad illum finem ubi
satiabitur in bonis desiderium eorum. Chrysostomus. Vel dicit sicut
dilexi vos : non enim praeexistentibus vestris iustitiis debitum vobis
reddidi, sed ipse incepi : ita et vos benefacere oportet, etiam nihil
debentes. Augustinus. Noli autem putare illud maius praetermissum esse
mandatum, quo praecipitur ut diligamus dominum Deum nostrum; sed bene
intelligentibus utrumque invenitur in singulis : nam et qui diligit Deum, non
eum potest contemnere praecipientem ut diligat proximum; et qui superne ac
spiritualiter diligit proximum, quid in eo diligit nisi Deum? Ipsa est
dilectio, quam ab omni mundana dilectione distinguendo addidit dominus sicut
dilexi vos. Quid enim nisi Deum dilexit in nobis, non quem habebamus, sed ut
haberemus? Sic ergo et nos invicem diligamus, ut quantum possumus, invicem ad
habendum in nobis Deum cura dilectionis attrahamus. Chrysostomus. Praetermittens
autem miracula quae erant facturi, ab amore eos designat, subdens in hoc
cognoscent omnes quia mei estis discipuli, si dilectionem habueritis ad
invicem : hoc enim est quod maxime homines sanctos ostendit; hos enim dicit
esse discipulos. Augustinus. Tamquam diceret : alia munera mea habent
vobiscum etiam non mei, non solum naturam, vitam, sensum, rationem, et eam
salutem quae hominibus pecoribusque communis est; verum etiam linguam,
sacramenta, prophetiam, scientiam, fidem, distributionem rerum suarum
pauperibus, et traditionem corporis sui, ut ardeant; sed quoniam caritatem
non habent, ut cymbala concrepant, nihil sunt, nihil eis prodest. Lectio 7 [86105] Catena in Io., cap. 13 l. 7 Chrysostomus
in Ioannem. Magnus amor, et ipso igne vehementior; et nulla est prohibitio quae
eius promptum impetum detinere possit. Ardentissimus itaque Petrus audiens :
quo ego vado vos non potestis venire, eum interrogavit; unde sequitur dicit
ei Simon Petrus : domine, quo vadis? Augustinus in Ioannem. Sic utique
hoc dixit magistro discipulus tamquam sequi paratus : propterea dominus, qui
eius animum vidit, sic ei respondit; nam sequitur respondit ei Iesus : quo
ego vado, non potes me modo sequi. Dilationem intulit, non spem abstulit, sed
eam sequenti voce firmavit, dicens sequeris autem postea. Quid festinas,
Petre? Nondum te suo spiritu solidaverat petra : noli extolli praesumendo,
non potes modo : noli deici desperando; sequeris enim postea.
Chrysostomus. Audiens autem hoc Petrus, neque ita desiderium detinuit, sed
benignam spem accipiens properat : et quia timorem excussit proditionis, cum
securitate per seipsum de reliquo interrogat, aliis silentibus; unde sequitur
dicit ei Petrus : quare non possum te modo sequi? Animam meam pro te ponam.
Quid dicis, Petre? Dixi quoniam non potes, et tu dicis quoniam possum;
quocirca scies per experientiam quoniam nihil est tuus amor, nisi praesente
superna liberatione; unde sequitur respondit Iesus : animam tuam pro me
pones? Beda. Quae sententia duobus modis potest pronuntiari : uno modo
affirmando, ac si dicat : animam tuam pro me pones; sed nunc timendo mortem
carnis, animae mortem incurres; alio modo insultando, quasi diceret :
Augustinus. Ita ne facies pro me, quod nondum ego pro te? Praeire potes,
qui sequi non potes? Quid tantum praesumis? Audi quis sis : amen, amen, dico
tibi : non cantabit gallus, donec ter me neges. Qui mihi promittis mortem
tuam, ter negabis vitam tuam. Quid in animo
eius esset cupiditatis videbat, quid virium non videbat : voluntatem suam
iactabat infirmus; sed inspiciebat valetudinem medicus. An apostolus Petrus,
sicuti cum favore perverso excusare quidam nituntur, Christum non negavit,
quia interrogatus ab ancilla hominem se nescire respondit, sicut alii
Evangelistae testantur expressius? Quasi qui hominem Christum negat, non
Christum neget; et hoc in eo neget quod factus est propter nos, ne periret
quod fecerat nos. Per quid autem caput est Ecclesiae, nisi per hominem?
Quomodo est igitur in corpore Christi qui negat hominem Christum? Sed quid
multis immorer? Non enim dominus ait non cantabit gallus, donec hominem aut filium
hominis neges; sed donec me neges. Quid est me, nisi quod erat? Quicquid eius
negavit, Christum negavit. Siquidem dubitare nefas est. Christus hoc dixit,
verumque praedixit; proculdubio Petrus Christum negavit. Non accusemus
Christum, cum defendimus Petrum. Agnovit plane peccatum suum infirmitas
Petri. Et quantum mali Christum negando commiserit, plorando monstravit.
Neque nos cum ita dicimus, primum apostolorum accusare delectat; sed hunc
intuendo admoneri nos oportet, ne homo quisquam de humanis viribus fidat. Beda. Resipiscendi
nihilominus unusquisque, si in lapsum corruerit, exemplum capiat ne desperet,
sed incunctanter veniam se posse promereri credat. Chrysostomus in
Ioannem. Unde manifestum est quoniam et casum Petri dominus concessit :
nam poterat quidem et a principio revocare; sed quia permanebat in
vehementia, ipse quidem non impulit ad negationem, sed dimisit desertum, ut
discat propriam imbecillitatem, et ut post haec talia non patiatur, cum orbis
terrarum dispensationem susceperit; sed reminiscens eorum quae passus est,
cognoscat seipsum. Augustinus. In anima itaque contigit Petri quod
offerebat in corpore; sed aliter quam putabat : nam ante mortem et
resurrectionem domini, et mortuus est negando et revixit plorando.
Augustinus de Cons. Evang. Hoc autem de praedicta negatione sua Petro non
solum Ioannes, sed et ceteri tres commemorant; non sane omnes ex una eademque
occasione sermonis ad eam commemorandam veniunt : nam Matthaeus et Marcus eam
subnectunt postquam dominus egressus est ex illa domo ubi manducaverat
Pascha; Lucas vero et Ioannes antequam inde esset egressus. Sed facile
possumus intelligere, aut illos duos eam recapitulando posuisse, aut istis
praeoccupando; nisi magis moveret quod tam diversa non tantum verba, sed
etiam sententias domini praemittunt, quibus permotus Petrus illam
praesumptionem proferret pro domino vel cum domino moriendi, ut magis cogant
intelligi ter eum expressisse praesumptionem suam diversis locis sermonis
Christi, et ter illi a domino responsum, quod eum esset ante galli cantum ter
negaturus. |
CHAPITRE XIII
Versets 1-4.
théophyl. Nôtre-Seigneur, sur le point de quitter ce monde, veut nous
faire connaître l'amour qu'il avait pour les siens : « Avant la fête
de Pâque, dit l'Evangéliste, Jésus sachant que son heure était venue, » etc.
— S. Bède : Les Juifs avaient
plusieurs fêtes, mais la plus célèbre et la plus solennelle était celle de
Pâque, comme l'Evangéliste veut le faire remarquer par ces paroles : « Avant
la fête de Pâque, » etc. — S. Augustin
: (Traité 55). Le mot pâque n'est pas un mot grec, comme
quelques-uns le pensent, c'est un mot hébreu, cependant ce mot a dans les
deux langues un rapport frappant d'analogie : souffrir se dit en grec
πάσχειν, et c'est pour cela que le mot
pâque a été considérer comme synonyme de passion, comme s'il tirait de là son
étymologie. Dans sa langue propre, au contraire, c'est-à-dire, dans l'hébreu,
le mot Pâque signifie passage, et la raison de ce nom, c'est que le
peuple de Dieu a célébré pour la première fois cette fête, lorsqu'après
s'être enfui de l'Egypte, il eut traversé la mer Rouge. Or, cette figure
prophétique a trouvé son accomplissement véritable, lorsque Jésus-Christ a
été conduit comme une brebis à la mort. C'est alors que par la vertu de son
sang qui a marqué les poteaux de nos portes, c'est-à-dire, par la vertu du
signe de la croix empreint sur nos fronts, nous avons été délivrés de la
servitude de ce monde, comme de la captivité d'Egypte, et nous accomplissons
de nouveau ce passage salutaire, lorsque nous passons du démon à
Jésus-Christ, et de ce monde inconstant dans le royaume dont les fondements
sont inébranlables. L'Evangéliste semble nous donner cette explication du mot
pâque, lorsqu'il dit : « Jésus sachant que son heure était venue de
passer de ce monde à son Père. Voilà la Pàque, voilà le passage. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 70
sur S. Jean). Il le savait auparavant, et non-seulement de ce moment,
et ce passage c'est sa mort. Sur le point de quitter ses disciples, il leur donne des marques plus
sensibles de son amour, c'est ce que l'Evangéliste veut nous exprimer par ces
paroles : « Comme il avait aimé les siens qui étaient dans le monde,
il les aima jusqu'à la fin, » c'est-à-dire, il n'oublia rien de ce que peut
inspirer un grand amour. Il n'avait pas agi de la sorte dès le commencement,
mais il avait été progressivement pour augmenter leur affection pour lui, et
leur préparer une source de consolation au milieu des épreuves qui les
attendaient. Il les appelle siens, à cause de l'intimité qu'il avait avec
eux, car dans un autre endroit, il donne ce nom à ceux qui n'avaient avec lui
que les rapports de nature : « Les siens ne l'ont point reçu, dit saint Jean.
» Il ajoute : « Qui étaient dans le monde, » parce qu'il y en
avait aussi des siens parmi les morts (comme Abraham, Isaac et Jacob), mais
qui n'étaient pas dans le monde. Il aima donc sans jamais cesser, les siens
qui étaient dans le monde, et leur donna des témoignages d'un amour parfait,
c'est ce que signifient ces paroles : « Il les aima jusqu'à la fin. » — S. Augustin : Ou bien encore :
« Il les aima jusqu'à la fin, » pour les faire passer par le moyen de
l'amour de ce monde à celui qui était leur chef. Que signifient, en effet,
ces paroles : « Jusqu'à la fin ? » Jusque dans Jésus-Christ, car Jésus-Christ
est la fin de la loi pour justifier tous ceux qui croient (Rm 10), la
fin qui perfectionne et non la fin qui donne la mort. Il me semble qu'on
pourrait encore entendre ces paroles dans ce sens trop naturel peut-être, que
Jésus-Christ a aimé les siens jusqu'à la mort, mais à Dieu ne plaise, que la
mort ait mis fin à l'amour de celui dont elle n'a pu faire cesser
l'existence, à moins qu'on ne l'entende de cette manière : Il les a aimés
jusqu'à la mort, c'est-à-dire, son amour l'a porté à mourir pour eux. « Et le souper étant fait, » c'est-à-dire, étant complètement préparé
et servi sur la table devant les convives, car nous ne devons pas entendre
qu'il fut fait en ce sens qu'il fut tout à fait terminé; le souper durait
encore, lorsque Jésus se leva de table pour laver les pieds de ses disciples,
puisqu'il se remit ensuite à table, et donna un morceau de pain à son traître
disciple. Quant à ces paroles : « Le démon ayant déjà mis dans le cœur
de Judas, » etc.; si vous me demandez ce que le démon mit dans le cœur de ce
perfide disciple, je répondrai que ce fut le dessein de le trahir, cette
action du démon fut une suggestion intérieure qui eut lieu, non par
l'oreille, mais par la pensée, car le démon envoie pour ainsi dire ses
suggestions dans les âmes pour les mêler aux pensées de l'homme. Il avait
donc déjà mis dans le cœur de Judas le dessein de trahir son maître. — S. Jean Chrysostome : L'Evangéliste
rapporte avec un profond étonnement, que le Seigneur a lavé les pieds de
celui qui était déjà résolu à le trahir, et il fait ressortir la profonde
malice de ce traître disciple, qui ne fut point arrêté par cette douce et
intime communauté de table et de vie, qui éteint ordinairement tout sentiment
de haine. S. Augustin : Avant de nous décrire la profonde humilité
du Sauveur, l'Evangéliste veut nous remplir de l'idée de ses grandeurs :
« Jésus sachant que son Père lui avait remis toutes choses entre les
mains, » etc., donc jusqu'au traître lui-même. — S. Grégoire : (Moral., 6, 11 ou 12). Il savait que Dieu
lui avait remis entre les mains jusqu'à ses persécuteurs eux-mêmes, afin
qu'il fît servir à l'accomplissement de ses desseins miséricordieux, tout ce
que leur cruauté à qui Dieu avait comme lâché les rênes, pourrait inventer
contre lui. — Origène : (Tr. 32
sur S. Jean). Le Père lui a remis toutes choses entre les mains,
c'est-à-dire, a tout remisa son action, à sa puissance, car mon Père, dit le
Sauveur, ne cesse d'agir jusqu'à présent, et moi-même j'agis également. Ou
bien encore, son Père a remis tout entre ses mains qui embrassent toutes
choses, afin que toutes choses lui soient soumises. — S. Jean Chrysostome : Ce tout qui lui est remis entre les mains,
c'est surtout le salut des fidèles. Mais que cette expression ne vous fasse
soupçonner rien d'humain, elle exprime simplement l'honneur que le Fils rend
à son Père, et la parfaite harmonie qui existe entre eux. En effet, de même
que le Père lui a remis toutes choses, lui aussi a remis toutes choses à son
Père, comme le dit saint Paul : « Lorsqu'il aura remis le royaume à Dieu et
au Père. » (1 Co 15) — S.
Augustin : Sachant qu'il sort de Dieu et qu'il retourne à Dieu, bien
qu'il ne se soit pas séparé de Dieu lorsqu'il en est sorti et qu'il ne nous
abandonne pas lorsqu'il retourne vers Dieu. Théophylactus : Comme le Père lui avait remis toutes choses entre
les mains, c'est-à-dire, le salut des fidèles, il jugeait convenable de leur
enseigner tout ce qui pouvait contribuer à leur salut. Il savait également
qu'il était sorti de Dieu et qu'il retournait à Dieu, il ne pouvait donc
diminuer sa gloire en lavant les pieds de ses disciples, car cette gloire il
ne l'avait point usurpée et il n'y a que ceux qui usurpent injustement les
honneurs, qui refusent de s'abaisser dans la crainte de perdre les dignités
dont ils se sont emparé sans aucun droit. — S. Augustin : Alors que le Père lui avait tout remis entre les
mains, il lave non pas les mains, mais les pieds de ses disciples; et lui qui
savait qu'il était sorti de Dieu et qu'il retournait à Dieu, il remplit
l'office qui convient, non au Seigneur Dieu, mais à un homme et à un
serviteur. — S. Jean Chrysostome : Il
était en effet digne de celui qui est sorti de Dieu et qui retournait à Dieu,
de fouler aux pieds toute enflure et tout orgueil. Ecoutons la suite : » Il
se lève de table, il pose ses habits, et ayant pris un linge, il s'en
ceignit; il versa ensuite de l'eau dans le bassin, et il commença à laver les
pieds de ses disciples et à les essuyer avec le linge qui était autour de
lui. » Voyez quelle profonde humilité, non-seulement dans l'action même de
leur laver les pieds, mais dans les circonstances qui l'accompagnent, car ce
n'est pas avant de se mettre à table, c'est après que tous sont assis qu'il
se lève, et non-seulement il leur lave les pieds, mais il pose ses vêtements,
il se ceint d'un linge, et verse de l'eau dans le bassin, sans donner cette
commission jà un autre, il veut tout faire lui-même pour nous apprendre avec
quel soin nous devons pratiquer les œuvres de charité. Origène : Dans le sens allégorique, le dîner qui est
le premier repas, a été servi à ceux qui ne sont encore qu'initiés avant
qu'ils soient arrivés an terme du jour spirituel qui s'accomplit dans cette
vie, tandis que le souper est le dernier repas, celui qu'on sert à ceux qui
ont atteint une perfection plus grande. On peut dire encore que le dîner
c'est l'intelligence des Ecritures anciennes, tandis que le souper, c'est la
connaissance des mystères cachés dans le Nouveau Testament. Je pense que ceux
qui doivent prendre ce dernier repas avec Jésus et s'asseoir à la même table
au dernier jour de cette vie, ont besoin d'être purifiés, non point dans les
parties les plus élevées du corps et de l'âme, mais dans les parties extrêmes
et qui sont en contact nécessaire avec la terre. L'Evangéliste raconte qu'il
commença à laver les pieds de ses disciples (car il acheva plus tard cette
opération), parce que les pieds des apôtres avaient été salis selon cette
parole : « Vous serez tous scandalisés cette nuit à mon occasion. » Il
acheva ensuite ce lavement des pieds, en donnant à ses apôtres une pureté
qu'ils ne devaient plus perdre. S. Augustin : Il a déposé ses vêtements, lorsqu'il s'est
anéanti lui-même, lui qui était Dieu; il s'est ceint d'un linge, lorsqu'il a
pris la forme de serviteur; il a versé de l'eau dans un bassin pour laver les
pieds de ses disciples, lorsqu'il a versé son sang sur la terre pour laver
toutes les souillures de nos péchés, il a essuyé leurs pieds avec le linge
dont il était ceint, lorsqu'il affermit les pas des évangélistes, par la
chair mortelle dont il était revêtu; avant de se ceindre avec le linge, il
quitta les habits dont il était revêtu; mais pour prendre la forme d'esclave
dans laquelle il s'est anéanti, il n'a point quitté ce qu'il avait, il a pris
seulement ce qu'il n'avait pas. Lorsqu'il fut crucifié, il fut dépouillé de
ses vêtements, et après sa mort son corps fut enveloppé dans un linceul, et
sa passion tout entière a pour fin de nous purifier. Versets 6-11.
Origène : (Traite 32 sur S. Jean). De même qu'un médecin, qui
est chargé de plusieurs malades à la fois, commence par ceux dont l'état
réclame premièrement ses soins; ainsi Jésus-Christ, en lavant les pieds de
ses disciples, qui étaient couverts de poussière, commence par ceux qui
étaient plus souillés, et vient en dernier lieu à Pierre, comme ayant moins
besoin d'avoir les pieds lavés : « Il vint donc à Simon Pierre; » à qui la
propreté presque entière de ses pieds conseillait la résistance : « Et Pierre
lui dit : Quoi ! Seigneur, vous me laveriez les pieds, » etc. — S. Augustin : Que signifient ces
paroles : « Vous, à moi ? » Elles demandent à être méditées plutôt
qu'expliquées, de peur que la langue ne puisse rendre entièrement ce que l'âme
a pu en comprendre dignement. — S.
Jean Chrysostome : Ou peut dire encore que bien que Pierre fût le
premier, il est probable que le traître insensé s'était assis à table avant
lui, ce que l'Evangéliste semble avoir voulu indiquer, quand il dit : « Il commença
à laver les pieds, » et ensuite : « Il vint à Pierre. » — Théophylactus : D'où il faut conclure
qu'il ne commence point par Pierre, et cependant aucun autre parmi les
disciples n'eût osé se placer avant Pierre pour le lavement des pieds. S. Jean Chrysostome : On demandera peut-être aussi comment il se
fait qu'aucun autre disciple ne se soit opposé à ce que Jésus lui lavât les
pieds, à l'exception de Pierre, qui donnait ainsi à Jésus un témoignage
éclatant de son amour et de son respect; et il semble qu'on pourrait conclure
de là que le Sauveur n'avait lavé les pieds, avant lui, qu'au seul traître,
qu'il vint ensuite à Pierre, et que la leçon qu'il lui donne s'adresse à tous
les disciples. En effet, si Notre Seigneur avait commencé à laver les pieds d'un
autre disciple, ce disciple l'en aurait empêché par les mêmes paroles que
Pierre. — Origène : Ou bien
encore, tous présentaient leurs pieds au Sauveur, en disant que celui qui
était si élevé au-dessus d'eux ne leur lavait pas les pieds sans raison; mais
Pierre, ne prenant conseil que de son profond respect pour Jésus, ne voulait
point présenter ses pieds pour que Jésus les lavât; souvent, en effet,
l'Ecriture nous montre Pierre plein d'ardeur pour exprimer ce qui lui
paraissait le meilleur et le plus utile. — S. Augustin : Ou bien encore, nous ne devons point penser que
Pierre seul, de tous les disciples, se soit opposé avec un respect mêlé
d'effroi à l'action du Sauveur, tandis que les autres eussent souffert que
Jésus leur lavât les pieds; car on ne peut admettre qu'il les eût lavés à
d'autres auparavant, et qu'il ne fût arrivé à Pierre qu'en second lieu (car
qui ne sait que le bienheureux Pierre était le premier des disciples ?) Il a
donc commencé par Pierre. Quand il commença à laver les pieds de ses
disciples, il vint d'abord à celui par lequel il commença, c'est-à-dire à
Pierre, et c'est alors que Pierre exprima ce sentiment de frayeur et
d'étonnement que tous les autres auraient éprouvé également. « Jésus lui répondit : Vous ne savez pas maintenant ce que je
fais, mais vous le saurez par la suite. » — S. Jean Chrysostome : C'est-à-dire l'utilité de cet enseignement,
et comment l'humilité suffit pour conduire jusqu'à Dieu. — Origène : Ou bien le Seigneur veut
nous faire comprendre que cette action cache un mystère; en effet, en lavant
leurs pieds et en les essuyant, il les rendait éclatants de blancheur, comme
il convenait à ceux qui devaient évangéliser la vertu (Rm 10; Is 52),
montrer le chemin de la sainteté, et marcher par celui qui a dit : « Je
suis la voie. » (Jn 14) Jésus devait déposer ses vêtements avant de
laver les pieds de ses disciples, afin de rendre plus purs encore leurs
pieds, qui l'étaient déjà, ou pour recevoir sur son propre corps les
souillures de leurs pieds, en ne gardant que le linge dont il était ceint;
car, « il a lui-même porté toutes nos langueurs. » (Is 53)
Remarquez encore qu'il ne choisit pas d'autre temps pour laver les pieds de
ses disciples que celui où le diable était déjà entré dans le cœur de Judas
pour lui inspirer le dessein de livrer le Sauveur à ses ennemis, et où le
mystère de la rédemption des hommes allait s'accomplir. Avant ce moment, il
n'eût point été opportun que Jésus leur lavât les pieds; car, qui leur aurait
rendu cet office dans le temps qui devait s'écouler jusqu'à sa passion ? On
ne pouvait non plus choisir le temps même de la passion; car il n'y avait
point un autre Jésus pour leur laver les pieds; ni le temps qui la suivit,
car alors leurs pieds furent purifiés par l'Esprit saint; c'est à ce mystère que
le Seigneur fait allusion, quand il dit à Pierre : « Vous n'êtes pas capable
de le comprendre, mais vous le comprendrez plus tard, lorsqu'une lumière
divine vous en donnera l'intelligence. » S. Augustin : Cependant Pierre, comme épouvanté de ce que
le Sauveur voulait faire, continue de s'opposera une action dont il ignorait
le motif; il ne peut souffrir de voir Jésus-Christ s'humilier jusqu'à ses
pieds, et il lui dit : « De l'éternité vous ne me laverez les pieds. »
C'est-à-dire, jamais je ne le souffrirai; car ce qui ne se fait de
l'éternité, ne se fait jamais — Origène
: Nous apprenons, par cet exemple, qu'on peut dire dans une bonne
intention, mais par ignorance, une chose qui n'est point avantageuse. Pierre,
en effet, ignorant combien cette action du Sauveur devait lui être utile,
s'en excuse en exprimant un doute plein de respect et de douceur : «
Quoi ! Seigneur, vous, me laver les pieds ? » Ensuite il va plus
loin : « Jamais vous ne me laverez les pieds ? » et s'oppose ainsi à une
action qui devait le faire entrer en communication intime avec le Sauveur. En
s'exprimant de la sorte, non-seulement il reprend Jésus de l'inconvenance
qu'il y a pour lui de laver les pieds de ses disciples, mais il reproche
aussi aux autres Apôtres de céder à ce désir inconvenant en présentant leurs
pieds à Jésus. Comme ce refus de Pierre ne pouvait lui être avantageux, Notre
Seigneur ne voulut point lui donner raison : Jésus lui répondit : « Si
je ne vous lave point, vous n'aurez point de part avec moi. » — S. Augustin : Le Sauveur dit :
« Si je ne vous lave, » bien qu'il ne s'agisse que des pieds seuls,
comme on dit : Vous marchez sur moi, alors qu'on ne marche que sur les pieds. Origène : Comment ceux qui refusent d'entendre, dans
un sens tropologique ou moral ce passage et d'autres semblables, pourront-ils
expliquer que celui qui a dit à Jésus, par un sentiment de respect : « Vous
ne me laverez jamais les pieds, » n'ait point de part avec lui pour ce seul
fait de n'avoir point eu les pieds lavés par Jésus, comme s'il s'agissait
d'un crime énorme ? Nous devons donc présenter à Jésus les pieds,
c'est-à-dire les affections de notre âme, afin que nos pieds soient éclatants
de blancheur, surtout lorsque nous aspirons à des grâces plus hautes et que
nous voulons être du nombre de ceux qui évangélisent les biens du ciel. S. Jean Chrysostome : Jésus, au lieu de faire connaître à Pierre
les motifs de sa conduite, lui fait des menaces, parce que Pierre n'était
point alors en état d'être persuadé; mais dès qu'il entend le Sauveur lui
dire : «Vous le saurez par la suite, » il n'insiste pas et ne lui dit pas :
Faites-le moi savoir actuellement pour que j'accède à votre désir; la menace
seule qui lui est faite, d'être séparé de Jésus, le détermine à se rendre. — Origène : Nous nous servons de cette
parole du Sauveur contre ceux qui prennent la résolution indiscrète de faire
des actions qui doivent leur être nuisibles; car, en leur montrant qu'en
persévérant dans ce dessein indiscret et téméraire, ils n'auront point de
part avec Jésus, nous leur persuadons d'y renoncer, lors même qu'emportés par
la vivacité de leurs désirs, ils auraient donné à leur résolution la sanction
du serment. S. Augustin : (Traité 56 sur S. Jean). Mais
Pierre, dans le trouble où le jettent à la fois l'amour et la crainte,
redoute plus de perdre Jésus-Christ que de le voir s'humilier jusqu'à ses
pieds, et Simon-Pierre lui dit : Seigneur, non-seulement les pieds, mais les
mains et la tête. » — Origène : Jésus
ne voulait point laver les mains de ses disciples, pour montrer le mépris
qu'il faisait de ce que disaient les pharisiens : « Vos disciples ne
lavent point leurs mains lorsqu'ils se mettent à table pour manger. » (Mt 15)
Il ne voulait point non plus laver la tête, qui reflétait l'image et la
gloire du Père, et il lui suffisait que Pierre présentât ses pieds.
« Jésus lui répondit : Celui qui est pur n'a plus besoin que de se laver
les pieds, et il est pur tout entier. » — S. Augustin : Il est pur tout entier, à l'exception des pieds; ou
si ce n'est ses pieds, qu'il a besoin de laver; car l'homme, dans le baptême,
est lavé tout entier, sans excepter même les pieds; mais lorsque sa vie se
trouve ensuite mêlée au commerce humain, il foule nécessairement la terre aux
pieds. Les affections du cœur humain sans lesquelles cette vie mortelle ne
peut ni exister ni se concevoir, sont comme les pieds; et les choses de la
terre nous affectent et nous impressionnent à ce point que si nous prétendons
n'être coupables d'aucun péché, nous nous trompons nous-mêmes (Jn 1,
8); mais si nous confessons nos péchés, celui qui a lavé les pieds de ses
disciples nous remet nos péchés, et purifie jusqu'à nos pieds, par lesquels
nous sommes en contact avec la terre. — Origène
: Je regarde comme impossible que les extrémités de l'âme et ses parties
inférieures ne contractent pas de souillures, quelle que soit la réputation
de vertu et de perfection dont on jouisse aux yeux des hommes. Il en est même
beaucoup qui, après leur baptême, sont couverts des pieds jusqu'à la tête de
la poussière de leurs crimes; mais ceux qui sont ses véritables disciples
n'ont d'autre besoin que d'avoir les pieds lavés. S. Augustin : (Lettr. 108 à Seleuc). De ce qui est dit ici, nous
pouvons conclure que Pierre était déjà baptisé. Nous pouvons admettre, en
effet, que les disciples, par le ministère desquels Jésus baptisait, avaient
eux-mêmes reçu le baptême, soit le baptême de Jean, suivant l'opinion de
quelques-uns, soit (ce qui est plus probable) le baptême de Jésus-Christ, car
celui qui a bien voulu remplir l'humble office de laver les pieds à ses
disciples, n'a point dédaigné de leur administrer lui-même le baptême, afin
que ceux qui devaient être les ministres de son baptême fussent eux-mêmes
baptisés. C'est pour cela que le Sauveur ajoute : « Vous êtes purs, mais non
pas tous. » — S. Augustin : (Tr.
58 sur S. Jean). L'Evangéliste nous explique lui-même le sens de ces
paroles, en ajoutant : « Car il savait quel était celui qui devait le
trahir, c'est pour cela qu'il leur dit : Vous n'êtes pas tous purs. » — Origène : Ces paroles : « Vous êtes
purs, » s'adressent donc aux onze disciples, et cette restriction : « Mais
non pas tous, » s'applique à Judas, dont la conscience était
souillée, premièrement, parce qu'au lieu de prendre soin des pauvres, il
dérobait l'argent qui leur était destiné, et en second lieu, parce que le
démon était déjà entré dans son cœur pour lui inspirer de trahir
Jésus-Christ. Notre Seigneur lave les pieds à ses disciples, quoiqu'ils
fussent purs, parce que la grâce de Dieu ne s'arrête pas à ce qui est seulement
nécessaire; et, comme le dit saint Jean : « Celui qui est pur doit encore se
purifier. » (Ap 22, 6). — S.
Augustin : Ou bien, Notre Seigneur parle de la sorte à ses disciples,
parce qu'étant déjà lavés, ils n'avaient plus besoin que de se laver les
pieds, car tant que l'homme vit au milieu de ce monde, il foule la terre avec
ses affections qui sont comme les pieds de l'âme et contracte des souillures
inévitables. — S. Jean Chrysostome : Ou
bien encore, le Sauveur ne leur dit pas qu'ils sont purs, dans ce sens qu'ils
soient purifiés de leurs péchés, puisque la victime qui devait les effacer
n'était pas encore offerte, mais il vent parler de la pureté de
l'intelligence, car ils étaient déjà délivrés des erreurs judaïques. Versets 12-20.
S. Augustin : (Traité 58 sur S. Jean). Notre Seigneur se rappelle
qu'il a promis à Pierre l'explication de ce qu'il venait de faire, lorsqu'il
lui a dit : « Vous saurez par la suite (ce que j'ai fait); » et il
commence à lui en faire connaître la raison : « Après donc qu'il leur
eut lavé les pieds, il reprit ses vêtements, et s'étant remis à table, il
leur dit : Savez-vous ce que je viens de vous faire ? » — Origène : Notre Seigneur parle ici,
ou d'une manière interrogative, pour leur faire comprendre la grandeur de cette
action, ou dans le sens impératif pour réveiller leur attention. — Alcuin : Dans le sens allégorique,
c'est après avoir consommé l'œuvre de notre purification et de notre
rédemption par l'effusion de son sang qu'il reprend ses vêtements en
ressuscitant et en sortant du tombeau le troisième jour, revêtu de son corps,
doué d'immortalité. Et il s'assied de nouveau en montant au ciel, en prenant
place à la droite de Dieu son Père, d'où il doit venir pour nom juger. S. Jean Chrysostome : (hom. 91 sur S. Jean). Ce n'est pas à Pierre seul
qu'il s'adresse, mais à tous les Apôtres, comme s'il leur disait : Vous
m'appelez tous votre Seigneur et votre Maître. Notre Seigneur en appelle ici
à leur propre témoignage, et afin que ce témoignage ne pût être soupçonné de
flatterie, il s'empresse d'ajouter : « Et vous avez raison, car je le suis en
effet. » — S. Augustin : Le sage
donne à l'homme ce précepte : « Que ce ne soit point ta bouche qui te
loue, mais la bouche de ton prochain. » Car la vaine complaisance est dangereuse
pour l'homme qui doit éviter l'orgueil. Mais pour celui qui est au-dessus de
tout, quelques louanges qu'il se donne, il ne peut s'élever au-dessus de ce
qu'il est, et on ne peut légitimement accuser Dieu d'arrogance. En effet,
c'est à nous et non pas à lui qu'il importe de connaître Dieu, et personne ne
peut le connaître, si celui-là qui seul a cette connaissance, ne daigne nous
la communiquer. Si donc il s'abstient de se louer lui-même pour éviter le
reproche d'aimer la vaine gloire, il nous prive des leçons de la sagesse.
Mais comment la vérité peut-elle craindre la tentation d'orgueil ? Personne
ne peut lui reprocher de se donner le nom de maître, même celui qui ne
verrait en lui qu'un homme, car il ne fait en cela que ce que font tous les
jours les hommes qui enseignent les différentes branches des connaissances
humaines, et qui prennent sans se rendre coupables d'arrogance, le nom de
professeurs. Toutefois on ne pourrait supporter qu'un homme s'arrogeât le
titre de seigneur de ses disciples qui seraient eux-mêmes de condition
distinguée suivant le monde. Mais lorsque Dieu parle, ne craignez aucun
orgueil d'une si grande élévation, aucun mensonge de la part de la vérité,
nous avons tout profit à nous soumettre à cette hauteur, à obéira cette
vérité. Vous avez donc raison de m'appeler votre Maître et votre Seigneur,
car je le suis en effet, et si je ne l’étais pas, vous auriez tort de tenir
ce langage. — Origène : (Traité
32 sur S. Jean). Ceux à qui Dieu dira à la fin du monde :
« Retirez-vous de moi, vous qui opérez l'iniquité, » ne disent pas comme
il le faut : « Seigneur, » mais pour les Apôtres, ils appellent
légitimement Jésus, Maître et Seigneur, car ce n'est point l'hypocrisie, mais
le Verbe de Dieu qui leur dictait ce langage. « Si donc je vous ai lavé les pieds, moi votre Seigneur et votre
Maître, vous devez aussi vous laver les pieds les uns aux autres. » — S. Jean Chrysostome : Le Sauveur
prend le terme de comparaison dans un ordre de choses plus élevé pour nous
engager à faire une action qui doit nous coûter beaucoup moins, car pour lui
il est notre Maître, tandis que pour nous, c'est à nos frères, serviteurs
comme nous, que nous rendons cet office : « Je vous ai donné l'exemple, afin
que vous fassiez comme je vous ai fait moi-même. — S. Bède : Notre Seigneur a commencé par pratiquer ce qu'il devait
ensuite enseigner, selon ces paroles : « Jésus commença par faire. » (Ac 1)
Voilà, bienheureux Pierre, ce que vous ne saviez pas, et ce dont le Sauveur
vous promettait l'explication. Origène : Il nous faut examiner s'il est nécessaire
que tout disciple qui veut accomplir dans sa perfection la doctrine de
Jésus-Christ, doit pratiquer comme une œuvre d'obligation, le lavement
extérieur des pieds, d'après ces paroles : « Vous devez vous laver les pieds
les uns des autres; » mais cette coutume ne se pratique plus ou se pratique
rarement. — S. Augustin : La
plupart accomplissent ce devoir d'humilité lorsqu'ils se donnent mutuellement
l'hospitalité, et lies chrétiens se le rendent les uns aux autres, même dans
ce qu'il a d'extérieur. Sans aucun doute, il est mieux et plus conforme à la
vérité, de le rendre extérieurement, en sorte qu'un chrétien ne dédaigne pas
de faire ce qu'a fait Jésus-Christ lui-même, car lorsque notre corps
s'incline et s'abaisse jusqu'aux pieds de nos frères, le sentiment de
l'humilité se trouve on excité dans notre cœur, ou affermi s'il y était déjà.
Mais indépendamment de cette interprétation morale, est-ce qu'un frère ne
peut purifier son frère de la contagion du péché ? Confessons-nous
mutuellement nos péchés, pardonnons-nous réciproquement nos fautes, prions
pour les fautes les uns des autres, et nous nous serons en quelque sorte
mutuellement lavé les pieds. — Origène
: On peut dire encore que ce lavement spirituel des pieds ne peut avoir
pour principal auteur que Jésus seul, et ce n'est que secondairement que les
disciples peuvent le pratiquer conformément à ces paroles : « Vous devez vous
laver les pieds les uns aux autres. » En effet, Jésus a lavé les pieds de ses
disciples comme Maître, et ceux de ses serviteurs comme Seigneur; or, le but
que se propose le maître, c'est de rendre son disciple semblable à lui, c'est
le but que s'est proposé le Sauveur; il veut que ses disciples deviennent
semblables à leur Maître, à leur Seigneur, et qu'ils n'aient point de
servitude, mais l'esprit des enfants qui leur fait dire à Dieu : « Mon
Père. » (Rm 8) Avant donc qu'ils deviennent comme le Maître et comme
le Seigneur, ils ont besoin qu'on leur lave les pieds comme à des disciples
qui ne sont point suffisamment instruits, et qui sont encore soumis à
l’esprit de servitude. Mais lorsque l'un d'eux s'élève jusqu'au rang de
maître et de seigneur, alors il peut imiter celui qui a lavé les pieds de ses
disciples, et laver les pieds des autres par la doctrine en qualité de
maître. S. Jean Chrysostome : Pour les exciter encore davantage à remplir
ce devoir, il ajoute : « En vérité, en vérité je vous le dis, le serviteur
n'est pas plus grand que le maître, ni l'apôtre plus grand que celui qui l'a
envoyé,» c'est-à-dire, si j'ai agi de la sorte, à plus forte raison, vous
devez faire de même. — Théophylactus :
Il donne ici aux Apôtres une leçon nécessaire. Ils devaient tous être
élevés un jour à des dignités plus ou moins importantes, il s'applique donc à
modérer les sentiments ambitieux qui les porteraient à s'élever les uns
au-dessus des autres. — S. Bède : Et
comme la connaissance de ce qui est bien sans la pratique est un titre, non
de félicité, mais de condamnation, selon ces paroles : « Celui qui
connaît le bien et ne le pratique pas, est coupable de péché; » le Sauveur
ajoute : « Si vous savez ces choses, vous serez bienheureux, pourvu que
vous les pratiquiez. » — S. Jean
Chrysostome : Tous peuvent arriver à savoir, mais tous ne parviennent pas
à pratiquer. Le Sauveur condamne ensuite en termes couverts la conduite de
son traître disciple : « Je ne dis pas ceci de vous tous. » — S. Augustin : C'est-à-dire, il en est
un parmi vous qui n'aura point part à ce bonheur et qui ne fera point ces
choses : « Je sais ceux que j'ai choisis. » Quels sont-ils ? ceux qui seront
heureux, en accomplissant les commandements du Sauveur. Ainsi Judas ne fut
pas choisi de la sorte; comment donc expliquer ce qu'il dit dans un autre
endroit : « Est-ce que je ne vous ai pas choisis tous les douze ? »
Judas a-t-il donc été choisi pour une œuvre où il était nécessaire, sans être
choisi pour cette félicité dont Notre Seigneur vient de dire : « Vous
seriez bienheureux si vous les pratiquez ? » Origène : Voici une autre explication : Je ne pense
pas qu'on puisse rattacher logiquement ces paroles : « Je ne dis pas ceci de
vous tous, » à ces autres : « Vous serez bienheureux, pourvu que vous
pratiquiez ces choses, » car on peut dire avec vérité de Judas, aussi bien
que de tout autre : Il sera heureux s'il fait ces choses; mais je crois qu'il
faut les rattacher à la proposition qui précède : « Le serviteur n'est pas
plus grand que son maître, ni l'apôtre plus grand que celui qui l'a envoyé, »
car Judas n'était ni serviteur de la parole divine, puisqu'il était esclave
du péché, ni apôtre, puisque le démon était entré dans son cœur. Le Seigneur
donc qui connaît ceux qui sont à lui, ne connaît pas ceux qui lui sont
étrangers; c'est pour cela qu'il ne dit pas : Je connais tous ceux qui sont
ici présents, mais : « Je connais ceux que j'ai choisis, » c'est-à-dire, je
connais mes élus. S. Jean Chrysostome : Toutefois, comme il ne veut point contrister
le grand nombre de ses disciples, il ajoute : « Mais il faut que cette
parole de l'Ecriture soit accomplie : Celui qui mange le pain avec moi lèvera
le pied contre moi. » Il montrait ainsi qu'il n'ignorait pas qu'on devait le
trahir, ce qui eût dû suffire pour retenir le perfide Judas. Et remarquez
qu'il ne dit pas : Il me trahira, mais : « Il lèvera le pied contre moi, »
pour faire ressortir la ruse et les embûches cachées qu'on devait employer
contre lui. — S. Augustin : (Traité
59). Que signifient, en effet, ces paroles : « Il lèvera le pied contre
moi, » si ce n'est : Il me foulera aux pieds ? Sous cette expression figurée,
il veut désigner son traître disciple. — S.
Jean Chrysostome : Il dit : « Celui qui mange le pain avec moi, »
c'est-à-dire, celui que j'ai nourri, celui qui a partagé ma table. Ne soyons
donc point scandalisés, si nous essayons quelque injure de nos serviteurs ou
de quelqu'un de nos inférieurs, en considérant l'exemple de Judas, qui,
malgré les bienfaits infinis dont Jésus l'avait comblé, paya son bienfaiteur
par la plus noire des trahisons. — S.
Augustin : Ceux qui avaient été choisis se nourrissaient du corps du
Seigneur; Judas, au contraire, mangeait le pain du Seigneur contre le
Seigneur; ceux-ci mangeaient la vie, celui-là mangeait son châtiment, car
celui qui mange ce pain indignement, dit l'Apôtre, mange sa propre
condamnation. « Je vous dis ceci dès maintenant, et avant que la chose se
fasse, afin que lorsqu'elle arrivera, vous me reconnaissiez pour ce que je
suis, » c'est-à-dire, pour celui que cette prophétie avait pour objet. — Origène : Jésus ne dit pas aux
Apôtres : Afin que vous croyiez en général, comme s'ils ne croyaient point,
mais il veut leur dire : Afin que non contents de croire vous arriviez à
pratiquer. Il leur recommande de persévérer dans la foi, et de ne s'exposer à
aucune des occasions qui pourrait la leur faire perdre. Et en effet, parmi
tous les motifs de crédibilité sur lesquels reposait la foi des disciples,
ils eurent celui de voir s'accomplir les prophéties qui avaient Jésus-Christ
pour objet. S. Jean Chrysostome : (hom. 72). Les Apôtres devaient bientôt partir pour
prêcher l'Evangile et pour être exposés à toute sorte d'épreuves, il les
console donc par avance de deux manières : d'abord en leur promettant d'être
lui-même leur consolateur : « Vous serez heureux, pourvu que vous pratiquiez
ces choses; » puis en leur prédisant que les hommes eux mêmes s'empresseront
de leur prodiguer les secours dont ils auront besoin : « En vérité, en vérité
je vous le dis, celui qui reçoit, celui que j'ai envoyé, c'est moi-même qu'il
reçoit. » — Origène : En effet
celui qui reçoit l'envoyé de Jésus, reçoit Jésus, qui demeure dans celui
qu'il a envoyé, et celui qui reçoit Jésus, reçoit son Père; donc recevoir
celui que Jésus envoie, c'est recevoir le Père lui-même. On peut encore
donner cette explication. Celui qui reçoit mon envoyé, arrive jusqu'à me
recevoir moi-même, mais celui qui me reçoit, non dans la personne d'un de mes
envoyés, mais qui me reçoit même lorsque je viens dans les âmes, reçoit mon
Père, de sorte que mon Père et moi nous demeurions en lui. S. Augustin : (Traité 59). Les ariens, en entendant ces paroles,
s'empressent de recourir à ces degrés, qui au lieu de les élever sur les
hauteurs de la vie, les précipitent dans l'abîme de la mort. Autant,
disent-ils, l'Apôtre diffère du Seigneur qui l'envoie, autant le Fils diffère
du Père. Mais lorsque le Sauveur fait cette déclaration : « Mon Père et moi
nous ne sommes qu'un, » il ne permet pas le moindre soupçon de différence
entre le Père et le Fils. Comment donc devons-nous entendre ces paroles du
Seigneur : « Celui qui me reçoit, reçoit celui qui m'a envoyé ? » Si nous
voulons les entendre dans ce sens, que le Père et le Fils ont une même
nature, la conséquence naturelle de ces autres paroles : « Celui qui reçoit
mon envoyé, me reçoit, » paraît devoir être que le Fils et l'envoyé ont aussi
une même nature. On pourrait donc supposer que le Sauveur a voulu dire : Qui
reçoit celui que j'ai envoyé me reçoit en tant qu'homme, mais qui me reçoit
comme Dieu, reçoit celui qui m'a envoyé. Toutefois, en s'exprimant de la
sorte, ce n'est point l'unité de nature qu'il voulait faire ressortir dans la
personne de celui qui est envoyé, mais l'autorité de celui qui envoie; si
donc vous considérez Jésus-Christ dans Pierre, vous y trouverez le maître du
disciple; si au contraire vous considérez le Père dans le Fils, vous
trouverez le Père du Fils unique. Versets 21-30.
S. Jean Chrysostome : (hom. 72 sur S. Jean). Notre Seigneur venait
d'offrir cette double consolation à ses Apôtres, qui devaient bientôt
parcourir le monde entier, mais il se trouble à la pensée que le traître
disciple devait être privé : « Lorsqu'il eut dit ces choses, Jésus se
troubla en son esprit, » etc. — S.
Augustin : (Traité 60 sur saint Jean). Ce n'était pas la
première fois que cette pensée lui venait dans l'esprit, mais il allait
désigner si clairement celui qui devait le trahir, qu'il ne lui serait plus
possible de rester caché parmi les autres, et c'est une des causes de son
trouble. D'ailleurs, Judas allait bientôt sortir pour amener les Juifs et
leur livrer le Sauveur, et Jésus était encore troublé par les approches de sa
passion, par les dangers qui le menaçaient, et par la trahison imminente de
son perfide disciple, dont il connaissait par avance les intentions. (Traité
6l). Notre Seigneur « voulu nous apprendre aussi par ce trouble, que
lorsque la nécessité force l'Eglise de séparer de faux frères de son sein
avant la moisson, ce ne doit jamais être sans un grand sentiment de trouble.
Or, il fut troublé, non dans sa chair, mais dans son esprit; car au milieu de
ces scandales, le trouble des hommes vraiment spirituels ne vient pas d'un
sentiment répréhensible, mais de la charité qui leur fait craindre qu'en
arrachant l'ivraie, on ne déracine en même temps le bon grain. (Mat 13)
— (Traité 60). Que ce trouble ait eu pour cause ou un sentiment de
compassion pour Judas, qui allait se perdre, ou les approches de sa mort, ce
n'est point par faiblesse d'âme, mais par un acte de sa puissance que Jésus
se trouble; car ce trouble n'est point forcé, il est tout à fait volontaire,
il se troubla lui-même, comme il est dit plus haut. Or, ce trouble est une
source de consolation pour les membres faibles de son corps, c'est-à-dire, de
son Eglise, que Jésus apprend à ne point se regarder comme coupables, si le
trouble s'empare de leur âme aux approches de la mort de ceux qui leur sont
chers. — Origène : (Traité 32).
Jésus est troublé en esprit, c'est-à-dire, que ce sentiment humain était
produit par la puissance de l'esprit. En effet, si tous les saints vivent,
agissent et souffrent en esprit, à combien plus forte raison devons-nous
l'assurer de Jésus, le premier et le chef de tous les saints. S. Augustin : (Traité 60). Périssent donc tous les raisonnements
des stoïciens, qui prétendent que l'âme du sage doit être complètement inaccessible
au trouble; de même qu'ils prennent la vanité pour la vérité, ils regardent
l'insensibilité comme un indice de la force de l'âme. L’âme du chrétien peut
donc légitimement être troublée, non par la souffrance, mais par un sentiment
de compassion. (Traité 61). Jésus dit : « L'un de vous, » par
le nombre, non par le mérite; l'un de vous par l'apparence et non par sa
vertu. S. Jean Chrysostome : Mais comme il n'avait pas désigné le traître
par son nom, ils sont tous de nouveau saisis de frayeur : « Les disciples
donc se regardaient l'un l'autre, ne sachant de qui il parlait. » Leur
conscience ne leur reprochait aucun dessein de ce genre, et cependant cette
déclaration du Sauveur l'emportait dans leur esprit sur leurs propres
pensées. — S. Augustin : (Traité
61). Leur pieuse tendresse pour leur maître ne les empêchait pas, sous
l'impression d'un sentiment de faiblesse naturelle, de concevoir ces soupçons
les uns à l'égard des autres. — Origène
: Ils se rappelaient d'ailleurs par l'expérience qu'ils avaient de la
faiblesse humaine, que la vertu, chez les parfaits, n'est point à l'abri de
la mutabilité, et que les désirs les plus louables peuvent facilement se
changer en désirs contraires. S. Jean Chrysostome : Tous donc étant saisis de crainte, et
Pierre, leur chef, tout tremblant lui-même; Jean, comme le disciple
bien-aimé, inclina sa tête sur la poitrine de Jésus : « Or, un des disciples
de Jésus, que Jésus aimait, reposait sur son sein. » — S. Augustin : C'était Jean, l'auteur de cet Evangile, comme il le
déclare plus loin lui-même. En effet, lorsque les écrivains sacrés racontent
un fait où il est question d'eux-mêmes, ils ont coutume d'en parler comme
d'une tierce personne. Et en effet, en quoi peut souffrir la vérité du récit,
lorsque les choses sont dites telles qu'elles sont, et qu'en même temps
l'écrivain échappe au danger de la vanité ? S. Jean Chrysostome : Si vous désirez connaître la cause d'une si
grande familiarité de la part de Jean, c'était l'amour de Jésus pour lui,
c'est pour cela qu'il ajoute : « Celui qu'aimait Jésus. » Jésus aimait
tous les autres Apôtres, mais il avait pour celui-ci une affection plus
spéciale. — Origène : Je pense que
Jean, reposant sur le sein du Verbe, veut nous apprendre qu'il goûtait, un
doux repos dans la considération des mystères secrets du Verbe. — S. Jean Chrysostome : Il voulait
encore montrer par là qu'il était innocent du crime de trahison, et il
s'exprime de la sorte pour ne point vous laisser penser que Pierre lui fit
signe comme à quelqu'un qui lui serait supérieur en dignité. En effet,
l'Evangéliste ajoute : « Simon-Pierre lui fit signe et lui dit : Qui est
celui dont on parle ? » En toutes circonstances, nous voyons Pierre comme
emporté par la vivacité de son amour; comme il en a déjà été repris par le
Sauveur, il ne prend plus lui-même la parole, et cherche à savoir ce qu'il
désire par l'intermédiaire de Jean, car le saint Evangile nous montre partout
Pierre, plein de ferveur, et vivant dans une grande intimité avec Jean. S. Augustin : Remarquez ici cette manière de s'exprimer
sans parler, et par un simple signe. Il lui fît signe dit l'Evangéliste, et
il lui demande, c'est-à-dire, il lui demande par le signe même qu'il faisait;
car si la pensée seule est un véritable langage, comme l'atteste l'Ecriture
dans ce passage : « Ils dirent en eux-mêmes, » combien plus peut-on parler
par signes, puisqu'alors on manifeste au dehors par une expression quelconque
la pensée qu'on a conçue dans son cœur ? — Origène : On peut dire encore que Pierre commence par faire signe,
et que non content de ce signe, il fit cette question : « Quel est celui
dont il parle ? » « C'est pourquoi ce disciple s'étant penché sur la poitrine de Jésus,
lui dit : Seigneur, qui est-ce ? » Précédemment l'Evangéliste avait dit sur
le sein, il dit maintenant sur la poitrine. — Origène : On peut dire encore qu'il était couché sur le sein de
Jésus, et qu'ensuite il monta plus haut et reposa sur sa poitrine. Il semble
que s'il ne se fût point reposé sur la poitrine de Jésus, et qu'il fût resté
couché sur son sein, le Seigneur ne lui aurait pas fait connaître ce que
Pierre désirait savoir. En reposant donc en dernier lieu sur la poitrine de
Jésus, il nous apprend qu'il était le disciple privilégié de Jésus, par
l'effet d'une grâce plus haute et plus abondante. — S. Bède : Ce repos qu'il prend sur le sein et sur la poitrine de
Jésus, n'est pas seulement la preuve de l'amour du Sauveur pour lui, mais le
présage de ce qui devait arriver, c'est-à-dire, que Jean devait puiser sur la
poitrine de Jésus cette voix qui devait retentir et qu'aucun des siècles
précédents n'avait entendue. — S.
Augustin : (Traité 61 sur S. Jean). Le sein est en effet
ici la figure d'un mystère caché, et le sein de la poitrine est comme la
source secrète de la sagesse. S. Jean Chrysostome : (hom. 72). Cependant Notre Seigneur ne fait pas encore
connaître par son nom le traître disciple : « Jésus lui répondit : C'est
celui à qui je présenterai le pain trempé. » Cette manière de le faire
connaître avait pour but de lui faire changer de résolution; et puisqu'il
n'avait point rougi de s'asseoir à la même table que son divin Maître, il
devait rougir au moins en mangeant le même pain. « Et ayant trempé du pain, il le donna à Judas Iscariote, fils
de Simon. » — S. Augustin : (Traité
62). On ne peut admettre, avec quelques lecteurs superficiels, que Judas
reçut alors seul le corps du Seigneur; nous devons admettre au contraire que
le Sauveur avait déjà distribué le sacrement de son corps et de son sang à
tous ses disciples, et que Judas était du nombre, au témoignage de saint Luc
(Lc 22). Ce ne fut qu'après la communion que, suivant le récit de
saint Jean, le Seigneur fit connaître celui qui devait le trahir en lui
donnant un morceau de pain trempé. Peut-être, par ce pain trempé, voulut-il
désigner l'hypocrisie du traître disciple, car tout ce qui est trempé n'est
point pour cela purifié, et quelquefois une chose est souillée, par cela seul
qu'elle est trempée; si au contraire ce morceau de pain trempé est le symbole
d'une grâce particulière, l'ingratitude de Judas, après le nouveau bienfait,
rend plus juste encore sa réprobation. « Et quand il eut pris ce morceau, Satan entra en lui. » — Origène : Remarquez que Satan n'était
pas tout d'abord entré dans le cœur de Judas, il lui avait seulement suggéré
la pensée de trahir son Maître, ce ne fut qu'après ce morceau qu'il entra
dans son âme. Prenons donc bien garde que le démon ne fasse pénétrer dans
notre âme quelques-uns de ses traits enflammés, car s'il y réussit, il
redouble ses efforts pour entrer lui-même. — S. Jean Chrysostome : Tant que Judas fit partie du corps des
Apôtres, le démon n'osait s'emparer entièrement de lui, il se contentait de
l'attaquer extérieurement, mais lorsqu'il l'eût fait connaître et qu'il l'eût
séparé des autres disciples, il se trouva plus libre pour se saisir de sa
personne. — S. Augustin : Ou bien
: « Satan entra en lui, » dans ce sens qu'il prit complètement
possession de celui Qui lui appartenait déjà, car il était déjà dans Judas,
lorsque ce perfide disciple convint avec les Juifs du prix de sa trahison,
comme saint Luc le dit clairement : « Or, Satan entra en Judas, surnommé
Iscariote, l'un des douze; et il s'en alla conférer avec les princes des
prêtres et les officiers du temple, sur les moyens de le leur livrer. » Il
était donc au pouvoir de Judas, lorsqu'il vint se mettre à table avec Jésus,
mais après qu'il eut reçu ce morceau de pain, Satan entra en lui, non plus
comme pour tenter un homme qui lui fût étranger, mais pour posséder plus
pleinement celui qui lui appartenait déjà. — Origène : Il était juste, à mon avis, qu'après que ce morceau de
pain lui l'ut présenté, il perdit le bien dont il était indigne et qu'il
croyait posséder, et qu'ainsi dépouillé de ce bien, le démon pût entrer plus
facilement dans son âme. S. Augustin : Il en est qui disent : Est-ce qu'un morceau
de pain pris sur la table du Seigneur, a pu avoir pour effet de livrer à
Satan l'entrée du l'âme de ce perfide disciple ? Nous répondons que nous
devons apprendre par là avec quel soin nous devons éviter de recevoir les
grâces du ciel dans de mauvaises dispositions, car si Dieu traite si
sévèrement celui qui ne discerne pas (c'est-à-dire, qui ne distingue pas des
autres aliments) le corps du Seigneur, quelle sera la condamnation de celui
qui, sous les dehors de l'amitié, s'approche de sa table avec un cœur hostile
? « Et Jésus lui dit : Ce que vous faites, faites-le vite. » On ne peut
dire avec certitude à qui s'adressent ces paroles, car Notre Seigneur a pu
dire également à Judas ou à Satan : « Ce que vous faites, faites-le vite, »
en provoquant, pour ainsi dire, son ennemi au combat, ou en pressant le
traître disciple d'aider à l'accomplissement du mystère, qui devait être le
salut du inonde, et dont il pressait l'exécution, loin de vouloir la retarder.
— S. Augustin : Toutefois, il ne
commande pas le crime, il le prédit simplement, non point pour hâter la perte
de son perfide disciple, que pour accomplir au plutôt l'œuvre du salut des
nommes. — S. Jean Chrysostome : Ces
paroles : « Ce que vous faites, faites-le au plus vite, ne sont ni un
ordre ni un conseil, mais un reproche, et une preuve que le Sauveur ne
voulait mettre aucun obstacle à la trahison de son disciple : « Aucun de ceux
qui étaient à table ne comprit pourquoi il lui disait cela. » Une difficulté
assez grande se présente ici, et on se demande comment les disciples qui
avaient demandé quel était celui dont Jésus parlait, n'aient pas compris la
réponse du Sauveur : « Celui à qui je présenterai un morceau de pain
trempé. » Il faut donc admettre que Jésus fit cette réponse à voix basse, de
manière que personne ne l'entendit, et que Jean, qui reposait sur son sein,
lui fit précisément cette question à l'oreille, pour ne point faire connaître
celui qui devait le trahir; car, si le Sauveur l'eût clairement désigné,
Pierre eût pu le mettre à mort. C'est pour cela que l'Evangéliste dit
qu'aucun de ceux qui étaient à table ne comprit pourquoi il lui disait cela,
pas même Jean, qui ne pouvait penser qu'un disciple de Jésus put se porter à
cet excès de scélératesse; ne pouvant soupçonner dans les autres l'idée d'un
crime dont il était si éloigné lui-même. Les Apôtres ne comprirent donc point
le véritable motif des paroles de Jésus. L'Evangéliste nous apprend dans quel
sens ils les entendirent en ajoutant : « Quelques-uns pensaient que, comme
Judas avait la bourse, Jésus lui avait dit : Achetez ce dont nous avons
besoin pour la fête, » etc. S. Augustin : Notre Seigneur avait donc une bourse, dans
laquelle il conservait les offrandes des fidèles destinées à pourvoir aux
besoins de ses disciples et au soulagement des pauvres. Telle fut la première
institution de la propriété ecclésiastique. Lors donc que le Sauveur nous
ordonne de ne point songer au lendemain, (Mt 6) ce précepte n'est pas
une défense faite aux fidèles de ne conserver aucun argent, mais un
avertissement de ne point servir Dieu en vue de l'argent, et de ne jamais
sacrifier la justice par crainte de la pauvreté. — S. Jean Chrysostome : Aucun des disciples de Jésus ne lui
apportait d'argent; mais l'Evangéliste nous fait entendre ici que de pieuses
femmes fournissaient à Jésus ce qui lui était nécessaire pour son entretien.
Or, celui qui ordonne à ses apôtres de ne porter ni sac, ni bâton, ni urgent,
portait lui-même une bourse pour subvenir aux besoins des pauvres, afin de
nous apprendre que celui même qui embrasse une vie de pauvreté et de
crucifiement à tout ce qui est dans le monde, doit cependant avoir une grande
sollicitude pour les pauvres; car, Notre Seigneur a fait beaucoup de choses
dans sa vie, uniquement pour notre instruction. Origène : Le Sauveur avait dit à Judas : « Ce que vous
faites, faites-le au plus vite, » et le traître disciple n'obéit que sur ce
point à son Maître; aussitôt qu'il a reçu ce morceau de pain, il se hâte
d'accomplir, sans aucun retard, son criminel dessein. « Judas, ayant donc
pris ce morceau de pain, sortit aussitôt. » Et, en effet, il sortit,
non-seulement en quittant la maison où il se trouvait, mais en se séparant
tout à fait de Jésus. Quant à moi, je pense que Satan, qui était entré dans
Judas, après qu'il eut reçu ce morceau de pain, ne pouvait supporter d'être
plus longtemps dans le même lieu que Jésus; car il ne peut y avoir aucun
point de contact entre Jésus et Satan. Il n'est pas inutile de rechercher
pourquoi l’Evangéliste, qui nous rapporte que Judas reçut ce morceau de pain,
n'ajoute pas qu'il le mangea. Est-ce qu'eu effet Judas ne mangea point le
morceau de pain ? Ne peut-on pas dire que, lorsqu'il eut pris ce morceau de
pain, le démon, qui lui avait suggéré la pensée de trahir son Maître,
craignant qu'en mangeant de ce pain il ne renonçât à son dessein, se hâta
d'entrer en lui aussitôt qu'il l'eut reçu des mains du Sauveur, et le fit
sortir aussitôt de la maison ? On peut dire encore, avec autant de raison,
que de même que celui qui mange indignement le pain du Seigneur ou boit
indignement son calice, le mange et le boit pour sa condamnation; ainsi Jésus
donna ce pain aux uns pour leur salut, et à Judas pour sa perte; en sorte que
Satan entra en lui aussitôt qu'il l'eut reçu. S. Jean Chrysostome : L'Evangéliste ajoute : « Or, il était nuit,
» pour faire ressortir l'audace téméraire de Judas, que le temps ne dut ni
retenir ni détourner de son dessein. — Origène
: Cette nuit extérieure et sensible était d'ailleurs la figure des
ténèbres, qui s'étendaient sur l'âme de Judas. — S. Grégoire : (Moral., 2, 2). La circonstance du temps
fait ressortir la nature et la fin de l'action, et l'Evangile nous fait voir
Judas accomplissant dans la nuit son œuvre de trahison, parce qu'il ne devait
jamais eu concevoir de repentir. Versets 31-32.
Origène : (Traité 32 sur S. Jean). Après
les glorieux témoignages qu'avaient rendus au Sauveur les prodiges qu'il
avait opérés, et le miracle de la transfiguration, la glorification du Fils
de l'homme commença lorsque Judas, avec Satan, qui était entré en lui,
sortirent du lieu où se trouvait Jésus. « Lorsqu'il fut sorti, Jésus dit :
Maintenant le Fils de l'homme a été glorifié. » Il ne s'agit pas ici de la
gloire du Fils unique et immortel, du Verbe de Dieu, mais de la gloire de
l'homme qui est né de la race de David. En effet, si dans la mort de
Jésus-Christ, qui a glorifié Dieu, nous voyons s'accomplir ces paroles :
« Il a dépouillé les puissances et les principautés, il les a menées hautement
on triomphe à la face de tout le monde par le bois de sa croix » (Col 2, 15) et ces autres : « Il a
pacifié, par le sang qu'il a répandu sur la croix, tant ce qui est sur la
terre, que ce qui est dans le ciel; » (Col 1, 20) la gloire qui en est
résultée pour le Fils de l'homme, est inséparable de la gloire du Père, qui a
été glorifié en lui; car, on ne peut glorifier Jésus-Christ sans glorifier en
même temps le Père. Mais comme celui qui est glorifié l'est nécessairement
par quelqu'un, si vous demandez par qui le l'ils de l'homme a été glorifié,
il vous répond lui-même : « Si Dieu a été glorifié en lui, Dieu aussi le
glorifiera en lui-même. » — S.
Jean Chrysostome : C'est-à-dire par lui-même et non par un autre. « Et
c'est bientôt qu'il le glorifiera. » Comme il disait : Ce ne sera pas
après un long espace de temps, car la croix fera bientôt éclater ces glorieux
témoignages; en effet, le soleil s'éclipsa, les rochers furent brisés, et un
grand nombre de ceux qui étaient morts ressuscitèrent. C'est ainsi qu'il
relève l'esprit abattu de ses disciples, et qu'il les excite non-seulement à
bannir la tristesse, mais à se livrer à la joie. S. Ane. (Traité 63 sur S. Jean). Ou bien encore : Le
disciple impur étant sorti, tous ceux qui étaient purs demeurèrent avec celui
qui les avait purifiés. Il arrivera quelque chose de semblable lorsque
l'ivraie, étant séparée du froment, les justes brilleront comme le soleil
dans le royaume de leur Père. (Mt 13) C'est dans la prévision de cette
séparation future que Nôtre-Seigneur, lorsque Judas fut sorti, c'est-à-dire
lorsque l'ivraie fut séparée et qu'il ne resta plus que le bon grain,
c'est-à-dire les saints Apôtres, dit : « Maintenant, le Fils de l'homme est
glorifié. » Il semble dire : Voilà ce qui aura lieu dans ma glorification; ou
n'y verra aucun méchant; aucun des bons qui s'y trouveront ne périra.
Remarquez que Notre Seigneur ne dit pas : C'est maintenant qu'est figurée la
glorification du Fils de l'homme, mais : « C'est maintenant que le Fils de
l'homme est glorifié; » de même que l'Apôtre ne dit pas : La pierre
signifiait le Christ; mais : « La pierre était le Christ. » (1 Co 10)
Car, les écrivains sacrés ont coutume de donner aux figures le nom des choses
figurées. Or, la glorification du Fils de l'homme a pour but que Dieu soit
glorifié en lui, comme Notre Seigneur l'ajoute : « Et Dieu est glorifié
en lui. » Il donne ensuite l'explication de ces paroles : « Si Dieu a
été glorifié en lui (parce qu'il n'est point venu faire sa volonté, mais la
volonté de celui qui l'a envoyé), Dieu aussi le glorifiera en lui-même, » en
donnant l'immortalité à la nature humaine, à laquelle le Verbe s'est uni. «
Et bientôt il le glorifiera, » paroles qui sont une prédiction de sa
résurrection, qui ne sera point retardée, comme la nôtre, à la fin du monde,
mais qui suivra presque immédiatement sa mort. Ou peut aussi entendre, de
cette résurrection prochaine, ce qu'il a dit plus haut : « Maintenant, le
Fils de l'homme est glorifié; » et l'expression : « Maintenant, »
s'appliquerait non point à sa passion, qui était proche, mais à sa
résurrection, qui devait suivre, et qui regardait comme déjà faite parce
qu'elle devait arriver bientôt. S. Hilaire : (de la Trin., 11) Ces paroles : « Dieu a été glorifié en
lui, » se rapportent à la gloire du corps de Jésus-Christ, qui a fait
ressortir la gloire de Dieu par celle qu'il empruntait lui-même de son union
avec la nature divine. Dieu, en retour de cette gloire que son Fils lui
donnait, l'a glorifié en lui-même, en augmentant la gloire que le Fils donnait
en lui à Dieu, de telle sorte que celui qui règne dans la gloire (qui est la
gloire de Dieu), fût comme transformé dans la gloire de Dieu, en demeurant
tout entier Dieu par l'union de son humanité avec la divinité. Il ne veut pas
laisser ignorer le temps de cette glorification : « Et bientôt il le
glorifiera, » c'est-à-dire, qu'au moment où Judas sort pour le trahir, Jésus
prédit la gloire que doit lui procurer bientôt sa résurrection après sa
passion, et réserve pour un temps plus éloigné la gloire par laquelle Dieu
devait le glorifier en lui-même, en faisant éclater aux yeux de tous la
puissance de sa résurrection, tandis que lui-même devait rester en Dieu en
vertu de cette mystérieuse disposition qui le soumet à son Père. S. Hilaire : (de la Trin., 9) La première signification de ces paroles : « Maintenant
le Fils de l'homme a été glorifié, » ne peut être douteuse à mon avis, car ce
n'est point le Verbe, mais la chair qu'il s'était unie qui était susceptible
d'une nouvelle gloire. Mais je me demande ce que signifient les paroles qui
suivent : « Et Dieu a été glorifié en lui; » en effet, le Fils de l'homme
n'est point autre que le Fils de Dieu (puisque c'est le Verbe qui s'est fait
chair); je cherche donc comment Dieu a été glorifié dans ce Fils de l'homme
qui est en même temps le Fils de Dieu. Examinons encore le sens de ces autres
paroles : « Si Dieu a été glorifié en lui, Dieu le glorifiera en lui-même. »
L'homme ne peut être glorifié par lui-même, et d'autre part le Dieu qui est
glorifié dans l'homme (bien qu'il reçoive de la gloire), ne peut être autre
chose que Dieu; il faut donc ou que ce soit le Christ qui est glorifié dans
la chair, ou le Père qui est glorifié dans le Christ. Si c'est le Christ, il
est certain que le Christ qui est glorifié dans la chair, est Dieu; si c'est
le Père (qui est Dieu), le Père est glorifié dans le Fils en vertu du mystère
de l'unité. Mais de ce que Dieu glorifie en lui-même, le Dieu qui a été
glorifié dans le Fils, comment peut-on encore tirer cette conclusion impie,
que le Christ ne soit point vrai Dieu, et n'ait point une même nature avec
Dieu le Père ? Est-ce que celui qu'il glorifie en lui-même serait en dehors
de lui ? Celui que le Père, glorifie en lui-même partage nécessairement la
même gloire, et celui qui doit être glorifié de la gloire du Père, entre
nécessairement en participation de toutes les perfections du Père. Origène : Disons encore que le mot gloire n'a pas ici
le sens que lui donnent quelques païens qui définissent la gloire, la réunion
des louanges qui sont données par un grand nombre, car il est évident que ce
n'est pas là le sens du mot gloire dans l'Exode, où il est dit : « Que
le tabernacle fut rempli de la gloire de Dieu; » (Ex 40, 32) et encore
que la figure de Moïse fut resplendissante de gloire (Ex 34, 35). Dans
le sens premier et littéral, on doit entendre qu'il y eut comme une
apparition plus spéciale de la gloire divine dans le tabernacle aussi bien
que sur le visage de Moïse, qui venait de s'entretenir avec Dieu. Mais dans
le sens figuré, la gloire de Dieu apparut, parce que l'intelligence déifiée
et s'élevant au-dessus de toutes les choses matérielles pour scruter la
vision de Dieu, participe à l'éclat de la divinité qu'elle contemple, c'est
dans ce sens que le visage de Moïse resplendit de gloire, parce que son
intelligence fut comme déifiée; or, on ne peut établir aucune comparaison
entre la prééminence divine de Jésus-Christ et l'éclat qui rejaillissait de
l'intelligence de Moïse sur son visage, car le Fils est la splendeur de toute
la gloire, divine au témoignage de saint Paul : « Et comme il est la
splendeur de sa gloire et l'image de sa substance. » (He 1, 3). Bien
plus, de ce foyer complet de gloire et de lumière partent des rayons
éclatants qui se répandent sur la créature raisonnable, car je ne pense pas
qu'aucune créature puisse comprendre toute la splendeur de la gloire divine,
le Fils seul en est capable. Le Fils n'était donc, pas glorifié dans le
monde, alors qu'il n'en était pas connu, mais lorsque le Père eut donné la
connaissance de Jésus à quelques-uns de ceux qui existaient dans le monde, le
Fils de l'homme fut glorifié dans ceux dont il était connu. Cette
connaissance fut une cause de gloire pour ceux qui la possédaient, car ceux
qui contemplent à visage découvert la gloire du Seigneur sont transformés en
sa ressemblance (2 Co 3, 13) par la gloire de celui qui est glorifié
qui rejaillit sur ceux qui le glorifient. Lors donc qu'il vit s'approcher
l'accomplissement de ce mystère qui devait le faire connaître au monde et lui
mériter cette gloire qui devait se répondre sur ceux qui le glorifieraient,
il dit. : « C'est maintenant que le Fils de l'homme est glorifié. » Et comme nul n'a connu le
Père, si ce n'est le Fils, et celui à qui le Fils l'a révélé, et qu'il
entrait dans le plan de l'incarnation divine que le Fils fit connaître le
Père, Dieu fut par cela même glorifié en lui. Pour bien comprendre ces
paroles : « Dieu a été glorifié en lui, » vous les rapprocherez de ces
autres : « Celui qui me voit, voit aussi mon Père. » (Jn 14) On voit,
en effet, le Père, parce que le Verbe est Dieu, et l'image invisible de Dieu
le Père qui l'a engendré. On peut encore donner de ce passage une explication
plus développée et plus claire. De même que le nom de Dieu est blasphémé par
quelques-uns parmi les nations (Rm 2, 24), ainsi ce nom divin
du Père est glorifié par les saints, dont les oeuvres parfaites brillent aux
yeux des autres hommes. Mais par qui Dieu a-t-il été plus glorifié que par
Jésus, qui n'a commis aucun péché, et dans la bouche de qui le mensonge ne
s'est point trouvé ? (1 P 2, 22). C'est donc ainsi que le Fils a été
glorifié, et que Dieu a été glorifié en lui; mais si Dieu a été glorifié en
lui, il lui rend une gloire bien supérieure à celle que le Fils lui a donnée,
car la gloire que le Père donne au Fils de l'homme, lorsqu'il le glorifie,
est incomparablement plus grande que celle qu'il rend lui-même à Dieu le Père
qui est glorifié en lui. Il était convenable, en effet, que celui qui était
le plus puissant, rendît aussi une gloire plus grande, et comme cette gloire
que le Père devait accorder au Fils de l'homme ne devait point tarder, Jésus
ajoute : « Et bientôt il le glorifiera. » Versets 33-35.
S. Augustin : (Traité 64 sur S. Jean). Ce que Notre Seigneur venait
de dire : « Et bientôt il le glorifiera, » pouvait laisser croire aux
disciples qu'après que Dieu l'aurait glorifié, il cesserait de leur être uni
et de vivre avec eux sur la terre, c'est pour cela qu'il ajoute : « Mes
petits enfants, je ne suis plus avec vous que pour un peu de temps; »
c'est-à-dire, je serai immédiatement glorifié par ma résurrection, mais je ne
remonterai pas aussitôt dans les deux, car comme il est écrit dans les Actes
des Apôtres : « Il demeura quarante, jours avec eux après sa résurrection, »
(chap. 1) et c'est à ces quarante jours qu'il fait allusion, lorsqu'il dit :
« Je ne suis plus avec, vous que pour un peu de temps. » Origène : (Traité 32 sur S. Jean). Ce nom de petits
enfants qu'il leur donne, prouve que leur âme, était encore soumise aux faiblesses
de l'enfance, mais ceux qu'il appelle maintenant des petits enfants
deviennent ses frères après sa résurrection, de même qu'ils avaient été des
serviteurs avant de devenir des petits enfants. — S. Augustin : On peut entendre ces paroles dans ce sens : Je suis
encore comme vous dans l'infirmité de la chair, c'est-à-dire, jusqu'au temps
de ma mort et de ma résurrection. Après sa résurrection, il fut encore
présent au milieu d'eux d'une présence corporelle, mais il cessa de partager
les faiblesses de la nature humaine. Nous voyons, en effet, dans un autre
évangéliste, qu'il tient ce langage à ses Apôtres : « C'est là ce que je vous
ai dit, étant encore avec vous, » (Lc 24) c'est-à-dire, alors que
j'étais dans celte chair mortelle qui nous est commune. Après sa
résurrection, il était encore avec eux dans la même chair, mais il n'était
plus comme eux soumis aux conditions de la mortalité. Il est encore une autre
présence divine inaccessible aux sens, et dont le Sauveur veut parler quand
il dit : « Voici que, je suis avec vous jusqu'à la consommation des siècles.
» (Mt 28) Il ne dit pas ici : « Je ne suis avec vous que pour un peu
de temps, » car le temps qui doit s'écouler jusqu'à la consommation des
siècles n'est pas de courte durée, ou s'il est de courte durée, parce que
mille ans sont aux yeux de Dieu comme un seul jour (Ps 89), ce n'est
pas cependant cette vérité que le Sauveur a voulu exprimer, puisqu'il ajoute
: « Vous me chercherez, et comme j'ai dit aux Juifs : Où je vais vous ne
pouvez venir. » Est-ce qu'à la fin du monde il y aurait
encore impossibilité d'aller où il allait lui-même, pour ceux à qui il devait
bientôt dire : « Mon Père, je veux que là où je suis, ils soient eux-mêmes
avec moi. » (Jn 18) Origène : Dans leur sens le plus simple, ces paroles
n'offrent aucune difficulté, parce qu'en effet, le Sauveur ne devait pas
rester longtemps avec ses disciples; mais si l'on veut leur donner une
signification plus profonde et plus cachée, ou se demande s'il n'a pas cessé
d'être avec eux après un peu de temps, non parce qu'il n'était plus présent
corporellement au milieu d'eux, mais parce que peu de temps après s'accomplit
celte prédiction qu'il avait faite : « Je vous serai un sujet de
scandale cette nuit. » Ainsi il n'était plus avec eux, parce qu'il ne reste
qu'avec ceux qui en sont dignes. Mais bien qu'il ne fût pas avec eux, ils
savaient cependant chercher Jésus, comme Pierre, qui en répandant tant de
larmes, après avoir renié son divin Maître, cherchait évidemment Jésus. C'est
pourquoi Notre Seigneur ajoute : « Vous me chercherez, et comme j'ai dit aux
Juifs : Où je vais, vous ne pouvez venir. » Chercher Jésus, c'est chercher le
Verbe, la sagesse, la justice, la vérité, la puissance divine, toutes choses
qui se trouvent dans le Christ. Ils voulaient donc suivre Jésus, non pas
corporellement, comme quelques ignorants le prétendent, mais dans le sens
spirituel dont parle le Sauveur, quand il dit : « Celui qui ne porte point sa
croix et ne me suit pas, ne peut être mon disciple. » (Lc 14, 27). Et
Jésus leur dit : « Là où je vais, vous ne pouvez venir; » lors même qu'ils
eussent voulu suivre le Verbe et le confesser publiquement, ils n'avaient pas
la force nécessaire, car l'Esprit saint n'avait pas encore été donné, parce
que Jésus n'était pas encore glorifié. S. Augustin : Ou bien, Notre Seigneur leur parle de la
sorte, parce qu'ils n’étaient pas encore capables de le suivre jusqu'à la
mort pour la justice; car comment auraient-ils pu le suivre, n'étant pas
encore mûrs pour la justice ? Ou comment auraient-ils pu suivre le Seigneur
jusqu’à l'immortalité de sa chair, eux qui ne devaient ressusciter qu'à la
fin des siècles, quelle que fût l'époque de leur mort? Ou bien encore,
comment auraient-ils pu suivre le Seigneur jusque dans le sein du Père, alors
que la charité parfaite pouvait seule leur donner l'entrée de cette suprême
félicité ? Lorsque Jésus s'adressait aux Juifs, il n'ajoutait point : «
Maintenant, » car si ces disciples ne pouvaient le suivre actuellement, ils
devaient le suivre plus tard, et c'est pour cela que le Sauveur ajoute : « Je
vous le dis aussi maintenant. » — Origène
: Et je vous le dis, mais prenant soin de spécifier le temps par celte
expression : « Maintenant, » car pour les Juifs qu'il prévoyait devoir mourir
dans leurs crimes, ils ne pouvaient suivre bientôt Jésus où il allait, tandis
que les disciples, dans un temps fort court, devaient suivre le Verbe. S. Jean Chrysostome : Il appelle ses disciples : « Mes petits
enfants, » afin qu'ils ne s'appliquent point ces paroles qui semblaient les
ranger avec les Juifs : « Ainsi que je l'ai dit aux Juifs, » et il leur donne
ce nom pour rendre plus vif l'amour qu'ils avaient pour lui. En effet, c'est
lorsque nous voyons une personne qui nous est chère sur le point de nous
quitter, que nous sentons notre affection pour elle redoubler, surtout
lorsque nous la voyons partir pour des lieux où il nous est impossible de la
suivre. Il nous apprend en même temps que sa mort n'est qu'un déplacement,
une translation heureuse dans un lieu où les corps mortels ne peuvent avoir
d'accès. S. Augustin : Notre Seigneur leur enseigne du reste la
voie qu'ils devront suivre pour arriver là où il les précédait : « Je vous
donne un commandement nouveau, c’est de vous aimer les uns les autres. » (Traité
65) Mais est-ce que ce commandement n'existait pas déjà dans l'ancienne
loi, qui avait Dieu pour auteur, et où il est écrit : « Vous aimerez votre
prochain comme vous-même ? » Pourquoi donc Notre Seigneur l'appelle-t-il un
commandement nouveau ? Est-ce qu'il nous a dépouillé du vieil homme pour
nous revêtir du nouveau ? Celui, en effet, qui reçoit ce précepte, ou plutôt
qui lui est fidèle, se trouve renouvelé, non point par toute espèce d'amour,
mais par cet amour que le Sauveur distingue avec soin de l'affection purement
naturelle, en ajoutant : « Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les
autres. » Ne vous aimez pas comme s'aiment les hommes qui ne cherchent qu'à
corrompre, ni comme ceux qui s'aiment, parce qu'ils ont une même nature, mais
aimez-vous comme ceux qui s'aiment mutuellement, parce qu'ils sont dieux, et
les fils du Très-Haut, pour devenir ainsi les
frères du Fils unique de Dieu, en s'aimant mutuellement de cet amour qu'il a
eu pour eux et qui le porte à les conduire à cette fin bienheureuse où il
rassasiera leurs désirs dans l'abondance de tous les biens. — S. Jean Chrysostome : Ou bien encore
ces paroles : « Comme je vous ai aimés, » signifient que l'amour que j'ai eu
pour vous, n'a pas été fondé sur vos mérites antérieurs, c'est moi qui vous
ai prévenus, ainsi devez-vous faire le bien, sans y être forcés par aucune
obligation de reconnaissance. S. Augustin : Ne croyez pas que le Sauveur ait oublié ici
le commandement qui nous oblige d'aimer le Seigneur notre Dieu; car, pour qui
l’entend bien, chacun de ces deux commandements se retrouve dans l'autre. En
effet, celui qui aime Dieu ne peut pas mépriser Dieu, qui lui recommande
d'aimer le prochain; et celui qui aime le prochain d'un amour surnaturel et
spirituel, qu'aime-t-il en lui, si ce n'est Dieu ? C'est cet amour que Notre
Seigneur veut séparer de toute affection terrestre, lorsqu'il ajoute : «
Comme je vous ai aimés. » Qu'a-t-il aimé en nous, en effet, si ce n'est
Dieu ? Non pas Dieu que nous possédons, mais Dieu, qu'il désirait voir en
nous. Aimons-nous donc ainsi les uns les autres, afin qu'autant que nous le
pourrons, nous soyons attirés à la possession de Dieu seul par la force de
cet amour mutuel. S. Jean Chrysostome : Notre Seigneur laisse de côté les miracles
que ses disciples devaient opérer, et veut qu'on ne les reconnaisse qu'à cet
amour seul qu'ils auront les uns pour les autres : « C'est en cela que tous
connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez, de l'amour les uns
pour les autres. » C'est à ce signe qu'on reconnaît la véritable sainteté,
comme c'est à ce signe que le Sauveur reconnaît ses disciples. — S. Augustin : Ne semble-t-il pas dire
: Ceux qui ne sont pas mis disciples partagent avec vous d'autres grâces,
d'autres faveurs; non-seulement ils ont une même nature, une même vie, une
même intelligence, une même raison, et cet ensemble de biens qui sont communs
aux hommes et aux animaux, mais encore le don des langues, le pouvoir
d'administrer les sacrements, le don de prophétie, la science, la foi, la
distribution de leurs biens aux pauvres, le sacrifice de leur corps au milieu
des flammes; mais parce qu'ils n'ont point la charité, ce sont des tymbales
retentissantes, ils ne sont rien, et tous ces dons ne leur servent de rien ? Versets 36-38.
S. Jean Chrysostome : (hom. 73 sur S. Jean). L'amour est quelque chose de
grand, il est plus fort que le feu, et nul obstacle ne peut arrêter son élan.
Aussi Pierre, sous l'impression de cet ardent amour, entendant le Sauveur lui
dire : « Là où je vais, vous ne pouvez venir maintenant, » lui fait cette
question : « Seigneur, où allez-vous ? » — S. Augustin : (Traité 66 sur S. Jean). C'est ainsi
que le disciple parle à son Maître, disposé qu'il est à le suivre; c'est
pourquoi le Seigneur, qui voit le fond de son âme, lui fait cette réponse : «
Là où je vais, vous ne pouvez maintenant me suivre. » Il retarde
l'accomplissement de son désir, mais ne lui enlève pas toute espérance; au
contraire il l'affermit, en lui disant : a Vous me suivrez un jour. »
Pourquoi donc cet empressement, Pierre? Celui qui est la pierre ne vous a pas
encore donné l'appui inébranlable de son esprit; n'ayez donc point cette
présomption orgueilleuse. « Vous ne le pouvez pas maintenant. » Ne vous
laissez point abattre par le désespoir : « Vous me suivrez plus tard. » S. Jean Chrysostome : Malgré cette réponse, Pierre ne peut
contenir la vivacité de son désir; il se laisse emporter à la douce espérance
qui vient de lui être donnée, et comme il ne craint pins maintenant de trahir
son Maître, il l'interroge avec sécurité au milieu du silence que gardent les
autres apôtres. « Pierre lui dit : Pourquoi ne puis-je pas vous suivre à
présent ? Je donnerai ma vie pour vous. » Que dites-vous, Pierre ? Je
viens de vous déclarer que vous ne pouvez pas, et vous insistez, en disant :
Je le puis. Vous apprendrez donc par votre expérience que votre amour n'est
rien sans la présence d'un secours surnaturel qui le dépouille de sa
faiblesse. « Jésus lui répondit : Vous donnerez votre vie pour moi ? » — S. Bède : Cette proposition peut
s'entendre de deux manières : premièrement, d'une manière affirmative, en ce
sens : Vous donnerez votre vie pour moi, mais actuellement la crainte de la
mort du corps vous fera tomber dans la mort de l'âme; secondement, dans un
sens ironique — S. Augustin : C'est-à-dire,
vous ferez pour moi ce que je n'ai pas encore fait pour vous ? Vous pouvez me
precéder, vous qui n'êtes pas capable de me suivre ? Pourquoi tant de
présomption ? Apprenez donc ce que vous êtes : « En vérité, en vérité,
je vous le dis, le coq ne chantera pas que vous ne m'ayez renié trois fois, »
vous qui promettez de mourir pour moi ? vous renierez trois fois celui qui
est votre vie. Pierre voyait bien l'étendue du désir de son âme, mais il ne
voyait pas sa faiblesse, malade qu'il était, il vantait bien haut l'ardeur de
sa volonté, mais le Médecin connaissait son infirmité. Peut-on admettre,
avec, quelques-uns qui, par une condescendance coupable, veulent excuser
Pierre, que cet apôtre n'a point précisément renié le Christ, parce qu'à la
question que lui fit la servante, il répondit qu'il ne connaissait pas cet
homme, comme les autres évangélistes le disent expressément ? Comme si renier
Jésus en tant qu'homme ne soit pas le renier comme Christ, et le renier dans
ce qu'il a daigné se faire pour notre amour et pour nous sauver de la mort,
nous ses créatures. Comment est-il devenu la tête de l'Eglise si ce n'est par
son humanité ? Comment donc peut-on faire partie du corps de Jésus-Christ, en
reniant Jésus-Christ comme homme ? Mais pourquoi nous arrêter davantage à
cette difficulté ? Notre Seigneur ne dit point : Le coq ne chantera pas
que vous n'ayez renié l'homme où le Fils de l'homme; mais : « Le coq ne
chantera pas que vous ne m'ayez renié. » Que veut dire ici l'expression moi,
si ce n'est ce que Jésus-Christ était alors ? donc tout ce que Pierre a
renié dans le Christ, c'est Jésus-Christ lui-même qu'il a renié. En douter,
ce serait un crime. Jésus-Christ l'a déclaré, il a prédit les deux choses; il
est donc certain que Pierre a renié Jésus-Christ. N'allons pas accuser
Jésus-Christ, en voulant défendre Pierre. Pierre a reconnu pleinement son
péché, et l'abondance des larmes qu'il a versées a témoigné de la grandeur du
crime qu'il a commis. Si nous parlons de la sorte, ce n'est point pour le
plaisir d'accuser le chef des Apôtres, mais la considération de sa chute nous
apprend combien l'homme doit se défier de ses propres forces. — S. Bède : Que chacun cependant
profite de cet exemple. pour ne point se laisser aller au désespoir lorsqu'il
tombe dans quelque faute, et qu'il y puise l'espérance assurée d'obtenir son
pardon. — S. Jean Chrysostome : Nous
devons aussi conclure de là que le Seigneur permit la chute de Pierre. Il
aurait pu, sans doute, la prévenir tout d'abord; mais comme cet apôtre
persévérait dans ses protestations opiniâtres, le Sauveur ne le poussa point
à le renier, mais il l'abandonna à ses propres forces, pour lui faire
comprendre sa propre faiblesse, le préserver pour l'avenir d'une si
déplorable chute, lorsqu'il serait chargé du gouvernement du monde entier, et
lui donner la connaissance de lui-même par le souvenir de sa faiblesse. S. Augustin : Ce fut donc l'âme de Pierre qui souffrit la
mort qu'il offrait de souffrir dans son corps, mais dans un sens différent de
celui qu'il pensait; car avant la mort et la résurrection du Seigneur, il
mourut par son renoncement, et ressuscita par ses larmes. — S. Augustin : (De l'Acc. des
Evang., 2, 2). Le renoncement dr Pierre, dont nous venons de parler, nous
est raconté non-seulement par saint Jean, mais par les trois autres
évangélistes, bien que tous ne le placent pas dans les mêmes circonstances;
car saint Matthieu et saint Marc le rattachent au discours qui suivit la
sortie du Sauveur de la maison où il avait mangé la pâque; tandis que saint
Luc et saint Jean le placent avant qu’il en fût sorti : mais il nous est
facile de comprendre ou que les deux premiers évangélistes en ont parlé par
récapitulation, ou les deux derniers par anticipation. On serait peut-être
plus fondé à admettre, en voyant les discours variés et les affirmations
différentes du Seigneur, rapportées par les Evangélistes, que sous
l'impression de ces paroles, Pierre a fait le serment téméraire de mourir
pour son Maître ou avec son Maître, et qu'ainsi il a renouvelé trois fois cet
engagement en divers endroits du discours du Sauveur, de même que Jésus lui a
répondu, à trois reprises différentes, qu'il le renierait trois fois avant le
chant du coq. |
Caput 14 Lectio 1 [86106] Catena in Io., cap. 14 l. 1 Augustinus in
Ioannem. Ne discipuli mortem Christi tamquam homines timerent, et ideo
turbarentur, consolatur eos, etiam Deum se esse contestans; unde dicitur et
ait discipulis suis : non turbetur cor vestrum. Creditis in Deum, et in me
credite, quasi dicat : consequens est, si in Deum creditis, ut in me credere
debeatis : quod non esset consequens, si Christus non esset Deus. Mortem
metuitis huic formae servi : non turbetur cor vestrum; suscitabit illam forma
Dei. Chrysostomus in Ioannem. Ea etiam quae in me est fides et in
patrem qui genuit, potentior est his quae supervenient; et nihil contra eam
potest praevalere difficilium. Hoc etiam modo divinitatis virtutem ostendit,
quia ea quae in mente habebant ducit in medium dicens non turbetur cor
vestrum. Augustinus. Quia igitur etiam sibi metuebant discipuli, cum
Petro dictum esset fidentiori atque promptiori : non cantabit gallus, donec
ter me neges, subiunxit in domo patris mei mansiones multae sunt : per quod a
turbatione recreantur, certi ac fidentes etiam post pericula tentationum, se
apud Deum cum Christo esse mansuros : quia etsi alius est alio fortior,
sapientior, iustior, sanctior, nullus alienabitur ab illa domo ubi mansionem
pro suo quisque accepturus est merito. Denarius quidem ille aequalis est
omnibus quem paterfamilias eis qui operati sunt in vinea, iubet dari : quo
utique denario vita significatur aeterna, ubi amplius alio nemo vivit,
quoniam vivendi non est diversitas in aeternitate mansura; sed multae
mansiones diversas meritorum in una vita aeterna significant dignitates.
Gregorius super Ezech. Vel hac ratione conveniunt mansiones multae cum uno
denario, quia etsi alter minus atque alius amplius exultat, omnes tamen unum
gaudium conditoris sui visione laetificat. Augustinus. Atque ita Deus
erit omnia in omnibus, ut quoniam Deus caritas est, per caritatem fiat ut
quod habent singuli, commune sit omnibus. Sic enim quisque etiam ipse habet,
cum amat in altero quod ipse non habet : non enim erit ita aliqua invidia
imparis claritatis, quoniam regnabit in omnibus unitas caritatis.
Gregorius Moralium. Eiusdem etiam disparilitatis damna non sentiunt : quia
tantum sibi unusquisque percipit quantum sufficit. Augustinus. Respuendi
autem sunt a corde Christiano qui putant ideo dictum multas esse mansiones,
quia extra regnum caelorum erit aliquid ubi maneant beati innocentes, cum
sine Baptismo ex hac vita emigraverint, sine quo in regnum caelorum intrare
non possunt. Absit autem ut cum omnis domus regnantium filiorum non sit alibi
nisi in regno, ipsius regiae domus pars aliqua non sit in regno; non enim ait
dominus : in beatitudine sempiterna mansiones multae sunt, sed in domo patris
mei. Chrysostomus in Ioannem. Vel aliter continua. Quia dominus supra
dixerat Petro : quo ego vado, non potes me sequi modo, sequeris autem postea,
ne aestiment soli Petro hanc promissionem esse datam, dixit in domo patris
mei mansiones multae sunt; hoc est, et vos regio illa suscipiet quae et
Petrum : copia enim est ibi multa mansionum, et non est dicere quoniam
praeparatione indigent; et propter hoc subdit si quo minus, dixissem vobis
quia vado parare vobis locum. Augustinus in Ioannem. Ubi satis
ostendit, ideo se hoc illis dixisse, quia iam ibi mansiones multae sunt, et
non est opus illi aliquam praeparare. Chrysostomus. Quia vero dixerat
: non potes me modo sequi, ut non aestiment se ab eo finaliter abscissos
esse, subiungit et si abiero et praeparavero vobis locum, iterum veniam et
accipiam vos ad meipsum, ut ubi ego sum, et vos sitis : ex quo ostendit quod
oportet eos vehementer confidere. Theophylactus. Ac si dicat utrumque.
Vos turbari non oportet, sive paratae sint, sive non. Nam etsi paratae non
sint, ego cum omni solertia praeparabo vobis illas. Augustinus. Sed
quomodo vadit et parat locum, si iam mansiones multae sunt? Sed nondum sunt
sicut parandae sunt; easdem enim mansiones quas praedestinando praeparavit,
praeparat operando. Iam ergo sunt in praedestinatione : si quo minus,
dixisset : ibo et praeparabo, hoc est praedestinabo; sed quia nondum sunt in
operatione, dicit et si abiero et praeparavero vobis locum. Parat autem modo
mansiones, mansionibus praeparando mansores. Quippe cum dixit in domo patris
mei mansiones multae sunt, quid putamus esse domum Dei, nisi templum Dei? De
quo apostolus dicit : templum Dei sanctum est, quod estis vos. Haec ergo
domus Dei adhuc aedificatur, adhuc praeparatur. Sed quid est quod ut
praeparet abiit, cum nosipsos praeparet; quod non faciet, si reliquerit? Sed
illud significat, quia ut parentur istae mansiones, vivere debet iustus ex
fide : si autem vides, non est fides. Eat ergo ne videatur, lateat ut
credatur. Tunc enim locus paratur, si ex fide vivatur : creditus desideretur,
ut desideratus habeatur. Si bene intelligis, nec unde vadit, nec unde venit
recedit. Vadit ergo latente eo, venit apparendo. Sed nisi maneat regendo, ut
proficiamus bene vivendo, non parabitur locus ubi possimus manere perfruendo.
Alcuinus. Dicit ergo si abiero, per carnis absentiam, iterum veniam, per
divinitatis praesentiam; vel iterum veniam iudicare vivos et mortuos. Et quia
sciebat eos interrogaturos quo iret, vel per quam viam iret, subiungit et quo
ego vado scitis, scilicet ad patrem, et viam scitis, scilicet per meipsum.
Chrysostomus. Hoc autem dicens, desiderium quod in eorum mente erat,
ostendit, et dat eis desiderium interrogandi. Lectio 2 [86107] Catena in Io., cap. 14 l. 2 Chrysostomus
in Ioannem. Si Iudaei volentes a Christo separari, quaerebant quo iturus
esset, multo magis discipuli numquam ab eo separari volentes, hoc discere
cupiebant, et interrogant eum ex multa dilectione et timore; et ideo dicitur
dicit ei Thomas : domine, nescimus quo vadis; et quomodo possumus viam scire?
Augustinus in Ioannem. Utrumque illos dominus dixerat scire, utrumque
dicit iste nescire; sed nescit ille mentiri; ergo isti sciebant, et se scire
nesciebant. Convincit ergo eos hoc scire; unde subditur dicit ei Iesus : ego
sum via, veritas et vita. Augustinus de Verb. Dom. Quasi dicat : qua
vis ire, ego sum via; quo vis ire, ego sum veritas; ubi vis permanere, ego
sum vita. Veritatem et vitam omnis homo capit; sed viam non omnis invenit.
Deum esse quamdam vitam aeternam, veritatem scibilem, etiam huius saeculi
philosophi viderunt. Verbum ergo Dei, quod apud patrem est veritas et vita,
assumendo hominem, factum est via. Ambula per hominem, et pervenies ad Deum.
Melius enim est in via claudicare, quam praeter viam fortiter ambulare.
Hilarius de Trin. Non enim vos in erratica atque in invia deducit ille qui
via est; neque illudit per falsa qui veritas est; neque in mortis relinquit
errore qui vita est. Theophylactus. Cum itaque activam exerces, fit
tibi Christus via; cum autem in contemplativa perseveras, efficitur tibi
veritas. Adiecta autem vita est activo et contemplativo : decet enim ire et
praedicare pro futuro saeculo. Augustinus. Sciebant ergo viam, quia
sciebant ipsum qui est via. Quid autem opus erat ut adderet veritas et vita,
cum restaret nosse quo iret? Quia ad veritatem ibat et ad vitam. Ibat ergo ad
seipsum per seipsum. Sed numquid, o domine, ut venires ad nos, reliqueras te?
Scio quidem quod formam servi accepisti et in carne venisti, manens ubi eras
: et per hanc rediisti, non relinquens quo veneras. Si ergo per hanc et
venisti et rediisti; per hanc nobis non solum qua veniremus ad te, verum
etiam tibi qua venires et redires via fuisti. Cum vero ad vitam, quod es ipse,
ivisti, eamdem carnem tuam de morte ad vitam duxisti. Itaque dum caro de
morte venit ad vitam, Christus venit ad vitam. Et quia verbum est vita,
Christus venit ad seipsum; quoniam utrumque est Christus, una persona,
scilicet verbum caro. Venerat etiam per carnem Deus ad homines, veritas ad
mendaces : est enim Deus verax, omnis autem homo mendax. Cum itaque se ab
hominibus abstulit, atque illuc ubi nemo mentitur, carnem suam levavit, idem
ipse, qua verbum caro factum est, per seipsum, idest per carnem suam, ad
veritatem, quod est ipse, remeavit : quam quidem veritatem, quamvis inter
mendaces, etiam in morte servavit. Ecce ego ipse, si loquor vobis quod
intelligatis, quodammodo ad vos procedo, nec me relinquo. Cum autem tacuero,
quodammodo ad me redeo, et vobiscum maneo, si tenueritis quod audistis. Si
hoc potest imago quam fecit Deus, quid potest ex Deo nata imago? Ac per hoc
et ipse per seipsum, et ad seipsum, et ad patrem, et nos per ipsum, et ad
ipsum, et ad patrem imus. Chrysostomus. Si enim ego sum dominus
ducendi ad patrem, omnino venietis illuc : neque enim est possibile alia
venire via. Cum autem supra dixerit : nemo potest venire ad me, nisi pater
traxerit illum, nunc dicens quoniam nullus potest venire ad patrem nisi per
me, exaequat seipsum ei qui genuit. Qualiter autem dixerit : quo vado scitis,
et viam scitis, ostendit subdens si cognovissetis me, et patrem meum utique
cognovissetis; quasi dicat : si sciretis meam substantiam et dignitatem, et
eam quae patris est sciretis. Noverant quidem eum, sed non ita ut oportebat :
postea autem spiritus veniens perfectam in eis construxit cognitionem : et
propter hoc subditur amodo cognoscetis eum : dicit autem eam quae secundum
mentem cognitionem. Et vidistis eum : scilicet per me : ostendens quoniam qui
videt eum, et patrem videt. Viderunt autem eum, non in nuda substantia, sed
carne indutum. Beda. Sed quaerendum est quomodo nunc dicat dominus si
cognovissetis me, et patrem meum utique cognovissetis : cum praemiserit supra
: quo ego vado scitis, et viam scitis. Datur ergo intelligi quia quidam eorum
sciebant, quidam vero nesciebant, quorum unus erat Thomas. Hilarius de
Trin. Vel aliter continua. Cum iter ad patrem per filium sit, quaerendum
est utrum hoc per doctrinae admonitionem, an per naturae fidem sit. Intelligentiae
igitur sensum in consequentibus requiramus; nam sequitur si cognovissetis me,
et patrem meum utique cognovissetis. In sacramento enim assumpti corporis
divinitatis paternae naturam confirmans, hunc ordinem tenuit; tempus autem
visionis separavit a tempore cognitionis : nam quem cognoscendum ait, eumdem
iam dixit et visum, ut naturae iam pridem in se conspectae scientiam ex
tempore nunc huius revelationis acciperent. Lectio 3 [86108] Catena in Io., cap. 14 l. 3 Hilarius de
Trin. Commovit apostolum Philippum novitas dictorum. Homo cernitur, Dei se
filium confitetur, cognito se cognoscendum patrem fatetur, patrem visum esse
dicit. Prorupit igitur apostolica familiaritas dominum interrogans; unde
dicitur dicit ei Philippus : domine, ostende nobis patrem, et sufficit
nobis. Non visum negavit, sed ostendi sibi rogavit; neque ostensionem
veluti corporalis contemplationis intuitum desideravit, sed demonstrationem
intelligendi eius qui visus est postulavit. Filium enim in habitu hominis
viderat, sed quomodo per id patrem viderit, nescit : nam ut ostensio illa
intelligendi potius esset demonstratio quam videndi, subiecit et sufficit
nobis. Augustinus de Trin. Illa enim laetitia qua nos adimplebit cum
vultu suo, nihil amplius requiretur : quod bene intellexerat Philippus, ut
diceret domine, ostende nobis patrem, et sufficit nobis. Sed nondum
intellexerat eo quoque modo ad ipsum se potuisse dicere : domine, ostende
nobis te, et sufficit nobis. Ut enim hoc intelligeret, responsum est ei a
domino; unde sequitur dixit ei Iesus : tanto tempore vobiscum sum, et non
cognovistis me? Augustinus in Ioannem. Sed quomodo hoc dicit, cum et
quo iret scirent et viam scirent, non ob aliud nisi quod ipsum scirent? Sed
facile ista quaestio solvitur, si dicamus, quod eum aliqui eorum sciebant,
aliqui nesciebant, de quibus erat Philippus. Hilarius. Arguit ergo
apostolum in cognoscendo se ignorantem : cum enim ea quae gereret, propria
Deo essent, calcare undas, iubere ventis, peccata dimittere, mortuis vitam
reddere; hinc querelae omnis orta conquaestio est, quod in homine assumpto
Dei non intellecta natura est. Et ideo postulanti ut sibi patrem ostenderet,
ait Philippe, qui videt me, videt et patrem. Augustinus. Solemus enim
de simillimis duobus ita loqui : vidistis illum? Vidistis istum. Sic ergo
dictum est qui videt me, videt et patrem : non quod ipse sit pater et filius;
sed quod a patris similitudine in nullo prorsus discrepet filius.
Hilarius. Non autem ille hic visum oculorum carnalium significat : non
enim hoc quod ex partu virginis carnale est, ad contemplandam in eo Dei
formam et imaginem proficit; sed intellectus Dei filius id praestat ut
intellectus et pater sit, dum ita imago est ut non differat genere, sed
significet auctorem; non enim solitarium sermo significat et indifferentem;
tamen naturam professio docet : cum enim dicitur et patrem, exclusa est
singularis atque unici intelligentia; et quid reliquum est, nisi ut per
naturae unicam similitudinem pater per filium visus sit? Augustinus. Sed
numquid obiurgandus est qui cum similem viderat, etiam illum cui est similis,
vult videre? Sed ideo discipulum dominus arguebat, quoniam cor postulantis
videbat. Tamquam enim melior esset pater quam filius, ita Philippus patrem
nosse cupiebat; et ideo nec filium sciebat, quo alium meliorem esse credebat.
Ad hunc ergo sensum corrigendum dictum est non credis quia ego in patre, et
pater in me est? Quasi dicat : si ad te multum est hoc videre, saltem quod
non vides crede. Hilarius. Quae enim ignorandi patrem aut ostendendi
ignorantibus necessitas relinquebatur, cum pater in filio visus esset ex
proprietate naturae, dum ex indifferentia unitatis unum sint natus et
generans, ut hic sermo domini sequeretur : non credis quia ego in patre, et
pater in me est? Augustinus de Trin. Volebat enim eum ex fide vivere,
antequam illud posset videre; et ideo dicit non credis? Contemplatio quippe
merces est fidei; cui mercedi per fidem corda mundantur. Hilarius de
Trin. Pater autem in filio est et filius in patre, non per duplicem
convenientium generum coniunctionem, neque per insitam capacioris substantiae
naturam; quia per corporalem necessitatem exteriora fieri his quibus
continentur interiora non possunt, sed per nativitatem viventis naturae ex
vivente, dum non aliud ex Deo quam Deus nascitur. Hilarius de Trin. Naturam
enim suam, ut ita dicam, sequitur indemutabilis Deus, indemutabilem gignens
Deum. Nec naturam suam deserit ex indemutabili Deo indemutabilis Dei perfecta
nativitas. Subsistentem igitur in eo Dei naturam intelligimus, cum in Deo
Deus sit; nec praeter eum qui est Deus, quisquam alius Deus sit.
Chrysostomus in Ioannem. Vel aliter totum. Philippus hic corporeis oculis
patrem volebat videre, quia et ipsum filium ita se existimabat vidisse,
fortassis a prophetis audiens, quoniam vidi dominum, et ideo dixit ostende
nobis patrem. Etenim Iudaei interrogaverunt : quis est pater tuus? Et Petrus
et Thomas, quo iret : et nullus didicit manifeste. Ut ergo non videatur
onerosus esse Philippus, et ipse interrogans ostende nobis patrem, adiungit
et sufficit nobis; idest, nihil plus quaerimus. Dominus autem non dixit ei :
impossibile petis; sed ostendit quoniam neque ipsum filium vidit : nam si
hunc potuisset videre, et illum vidisset; et ideo dicit tanto tempore
vobiscum sum, et non cognovistis me? Non dixit : non vidistis me, sed non
cognovistis me, quantum ad hoc scilicet quod filius hoc manens quod pater,
decenter in seipso ostendit eum qui genuit. Deinde dividens hypostases, ait
qui videt me, videt et patrem : ne quis dicat, quod ipse est pater, ipse filius.
Ostendit autem per hoc quoniam neque filium visu corporeo vidit. Si autem
aliquis hic visum cognitionem dicere velit, non contradico; quasi dicat : qui
cognovit me, cognovit et patrem. Sed non dixit hoc; sed consubstantialitatem
repraesentare volens, dixit : qui meam substantiam vidit, vidit et eam quae
patris. Unde patet quod non est creatura : creaturam enim videntes, Deum
nesciunt omnes : Philippus etiam substantiam patris videre quaerebat. Si ergo
alterius substantiae esset, non diceret qui videt me, videt et patrem. Sed
nec aliquis in argento auri substantiam videre potest : non enim alia per
aliam apparet naturam. Augustinus. Deinde non ad solum Philippum, sed
ad omnes pluraliter loquitur, dicens verba quae ego loquor vobis, a meipso
non loquor. Quid est a meipso non loquor, nisi : a meipso non sum, qui
loquor? Ei quippe tribuit quod facit de quo est ipse qui facit. Hilarius
de Trin. Unde neque se filium negavit, nec naturam in se paternae virtutis
abscondit : nam dum loquitur, ipse in substantia manens loquitur; dum autem
non a se loquitur, nativitatem in se Dei a Deo testatur. Chrysostomus. Vide
autem superabundantem unius substantiae demonstrationem : nam subditur pater
autem in me manens, ipse facit opera; quasi dicat : nequaquam aliter facit pater
et aliter ego; sicut et alibi ait : si non facio opera patris mei, non
credatis mihi. Sed quomodo a verbis incipiens, ad opera venit? Conveniens
enim erat dicere : ipse loquitur verba; sed duo ponit de doctrina et signis;
aut quia et verba opera erant. Augustinus in Ioannem. Nam qui proximum
loquendo aedificat, bonum opus operatur. In his duabus sententiis diversi
nobis adversantur haeretici. Ariani dicunt : ecce inaequalis est patri filius
: non a seipso loquitur. Dicunt Sabelliani : ecce qui pater est, ipse est
filius. Quid est pater in me manens ipse facit, nisi in me maneo ego qui
facio? Hilarius. Sed manere in filio patrem, non est singularis atque
unici; operari vero per filium patrem, non est differentis aut exteri; sicut
non unius est, non a se loqui qui loquitur, neque rursus alieni ac
separabilis loqui per loquentem. Et quia in se patrem loqui et operari
docuerat, perfecte huius unitatis fidem statuit, dicens credite mihi quia ego
in patre et pater in me est : ne scilicet per virtutis efficientiam, et non
per naturae, quae secundum nativitatem est, proprietatem, pater in filio et
operari crederetur et loqui : sic enim habetur in Graeco. Nostra littera
habet non creditis quia ego in patre, et pater in me est? Augustinus in
Ioannem. Antea solus Philippus arguebatur. Chrysostomus. Si vero
non sufficit hoc ad ostendendum consubstantialitatem, saltem ab operibus
discite; unde subditur alioquin propter opera ipsa credite. Vidistis enim
signa cum auctoritate, et omnia quae deitatis erant propria, et quae solus
pater operatur : peccata soluta, mortem recedentem, et huiusmodi.
Augustinus. Hoc ergo propter opera credite quia ego in patre et pater in
me est : neque enim, si separati essemus, inseparabiliter operari ulla
ratione possemus. Lectio 4 [86109] Catena in Io., cap. 14 l. 4 Chrysostomus
in Ioannem. Quia dominus dixerat : propter opera credite, ostendens
quoniam non hoc solum potest, sed multo maiora, et, quod est mirabilius,
aliis potest dare, adiunxit amen, amen, dico vobis : qui credit in me, opera quae
ego facio, et ipse faciet, et maiora horum faciet. Augustinus in Ioannem.
Sed quae sunt ista maiora? An forte quod aegros ipsis transeuntibus etiam
eorum umbra sanabat? Maius est enim quod sanet umbra quam fimbria. Verumtamen
quando ista dicebat, verborum suorum facta et opera commendabat. Cum enim
dixit : pater in me manens, ipse facit opera, quae opera tunc dicebat nisi
verba quae loquebatur? Et eorum verborum fructus erat fides illorum.
Verumtamen evangelizantibus discipulis non tam pauci quam illi erant, sed
gentes etiam crediderunt. Nonne ab ore ipsius dives ille tristis abscessit?
Et tamen postea quod ab illo auditum non fecit unus, fecerunt multi, cum per
discipulos loqueretur. Ecce maiora fecit praedicatus a credentibus, quam
locutus audientibus. Verum, hoc adhuc movet quod hic maiora per apostolos
fecit. Non autem ipsos tantum significans ait qui credit in me. Numquid inter
credentes in Christum non est computandus qui non fecerit opera maiora quam
Christus? Durum est nisi intelligatur. Apostolus dicit : credenti in
eum qui iustificat impium, reputatur fides ad iustitiam. In hoc opere
faciemus opera Christi, quia et ipsum credere in Christum, opus est Christi :
hoc operatur in nobis, non utique sine nobis. Audi ergo : qui credit in me,
opera quae ego facio et ipse faciet. Prius ego facio, deinde et ipse faciet :
quia facio ut faciat. Quae opera, nisi ut ex impio iustus fiat? Quod utique
in illo, sed non sine illo Christus operatur. Prorsus hoc maius esse dixerim
quam creare coelum et terram : caelum enim et terra transibunt :
praedestinatorum autem salus et iustificatio permanebit. Sed in caelis Angeli
opera sunt Christi : numquid etiam his operibus maiora facit qui cooperatur
Christo ad suam iustificationem? Iudicet qui potest utrum maius sit iustos
creare quam impios iustificare. Certe si aequalis sit utrumque potentiae, hoc
maioris est misericordiae. Sed omnia opera intelligere Christi, ubi ait
maiora horum faciet, nulla necessitas cogit : horum enim forsitan dixit quae
illa hora faciebat; tunc autem verba fidei faciebat; et utique minus est
verba iustitiae praedicare, quod fecit praeter nos, quam impios iustificare,
quod ita facit in nobis ut faciamus et nos. Magnam autem spem dominus suis
promisit orantibus, dicens quia ego ad patrem vado. Chrysostomus. Hoc
est, non pereo, sed in propria manebo dignitate, et in caelis ero. Vel hoc
dicit, ac si diceret : vestrum est de cetero miracula facere; ego enim vado.
Augustinus. Et ne quisquam hoc sibi tribueret ut etiam illa opera maiora
seipsum facere ostenderet, adiecit et quodcumque petieritis patrem in nomine
meo, hoc faciam. Qui dixerat : faciet post ait faciam : tamquam diceret : non
vobis hoc impossibile videatur : non enim poterit esse maior me qui credit in
me; sed ego sum facturus et tunc maiora quam nunc; maiora per eum qui credit
in me, quam nunc per me; quod non est defectio, sed dignatio.
Chrysostomus in Ioannem. Dicit autem in nomine meo, quia et apostoli
dicebant : in nomine Christi Iesu surge et ambula. Omnia enim signa quae
fecerunt, ipse faciebat, et manus domini erat cum illis. Theophylactus. Exponit
autem nobis per hoc miraculorum doctrinam : nam per orationem ac invocationem
sui nominis potest quis exercere prodigia. Augustinus. Sed quid est
quodcumque petieritis, cum videamus plerumque fideles eius petere et non
accipere? An forte propterea quia male petunt? Male enim usurus eo quod vult
accipere, Deo potius miserante non accipit. Quomodo ergo intelligendum est
quodcumque petieritis, hoc faciam, si Deus aliqua petentibus fidelibus etiam consulendo
non facit? An forte solis apostolis hoc dictum debemus accipere? Absit :
superius enim dixerat : qui credit in me, opera quae ego facio, et ipse
faciet. Ipsos quoque si cogitemus apostolos, inveniemus eum qui plus omnibus
laboravit rogasse ut ab eo discederet Angelus Satanae, nec tamen quod
rogaverat accepisse. Sed audi quod illic positum est in nomine meo, quod est
Christus Iesus. Christus regem, Iesus salvatorem significat : et per hoc
quodcumque petimus adversus utilitatem salutis, non petimus in nomine
salvatoris : et tamen ipse salvator est, non solum quando facit quod petimus,
verum etiam quando non facit : quoniam quod videt peti contra salutem, non
faciendo se exhibet salvatorem. Novit enim medicus quid pro sua, quid contra
suam salutem poscat aegrotus; et ideo contraria poscentis non facit
voluntatem, ut faciat sanitatem. Sane quaedam quamvis in nomine eius petamus,
non tunc quando petimus facit, sed tamen facit : differtur enim quod petimus,
non negatur. Continuo autem subiecit ut glorificetur pater in filio, si quid
petieritis in nomine meo, hoc faciam. Nullo modo igitur sine patre filius
facit, quandoquidem, ut in illo pater glorificetur, propterea facit.
Chrysostomus. Cum enim filius ostendatur magna potens, glorificabitur ille
qui genuit. Ideo autem secundo id ponit, ut certificet sui ipsius sermonem.
Theophylactus. Attende etiam seriem paternae glorificationis. In nomine
Iesu facta sunt signa per quae credebant apostolorum sermonibus : et sic dum
ad notitiam patris pervenirent, glorificabatur pater in filio. Lectio 5 [86110] Catena in Io., cap. 14 l. 5 Chrysostomus
in Ioannem. Quia dominus dixerat : quodcumque petieritis, hoc faciam, ut
non aestiment omnem simpliciter petitionem valere, induxit si diligitis me,
mandata mea servate : quasi dicat : tunc faciam quod petitis. Vel quia
audientes quoniam ad patrem vado consequens erat eos turbari, dicit : non est
hoc me amare ut turbemini, sed ut faciatis mandata mea : hoc est enim amor,
obedire et credere ei qui diligitur. Quia vero consequens erat eos vehementer
inquirere carnis praesentiam, et illam habere consolationem quam prius
habuerunt, subiungit et ego rogabo patrem, et alium Paraclitum dabit vobis.
Augustinus in Ioannem. In quo ostendit et seipsum esse Paraclitum.
Paraclitus autem Latine dicitur advocatus : et dictum est de Christo :
advocatum habemus apud patrem Iesum Christum iustum. Alcuinus. Vel
Paraclitum, idest consolatorem : habebant enim et tunc unum consolatorem, qui
miraculorum dulcedine et praedicatione eos erigere et confortare solebat.
Didymus de spiritu sancto. Sed spiritum sanctum alium Paraclitum
nominavit, non iuxta naturae differentiam, sed iuxta operationis
diversitatem. Cum enim salvator mediatoris et legati personam habebat, ex qua
pontifex deprecaretur pro peccatis nostris, spiritus sanctus secundum aliam
significationem Paraclitus, ab eo quod consolatur in tristitia positos,
nuncupatus est. Verum noli ex filii et spiritus sancti operatione diversa
varias aestimare naturas : siquidem in alio loco reperitur Paraclitus
spiritus legati apud patrem persona fungi, ut ibi : ipse spiritus interpellat
pro nobis. Salvator quoque consolationem operatur in cordibus eorum qui
indigent; scriptum est enim : et humiles populi sui consolatus est.
Chrysostomus. Ait autem rogabo patrem, ut fide dignum faciat eis sermonem
: quoniam si dixisset : ego mittam, non simpliciter credidissent.
Augustinus contra Arianos. Qui tamen ut inseparabilia sua et patris opera
demonstraret, alibi ait : cum abiero, mittam eum ad vos. Chrysostomus. Quid
autem apostolis plus haberet, si patrem solum rogaret ut spiritum aliis
daret? Quoniam illi multoties et sine oratione ostenduntur hoc facientes.
Alcuinus. Rogabo igitur dicit, ut inferior secundum humanitatem, patrem
meum, cui sum aequalis et consubstantialis secundum divinam naturam.
Chrysostomus. Dicit autem ut maneat vobiscum in aeternum, quoniam neque
post mortem recedit. Per hoc etiam occulte insinuat, quod spiritus sanctus
non patietur mortem ut ipse, neque abibit. Ne autem Paraclitum audientes,
rursus incarnationem aliam suspicentur, et oculis putent eum videre,
subiungit spiritum veritatis, quem mundus non potest accipere, quia non videt
eum nec scit eum. Augustinus. Hic est utique in Trinitate spiritus
sanctus, quem patri et filio consubstantialem et coaeternum fides Catholica
profitetur. Chrysostomus in Ioannem. Spiritum autem veritatis eum
vocat per hoc quod figuras veteris testamenti manifestat. Mundum autem hic
malos dicit; visionem autem certissimam cognitionem dicit, quia visus est
apertior sensus. Beda. Nota etiam, quod cum spiritum sanctum, spiritum
veritatis dicit, spiritum sanctum esse spiritum suum ostendit : deinde cum a
patre eum dari narrat, patris etiam eum spiritum esse declarat; ac per hoc
spiritus sanctus a patre procedit et filio. Gregorius Moralium. Spiritus
autem sanctus omnem quem repleverit, ad desideranda invisibilia accendit; et
quoniam mundana corda solum visibilia diligunt, hunc mundus non accipit, quia
ad diligenda invisibilia non assurgit. Saeculares etenim mentes quanto se foras
per desideria dilatant, tanto ad receptionem illius, sinum cordis angustant.
Augustinus in Ioannem. Sic autem mundum, idest mundi dilectores, dicit non
posse accipere spiritum sanctum, velut si dicamus : iniustitia iusta esse non
potest. Mundus ergo, idest mundi dilectores, non potest eum accipere, quia
non videt eum. Non enim habet invisibiles oculos mundana dilectio, per quos
videri spiritus sanctus nisi invisibiliter non potest. Sequitur vos autem
cognoscetis eum, quia apud vos manebit. Sed ne putarent quod dictum est, apud
vos manebit, ita dictum quemadmodum apud hospes visibiliter manere consuevit,
adiecit in vobis erit. Chrysostomus. Quasi dicat : non ita apud vos
manebit sicut ego, sed in vestris habitabit animabus. Augustinus. Prius
autem est esse alicubi, post manere. Sed exposuit quod dixerat apud vos, cum
adiunxit in vobis. Si enim non sit in vobis, non potest esse in vobis eius
scientia : sic enim a vobis videtur in vobis et vestra conscientia.
Gregorius Moralium. Si autem spiritus sanctus in discipulis manet, quomodo
iam singulare signum erit quod in mediatore permanet? Secundum illud : supra
quem videris spiritum descendentem et manentem, hic est qui baptizat. Quod
tamen citius cognoscimus, si dona eiusdem spiritus discernamus. In his enim donis
sine quibus ad vitam perveniri non potest, spiritus sanctus in electis
omnibus semper manet; in illis autem quibus non nostra vita servatur, sed
aliorum quaeritur, nequaquam semper manet : aliquando enim se a signorum
ostensionibus subtrahit, ut eo humilius virtutes eius habeamus : Christus
autem in cunctis eum et semper habet praesentem. Chrysostomus. Hic
autem sermo oppositas haereses velut uno ictu sustulit : nam dicere alium
ostendit eius, idest spiritus, hypostaseos differentiam; dicere vero Paraclitum,
substantiae cognitionem. Augustinus contra Arianos. Consolatorem enim
(quod officium tamquam personae infimae in Trinitate spiritui sancto
deputant) Deum dicit apostolus, secundum illud : is qui consolatur humiles,
consolatus est nos Deus. Deus est itaque spiritus sanctus qui consolatur
humiles. Aut si hoc de patre vel filio dictum ab apostolo volunt accipi,
desinant consolationis tamquam munere proprio separare a patre et filio
spiritum sanctum. Augustinus in Ioannem. Sed cum caritas Dei diffusa
sit in cordibus nostris per spiritum sanctum, qui datus est nobis, quomodo
diligemus et mandata Christi servabimus, ut eum accipiamus quem nisi
habuerimus, diligere et mandata servare non possumus? An forte praecedit in
nobis caritas qua diligamus Christum, ut diligendo Christum eiusque faciendo
mandata, mereamur accipere spiritum sanctum, ut caritas Dei patris
diffundatur in cordibus nostris? Perversa est ista sententia. Qui enim se
filium Dei diligere credit, et patrem non diligit, profecto nec filium diligit;
sed quod sibi ipsi videtur confinxit. Restat ergo ut intelligamus, spiritum
sanctum habere qui diligit, et habendo mereri ut plus habeat, et plus habendo
plus diligat. Iam itaque habebant spiritum discipuli, quem dominus
promittebat; sed dandus eis erat amplius; habebant occulte, accepturi erant
manifeste. Proinde non solum non habenti, verum etiam habenti non incassum
promittitur; non habenti quidem, ut habeatur; habenti autem, ut amplius
habeatur. Chrysostomus. Quando igitur discipulos purgaverat per sacrificium
passionis, et peccatum solutum erat, et ipsi ad pericula et agones
mittebantur, oportebat spiritum sanctum venire abundanter. Non autem statim
post resurrectionem, ut in multo eius constituti desiderio, cum multa eum
suscipiant gratia. Lectio 6 [86111] Catena in Io., cap. 14 l. 6 Augustinus in
Ioannem. Ne quisquam putaret quod ita spiritum sanctum dominus daturus
fuerat, velut per seipsum non et ipse esset futurus cum eis, adiecit, et ait
non relinquam vos orphanos. Orphani pupilli sunt : illud enim est Graecum,
hoc Latinum. Quamvis ergo nos filius Dei suo patri adoptavit filios, tamen in
hoc etiam ipse erga nos paternum ostendit affectum. Chrysostomus in
Ioannem. Et quidem a principio dixerat : venietis quo ego vado; sed quia
hoc longum tempus erat, promisit spiritum. Et quia nesciebant quid est hoc,
promittit eis suam praesentiam, quam maxime quaerebant, cum dicit veniam ad
vos. Ne tamen rursus eamdem quaerant praesentiam, qualem et prius habuerunt,
occulte hoc excludit, cum subdit adhuc modicum, et mundus me iam non videt;
vos autem videtis me; ac si diceret : veniam quidem ad vos, non tamen ut
prius vobiscum per unamquamque diem consistens. Et ne dicant : qualiter
igitur Iudaeis dixisti : amodo non videbitis me? Solvit opinionem dicens ad
vos solos veniam. Augustinus in Ioannem. Videbat enim tunc eum mundus
carneis oculis in carne conspicuum; non autem videbat quod in carne verbum
latebat. Sed quoniam post resurrectionem etiam carnem suam, quam non solum
videndam, verum etiam contrectandam demonstravit suis, noluit demonstrare non
suis; hinc dictum est adhuc modicum, et mundus iam me non videt; vos autem
videbitis me. Sed quoniam in iudicio eum mundus videbit, quo nomine
significati sunt a regno eius alieni; melius intelligitur illud etiam tempus
significare voluisse quando in fine saeculi auferetur ab oculis damnatorum,
ut eum de cetero videant diligentes. Modicum autem dixit, quia id quod
prolixum videtur hominibus, brevissimum est ante oculos Dei. Sequitur quia
ego vivo, et vos vivetis. Theophylactus. Quasi dicat : et si mortem
subiero, tamen resurgo. Vos quoque vivetis; hoc est, cum videritis me,
laetabimini, et tamquam mortui reviviscetis in apparitione mea.
Chrysostomus. Mihi autem videtur vitam non praesentem dicere, sed futuram;
ac si dicat : mors crucis non distare faciet vos a me in finem, sed momento
parvo occultabit me a vobis. Augustinus. Cur autem de praesenti se
dixerit vivere, illos autem de futuro esse victuros, nisi quia et vitam
carnis resurgentis qualis in ipso praecedebat, et illis est pollicitus
secuturam? Et quia ipsius mox futura erat resurrectio, praesentis temporis
ponit verum, propter significandam celeritatem; illorum autem, quoniam
saeculi differtur in finem, non ait : vivitis, sed vivetis. Quia vero vivit
ille, ideo et nos vivemus : per hominem quippe mors, et per hominem
resurrectio mortuorum. Sequitur in illo die, de quo scilicet ait, et vos
vivetis, vos cognoscetis, contemplando, quamvis et nunc credendo noverimus,
quia ego sum in patre, et vos in me, et ego in vobis : quia quando vivemus ea
vita qua mors absorbetur, tunc perficietur hoc ipsum quod nunc inchoatum est
iam per ipsum, ut sit in nobis, et nos in ipso. Chrysostomus. Vel in
illo die cum resurgam, cognoscetis; quia cum viderunt eum resurrexisse et
esse cum eis, tunc certissimam fidem didicerunt. Magna enim erat virtus
spiritus sancti, quae omnia eos docebat. Quod autem dictum est ego sum in
patre, humilitatis est; quod autem dicit et vos in me et ego in vobis,
humanitatis est, et auxilii quod est a Deo. Consuevit enim Scriptura
multoties eisdem verbis in Deo et hominibus positis non similiter uti.
Hilarius de Trin. Vel hoc dicit, ut cum ille in patre per naturam
divinitatis esset, nos autem in eo per corporalem eius nativitatem; et ille
rursus in nobis per sacramenti mysterium inesse crederetur : ipse enim
testatus est : qui edit carnem meam et bibit sanguinem meum, in me manet, et
ego in eo. Alcuinus. Per dilectionem autem et observantiam mandatorum
eius, tunc perficietur hoc ipsum quod nunc inchoatum est per ipsum, ut sit in
nobis, et nos in ipso. Et ut omnibus, non tantum apostolis, hanc beatitudinem
promisisse videatur, adiungit qui habet mandata mea et servat ea, ille est
qui diligit me. Augustinus. Qui habet in memoria et servat in vita;
qui habet in sermonibus et servat in operibus; qui habet audiendo et servat
faciendo; qui habet faciendo et servat perseverando, ipse est qui diligit me.
Opere est demonstranda dilectio, ne sit infructuosa nominis appellatio.
Theophylactus. Ac si dicat : vos putatis quod ex affectione quadam
tristamini de morte mea; sed ego signum dilectionis reputo mandata mea
servari. Qualem autem praerogativam obtineat qui diligit, ostendit subdens
qui autem diligit me, diligetur a patre meo, et ego diligam eum.
Augustinus. Sed quid est diligam, tamquam nunc non diligat? Exponit per id
quod sequitur : et manifestabo ei meipsum; idest, ad hoc diligam ut
manifestem, et ipsam visionem mercedem fidei capiamus. Nunc enim ad hoc nos
dilexit ut credamus; tunc ad hoc ut videamus; quia et nos nunc diligimus
credendo quod videbimus; tunc autem diligemus videndo quod credidimus.
Augustinus ad Paulinam de videndo Deo. Sic autem promisit ostensurum
seipsum dilectoribus suis cum patre Deum unum, non quomodo in hoc saeculo
visus est in corpore et a malis. Theophylactus. Vel quia post
resurrectionem appariturus illis erat in corpore magis repraesentante
divinitatem, ne credant ipsum spiritum fore, seu phantasma, ob hoc praedixit
illis; ut tunc videntes illum non diffidant, sed reminiscantur quia propter
mandatorum suorum custodiam apparet eis : atque ideo tenentur semper
custodire illa, ut perpetuo eis appareat. Lectio 7 [86112] Catena in Io., cap. 14 l. 7 Augustinus in
Ioannem. Quia dominus dixerat : adhuc modicum, et mundus me iam non videt;
vos autem videbitis me, interrogavit eum de hoc ipse Iudas, non ille traditor
eius qui Iscariotis cognominatus est, sed cuius epistola inter Scripturas
canonicas legitur; unde dicitur dicit ei Iudas non ille Iscariotis : domine,
quid factum est, quia nobis manifestaturus es teipsum, et non mundo? Causam
quaesivit quare non se mundo, sed suis manifestaturus esset. Dominus autem
exponit quare suis se manifestaturus est, non alienis : quia scilicet hi
diligunt, illi vero non diligunt; unde sequitur respondit Iesus, et dixit ei
: si quis diligit me, sermonem meum servabit. Gregorius in Evang. Probatio
enim dilectionis, exhibitio est operis : nunquam amor Dei est otiosus :
operatur enim magna, si est; si vero operari renuerit, amor non est.
Augustinus. Dilectio autem sanctos discernit a mundo, quae facit unanimes
habitare in domo in qua facit pater et filius mansionem; qui donant et ipsam
dilectionem, quibus in fine donabunt suam manifestationem. Est enim quaedam
Dei manifestatio interior, quam prorsus impii non noverunt : quibus Dei
patris et spiritus sancti manifestatio nulla est : filii vero esse potuit,
sed in carne; quae nec talis est qualis illa, nec semper illis adesse potest,
sed ad modicum tempus; et hoc ad iudicium, non ad gaudium; ad supplicium, non
ad praemium; unde sequitur et ad eum veniemus. Veniunt quidem ad nos dum
venimus ad eos; veniunt subveniendo, venimus obediendo; veniunt illuminando,
venimus intuendo; veniunt implendo, venimus capiendo; ut sit nobis eorum non
extranea visio, sed interna; et in nobis eorum non transitoria mansio, sed
aeterna; unde sequitur et mansionem apud eum faciemus. Gregorius. In
quorumdam etenim corda venit, et mansionem non facit : quia per compunctionem
quidem respectum Dei percipiunt, sed tentationis tempore hoc ipsum quod
compuncti fuerant obliviscuntur, sicque ad perpetranda peccata redeunt ac si
haec minime planxissent. Qui ergo Deum vere diligit, in eius corde dominus et
venit et mansionem facit : quia sic eum divinitatis amor penetrat ut ab hoc
amore tentationis tempore non recedat : ille enim vere amat cuius mentem
delectatio prava ex consensu non superat. Augustinus. An forte
putabitur, mansionem in dilectore suo facientibus patre et filio, exclusus
esse ab hac mansione spiritus sanctus? Quid est ergo quod superius ait de
spiritu sancto : apud vos manebit, et in vobis erit? Nisi forte quisquam sic
absurdus est ut arbitretur, cum pater et filius venerint, discessurum inde
spiritum sanctum, tamquam locum daturum maioribus. Sed et huic carnali
cogitationi occurrit Scriptura, cum dicit : ut maneat vobiscum in aeternum.
In eadem ergo mansione cum ipsis erit in aeternum : quia nec ille sine ipsis
venit, nec illi sine eo : sed propter insinuationem Trinitatis, personis
singulis nominatis dicuntur quaedam, non tamen aliis separatis intelliguntur,
propter eiusdem Trinitatis substantiam. Gregorius. Tanto autem quisque
a superno amore disiungitur, quanto inferius delectatur; unde subditur qui
non diligit me, sermones meos non servat. De dilectione ergo conditoris,
lingua, mens et vita requiratur. Chrysostomus in Ioannem. Vel aliter
totum. Aestimavit Iudas sicut mortuos videmus in somno, ita et se eum esse
visuros; unde quaerit quid est quod debes te manifestare nobis, et non mundo?
Quasi dicat : vae nobis, quoniam morieris, et ut mortuus debes nobis
assistere. Ne igitur hoc suspicentur, dicit ego et pater ad eum veniemus;
quasi dicat : sicut pater manifestat seipsum, ita et ego : et mansionem apud
eum faciemus; quod somniorum non est. Sequitur et sermo quem audistis non est
meus, sed eius qui misit me patris; quasi dicat : non me solum, sed neque
patrem amat qui hunc non audit sermonem. Dicit autem hoc, quoniam nihil extra
patrem loquitur, neque praeter id quod illi videtur. Augustinus. Et
fortasse propter aliquam distinctionem, ubi suos dixit, pluraliter sermones
dixit, dicens qui non diligit me, sermones meos non servat. Ubi autem
sermonem, hoc est verbum, non suum esse dixit, sed patris, seipsum intelligi
voluit; non enim suum, sed patris est verbum; quomodo nec sua imago, sed
patris; nec suus filius, sed patris. Recte igitur auctori tribuit quod facit
aequalis, a quo habet hoc ipsum quod illi est indifferens et aequalis.
Chrysostomus. Quia vero eorum quae dixerat, quaedam manifesta erant et
quaedam non intellexerunt, ut non turbarentur, subiungit haec locutus sum
vobis apud vos manens. Augustinus in Ioannem. Alia est illa mansio
quam promisit futuram, alia vero haec quam praesentem esse testatur : illa
spiritualis est, atque intrinsecus mentibus redditur; haec corporalis
forinsecus oculis atque auribus adhibetur. Chrysostomus in Ioannem. Ut
autem eius corporalem recessum facilius sustinerent, praeparat eos,
promittens quod eius recessus magnorum eis esset futura causa bonorum : quia
donec ipse apud eos corporaliter manebat et spiritus non venerat, nihil
magnum poterant scire; unde sequitur Paraclitus autem spiritus sanctus quem
mittet pater in nomine meo, ille vos docebit omnia, et suggeret vobis omnia
quaecumque dixero vobis. Gregorius in Evang. Graeca locutione
Paraclitus, Latina advocatus dicitur, vel consolator. Qui idcirco advocatus
dicitur, quia pro errore delinquentium apud iustitiam patris intervenit, dum
eos quos repleverit, exorantes facit. Consolator autem idem spiritus vocatur,
quia de peccati perpetratione moerentibus, dum spem veniae praeparat, ab
afflictione tristitiae mentem levat. Chrysostomus. Continue autem eum
Paraclitum vocat propter continentes eos tribulationes. Didymus de
spiritu sancto. Spiritum autem sanctum a patre in suo mitti nomine
salvator affirmat, cum proprie nomen salvatoris sit filius; siquidem naturae
consortium, et, ut ita dicam, proprietas personarum ex ista voce
significatur. Filii quippe tantummodo est in nomine patris venire, salva
proprietate filii ad patrem, et patris ad filium. Nullus autem alius venit in
nomine patris; sed verbi gratia, in nomine domini, Dei, et omnipotentis.
Quomodo igitur servi qui in nomine domini veniunt, per hoc ipsum quod
subiecti sunt et serviunt, indicant dominum, servi quippe sunt domini; sic et
filius qui venit in nomine patris, portat eius nomen per hoc quod unigenitus
Dei filius approbatur. Quia ergo spiritus sanctus in nomine filii a patre
mittitur, ostendit quia unitate sit iunctus ad filium; unde et filii dictus
est spiritus, per adoptionem suam filios faciens eos qui se recipere
voluissent. Iste autem spiritus sanctus, qui venit in nomine filii missus a
patre, docebit omnia eos qui in fide Christi perfecti sunt : omnia autem illa
quae spiritualia sunt et intellectualia veritatis et sapientiae sacramenta.
Docebit vero, non sicut qui artes aliquas et sapientiam studio industriaque
didicere; sed quasi ipsa ars atque doctrina et sapientia, veritatis spiritus
invisibiliter menti insinuat scientiam divinorum. Gregorius. Nisi
autem idem spiritus cordi adsit audientis, otiosus est sermo doctoris. Nemo
ergo docenti homini tribuat quod ex ore docentis intelligitur : quia nisi
intus sit qui doceat, doctoris lingua exterius in vacuum laborat. Sed et ipse
conditor non ad eruditionem hominis loquitur, si eidem homini per unctionem
spiritus non loquatur. Augustinus. Numquid autem dicit filius et docet
spiritus sanctus, ut dicente filio verba capiamus, docente autem spiritu
sancto, eadem verba intelligamus? Omnis igitur et dicit et docet Trinitas;
sed nisi etiam sigillatim commendaretur, eam nullo modo humana capere
utcumque posset infirmitas. Gregorius. Requirendum vero nobis est cur
de eodem spiritu dicatur suggeret vobis omnia, cum suggerere soleat esse
minoris. Sed quia suggerere aliquando dicimus subministrare, invisibilis
spiritus suggerere dicitur, non quod nobis scientiam ab imo inferat, sed ab
occulto. Augustinus. Vel quod addit suggeret, idest commemorabit vos,
intelligere debemus etiam, quod iubemur non oblivisci, saluberrima monita ad
gratiam pertinere, quae nos commemorat Christus. Theophylactus. Spiritus
itaque sanctus et docuit et commemoravit : docuit quidem quaecumque non
dixerat eis Christus, tamquam non valentibus portare; commemoravit vero
quaecumque dominus dixerat; sed obscuritatis causa vel intellectus tarditate,
commendare memoriae nequiverunt. Chrysostomus. Quia vero et haec
audientes turbantur, excogitantes odia et praelia sibi imminere post eius
recessum, rursus eos consolatur, dicens pacem relinquo vobis, pacem meam do
vobis. Augustinus. Pacem nobis reliquit in hoc saeculo, in qua
manentes hostem vincimus, et ut etiam hic invicem diligamus; pacem suam nobis
dabit in futuro saeculo, quando sine hoste regnabimus, ubi nunquam dissentire
possimus. Pax autem nobis ipse est, et cum credimus quia est, et cum
videbimus eum sicuti est. Sed quid est quod ubi dicit pacem relinquo vobis,
non addit meam; ubi vero ait do vobis, ibi dixit meam? Utrum subaudiendum est
meam et ubi dictum non est; an forte et hic aliquid latet? Pacem enim suam
eam voluit intelligi qualem habet ipse; pax vero ista quam nobis reliquit in
hoc saeculo, nostra potius dicenda est quam ipsius. Illi quippe nihil
repugnat in seipso, quia nullum habet omnino peccatum; nos autem talem pacem
nunc habemus in qua adhuc dicamus : dimitte nobis debita nostra. Itemque
inter nos ipsos est nobis pax, quia invicem nobis credimus quod invicem
diligamus. Sed nec ipsa plena est, quia cogitationes cordis nostri invicem
non videmus. Nec ignoro ista domini verba etiam sic accipi posse, ut eiusdem
sententiae repetitio videatur. Quod vero dominus adiunxit non quomodo mundus
dat, ego do vobis, quid est aliud, nisi non quomodo homines dant qui diligunt
mundum? Qui propterea sibi dant pacem, ut sine molestia mundo perfruantur :
et quando iustis dant pacem ut non eos persequantur, pax esse non potest vera
ubi non est vera concordia, quia disiuncta sunt corda. Chrysostomus. Pax
etiam exterior ad malum fit multoties, et eis qui habent eam nihil prodest.
Augustinus de Verb. Dom. Est autem pax serenitas mentis, tranquillitas
animi, simplicitas cordis, amoris vinculum, consortium caritatis. Nec poterit
ad hereditatem domini pervenire qui testamentum pacis noluerit observare; nec
potest concordiam habere cum Christo qui discors voluerit esse cum Christiano. Lectio 8 [86113] Catena in Io., cap. 14 l. 8 Chrysostomus
in Ioannem. Quia dixerat : pacem relinquo vobis, quod erat recedentis, hoc
poterat eos conturbare, ideo dicit non turbetur cor vestrum, neque formidet :
quoniam haec quidem ex dilectione, illa vero ex formidine patiebantur.
Augustinus in Ioannem. Hinc autem turbari et formidare poterat cor
illorum, quod ibat ab eis, quamvis venturus ad eos, ne forsitan gregem lupus
hoc intervallo invaderet pastoris absentia; unde sequitur audistis quia ego
dixi vobis : vado, et venio ad vos. Ibat autem per id quod homo
erat, et manebat per id quod Deus erat. Cur itaque turbaretur et formidaret
cor, quando sic deserebat oculos ut non desereret cor? Ut autem intelligerent
secundum id quod homo erat, eum dixisse vado, et venio ad vos, subiecit atque
ait si diligeretis me, gauderetis utique quia vado ad patrem, quia pater
maior est. Per quod ergo filius non est aequalis patri, per hoc erat iturus
ad patrem, a quo et venturus est, iudicaturus vivos et mortuos; per illud
autem in quo est aequalis gignenti, nunquam recedit a patre, sed cum illo est
ubique totus pari divinitate, quam nullus continet locus. Ipse ergo filius
Dei aequalis patri in forma Dei, quia semetipsum exinanivit, non formam Dei
amittens, sed formam servi accipiens, maior est etiam seipso : quia maior est
forma Dei, quae amissa non est, quam forma servi, quae accepta est. Haec
igitur est forma servi, in qua Dei filius minor est non patre solo, sed etiam
spiritu sancto : secundum hanc formam servi puer Christus etiam parentibus
minor erat, quando parvus maioribus, sicut scriptum est, subditus erat.
Agnoscamus igitur geminam substantiam Christi; divinam scilicet, qua aequalis
est patri; et humanam, qua maior est pater. Utrumque autem simul, non duo,
sed unus est Christus, ne sit quaternitas sed Trinitas Deus. Ideo ergo dixit
si diligeretis me, gauderetis utique, quia vado ad patrem : quia naturae
humanae gratulandum est, eo quod sic assumpta est a verbo unigenito ut
immortalis constitueretur in caelo, atque ita fieret terra sublimis, ut
incorruptibilis pulvis sederet ad dexteram patris. Quis non hinc gaudeat, qui
sic diligit Christum, ut suam naturam iam immortalem gratuletur in Christo,
atque ipsum speret futurum esse per Christum? Hilarius de
Trin. Vel aliter. Si donantis auctoritate pater maior est, numquid per
doni confessionem minor filius est? Maior itaque donans est, sed minor iam
non est cui unum esse donatur. Chrysostomus. Vel aliter. Nondum
noverant apostoli quid sit resurrectio, quam praedixerat dicens vado, et
venio ad vos; neque qualem oportebat de eo opinionem, habebant; patrem vero
magnum esse aestimabant. Dicit igitur eis : etsi de me formidatis quod me
defendere nequeam, nec confiditis quod post crucem rursus vos videam; tamen
audientes quoniam ad patrem vado, laetandum vobis est, quoniam ad maiorem
vado, et potentem omnia versuta dissolvere. Haec autem omnia ad
imbecillitatem discipulorum dicebantur : et ideo subdidit et nunc dixi vobis
priusquam fiat, ut cum factum fuerit, credatis. Augustinus in
Ioannem. Quid est hoc, cum magis credere homo debeat antequam fiat id quod
credendum est? Haec est enim laus fidei, si quod creditur non
videtur : nam et ille cui dictum est : quia vidisti, credidisti, aliud vidit,
aliud credidit : vidit hominem, credidit Deum. Sed si dicuntur credi quae
videntur, sicut dicit unusquisque oculis suis se credidisse, non tamen ipsa
est quae in nobis aedificatur fides; sed ex rebus quae videntur, acquiritur
in nobis, ut ea credantur quae non videntur. Illud itaque dicit cum factum
fuerit, quod eum post mortem visuri erant viventem et ad patrem ascendentem;
quo viso, fuerant credituri quod ipse esset Christus filius Dei, qui hoc
potuit facere, et praedicere antequam faceret; credituri autem hoc, non fide
nova, sed aucta; aut certe cum mortuus esset, defecta; cum resurrexisset,
refecta. Hilarius. Gloriae autem resumendae meritum
continuo subiecit dicens iam non multa loquar vobiscum. Beda. Ideo hoc
dicebat, quoniam iam instabat tempus ut comprehenderetur, et ad mortem
traderetur. Venit enim princeps mundi huius. Augustinus. Quis
nisi Diabolus? Non autem creaturarum, sed peccatorum princeps est Diabolus.
Unde apostolus cum dixisset : adversus rectores mundi sequenti verbo exposuit
quid dixisset mundi, cum subiungit : tenebrarum harum, idest hominum
impiorum. Et in me non habet quidquam. Quia neque cum peccato Deus venerat,
nec eius carnem de peccati propagine virgo pepererat. Et tamquam ei diceretur
: cur ergo morieris, si non habes peccatum, cui debetur mortis supplicium?
Continuo subiungit sed ut cognoscat mundus quia diligo patrem, et sicut
mandatum dedit pater, sic facio; surgite, eamus hinc. Discumbens enim
discumbentibus loquebatur. Eamus autem dixit ad illum locum unde fuerat
tradendus ad mortem qui nullum habebat meritum mortis, sed habebat, ut
moreretur, mandatum patris. Augustinus contra Arianos. Quod autem
voluntati et praecepto patris obediens est filius nec in hominibus demonstrat
diversam imparemque naturam patris praecipientis et filii obedientis. Huc
accedit quod Christus non tantum Deus est, qua natura aequalis est patri, sed
etiam homo, qua natura minor est patre. Chrysostomus. Vel hoc quod
dicit surgite, eamus hinc, principium est alterius sententiae : consequens
enim erat eos formidare et a tempore et a loco, in villa manifeste existentes
: etenim nox profunda erat; et erat consequens eos non attendere his quae
dicebantur; sed semper circumvolvere oculos, et imaginari eos qui aggressuri
eos erant, et maxime audientes : adhuc modicum vobiscum sum, et : venit
princeps mundi huius. Quia igitur haec et huiusmodi audientes, turbabantur,
ut mox capiendi, ducit eos in locum alium, ut aestimantes se in cautela esse,
cum otio de reliquo audiant : magna enim dogmata erant audituri. |
CHAPITRE XIV
Versets 1-4.
S. Augustin : (Traité 67 sur S. Jean). Le Sauveur voulant prévenir la
crainte tout humaine que sa mort pouvait produire dans l'âme de ses disciples
et le trouble qui devait s'en suivre, cherche à les consoler, en leur
déclarant qu'il est Dieu lui-même : « Et il dit à ses disciples : Que
votre cœur ne se trouble point, vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi, »
c'est-à-dire, si vous croyez en Dieu, par une conséquence nécessaire, vous
devez croire en moi, conséquence qui ne serait point légitime, si
Jésus-Christ n'était pas Dieu. Vous craignez la mort pour la nature du serviteur,
que votre cœur ne se trouble point, la nature divine la ressuscitera. — S. Jean Chrysostome : (hom. 73
sur S. Jean). La foi que vous aurez en moi et dans mon Père qui m'a
engendré, est plus puissante que tous les événements qui peuvent arriver, et aucune
difficulté ne peut prévaloir contre elle. Il prouve encore ici sa divinité en
dévoilant les pensées les plus intimes de leur âme, et en leur disant : « Que
votre cœur ne se trouble point. » S.
Augustin : Comme la prédiction que Jésus avait faite à Pierre, toujours
plein de confiance et d'ardeur qu'il le renierait trois fois avant le chant
du coq avait aussi rempli de crainte les autres disciples, Notre Seigneur les
rassure en leur disant : « Il y a beaucoup de demeures dans la maison de mon
Père. » C'est ainsi qu'il calme le trouble et l'agitation de leur âme, en
leur donnant l'espérance assurée, qu'après les périls et les épreuves de
cette vie, ils seraient pour toujours réunis à Dieu avec Jésus-Christ. Que
l'un soit supérieur à un autre en force, en sagesse, en justice, en sainteté,
aucun ne sera exclu de cette maison, où chacun sera placé suivant son mérite.
Tous recevront également le denier que le père de famille ordonne de donner à
ceux qui ont travaillé à sa vigne. (Mt 20) Ce dernier est le symbole
de la vie éternelle, qui n'a pour personne une durée plus longue, parce qu'il
ne peut y avoir de durée plus ou moins grande dans l'éternité. Le grand
nombre de demeures signifie donc les différents degrés de mérites qui
existent dans cette seule et même vie éternelle. — S. Grégoire : (hom. 16 sur Ezech). Ou bien ce grand
nombre de demeures s'accorde avec l'unité de denier, parce que bien que l'un
goûte une félicité plus grande que l'autre, tous cependant éprouvent un même
sentiment de joie dans la claire vue de leur Créateur. — S. Augustin : Ainsi Dieu sera tout en tous, car comme Dieu est
charité par l'effet de cette charité, ce qui est à chacun sera le partage de
tous. C'est ainsi que chacun possède les choses qu'il n'a pas en réalité,
mais qu'il aime, dans un autre. La différence de gloire n'excitera donc
aucune envie, parce que l'unité de la charité régnera dans tous les cœurs. — S. Grégoire : (Moral., dern. liv.,
chap. 14 ou 24). D'ailleurs les bienheureux n'éprouveront aucun
désavantage de cette disparité de gloire, parce que chacun recevra la mesure
suffisante pour combler ses désirs. S. Augustin : Il faut rejeter comme opposé à la foi
chrétienne le sentiment de ceux qui prétendent que cette multiplicité de
demeures signifie qu'il y aura en dehors du royaume des cieux un lieu destiné
aux âmes innocentes qui seront sorties de cette vie sans avoir reçu le
baptême, condition nécessaire pour entrer dans le royaume des cieux. Puisque
toute la maison des enfants de Dieu, qui sont appelés à régner, ne peut être
que dans le royaume, loin de nous la pensée qu'il y ait une partie de cette
maison royale qui ne soit point dans le royaume, car le Seigneur n'a pas dit
: Dans la béatitude éternelle, mais : « Dans la maison de mon Père il y
a un grand nombre de demeures. » S. Jean Chrysostome : On peut encore rattacher autrement ces
paroles à ce qui précède. Le Seigneur avait dit à Pierre : «Là où je vais
vous ne pouvez me suivre maintenant, mais vous me suivrez par la suite. » Or,
les disciples auraient pu regarder cette promesse comme faite exclusivement à
Pierre, c'est pour cela qu'il leur dit ici : « Il y a un grand nombre de
demeures dans la maison de mon Père, » c'est-à-dire, le palais que je destine
à Pierre vous est également destiné, car il y a dans ce palais un grand
nombre de demeures, et il n'y a point à objecter qu'elles ont besoin d'être
préparées, car il s'empresse d'ajouter : « S'il en était autrement, je vous
l'aurais dit, je vais vous préparer une place. » S. Augustin : Ces paroles prouvent suffisamment qu'il leur parle
de la sorte, parce qu'il y a dans le ciel un grand nombre de demeures, et
qu'il n'est pas besoin d'en préparer quelqu'une. — S. Jean Chrysostome : Comme Il avait dit à Pierre : « Vous ne
pouvez pas me suivre maintenant, » et qu'ils pouvaient craindre d'être pour
toujours séparés de lui, il ajoute : « Et lorsque je m'en serai allé, et vous
aurai préparé une place, je reviendrai et vous prendrai avec moi, afin que là
où je suis, vous soyez aussi. » Quoi de plus propre que ce langage pour leur
inspirer une vive confiance en lui ? — Théophylactus
: Ne semble-t-il pas leur dire, en effet : Que les demeures soient
préparées ou ne le soient point, vous ne devez point vous troubler, car en
supposant qu'elles ne soient point préparées, je vais moi-même vous les
préparer avec toute la sollicitude possible ? S. Augustin : Mais comment Notre Seigneur peut-il aller
nous préparer nue place, puisque d'après lui, il y a déjà un grand nombre de
demeures ? C'est qu'elles ne sont pas encore comme elles doivent être
préparées, car les demeures qu'il a préparées par la prédestination, il les
prépare encore par son action divine. Elles existent donc, déjà dans les
décrets de sa prédestination, autrement il aurait dit : J'irai et je
préparerai (c'est-à-dire je prédestinerai) une place; mais comme elles ne
sont pas encore l'objet de l'action divine, il ajoute : « Et lorsque je m'en
serai allé et que je vous aurai préparé une place. » Or, il prépare
maintenant ces demeures, en leur préparant ceux qui doivent les habiter. En
effet, lorsque le Sauveur dit : « Il y a un grand nombre de demeures dans la
maison de mon Père; » que devons-nous entendre par cette maison de Dieu, si
ce n'est le temple de Dieu, temple dont l'Apôtre dit : « Le temple
de Dieu est saint, et c’est vous qui êtes ce temple ? » (1 Co 3,
17). Or, cette maison est encore en voie de construction et de préparation.
Mais pourquoi faut-il qu'il s'en aille pour cette préparation, puisque c'est
lui-même qui nous prépare, ce qu'il ne peut faire, s'il le sépare de nous ?
Il veut nous enseigner par là, que pour préparer ces demeures, le juste doit
vivre de la foi. Si vous jouissez de la claire vue, la foi n'est plus
possible. Que le Seigneur s'en aille donc pour se dérober aux regards, qu'il
se cache pour devenir l'objet de notre foi, car c'est la vie de la foi qui
nous prépare la place. Que la foi nous fasse désirer le Sauveur, afin que les
saints désirs nous en mettent en possession. D'ailleurs, si vous l'entendez
bien, il ne quitte ni le lieu d'où il paraît s'éloigner, ni celui d'où il est
venu jusqu'à nous. Il s'en va en se cachant à nos regards, il vient en
manifestant sa présence. Mais s'il ne demeure avec nous pour nous diriger et
nous faire avancer dans la voie de la sainteté, le lieu où nous demeurerons avec
lui, en jouissant de sa présence, ne nous sera point préparé. Alcuin : Voici donc le sens de ce qu'il leur dit : «
Je m'en vais, » (c'est-à-dire, je m'absente corporellement), mais : « Je
reviendrai de nouveau, » (par la présence de ma divinité), ou bien encore, je
reviendrai juger les vivants et les morts. Et comme il prévoyait qu'ils lui
demanderaient où il irait, et le chemin qu'il suivrait, il les prévient et
leur dit : « Où je vais, vous le savez (c'est-à-dire, vers mon Père), et vous
savez la voie » (c'est-à-dire, que j'y vais par moi-même). — S. Jean Chrysostome : En leur parlant
de la sorte, il fait connaître le désir qui était au fond de leur âme et leur
offre l'occasion de l'interroger. Versets 5-7.
S. Jean Chrysostome : (horn. 73 sur S. Jean). Si les Juifs, qui ne
demandaient pas mieux que de se séparer de Jésus-Christ, l'interrogeaient sur
le lieu où il devait aller, combien plus les disciples qui ne voulaient pour
rien en être séparés, désiraient savoir où il allait ? aussi lui font-ils
cette question dans un sentiment mêlé d'amour et de crainte : « Thomas lui
dit : Seigneur, nous ne savons où vous allez. » — S. Augustin : (Traité 59 sur S. Jean). Notre
Seigneur venait de leur dire qu'ils savaient où il allait, et qu'ils en
savaient aussi la voie; Thomas, de son côté, déclare ignorer ces deux choses,
mais le Fils de Dieu ne peut mentir; les Apôtres savaient donc, mais ils
ignoraient qu'ils savaient, et Notre Seigneur leur prouve qu'ils savaient ce
qu'ils croyaient ignorer : « Jésus lui dit : Je suis la voie, la vérité et la
vie. » — S. Augustin : (Serm.
34 sur les par. du Seign). C'est-à-dire, où voulez-vous aller ? je
suis la voie; où voulez-vous aller ? je suis la vérité; où voulez-vous
demeurer ? je suis la vie. Tout homme est capable de percevoir la vérité et
la vie, mais tout homme ne trouve pas la voie qui y conduit. Que Dieu soit
une certaine vie éternelle, et une vérité que l'on peut connaître, c'est ce
que les philosophes de ce monde ont eux-mêmes compris, mais c'est le Verbe de
Dieu qui, dans le sein du Père, est la vérité et la vie qui est devenu la
voie en se revêtant de notre humanité. Marchez par cette humanité, et vous
arriverez jusqu'à la divinité; car il vaut encore mieux marcher en boitant
dans la voie, que de l'aire de grands pas hors de la voie. — S. Hilaire : (de la Trin., 7)
Celui qui est la voie ne vous conduira pas dans des chemins perdus et sans
issue; celui qui est la vérité, ne peut vous tromper, et celui qui est la vie
ne vous laissera pas dans l'erreur de la mort. — THEOPHYLACTE. Lorsque vous
menez la vie active, Jésus-Christ est pour vous la voie, lorsque vous
persévérez dans la vie contemplative, il devient pour vous la vérité. La vie
est le fruit de l'action de la vie contemplative, car il faut nécessairement
marcher et annoncer l'Evangile pour mériter la vie future et éternelle. S. Augustin : (Traité 69). Ils savaient donc la voie, parce qu'ils le
connaissaient, lui qui est la voie. Mais qu'était-il besoin d'ajouter qu'il
était la vérité et la vie, alors que la voie étant connue, il restait à
savoir quel en était le terme, si ce n'est parce qu'il allait à la vérité et
à la vie ? Il allait donc à lui-même par lui-même. Mais, Seigneur, est-ce que
pour venir jusqu'à nous, vous vous étiez quitté vous-même ? Je sais que vous avez
pris la forme de serviteur, et que vous êtes venu dans une chair mortelle,
tout en demeurant où vous étiez d'abord, et vous êtes retourné par cette même
chair sans vous séparer de ceux vers lesquels vous étiez venu. Si donc c'est
par cette chair que vous êtes venu et que vous êtes retourné, c'est par cette
même chair aussi que vous êtes devenu tout à la fois la voie que nous devons
prendre pour arriver jusqu'à vous, et la voie par laquelle vous êtes
vous-même venu et retourné. Or, lorsque vous êtes retourné vers la vie (qui
n'est autre que vous-même), vous avez conduit cette même chair de la mort à
la vie. Jésus-Christ est donc allé à la vie lorsque sa chair a passé de la
mort à la vie. Et comme le Verbe est la vie, c'est à lui-même que le Christ
est venu, car le Christ est un composé de ces deux choses, le Verbe et la
chair dans une même personne. Dieu était venu par le moyen de la chair vers
les hommes, la vérité était venue trouver le mensonge, car Dieu est la
vérité, et tout homme est menteur. (Rm 3, 4). Lors donc qu'il s'est
dérobé aux regards des hommes, et qu'il a élevé sa chair vers ces hauteurs
inaccessibles au mensonge. C’est le même Verbe fait chair qui, par
lui-même, c'est-à-dire par sa chair, est retourné vers la vérité, qui n'est
autre que lui-même; vérité qu'au milieu même des hommes de mensonge, il a
conservée jusque dans la mort. Lorsque moi-même je vous tiens un langage que
vous comprenez, je m'avance en quelque sorte vers vous, sans me quitter
moi-même, et lorsque je cesse de parler, je reviens comme à moi-même, tout en
demeurant avec vous, si vous retenez ce que vous avez entendu. Or, si cela
est possible à l'homme, image créée de Dieu, que ne peut point son image
substantielle qu'il a engendrée ? Il va donc à lui-même par lui-même, et par
lui-même au Père, et par lui, nous allons nous-mêmes à lui et au Père. S. Jean Chrysostome : Si j'ai le pouvoir de vous conduire au Père,
vous ne pouvez manquer d'y arriver, car il n'est pas possible d'y arriver par
un autre chemin. En rapprochant ce qu'il a dit précédemment : « Personne ne
peut venir à moi, si mon Père ne l'attire, » de ce qu'il déclare ici que
personne ne peut venir à son Père que par lui, il se proclame l’égal de celui
qui l'a engendré. Mais comment après avoir dit : « Vous savez où je
vais, et vous en savez la voie, » ajoute-t-il : « Si vous m'aviez connu, vous
auriez aussi connu mon Père, » c'est-à-dire, si vous connaissiez ma
nature et ma dignité, vous connaîtriez aussi la nature et la dignité du Père.
Il n'y a point ici contradiction, car ils connaissaient, mais d'une
connaissance imparfaite, il était réservé à l'Esprit saint de leur donner
cette connaissance dans toute sa perfection. C'est pour cela qu'il ajoute : «
Bientôt vous le connaîtrez (il veut parler d'une connaissance tout à fait
spirituelle), et vous l'avez déjà vu (c'est-à-dire par moi); » il leur
apprend ainsi que celui qui le voit, voit son Père, or, ils l'avaient vu, non
dans sa nature divine, mais sous le voile de la chair dont il était revêtu. S. Bède : Il nous faut examiner maintenant comment Notre
Seigneur a pu dire à ses disciples : « Si vous m'aviez connu, » etc.
Après leur avoir dit précédemment : Là où je vais, vous le savez, et vous
savez le chemin. La réponse à cette difficulté est que parmi les Apôtres,
quelques-uns le savaient, et d'autres, du nombre desquels était Thomas,
l'ignoraient. — S. Hilaire : (de
la Trin., 7) On peut encore rattacher ces paroles entre elles d'une autre
manière. Comme on ne peut aller au Père que par le Fils, il faut examiner si
c'est par renseignement de sa doctrine ou par la foi en sa nature divine. La
réponse à cette question se trouve dans les paroles qui suivent : « Si vous
m'aviez connu, vous auriez aussi connu mon Père. » En effet, le Sauveur a
suivi cet ordre dans le mystère de son incarnation, qui avait pour objet de
confirmer lu nature divine de son Père, il a distingué le temps de la vision
du temps de la connaissance; celui qu'ils doivent connaître bientôt, ils
l'ont déjà vu et ils devaient recevoir par l'effet de la révélation
l'intelligence de la nature divine qu'ils avaient déjà contemplée en lui. Versets 8-11.
S. Hilaire : (de la Trin., 7) La nouveauté de ce langage étonne l'apôtre
Philippe, on ne voit en Jésus-Christ qu'un homme, et il se proclame le Fils
de Dieu, il déclare qu'en le connaissant on connaît son Père, et que qui le
voit voit son Père; Philippe fait au Sauveur cette question qu'autorisait son
titre d'Apôtre : « Seigneur, montrez-nous votre Père, et cela nous suffit. »
Il ne nie pas qu'on puisse voir son Père en lui, mais il demande qu'on le lui
montre, non pas comme vu spectacle extérieur propre à satisfaire les regards
du corps, mais comme une démonstration intellectuelle qui lui fasse
comprendre celui qu'il désire voir; car il avait bien vu le Fils de Dieu sous
une forme humaine, mais il ne savait pas comment en le voyant, il pouvait
voir le Père. Et comme preuve que cette manifestation qu'il désire est plutôt
une démonstration de l'intelligence qu'une vision extérieure, il ajoute : «
Et cela nous suffira. » —S. Augustin :
(de la Trin., 8) Celle joie dont il nous comblera en nous montrant
son visage (Ps 15, 11), ne nous laissera plus rien à désirer, et c'est
ce qu'avait bien compris Philippe, lorsqu'il disait : « Seigneur,
montrez-nous le Père, et cela nous suffit. » Mais il n'avait pas encore
compris qu'il pouvait également dire à Jésus-Christ : « Seigneur,
montrez-vous à nous, et cela nous suffit, car c'est pour lui faire comprendre
cette vérité, que Notre Seigneur ajoute : « Il y a si longtemps que je suis avec
vous, et vous ne me connaissez pas ? » — S.
Augustin : (Traité 70). Mais comment le Sauveur peut-il leur faire
ce reproche, alors qu'ils savaient bien où il allait, ainsi que la voie qui y
conduisait, par cela seul qu'ils le connaissaient lui-même ? Cette question
peut facilement se résoudre, en disant que parmi les Apôtres, quelques-uns
connaissaient Jésus-Christ, mais que quelques autres ne le connaissaient pas,
et que de ce nombre était Philippe. S. Hilaire : (de la Trin., 7) Le Sauveur fait donc un reproche à cet Apôtre, de
ce qu'il ne le connaît point, car la plupart des actions qu'il avait faites,
comme de marcher sur la mer, de commander aux vents, de remettre les péchés,
de rendre la vie aux morts, étant visiblement les œuvres d'un Dieu; toute la
difficulté venait de ce que sous le voile de l'humanité qu'il avait prise,
Philippe n'avait pas compris l'existence de la nature divine. Aussi à la
demande que lui fait cet Apôtre, de lui montrer son Père, il répond : «
Philippe qui me voit, voit mon Père. » — S.
Augustin : En effet, lorsque nous parlons de deux personnes parfaitement
semblables, nous disons : « Si vous avez vu l'une, vous avez vu l'autre. »
C'est dans ce sens que Notre Seigneur dit : « Celui qui me voit, voit mon
Père, » non pas que le Père soit le même que le Fils, mais parce que le Fils
a une entière et parfaite ressemblance avec le Père. S. Hilaire : (de la Trin., 7) Notre Seigneur ne veut point parler ici de la vue
des yeux du corps, car la chair qui est née de la vierge Marie, ne peut
servir à découvrir un Jésus-Christ la nature divine, mais c'est
l'intelligence que nous avons du Fils de Dieu, qui nous fait comprendre le
Père, car si le Fils est l'image du Père, il a avec lui une même nature, et
cette expression signifie simplement qu'il a été engendré. Les paroles du
Sauveur ne laissent point supposer, en effet, une seule et unique personne,
bien qu'elles expriment l'unité de nature, car en ajoutant : « Voit le Père,
» il exclut la supposition d'une personne unique, et nous force d'admettre
qu'en vertu de l'unité de nature, le Père est vu dans le Fils. — S. Augustin : Mais doit-on faire des
reproches à celui qui, voyant une personne parfaitement semblable à une
autre, désire voir l'autre terme de la ressemblance ? Nous répondons que le
Sauveur reprend son disciple, parce qu'il voyait le fond de son cœur;
Philippe désirait connaître le Père, comme si le Père était supérieur au
Fils, et par là-même il ne connaissait pas le Fils, m supposant qu'il
existait un être qui lui fût supérieur. C'est pour redresser cette erreur que
Notre Seigneur lui dit : « Ne croyez-vous pas que je suis dans mon Père, et
que mon Père est en moi ? » C'est-à-dire, si c'est beaucoup pour vous de voir
le Père dans le Fils, croyez au moins ce que vous ne voyez pas. — S. Hilaire : (de la Trin., vu).
Comment pouvait-on encore ignorer le Père, et quelle nécessité de le faire
connaître à ceux qui l'ignoraient, alors qu'on pouvait le voir dans le Fils ?
Or, on le voyait, parce qu'ils ont une commune nature, et qu'en vertu de
cette nature absolument semblable, celui qui engendre et celui qui est
engendré ne sont qu'un, selon ces paroles du Sauveur : « Ne croyez-vous pas
que je suis dans mon Père, et que mon Père est en moi ? » — S. Augustin : (de la Trin., 1,
2). Le Sauveur voulait qu'il vécût de la foi avant de parvenir à la claire
vision, car la contemplation est la récompense de la foi, et c'est la foi qui
prépare les cœurs à cette récompense en les purifiant. S. Hilaire : (de la Trin., 7) Or, le Père est dans le Fils, et le Fils dans le
Père, non par la double union de deux natures qui se rencontrent, ni par
l'union d'une nature supérieure qui vient s'enter sur une autre nature, parce
que les choses intérieures ne peuvent être soumises aux nécessités des
dimensions corporelles, et demeurer extérieures aux choses qui les
contiennent, mais le Père est dans le Fils, et le Fils dans le Père, en vertu
de sa naissance d'une nature vivante sortant d'une autre nature vivante,
c'est-à-dire, en vertu de la naissance d'un Dieu engendré par un Dieu. — S. Hilaire : (de la Trin., 5)
En effet, Dieu qui est immuable, agit conformément à sa nature en engendrant
une nature immuable, et cette naissance parfaite d'un Dieu immuable qui sort
du sein d'un Dieu immuable, lui conserve toute la perfection de sa nature.
Nous comprenons donc que la nature divine est en lui, en ce sens que c'est
Dieu qui est dans Dieu, et qu'il n'y a point d'autre Dieu en dehors de lui
qui est Dieu. S. Jean Chrysostome : (hom. 74 sur S. Jean). On peut encore donner une autre
explication de ce passage. Philippe voulait voir le Père des yeux du
corps, parce qu'il pensait avoir vu le Fils de la sorte, peut-être aussi,
parce qu'il avait entendu dire aux prophètes qu'ils avaient vu le Seigneur,
c'est sous cette impression qu'il dit à Jésus : « Montrez-nous le Père. » Les
Juifs lui avaient souvent fait cette question : « Quel est votre Père ? »
Pierre et Thomas lui avaient demande oùl il allait, et ni les uns ni les
antres n'avaient compris sa réponse. Philippe donc voulant éviter le reproche
d'importunité, se contente de lui dire : « Montrez-nous 1e Père, et cela nous
suffit, » c'est-à-dire, nous ne demandons rien autre chose. Or, le Sauveur ne
lui répond point : « Vous demandez une chose impossible; » mais il lui fait
comprendre qu'il n'a même pas vu le Fils, car s'il avait pu le voir, il
aurait vu aussi le Père, et c'est le sens de ces paroles : « Il y a si
longtemps que je suis avec vous, et vous ne me connaissez pas ? Philippe, qui
me voit, voit aussi mon Père. » Il ne lui dit pas : Vous ne m'avez pas vu,
mais : « Vous ne m'avez pas connu, » c'est-à-dire, vous n'avez pas compris
que le Fils demeurant ce qu'est le Père, peut très-bien montrer en lui celui
qui l'a engendré. Il distingue ensuite les deux personnes, en ajoutant : «
Celui qui me voit, voit aussi mon Père, » pour prévenir cette erreur que le
Fils est une même personne avec le Père. Il lui montre maintenant qu'il n'a
point vu le Fils des yeux du corps. Si quelqu'un veut donner ici au mot voir
la signification du mot connaître, je ne m'y oppose point, et tel
serait alors le sens de ces paroles : « Celui qui me connaît, connaît aussi
le Père. » Mais ce n'est point la pensée du Sauveur, qui a voulu exprimer sa
consubstantialité avec son Père en ces termes : Celui qui a vu ma nature, a
vu la nature de mon Père. Il résulte de là qu'il n'est pas une simple
créature, car celui qui voit un être créé ne voit pas Dieu. Philippe,
d'ailleurs, désirait voir la nature du Père. Si donc le Sauveur avait une
nature différente de son Père, il ne dirait pas : « Celui qui me voit, voit
mon Père, « car personne ne peut voir la nature de l'or dans celle de
l'argent; une nature ne peut faire voir en elle-même une nature toute
différente. S. Augustin : Le Sauveur s'adresse ensuite non plus à Philippe
seul, mais a tous ses apôtres : « Les paroles que je vous dis, je ne vous les
dis pas de moi-même; » que signifie cette manière de s'exprimer : « Je ne
parle pas de moi-même, » si ce n'est : Moi qui vous parle, je ne suis pus de
moi-même ? Il attribue ainsi ce qu'il fait à celui de qui lui vient avec
l'être le pouvoir d'agir. — S. Hilaire
: (de la Trin., 7) Il ne
nie donc pas qu'il soit le Fils, il ne dissimule pas non plus la puissance de
la nature paternelle qui est en lui, car lorsqu'il parle, il parle dans sa
propre nature, et en déclarant qu'il ne parle pas de lui-même, il atteste en
lui la naissance divine qui le fait naître d'un Dieu.— S. Jean Chrysostome : Voyez avec quelle abondance de preuves il
établit l'unité de la nature divine : « Le Père qui demeure en moi, fait
lui-même les œuvres que je fais. » C'est-à-dire, mon Père et moi n'agissons
point d'une manière différente, comme il le dit ailleurs : « Si je ne fais
point les œuvres de mon Père, ne croyez pas en moi. » Mais pourquoi
passe-t-il des paroles aux œuvres ? Il paraissait convenable de dire : C'est
lui qui dit les paroles que je prononce, mais il veut donner ici deux preuves
différentes empruntées, l'une à la doctrine, l'autre aux miracles; ou encore,
parce que les paroles étaient ici comme des œuvres. — S. Augustin : En effet, celui qui édifie son prochain par ses
discours, fait une bonne œuvre. Ces deux propositions ont été pour des
hérétiques différents, la matière d'une double difficulté. Le Fils n'est
point égal au Père, disent les Ariens, puisqu'il ne parle point de lui-même.
Le Père est la même chose que le Fils, disent à leur tour les Sabelliens, car
que signifient ces paroles : « Le Père qui demeure en moi, fait lui-même les
œuvres que je fais, » si ce n'est : Je demeure en moi-même, moi qui fais ces
œuvres ? — S. Hilaire : (de la
Trin., 7) Que le Père demeure dans le Fils, cela n'indique pas une seule
et même personne; que d'un autre côté, le Père agisse par le Fils, on ne peut
en conclure qu'ils soient d'une nature différente. Disons encore que celui
qui ne parle point de lui-même, prouve par-là même qu'il n'est pas seul, et
que celui qui parle par lui n'est pas d'une nature différente. Or, après
avoir enseigné que le Père parlait et agissait en lui, il apportait la foi à
cette unité parfaite entre lui et son Père, en ajoutant : « Ne croyez-vous
pas que je suis dans mon Père, et que mon Père est en moi ? » Tant il veut
que nous croyons que le Père parle et agit dans son Fils, non par un effet de
sa puissance, mais par l'effet de la génération divine et de l'unité de
nature. — S. Augustin : Jusque-là Notre
Seigneur n'avait adressé de reproches qu'à Philippe, il fait voir maintenant
qu'il n'était pas le seul qui les méritât, en disant à tous : « Croyez au
moins à cause de mes œuvres ? » — S.
Jean Chrysostome : Si ce que j'ai dit ne suffit pas pour vous convaincre
que je cuis consubstantiel à mon Père, apprenez-le du moins par mes oeuvres.
» C'est le sens de ces paroles : « Croyez-le du moins à cause de mes
œuvres. » Vous avez vu des miracles faits avec autorité, vous avez vu en moi
tous les signes les plus évidents de divinité, les péchés remis, les morts
ressuscités, et d'autres prodiges semblables. — S. Augustin : Croyez donc au moins à cause de mes œuvres, que je
suis dans mon Père et que mon Père est en moi; car si nous avions une nature
distincte, nous ne pourrions nullement agir avec autant d'unité. Versets 12-14.
S. Jean Chrysostome : (hom. 74 sur S. Jean). Notre Seigneur venait de
dire à ses disciples : « Croyez du moins, à cause, de mes œuvres; » il
veut leur apprendre maintenant que non-seulement il peut faire des œuvres
semblables, mais qu'il peut en faire de plus grandes, et (ce qui est encore
plus admirable), qu'il peut communiquer à d'autres ce pouvoir : « En vérité,
en vérité, je vous le dis, celui qui croit en moi fera lui-même les œuvres
que je fais, et en fera encore de plus grandes. » S. Augustin : (Traité 71 sur S. Jean). Mais quelles sont ces œuvres
plus grandes ? Est-ce d'avoir guéri les malades par l'ombre seule de son
corps lorsqu'ils passaient ? (Ac 5, 15). Car c'est une action plus
merveilleuse de guérir par l'ombre seule de son corps que par la frange de
son vêtement. Toutefois en s'exprimant de la sorte, le Sauveur avait en vue
les faits et les œuvres de ses paroles; en effet, lorsqu'il dit : « Mon Père
qui demeure en moi, opère lui-même les œuvres; » de quelles œuvres voulait-il
parler ? évidemment des paroles qu'il disait. Et le fruit de ces paroles,
c'était la foi de ses disciples; mais lorsque ses disciples eux-mêmes
prêchèrent l'Evangile, ceux qui se convertirent furent beaucoup plus nombreux
qu'ils n'étaient eux-mêmes, puisque les nations elles-mêmes embrassèrent la
foi. (Traité 72). Ne voyons-nous pas ce jeune homme riche se retirer
de Jésus plein de tristesse après l'avoir entendu ? (Mt 19) Et
cependant le conseil qu'un seul ne put se décider à pratiquer sur la
recommandation du Sauveur, un grand nombre l'embrassèrent avec ardeur à la
prédication des Apôtres. Il a donc fait de plus grandes œuvres lorsqu'il a
été prêché par ceux qui croyaient, que lorsqu'il parlait lui-même à ceux qui
recrutaient. Mais voici une autre difficulté, ces oeuvres plus grandes n'ont
été faites que par les Apôtres; or, ce n'est, pas seulement d'eux que le
Sauveur veut parler, lorsqu'il dit : « Celui qui croit en moi. » Ou bien ne
doit-on compter parmi ceux qui croient en Jésus-Christ que ceux qui auraient
fait des œuvres plus grandes que les siennes ? Cette conséquence serait dure,
elle serait même absurde, si on ne comprenait bien ces paroles. L'Apôtre dit
: « Lorsqu'un homme, sans faire des œuvres, croit en celui qui justifie le
pécheur, sa foi lui est imputée à justice. (Rm 4, 5) En cela nous
faisons les œuvres de Jésus-Christ, car c'est faire l'œuvre de Jésus-Christ
que de croire en lui; c'est une œuvre qu'il fait en nous, non toutefois sans
notre concours. Entendez donc bien le sens de ces paroles : Celui qui croit
en moi, fera aussi les œuvres que je fais; je les fais le premier, et il les
fera après moi, parce que je ne les fais le premier que pour qu'il les fasse
à mon exemple. Or, quelles sont ces œuvres ? la justification du pécheur,
c'est ce que le Christ opère dans le pécheur, mais avec le concours de sa
volonté. Or, c'est là une oeuvre plus grande que la création du ciel et de la
terre, car le ciel et la terre passeront, mais le salut et la justification
des prédestinés demeureront à jamais. Les anges dans les cieux, sont aussi
l'œuvre de Jésus-Christ, pouvons-nous dire que celui qui coopère à la grâce
de Jésus-Christ pour sa justification, fait une œuvre plus grande que la
création des anges ? Que celui qui en est capable, juge si la création des
justes estime œuvre plus grande que la justification des pécheurs, si l'une
et l'autre de ces deux œuvres annoncent une puissance égale, la seconde exige
une plus grande miséricorde. D'ailleurs il n'est
nullement nécessaire d'entendre de toutes les œuvres de Jésus-Christ, ces
paroes : « Il fera de plus grandes œuvres que les miennes. » Peut-être
n'a-t-il voulu parler que des œuvres qu'il opérait alors, et en ce moment il
ne faisait qu’enseigner la doctrine de la foi; or, enseigner la doctrine de
la justice (ce que Jésus a fait sans nous), c'est faire moins que du
justifier les pécheurs, ce qu'il a fait en nous avec le concours de notre
volonté. Notre Seigneur donne ensuite un grand sujet d'espérance à ceux qui
lui adresseront leurs prières, lorsqu'il ajoute : « Parce que je vais à mon
Père.. » — S. Jean Chrysostome : C'est-à-dire,
je ne dois point périr, mais je resterai dans la puissance qui m'est propre,
et je demeurerai dans les cieux. Ou bien tel est le sens de ces paroles :
C'est à vous maintenant de faire des miracles, pour moi je m'en vais à mon
Père. — S. Augustin : Et afin que
personne ne fût tenté de s'attribuer le mérite de ces oeuvres plus grandes,
il leur fait voir que c'est lui-même qui en sera l'auteur : « Et tout ce que
vous demanderez à mon Père en mon nom, je le ferai. » Il venait de dire : «
Il fera, » il dit maintenant : « Je le ferai, » et voici l'explication de cette
parole : Ne regardez pas ce que je vous dis comme impossible, celui qui croit
en moi ne peut être plus grand que moi; c'est moi-même qui ferai alors des
œuvres plus éclatantes que celles que je fais maintenant, je ferai par celui
qui croit en moi ces œuvres plus grandes que celles que je fais actuellement
par moi-même, ce qui n'accuse point un défaut de puissance, mais un sentiment
de condescendance. S. Jean Chrysostome : Notre Seigneur dit : « Tout ce que vous
demanderez en mon nom, » c'est ce que proclamaient les Apôtres : « Au nom de
Jésus-Christ, levez-vous et marchez; » (Ac 3, 6; 9, 33) car c'est
lui-même qui était l'auteur de tous les miracles qu'ils opéraient, et la main
du Seigneur était avec eux. — Théophylactus
: Il nous fait connaître ici la véritable théorie des miracles, c'est par
la prière et par l'invocation de son nom qu'on peut opérer les plus grands
prodiges. S. Augustin : Mais que veulent dire ces paroles : « Tout
ce que vous demanderez, » lorsque nous voyons tant de fidèles demander sans
recevoir ? N'est-ce point parce qu'ils demandent mal ? Dieu refuse dans sa
miséricorde ce qu'on ne demande que pour en faire un mauvais usage. Gomment
donc faut-il entendre ces paroles : « Tout ce que vous demanderez, je le
ferai, » si Dieu, dans leur intérêt, n'accorde point aux fidèles l'objet de
leurs prières ? Cette promesse n'a donc été faite qu'aux seuls Apôtres ? Non,
sans doute, car le Sauveur avait dit précédemment : « Celui qui croit en moi,
fera les œuvres que je fais moi-même. » Si nous considérons l'accomplissement
de cette promesse dans les Apôtres eux-mêmes, nous voyons que celui qui a
travaillé plus qu'eux tous, a prié trois fois le Seigneur d'éloigner de lui
l'ange de Satan, sans avoir pu obtenir l'effet de sa prière. (2 Co 12,
7-9). Comprenez bien le sens de ces paroles : « En mon nom, » (qui est
Jésus-Christ). Le mot Christ signifie roi, le mot Jésus veut dire sauveur;
donc tout ce que nous demandons contre les véritables intérêts de notre
salut, nous ne le demandons pas au nom du suiveur. Cependant il ne laisse pas
d’être notre Sauveur, non-seulement quand il nous accorde l'objet de nos
prières, mais même quand il refuse de les exaucer, car il se montre justement
notre Sauveur, en refusant de nous accorder ce qu'il sait être contraire à notre
salut. Le médecin sait bien ce que le malade demande dans l'intérêt ou contre
l'intérêt de sa santé, et il refuse d'accorder à ce malade les choses
nuisibles qu'il désire, justement pour lui conserver la santé. Disons encore
qu'il est des choses que nous demandons en son nom et qu'il ne nous
accorde pas au moment même où nous les demandons, mais il les accorde plus
tard; il diffère, mais il ne refuse pas d'exaucer nos prières. Il ajoute
aussitôt : « Afin que le Père soit glorifié dans le Fils, si vous demandez
quelque chose en mon nom je le ferai. » Le Fils ne fait donc rien sans
le Père, puisqu'il n'agit que pour que le Père soit glorifié en lui. — S. Jean Chrysostome : En effet,
lorsqu'on verra le Fils opérer de grandes choses, la gloire en reviendra à
celui qui l'a engendré. Pourquoi répète-t-il de nouveau : « Je le ferai ? »
pour confirmer la vérité de ses paroles. — Théophylactus : Remarquez, par quels degrés le Père est glorifié
: c'est au nom de Jésus que sont opérés les miracles en vertu desquels les
peuples croyaient à la prédication des Apôtres, et tandis qu'ils parvenaient
ainsi à la connaissance, du Père, le Père était glorifié dans le Fils. Versets 15-17.
S. Jean Chrysostome : (hom. 74 sur S. Jean). Les paroles que Notre
Seigneur venait de dire : « Tout ce que vous demanderez, je le ferai, »
pouvaient donner aux Apôtres la pensée que toute prière indistinctement
devait être exaucée; il se hâte donc de prévenir cette idée, en ajoutant : «
Si vous m'aimez, gardez mes commandements; » comme s'il leur disait :
C'est à cette condition que j'exaucerai vos prières. Ou bien encore, comme la
nouvelle qu'il venait de leur apprendre, qu'il allait à son Père, devait
naturellement les jeter dans le trouble, il leur dit : « L'amour que
vous devez avoir pour moi, ne doit point avoir pour effet de troubler votre
âme, mais de vous faire accomplir mes commandements; car l'amour consista à
obéir et à croire à celui qu'on aime. » Il prévoit aussi qu'ils devaient
désirer vivement cette présence extérieure et cette, consolation sensible
dont ils avaient joui jusqu'à présent, et c'est pour cela qu'il ajoute :
« Et moi, je prierai mon Père, et il vous donnera un autre Paraclet. » —
S. Augustin : (Traîté 74)
En parlant ainsi, il fait voir qu'il est lui-même un Paraclet. Le mot
Paraclet veut dire, en latin, avocat, et saint Jean dit du Sauveur : «
Nous avons pour avocat auprès du Père, Notre Seigneur Jésus-Christ. »
(Jn 1) — Alcuin : Ou bien, le
mot Paraclet veut dire Consolateur, et les Apôtres, en effet, avaient
eu jusqu'alors un Consolateur, qui les animait et les fortifiait par l'éclat
de ses miracles et par la douceur de ses enseignements. — DIDYM. (De
l'Eprit saint). Notre Seigneur appelle l'Esprit saint un autre
consolateur, non qu'il ait une nature autre que la sienne, mais parce que son
opération est différente. Le Sauveur était venu pour remplir l'office de
médiateur et d'ambassadeur, et comme un pontife qui devait prier pour nos
péchés, l'Esprit saint reçoit le nom de Paraclet ou de consolateur dans un
autre sens, parce que ça mission est de consoler ceux qui sont dans la
tristesse. Mais de cette diversité d'opérations, il faut se garder de
conclure à la différence de natures, puisque nous voyons dans un autre
endroit l'Esprit consolateur remplir près du Père l'office d'ambassadeur. «
L'Esprit lui-même, dit saint Paul, demande pour nous par des gémissements
inénarrables. » (Rm 8, 20). Le Sauveur, de son côté, répand la
consolation dans les coeurs affligés, car il est écrit : « Il a consolé tous
les humbles de son peuple. » (1 M 14, 14) S. Jean Chrysostome : Le Sauveur dit : « Je prierai mon Père »
pour rendre ses paroles plus dignes de foi : car s'il avait dit simplement :
Je vous enverrai un autre consolateur, ils ne l'auraient pas cru aussi
facilement. — S. Augustin : (Cont.le.
Serm. Des Ar, 19) Et cependant pour montrer que ses oeuvres ne sont point
distinctes de celles du Père, il dit ailleurs : « Lorsque je m'en serai allé,
je vous l'enverrai. » (Jn 16) — S.
Jean Chrysostome : Qu'aurait-il eu, en effet, plus que les apôtres, s'il
avait dû prier son Père pour qu'il envoyât l'Esprit
saint, alors que nous voyons les apôtres eux-mêmes le communiquer aux autres,
sans avoir recoins à la prière ?— Alcuin
: Je prierai, comme inférieur par mon humanité, mon Père, à qui je suis
égal et consubstantiel par ma nature divine. — S. Jean Chrysostome : Il leur promet
que l'Esprit saint demeurera avec eux éternellement, parce qu'il ne les
quittera même pas après leur mort; et il leur enseigne, indirectement, par là
même, que l'Esprit saint ne doit ni souffrir la mort comme lui, ni se séparer
d'eux. Et pour éloigner de leur esprit, la pensée d'une nouvelle incarnation
qui rendrait le Saint-Esprit visible à leurs yeux, il ajoute : « L'Esprit de
vérité, que le monde ne peut recevoir parce qu'il ne le voit point et ne le
connaît point. » — S. Augustin : Cet
Esprit saint est une des personnes de la sainte Trinité, et la foi catholique
le proclame consubstantiel et coéternel au Père et au Fils. S. Jean Chrysostome : Il l'appelle l'Esprit de vérité, parce que
c'est lui qui nous révèle le sens des figures de l'Ancien Testament; le monde
ici, ce sont les méchants; et voir, c'est connaître avec certitude, parce que
la vue est le plus clair de tous les sens. S. Bède : Remarquez encore qu'en appelant l'Esprit
saint l'Esprit de vérité, il prouve en même temps qu'il est son Esprit. De
même encore lorsqu'il enseigne que cet Esprit est donné par le Père, il
déclare par là même qu'il est l'Esprit du Père, et que par conséquent
l'Esprit saint procède du Père et du Fils. S. Grégoire : (Moral., 5, 19 ou 20, dans les anc. ex. ) Dès
que l'Esprit saint remplit un cœur, il excite en lui un ardent désir des
biens invisibles. Mais comme les cœurs des mondains n'ont d'amour que pour
les biens extérieurs, le monde ne peut recevoir cet Esprit, parce qu'il est
incapable de s'élever jusqu'à l'amour des choses invisibles. En effet, plus
les âmes mondaines s'étendent et s'élargissent au dehors par leurs désirs,
plus elles se resserrent et deviennent étroites pour recevoir ce divin
Esprit. S. Augustin : Notre Seigneur déclare que le monde
(c'est-à-dire ceux qui aiment le monde), ne peuvent recevoir l'Esprit saint,
comme si nous disions : L'injustice ne peut être juste. Le monde donc,
c'est-à-dire ceux qui aiment le monde, ne peuvent recevoir l'Esprit saint,
parce qu'ils ne le voit point. En effet, l'amour du monde est privé de ces
yeux invisibles par lesquels nous ne pouvons voir l'Esprit saint que d’une
manière invisible. « Pour vous, vous le connaîtrez, parce qu'il demeurera au
milieu de vous. » Et afin qu'ils n'entendent pas ces paroles : « Il demeurera
au milieu de vous, » d'une demeure visible, comme celle d'un hôte à qui l'on
donne l'hospitalité, il ajoute : « Et il sera en vous. » — S. Jean Chrysostome : C'est-à-dire il
ne demeurera pas au milieu de vous comme j'y suis demeuré moi-même, mais il
habitera dans vos âmes. S. Augustin : Il faut d'abord se donner à quelqu'un avant
de demeurer ni lui, et Notre Seigneur explique ces paroles : « Au milieu de
vous, » par ces autres : « En vous; » car s'il n'est pas en vous, vous ne
pouvez non plus avoir en vous la connaissance de ce divin Esprit. C'est ainsi
que vous voyez en vous-même votre propre conscience. S. Grégoire : (Moral., 2, 28 ou 41 dans les anc. ex. ) Si
l'Esprit saint demeure dans les disciples, comment donner encore comme signe
distinctif du médiateur que l'Esprit saint demeure en lui, comme il est dit à
Jean-Baptiste : « Celui sur qui vous verrez l'Esprit saint descendre et
demeurer, c'est lui qui baptise ? » Cette difficulté disparaîtra bientôt, si
nous prenons soin de faire une distinction entre les dons de l'Esprit saint.
Quant aux dons sans lesquels il est impossible de parvenir à la vie, l'Esprit
saint demeure dans tous les élus; s'il s'agit au contraire des dons qui ont
pour objet non de conserver, mais de produire dans les autres la vie
surnaturelle, il ne demeure pas toujours; quelquefois, en effet, il suspend
le pouvoir d'opérer des miracles, pour que l'humilité garde plus sûrement les
vertus qu'il inspire. Jésus-Christ, au contraire, jouit toujours, et en
toutes circonstances, de la présence de l'Esprit saint. S. Jean Chrysostome : Par ces seules paroles, Notre Seigneur renverse
d'un seul coup deux hérésies contraires. En disant : « Je vous enverrai un
autre, » il établit la différence de personnes; et en lui donnant le nom de
consolateur, l'identité de nature. — S.
Augustin : (contr. le serm. des Ar., chap. 19). L'office de
consolateur, que les hérétiques abandonnent à l'Esprit saint, comme à la
dernière personne de la sainte Trinité, l'Apôtre l'attribue à Dieu lui-même,
quand il dit : « Dieu qui console les humbles nous a consolés. (2 Co 7,
6) L'Esprit saint qui console les humbles, est donc Dieu. Ou s'ils prétendent
que saint Paul veut parler ici du Père et du Fils, qu'ils cessent de séparer
l'Esprit saint du Père du Fils, en lui attribuant exclusivement l'office de
consolateur. S. Augustin : (Traité 64 sur S. Jean). Mais s'il est vrai
que la charité de Dieu a été répandue dans nos cœurs par l'Esprit saint qui
nous y été donné (Rm 5), comment aimer Jésus-Christ et observer ses
commandements pour mériter de recevoir l'Esprit saint, puisque nous ne
pouvons sans lui ni aimer ni observer les commandements ? Peut-on dire que
nous avons d'abord en nous la charité qui nous fait aimer Jésus-Christ, et
que cet amour de Jésus-Christ et l'observation de ses commandements attirent
en nous l'Esprit saint qui répand la charité de Dieu le Père dans nos cœurs ?
Cette interprétation est tout à fait erronée; celui qui croit aimer le Fils
de Dieu, et n'aime pas le Père, n'aime certainement pas le Fils, il aime le produit de son imagination. La seule manière de
résoudre cette difficulté est donc de dire que celui qui aime a déjà l'Esprit
saint, et qu'en le possédant, il mérite de le posséder encore davantage et
d'avoir ainsi un plus grand amour. Les disciples de Jésus avaient déjà en eux
l'Esprit saint que le Sauveur leur promettait, mais ils devaient le recevoir
d'une manière plus abondante. Ils le possédaient au dedans d’eux-mêmes, il
devait leur être donné d'une manière visible, ce n’est donc point sans raison
que ce divin Esprit est promis, non-seulement à celui qui ne l'a pas encore,
mais à celui qui le possède déjà. Il est promis à celui qui ne l'a pas, pour
qu'il le possède, et à celui qui l'a déjà pour qu'il le reçoive plus
abondamment. — S. Jean Chrysostome : Lorsque
Jésus eut purifié ses disciples par le sacrifice de sa passion, que leurs
péchés furent effacés et que le temps fut venu de les envoyer affronter les
dangers et les combats, ils eurent besoin de recevoir l'Esprit saint dans
toute sa plénitude. Il ne leur fut point donné aussitôt sa résurrection, afin
que leurs désirs plus ardents fussent une préparation à recevoir l'abondance
de ses grâces. Versets 18-21.
S. Augustin : (Traité 75 sur S. Jean). Notre
Seigneur ne veut point laisser croire à ses disciples qu'il leur donne
l'Esprit saint pour le remplacer, comme s'il ne devait plus être avec eux, et
c'est pour cela qu'il leur dit : « Je ne vous laisserai point orphelins.
» Le mot orphelins signifie la même chose que le mot pupilles, l'un
est grec, l'autre latin. Ainsi, bien que le Fils de Dieu nous ait donnés à
son Père comme des enfants adoptifs, il veut lui-même nous témoigner une
tendresse toute paternelle. S. Jean Chrysostome : (hom. 75). Le Sauveur leur avait dit tout d'abord : « Vous
viendrez là où je vais; » mais comme il fallait attendre un long espace
de temps, il leur promet l'Esprit saint, et parce qu'ils ne comprenaient pas
l'excellence de ce don, il leur promet sa présence dont ils étaient si
avides, en leur disant : « Je viendrai à vous. » Mais il ne vent pas qu'ils
recherchent sa présence telle qu'ils en ont joui jusqu'à présent, il exclut
indirectement ce genre de présence quand il ajoute : « Encore un peu de
temps, et le monde ne me verra plus, » c'est-à-dire : Je viendrai à vous,
mais non pas comme par le passé, en demeurant chaque jour tout entier au
milieu de vous. Et pour prévenir cette objection : Pourquoi donc avez-vous
dit aux Juifs : « Bientôt vous ne me verrez plus ? » Il leur dit : «
C'est vers vous seuls que je viendrai. » — S. Augustin : : Le monde le voyait alors des yeux du corps revêtu
d'une chair visible, mais il ne voyait pas le Verbe, qui était caché sous
l'enveloppe d'un corps sensible, de même qu'après sa résurrection, il a donné
cette chair, non-seulement à voir, mais à toucher à ses disciples, tandis
qu'il en a dérobé la vue à ses ennemis; peut-être est-ce pour cela qu'il dit
: « Encore un peu de temps, et le monde ne me verra plus, mais pour vous,
vous me verrez. » Cependant, comme au jour du jugement, le monde,
c'est-à-dire, ceux qui sont exclus de son royaume, le verront de leurs yeux,
je crois qu'il a surtout voulu désigner ce temps de la fin du monde où il
disparaîtra pour toujours des yeux des réprouvés, et ne sera plus vu que de
ceux qui l'aiment. Et s'il se sert de cette locution : « Encore un peu de
temps, » c'est que ce qui parait long aux yeux des hommes, est toujours
très-court aux yeux de Dieu. « Parce que je vis et que vous vivrez aussi. » — Théophylactus : : C'est-à-dire, bien que je doive souffrir la
mort, cependant je ressusciterai : et vous aussi vous vivrez, c'est-à-dire,
vous serez dans la joie, lorsque vous me verrez, et dès que j'apparaîtrai,
vous ressusciterez comme des morts qui sortent du tombeau. — S. Jean Chrysostome : Il veut parler
ici non de la vie présente, mais de la vie future, et tel est le sens de ces
paroles : La mort de la croix ne me séparera point de vous pour toujours,
mais elle ne fera que me cacher un instant à vos yeux. S. Augustin : Pourquoi dit-il de lui au présent : « Parce
que je vis, » et d'eux au futur : « Et que vous vivrez ? » C'est parce
qu'il leur promettait pour l'avenir la vie de la chair ressuscitée, telle
qu'il devait bientôt la manifester le premier dans sa personne. En effet, sa
résurrection devait suivre presque immédiatement sa mort, et c'est pour cela
qu'il dit au présent : « Je vis, » pour exprimer le terme prochain de sa
résurrection. Mais comme la résurrection des siens devait être différée
jusqu'à la fin des siècles, il ne leur dit pas : Vous vivez, mais : « Vous
vivrez. » Nous vivrons en vertu de sa vie, car si c'est par un homme que la
mort est entrée dans le monde, c'est aussi par un homme qu'aura lieu la
résurrection des morts. Et dans ce jour (où s'accomplira cette promesse de
vie), vous connaîtrez (par intuition, ce dont la foi nous donne ici la
connaissance), que je suis dans mon Père, et vous en moi, et moi en vous, »
parce qu'en effet, lorsque nous vivrons de cette vie qui aura complètement
détruit la mort, nous verrons alors s'accomplir ce qu'il a commencé lui-même,
c'est-à-dire, qu'il soit en nous et que nous soyons en lui. — S. Jean Chrysostome : Ou bien encore,
au jour de ma résurrection, vous connaîtrez, parce que leur foi devint pleine
de certitude lorsqu'ils le virent ressusciter et revenir au milieu d'eux; car
la puissance de l'Esprit saint, qui leur enseignait toutes choses était
grande. Quant à ces paroles : « Je suis dans mon Père, » c'est le langage de
l'humilité, et quand il ajoute : « Et vous en moi, et moi en vous, » il veut
parler de son humanité, du secours qui vient de Dieu, car l'Ecriture emploie
très souvent des mots semblables, mais qu'elle entend dans un sens différent,
suivant qu'elle les applique à Dieu ou aux hommes. — S. Hilaire : (de la Trin., 8) Ou bien en s'exprimant de la
sorte, il veut que nous croyions qu'il est dans son Père par sa nature
divine, que nous sommes en lui par sa naissance corporelle, et qu'il est
encore en nous par le mystère de son sacrement, comme il l'atteste lui-même :
« Celui qui mange ma chair et boit mon sang, demeure en moi et moi en lui. » (Jn
6) Alcuin : Or, c'est par l'amour et par l'observation
de ses commandements que s'accomplira cette union parfaite qu'il a commencée
lui-même, et en vertu de laquelle il est en nous, et nous en lui. Et ce n'est
pas seulement à ses Apôtres qu'est promis ce bonheur, mais à tous les hommes
: « Celui qui a mes commandements et qui les garde, » etc. — S. Augustin : Celui qui les a dans sa
mémoire et les garde dans sa vie; celui qui les a dans ses discours et qui
les garde dans ses œuvres; celui qui les a par son attention à les écouter et
qui les garde par sa fidélité à les pratiquer; celui qui les a en les
observant et qui les garde par une constante persévérance : voilà celui qui
m'aime véritablement, la preuve de l'amour doit être dans les œuvres, ou
alors il n'est plus qu'une dénomination stérile. — Théophylactus : Voici, en effet, le vrai sens de ces paroles :
vous pensez me donner un témoignage d'amour en vous attristant de ma mort,
mais pour moi la preuve de l'amour véritable, c'est l'observation de mes
commandements. Or, quelle sera la récompense de cet amour ? « Celui qui
m'aime sera aimé de mon Père, et je l'aimerai aussi. » — S. Augustin : Mais qu'est-ce à dire : « Je l'aimerai, » comme
s'il n'avait pas aimé jusque-là ? Il répond à cette difficulté en ajoutant :
« Et je me manifesterai à lui, » c'est-à-dire, je l'aimerai pour me
manifester à lui et lui donner la claire vision comme récompense de sa foi.
Maintenant Jésus nous aime pour nous amener à la foi, il nous aimera alors
pour nous conduire à la vision des cieux; et nous aussi nous aimons
maintenant en croyant ce que nous verrons un jour, et nous aimerons alors en
voyant ce qui est l'objet de notre foi. S. Augustin : (Lett. 112 à Paulin., chap. 10) Or, il a promis de
se manifester à ceux qui l'aiment comme un seul Dieu avec son Père, et non
corporellement comme il a été vu dans ce monde par les méchants eux-mêmes. — Théophylactus : Ou bien encore, comme
il devait leur apparaître après sa résurrection dans un corps glorieux et
plus rapproché de la divinité, il leur fait cette prédiction afin qu'ils ne
le prennent point pour un esprit ou pour un fantôme, et que bannissant tout
sentiment de défiance, ils se rappellent qu'il se manifeste à eux pour les
récompenser d'avoir observé ses commandements, et qu'ils persévèrent dans
cette observance pour jouir toujours de celte manifestation. Versets 22-27.
S. Augustin : (Traité 76 sur S. Jean). Notre Seigneur venait de
dire : « Encore un peu de temps, et le monde ne me verra plus, mais pour
vous, vous me verrez. » Judas, non pas le traître surnommé Iscariote, mais
celui dont l'Epître est au rang des Ecritures canoniques, Judas lui demande
l’explication de ces paroles : « Judas, non pas l'Iscariote, lui dit :
Seigneur, d'où vient que vous vous manifesterez à nous et non au monde ? » Il
lui demande donc la raison pour laquelle il doit se manifester, non pas au
monde, mais à ses disciples, le Seigneur lui donne cette raison, c'est qu'il
est aimé des uns et qu'il n'est pas aimé des autres. Jésus lui répondit : «
Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole, et mon Père l'aimera, » etc. — S. Grégoire : (hom. 30 sur
les Evang). La preuve de l'amour ce sont les œuvres; l'amour de Dieu ne
peut jamais être oisif, dès qu'il existe, il opère de grandes choses, s'il
refuse d'agir, ce n'est qu'un simulacre d'amour. S. Augustin : L'amour qui distingue et sépare les saints
des partisans du monde, est cet amour qui inspire un même esprit à ceux qui
habitent (Ps 68, 7) dans la maison où le Père et le Fils font leur
demeure, en répandant leur amour sur ceux à qui ils doivent se manifester un
jour. Il y a donc une certaine manifestation intérieure de Dieu, complètement
inconnue des impies, à qui Dieu le Père ne se manifeste jamais. Quant
au Fils, ils ont pu le voir, mais seulement dans sa chair, cette
manifestation ne ressemble nullement à l'autre, elle ne peut d'ailleurs leur
être toujours présente, elle ne dure qu'un peu de temps, et loin d'être pour
eux une cause de joie et de récompense, elle est bien plutôt un principe de
jugement et de condamnation : « Et nous viendrons à lui. » Le Père et le Fils
viennent à nous, lorsque nous venons nous-mêmes à eux; ils viennent à nous en
nous secourant, nous venons à eux en obéissant à leur inspiration, ils
viennent à nous en nous comblant de leur lumière, nous venons à eux en la
contemplant, ils viennent à nous en nous remplissant de leurs dons, nous
venons à eux en les recevant. Cette vision n'a aucun rapport avec les sens
extérieurs, elle est tout intérieure, et cette demeure n'est point passagère,
elle est éternelle : « Et nous ferons en lui notre demeure. » — S. Grégoire : Dieu vient dans
certaines âmes et n'y demeure pas, parce que si le repentir leur fait tourner
les regards vers Dieu, elles oublient ce repentir aux approches de la
tentation, et retombent dans leurs anciens péchés, comme si elles ne les
avaient jamais pleurés. Celui donc qui aime Dieu d'un amour véritable, voit
le Seigneur venir en lui et y établir sa demeure, parce qu'il est tellement
pénétré de l'amour de Dieu, qu'il lui reste fidèle dans le temps même de la
tentation, et il aime véritablement Dieu, parce que le plaisir criminel ne
peut triompher de son âme en lui arrachant son consentement. S. Augustin : Mais devons-nous admettre que l'Esprit saint
reste étranger à cette demeure que le Père et le Fils font dans l'âme de
celui qui les aime ? Alors que signifieraient ces paroles que le Sauveur a
dites précédemment de l'Esprit saint : « Il demeurera au milieu de
vous, et il sera en vous, » à moins qu'on ne pousse l'absurdité jusqu'à
penser que lorsque le Père et le Fils arrivent, le Saint-Esprit s'éloigne
comme pour laisser la place à ceux qui lui sont supérieurs ? La sainte
Ecriture va du reste au-devant de cette grossière objection, lorsqu'elle dit
: « Afin qu'il demeure en vous éternellement. » L'Esprit saint sera donc
éternellement dans la même demeure avec le Père et le Fils, parce qu'il ne
peut venir sans eux, et qu'ils ne peuvent venir sans lui. C'est pour établir
la distinction des personnes de la sainte Trinité, que quelques opérations
sont attribuées nominativement à chacune des personnes, mais il ne faut
jamais en exclure les autres personnes, parce qu'il n'y a qu'une seule et
même nature dans la Trinité. S. Grégoire : Plus on se livre aux plaisirs bas et
terrestres, plus on s'éloigne de l'amour des biens célestes. « Celui qui ne
m'aime pas, poursuit Nôtre-Seigneur, ne garde point mes commandements. »
L'amour du Créateur exige donc le concours de la langue, du cœur et de la
vie. — S. Jean Chrysostome : (hom.
75 sur S. Jean). On peut encore donner cette explication : Judas
pensait qu'ils ne verraient le Sauveur que comme nous voyons les morts
pendant notre sommeil, et c'est pour cela qu'il lui fait cette question : «
D'où vient que vous vous manifesterez à nous et non au monde ? » Langage qui
revient à celui-ci : Malheur à nous ! Vous allez mourir, et vous ne nous
apparaîtrez plus que comme les morts ont coutume d'apparaître. C'est pour
détruire ce soupçon que Notre Seigneur leur dit : « Mon Père et moi,
nous viendrons à lui, » c'est-à-dire, je me manifesterai de même que mon
Père. « Et nous ferons en lui notre demeure; » ce qui éloigne toute idée de
sommeil et de songe; il ajoute : « Et la parole que vous avez entendue
n'est pas de moi, mais de mon Père, qui m'a envoyé. » C'est-à-dire, celui qui
n'écoute pas ma parole, n'aime ni mon Père, ni moi. Le Sauveur s'exprime de
la sorte, parce qu'il ne dit rien qui soit en dehors de son Père, ou qui ne
soit conforme à son bon plaisir. — S.
Augustin : Peut-être est-ce pour établir une distinction, que lorsqu'il
s'agit de ses propres paroles, le Sauveur parle au pluriel : « Celui qui ne
m'aime pas, ne garde pas mes commandements; » tandis que lorsqu'il parle au
singulier de sa parole, c'est-à-dire du Verbe du Père, il ne dit point que
c'est sa parole, mais celle du Père, c'est-à-dire lui-même. En effet, il
n'est point son Verbe, mais le Verbe du Père; de même qu'il n'est point son
image, mais l'image du Père; de même qu'il n'est point son Fils, mais le Fils
du Père. C'est donc avec raison qu'il attribue à l'auteur de son être ce
qu'il fait comme étant son égal, puisque c'est de lui qu'il a reçu ce qui lui
donne cette parfaite égalité. S. Jean Chrysostome : Parmi les choses que le Sauveur vouait de
leur dire, les unes étaient claires, les autres étaient restées incomprises;
il ajoute donc, pour calmer le trouble de leur âme : « Je vous ai dit ceci,
demeurant avec vous. » — S. Augustin :
(Traité 77) Cette demeure qu'il vient de promettre pour l'avenir,
est toute différente de celle qu'il déclare exister actuellement. La première
est toute spirituelle, et se réalise au dedans de l'âme; l'autre est
extérieure ut accessible aux yeux du corps comme au sens de l'ouïe. — S. Jean Chrysostome : Or, pour les
préparer à supporter plus patiemment la privation de sa présence corporelle,
il leur promet que son départ sera pour eux la cause des biens les plus
abondants, car tant qu'il restait au milieu d'eux d'une manière visible, sans
que l'Esprit saint vint en eux, ils ne pouvaient comprendre aucune vérité
importante. Aussi Notre Seigneur ajoute : « Mais le Paraclet, l'Esprit saint,
que mon Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses, et vous
rappellera tout ce que je vous ai dit. » — S. Grégoire : Le mot grec
παράχλητος veut dire en
latin avocat ou consolateur. L'Esprit saint est appelé avocat, parce qu'il
intercède auprès de la justice du Père en faveur des pécheurs qui se sont
égarés, et en inspirant l'esprit de prière à ceux qu'il remplit de ses dons.
On lui donne aussi le nom de consolateur, parce qu'il délivre de l'affliction
et de la tristesse les âmes que la pensée de leurs crimes plongent dans une
mer d'amertumes, en leur faisant entrevoir l'espérance du pardon. —S. Jean Chrysostome : Il leur
représente encore l'Esprit saint comme consolateur, en vue des tribulations
dont ils allaient être assaillis. DIDYME. (De l'Esprit saint, liv. 2) Le Sauveur affirme que
l'Esprit saint est envoyé par le Père en son nom, et le nom du Sauveur est
celui de Fils, qui exprime à la fois l'unité de nature et la distinction des
personnes. En effet, il est exclusivement le propre du Fils de venir au nom
du Père, en conservant les relations qui existent du Père le Fils; aussi nul
autre n'est venu au nom du Père, mais plusieurs sont venus au nom du Seigneur
Dieu tout-puissant. De même donc que les serviteurs qui viennent au nom de
leur maître rappellent le souvenir de leur maître, par cela seul qu'ils sont
ses serviteurs et ses subordonnés; ainsi le Fils qui vient au nom de son Père
porte et rappelle son nom par cela seul qu'il est reconnu pour le Fils unique
de Dieu. Par cela donc que l'Esprit saint est envoyé par le Père au nom du
Fils, il montre les liens étroits qui l'unissent au Fils; aussi est-il appelé
l'Esprit du Fils, et par la grâce de l'adoption, il donne à ceux qui veulent
le recevoir le titre et les droits d'enfants de Dieu. Or, ce divin Esprit,
qui est envoyé par le Père et qui vient au nom du Fils, enseignera toutes
choses à ceux dont la foi eu Jésus-Christ est parfaite, c'est-à-dire tous les
mystères et les secrets spirituels de la vérite et de la sagesse, et il les
enseignera non comme les hommes enseignent les arts et la sagesse, à force
d'étude et d'habilité, mais cet Esprit de vérité les enseignera comme étant
lui-même par essence la doctrine et la sagesse, et répandra invisiblement
dans les âmes la science des choses divines. S. Grégoire : La parole de celui qui enseigne demeure
nécessairement infructueuse si l'Esprit saint n'est présent dans le cœur de
celui qui reçoit ses enseignements. Que personne donc n'attribue à celui qui
enseigne l'intelligence des vérités qui sortent de ses lèvres, car sans la
présence de ce maître intérieur, la langue de celui qui enseigne travaille
inutilement à l'extérieur. Le Créateur lui-même ne parle point à l'homme pour
son instruction, à moins que l'Esprit saint ne lui parle on même temps par
son onction. — S.
Augustin : Mais est-ce donc que le Fils parle et que l'Esprit saint
enseigne, de manière que nous entendions les paroles du Fils, et que
l'enseignement de l'Esprit saint nous en donne l'intelligence ? C’est donc la
Trinité tout entière qui parle et qui enseigne; mais si l'action de chacune
des divines personnes ne nous était présentée comme distincte et séparée, la faiblesse
humaine ne pourrait en aucune manière la comprendre. S. Grégoire : (hom. 30). Examinons encore pourquoi
le Sauveur dit de l'Esprit saint : « Il vous suggérera toutes les
choses, » etc., ce qui parait indiquer un ministère inférieur. Mais il faut nous
rappeler que le mot suggérer a quelquefois le sens de fournir, de
donner, et on dit de l'Esprit invisible qu'il suggère, non qu'il nous
inspire la science puisée dans les régimes inférieurs, mais parce qu'il la
tire des profondeurs cachées aux yeux des hommes. — S. Augustin : Ou bien encore ces paroles : « Il vous suggérera, »
c'est-à-dire il vous rappellera, doivent nous faire comprendre que c'est pour
nous un devoir de ne jamais oublier que ses salutaires enseignements ont pour
objet et pour fin la grâce que l'Esprit nous remet en mémoire. — Théophylactus : L'Esprit saint a donc
tout ensemble enseigné et remis en mémoire; il a enseigné les vérités que
Jésus-Christ n'avait pas voulu faire connaître à ses disciples, parce qu'ils
n'étaient pas capables de les comprendre; et il les a fait ressouvenir de
celles que le Sauveur leur avait enseignées, mais dont ils avaient perdu la
mémoire par suite de l'obscurité des choses elles-mêmes ou de la lenteur de
leur intelligence. S. Jean Chrysostome : Ces discours du divin Maître jetaient le
trouble dans leur âme, en leur représentant les persécutions elles combats
qu'ils auraient à soutenir après que Jésus les aurait quittés; il les console
donc le nouveau en leur disant : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma
paix. » — S. Augustin : Il nous
laisse la paix dans ce monde, afin qu'elle nous serve à vaincre nos ennemis
et à nous aimer les uns les autres; il nous donnera sa paix dans le siècle
futur, où nous régnerons sans avoir à craindre ni les attaques des ennemis,
ni les dissentiments avec nos frères. Or, c'est lui-même qui est notre paix,
et lorsque nous croyons qu'il est et lorsque nous le verrons tel qu'il est.
Mais pourquoi, lorsqu'il dit à ses disciples : « Je vous laisse la paix, » ne
dit-il point : Ma paix, tandis que dans la proposition suivante il dit : « Je
vous donne ma paix ? » Devons-nous sous-entendre ce pronom ma dans
la phrase où il n'est pas exprimé ? Ou bien y a-t-il ici quelque vérité
cachée ? Par sa paix, il veut que nous entendions celle dont il jouit
lui-même. Quant à la paix qu'il nous laisse pendant cette vie, c'est plutôt
notre paix que la sienne. Le Sauveur n'a en lui aucun élément de guerre
intérieure, parce qu'il n'y a en lui aucun péché; tandis que la paix que nous
pouvons avoir en ce monde ne nous empêche pas de dire : « Pardonnez-nous
nos péchés. » De même encore la paix règne entre nous, parce que nous croyons
à l'amour mutuel que nous avons les uns pour les autres; mais cette paix
n'est point parfaite, parce que nous ne pouvons pénétrer réciproquement les
pensées secrètes de nos cœurs. Je sais toutefois que l'on peut entendre ces
paroles du Sauveur dans le sens d'une simple répétition de la même pensée. Il
ajoute : « Je ne vous la donne pas comme le monde la donne; » c'est-à-dire,
je ne la donne pas comme la donnent les hommes qui aiment le monde. Ils
s'accordent mutuellement la paix, afin de pouvoir jouir des biens de ce monde
sans inquiétude et sans crainte; et s'ils laissent la paix aux justes en ce
sens qu'ils ne les persécutent pas, ce ne peut être une paix véritable, parce
qu'il ne peut y avoir de véritable entente là où les cœurs sont séparés. — S. Jean Chrysostome : D'ailleurs, la
paix qui n'est qu'extérieure est souvent très-dangereuse, et n'est d'aucune
utilité pour ceux qui la possèdent. S. Augustin : (serm. 59 sur les par. du Seign). La paix, c'est la
sérénité de l'âme, la tranquillité de l'esprit, la simplicité du cœur, le
lien de l'amour, l'union intime de la charité; celui qui n'aura point voulu
observer ce divin testament de la paix, ne pourra parvenir à l'héritage du
Seigneur, et il ne peut espérer d'être en paix avec Jésus-Christ, s'il est en
guerre avec un de ses frères en Jésus-Christ. Versets 27-31.
S. chkys. (hom. 75 sur S. Jean). Ces paroles du Sauveur
à ses disciples : « Je vous laisse ma paix, » leur faisaient pressentir son
départ et pouvaient leur inspirer un sentiment de trouble; il se hâte donc de
sur dire : « Que votre cœur ne se trouble point et ne s'effraie point. » Ce
double sentiment était produit en eux l'un par l'amour, l'autre par la
crainte. S. Augustin : (Traité 78 sur S. Jean). Ce qui pouvait être pour eux
une cause de trouble et d'effroi, c'est que Jésus les quittait (quoiqu'il dût
revenir), et que pendant cet intervalle, le loup pouvait profiter de absence
du pasteur pour fondre sur le troupeau : « Vous avez entendu, leur dit le
Sauveur, que je vous ai dit : Je m'en vais et reviens à vous. » Il s'en
allait en tant qu'homme, et il restait en tant que Dieu. Mais pourquoi ce
trouble et cet effroi, puisqu'en se dérobant à leurs regards, Jésus
n'abandonnait pas leur cœur ? Or, pour leur faire comprendre que c'était
comme homme qu'il leur avait dit : « Je m'en vais et je reviens à vous; » il
ajoute : « Si vous m'aimiez, vous vous réjouiriez de ce que je m'en vais à
mon Père, » etc. C'est en tant qu'il n'était pas égal au Père, que le
Fils devait aller à son Père, d'où il devait revenir juger les vivants et les
morts. Mais en tant qu'il est égal à celui qui l'a engendré, il ne se sépare
jamais de son Père, mais il est tout entier avec lui en tout lieu en vertu de
cette divinité qu'aucun lieu ne peut limiter. Aussi le Fils de Dieu, égal à
son Père dans la forme de Dieu (car il s'est anéanti lui-même sans perdre la
forme de Dieu, mais en prenant la forme de serviteur), (Ph 2), est
plus grand que lui-même, puisque la forme et la nature de Dieu qu'il n'a
point perdues, sont plus grandes que la forme et la nature de serviteur qu'il
a prises. A ne considérer que cotte forme de serviteur, le Fils de Dieu est
inférieur, non-seulement au Père, mais à l'Esprit saint; sous ce rapport
Jésus-Christ enfant était inférieur à ses parents, puisqu'il leur était
soumis dans son enfance, comme l'Evangile nous l'apprend. (Lc 2)
Reconnaissons donc en Jésus-Christ deux natures, la nature divine, qui le
fait égal au Père, et la nature humaine, qui le rend inférieur au Père. Or,
ces deux natures ne font point deux Christs, mais un seul Christ; de sorte
qu'il n'y a pas en Dieu quaternité, mais trinité. Or, Notre Seigneur dit : «
Si vous m'aimiez, vous vous réjouiriez dr ce que je m'en vais à mon Père. »
Félicitons, en effet, la nature humaine, de ce que le Fils unique de Dieu a
daigné la prendre pour la placer dans les cieux, au sein de l'immortalité, de
ce que la terre a été élevée si haut, et de ce que la poussière, devenue
incorruptible, s'est assise à la droite le Dieu le Père. Qui ne se
réjouirait, s'il aime Jésus-Christ, qui ne 'applaudirait de voir sa nature
revêtue de l'immortalité dans la personne du Christ, et d'espérer obtenir lui-même
un jour cette immoralité par les mérites de Jésus-Christ ? S. Hilaire : (de la Trin., 9) Ou bien encore, si le Père est plus grand que
moi, en vertu de l'autorité de celui qui donne, est-ce que le Fils ne lui est
pas inférieur, par-là même qu'il reconnaît avoir reçu de son Père ? Oui,
celui qui donne est plus grand, mais le Fils n'est pas inférieur, puisque son
Père lui donne d'être un seul et même Dieu avec lui. — S. Jean Chrysostome : On peut encore donner cette explication :
Les Apôtres ne savaient pas en quoi consistait cette résurrection qu'il leur
avait prédite, en leur disant : « Je m'en vais et je reviens à vous, » et ils
l'avaient pas encore de lui une idée convenable, tandis qu'ils regardaient le
Père comme infiniment plus grand et plus élevé. Il leur dit donc : « Vous
craignez que je ne sois pas assez puissant pour me secourir moi-même, et vous
ne pouvez croire que je revienne vous voir près ma mort sur la croix; mais au
moins vous devriez vous réjouir de m'entendre dire que je vais à mon Père qui
est plus grand que moi, et qui est assez puissant pour renverser tous les
obstacles. » Il accommodait ainsi son langage à la faiblesse de ses
disciples, et c'est pour cela qu'il ajoute : « Et je vous le dis
maintenant, avant que cela arrive, afin que quand ce sera arrivé, vous
croyiez. » S. Augustin : (Traité 79 sur S. Jean). Que veulent dire ces paroles
? Est-ce que l'homme ne doit pas croire bien plutôt ce qui lui est proposé
comme l'objet de sa foi avant son accomplissement ? Le véritable mérite de la
foi, c'est de croire ce qu'on ne voit point, car cet Apôtre à qui Jésus a dit
: « Vous avez cru parce que vous avez vu, » il a vu une chose et en a
cru une autre, il a vu en Jésus-Christ un homme, et il a cru qu'il était
Dieu. On dit bien, il est vrai, qu'on croit ce que l'on voit, qu'on en croit
à ses propres yeux, mais ce n'est point là cette foi qui s'établit dans nos
cœurs; les choses que nous voyons ne sont que le moyen par lequel nous
croyons celles que nous ne voyons pas. Ces paroles : « Quand cela sera
arrivé, » signifient donc qu'après qu'il sera mort, ils le verront de nouveau
plein de vie, et qu'en le voyant ils croiront fermement qu'il était le
Christ, fils de Dieu, qui a pu opérer un tel prodige et le prédire avant de
l'accomplir. Et ils le devaient croire, non d'une foi nouvelle, mais d'une
foi plus complète, ou si l'on veut, d'une foi qui avait faibli au moment de
sa mort, mais qui s'était ranimée lors de sa résurrection. S. Hilaire : (de la Trin., 9) Notre Seigneur leur fait connaître ensuite ce qui
devait lui mériter la gloire qui devait suivre sa mort : « Je ne vous
parlerai plus guère. » — S. Bède : Il
s'exprime de la sorte, parce que le moment approchait où on allait se saisir
de sa personne et le mettre à mort : « Car le prince de ce monde vient. » — S. Augustin : Quel est ce prince du
monde si ce n'est le démon ? Il n'est point toutefois le prince de toutes les
créatures, mais seulement des pécheurs. Aussi lorsque l'Apôtre nous dit : «
Nous avons à combattre..... contre les princes de ce monde, » (Ep 6,
12) il ajoute : « De ce monde de ténèbres, » c'est-à-dire, du monde composé
des hommes impies, « et il n'a rien en moi, » parce que le Fils de Dieu était
venu sans péché, et la très-sainte Vierge n'avait pas conçu et enfanté sa
chair d'une source empoisonnée par le péché. Mais alors, pouvait-on lui dire
: Pourquoi devez-vous souffrir la mort, si vous êtes sans péché, puisque la
mort est la peine du péché ? Il prévient cette objection en ajoutant : «Mais
afin que le monde connaisse que j'aime mon Père, et que selon le commandement
que mon Père m'a donné, ainsi je fais; levez-vous, sortons d'ici. » En effet,
il était encore à table avec ses disciples, lorsqu'il leur adressait le
discours qui précède; il dit : « Allons, » en se dirigeant vers le lieu
où on devait se saisir de sa personne pour le livrer à la mort, bien qu'il
n'eût aucunement mérité la mort; mais son Père lui commandait de mourir, et
il voulait donner l'exemple de l'obéissance par amour. S. Augustin : (contr. le disc. des Ar., 2) L'obéissance du Fils, à la volonté et aux
ordres de son Père, n'est point une preuve même parmi les hommes, de la
diversité et de l'inégalité de nature entre le Père qui commande et le Fils
qui obéit, et il y a ici quelque chose de plus, c'est que Jésus-Christ n'est
pas seulement Dieu, en quoi il est égal à son Père, mais il est homme aussi,
et par conséquent d'une nature inférieure à celle de son Père. — S. Jean Chrysostome : (hom. 76
sur S. Jean). On peut dire encore que ces paroles : « Levez-vous, sortons
d'ici, » sont le commencement d'un autre ordre d'idées. Le temps, comme le
lieu, étaient pour les disciples une cause naturelle de crainte et d'effroi.
Ils étaient dans un endroit connu et ouvert de toutes parts; la nuit était
profonde, et ils ne prêtaient qu'une médiocre attention aux paroles du
Sauveur, tournant les yeux de côté et d'autre, et s'imaginant toujours voir
entrer ceux qui devaient les attaquer. Ce que le Sauveur venait de leur dire
: « Je ne vous parlerai plus guère, car le prince de ce monde est venu, »
ajoutait à leur frayeur. Jésus les voyant sous cette impression en entendant
ses paroles, les conduit dans un autre lieu, où la pensée qu'ils étaient plus
en sûreté leur laisserait plus de liberté d'esprit pour écouter attentivement
les grandes vérités qu'il avait à leur révéler. S. Hilaire : (de la Trin., 9) Notre Seigneur se lève et
se hâte d'aller consommer le mystère de sa passion par l'amour qui le porte à
exécuter les ordres de son Père. Cependant il veut expliquer auparavant le
mystère de son incarnation, en vertu de laquelle nous lui sommes unis, comme
les branches sont unies à la vigne : « Je suis la vraie vigne, » dit-il à ses
disciples. — S. Augustin : (Traité
80 sur S. Jean). Le Sauveur parle ici comme étant le chef de l'Eglise, dont
nous sommes les membres, comme le médiateur entre Dieu et les hommes,
Jésus-Christ homme. (1 Tm 5) En effet, les branches de la vigne sont de même
nature que la tige. Mais lorsque Notre Seigneur dit : « Je suis la vraie
vigne, » a-t-il ajouté le mot vraie par opposition à la vigne, qu'il prend
ici pour terme de comparaison ? Car on lui donne le nom de vigne dans un sens
ligure et non au littéral, de même qu'on lui donne les noms d'agneau, de
brebis et d'autres encore, où la réalité extérieure existe bien plutôt dans
tas choses qui sont prises comme objets de comparaison. En disant : « Je suis
la vraie vigne, » il a donc voulu se séparer de cette vigne, à laquelle Dieu
dit, par son Prophète : « Comment vous êtes-vous changée en amertume, ô vigne
étrangère ? » (Jr 2, 21). Et comment serait-elle la vraie vigne, elle qui, au
lieu de fruits qu'on attendait, n'a produit que des épines ? (Is 5) S. Hilaire : (de la Trin., 9) Mais le Sauveur a soin de
distinguer la majesté divine de son Père de l'humble nature dont il s'est
revêtu dans son incarnation, et il le représente comme étant le vigneron
intelligent qui cultive cette vigne : « Et mon Père est le vigneron. » — S. Augustin : Nous cultivons Dieu, et
Dieu nous cultive; mais nous cultivons Dieu non pour le rendre meilleur, nous
le cultivons en l'adorant et non en le labourant; tandis que Dieu nous
cultive pour nous rendre meilleurs que nous ne sommes; c'est notre âme qui
est l'objet de cette culture, et il ne cesse d'extirper tous les mauvais
germes de notre cœur, de l'ouvrir par sa parole comme avec le soc de la
charrue, d'y jeter la semence de ses commandements, et d'en attendre le fruit
de la piété. S. Jean Chrysostome : Mais Jésus-Christ se suffit à lui-même,
tandis que les disciples ont un grand besoin de la main du laboureur; aussi
ne dit-il rien de la vigne elle-même, il ne parle que des branches : « Toute
branche qui ne porte point de fruit en moi, il la retranchera. » Ce fruit
c’est la vie de la grâce, et Notre Seigneur nous apprend ainsi que sans les oeuvres,
nous ne pouvons lui être unis.— S.
Hilaire : (de la Trin., 9) Quant aux branches inutiles et infructueuses,
il les coupera et les jettera au feu. — S.
Jean Chrysostome : Ceux mêmes qui sont arrivés à une haute vertu ont
besoin de l'opération de ce céleste vigneron, et c'est pour cela qu'il ajoute
: « Et la branche qui porte du fruit il l'émondera, afin qu'elle en porte
davantage. » Il veut parler ici des tribulations qui les attendaient, et Il
leur enseigne que les épreuves les rendront plus forts et plus vigoureux, de
même qu'on rend la branche de la vigne plus féconde en la taillant et en
l'émondant. S. Augustin : Mais qui peut se glorifier d'être si pur
dans cette vie, qu'il n'ait point besoin d'être purifié encore davantage,
puisque si nous disons que nous n'avons pas de péché, nous nous trompons
nous-mêmes ? (1 Jn 1, 1) Dieu purifie donc ceux qui sont déjà purs, afin que
cette pureté plus grande, soit aussi la cause d'une plus grande fécondité.
Or, Notre Seigneur Jésus-Christ est la vigne, sous le même rapport qui lui
fait dire : « Mon Père est plus grand que moi. » (Jn 14) Mais lorsqu'il dit :
« Mon Père et moi ne sommes qu'un, » (Jn 10) il est également le vigneron. Et
il n'est point vigneron, comme ceux qui ne peuvent que donner leur travail extérieur,
son opération va jusqu'à produire l'accroissement intérieur. Aussi se
représente-t-il aussitôt comme, celui qui émonde aussi la vigne : « Déjà,
leur dit-il, vous êtes purs, à cause des paroles que je vous ai dites. »
Voilà donc qu'il émonde les branches, ce qui est l'office du vigneron et non
de la vigne. Mais pourquoi ne dit-il pas : Vous êtes déjà purs, à cause, du
baptême dans lequel vous avez été lavés ? Parce que, dans l'eau du baptême,
c'est la parole qui purifie. Otez la parole, et l'eau n'est plus que de l'eau
ordinaire. La parole vient se joindre à l'eau, et forme de sacrement. Or,
d'où peut venir à l'eau cette si grande vertu de purifier le cœur en touchant
le corps, si ce n'est de la parole, et non pas de la parole simplement dite,
mais de la parole qui est crue ? Il faut distinguer, en effet, dans la
parole, le son qui passe de la vertu qui demeure. Cette parole de la foi a
une telle puissance dans l'Eglise de Dieu, que par celui qui croit, qui
offre, qui bénit, qui répand l'eau, elle purifie l'enfant, qui est encore
incapable de croire — S. Jean
Chrysostome : Ou bien encore, tel est le sens de ces paroles : Vous êtes
purs, à cause des paroles que je vous ai dites. C'est-à-dire, vous avez reçu
la lumière de la doctrine, et vous êtes délivrés des erreurs judaïques. |
Caput 15 Lectio 1 [86114] Catena in Io., cap. 15 l. 1 Hilarius de
Trin. Ad consummandae corporeae passionis sacramentum per dilectionem
efficiendi mandati paterni festinat exurgens; corporeae tamen assumptionis
statim mysterium pandens, per quam ei tamquam in vite modo palmitis
inessemus, adiecit ego sum vitis vera. Augustinus in Ioannem. Quod
secundum hoc dicit quod est caput Ecclesiae, nosque membra eius, homo
Christus Iesus. Unius quippe naturae sunt vitis et palmites. Sed cum dicit
ego sum vitis vera, numquid ut adderet vera, ad eam vitem retulit, unde ista
similitudo translata est? Sic autem dicitur vitis per similitudinem, non per
proprietatem : sicut agnus, ovis et cetera huiusmodi : ut magis ipsa sint
vera, ex quibus ducuntur istae similitudines. Sed dicendo ego sum vitis vera,
ab illa se discernit cui dicitur : quomodo conversa es in amaritudinem, vitis
aliena? Nam quo pacto est vitis vera quae expectata est ut faceret uvam,
fecit autem spinas? Hilarius. Sed a corporeae huius humilitatis
assumptione formam paternae maiestatis alienans, agricolam patrem curiosum
huius vitis ostendit, dicens et pater meus agricola est. Augustinus de
Verb. Dom. Colimus enim Deum, et colit nos Deus; sed sic Deum colimus, ut
non meliorem eum faciamus; colimus enim eum adorando, non arando; quod autem
ille nos colit, meliores nos reddit. Cultura ipsius est in nos, quod non
cessat verbo suo extirpare mala semina de cordibus nostris, aperire cor
nostrum tamquam aratro sermonis, plantare semina praeceptorum expectare
fructum pietatis. Chrysostomus in Ioannem. Et quia Christus sibi
sufficit, discipuli vero multo indigent agricolae auxilio; propterea de vite
nihil dicit, sed de palmitibus, cum subdit omnem palmitem in me non ferentem
fructum, tollet eum. Fructum autem hic vitam occulte insinuat, ostendens quod
sine operibus non potest aliquid esse in eo. Hilarius. Inutiles autem
et inveraces palmites desecans, deputabit arsuros. Chrysostomus. Et
quia etiam qui valde virtuosi sunt, indigent agricolae opere, adiungit et
omnem qui fert fructum, purgabit eum, ut fructum plus afferat. Hoc dixit
propter tribulationes eorum quae tunc inducebantur, ostendens quod
tentationes fortiores eos faciebant; sicut et purgare, hoc est circumcidere
palmitem, eum magis germinare facit. Augustinus. Quis autem est in hac
vita sic mundus ut non sit magis magisque mundandus? Ubi si dixerimus quia
peccatum non habemus, nosmetipsos seducimus. Mundat itaque mundos, idest
fructuosos, ut tanto sint fructuosiores quanto sunt mundiores. Secundum hoc
ergo vitis est Christus quod ait : pater maior me est; secundum illud autem
quod ait supra : ego et pater unum sumus, et ipse agricola est; nec talis
quales sunt qui extrinsecus operando exhibent ministerium, sed talis ut det
intrinsecus incrementum : unde continuo etiam seipsum mundatorem palmitum
ostendit, dicens iam vos mundi estis propter sermonem quem locutus sum vobis.
Ecce ipse mundator est palmitum : quod est agricolae, non vitis officium. Sed
quare non ait : mundi estis propter Baptismum quo abluti estis, nisi quia et
in aqua verbum mundat? Detrahe verbum : et quid est aqua nisi aqua? Accedit
verbum ad elementum, et fit sacramentum. Unde ista tanta virtus aquae ut
corpus tangat et cor abluatur, nisi faciente verbo, non quia dicitur, sed
quia creditur? Nam in ipso verbo aliud est sonus transiens, aliud virtus
immanens. Hoc verbum fidei tantum valet in Ecclesia Dei ut per ipsum
credentem, offerentem, benedicentem, tingentem mundet infantem, quamvis
credere non valentem. Chrysostomus. Vel dicit mundi estis, propter
sermonem quem locutus sum vobis; idest, interim lumen doctrinae iam
suscepistis, et a Iudaico errore eruti estis. Lectio 2 [86115] Catena in Io., cap. 15 l. 2 Chrysostomus
in Ioannem. Quia iam mundos eos dixerat propter sermonem quem locutus
fuerat eis, docet quod oportet de reliquo incipere ea quae ab eis sunt; et
ideo dicit manete in me et ego in vobis. Augustinus in Ioannem. Non eo
modo illi in ipso, sicut ipse in illis : utrumque enim prodest, non ipsi, sed
illis : ita sunt quippe in vite palmites ut viti non conferant, sed inde
accipiant unde vivant; ita vero vitis est in palmitibus ut vitale alimentum
subministret eis, non sumat ab eis; ac per hoc, ut manentem in se haberent
Christum, et manerent in Christo, discipulis prodest utrumque, non Christo;
unde subdit sicut palmes non potest ferre fructum a semetipso nisi manserit
in vite, sic nec vos nisi in me manseritis. Magna gratiae commendatio. Corda
instruit humilium, ora obstruit superborum. Nonne huic resistunt veritati, ad
bona opera facienda Deum sibi necessarium non putantes, non assertores, sed
praecipitatores liberi arbitrii? Qui enim a semetipso se fructum aestimat
ferre, in vite non est; qui in vite non est, in Christo non est; qui in
Christo non est, Christianus non est. Alcuinus. Omnis enim fructus
boni operis ab illa radice procedit, qui nos sua gratia liberavit, et suo
auxilio provehit, ut fructum plus afferre valeamus : unde cum repetitione et
superiorum explanatione subdit ego sum vitis et vos palmites. Qui manet in
me, credendo, obediendo, perseverando, et ego in eo, illuminando,
subveniendo, perseverantiam donando, hic, et non alius, fert fructum multum.
Augustinus. Sed ne quisquam putaret saltem parvum aliquem fructum posse a
semetipso palmitem ferre, subdit quia sine me nihil potestis facere. Non ait
: parum potestis facere : quia nisi palmes in vite manserit et vixerit de
radice, quantumlibet fructum a semetipso non potest ferre. Quamvis autem
Christus vitis non esset nisi homo esset; tamen istam gratiam palmitibus non
praeberet, nisi etiam Deus esset. Chrysostomus. Vide ergo filium non
minus patre conferentem ad discipulorum procurationem : nam pater quidem
purgat; ipse vero in se tenet quod facit palmites fructificare. Sed tamen et
purgare filii monstratum est esse, et manere in radice est patris, qui
radicem genuit. Igitur magnum quidem damnum est nihil posse facere; verum non
usque ad hoc sistit, sed ulterius producit sermonem, dicens si quis in me non
manserit, mittetur foras sicut palmes, id est agricolae non potietur manus,
et arescet, hoc est, si quid habebat a radice, amittet, denudatus eius
auxilio et vita : et colligent eum; Alcuinus : messores Angeli, et in
ignem, aeternum scilicet, mittent et ardet. Augustinus. Ligna enim
vitis tanto sunt contemptibiliora si in vite non manserint, quanto
gloriosiora si manserint. Unum ex duobus palmiti congruit, aut vitis, aut
ignis : si in vite non est, in igne erit. Chrysostomus. Deinde
ostendens quid est manere in eo, subdit si manseritis in me et verba mea in
vobis manserint, quodcumque volueritis petetis, et fiet vobis. Eam enim quae
per opera ostensionem quaerit. Augustinus. Tunc enim sunt dicenda
verba eius in nobis manere, quando facimus quae praecepit et diligimus quae
promisit. Quando autem verba eius manent in memoria nec inveniuntur in vita,
non computatur palmes in vite, quia vitam non attrahit ex radice. Quid autem
velle possunt manendo in salvatore nisi quod non alienum est a salute? Aliud
quippe volumus quia sumus in Christo, et aliud volumus quia sumus adhuc in
hoc saeculo. De mansione autem huius saeculi nobis aliquando subrepit ut hoc
petamus quod nobis non expedire nescimus. Sed absit ut faciat nobis, si
maneamus in Christo, qui non facit quando petimus nisi quod expedit nobis. Ad
verba autem eius pertinet oratio pater noster, ab huius orationis verbis et
sensibus non recedamus in petitionibus nostris; et quidquid petimus, fiet
nobis. Lectio 3 [86116] Catena in Io., cap. 15 l. 3 Chrysostomus
in Ioannem. Ostendit supra dominus quoniam qui eis insidiabantur,
ardebunt, non manentes in Christo; deinde ostendens quoniam ipsi
inexpugnabiles erunt, ita scilicet ut multum fructificent, ait in hoc
clarificatus est pater meus ut plurimum fructum afferatis; quasi dicat : si
ad gloriam patris pertinet quod vos fructificetis, non contemnet gloriam
suam. Qui autem fructum facit, ille est discipulus Christi; unde subdit et
efficiamini mei discipuli. Theophylactus. Fructus autem apostolorum
sunt gentes, quae per eorum doctrinam astrictae sunt fidei, nec non ad Dei
redactae sunt gloriam. Augustinus in Ioannem. Sive enim clarificatus,
sive glorificatus dicatur, ex uno verbo Graeco utrumque translatum est. Doxa
enim Graece dicitur, Latine gloria est. Quod ideo commemorandum putavi, ne
hoc nostrae gloriae tribuamus, tamquam ex nobis ipsis habeamus : eius est
enim haec gratia; et ideo in hoc non nostra, sed eius est gloria. A quo enim
faciemus fructum nisi ab illo cuius misericordia praevenit nos? Unde subditur
sicut dilexit me pater, et ego dilexi vos. Ecce unde sunt nobis opera bona;
nam unde nobis essent, nisi quia fides per dilectionem operatur? Unde autem
diligeremus, nisi prius diligeremur? Quod autem ait sicut dilexit me pater,
et ego dilexi vos, non aequalitatem naturae ostendit nostrae et suae, sicut
est patris et ipsius; sed gratiam, qua mediator est Dei et hominum, homo
Christus Iesus. Mediator quippe monstratur, cum dicit pater dilexit me, et
ego dilexi vos : nam pater utique diligit et nos, sed in ipso.
Chrysostomus. Si igitur pater amat nos, confidite : si patris est gloria,
fructificate. Deinde ut non pigros eos faciat, subdit manete in dilectione
mea. Qualiter autem hoc erit, ostendit subdens si praecepta mea servaveritis,
manebitis in dilectione mea. Augustinus. Quis ambigat quod dilectio
praecedat observantiam praeceptorum? Unde enim praecepta servet, non habet
qui non diligit. Quod ergo hic ait, ostendit non unde dilectio generetur, sed
unde monstretur; ut nemo se fallat dicendo quod eum diligat, si eius
praecepta non servat. Quamvis quod dicit manete in dilectione mea, non
apparet quam dixerit dilectionem : utrum qua eum diligimus, an qua ipse nos
diligit; sed ex verbo superiori dignoscitur; dixerat quippe ego dilexi vos,
et continuo subiecit manete in dilectione mea, illa utique qua dilexit eos.
Quid est ergo manete in dilectione mea, nisi manete in gratia mea? Et quid
est si praecepta mea servaveritis, manebitis in dilectione mea, nisi ex hoc
scietis quod in dilectione mea, qua vos diligo, manetis, si mea praecepta
servatis. Non ergo ut nos diligat, prius praecepta eius servamus; sed nisi
nos diligat, praecepta eius servare non possumus. Haec est gratia quae
humilibus patet, superbos latet. Sed quid illud est quod adiungit sicut et
ego praecepta patris mei servavi et maneo in eius dilectione? Utique eam hic
dilectionem patris intelligi voluit, qua eum diligit pater. Sed numquid et
haec gratia intelligenda est qua pater diligit filium, sicut gratia est qua
nos diligit filius; cum simus nos filii gratia, non natura, unigenitus autem
natura, non gratia? An hoc etiam in ipso filio ad hominem referendum est? Ita
sane : nam dicendo sicut dilexit me pater, et ego dilexi vos, gratiam
mediatoris ostendit; mediator autem Dei et hominum, non inquantum Deus, sed
inquantum homo, est Christus. Igitur hoc recte possumus dicere, quod cum ad
naturam Dei non pertineat humana natura, ad personam tamen filii Dei per
gratiam pertinet, qua nulla est maior, nulla prorsus aequalis. Neque enim
illam susceptionem ulla hominis merita praecesserunt, sed ab illa susceptione
merita eius cuncta coeperunt. Alcuinus. Quae autem praecepta dixerit,
exponit apostolus dicens : Christus factus est obediens patri usque ad
mortem, mortem autem crucis. Chrysostomus in Ioannem. Deinde quia
futura passio et tristia verba interruptura erant eorum laetitiam, subiungit
haec locutus sum vobis, ut gaudium meum in vobis sit, et gaudium vestrum
impleatur; quasi dicat : et si incidat tristitia, hanc auferam, ut ad finem
veniat gaudium. Augustinus in Ioannem. Quod est autem gaudium Christi
in nobis, nisi quod dignatur gaudere de nobis? Et quod est gaudium nostrum,
quod dicit implendum, nisi eius habere consortium? Gaudium autem iam ipse
perfectum de nobis habebat, quando nos praesciendo et praedestinando
gaudebat; sed illud gaudium in nobis non erat, quia nec nos, in quibus esse
posset, eramus; coepit autem esse in nobis quando vocavit nos. Et hoc gaudium
nostrum merito dicimus, quo nos beati futuri sumus; quod inchoatur in fide
renascentium, implebitur in praemio resurgentium. Lectio 4 [86117] Catena in Io., cap. 15 l. 4 Theophylactus.
Quia praedixerat, quod si mandata mea custodieritis, tunc in me
permanebitis; hic ostendit quae mandata observare oporteat, dicens hoc est
praeceptum meum, ut diligatis invicem. Gregorius in Evang. Cum autem
cuncta sacra eloquia dominicis sint plena praeceptis, quid est quod de
dilectione quasi de speciali mandato hic dicit, nisi quia omne mandatum de
sola dilectione est, et omnia praecepta unum sunt? Quia quidquid praecipitur,
in sola caritate solidatur. Ut enim multi arboris rami ex una radice
prodeunt, sic multae virtutes ex una caritate generantur; nec habet aliquid
viriditatis ramus boni operis, si non manet in radice caritatis.
Augustinus in Ioannem. Ubi ergo caritas est, quid est quod possit deesse?
Ubi autem non est, quid est quod possit prodesse? Discernitur autem ita
dilectio ab ea qua se invicem diligunt homines sicut homines : unde adiunctum
est sicut dilexi vos. Ut quid enim nos dilexit Christus, nisi ut possimus
regnare cum Christo? Ad hoc ergo et nos invicem diligamus, ut dilectionem
nostram discernamus a ceteris, qui non ad hoc se invicem diligunt ut Deus
diligatur, quia nec vere diligunt. Qui autem se propter habendum Deum
diligunt, ipsi se diligunt. Gregorius. Una autem et summa est probatio
caritatis, si et ipse diligatur qui adversatur : nam et ipsa veritas et
crucis patibulum sustinet, et tamen ipsis suis persecutoribus affectum
dilectionis impendit, dicens : pater, ignosce illis, quia nesciunt quid
faciunt. Cuius dilectionis summam exprimit cum subiungit maiorem hac dilectionem
nemo habet, quam ut animam suam ponat quis pro amicis suis. Mori pro inimicis
dominus venerat : et tamen positurum se animam pro amicis dicebat, ut nobis
ostenderet quia, cum diligendo lucrum facere de inimicis possumus, etiam ipsi
amici sunt qui persequuntur. Augustinus in Ioannem. Quia ergo superius
dixerat : hoc est praeceptum meum ut diligatis invicem sicut dilexi vos, fit
ex hoc consequens quod idem Ioannes dicit, ut quemadmodum Christus pro nobis
animam suam posuit, sic et nos debemus animas pro fratribus ponere. Hoc
martyres ardenti dilectione fecerunt; ideo ad mensam Christi non sic eos
commemoramus quemadmodum alios, ut etiam pro eis oremus; sed magis ut eorum
vestigiis haereamus. Talia enim suis fratribus exhibuerunt qualia de domini
mensa pariter acceperunt. Gregorius. Qui vero tranquillitatis tempore
non dat pro Deo tunicam suam, qualiter in persecutione daturus est animam
suam? Virtus ergo caritatis ut invicta sit in perturbatione, nutriatur per
misericordiam in tranquillitate. Augustinus de Trin. Ex una autem
eademque caritate Deum proximumque diligimus; sed Deum propter Deum, nos
autem et proximum propter Deum. Cum ergo duo sint praecepta caritatis, in
quibus tota lex pendet et prophetae, dilectio Dei et proximi; non immerito
plerumque Scriptura pro utroque unum ponit : quia qui diligit Deum,
consequens est ut faciat quae praecepit Deus; consequens ergo est ut proximum
diligat, quia et hoc praecepit Deus; unde et hic sequitur vos amici mei
estis, si feceritis quae ego praecipio vobis. Gregorius Moralium. Amicus
quippe quasi animae custos dicitur : unde non immerito qui voluntatem Dei
custodire in praeceptis illius dicitur, eius amicus vocatur. Augustinus
in Ioannem. Magna dignatio. Cum servus bonus esse non possit, si praecepta
domini sui non fecerit; hinc amicos suos voluit intelligi, unde boni servi
possunt probari. Potest igitur esse et servus et amicus qui servus est bonus.
Quomodo autem intellecturi sumus et servum et amicum esse servum bonum,
declarat cum subdit iam non dicam vos servos, quia servus nescit quid faciat
dominus eius. Itaque tunc servi non erimus quando boni servi fuerimus.
Numquid servo bono et probato dominus eius non etiam sua secreta committit?
Sed sicut sunt duo timores, sic sunt duae servitutes. Est timor quem perfecta
caritas mittit foras, in quo etiam est servitus simul foras cum ipso timore
mittenda; et est alius timor castus, permanens in saeculum saeculi. Ad primam
ergo servitutem servos pertinentes intuebatur dominus dicens iam non dicam
vos servos, quia servus nescit quid faciat dominus eius : non ille utique
servus ad timorem pertinens castum, cui dicitur : euge, serve bone (..).
intra in gaudium domini tui; sed ille servus pertinens ad timorem foras a
caritate mittendum, de quo alibi dicitur : servus non manet in domo in
aeternum : filius autem manet in aeternum. Quoniam itaque dedit nobis
potestatem filios Dei fieri, ut miro modo servi, non servi esse possimus, hoc
dominum facere scimus. Hoc servus ille nescit, qui nescit quid faciat dominus
eius; et cum aliquid boni facit, sic extollitur quasi hoc ipse faciat, et non
dominus eius; et in se, et non in domino gloriatur. Sequitur vos autem dixi
amicos, quia omnia quaecumque audivi a patre meo, nota feci vobis.
Theophylactus. Quasi dicat : servus non novit consilia sui domini; vos
autem cum amicos reputem, secreta mea vobis communicavi. Augustinus in
Ioannem. Quo autem pacto intellecturi sumus, omnia eum nota fecisse
discipulis quaecumque audivit a patre, cum propterea multa non dicat eis quia
scit eos modo portare non posse? Sed omnia se nota fecisse discipulis dicit,
quae se novit nota esse facturum in illa plenitudine, de qua dicit apostolus
: tunc cognoscam sicut et cognitus sum. Sicut enim mortalitatem carnis et
salutem animarum futuram expectamus, ita omnium notitiam quaecumque
unigenitus audivit a patre, futuram expectare debemus. Gregorius in
Evang. Vel omnia quae audivit a patre, quae nota fieri voluit servis suis,
sunt gaudia internae caritatis et festa supernae patriae, quae nostris
quotidie mentibus per aspirationem sui amoris imprimit : dum enim audita
superna caelestia amamus, amata iam novimus, quia amor ipse notitia est.
Omnia ergo nota eis fecerat, quia a terrenis desideriis immutati, amoris
summi facibus ardebant. Chrysostomus in Ioannem. Vel omnia dicit
quaecumque eos audire oportebat. Per hoc autem quod dicit se audisse,
ostendit quod nihil alienum loquitur, sed quae patris. Gregorius. Sed
quisque ad hanc pervenit dignitatem ut amicus Dei vocetur, dona quae percipit
super se, non suis meritis tribuat; unde subditur non vos me elegistis, sed
ego elegi vos. Augustinus in Ioannem. Haec est ineffabilis gratia :
quid enim eramus quando Christum nondum elegeramus, nisi iniqui et perditi?
Neque enim credideramus in eum, ut eligeret nos : nam si credentes elegit,
eligentes elegit. Hic certe vacat vana illorum ratio qui ideo nos dicunt
electos ante mundi constitutionem, quia praescivit nos Deus futuros bonos,
non seipsum nos facturum bonos : quoniam si propterea nos elegisset quia
bonos futuros esse praescierat, simul etiam praescisset quod eum nos
fuissemus prius electuri : non enim aliter possumus esse boni; nisi forte
dicendus est bonus qui non elegit bonum. Quid ergo elegit in non bonis? Non
est ut dicas : ideo electus sum quia iam credebam; si enim credebas in eum,
iam elegeras eum. Nec est ut dicas : antequam crederem iam bona operabar,
ideo electus sum. Quid enim est boni operis ante fidem? Quid ergo dicturi
sumus, nisi quia mali eramus, et electi sumus ut boni per gratiam nos
eligentis essemus? Augustinus de Praedest. Sanct. Electi sunt itaque
ante mundi constitutionem ea praedestinatione in qua Deus sua futura facta
praescivit; electi autem de mundo ea vocatione qua Deus id quod
praedestinavit implevit : quos enim praedestinavit, hos et vocavit.
Augustinus in Ioannem. Et videte quemadmodum non eligat bonos, sed quos
elegit, faciat bonos; nam sequitur et posui vos ut eatis et fructum
afferatis. Iste est fructus de quo iam dixerat : sine me nihil potestis
facere. Ipse est via, in qua nos posuit, ut eamus. Gregorius. Posui
ergo vos, scilicet ad gratiam plantavi, ut eatis volendo, quia velle iam
mente ire est; et fructum afferatis operando. Qualem vero fructum afferre
debeant significat cum addit et fructus vester maneat : omne enim quod
secundum praesens saeculum laboramus, vix usque ad mortem sufficit : mors
namque interveniens fructum nostri laboris abscindit. Quod vero pro aeterna
vita agitur, etiam post mortem servatur; et tunc apparere incipit, cum
laborum carnalium fructus coeperit non videri. Tales ergo fructus operemur
qui maneant, qui, cum mors cuncta interimat, ipsi exordium a morte sumant.
Augustinus. Dilectio ergo est fructus noster; quae nunc est in desiderio,
nondum in saturitate. Et ipso desiderio quodcumque petierimus in nomine
unigeniti filii, dat nobis pater; unde sequitur ut quodcumque petieritis
patrem in nomine meo, det vobis. Hoc petimus in nomine salvatoris quod
pertinet ad rationem salutis. Lectio 5 [86118] Catena in Io., cap. 15 l. 5 Augustinus in
Ioannem. Dixerat dominus : posui vos ut eatis et fructum afferatis :
caritas autem fructus noster est : de hoc itaque fructu mandans nobis, dicit
haec mando vobis ut diligatis invicem. Unde et apostolus : fructus, inquit,
spiritus caritas, ac deinde cetera tamquam ex isto capite exorta et religata
contexuit. Merito itaque sic dilectionem saepe commendat tamquam sola
praecipienda sit, sine qua non possunt prodesse cetera bona, et quae non
potest haberi sine ceteris bonis, quibus homo efficitur bonus.
Chrysostomus in Ioannem. Vel aliter continua. Dixi quoniam animam meam pro
vobis pono, et quia primum vos elegi. Haec autem omnia non exprobrans dixi,
sed ad dilectionem vos inducens ut diligatis invicem. Deinde, quia
persecutionem pati et a multis exprobrari difficile erat, ostendit
consequenter quod non dolere, sed laetari oportet; unde sequitur si mundus
vos odit, scitote quia me priorem vobis odio habuit; quasi dicat : scio hoc
esse durum, sed propter me patiemini. Augustinus in Ioannem. Cur enim
se membra supra verticem extollunt? Recusas esse in corpore, si non vis mundi
odium sustinere cum capite. Pro dilectione autem patienter debemus etiam
mundi odium sustinere : necesse est enim ut nos oderit, quos cernit nolle
quod diligit; unde sequitur si de mundo fuissetis, mundus quod suum erat
diligeret. Chrysostomus. Quia enim propter Christum pati nondum erat
eis sufficiens mitigationis causa; illa causa dimissa, hanc adiecit,
ostendens quod hoc est virtutis argumentum a mundo odio haberi; unde dolere
oporteret si a mundo diligeremini : hoc enim esset malitiae vestrae
ostensivum. Augustinus. Universae autem hoc dicit Ecclesiae, quam
plurimum mundi nomine appellat, sicut est illud : Deus erat in Christo,
mundum reconcilians sibi. Totus ergo mundus Ecclesia est, et totus mundus
odit Ecclesiam. Mundus igitur odit mundum, inimicus reconciliatum, inquinatus
mundatum. Quaeri ergo potest : si etiam mali faciunt persecutionem malis,
sicut impii reges et iudices cum essent persecutores piorum, utique et
homicidas et adulteros puniebant; quomodo intelligendum est quod dominus ait
si de mundo essetis, mundus quod suum erat diligeret? Nisi quia mundus est in
eis a quibus talia scelera puniuntur, et mundus est in eis a quibus
diliguntur. Mundus ergo odit quod suum est ex ea parte hominum qua sceleratis
nocet, et diligit quod suum est ex ea parte qua ipsis favet. Si etiam
quaeratur quomodo se diligat mundus qui odit modum redemptionis; diligit
utique falsa dilectione, non vera : quoniam quod ei nocet hoc diligit : odit
naturam, diligit vitium : unde et nos prohibemur diligere in illo quod ipse
diligit, et iubemur diligere quod ipse odit in seipso. Vitium quippe in illo
diligere prohibemur, iubemurque naturam. Ut autem de hoc mundo damnato non
essent, electi sunt inde non meritis suis, quorum nulla bona praecesserant
opera; non natura, quae tota fuerat in ipsa radice vitiata, sed gratia; unde
sequitur quia vero de mundo non estis, sed ego elegi vos de mundo, propterea
odit vos mundus. Gregorius super Ezech. Nam perversorum derogatio
vitae nostrae approbatio est : quia iam ostenditur nos aliquid iustitiae
habere, si illis displicere incipimus qui non placent Deo : nemo enim potest
in una eademque re omnipotenti domino atque eius hostibus gratus existere :
nam se Deo amicum denegat qui eius placet inimico; et inimicis veritatis adversabitur
qui eidem veritati in mente subiugabitur. Augustinus. Exhortans autem
dominus suos servos ad mundi odia perferenda patienter, nullum eis maius et
melius quam de seipso proponit exemplum; unde sequitur mementote sermonis mei
quem ego dixi vobis : non est servus maior domino suo. Si me persecuti sunt,
et vos persequentur; si sermonem meum servaverunt, et vestrum servabunt.
Glossa. Idem observaverunt ut calumniarentur, iuxta illud : observabit
peccator iustum. Theophylactus. Vel aliter. Si dominum, inquit,
persecuti sunt, vos etiam servos multo magis; si non persecuti fuissent, sed
sermonem custodivissent, vestrum etiam custodirent. Chrysostomus in
Ioannem. Quasi dicat : non vos turbari oportet, si communicabitis meis
passionibus : quia vos non estis me potiores. Augustinus. Hic autem
ubi dicitur non est servus maior domino, illum significat servum pertinentem
ad timorem castum, qui permanet in saeculum saeculi. Chrysostomus. Deinde
et aliam mitigationem ponit, quoniam et pater cum eis contumeliam patitur,
cui iniuriantur; unde sequitur sed haec omnia facient vobis propter nomen
meum. Augustinus. Quae omnia nisi quae dixit, quod odio habebunt, et
persequentur, sermonemque contemnent? Quid est autem aliud dicere propter
nomen meum, quam me in vobis odio habebunt, me in vobis persequentur, et
sermonem vestrum, quia meus est, ideo non servabunt? Tanto igitur miseriores
qui propter hoc nomen ista faciunt, quanto beatiores qui propter hoc nomen
ista patiuntur. Faciunt autem et ista malis; sed utrique miseri, et qui
faciunt, et qui patiuntur. Quomodo autem hoc erit verum haec omnia facient
vobis propter nomen meum, cum illi non propter nomen Christi faciant, hoc est
propter iustitiam, sed propter iniquitatem suam? Haec quaestio ita solvitur,
si totum referatur ad iustos, tamquam dictum sit : haec patiemini ab eis
propter nomen meum. Si autem propter nomen meum sic accipitur, idest quod in
vobis oderunt, et propter iustitiam quam in vobis oderunt : similiter recte
dici possunt et boni, cum persecutionem faciunt malis, et propter iustitiam
facere, quam diligendo persequuntur malos; et propter iniquitatem, quam
oderunt in ipsis malis. Quod autem addit quia nesciunt eum qui misit me,
secundum eam scientiam dictum est qua dicitur : scire te, sensus est
consummatus. Lectio 6 [86119] Catena in Io., cap. 15 l. 6 Chrysostomus
in Ioannem. Ponit iterum dominus aliam discipulorum mitigationem,
ostendens quoniam iniuste et in ipsum, et in discipulos talia operabuntur;
unde dicitur si non venissem et locutus eis non fuissem, peccatum non
haberent. Augustinus in Ioannem. Iudaeis locutus est Christus, non
aliis gentibus. In eis ergo voluit intelligi mundum, qui odit Christum et
discipulos eius; immo vero non eos solos, sed nos quoque ad eundem mundum
pertinere monstravit. Numquid ergo sine peccato erant Iudaei, quibus Christus
locutus est, antequam Christus in carne venisset? Sed magnum quoddam
peccatum, non omne peccatum sub generali nomine vult intelligi : hoc est enim
peccatum quo tenentur cuncta peccata, quod unusquisque si non habeat,
dimittuntur ei cuncta peccata; hoc autem est, quia non crediderunt in
Christum, qui propterea venit ut credatur in eum. Hoc ergo peccatum, si non
venisset, non utique haberent : adventus enim eius quantum credentibus
salutaris, tantum non credentibus exitialis factus est. Sequitur nunc autem
excusationem non habent de peccato suo. Si autem hi ad quos non venit
Christus, nec locutus est eis, excusationem non habent de peccato suo; cur
hic dictum est, propterea istos non habere, quia venit et locutus est eis? Si
autem habent, utrum ad hoc habent ut a poenis alienentur, aut ut mitius
puniantur? Ad haec inquisita respondeo, eos habere excusationem, non de omni
peccato suo, sed de hoc peccato suo, quo in Christum non crediderunt. Sed non
in eo sunt numero illi ad quos per discipulos venit : non sunt enim in poena
leviori ponendi qui omnino legem Christi accipere noluerunt, et eam, quantum
ad ipsos attinet, omnino nullam esse voluerunt. Hanc etiam excusationem
possunt habere qui priusquam Evangelium Christi audirent, vitae huius fine
praeventi sunt; sed non ideo possunt effugere damnationem. Quicumque enim
homines, nisi in eo salvatore salventur qui venit quaerere quod perierat, ad
perditionem sine dubio pertinebunt. Quamvis dici possit, alios leviores, alios
graviores poenas passuros. Ille enim perire Deo dicitur, qui ab illa
beatitudine quam dat sanctis suis, per supplicium separatur. Tanta est autem
diversitas suppliciorum, quanta est diversitas peccatorum : quae quomodo se
habeat, altius iudicat sapientia divina, quam coniectura scrutatur aut
effatur humana. Chrysostomus. Quia vero hinc inde causabantur, quoniam
propter patrem eum persequebantur, destruens eorum excusationem, dicit qui me
odit, et patrem meum odit. Alcuinus. Sicut enim qui diligit filium,
diligit et patrem, quia una est dilectio patris et filii, sicut una natura;
ita et qui odit filium, odit patrem. Augustinus in Ioannem. Sed cum
superius dixerit : nesciunt eum qui me misit, quomodo possunt odisse quem
nesciunt? Si enim Deum, non quod est ipse, sed nescio quid aliud eum
suspicantur aut credunt, non utique ipsum oderunt. Et de hominibus quidem
fieri potest ut eos saepe quos numquam vidimus oderimus vel diligamus, fama
de aliquo sermocinante vel bene vel male. Sed quomodo de quo natura nobis
intimatur, dicendus est ignotus? Non enim eius facie corporali nobis
intimatur; sed tunc nobis ad cognitionem patet quando eius mores et vita non
latent : alioquin nec seipsum nosse quisquam potest, qui videre faciem suam
non potest. Sed plerumque in eis nostra credulitas fallitur : quia nonnunquam
et historia, et multo magis fama mentitur. Pertinet autem ad nos ut, quia non
possumus hominum indagare conscientiam, de ipsis rebus habeamus veram
certamque sententiam. Quando ergo non erratur in rebus, ut recta sit
improbatio vitiorum, virtutumque approbatio; si erratur in hominibus,
venialis est humana tentatio. Proinde, sicut fieri potest ut homo bonus
hominem bonum oderit, nesciens, non ipsum, sed quod putat esse ipsum; vel
potius diligat nesciens, cum bonum diligit, quod est ille; ita fieri potest
ut homo iniustus hominem oderit iustum; et tamen dum eum credit iniustum,
diligat non ipsum, sed quod putat esse ipsum; quemadmodum autem homines, sic
et Deum. Deinde, si interrogarentur Iudaei utrum diligerent Deum, se diligere
responderent, non ex animo mentientes, sed errando potius opinantes : quomodo
enim diligerent patrem veritatis qui habent odio veritatem? Nolunt enim sua
facta damnari; et hoc habet veritas. Tantum igitur oderunt veritatem quantum
oderunt suas poenas, quas talibus irrogat. Nesciunt autem illam esse
veritatem, quae tales quales ipsi sunt damnat; ac per hoc quia veritatem, qua
iudicante damnantur, de patre Deo natam nesciunt, etiam ipsum et nesciunt et
oderunt. Chrysostomus. Sic igitur non habent, inquit, excusationem,
per hoc quod eam quae a sermonibus doctrinam tribuebam, sed et eam quae ab
operibus adieci, secundum Moysi legem, qui ab eo qui hoc facit, persuaderi
universos iussit; cum ad pietatem ducat, et miracula tribuat. Unde subdit si opera
non fecissem in eis quae nemo alius fecit, peccatum non haberent.
Augustinus in Ioannem. Hoc scilicet peccatum quo in eum loquentem et
operantem non crediderunt. Sed quid est quod addidit quae nemo alius fecit?
Nulla quippe in operibus Christi videntur esse maiora quam suscitatio
mortuorum, quod scimus etiam antiquos fecisse prophetas. Fecit tamen aliqua
Christus quae nemo alius fecit. Sed respondetur nobis, et alios fecisse quae
nec ipse nec alius fecit. Sed quod tam multa vitia et malas valetudines vexationesque
mortalium tanta potestate sanaret, nullus omnino legitur antiquorum. Ut enim
taceatur quod iubendo, sicut occurrebant, salvos singulos fecit : Marcus
dicit quod quocumque introibat in vicos vel in villas aut in civitates, in
plateis ponebant infirmos, et deprecabantur, ut vel fimbriam vestimenti eius
tangerent; et quotquot tangebant eum, salvi fiebant. Haec nemo alius fecit in
eis. Sic enim intelligendum est quod ait in eis, non inter eos vel coram eis,
sed prorsus in eis : quia sanavit eos. Nemo tamen alius fecit quicumque talia
opera in eis fecit : quoniam quisquis alius homo aliquid eorum fecit, ipso
faciente facit; haec autem ipse non illis facientibus fecit. Sed haec etsi
pater aut spiritus sanctus fecit, nemo alius fecit, quia totius Trinitatis
una substantia est. His ergo beneficiis amorem, non odium retribuere
debuerunt; et hoc eis exprobrans, adiungit dicens nunc autem viderunt et
oderunt me et patrem meum. Chrysostomus. Hoc autem dicit, ne discipuli
dicant : cur igitur intra tot nos induxisti mala? Nonne praelia et odium
praevidisti? Sed et prophetiam inducit, cum subdit sed ut adimpleatur sermo
qui in lege eorum scriptus est : quia odio habuerunt me gratis.
Augustinus de Trin. Legis nomine aliquando simul omnia veteris testamenti
sanctarum Scripturarum significantur eloquia : et ita dominus hic dicit in
lege eorum scriptus est, cum legatur in Psalmis. Augustinus in Ioannem. Eorum
autem legem dicit, non ab ipsis inventam, sed ipsis datam. Gratis odit qui
nullum ex odio commodum quaerit, vel incommodum fugit : sic oderunt Deum
impii, sic diligunt iusti, ut alia praeter illum bona non expectent : quoniam
ipse erit in omnibus omnia. Gregorius Moralium. Aliud est autem bona
non facere, aliud bonorum odisse doctorem : sicut aliud est ex praecipitatione,
aliud ex deliberatione peccare. Ex infirmitate enim plerumque solet accidere
amare bonum, sed implere non posse. Ex studio autem peccare, est bonum nec
facere nec amare. Sicut ergo nonnumquam gravius est peccatum diligere quam
perpetrare, ita nequius est odisse iustitiam quam non fecisse. Sunt ergo
nonnulli in Ecclesia, qui non solum bona non faciunt, sed etiam persequuntur;
et quae ipsi facere negligunt, etiam in aliis detestantur. Horum peccatum non
ex infirmitate aut ignorantia, sed ex solo studio perpetratur. Lectio 7 [86120] Catena in Io., cap. 15 l. 7 Chrysostomus
in Ioannem. Possent discipuli domino dicere : si verba a te audierunt quae nullus
dixit; si opera viderunt quae nullus alius fecit, et tamen non profuerunt; si
oderunt et patrem tuum et te cum eo, cuius gratia nos mittis, qualiter digni
fide erimus? Ne igitur haec cogitantes turbentur, consolationem inducit,
dicens cum autem venerit Paraclitus, quem ego mittam vobis a patre, spiritum
veritatis, qui a patre procedit, ille testimonium perhibebit de me. Augustinus
in Ioannem. Tamquam diceret : odio me habuerunt et occiderunt videntes :
sed tale de me testimonium Paraclitus perhibebit, ut eos faciat in me credere
non videntes : et quia ille perhibebit, et vos perhibebitis; unde sequitur et
vos testimonium perhibebitis. Ille cordibus vestris inspirando, vos vocibus
vestris sonando; unde poteritis praedicare quod nostis quia ab initio mecum
estis : quod modo non facitis, quia illius spiritus plenitudo nondum adest
vobis. Dabit enim vobis fiduciam testimonium perhibendi caritas Dei diffusa
in cordibus vestris per spiritum sanctum qui dabitur vobis. Ille quippe
testimonium perhibens, et testes fortissimos faciens, abstulit amicis Christi
timorem, et inimicorum odium convertit in amorem. Didymus de spiritu
sancto. Spiritum autem sanctum venientem consolatorem dicit, ab operatione
ei nomen imponens : quia non solum eos quos se dignos esse reperit, ab omni
perturbatione reddit alienos, verum incredibile quoddam gaudium eis tribuit :
sempiterna quippe laetitia in eorum corde versatur quorum spiritus sanctus
habitator est. Iste spiritus consolator a filio mittitur, non secundum
Angelorum aut prophetarum aut apostolorum ministerium, sed ut mitti decet a
sapientia et virtute spiritum Dei indivisam habentem cum eadem sapientia et
virtute naturam. Etenim filius missus a patre non separatur atque disiungitur
ab eo, manens in illo, et habens illum in semetipso. Qui spiritus sanctus
supradicto modo missus a filio, de patre egreditur, non aliunde ad alia transmigrans.
Quomodo enim pater non consistit in loco, cum ultra omnem corporum sit
naturam; ita et spiritus veritatis nequaquam locorum fine clauditur, cum sit
incorporalis, et excedens universam creaturarum essentiam. Chrysostomus. Propterea
vero non spiritum sanctum, sed spiritum veritatis eum vocavit, ut ostendat
quod erit fide dignus. Dicit autem quod a patre procedit, quia omnia
certissime novit, quemadmodum ipse ait de seipso : quoniam novi unde venio et
quo vado. Didymus. Sed cum posset dicere : a Deo, sive : omnipotente,
potente, nihil horum tetigit; sed ait a patre, non quod pater a Deo
omnipotente sit alius; sed secundum proprietatem patris intellectum
parientis, egredi ab eo dicitur spiritus veritatis. Mittente autem filio
spiritum veritatis, simul mittit et pater, cum eadem voluntate patris et
filii, spiritus veniat. Theophylactus. Et alias quidem patrem dicit
mittere spiritum; nunc autem cum se missurum dixit, aequipollentiam denotat.
Ne autem censeretur reniti contra patrem, velut ab alia potestate transmittens
spiritum, addidit a patre; quasi acceptante patre, et pariter destinante. Cum
autem audis quod procedit, ne intelligas processum missionem esse illatam
extrinsecus, qua mittuntur administratorii spiritus; sed quoddam differens,
et exceptae actionis proprium processum appellat uni principali spiritui
attributum : originalis enim consistentia spiritus est processus. Non ergo
procedere pro mittere sumendum est, sed ex patre naturalem essentiam obtinere.
Augustinus in Ioannem. Hic aliquis forsitan quaerit utrum et a filio
procedat spiritus sanctus : filius enim solius patris est filius, et pater
solius filii est pater : spiritus autem sanctus non est unius eorum spiritus,
sed amborum, quandoquidem dicit ipse Christus : spiritus patris vestri qui
loquitur in vobis; et dicit apostolus : misit Deus spiritum filii sui in
corda vestra. Nec ob aliud aestimo ipsum proprie vocari spiritum, cum etiam
si de singulis interrogemur, non possimus nisi et patrem et filium spiritum
dicere. Quod ergo communiter vocantur et singuli, hoc proprie vocari oportuit
eum qui non est unus eorum, sed in quo communitas apparet eorum amborum. Cur
ergo non credamus quod etiam de filio procedat spiritus sanctus, cum filii
quoque ipse sit spiritus? Si enim ab eo non procederet, non post
resurrectionem discipulis suis insufflasset, dicens : accipite spiritum
sanctum. De hac quoque virtute credendus est dicere Evangelista : virtus de
illo exibat, et sanabat omnes. Si ergo et de patre et de filio procedat
spiritus sanctus, cur filius dixit de patre procedit, nisi quemadmodum solet
ad eum referre et quod ipsius est de quo ipse est? Unde illud est quod ait :
mea doctrina non est mea, sed eius qui me misit. Si igitur haec intelligatur
eius doctrina, quam tamen dixit non suam, sed patris : quanto magis
intelligendus est et de ipso procedere spiritus sanctus, ubi sic ait de patre
procedit, ut non diceret : de me non procedit. A quo autem habet filius ut
sit Deus, ab illo habet utique ut procedat ab eo spiritus sanctus. Hinc
utcumque et illud intelligitur, cur non dicatur natus esse, sed potius
procedere spiritus sanctus : quoniam si et ipse filius diceretur, amborum
utique filius diceretur, quod absurdissimum est : filius quippe nullus est
duorum, nisi patris et matris. Absit autem ut inter Deum patrem et Deum
filium tale aliquid suspicemur, quia nec filius hominum simul ex patre et ex
matre procedit; sed cum in matrem procedit ex patre, non tunc procedit et ex
matre. Spiritus autem sanctus non de patre procedit in filium et de filio
procedit ad sanctificandam creaturam; sed simul de utroque procedit. Neque
enim possumus dicere quod non sit vita spiritus sanctus, cum vita pater, vita
sit filius; ac per hoc sicut pater, cum habeat vitam in semetipso, dedit et
filio vitam habere in semetipso, sic ei dedit vitam procedere de illo, sicut
procedit et de seipso. |
CHAPITRE XV
Versets 1-7
S. Jean Chrysostome : (hom. 75 sur S. Jean) Après leur avoir
déclaré qu'ils purs à cause des instructions qu'il leur avait données, il
leur enseigne à faire ce qui dépend d'eux pour prêter leur concours à la
grâce : « Demeurez en moi, et moi en vous. » — S. Augustin : (Traité 81 sur S. Jean. ) Ils n'étaient pas en lui
de la même, manière qu'il était en eux, car cette union réciproque ne pouvait
être utile qu'à eux seuls. Les branches sont unies étroitement à la vigne,
mais sans lui rien communiquer; tandis que c'est d'elle qu'ils tirent le
principe de leur vie. La vigne, au contraire, est unie aux branches de
manière à leur communiquer sa sève vivifiante, sans rien recevoir d'eux.
Ainsi cette demeure de Jésus-Christ dans les apôtres et des apôtres dans
Jésus-Christ, n'a d’autre but que leur avantage et non celui de Jésus-Christ.
C'est pour cela qu'il ajoute : « De même que la branche ne peut porter de
fruit si elle ne demeure unie à la vigne, ainsi vous ne le pouvez non plus si
vous ne demeurez en moi. » Quel magnifique éloge de la grâce ! Comme il est
propre à instruire les cœurs des humbles et à fermer la bouche des superbes !
N'est-ce pas contredire cette vérité que de ne pas croire à la nécessité d'un
secours divin pour faire le bien, et ceux qui sont dans cette erreur que
font-ils ? Loin d'affirmer et de défendre le libre arbitre, ils ne font que
le ruiner. Celui qui s'imagine pouvoir porter du fruit par lui-même, n'est pas
uni à la vigne; celui qui n'est pas dans la vigne n'est pas dans
Jésus-Christ, et celui qui n'est pas dans Jésus-Christ n'est pas chrétien. — Alcuin : Tout le fruit des bonnes
oeuvres vient comme de sa racine, de celui qui nous a délivrés par sa grâce, et
nous donne par son secours une force nouvelle pour nous faire produire du
fruit en plus grande abondance. Aussi Notre Seigneur revient sur cette
vérité, en lui donnant un plus grand développement : « Je puis la vigne, et
vous êtes les branches; si quelqu'un demeure en moi (par la foi,
l'obéissance, la persévérance), et moi en lui, (par les lumières que je
répands dans son âme, par ma grâce et le don de persévérance), celui-là, (à
l'exclusion de tout autre), portera beaucoup de fruit. » — S. Augustin : Et que personne ne
s'imagine que la branche puisse produire par elle-même quelque peu de fruit,
car Notre Seigneur ajoute : « Sans moi, vous ne pouvez rien faire. » Il ne
dit pas : Vous pourrez faire peu de chose, car si la branche ne demeure
attachée à la vigne, et ne tire de sa racine la sève qui lui donne la vie,
elle ne peut absolument produire aucun fruit. Or, bien que Jésus-Christ ne
pût être la vigne, s'il n'était homme, cependant il ne pourrait communiquer
une si grande vertu aux branches, s'il n'était également Dieu. S. Jean Chrysostome : Vous voyez que le Fils procure autant de
grâces aux disciples que le Père. Le Père émonde les branches, le Fils les
tient unies avec lui, et leur donne ainsi la vertu de produire des fruits. Et
cependant nous avons vu qu'il appartient aussi au Fils d'émonder, de même que
le Père qui a engendre la racine, nous donne aussi de demeurer attaché à la
racine; c'est donc déjà un grand malheur que de ne pouvoir rien faire
absolument; toutefois Notre Seigneur ne s'arrête pas là, et il ajoute : «
Celui qui ne demeure pas en moi, sera jeté comme le sarment (c'est-à-dire,
qu'il n'aura aucune part aux soins du vigneron), et il séchera (c'est-à-dire,
qu'il perdra le peu de sève qu'il avait reçue de la racine, et qu'il sera
privé de tout secours et de la vie), et on le ramassera. » — Alcuin : (Ce sont les anges qui le
recueilleront), et on le jettera au feu, et il brûlera. — S. Augustin : Car plus le bois de la
vigne est précieux, s'il demeure uni à la vigne, plus il est vil et méprisable
s'il vient à en être détaché, il n'y a pour la branche d'autre alternative
que d'être unie à la vigne ou d'être jetée dans le feu. Si elle ne reste
point attachée à la vigne, elle sera jetée au feu; qu'elle demeure donc unie
à la vigne pour éviter le feu. S. Jean Chrysostome : Notre Seigneur explique ensuite ce que c'est
que de demeurer en lui : « Si vous demeurez en moi et que mes paroles
demeurent en vous, vous demanderez tout ce que vous voudrez, et il vous sera
accordé. » Ce qu'il demande, c'est le témoignage des œuvres. — S. Augustin : Ses paroles demeurent
en nous, lorsque nous accomplissons ses commandements et que nous aimons ses
promesses, mais si ses paroles ne restent que dans la mémoire, et qu'on n'en
trouve aucune trace dans la vie, le sarment ne fait plus partie de la vigne,
parce qu'il ne tire plus sa vie de la racine. Or, que peuvent vouloir ceux
qui demeurent en Jésus-Christ, que ce qui a rapport à leur salut ? En effet,
ce que nous voulons lorsque nous sommes unis à Jésus-Christ, est tout
différent de ce que nous voulons, lorsque nous sommes encore attachés au
monde. Il arrive quelquefois que la partie de nous-mêmes qui demeure encore
dans le monde, nous suggère des prières dont nous ne voyons pas l'opposition
avec notre salut, mais loin de nous la pensée que nous obtenions ce que nous
demandons, si nous demeurons eu Jésus-Christ, qui n'exauce que les prières
qui nous sont utiles. La prière qui commence par ces mots : « Notre Père, »
fait partie des paroles de Jésus-Christ, dont il est ici question, prenons
donc soin de ne pas nous écarter dans nos demandes des paroles et de l'esprit
de cette divine prière, et tout ce que nous demanderons nous sera
infailliblement accordé. Versets 8-11.
S. Jean Chrysostome : (hom. 75 sur S. Jean). Notre Seigneur venait
de déclarer à ses disciples, que ceux qui lui tendaient des embûches et ne
demeuraient pas en Jésus-Christ, seraient condamnés au feu; il leur prédit
maintenant qu'ils seront à l'épreuve de toutes les attaques, et qu'ils
porteront beaucoup de fruits : « C'est la gloire de mon Père que vous portiez
beaucoup de fruit, » c'est-à-dire, si la gloire de mon Père est intéressée à
ce que vous portiez du fruit, il ne négligera pas sa gloire; or, celui qui
produit du fruit est disciple de Jésus-Christ, comme l'ajoute Notre Seigneur :
« Et que vous devenez mes disciples. » — Théophylactus
: Le fruit que devaient porter les Apôtres sont les nations qu'ils ont
enchaînées à la foi par leurs enseignements, et dont ils ont fait autant
d'instruments de la gloire de Dieu. — S.
Augustin : (Traité 82 sur S. Jean). Que l'on traduise, c'est l'honneur ou
la gloire, clarificatus, sive glorificatus, l'un et l'autre de ces deux mots
sont la traduction du même mot grec δόζα, en latin,
gloria, gloire; j'ai cru utile de faire cette remarque, pour que nous ne
soyons pas tentés de tourner à notre propre gloire le mérite de nos bonnes
oeuvres, comme s'il venait de nous, car il vient de sa grâce, et nous devons
lui en renvoyer exclusivement la gloire. Qui pourrait, en effet, nous faire
produire du fruit, si ce n'est celui dont la miséricorde nous a prévenus ?
Aussi le Sauveur ajoute-t-il : « Comme mon Père m'a aimé, moi aussi je vous
ai aimés. » Voilà pour nous le principe de toutes les bonnes oeuvres, et d'où
pourraient-elles venir, si ce n'est de la foi qui opère par la charité ? Et
comment aurions-nous pu l'aimer, s'il ne nous aimait le premier ? Quant à ces
paroles : « Comme mon Père m'a aimé, moi aussi je vous aime, » elles
n'emportent pas l'égalité de nature entre nous et Jésus-Christ, comme elle
existe entre son Père et lui, elles signifient simplement la grâce du
médiateur de Dieu et des hommes, Jésus-Christ homme. C'est cette médiation
qu'il veut exprimer, lorsqu'il dit : « Comme mon Père m'a aimé, moi aussi je
vous ai aimés, » car le Père nous aime aussi, mais en Jésus-Christ. S. Jean Chrysostome : Si donc le Père vous aime, prenez confiance,
et s'il y va de la gloire du Père, efforcez-vous de produire du fruit. Et
pour prévenir toute négligence de leur part, il ajoute : « Demeurez dans mon
amour. » Comment ? « Si vous gardez mes commandements, » etc. — S. Augustin : Qui doute que l'amour
ne précède l'observation des commandements ? Celui qui n'aime pas, n'a aucun
motif de garder les commandements. Ce n'est donc point le principe et la
cause, mais les effets de l'amour que le Sauveur veut nous indiquer ici, afin
que personne ne s'illusionne en affirmant qu'il aime Dieu, sans garder ses
commandements ? Toutefois ces paroles : « Demeurez dans mon amour, » ne
précisent pas de quel amour Notre Seigneur veut parler, de celui que nous
avons pour lui, ou de celui qu'il a pour nous; et ce n'est que par ce qui
précède que nous pouvons le savoir. En effet, après avoir dit : « Je vous ai
aimés, » il ajoute aussitôt : « Demeurez dans mon amour, » c'est-à-dire, dans
l'amour dont il les a aimés. Or, que signifient ces paroles : « Demeurez dans
mon amour ? » persévérez dans ma grâce ? Et que veut-il dire quand il ajoute
: « Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour ? » Le
signe certain que vous persévérez dans l'amour que j'ai pour vous, c'est la
fidélité à observer mes commandements. Ce n'est donc point pour mériter son
amour que nous observons ses commandements, mais nous ne pouvons les
observer, s'il ne nous aime le premier. C'est la grâce qui est révélée aux
humbles et qui demeure cachée aux superbes. Mais quel est le sens des paroles
suivantes : « Comme moi-même j'ai gardé les commandements de mon Père, et je
demeure dans son amour ? » Le Sauveur veut aussi parler de l'amour que son
Père a pour lui. Mais devons-nous entendre que le Père aime son Fils par
grâce, dans le même sens que nous sommes redevables à la grâce de l'amour du
Fils, alors que nous sommes les enfants de Dieu, non par nature, mais par
grâce, tandis que le Fils unique est Fils par nature et non par grâce ? Ou
bien faut-il entendre ces paroles du Fils de Dieu fait homme ? Oui, sans
doute, car ces paroles : « Comme le Père m'a aimé, moi aussi je vous aime, »
expriment la grâce du médiateur; or c’est comme homme et non comme Dieu que
Jésus-Christ est médiateur de Dieu et des hommes. Nous pouvons donc, dire en
toute vérité, que bien que la nature humaine n'ait point de rapport avec la
nature divine, cependant elle a été unie à la personne du Fils de Dieu, par
un effet de la grâce, et d'une grâce si extraordinaire, qu'il n'en est ni de
plus grande, ni même d'égale. En effet, cette union de la nature divine avec
la nature humaine, n'est la récompense d'aucun mérite de la part de l'homme,
et c'est de cette union, au contraire, que les mérites des hommes ont découlé
comme de leur source. — Alcuin : Or
l'Apôtre nous apprend de quels préceptes le Sauveur a voulu ici parler
lorsqu'il dit : « Jésus-Christ s'est rendu obéissant à son Père jusqu'à la
mort, et jusqu'à la mort de la croix. » (Ph 2, 8). S. Jean Chrysostome : (hom. 77 sur S. Jean). Mais comme sa passion
qui approchait et de tristes paroles étaient de nature à troubler et
interrompre leur joie; le Sauveur ajoute : « Je vous ai dit ces choses afin
que ma joie soit en vous, et que cette joie soit pleine et parfaite, »
c'est-à-dire, bien que la tristesse doive s'emparer de vous, je la dissiperai
et je la changerai à la fin en joie. — S.
Augustin : (Traité 83). Quelle est cette joie de Jésus-Christ en nous, si
ce n'est celle dont il daigne se réjouir à notre occasion ? Et quelle est
notre joie dont il nous prédit le parfait accomplissement, si ce n'est la
participation à son propre bonheur ? La joie qu'il avait à notre sujet était
déjà parfaite, quand il nous prédestinait dans sa prescience divine, mais
cette joie n'était pas encore en nous, parce que nous n'existions pas encore.
Elle a remmenée à être en nous, lorsqu'il nous a appelés à la foi, et nous
disons à juste titre que cette joie est notre joie, puisque c'est elle qui
doit faire un jour notre félicité, elle commence avec la foi qui nous
régénère, elle sera pleine et parfaite avec la résurrection qui sera notre
récompense. Versets 12-16.
Théophylactus : Notre Seigneur avait prédit à ses disciples
que s'ils observaient sus commandements, ils demeureraient dans son amour, il
leur enseigne ici quels sont les commandements qu'ils doivent observer : «
Voici mon commandement, c'est que vous vous aimiez les uns les autres. » — S. Grégoire : (hom. 27 sur les Evang).
Toutes les pages des saintes Lettres sont remplies des commandements de Dieu,
comment donc, le Sauveur nous recommande-t-il ici le précepte de l'amour
comme le précepte spécial et unique, si ce n'est parce que tous les
commandements ont pour but unique la charité, et qu'ils se réduisent tous à
un seul, parce que tout précepte ne peut s'appuyer solidement que sur la
charité ? De même que toutes les branches de l'arbre sortent d'une seule
racine, ainsi toutes les vertus sont produites par la charité, et les
branches, figure des bonnes oeuvres, ne peuvent se couvrir de verdure, si
elles ne sont unies à la racine de la charité. Les commandements du Seigneur
sont nombreux et variés, quant à la diversité des oeuvres, mais ils se
réduisent à un seul, si l'on considère la racine du la charité qui les
produit. — S. Augustin : (Traité
83 sur S. Jean). Là où est la charité, quelle chose peut nous manquer ? mais
si la charité n'existe pas, quelle compensation peut nous rester ? Or, cette
charité est distincte de l'amour que les hommes ont les uns pour les autres,
en tant qu'ils sont hommes, et Notre Seigneur prend soin d'établir cette
distinction, eu ajoutant : « Comme je vous ai aimés. » car dans quel dessein
Jésus-Christ nous a-t-il aimés, si ce n'est pour nous faire régner avec lui
dans les cieux ? Aimons-nous donc les uns les autres pour lit même motif,
afin que notre amour nous sépare de ceux dont l'amour réciproque n'a point
pour fin l'amour de Dieu, et qui ne s'aiment pas véritablement. Ceux au
contraire qui s'aiment les uns les autres pour tendre d'un commun accord à la
possession de Dieu, s'aiment d'un amour véritable. S. Grégoire : La grande et unique preuve d'amour, c'est
d'aimer ceux qui nous sont contraires. C'est ainsi que la vérité elle-même,
tout en souffrant le supplice ignominieux de la croix, donne à ses
persécuteurs un témoignage touchant d'amour dans cette prière : « Mon Père,
Pardonnez-leur, parce qu'ils ne savent ce qu'ils font; » (Lc 23) amour porté
au plus haut degré, comme il le dit lui-même : « Personne ne peut avoir un
plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. » Notre Seigneur était
venu mourir pour ses ennemis, et cependant il déclare qu'il doit donner sa
vie pour ses amis, et il nous apprend ainsi que lorsque nous pouvons gagner
nos ennemis par notre affection, nos persécuteurs eux-mêmes deviennent nos
amis. S. Augustin : (Traité 84) Le Sauveur avait dit
précédemment : « Voici mon commandement, c'est que vous vous aimiez les uns
les autres comme je vous ai aimés, » la conséquence de ce précepte se trouve
exprimée dans la première Epître de saint Jean : « De même que Jésus-Christ a
donné sa vie pour nous, nous devons aussi donner notre vie pour nos frères. »
(1 Jn 3, 16). C'est ce que les martyre ont fait dans leur ardent amour pour
Jésus-Christ; aussi à la table de Jésus-Christ, nous n'en faisons pas mémoire
comme des autres fidèles, en priant pour eux; mais nous les prions bien
plutôt de nous obtenir la grâce de marcher sur leurs traces, car ils ont
donné à leurs frères le témoignage d'amour qu'ils avaient reçu eux-mêmes de
la table du Seigneur. — S. Grégoire : Mais
comment celui qui, en temps de paix, ne peut sacrifier sa tunique pour Dieu,
pourra-t-il donner sa vie lorsque viendra la persécution ? Si donc la vertu
de charité veut être invincible au moment de l'épreuve, il faut qu'en temps
de paix elle se nourrisse et s'entretienne par l'exercice de la miséricorde. S. Augustin : (de la Trin., 8, 8). C'est par la seule et
même vertu de charité que nous aimons Dieu et notre prochain, avec cette
unique différence que nous aimons Dieu pour Dieu, et que nous aimons le
prochain et nous-mêmes pour Dieu. Ou comprend donc que bien qu'il y ait deux
préceptes de charité qui renferment toute la loi et les prophètes
(c'est-à-dire l'amour de Dieu et l'amour du prochain), l'Ecriture cite
souvent l'un pour l'autre, parce qu'en effet, celui qui aime Dieu, est
disposé à faire ce que Dieu lui commande; il doit donc aimer un prochain pour
obéir au commandement que Dieu lui en fait. Et c'est pour cela que Notre
Seigneur ajoute : « Vous êtes mes amis, si vous faites ce que je vous
commande. » S. Grégoire : Un ami, amicus, est comme le gardien de
l'âme, animi custos, et voilà pourquoi celui qui garde la volonté de Dieu en
accomplissant ses préceptes, est appelé son ami. — S. Augustin : (Traité 85 sur S. Jean). Quelle admirable
condescendance ! comme on ne peut être bon serviteur si l'on n'accomplit les
préceptes de son maître, il veut que le caractère spécial des bons
serviteurs, soit aussi le signe distinctif de ses amis. Le bon serviteur peut
donc à la fois être serviteur et ami. Mais comment comprendre que le bon
serviteur puisse réunir à la fois les deux titres de serviteur et d'ami, le
Sauveur l'explique lui-même : « Je ne vous appellerai plus serviteur, parce
que le serviteur ne sait pas ce que fait son maître. » Est-ce à dire que nous
cesserons d'être serviteurs, parce que nous serons de bons serviteurs ?
Est-ce qu'un maître ne confie pas aussi sus secrets à un serviteur, dont il a
mis la fidélité à l'épreuve ? Je réponds qu'il y a deux sortes de servitudes,
comme il y a deux sortes de craintes. Il y a la crainte que la charité
parfaite bannit complètement du cœur (1 Jn 4, 18); et cette crainte entraîne
avec elle la servitude qu'il faut mettre dehors avec la crainte; et il y a
une autre crainte chaste et pure, celle qui demeure éternellement. (Ps 18) Notre
Seigneur avait donc en vue ceux qui servent sous l'impression de la première
servitude, lorsqu'il dit : « Je ne vous appellerai plus serviteurs, parce que
le serviteur ne sait pas, » etc. Il ne veut point parler de ce serviteur
animé d'une crainte chaste, et à qui son maître dit : « Courage, bon
serviteur, entrez dans la gloire de votre Seigneur; » (Mt 24) mais du
serviteur qui agit par ce sentiment de crainte que l'amour parfait chasse du
cœur, et dont il est dit : « Le serviteur ne demeure pas toujours dans la
maison, mais le fils y demeure éternellement. » Puisque donc Dieu nous a
donné le pouvoir d'être ses enfants (Jn 1), ne soyons plus serviteurs, soyons
des enfants, de sorte que par une admirable transformation, nous soyons
serviteurs sans être serviteurs; or, nous savons que c'est le Seigneur qui
produit ce changement ineffable, tandis que le serviteur qui ne sait pas ce
que fait son maître, l'ignore. Lorsqu'il fait quelque bien, il s'élève comme
s'il en était l'unique auteur, et se glorifie en lui-même, plutôt que de
renvoyer toute la gloire à son maître. « Je vous ai appelés mes amis, parce que tout ce que j'ai entendu de
mon Père, je vous l'ai fait connaître. » — Théophylactus : C'est-à-dire, le serviteur ne connaît pas les
pensées de son maître, mais pour vous que je considère comme mes amis, je
vous ai communiqué tous mes secrets. — S.
Augustin : (Traité 86 sur S. Jean). Mais dans quel sens devons-nous
entendre qu'il a fait connaître à ses disciples tout ce qu'il a entendu dire
à son Père ? Il y a sans doute beaucoup de choses que le Sauveur n'a point
dites à ses disciples, parce qu'ils n'étaient pas capables de les comprendre;
mais il dit qu'il leur a fait connaître toutes les vérités qu'il sait leur devoir
un jour révéler avec cette plénitude de science, dont saint Paul a dit : «
Alors je connaîtrai comme je suis connu. » (1 Co 13, 12). Car de même que
nous attendons l'immortalité de la chair et le salut éternel de nos âmes,
nous espérons également la révélation et la connaissance de toutes les
vérités que le Fils unique a entendues de son Père. — S. Grégoire : (hom. 27 sur les Evang). Ou bien, toutes ces choses
qu'il a entendues de son Père, et qu'il a voulu faire connaître à ses
serviteurs, ce sont les joies que la charité répand dans nos âmes, et les
fêtes éternelles de la patrie céleste que Dieu imprime tous les jours dans
nos cœurs par les aspirations de son amour, car l'amour que nous avons pour
les biens célestes, nous en donne déjà la connaissance, parce que l'amour est
lui-même une espèce de connaissance. Il leur a donc fait tout connaître,
parce qu'il les avait arrachés à tous les désirs de la terre pour les faire
brûler du feu de l'amour divin. — S.
Jean Chrysostome : (hom. 77 sur S. Jean). Ou bien encore, toutes ces
vérités sont celles qu'ils devaient apprendre et savoir. Notre Seigneur dit
qu'il a entendu, et nous montre par-là qu'il ne dit rien qui ne soit
entièrement conforme à la volonté de son Père. S. Grégoire : Mais que celui qui parvient à cet honneur
insigne d'être appelé l'ami de Dieu, se garde bien d'attribuer à ses mérites
les dons célestes qu'il reçoit, car poursuit le Sauveur : « Ce n'est pas vous
qui m'avez choisi, mais c'est moi qui vous ai choisis. » — S. Augustin : (Tr. 86 sur S. Jean).
Quelle grâce ineffable ! Qu’étions-nous, en effet, avant d'avoir choisi
Jésus-Christ, si ce n'est des enfants d'iniquité et de perdition ? Nous
n'avions pas encore cru en lui, pour mériter par notre foi d'être choisis par
lui, car s'il avait choisi ceux qui ont cru, il aurait donc choisi ceux qui
déjà l'avaient choisi. Loin donc d'ici les vains raisonnements de ceux qui
prétendent1 que nous avons été choisis avant la création du monde, parce que
Dieu, dans sa prescience, avait prévu que nous serions bons, et non qu'il
nous rendrait bons lui-même. En effet, s'il nous avait choisis, parce qu'il
prévoyait que nous serions bons, il aurait également prévu que nous devions
le choisir les premiers, car c'est la seule manière dont nous pouvions être
bons, à moins qu'on n'appelle bon celui qui n'a pas choisi le bien. Qu'a-t-il
donc pu choisir dans ceux qui n'avaient rien de bien ? En effet vous ne
pouvez dire : J'ai été choisi parce que je croyais déjà, car si vous croyiez
alors en lui, c'est vous qui l'aviez choisi. Ne dites pas non plus : Avant de
croire, je faisais déjà le bien, et j'ai mérité par-là d'être choisi, car
quelle bonne œuvre peut exister avant la foi ? Que nous reste-t-il donc à
dire ? C'est que nous étions mauvais et que nous avons été choisis pour
devenir bons par la grâce de celui qui nous a choisis. — S. Augustin : (de la prédes. des saints, 17) Ils ont donc été
élus avant la création du monde, en vertu de celte prédestination dans
laquelle Dieu prévoyait tout ce qu'il devait faire, et nous avons été choisis
du milieu du monde par suite de cette vocation qui réalisait la
prédestination de Dieu, « car ceux qu'il a prédestinés, il les a appelés. »
(Rm 8) S. Augustin : (Traité 86 sur S. Jean). Remarquez donc bien
qu'il ne choisissait pas ceux qui étaient bons, mais qu'il rendait bons ceux
qu'il avait choisis : « Et je vous ai établis pour que vous alliez et que
vous rapportiez du fruit. » C'est ce fruit dont il avait dit plus haut : «
Sans moi vous ne pouvez rien faire, » car il est lui-même la voie dans
laquelle il nous a placés pour que nous y marchions. — S. Grégoire : (hom. 27). Je vous ai établis (par ma grâce), je
vous ai comme plantés afin que vous alliez (par la volonté qui est comme la
marche pour l'âme), et que vous rapportiez du fruit (par les bonnes œuvres).
Il leur fait connaître quelle espèce de fruit ils doivent produire, lorsqu'il
ajoute : « Et que votre fruit demeure. » En effet, tous nos travaux pendant
cette vie, peuvent à peine suffire à nos besoins jusqu'à la mort; et la mort
vient d'un seul coup anéantir tout le fruit de notre travail sur la terre;
mais les travaux qui ont pour objet la vie éternelle, survivent à la mort, et
le fruit de ces travaux commence à paraître, lorsque le fruit des œuvres
charnelles est à jamais anéanti. Produisons donc de ces fruits qui demeurent
et qui prennent naissance à la mort qui détruit et renverse tout. — S. Augustin : Le fruit que nous
devons produire, c'est donc l'amour qui n'est que dans le désir et ne jouit
pas encore entièrement de son objet; et tout ce que nous demandons sous
l'inspiration de ce désir au nom du Fils unique, nous est donné par le Père :
« Et tout ce que vous demanderez à mon Père en mon nom, il vous le donnera; »
or, nous demandons au nom du Sauveur, lorsque nous demandons ce qui est utile
au salut de notre âme. Versets 17-21.
S. Augustin : (Traité 87 sur S. Jean). Notre Seigneur venait
de dire : « Je vous ai établis pour que vous alliez et que vous rapportiez du
fruit. » La charité est le fruit que nous devons produire, et Jésus-Christ
nous en fait un précepte formel : « Ce que je vous commande, est de vous
aimer les uns les autres. » C'est pour cela que l'Apôtre nous dit : « Le
fruit de l'esprit, c'est la charité, » (Ga 5) et il nous représente toutes
les autres vertus sortant de cette source et se rattachant à ce lien de la
charité. Notre Seigneur nous recommande donc avec raison la charité, comme si
elle était le seul précepte sans laquelle tout le reste est inutile et qui
amène nécessairement avec elle tous les autres biens qui constituent la bonté
de l'homme. S. Jean Chrysostome : (hom. 77 sur S. Jean). On peut encore
rattacher autrement ces paroles à ce qui précède : « Je vous ai dit que je
donnais ma vie pour vous, et que je vous ai choisis le premier. Ce n'est
point pour vous faire un reproche que je vous ai parlé de la sorte, mais pour
vous engager à un tendre amour les uns pour les autres. Et comme il est
toujours pénible d'être en butte à la persécution et aux outrages, il leur
prouve que loin de s'en plaindre, ils doivent s'en réjouir : « Si le monde
vous hait, leur dit-il, sachez qu'il m'a haï le premier, » c'est-à-dire, je
sais que la haine est toujours dure à supporter, mais souffrez-la à cause de
moi. — S. Augustin : Pourquoi, en
effet, les membres s'élèveraient-ils au-dessus de leur chef ? Vous refusez de
faire partie du corps, si vous ne voulez pas souffrir la haine du monde avec
votre chef; or, nous devons souffrir patiemment cette haine pour
l'accomplissement du précepte de l'amour, car le monde doit nécessairement
nous haïr en voyant que nous ne voulons point de ce qu'il aime, ainsi que le
dit le Sauveur : « Si vous étiez du monde, le monde aimerait ce qui est à
lui. » — S. Jean Chrysostome : Comme
le motif de souffrir pour Jésus-Christ ne suffisait pas encore pour
contrebalancer leurs craintes, il en ajoute un autre, c'est que c'est une
preuve incontestable de vertu d'être haï du monde, et nous devrions gémir et
nous attrister si nous en étions aimés, car ce serait un signe évident de
notre dépravation. S. Augustin : Ces paroles s'appliquent à toute l'Eglise,
qui est souvent désignée sous le nom du monde, comme dans ce passage : « Dieu
était dans le Christ, se réconciliant le monde. » (2 Co 5, 19) L'Eglise est
donc le monde entier, et c'est le monde entier qui hait l'Eglise. C'est donc
le monde qui hait le monde, le monde ennemi qui hait le monde réconcilié, le
monde réprouvé qui hait le monde sauvé, le monde souillé qui hait le monde
purifié. (Tr. 88). Mais puisque les méchants tourmentent aussi les méchants (ainsi
les rois et les juges impies, tout en persécutant les bons, punissent aussi
les homicides et les adultères); ces paroles du Sauveur : « Si vous étiez du
monde, le monde aimerait ce qui est à lui, » doivent s'entendre dans ce sens,
que le monde est dans ceux, qui punissent de tels crimes, et qu'il est aussi
dans ceux qui les aiment. Le monde a donc de la haine pour ce qui est à lui,
en tant qu'il châtie les coupables, et il aime ce qui vient de lui en ce
qu'il favorise les mêmes crimes. (Traité 87). Si l'on demande quelle
affection peut avoir pour lui-même ce monde de perdition qui n'a que de la
haine pour le monde de la rédemption, je répondrai qu'il s'aime d'une
affection qui n'a rien de vrai, parce qu'il aime ce qui lui est nuisible. Il
déteste eu lui la nature et n'aime que le vice. Aussi nous est-il défendu
d'aimer ce qu'il aime en lui-même, tandis que Dieu nous commande d'aimer ce
qu'il déteste, c’est-à-dire, qu’il nous est défendu d'aimer en lui le vice,
et commandé d'aimer la nature. Or, c'est pour tirer les disciples de ce monde
de perdition que Dieu les a choisis, et il les a choisis, non à cause de
leurs mérites, puisqu'ils n'avaient aucune bonne œuvre à présenter, ni à
cause de leur nature, qui avait été profondément viciée dans la racine, mais
il les a choisis uniquement par grâce : « Parce que vous n'êtes pas du monde,
et que je vous ai choisis du milieu du monde, à cause de cela le monde vous
hait. » — S. Grégoire : (hom. 9
sur Ezéch). Le blâme des méchants est une approbation de notre vie, c'est une
marque évidente que nous commençons à avoir quelque justice, lorsque nous
commençons à déplaire à ceux qui ne plaisent pas à Dieu; car personne ne peut
dans une seule et même chose être agréable tout à la fois à Dieu et à ses
ennemis; c'est renier le titre d'ami de Dieu que de plaire à ses ennemis, et
on est ouvertement opposé aux ennemis de la vérité, lorsqu'on est
intérieurement soumis au règne de cette même vérité. S. Augustin : (Traité 8S sur S. Jean). Notre-Seigneur,
pour encourager ses serviteurs à supporter patiemment la haine du monde, ne
leur a point proposé d'exemple plus grand et plus efficace que le sien : «
Souvenez-vous de la parole que je vous ai dite : Le serviteur n'est pas plus
grand que son maître; s'ils m'ont persécuté, ils vous persécuteront aussi, »
etc. — La Glose : Ils ont suivi la
même conduite pour la calomnie, selon ces paroles : « Le pécheur observera le
juste. » (Ps 36) — Théophylactus : S'ils
ont persécuté le Seigneur, à plus forte, raison, vous persécuteront-ils,
vous, ses serviteurs; s'ils ne l'avaient point persécuté et qu'ils eussent
gardé sa parole, ils auraient aussi gardé la vôtre. — S. Jean Chrysostome : C'est-à-dire, en d'autres termes : Ne vous
troublez point, si vous avez part à mes souffrances, parce que vous n'êtes
pas au-dessus de moi. — S. Augustin : Lorsque
le Sauveur dit : « Le serviteur n'est pas au-dessus de son maître, » il veut
parler du serviteur qui est rempli de cette crainte chaste et sainte qui
demeure éternellement. (Ps 18) S. Jean Chrysostome : Il leur donne encore un nouveau motif de
consolation, c'est que les outrages qu'ils reçoivent s'adressent on même
temps à Dieu le Père : « Mais ils vous feront toutes ces choses à cause de
mon nom, parce qu'ils ne connaissent point celui qui m'a envoyé. » — S. Augustin : Quelles sont toutes ces
choses ? celles dont il vient de parler, la haine, les mauvais traitements,
et le mépris qu'on fera de leur parole : « Ils vous feront toutes ces choses;
à cause de mon nom, » n'est-ce pas dire équivalemment : c'est moi qu'ils
poursuivront de leur haine dans votre personne, c'est moi qu'ils
persécuteront en vous persécutant, et ils ne garderont pas votre parole,
parce qu'elle est la mienne. Ceux qui vous feront ces mauvais traitements à
cause de mon nom, sont donc d'autant plus malheureux, que le bonheur de ceux
qui les souffrent à cause de mon nom est plus grand. Les méchants les font
endurer également aux méchants, et ils sont misérables les uns comme les
autres, ceux qui font souffrir comme ceux qui souffrent. Mais comment Notre
Seigneur a-t-il pu dire : « Ils vous feront toutes ces choses à cause de mon
nom, » alors que ces impies n'agissent point pour le nom de Jésus-Christ,
c'est-à-dire, par un motif de justice, mais par amour de l'iniquité ? Si on
applique exclusivement ces paroles aux justes, voici comme on peut résoudre
cette question : «Vous souffrirez toutes ces choses à cause de mon nom. »
Mais si on entend ces paroles dans ce sens : « Ils vous feront toutes ces
choses à cause de mon nom. » qui est en vous l'objet de leur haine, » on peut
leur donner cette signification : A cause de la justice qu'ils ne peuvent
s'empêcher de haïr dans votre personne. Par la même raison, lorsque les bons
sont obligés de persécuter les méchants, ils le font, et à cause de la justice
dont ils défendent les intérêts en châtiant les méchants, et à cause de
l'iniquité qu'ils détestent dans leur personne. Notre Seigneur ajoute : «
Parce qu'ils ne connaissent pas celui qui m'a envoyé, » et cette connaissance
est celle dont il est écrit : « Vous connaître, c'est la parfaite prudence. » Versets 22-25.
S. Jean Chrysostome : (hom. 77 sur S. Jean). Notre Seigneur console
encore et encourage ses disciples par cette pensée, que c'est par une
souveraine injustice qu'ils furent toutes ces choses et contre ses disciples
et contre lui : « Si je n'étais pas venu, et que je ne leur eusse point
parlé, ils n'auraient point de péché. » — S. Augustin : (Traité 89 sur S. Jean). Jésus-Christ a parlé aux
Juifs, et non aux autres peuples. C'est donc dans les Juifs qu'il a voulu
personnifier ce monde qui hait Jésus-Christ et ses disciples, et ce ne sont
pas seulement les Juifs, c'est nous-mêmes qu'il veut désigner ici sous le nom
de monde. Mais est-ce donc que les Juifs, à qui le Christ a parlé, étaient
sans péché avant qu'il fût venu au milieu d'eux dans un corps mortel ? Non,
sans doute; le Sauveur, sous le nom général de péché, ne veut point qu'on
comprenne toutes sortes de péchés, mais un péché plus grand que tous les
autres, un péché auquel se rattachent tous les autres péchés, un péché sans
lequel tous les autres peuvent être remis, c'est le péché d'incrédulité à
l'égard de Jésus-Christ, qui est venu afin que tous croient en lui. Or, s'il
n'était pas venu, ils ne seraient pas coupables de ce péché; car autant son
avènement a été salutaire à ceux qui ont cru en lui, autant il a été funeste
à ceux qui ont refusé de croire. « Mais maintenant ils n'ont point d'excuse
de leur péché. » On peut ici se demander si ceux vers qui Jésus-Christ n'est
pas venu, qui n'ont point entendu sa parole, ont une excuse de leur péché;
car s'ils n'en ont point, pourquoi le Sauveur dit-il que les Juifs n'ont
point d'excuse ? parce que Jésus-Christ est venu et qu'il leur a parlé. Et,
s'ils ont une excuse, pourra-t-elle les soustraire au châtiment, ou du moins
adoucir celui qu'ils auraient mérité ? Je réponds à cette question qu'ils
sont excusables non point de tout péché, mais du péché d'incrédulité à
l'égard de Jésus-Christ. Quant à ceux vers qui il est venu dans la personne
de ses disciples, ils ne sont point de ce nombre, et on ne peut les ranger
avec ceux dont le châtiment sera moins rigoureux, eux qui ont refusé
absolument de recevoir la loi de Jésus-Christ, et qui, autant que cela
dépendait d'eux, auraient voulu l'anéantir. Cette excuse peut encore être
apportée par ceux qui ont été prévenus par la mort avant d'avoir entendu
annoncer l'Evangile de Jésus-Christ; mais ils ne peuvent cependant pas
échapper à la damnation, car tous les hommes qui ne seraient point sauvés par
le Sauveur, qui est venu chercher ce qui avait péri, feraient sans aucun
doute partie des réprouvés; bien qu'on puisse admettre que le châtiment des
uns sera plus léger, et celui des autres plus rigoureux. En effet, on périt
véritablement aux yeux de Dieu, lorsqu'on est séparé par un châtiment éternel
de cette félicité qu'il donne à ses saints. La différence des supplions entre
eux répond donc à la variété multiple des péchés. Comment cela se fait-il ?
La profondeur des jugements de la sagesse divine est ici au-dessus de toute
conjecture comme de toute parole humaine. S. Jean Chrysostome : (hom. 77 sur S. Jean). Comme les Juifs
alléguaient presque toujours que c'était pour défendre l'honneur de Dieu le
Père qu’ils persécutaient le Sauveur, il leur ôte ce prétexte en leur
déclarant : « Celui qui me hait, hait aussi mon Père. » — Alcuin : De même, en effet, que celui
qui aime le Fils, aime aussi le Père (parce qu'il n'y a qu'un amour du Père
et du Fils, comme il n'y a qu'une nature), ainsi celui qui hait le Fils, hait
aussi le Père. — S. Augustin : (Traité
90 sur S. Jean). Mais Notre Seigneur n'a-t-il pas dit plus haut : « Ils ne
connaissent pas celui qui m'a envoyé ? » Comment peuvent-ils donc haïr celui
qu'ils ne connaissent pas ? Car si, sous le nom de Dieu, ce n'est pas Dieu
lui-même qu'ils poursuivent de leur haine, mais je ne sais quelle divinité
imaginaire qu'ils se sont formée, ce n'est plus Dieu lui-même qui est l'objet
de leur haine, mais ce que leur erreur ou leur vaine crédulité leur
représentent comme tel. Si au contraire ils ont sur Dieu des idées justes et
vraies, comment peut-on dire qu'ils ne le connaissent pas ? Il peut arriver
quelquefois, il est vrai, que nous ayons de l'affection ou de la haine pour
des hommes que nous ne connaissons que sur le bien on le mal que nous en
avons appris, mais comment pourrait-on dire d'un homme qu'on nous fait
connaître, qu'il nous est inconnu ? Ce ne sont pas sans doute les traits de
son visage qui nous le font connaître, mais la connaissance qu'on nous donne
de ses habitudes et de sa vie; autrement il faudrait dire qu'on ne peut se
connaître soi-même, puisqu'on ne peut voir les traits de son visage.
Cependant la plupart du temps nous nous trompons sur ceux que nous
connaissons de cette manière, car souvent l'histoire, et plus souvent encore
la renommée, nous induisent en erreur. Dans l'impossibilité où nous sommes de
pénétrer dans la conscience des hommes, nous pouvons au moins, pour n'être
pas dupes d'une opinion mensongère, avoir une connaissance véritable et
certaine des choses elles-mêmes. Quand donc on ne se trompe pas sur les
choses; qu'on blâme ce qui est réellement vice, et qu'on approuve ce qui est
véritablement vertu, si l'erreur ne porte que sur les personnes, c'est une
faiblesse qui tient à l'humanité et qui est digne de pardon. Il peut, en
effet, arriver qu'un homme vertueux ait de la haine pour un homme également
bon dont il ignore la vertu, et alors ce n'est pas cet homme, mais l'idée
qu'il s'en fait, qui est l'objet de sa haine; ou plutôt il peut arriver qu'il
aime cet homme sans le connaître, parce qu'il aime le bien qui se trouve en
cet homme. De même, un homme injuste peut avoir de la haine pour un homme
vertueux, et l'aimer lorsqu'il le suppose injuste, en aimant alors en lui non
pas ce qu'il est véritablement, mais l'idée qu'il s'en forme. Or, la même
chose peut arriver pour Dieu. Ainsi, qu'on ait demandé aux Juifs s'ils
aimaient Dieu, ils auraient répondu qu'ils l'aimaient sans faire un mensonge,
mais en étant simplement dupes de la fausse idée qu'ils s'en formaient; car
comment peut-on aimer le Père de la vérité lorsqu'on a de la haine pour la
vérité ? Ils ne veulent pas que leurs actions soient condamnées, et c'est ce
que fait la vérité. Ils ont donc autant de haine pour la vérité qu'ils en ont
pour les châtiments qu'elle inflige à ceux qui l'outragent. Mais ils ne
savent pas que c'est la vérité elle-même qui condamne ceux qui leur
ressemblent, et parce qu'ils ignorent que cette vérité qui les juge et les
condamne, est née de Dieu le Père, ils ont de la haine pour Dieu sans le
connaître. S. Jean Chrysostome : Les Juifs n'ont donc aucune excuse; je leur
ai transmis ma doctrine par mes paroles, je l'ai confirmée par mes œuvres,
comme le recommande la loi de Moïse, qui fait un devoir à tous d'obéir à
celui qui s'annonce comme docteur lorsque sa doctrine inspire une véritable
piété, et qu'elle est confirmée par des miracles extraordinaires. C'est pour
cela qu'il ajoute : « Si je n'avais point fait parmi eux des œuvres que nul
autre n'a faites, ils n'auraient point de péché. » — S. Augustin : (Traité. 91 sur S. Jean). C'est-à-dire le péché
qu'ils ont commis eu refusant de croire à ses enseignements et à ses œuvres.
Mais pourquoi ajoute-t-il : « Que nul autre n'a faites ? » Nous ne voyons
point de plus grands miracles dans la vie de Jésus-Christ que la résurrection
des morts, et nous savons que les anciens prophètes ont ressuscité des morts,
en particulier Elie (3 R 17); Elisée, pendant sa vie (4 R 4), et jusque dans
son tombeau (4 R 13). Cependant Jésus-Christ a fait quelques miracles que nul
autre n'a faits, par exemple, lorsqu'il a nourri cinq mille hommes avec cinq
pains; lorsqu'il a marché sur les eaux, et donné à Pierre le pouvoir d'y
marcher lui-même; lorsqu'il a changé l'eau en vin; lorsqu'il a ouvert les yeux
de l'aveugle-né, et fait beaucoup d'autres miracles, qu'il serait trop long
d'énumérer ici. Mais on nous répond que d'autres ont opéré des prodiges qui
n'ont été faits ni par Jésus-Christ, ni par aucun autre. Quel autre que
Moïse, par exemple, a conduit tout un peuple à travers les eaux divisées de
la mer, a fait descendre du ciel la manne pour le nourrir, et jaillir l'eau
du rocher pour étancher sa soif ? Quel autre que Jésus, fils de Navé, a
partagé les eaux du Jourdain pour livrer un passage au peuple de Dieu, et par
ses prières a mis comme un frein au soleil dans sa course ? Quel autre
qu'Elisée a rendu la vie à un mort par le seul contact de son propre cadavre
? J'en omets bien d'autres, et je pense que ces exemples suffirent pour
prouver que les autres saints ont opéré des prodiges que personne n'a faits.
Mais on ne sait point que, parmi les anciens, aucun d'eux ait jamais guéri
avec autant d'autorité et de puissance les vices nombreux, les maladies et
les infirmités multipliées des hommes. Car, sans dire ici que d'un seul mot
il guérissait tous ceux qui se présentaient à lui, saint Marc nous raconte
que « partout où il entrait, dans les bourgs, dans les villages ou dans les
villes, on mettait les malades sur les places publiques, et on le suppliait de
leur laisser toucher seulement la frange de son vêtement; et tous ceux qui le
touchaient étaient guéris. » (Mc 6, 56) Voilà ce que personne autre que lui
n'a fait en eux, car c'est ainsi qu'il faut traduire ces paroles : in eis, en
eux, et non parmi eux, ou devant eux; parce qu'il les a guéris eux-mêmes. Et
si un autre que lui semble avoir opéré les mêmes prodiges, on peut dire,
encore que nul autre n'a fait ce qu'il a fait, car tous les miracles
semblables qu'un autre a pu opérer, il les a opérés en vertu de la puissance
du Sauveur; tandis que Jésus les a faits sans le concours d'aucun autre. Et,
bien que le Père et le Saint-Esprit aient pris part à ces miracles, on peut
dire encore que nul autre ne les a faits, parce qu'il n'y a dans la Trinité
qu'une seule et même nature. Les Juifs auraient donc dû répondre à de si
grands bienfaits par l'amour plutôt que par la haine, et c'est ce que le
Sauveur leur reproche : « Maintenant ils ont vu ces œuvres, et ils me
haïssent, moi et mon Père, afin que la parole qui est écrite dans leur loi
soit accomplie : ils m'ont haï sans sujet. » — S. Jean Chrysostome : Il prévient ainsi l'objection que ses
disciples auraient pu lui faire. Pourquoi nous avez-vous jetés au milieu de
tant de dangers ? N'avez-vous donc pas prévu tous ces combats, toute cette
haine ? Il leur répond eu leur citant cette prophétie : « Afin que la parole
qui est écrite dans leur loi soit accomplie. » — S. Augustin : (de la Trin., 17) Tous les livres de l'Ancien
Testament sont souvent désignés dans les saintes Ecritures sous le nom de
loi, et c'est le sens que le Sauveur lui donne ici, lorsqu'il dit : « Il est
écrit dans leur loi, » c'est-à-dire dans les Psaumes. (Ps 68, 5) S. Augustin : (Traité 91) Il dit leur loi, non pas qu'ils
l'aient faite eux-mêmes, mais parce qu'elle leur a été donnée. Haïr sans
sujet ou gratuitement, c'est haïr sans espérance d'aucun avantage, sans
crainte d'aucun danger, c'est le caractère de la haine des impies pour Dieu;
c'est aussi le caractère de l'amour des justes qui n'attendent point d'autres
biens que Dieu, parce qu'il sera lui-même tout dans tous. (1 Co 15, 28). — S. Augustin : (Moral., 25, 11 ou 16
dans les anc. man). Il y a une grande différence entre ne pas faire le bien
et haïr celui qui enseigne le bien, de même qu'entre pécher par précipitation
et pécher de propos délibéré. Il nous arrive souvent par suite de notre
faiblesse de ne point faire le bien que nous aimons; mais pécher de propos
délibéré, c'est ne pas faire le bien, et de plus n'avoir aucun amour pour le bien.
De même donc qu'on est quelquefois plus coupable d'aimer le péché que de le
commettre, ainsi c'est souvent une faute plus grave de haïr la justice que de
ne point en pratiquer les actes. Or, il y en a un certain nombre dans
l'Eglise qui, non-seulement ne font pas le bien, mais le persécutent, et qui
haïssent dans les autres le bien qu'ils n'ont pas le courage de pratiquer, et
leur péché n'est pas un péché de faiblesse on d'ignorance, mais un péché
commis avec intention et de propos délibéré. Versets 26-27.
S. Jean Chrysostome : (hom. 77 sur S. Jean). Les disciples
pouvaient dire au Sauveur : S'ils ont entendu de votre bouche des paroles que
nul autre n'a dites, s'ils ont vu des prodiges que personne autre n'a faits,
sans en retirer la moindre utilité; si au contraire ils n'ont eu que de la
haine pour votre Père et pour vous, pourquoi donc nous envoyer, et comment
espérer que nous soyons dignes de foi ? Notre Seigneur dissipe la crainte que
pouvaient faire naître ces pensées, en leur faisant cette promesse consolante
: « Lorsque sera venu le Paraclet que je vous enverrai du sein du Père, etc.,
il rendra témoignage de moi. » — S.
Augustin : (Tr. 92 sur S. Jean). C'est-à-dire, les Juifs m'ont haï et
m'ont mis à mort, bien qu'ils aient vu de leurs yeux les œuvres que j'ai
faites, mais le Paraclet rendra de moi un si éclatant témoignage, qu'il fera
croire en moi ceux mêmes qui n'auront pu me voir. (Traité 93). En même temps
que l'Esprit de vérité me rendra témoignage, vous aussi me rendrez
témoignage, lui dans les cœurs, et vous par vos paroles, lui par ses
inspirations, vous par vos prédications. (Traité 92) Vous pourrez alors
prêcher hautement ce que vous connaissez, vous qui avez été avec moi dès le
commencement, ce que vous ne pouvez faire maintenant, parce que vous n'avez
pas encore reçu la plénitude de l'Esprit saint; car c'est dans la charité qui
a été répandue dans vos cœurs par l'Esprit saint qui vous a été donnée (Rm
5), que vous puiserez le courage nécessaire pour me rendre témoignage.
L'Esprit saint, en effet, en rendant lui-même témoignage, et en inspirant à
ces nouveaux témoins un courage à toute épreuve, a banni complètement la
crainte du cœur des amis de Jésus-Christ, et a converti en amour la haine de
ses ennemis. DIDYME. (de l'Esprit saint, 2) Le Sauveur donne à l'Esprit saint le
nom de consolateur, nom significatif de ce qu'il produit dans les âmes, parce
que, non-seulement il affranchit de toute espèce de trouble ceux qu'il eu
trouve dignes, mais il les remplit encore d'une joie ineffable; car les cœurs
où l'Esprit saint fixe son séjour, jouissent d'une joie éternelle. Cet Esprit
consolateur est envoyé par le Fils, non comme Dieu envoyait les anges, les
prophètes ou les Apôtres, mais comme il convenait à la sagesse et à la vérité
d'envoyer l'Esprit de Dieu qui a une nature indivisible avec cette même
sagesse et cette même vérité. En effet, le Fils qui est envoyé par le Père,
n'en est pour cela ni séparé, ni divisé, il demeure dans son Père, et son
Père demeure en lui. Ainsi l'Esprit saint envoyé par le Fils, soit du Père,
sans aller d'un lieu dans un autre; car de même que le Père ne peut être
contenu dans un espace limité, puisque son infinité s'étend au-delà de tous
les espaces matériels, ainsi l'Esprit de vérité ne peut être circonscrit par
aucune limite, parce qu'il est incorporel et qu'il est au-dessus de toutes
les créatures raisonnables. S. Jean Chrysostome : Notre Seigneur l'appelle, non l'Esprit
saint, mais l'Esprit de vérité, pour montrer combien son témoignage est digne
de foi. Il déclare qu'il procède du Père, c'est-à-dire, qu'il sait toutes
choses avec une entière certitude, comme le Sauveur dit de lui-même dans un
autre endroit : « Je sais d'où je viens et où je vais. » — DIDYME. Il aurait
pu dire qu'il procédait de Dieu ou du Tout-Puissant, il laisse ces
dénominations et choisit de préférence celle du Père, non sans doute que le
Père soit différent du Dieu tout-puissant; mais parce que l'Esprit de vérité
sort de lui en vertu de cette propriété et de cette intelligence qui est
propre au Père. Or, en même temps que le Fils envoie l'Esprit de vérité, le
Père l'envoie également, puisqu'il vient par un seul et même acte de la
volonté du Père et du Fils. — Théophylactus
: Nous voyons ailleurs que le Père envoie l'Esprit saint, ici le Sauveur,
en déclarant qu'il l'enverra lui-même, prouve qu'il a une même puissance avec
le Père. Et afin qu'où ne crût pas qu'il était opposé au Père, et qu'il
envoyait l'Esprit saint en vertu d'une puissance différente, il ajoute : «
Qui procède du Père, » pour nous apprendre que non-seulement le Père consent
à cette mission, mais qu'il la donne lui-même. Lorsque vous entendez dire que
l'Esprit saint procède, n'allez pas croire que celte procession soit une
mission extérieure comme celle qui est donnée aux esprits qui servent le
Seigneur (He 1, 14); cette procession est une propriété toute différente,
attribut exclusif de cet esprit principal. La procession du Saint-Esprit
n'est autre que l'origine de son être, il ne faut donc pas prendre la
procession pour la mission, car la procession est l'acte en vertu duquel
l'Esprit reçoit du Père sa nature divine. S. Augustin : (Traité 96). On nous fera peut-être ici
cette question : L'Esprit saint procède-t-il aussi du Fils ? Le Fils est Fils
du Père seulement, et le Père est exclusivement le Père du Fils; or, l'Esprit
saint n'est pas l'Esprit d'une seule des deux premières personnes divines, il
est l'Esprit des deux, puisque Jésus-Christ dit expressément : « L'Esprit de
votre Père qui parle en vous, » (Mt 10, 20) et que l'Apôtre nous dit de son
côté : « Dieu a envoyé l'Esprit de son Fils dans vos cœurs. » (Ga 4, 6). Et
je ne vois pas d'autre raison pour laquelle on lui donne le nom d'Esprit, car
si on nous interroge sur ce que nous pensons de chacune des autres personnes,
il n'y a que le Père et le Fils à qui nous puissions donner ce nom d'Esprit.
Or, ce nom qui est le nom commun des deux premières personnes, a dû être
donné proprement à celui qui n'est pas l'Esprit de l'un deux, mais qui est le
principe d'union des deux personnes divines. Pourquoi donc n'admettrions-nous
pas que l'Esprit saint procède du Fils, puisqu'il est aussi l'Esprit du Fils
? S'il ne procédait pas de lui, le Fils de Dieu n'aurait pas soufflé sur ses
disciples après sa résurrection, en leur disant : « Recevez le Saint-Esprit,
» c'est aussi de cette vertu de l'Esprit saint que l'Evangéliste veut parler,
quand il dit : « Une vertu sortait de lui et les guérissait tous. » (Lc 6,
19) Mais si l'Esprit saint procède du Père et du Fils, pourquoi le Fils
déclare-t-il qu'il procède du Père ? C'est parce qu'il a coutume de rapporter
tous ses attributs divins à celui de qui vient sa nature divine. C'est dans
ce même sens qu'il dit ailleurs : Ma doctrine n'est pas ma doctrine, mais la
doctrine de celui qui m'a envoyé. Si donc on doit regarder comme sa doctrine
la doctrine qu'il déclare être non la sienne, mais celle de son Père, à plus
forte raison doit-on entendre que l'Esprit saint procède de lui, lorsqu'il
dit : « Qui procède du Père, » et non : Il procède de moi. C'est du Père que
le Fils a reçu d'être Dieu, c'est du Père aussi qu'il a reçu d'être le
principe d'où procède l'Esprit saint. D'est ce qui nous explique, aussi
pourquoi on ne dit pas de l'Esprit saint qu'il est né mais qu'il procède; car
s'il était appelé Fils, il faudrait dire qu'il est le Fils des deux personnes
divines, ce qui serait une absurdité, car on ne peut être le Fils de deux
personnes, que lorsque ces deux personnes sont le père et la mère, or, loin
de nous de supposer quelque chose de semblable entre Dieu le Père et Dieu le
Fils. Disons plus, même, parmi les hommes, le fils ne procède pas en même
temps du père et de la mère, car au moment où il procède du père dans la
mère, il ne procède pas de la mère. Quant à l'Esprit saint, il ne procède pas
du Père dans le Fils et du Fils dans les créatures qu'il sanctifie, il
procède en même temps du Père et du Fils, car nous ne pouvons dire que
l'Esprit saint ne soit pas la vie, puisque le Père est la vie, et que le Fils
aussi est la vie, et ainsi de même que le Père qui a la vie en lui-même, a
donné au Fils d'avoir la vie en lui-même (Jn 5), ainsi a-t-il donné au Fils
que la vie procède de lui, comme elle procède du Père. |
Caput 16 Lectio 1 [86121] Catena in Io., cap. 16 l. 1 Augustinus in
Ioannem. Merito promisso spiritu sancto, quo in eis operante fierent
testes eius, subiunxit haec locutus sum vobis, ut non scandalizemini. Cum
enim caritas Dei diffunditur in cordibus nostris per spiritum sanctum qui
datus est nobis, fit pax multa diligentibus legem Dei ut non sit illis
scandalum. Deinde quae passuri essent exprimens, ait absque synagogis facient
vos. Chrysostomus in Ioannem. Iam enim composuerant, ut si quis
confessus fuerit Christum, extra synagogam fieret. Augustinus. Quid
autem mali erat apostolis expelli de Iudaicis synagogis, quasi non fuerint
inde exituri, etiam si eos nullus expelleret? Sed voluit denuntiare, quia
Iudaei Christum non fuerant recepturi, a quo isti non fuerant recessuri. Nam
quia non erat ullus alius populus Dei quam illud semen Abrahae; si
cognoscerent Christum, non aliae fierent Ecclesiae Christi, aliae synagogae
Iudaeorum. Quod quia noluerunt, quid restabat nisi ut remanentes extra
Christum, extra synagogam facerent eos qui non reliquerunt Christum? Deinde
cum hoc eis dixisset, adiecit sed venit hora ut omnis qui interficit vos,
arbitretur obsequium se praestare Deo. Quae verba ita subiecit tamquam ex hoc
consolaretur eos qui de synagogis Iudaicis pellerentur. An forte de synagogis
illa separatio sic eos fuerat turbatura ut mori vellent potius quam in hac
vita sine Iudaeorum congregationibus morari? Absit ut sic turbarentur qui
Dei, non hominum, gloriam requirebant. Iste itaque sensus est in his verbis.
Extra synagogam facient vos; sed nolite solitudinem formidare. Separati
quippe a congregationibus eorum, tam multos in nomine meo congregabitis, ut
illi metuentes ne templum quod erat apud eos, et omnia legis veteris
sacramenta deserantur, sic interficient vos ut Deo arbitrentur se praestare
obsequium, zelum Dei habentes, sed non secundum scientiam. Hoc enim de
Iudaeis dictum debemus accipere, de quibus dixerat : extra synagogam facient
vos. Nam testes, idest martyres Christi, etiam si occisi sunt a gentilibus,
non tamen illi arbitrati sunt Deo, sed diis suis falsis obsequium se
praestare; Iudaeorum autem omnis qui occidit praedicatores Christi, Deo se
putavit praestare obsequium, credens quod desererent Deum Israel quicumque
converterentur ad Christum. Hinc ergo accensi et zelum Dei habentes, sed non
secundum scientiam, obsequium se Deo praestare credentes, occidebant eos.
Chrysostomus. Deinde consolationem inducit, dicens et haec omnia facient
vobis, quia non noverunt patrem neque me; quasi dicat : sufficit vobis in
consolationem, propter me et patrem haec pati. Augustinus. Ne autem
ignaros atque imparatos animos mala improvisa, quamvis cito transitura,
turbarent, hanc fuisse causam ut haec eis praenuntiaret, ostendit subdens
haec locutus sum vobis, ut cum venerit hora eorum, reminiscamini quia dixi
vobis. Hora eorum, hora tenebrosa, hora nocturna; sed nox Iudaeorum separatum
a se diem Christianorum nulla confusione fuscavit. Chrysostomus in
Ioannem. Sed et propter aliam causam hoc praedixit, ut non dicerent,
quoniam non praevidit futura; et hoc significat cum dicit reminiscamini quia
ego dixi vobis. Et ut non possent dicere, quoniam blandiens nobis, ea quae ad
gratiam dicebat solum. Cuius autem gratia hoc a principio non dixit, ostendit
dicens haec autem ab initio vobis non dixi, quia vobiscum eram : quia
scilicet in custodia mea eratis, et licitum erat interrogare quando
volebatis, et super me totum praelium vertebatur : unde superfluum erat hoc a
principio vobis dicere; non quia haec tunc non noveram, propterea non dixi.
Augustinus in Ioannem. Sed alii tres Evangelistae eum praedixisse ista demonstrant,
antequam ventum esset ad coenam, qua peracta, secundum Ioannem, ista locutus
est. An forte hinc ista solvitur quaestio, quia et illi eum narrant proximum
fuisse passioni cum hoc diceret? Non ergo ab initio quando cum illis erat.
Sed Matthaeus non solum imminente passione, verum etiam ab initio haec
denuntiata esse commemorat. Quid sibi ergo vult quod hic dicit haec autem ab
initio non dixi, nisi quia ea quae hic dicit de spiritu sancto, quod sit
venturus ad eos, et testimonium perhibiturus quando mala passuri sunt, haec
eis ab initio non dixit, quoniam cum ipsis erat et eius praesentia
consolabantur? Abscessurus autem, oportebat ut diceret illum esse venturum,
per quem caritate diffusa in cordibus suis verbum Dei cum fiducia
praedicarent. Chrysostomus. Vel praedixit quidem quoniam flagella
patientur; non autem quod mors eorum reputaretur ut Dei cultura : quod maxime
poterat eos attonitos facere. Vel quia illic ea quae a gentibus debebant pati
dixit; hic autem et quae a Iudaeis dicit. Lectio 2 [86122] Catena in Io., cap. 16 l. 2 Chrysostomus
in Ioannem. Quia discipulos nondum perfectos tristitia impugnabat, eos
dominus increpando dirigit, dicens et nunc vado ad eum qui me misit; et nemo
ex vobis interrogat me : quo vadis? Audientes enim quoniam qui interficiet
vos, opinabitur se obsequium praestare Deo, ita ceciderunt ut nihil ei
loquerentur; et ideo subditur sed quia haec locutus sum vobis, tristitia
implevit cor vestrum. Non parva autem est haec mitigatio, scire eos quoniam
sciverat dominus tristitiae eorum superabundantiam, et propter desertionem
eius, et propter mala quae didicerant se passuros, et nesciebant si possent
viriliter ferre. Augustinus in Ioannem. Vel quia superius
interrogaverant eum quo esset iturus; et responderat se iturum quo ipsi tunc
venire non possent : nunc ita se promittit iturum ut nullus eorum quo vadat
interroget; et hoc est quod dicit et nemo ex vobis interrogat me : quo vadis?
Euntem enim in caelum non verbis quaesierunt, sed oculis deduxerunt. Videbat
autem dominus quid sua verba in eorum cordibus agerent : spiritualem quippe
nondum interius habentes consolationem quam per spiritum sanctum fuerant
habituri, id quod exterius in Christo videbant, amittere metuebant; et quia
se amissuros esse, illo vera denuntiante, dubitare non poterant,
contristabatur humanus affectus, quia carnalis desolabatur aspectus; unde
sequitur sed quia haec locutus sum vobis, tristitia implevit cor vestrum.
Noverat autem ille quid eis potius expediret : quia visus interior ipse est
melior, quo eos consolaturus erat spiritus sanctus; unde subdit sed ego
veritatem dico vobis : expedit vobis ut ego vadam. Chrysostomus. Quasi
dicat : et si millies contristemini, oportet vos audire, quia me recedere
vobis confert. Quid autem conferat, ostendit subdens si enim non abiero,
Paraclitus non veniet ad vos. Augustinus de Trin. Haec autem dixit non
propter inaequalitatem verbi Dei et spiritus sancti; sed tamquam impedimento
esset praesentia filii hominis apud eos quominus veniret ille qui minor non
esset : quia non semetipsum exinanivit sicut filius formam servi accipiens.
Oportebat ergo ut auferretur ab eorum oculis forma servi, quam intuentes hoc
solum Christum esse putabant quod videbant; unde sequitur si autem abiero,
mittam eum ad vos. Augustinus in Ioannem. Numquid autem hic positus,
eum non poterat mittere quem scimus super eum baptizatum venisse atque
mansisse; immo vero a quo scimus eum nunquam separabilem fuisse? Quid est
ergo si non abiero, Paraclitus non veniet ad vos, nisi : non potestis capere
spiritum quamdiu secundum carnem nosse persistitis Christum? Christo autem
discedente corporaliter, non solum spiritus sanctus, sed et pater et filius
illis affuit spiritualiter. Gregorius Moralium. Ac si aperte diceret :
si ab intentionis vestrae oculis corpus non subtraho, ad intellectum vos
invisibilem per consolatorium spiritum non perduco. Augustinus de Verb.
Dom. Hanc autem habitudinem spiritus sanctus Paraclitus attulit, ut, ab
oculis carnis forma servi remota, quam de virginis utero accepit, in ipsa Dei
forma, in qua patri aequalis, etiam cum in carne dignatus est apparere,
permansit, purgata mentis acie ostenderetur. Chrysostomus. Quid autem
hic dicunt qui non convenientem de spiritu sancto habent opinionem? Numquid
expedit dominatorem abire, et servum accedere? Quae autem sit utilitas
advenientis spiritus, ostendit cum subditur et cum venerit ille, arguet
mundum de peccato et de iustitia et de iudicio. Augustinus in Ioannem. Numquid
autem Christus non arguit mundum? An forte quia Christus in Iudaeorum tantum
gente locutus est, mundum non videtur arguisse? Spiritus autem sanctus in
discipulis eius toto orbe diffusis, non unam gentem intelligitur arguisse,
sed mundum. Sed quis audeat dicere quod per discipulos Christi arguat mundum
spiritus sanctus, et non arguat Christus, cum clamet apostolus : an
experimentum quaeritis eius qui in me loquitur Christus? Quos itaque arguit
spiritus sanctus, utique et Christus. Sed dixit ille arguet mundum, quasi
dicat : ille diffundet in cordibus vestris caritatem; sic enim timore
depulso, arguendi habebitis libertatem. Exponit deinde quid dixerit, dicens
de peccato quidem, quia non crediderunt in me; hoc enim peccatum solum prae
ceteris posuit, quia hoc manente, cetera detinentur, et hoc discedente,
cetera dimittuntur. Augustinus de Verb. Dom. Sed multum interest utrum
quisque credat ipsum esse Christum et utrum credat in Christum; nam ipsum
esse Christum, et Daemones crediderunt : ille vero credit in Christum qui et
sperat in Christum et diligit Christum. Augustinus in Ioannem. Arguitur
ergo mundus de peccato, quia in Christum non credit; et arguitur de iustitia
eorum qui credunt. Ipsa quippe fidelium comparatio, infidelium est
vituperatio. De iustitia vero, quia ad patrem vado. Et quoniam ista vox
infidelium esse consuevit : quomodo credimus quod non videmus? Ideo
credentium iustitiam sic oportuit definiri : quia ad patrem vado, et iam non
videbitis me. Beati enim qui non vident et credunt. Nam et qui viderunt
Christum, non in eo laudata est fides eorum quia credebant quod videbant,
idest filium hominis; sed quia credebant quod non videbant, idest filium Dei.
Cum vero et ipsa forma servi subtracta eorum esset aspectibus, tunc ex omni
parte impletum est : iustus ex fide vivit. Erit itaque vestra iustitia, de
qua mundus arguetur, quoniam in me, quem non videbitis, credetis; et
quandoque me videbitis : quoniam tunc sicut ero videbitis me, non quod sum
vobiscum modo; idest, non videbitis mortalem, sed sempiternum; dicendo enim
iam non videbitis me, velut nunquam eos de cetero visuros Christum
praenuntiavit. Augustinus de Verb. Dom. Vel aliter. Illi non
crediderunt : ipse ad patrem vadit. Illorum ergo peccatum, ipsius autem
iustitia. Quod enim a patre ad nos venit, misericordia est; iustitia vero
quod ad patrem vadit; secundum illud apostoli : propter quod et Deus
exaltavit illum. Sed si solus vadit ad patrem, quid nobis prodest? An ideo
solus, quia Christus unus est cum omnibus membris suis, tamquam caput cum
corpore suo? Arguitur ergo mundus de peccato in eis qui non credunt in
Christum, et de iustitia in eis qui resurgunt in membris Christi. Sequitur de
iudicio autem, quia princeps mundi huius iam iudicatus est, idest Diabolus
princeps iniquorum, qui corde non habitant nisi in hoc mundo quem diligunt.
Hoc autem ipso quo foris missus est, iudicatus est; et de hoc iudicio mundus
arguitur : quia frustra de Diabolo queritur qui non vult credere in Christum,
quem iudicatum, idest foras missum, et propter nostram exercitationem
forinsecus expugnare permissum, non solum viri, sed etiam mulieres et pueri
et puellae martyres vicerunt. Augustinus in Ioannem. Vel iudicatus
est, quoniam iudicio ignis aeterni irrevocabiliter destinatus est; et de hoc
iudicio mundus arguitur, quoniam cum suo principe iudicatur, quem superbum
atque impium imitatur. Credant itaque homines in Christum, ne arguantur de
peccato infidelitatis suae, quo peccata omnia detinentur; transeant in
numerum fidelium, ne arguantur de iustitia eorum quos iustificatos non
imitantur; caveant futurum iudicium, ne cum mundi principe iudicentur, quem
iudicatum imitantur. Chrysostomus in Ioannem. Vel aliter. Arguet
mundum de peccato : idest, omnem eorum excusationem abscindet, et ostendet
eos sine venia peccasse, non credentes in me, dum videbunt spiritus sancti
donationem ineffabilem invocato me fieri. Augustinus de quaest. Nov. et
Vet. Testam. Hoc etiam modo spiritus sanctus de peccato arguit mundum,
quia in nomine salvatoris, qui reprobatus est a mundo, virtutes operatus est.
Salvator autem, servata iustitia, non trepidavit reverti ad eum qui se
miserat, et per id quod regressus est probavit se inde venisse; unde sequitur
et de iustitia, quia ad patrem vado. Chrysostomus. Idest, ire ad
patrem erit argumentum quod irreprehensibilem agebam vitam, ut non possint
adhuc dicere, quoniam hic homo peccator est, et non est ex Deo. Rursus
quoniam expugnavi adversarium (nequaquam autem peccator existens
expugnasset), non possunt dicere quod Daemonium habeo, et quod seductor sum.
Quoniam autem condemnatus est propter me, scient quod conculcabunt eum postea;
et resurrectionem meam manifeste scient : non enim me valuit detinere.
Augustinus de quaest. Nov. et Vet. Testam. Videntes Daemones animas de
Inferis ire ad caelos, cognoverunt iudicatum esse principem huius mundi, ut
reus factus in causa salvatoris, quae tenebat iure amitteret. Haec quidem
ascendente salvatore visa sunt; sed superveniente in discipulis spiritu
sancto, palam aperteque manifestata sunt. Lectio 3 [86123] Catena in Io., cap. 16 l. 3 Theophylactus.
Quia supra dixerat dominus : expedit vobis ut ego vadam, iam hoc
amplificat dicens adhuc multa habeo vobis dicere; sed non potestis portare
modo. Augustinus in Ioannem. Omnes haeretici audacias figmentorum
suorum, quas maxime exhorret sensus humanus, hac occasione evangelicae
sententiae colorare conantur; quasi haec ipsa sint quae tunc discipuli
portare non poterant, et ea docuerit spiritus sanctus, quae palam docere
atque praedicare spiritus erubescit immundus. Sed alia sunt mala quae portare
non potest qualiscumque pudor humanus, et alia sunt bona quae portare non
potest parvus sensus humanus. Ista sunt in corporibus impudicis, illa remota
sunt a corporibus universis. Quis autem nostrum audeat eorum se dicere iam
capacem quae illi capere non valebant? Ac per hoc nec a me expetenda sunt ut
dicantur. Sed dicet aliquis : sic multi possunt quod tunc non poterat Petrus,
sicut multi possunt martyrio coronari, quod tunc non poterat Petrus,
praesertim iam misso spiritu sancto, qui tunc nondum erat missus. Sed numquid
ideo scimus quae sunt quae dicere voluit? Absurdissime enim mihi videtur
dici, tunc non potuisse portare discipulos quae de altissimis rebus invenimus
in apostolicis litteris quae postmodum scriptae sunt, nec ea dominum dixisse
narratur. Perversarum quidem sectarum homines ferre non possunt quod in
Scripturis sanctis de fide Catholica reperitur, sicut nos ferre non possumus
sacrilegas eorum vanitates : quid enim est ferre non posse, nisi aequo animo
non habere? Quis autem fidelis, vel etiam catechumenus, antequam spiritum
sanctum baptizatus accipiat, non aequo animo legit atque audit, etiam si non
intelligit ea quae post ascensionem domini scripta sunt? Dicet autem aliquis
: nihil ne spirituales viri habent in doctrina quod carnalibus taceant, et
spiritualibus eloquantur? Nulla quidem necessitas est ut aliqua secreta
doctrinae taceantur fidelibus parvulis, seorsum dicenda maioribus; sed
spirituales spiritualia carnalibus non omnino taceant propter Catholicam
fidem, quae omnibus praedicanda est : nec tamen sic edisserant ut volentes ea
perducere ad intelligentiam non capacium, facilius fastidire faciant in
veritate sermonem, quam in sermone percipi veritatem. Non ergo in his domini
verbis nescio quae secreta suscipimus quae cum dici a docente possint,
portari a discente non possint. Sed ea ipsa quae in doctrina religionis in
quorumlibet hominum notitia dicimus, si vellet nobis Christus dicere, sicut
ea dicit Angelis suis; quinam homines portare possent, etiam si essent
spiritales, quales adhuc apostoli non erant? Nam utique quidquid de creatura
sciri potest, minus est ipso creatore : et quis eum tacet? Quis autem vivens
in hoc corpore posset omnem cognoscere veritatem, cum dicat apostolus : ex
parte scimus? Sed quia per spiritum sanctum fit ut ad ipsam quoque
plenitudinem veniamus, de qua idem dicit apostolus : tunc autem facie ad
faciem; non quod est in hac tantum vita dominus nobis promisit dicens cum
autem venerit ille spiritus veritatis, docebit vos omnem veritatem; vel
deducet vos in omnem veritatem : quo verbo intelligimus eius nobis
plenitudinem in vita alia reservari. Ipse autem spiritus sanctus et nunc
docet fideles, quanta quisque potest capere spiritalia, et in eorum cordibus
desiderium maius accendit. Didymus. Vel hoc dicit, quod auditores
verborum eius nondum fuerant omnia consecuti quae postea pro nomine eius
sufferre poterant : sed aliqua tradens eis, illa quae maiora erant, in
posterum distulit; quae tunc non poterant, nisi primitus in capite nostro
magisterium et forma crucis praeiret. Adhuc etiam typo legis, et umbrae et
imaginibus servientes non poterant veritatem, cuius umbram lex portabat,
inspicere. Cum autem venerit spiritus veritatis, diriget vos in omnem
veritatem sua doctrina et institutione, vos transferens a morte litterae ad
spiritum vivificantem, in quo solo omnis Scripturae veritas posita est.
Chrysostomus. Quia ergo dixerat nunc non potestis portare, tunc autem
poteritis; et quoniam spiritus sanctus ducet vos in omnem veritatem, ne hoc
audientes, maiorem spiritum sanctum existiment, subiungit non enim loquetur a
semetipso, sed quaecumque audiet loquetur. Augustinus in Ioannem. Simile
est hoc ei quod de seipso dixit : non possum a me ipso facere quidquam, sed
sicut audio iudico; sed illud secundum hominem posse accipi dicimus. Cum
igitur spiritus sanctus nulla susceptione cuiusquam creaturae creatura sit
factus, quomodo de illo hoc intelligendum est? Sic itaque debemus accipere,
ut intelligamus non eum esse a se ipso : nam filius de patre natus est, et
spiritus sanctus de patre procedit. Quid autem illic intersit inter procedere
et nasci, et longum est disserere, et temerarium definire. Audire autem illi
scire est, scire vero esse. Quia ergo non est a semetipso, sed ab illo a quo
procedit; a quo illi est essentia, ab illo scientia : ab illo igitur
audientia. Semper itaque audit spiritus sanctus, quia semper scit : ab illo
ergo audivit, audit et audiet a quo est. Didymus. Ait ergo non
loquetur a semetipso; hoc est, non sine me et sine meo et patris arbitrio :
quia non ex se est, sed ex patre et me est. Hoc enim ipsum quod subsistit et
loquitur, a patre et a me illi est. Ego veritatem loquor; idest, inspiro quae
loquor, siquidem spiritus veritatis est. Dicere autem et loqui in Trinitate,
non secundum consuetudinem nostram accipiendum est, sed iuxta formam
incorporalium naturarum, et maxime Trinitatis, quae voluntatem suam inserit
cordibus credentium, et eorum qui audire eum sunt digni. Loqui ergo patrem et
audire filium, eiusdem naturae in patre et filio consensusque significatio
est. Spiritus vero sanctus, qui est spiritus veritatis spiritusque
sapientiae, non potest filio loquente audire quae nescit, cum hoc ipsum sit
quod profertur a filio, idest procedens veritas a veritate, consolator manans
a consolatore, Deus de Deo spiritus veritatis procedens. Denique ne quis
illum a patris et filii voluntate et societate discerneret, scriptum est sed
quae audiet loquetur. Augustinus de Trin. Non autem hinc efficitur ut
minor sit spiritus sanctus; secundum hoc enim dictum est quod de patre
procedit. Augustinus in Ioannem. Nec moveat quod verbum futuri
temporis positum est : illa quippe audientia sempiterna est, quia est
sempiterna scientia. In eo autem quod sempiternum est, sine initio et sine
fine, cuiuslibet temporis verbum ponatur : quamvis enim natura illa
immutabilis non recipiat fuit et erit, sed tantum est; non tamen mendaciter
dicimus : fuit et est et erit; fuit, quia nunquam defuit; erit, quia nunquam
deerit; est, quia semper est. Didymus. Per spiritum etiam veritatis
futurorum sanctis viris scientia certa conceditur : unde et prophetae hoc
eodem repleti spiritu praenuntiabant, et quasi praesentia intuebantur quae
erant deinceps secutura; unde sequitur et quae ventura sunt annuntiabit vobis.
Beda. Constat quia multi spiritus sancti gratia repleti, quae ventura
erant agnoverunt; sed quia multi variis coruscant virtutibus, nec tamen quae
ventura sunt agnoscunt, potest hic sermo sic accipi : quae ventura sunt,
vobis annuntiabit, idest, gaudia vobis caelestis patriae ad memoriam reducet.
Ventura vero apostolis nuntiavit, mala scilicet quae pro confessione Christi
erant passuri, et bona quae pro eisdem malis erant percepturi.
Chrysostomus in Ioannem. Elevavit igitur per hoc eorum mentem, cum ad
nihil ita avidum sit humanum genus ut ad sciendum futura. Ab hac igitur eos
eruit sollicitudine, ostendens, quoniam futura eis pericula praedicat ut non
incidant non observantes. Deinde ostendens quoniam dixerit omnem veritatem in
quam spiritus sanctus adducet, subiungit ille me clarificabit. Augustinus
in Ioannem. Quia scilicet diffundendo in credentium cordibus caritatem,
spiritualesque faciendo, declaravit eis qualiter patri filius esset aequalis,
quem secundum carnem prius tantummodo noverant, et hominem sicut homines
cogitabant. Vel certe, quia per ipsam caritatem fiducia repleti, et timore
depulso, annuntiaverunt hominibus Christum; ac sic fama eius diffusa est toto
orbe terrarum. Quod enim facturi erant in spiritu sancto, hoc eumdem spiritum
dixit esse facturum. Chrysostomus. Et quia dominus dixerat : magister
vester unus est Christus; ut et spiritus sanctus suscipiatur ab eis,
subiunxit quia de meo accipiet, et annuntiabit vobis. Didymus. Accipere
hic ut divinae naturae conveniat intelligendum est : quomodo enim filius dans
non privatur his quae tribuit, neque eum damno suo impartitur aliis, sic et
spiritus sanctus non accipit quod ante non habuit : si enim prius quod non
habebat accepit, translato in alium munere vacuus largitor effectus est. Sic
igitur spiritum sanctum a filio accipere id quod suae naturae fuerat,
cognoscendum est; et non aliam dantem et accipientem, sed unam significare
substantiam. Siquidem et filius eadem a patre suscipere dicitur in quibus
ipse subsistit : neque enim quid aliud est filius, exceptis his quae ei
dantur a patre; neque alia est spiritus sancti substantia praeter id quod
datur a filio. Augustinus. Non autem propterea, sicut quidam haeretici
putaverunt, minor est filio spiritus sanctus, quia filius accipiat a patre,
spiritus sanctus a filio, quasi quibusdam gradibus, naturam. Unde ipse
quaestionem solvens, cur hoc dixerit, explanat dicens omnia quae habet pater,
mea sunt : propterea : dixi vobis, quia de meo accipiet, et annuntiabit vobis.
Didymus. Quasi dicat : licet a patre procedat spiritus veritatis, tamen
quia omnia quae habet pater, mea sunt, et ipse patris spiritus meus est, et
de meo accipiet. Cave autem ne cum ista dicuntur, putes rem esse aliquam et
possessionem quae a patre habeatur, ac a filio; verum quae habet pater iuxta
substantiam, idest aeternitatem, immutabilitatem, bonitatem, haec eadem habet
et filius. Procul hinc absint dialecticorum tendiculae; dicunt enim : ergo et
pater est filius. Si autem dixisset : omnia quaecumque habet Deus, mea sunt,
haberet occasionem impietas consurgendi; cum vero dixerit omnia quae habet
mea sunt, patris nomine se filium declaravit, paternitatem qui filius erat
non usurpavit; quamvis et ipse per adoptionis gratiam multorum sanctorum sit
pater. Hilarius de Trin. Non ergo in incerto dominus reliquit, utrum
ex patre an ex filio spiritus Paraclitus esse putetur : a filio enim accepit
quod ab illo mittitur, et a patre procedit. Et interrogo utrum idipsum sit a
filio accipere quod a patre procedere. Certe idipsum atque unum esse
existimabitur a filio accipere, quod si acciperet a patre; cum enim ait omnia
quaecumque habet pater, sua esse, et idcirco dixisse, de suo accipiendum
esse, docet etiam a patre accipienda, a se tamen accipi, quia omnia quae
patris sunt, sua sunt. Non habet haec unitas diversitatem; nec differt a quo
acceptum sit, quod datum a patre, datum referatur a filio. Lectio 4 [86124] Catena in Io., cap. 16 l. 4 Chrysostomus
in Ioannem. Postquam dominus discipulos relevavit per ea quae de spiritu
sancto promisit, rursus eorum oppressit sensum dicens modicum et iam non
videbitis me. Hoc autem facit, ut assuefaciat eos per tristium auditionem,
bene ferre suam separationem : eam enim quae dolet animam, et a tristitia
multa detinetur, nihil ita consuevit quietare, ut quae tristitiam pariunt
verba revoluta continue. Beda. Dicit enim modicum et iam non videbitis
me; quia tentus est nocte illa a Iudaeis, et in mane crucifixus et vespere
sepultus ab humanis est seclusus obtutibus. Chrysostomus. Si vero quis
diligenter scrutabitur, hoc consolationis est dicere quoniam ad patrem vado :
hoc enim est ostendere quod non perierit, sed mors eius translatio sit; et
aliam consolationem eis imposuit cum adiecit et iterum modicum, et videbitis
me : ostendens quoniam et redibit, et in pauco erit separatio, et continua
quae cum eis coexistentia. Augustinus in Ioannem. Haec autem verba
domini obscura erant discipulis, antequam id quod dicit esset impletum; unde
sequitur dixerunt ergo ex discipulis eius ad invicem : quid est hoc quod
dicit nobis : modicum et non videbitis me, et iterum modicum et videbitis me
quia vado ad patrem? Chrysostomus. Hoc autem non intelligebant, aut
propter tristitiam, quae amovebat a mente eorum ea quae dicebantur, aut
propter immanifestationem eorum quae dicebantur : idcirco videbatur eis duo
contraria ponere, non existentia contraria. Si enim videbimus te, aiunt,
quomodo vadis? Si vero vadis, qualiter et videbimus? Propterea dicunt quid
est hoc quod dicit nobis : modicum? Nescimus quid loquitur. Augustinus. Nam
in praecedentibus, quia non dixerat modicum, sed dixerat ad patrem vado,
aperte illis visus est loqui. Nunc ergo quod illis tunc obscurum fuit, et mox
manifestatum est, iam nobis utique manifestum est. Post paululum enim passus
est, et non viderunt eum; rursus post paululum resurrexit, et viderunt eum.
Dicit autem et iam non videbitis me; quia scilicet mortalem Christum ulterius
non viderunt. Alcuinus. Vel aliter. Modicum tempus est futurum quo non
videbitis me, idest illud triduum quo in sepulchro quievit; et iterum est
modicum futurum tempus quo videbitis me, idest illi quadraginta dies, in
quibus eis saepius post passionem suam usque ad tempus ascensionis suae
apparuit; et ideo illo modico tempore videbitis me, quia vado ad patrem :
quia non semper in terra corporaliter sum mansurus, sed per humanitatem quam
assumpsi, ascensurus in caelum. Sequitur cognovit autem Iesus quia volebant
eum interrogare, et dixit eis : de hoc quaeritis inter vos, quia dixi vobis :
modicum et non videbitis me. Amen, amen, dico vobis, quia plorabitis et
flebitis vos. Ignorantiam ipsorum pius magister intelligens, secundum illorum
dubitationem respondit, quasi expositurus quid esset quod dixit.
Augustinus. Quod sic accipi potest, quia contristati sunt discipuli de
morte domini, et confestim de resurrectione laetati. Mundus autem (quo nomine
significati sunt inimici, a quibus Christus occisus est) tunc utique laetatus
est occiso Christo, quando sunt discipuli contristati; unde sequitur mundus
autem gaudebit, vos autem contristabimini; sed tristitia vestra vertetur in
gaudium. Alcuinus. Sed et cunctis fidelibus convenit hic sermo domini,
qui per lacrymas pressurasque praesentes ad gaudia aeterna contendunt.
Flentibus autem iustis, mundus gaudet, quia in praesenti delectantur,
alterius vitae nulla gaudia sperantes. Chrysostomus. Deinde ostendens
quoniam tristitia parit gaudium, et quoniam tristitia brevis, laetitia vero
infinita est, ad exemplum venit mundanum, dicens mulier cum parit, tristitiam
habet, quia venit hora eius; cum autem pepererit puerum, iam non meminit
pressurae propter gaudium, quia natus est homo in mundum. Augustinus. Ista
similitudo ad intelligendum non videtur esse difficilis; quoniam comparatio
eius in promptu est, eodem ipso exponente cur dicta sit; nam sequitur et vos
igitur nunc quidem tristitiam habetis. Iterum autem videbo vos, et gaudebit
cor vestrum. Parturitio quippe tristitiae, partus autem gaudio comparatur;
quod tunc magis esse consuevit quando non puella, sed puer nascitur. Quod
vero subdit et gaudium vestrum nemo tollet a vobis, quia gaudium ipsorum ipse
Iesus est, significat quod ait apostolus : Christus resurgens ex mortuis iam
non moritur. Chrysostomus. Significat etiam praedicto exemplo quoniam
solvit ipse mortis pressuras, et novum hominem regenerans esse fecit. Et non
dixit quoniam non erit ei tribulatio, sed neque meminit eius : tantum est
quod succedit gaudium; ita erit et sanctis. Et non dixit : quoniam natus est
puer, sed : quoniam homo, occulte suam resurrectionem insinuans.
Augustinus. Vel de futuris visione et gaudio, quae superius dicta sunt,
melius existimo intelligi modicum et iam non videbitis me : modicum enim est
hoc totum spatium quo praesens pervolat saeculum; ideo namque addidit quia
vado ad patrem : quod ad superiorem sententiam referendum est, ubi ait
modicum et iam non videbitis me; non ad posteriorem ubi ait modicum et
videbitis me. Eundo quippe ad patrem, facturus erat ut eum non viderent.
Illis ergo ait modicum et iam non videbitis me, qui eum tunc corporaliter
videbant : quia iturus erat ad patrem et eum deinceps mortales visuri non
erant qualem cum ista loquebatur videbant. Quod vero addidit et iterum
modicum et videbitis me, universae promisit Ecclesiae. Hoc autem modicum
longum nobis videtur, quoniam adhuc agitur; cum finitum fuerit, tunc
sentiemus quam modicum fuerit. Alcuinus. Mulier autem sancta Ecclesia
est, propter fecunditatem bonorum operum, et quia spiritales Deo filios
generat. Haec mulier dum parit, idest dum in mundo virtutum profectibus
insistit, dum undique tentatur et affligitur, tristitiam habet de hoc, quia
venit hora eius ut patiatur : quia nemo carnem suam odio habuit. Augustinus
in Ioannem. Nec tamen in huius gaudii parturitione sine gaudio tristes
sumus; sed, sicut apostolus ait : spe gaudentes; quia et ipsa mulier
parturiens, cui comparati sumus, plus gaudet de mox futura prole quam tristis
est de praesenti dolore. Alcuinus. Sed cum peperit, idest cum devicto
laborum certamine ad palmam pervenerit, iam non meminit pressurae
praecedentis, propter gaudium perceptae retributionis, quia natus est homo in
mundum. Sicut enim mulier nato in hoc mundo homine laetatur, ita Ecclesia,
nato in vitam aeternam fidelium populo, exultatione repletur. Beda. Nec
novum debet videri si natus dicatur qui ex hac vita migraverit : sicut enim
consuete nasci dicitur cum quis de utero matris procedens in hanc lucem
ingreditur, ita potest natus appellari qui solutus a vinculis carnis, ad
lucem aeternam sublimatur : unde sanctorum solemnia, non funebria, sed
natalitia vocantur. Alcuinus. Quod autem dicit iterum videbo vos,
idest assumam vos ad meipsum. Vel iterum videbo vos; idest, iterum videndus apparebo;
et gaudebit cor vestrum. Augustinus. Hunc enim totius laboris sui
fructum Ecclesia nunc parturit desiderando, tunc est paritura cernendo. Et
ideo masculum, quoniam ad istum fructum contemplationis, cuncta officia
referuntur actionis; solus enim liber est qui propter se appetitur, et non
refertur ad aliud : huic servit actio. Ad hoc enim refertur quidquid bene
agitur : ibi est finis qui sufficit nobis : aeternus igitur erit. Neque enim
finis nobis sufficit nisi cuius nullus est finis. De hoc igitur quod sufficit
nobis rectissime audivimus gaudium vestrum nemo tollet a vobis. Lectio 5 [86125] Catena in Io., cap. 16 l. 5 Chrysostomus
in Ioannem. Rursus ostendit dominus quod expedit eum abire, cum dicit et
in illo die me non rogabitis quidquam. Augustinus in Ioannem. Hoc
verbum quod est rogare non solum petere, verum et interrogare significat; et
Graecum Evangelium, unde hoc translatum est, tale habet verbum quod utrumque
possit intelligi. Chrysostomus. Dicit ergo et in illo die, scilicet
cum resurrexero, me non rogabitis quidquam, idest non dicetis : ostende nobis
patrem, et : quo vadis? Quoniam scietis per spiritum sanctum. Vel non
rogabitis me, idest, non indigebitis mediatore ad impetrandum; sed sufficiet
nomen meum, quod invocantes, omnia accipietis; unde sequitur amen, amen, dico
vobis, si quid petieritis patrem in nomine meo, dabit vobis. Ostendit autem
nominis virtutem, si non visus neque rogatus, sed nominatus solum apud patrem
facit mirabilia. Non ergo, ait, existimetis, quia de reliquo non ero vobiscum,
vos derelictos esse; nomen enim meum maiorem dabit vobis securitatem; unde
sequitur usque modo non petistis quidquam in nomine meo. Petite et
accipietis, ut gaudium vestrum sit plenum. Theophylactus. Alacritas
enim vestra tunc erit integerrima, cum ad vota vobis petita succedent.
Chrysostomus. Quia obumbrata erant quae dicta sunt, subiunxit haec in
proverbiis locutus sum vobis. Venit hora cum iam non in proverbiis loquar
vobis : idest erit tempus quando scietis omnia manifeste; dicit autem resurrectionis
tempus : sed palam de patre meo annuntiabo vobis : etenim quadraginta diebus
disputavit cum eis congregatis, loquens de regno Dei. Et nunc, inquit, in
timore existentes non attenditis his quae dicuntur; tunc autem resuscitatum
videntes, poteritis palam omnia dicere. Theophylactus. Adhuc praebet
illis fiduciam, quoniam recipient in tentationibus auxilium desuper, cum
subdit in illo die in nomine meo petetis : adeo assero vobis patrem favere
quod neque interventu meo ulterius indigebitis; unde subdit et non dico vobis
quia ego rogabo patrem pro vobis : ipse enim pater amat vos. Porro ne
resiliant a domino, velut eo ulterius non egentes subiungit quia vos me
amastis; quasi dicat : ob hoc diligit vos pater, quia vos me dilexistis. Cum
itaque excideritis ab amore meo, confestim et a paterno decidetis.
Augustinus in Ioannem. Sed numquid ideo amat ille quia nos amamus, an
potius quia ille amat, ideo nos amamus? Hoc ipse Evangelista dicit : nos
diligamus, quia ipse prior dilexit nos. Amat ergo nos pater, quia nos amamus
filium, cum a patre et filio accepimus, ut patrem amemus et filium. Amavit
ipse quod fecit; sed non in nobis faceret quod amaret, nisi antequam id
faceret, nos amaret. Hilarius de Trin. Caret etiam apud patrem
intercessionis necessitate perfecta de filio fides, quae quod a Deo exierit,
credit, atque amat, et per seipsam iam et audiri meretur et amari, natum ex
Deo filium missumque confessa; unde sequitur et credidistis quia a Deo exivi.
Nativitas itaque eius, et adventus ostenditur, cum subdit exivi a patre et
veni in mundum. Alterum in dispensatione, alterum in natura est. A patre enim
venisse et a Deo exisse, non est significationis eiusdem; cum aliud sit a Deo
in substantiam nativitatis exisse, aliud a patre in hunc mundum ad
consummanda salutis nostrae sacramenta venisse. Cum autem exire a Deo sit ex
nativitate subsistere, quid aliud quam Deus esse posset? Chrysostomus in
Ioannem. Quia vero resurrectionis sermo non modicum eos mitigabat, et cum
hoc audire quod a Deo exivit et illuc vadit, continue ea circumvolvit; unde
sequitur iterum relinquo mundum et vado ad patrem. Nam hoc quidem
certificabat quoniam recte in ipsum credebant : hoc vero quoniam sub
munitione eius futuri erant. Augustinus. Exiit enim a patre, quia de
patre est; in mundum venit, quia mundo suum corpus ostendit. Mundum reliquit
corporali discessione, perrexit ad patrem hominis ascensione, nec mundum
deseruit praesentiae gubernatione : quia sic in mundum venit exiens a patre
ut non desereret patrem. Sed dominum Iesum Christum posteaquam resurrexit, et
interrogatum legimus et rogatum : nam interrogatus est a discipulis
ascensurus in caelum, quando regnum restitueret Israel; rogatus est a
Stephano cum esset in caelo, ut spiritum eius susciperet. Et quis audeat
dicere rogandum non esse immortalem, rogari debuisse mortalem? Puto ergo,
quod dicit in illa die me non rogabitis quidquam, non ad illud tempus
referendum esse quo resurrexit, sed ad illud quando videbimus eum sicuti est;
quae visio non temporalis vitae est, sed aeternae, ubi iam nihil rogemus,
nihil interrogemus, quia nihil desiderandum remanebit, nihil quaerendum
latebit. Alcuinus. Sic ergo dicit : in futuro me non rogabitis
quidquam; sed interim, dum in peregrinatione huius miseriae conversamini, si
petieritis patrem, dabit vobis; unde subdit amen, amen, dico vobis : si quid
petieritis patrem in nomine meo, dabit vobis. Augustinus. Hoc quod ait
si quid, non quodlibet intelligitur, sed aliquid quod non in beatae vitae
comparatione sit nihil. Non autem petitur in nomine salvatoris quidquid
petitur contra rationem salutis : non enim sonum litterarum aut syllabarum,
sed quod sono recte ac veraciter intelligitur, hic accipiendum est, cum dicit
in nomine meo. Unde qui hoc sentit de Christo quod non est de unico filio Dei
sentiendum, non petit in eius nomine. Qui vero quod est de illo sentiendum
sentit, ipse in eius nomine petit, et accipit quod petit, si non contra suam
salutem sempiternam petit; accipit autem quando debet accipere : quaedam enim
non negantur, sed ut congruo dentur tempore differuntur. Ita sane
intelligendum est, quod ait dabit vobis, ut ea beneficia significata sciantur
his verbis quae ad eos qui petunt proprie pertinent. Exaudiuntur quippe omnes
sancti pro seipsis, non autem pro omnibus, quia non utcumque dictum est dabit;
sed dabit vobis. Quod autem sequitur, usque modo non petistis quidquam in
nomine meo, duobus modis intelligi potest : vel quia in nomine meo non
petistis, quod nomen non sicut cognoscendum est cognovistis; vel non petistis
quidquam, quoniam in comparatione rei quam petere debuistis, pro nihilo
habendum est quod petistis. Ut igitur in nomine eius non nihil, sed gaudium
plenum petant, subdit petite, et accipietis, ut gaudium vestrum sit plenum.
Hoc quod dicit gaudium plenum, non carnale, sed spirituale gaudium est; et
quando tantum erit ut aliquid ei iam non sit addendum, tunc erit plenum.
Augustinus de Trin. Hoc est autem plenum gaudium vestrum quo amplius non
est, frui Deo, Trinitate, ad cuius imaginem facti sumus. Augustinus in
Ioannem. Quidquid ergo petitur quod pertinet ad hoc gaudium consequendum,
hoc est in nomine Christi petendum. Isto enim bono in petendo perseverantes
sanctos suos nequaquam misericordia divina fraudabit. Quidquid autem aliud
petitur, nihil petitur : non quia nulla res est, sed quia in tantae rei
comparatione quidquid aliud concupiscitur, nihil est. Sequitur haec in
proverbiis locutus sum vobis : venit hora cum iam non in proverbiis loquar
vobis, sed palam de patre meo annuntiabo vobis. Possem dicere hanc de qua
loquitur horam futurum saeculum intelligi, ubi videbimus palam quod apostolus
dicit : facie ad faciem; ut quod ait haec in proverbiis locutus sum vobis,
hoc sit quod ab apostolo dictum est : videmus nunc per speculum in aenigmate.
Annuntiabo autem vobis quia per filium pater videbitur : neque enim patrem
quis cognoscit nisi filius, et cui voluerit filius revelare. Gregorius
Moralium. Palam quippe de patre annuntiare se asserit; quia per patefactam
tunc maiestatis suae speciem, et quomodo ipse gignenti non impar oriatur, et quomodo
utrorumque spiritus utrique coaeternus procedat ostendet. Augustinus. Sed
istum sensum videtur impedire quod sequitur : in illo die in nomine meo
petetis : in futuro enim saeculo quid petituri sumus, quando satiabitur in
bonis desiderium nostrum? Petitio namque alicuius est indigentiae.
Relinquitur itaque ut intelligatur Iesus discipulos suos de carnalibus vel
animalibus spirituales esse facturus. Homo autem animalis sic audit
quaecumque audit de Dei natura ut aliud quam corpus cogitare non possit. Ideo
proverbia illi sunt quaecumque dicta sapientiae de incorporea immutabilique
substantia; non quod tamquam proverbia deputet, sed quia sic cogitat quomodo
qui proverbia solent audire, neque intelligere. Cum vero spiritalis coeperit
omnia diiudicare, etiam si in hac vita velut per speculum et ex parte
perspicit, tamen nullo corporis sensu, nulla imaginaria cogitatione, sed
mentis certissima intelligentia, capit Deum non corpus esse, sed spiritum.
Ita palam de patre annuntiante filio ut eiusdem substantiae conspiciatur et
ipse qui annuntiat, nunc in eius nomine petunt qui petunt : quia in sono eius
nominis non aliud quam res ipsa est quae hoc nomine vocatur, intelligunt. Hi
possunt cogitare dominum nostrum Iesum Christum, inquantum homo est, pro
nobis interpellare patrem; inquantum Deus est, nos exaudire cum patre : quod
eum significasse arbitror, ubi ait et non dico vobis quia ego rogabo patrem
pro vobis. Ad hoc quippe intuendum, quomodo non roget patrem filius, sed
simul exaudiant rogantes pater et filius, non nisi spiritualis oculus mentis
ascendit. Lectio 6 [86126] Catena in Io., cap. 16 l. 6 Chrysostomus
in Ioannem. Quia discipulos hoc maxime respirare fecit quod erant patris amici,
propterea dicunt se cognoscere quod omnia nosset; unde sequitur dicunt ei
discipuli eius : ecce nunc palam loqueris, et proverbium nullum dicis. Augustinus
in Ioannem. Cum autem adhuc promittatur futura illa hora in qua sine
proverbiis locuturus est; cur isti hoc dicunt, nisi quia illa quae scit ipsis
non intelligentibus esse proverbia, usque adeo non intelligunt, ut nec saltem
non se intelligere intelligant? Chrysostomus. Quoniam autem
ad id quod in eorum mente erat respondit, subdunt nunc scimus quoniam scis
omnia. Vides qualiter imperfecte se habebant, qui post tot et tanta demonstrata
dicunt nunc scimus; et hoc dicunt tamquam ei quamdam gratiam tribuentes. Et
non est opus tibi ut quis te interroget; hoc est, antequam audias, nosti ea
quae scandalizant nos, et quiescere nos fecisti dicens quoniam pater vos amat. Augustinus. Quid
ergo vult sibi quod ei quem sciebant nosse omnia, cum dicere debuisse
videantur : non est opus tibi ut quidquam interroges, dicendum potius
putaverunt non est opus tibi ut quis te interroget? Quod utrumque legimus
factum : et interrogasse scilicet dominum, et interrogatum fuisse. Sed hoc
cito solvitur : quia hoc non ei, sed illis potius opus erat quos
interrogabat, vel a quibus interrogabatur. Neque enim aliquos ille
interrogabat ut ab eis aliquid disceret, sed eos potius ut doceret : et qui
interrogabant eum, volentes ab eo aliquid discere, illis profecto id opus
erat ut scirent ab eo aliqua qui noverat omnia. Ille autem non opus habebat
ut quod ab eo scire quisque vellet, per ipsius cognosceret interrogationem :
quia priusquam interrogaretur, interrogatorum noverat voluntatem. Praevidere
autem cogitationes hominum, magnum domino non erat, sed magnum parvulis erat,
qui subdunt in hoc credimus quia a Deo existi. Hilarius de Trin. Per
id enim credunt quod a Deo exiit, quia ea quae Dei sunt agit. Nam cum dominus
utrumque dixisset, a Deo exivi, et a patre veni in hunc mundum, nihil
admirationis in eo habuerunt quod frequenter audierunt : unde non addunt : a
patre venisti in hunc mundum : sciebant enim a Deo missum, exisse tamen a Deo
nesciebant. Inenarrabilem vero illam filii nativitatem per virtutem dicti
istius intelligentes, tunc primum coeperunt advertere, cum illum sine
proverbiis profiterentur esse locutum. Non enim per consuetudinem humani
partus Deus ex Deo nascitur, cuius a Deo exitio potius quam partus est. Est
enim unus ex uno : non est portio, non est defectio, non est diminutio, non
derivatio; non est protensio, non passio, sed viventis naturae ex vivente
nativitas est. Deus ex Deo exiens est, non creatura in Dei nomine electa, non
ut esset coepit ex nihilo; sed exiit a manente, et exiisse significationem
habet nativitatis, non inchoationis. Augustinus. Denique de ipsa eorum
aetate adhuc secundum interiorem hominem parva et infirma eos admonet; unde
subditur respondit eis Iesus : modo creditis. Beda. Quod duobus modis
pronuntiari potest; affirmando scilicet et insultando. Si insultando, hic est
sensus : tardius ad credendum evigilastis : ecce enim venit hora ut
dispergamini unusquisque in propria et cetera. Si affirmando, sensus est :
verum est quod creditis; sed ecce venit hora ut dispergamini unusquisque in
propria, et me solum relinquatis. Augustinus in Ioannem. Non enim
quando comprehensus est, tantummodo carne sua eius carnem, verum etiam mente
reliquerunt fidem. Chrysostomus in Ioannem. Dicit autem dispergamini,
scilicet quando tradar : tantum enim vobis dominabitur timor ut neque simul
possitis recedere. Sed ego ex hoc nullum patiar malum; unde subdit et non sum
solus, quia pater mecum est. Augustinus. Ad hoc intelligendum eos
volebat extendi et crescere ne sic a patre filium cogitarent exisse ut
putarent etiam recessisse. Deinde sermonem concludit dicens haec locutus sum
vobis, ut in me pacem habeatis. Chrysostomus. Idest, ut non abiciatis
me a mente vestra. Non enim nunc solum quando comprehendar, fient vobis
adversa, sed donec eritis in mundo pressuram habebitis, idest tribulationem;
et hoc est quod subdit in mundo pressuram habebitis. Gregorius Moralium. Quasi
dicat : sit vobis de me interius quod consolando reficiat, quia erit de mundo
exterius, quod saeviendo graviter premat. Augustinus. Illud initium
habitura fuerat ista pressura de quo dicit venit hora ut dispergamini
unusquisque in propria; sed non eo modo erat perseveratura : quod enim
adiunxit, et me solum relinquatis, non vult eos tales esse in consequenti
pressura, quam post eius ascensionem fuerant in mundo habituri, ut relinquant
eum, sed ut in illo pacem habeant permanentes in eo; unde sequitur sed
confidite. Chrysostomus. Idest, resurgite mente : magistro enim
superante inimicos, non oportet discipulos anxiari; unde subdit quia ego vici
mundum. Augustinus. Dato autem spiritu sancto confiderunt, et
vicerunt, non nisi in illo : non enim vicisset ille mundum, si membra eius
vinceret mundus. Cum autem dicitur haec locutus sum vobis, ut in me pacem
habeatis, non recentiora paulo ante ab eo dicta, sed omnia debemus accipere :
sive quaecumque illis locutus est ex quo eos coepit habere discipulos, sive
ex quo post coenam exorsus est hunc mirabilem prolixumque sermonem. Hanc enim
causam commendavit sermonis sui, ut in illo pacem haberent. Haec pax finem
temporis non habebit; sed omnis piae nostrae intentionis actionisque finis
ipsa erit. |
CHAPITRE XVI
Versets 1-5.
S. Augustin : (Traité 93 sur S. Jean). Après avoir promis
à ses disciples l'Esprit saint, qui devait faire d'eux autant de témoins de
la vérité, le Sauveur ajoute : « Je vous ai dit ces choses, afin que vous ne
soyez pas scandalisés. » Et en effet, lorsque la charité de Dieu est répandue
dans nos cœurs par l'Esprit saint qui nous a été donné (Rm 5), une paix
abondante se répand en même temps dans l'âme de ceux qui aiment la loi de
Dieu, et il n'y a point pour eux de scandale. (Ps 118, 165). Il leur prédit
ensuite les épreuves qui les attendent : « Ils vous chasseront des
synagogues. » — S. Jean Chrysostome : (hom.
77 sur S. Jean). Ils avaient déjà pris de concert la résolution de chasser de
la synagogue quiconque confesserait Jésus-Christ. — S. Augustin : Mais quel grand mal pour les Apôtres d'être chassés
des synagogues des Juifs, puisqu'ils devaient en sortir d'eux-mêmes, alors
que personne ne les chasserait dehors ? Il a donc voulu leur apprendre par-là
que les Juifs ne devaient point recevoir Jésus-Christ, dont les disciples ne
devaient point se séparer. Si, en effet, ils avaient voulu le reconnaître,
comme il n'y avait point d'autre peuple de Dieu que la race d'Abraham, les
Eglises de Jésus-Christ n'auraient pas été différentes des synagogues des
Juifs. Mais ils ont refusé de recevoir Jésus-Christ, et la conséquence
naturelle, c'est que restant eux-mêmes en dehors de Jésus-Christ, ils
devaient chasser de leurs synagogues ceux qui ne consentaient pas à quitter
Jésus-Christ. Le Sauveur ajoute, encore : « Et l'heure vient où quiconque
vous fera mourir, croira faire nue chose agréable à Dieu, » paroles qui ont
pour objet de consoler ceux qui seraient chassés des synagogues des Juifs.
Est-ce donc que cette expulsion de la synagogue devait les affliger à ce
point, qu'ils auraient mieux aimé mourir que de n'en plus faire partie ? Non,
sans doute, une crainte semblable ne pouvait trouver place dans le cœur de
ceux qui cherchaient, non la gloire des hommes, mais la gloire de Dieu. Voici
donc le sens de ces paroles : « Ils vous chasseront des synagogues, mais ne
craignez pas votre isolement; vous serez exclus de leurs réunions, il est
vrai, mais vous en rassemblerez un si grand nombre en mon nom, que les Juifs,
craignant l'abandon de leur temple et de toutes les cérémonies de l'ancienne
loi, vous mettront à mort, croyant en cela faire une chose agréable à Dieu,
parce que leur zèle pour la gloire de Dieu, n'est pas un zèle dirigé par la
science » (Rm 10, 2), paroles qu'il faut entendre des Juifs, dont Notre
Seigneur dit : « Ils vous chasseront de leurs synagogues. » En effet, lorsque
les Gentils ont mis à mort les témoins, c'est-à-dire, les martyrs de
Jésus-Christ, ce n'est pas à Dieu, mais à leurs fausses divinités qu'ils ont
cru faire une chose agréable, tandis que ceux qui, parmi les Juifs, mirent à
mort les prédicateurs de Jésus-Christ, crurent faire un acte agréable à Dieu,
dans la crainte que ceux qui se convertiraient à Jésus-Christ,
abandonneraient le culte du vrai Dieu. Voilà pourquoi dans l'ardeur d'un zèle
qui n'était pas selon la science, ils mettaient à mort les disciples de
Jésus-Christ, croyant en cela faire une œuvre agréable à Dieu. S. Jean Chrysostome : Jésus leur donne ensuite un nouveau motif de
consolation : « Et ils vous traiteront de la sorte, parce qu'ils ne
connaissent ni mon Père, ni moi, » c'est-à-dire, qu'il vous suffise comme
consolation de penser que vous souffrez pour moi et pour mon Père. — S. Augustin : Il leur apprend ensuite
que la cause pour laquelle il leur a prédit ces épreuves, c'est de prévenir
le trouble qu'auraient jeté dans leurs cœurs non préparés des maux qu'ils
n'avaient pas prévus, bien qu'ils dussent être de courte durée : « Je vous ai
dit ces choses, afin que lorsqu'un sera venue l'heure, vous vous souveniez
que je vous les ai dites. » Cette heure, c'était l'heure des ténèbres,
l'heure de la nuit, mais la nuit des Juifs n'a pu obscurcir de ses ténèbres
les clartés du jour de Jésus-Christ qui en était séparé. — S. Jean Chrysostome : Un autre motif
pour lequel il leur annonce ces épreuves à l'avance; c'est afin de bien les
convaincre que l'avenir lui était présent, comme il le déclare par ces
paroles : « Afin que lorsqu'on sera venue l'heure, vous vous souveniez que je
vous les ai dites. Il ne veut pas non plus qu'ils pussent dire qu'il n'avait
cherché qu'à les flatter et à leur dire des choses agréables. Mais pourquoi
ne leur a-t-il pas fait tout d'abord ces prédictions ? En voici la raison : «
Je ne vous ai pas dit ces choses dès le commencement, parce que j'étais avec
vous, » c'est-à-dire, vous étiez sous ma garde, vous pouviez m'interroger
quand vous vouliez; tous les efforts de vos ennemis se concentraient sur moi;
il était donc inutile de vous en parler tout d'abord, mais au moins si je ne
l'ai pas fait, ce n'est pas que j'ignorais que ces épreuves dussent arriver. S. Augustin : (Tr. 94 sur S. Jean). Selon les trois autres
évangélistes, Notre Seigneur fit cette prédiction avant la cène, taudis que
saint Jean la place après la cène. Ne peut-on pas résoudre cette difficulté,
en disant que les trois premiers évangélistes font observer que sa passion
était proche, lorsqu'il fit ces prédictions ? Il ne les fit donc pas dès le
commencement qu'il était avec eux. Cependant saint Matthieu rapporte que le
Sauveur prédit ces événements, non-seulement aux approches de sa passion,
mais encore dès le commencement. Comment donc expliquer ces paroles : « Je ne
vous les ai pas dites dès le commencement, » etc., si ce n'est en faisant une
exception pour les choses qu'il attribue ici à l'Esprit saint, et qu'il ne
leur a pas fait connaître dès le commencement, par exemple qu'il devait leur
être envoyé et rendre témoignage, lorsqu'ils seraient persécutés. En effet,
il était alors au milieu d'eux, et sa présence seule était pour eux une
véritable consolation. Mais lorsque le moment vint de les quitter, il devait
leur annoncer la venue de l'Esprit saint, qui, en répandant dans leurs cœurs
la charité de Dieu, leur donnerait le courage de prêcher hautement le Verbe
de Dieu. — S. Jean Chrysostome : (hom.
78 sur S. Jean). Ou peut dire encore qu'il leur avait prédit les persécutions
qu'ils devaient endurer, mais non pas que leur mort serait regardée comme une
œuvre agréable à Dieu, ce qui devait être pour eux un sujet d'étonnement
extraordinaire; ou bien encore, il leur annonça dès le commencement, ce
qu'ils devaient souffrir de la part des Gentils, et leur prédit ici les
persécutions que leur préparaient les Juifs. Versets 6-11.
S. Jean Chrysostome : (hom. 78 sur S. Jean). La tristesse s'était
emparée de l'esprit des disciples encore bien imparfaits, en entendant les
dernières paroles de leur divin Maître; il les en reprend, et leur en fait un
reproche. « Et maintenant je vais à celui qui m'a envoyé, et aucun de vous ne
me demande : Où allez-vous ? » En effet, lorsqu'ils l'entendirent déclarer
que celui qui les mettrait à mort croirait faire une chose agréable à Dieu,
ils gardèrent un profond silence, et ne lui adressèrent plus aucune question,
c'est pour cela qu'il ajoute : « Mais parce que je vous ai dit ces choses, la
tristesse a rempli votre cœur, » etc. Ce n'était pas pour eux une consolation
médiocre que de voir que le Seigneur connaissait la grandeur de leur
tristesse produite par la pensée de son départ prochain, par la perspective
des maux qu'ils devaient souffrir, et l'ignorance où ils étaient s'ils
pourraient les supporter courageusement. S. Augustin : (Traité 94 sur saint Jean). Ou bien encore,
ils lui avaient demandé précédemment où il allait, et il leur avait répondu
qu'il allait où ils ne pouvaient le suivre actuellement; maintenant il leur
déclare qu'il s'en ira, sans qu'aucun d'eux lui demande où il va : « Aucun de
vous ne me demande : Où allez-vous ? » Car lorsqu'il monta aux cieux, ils
l'accompagnèrent de leurs regards, mais sans chercher à savoir où il allait.
Or, le Seigneur voyait l'effet que produisaient ses paroles dans leur cœur;
comme ils n'avaient pas encore cette consolation intérieure que le
Saint-Esprit devait répandre dans leur âme, ils craignaient de perdre la
présence visible de Jésus-Christ; et comme d'après sa déclaration, ils ne
pouvaient douter qu'ils la perdraient, leur affection encore tout humaine s'attristait de ce que leurs yeux
allaient être privés de ce qui faisait leur consolation : « Mais parce que je
vous ai dit ces choses, la tristesse a rempli votre cœur. » Jésus savait ce
qui leur était le plus avantageux; car la vue intérieure que l'Esprit saint
devait leur donner comme consolation, était bien préférable : « Cependant je
vous dis la vérité, il vous est avantageux que je m'en aille. » — S. Jean Chrysostome : C’est-à-dire,
dût votre tristesse être mille fois plus grande, il vous faut entendre cette
vérité, c'est qu'il vous est utile, que je me sépare de vous. Or, quelle est
cette utilité ? « Car si je ne m'en vais pas, le Paraclet ne viendra pas à
vous. » S. Augustin : (de la
Trin., 1, 9) S'il parle de la sorte, ce n'est point qu'il y ait inégalité
entre le Verbe de Dieu et l'Esprit saint, mais parce que la présence du Fils
de l'homme au milieu d'eux était comme un empêchement à la venue de celui qui
ne lui était pas inférieur, parce qu'il ne s'était pas anéanti lui-même
jusqu'à prendre la forme d'esclave. (Ph 2) Il fallait donc faire, disparaître
à leurs yeux la forme de serviteur, qui les portait à croire que Jésus-Christ
n'était pas ce qu'ils voyaient des yeux au corps : « mais si je m’en vais, je
vous l'enverrai. » — S. Augustin : Est-ce
qu'il ne pouvait l'envoyer, tout en demeurant sur la terre, lui sur qui nous
savons que l'Esprit saint descendit et demeura lorsqu'il fut baptisé et qui
ne fut jamais séparé de lui ? Quel est donc le sens de ces paroles : « Si je
ne m'en vais, le Paraclet ne viendra pas à vous, » si ce n'est, vous n'êtes
pas capables de recevoir le Saint-Esprit, tant que vous continuez à ne
connaître Jésus-Christ que selon la chair. Mais lorsque Jésus-Christ les eut
privés de sa présence corporelle, non-seulement l'Esprit saint, mais le Père
et le Fils vinrent fixer spirituellement en eux leur séjour. — S. Grégoire : (Moral., 8, 13 ou 17
dans les anc. éd). Il semble leur dire ouvertement : « Si je ne dérobe pas
mon corps aux yeux de votre affection, il me sera impossible de vous conduire
à l'intelligence invisible par l'Esprit consolateur. — S. Augustin : (sur les par. du Seig). Or, après que la forme de
serviteur que le Sauveur a prise dans le sein de la Vierge, eut été éloignée
des yeux de la chair, l'Esprit consolateur leur procura ce bonheur singulier
de pouvoir contempler avec les yeux purifiés de leur intelligence la nature
de Dieu elle-même, par laquelle le Fils était égal à son Père, alors même
qu'il daigna se manifester dans la chair. S. Jean Chrysostome : Mais quelle est donc l'objection que font
ici ceux qui ne se forment point de l'Esprit saint des idées justes et
convenables ? Est-il donc utile que le Seigneur s'en aille pour que le
serviteur vienne ? Or, le Sauveur répond, en nous faisant connaître les
avantages de la venue de l'Esprit saint : « Et lorsqu'il sera venu, il
convaincra le monde en ce qui touche le péché, » etc.— S. Augustin : (Traité 95 sur S. Jean).Est-ce donc que
Jésus-Christ n'a pas convaincu le monde ? Serait-ce parce qu'il n'a fait
entendre sa voix qu'aux Juifs, qu'on ne pourrait dire qu'il a convaincu le
monde, tandis que l'Esprit saint, au contraire, dans la personne de ses
disciples répandus par tout l'univers, n'a pas seulement convaincu une
nation, mais le monde tout entier ? Mais qui oserait dire que l'Esprit saint
a convaincu le monde par la bouche des disciples, tandis que Jésus-Christ ne
peut le convaincre; alors que l'Apôtre s'écrie : « Est-ce que vous voulez
éprouver la puissance du Jésus-Christ qui parle par ma bouche ? » (2 Co 13, 3).
Jésus-Christ peut donc convaincre ceux que l'Esprit saint convainc lui-même.
Mais Notre Seigneur dit : « Il convaincra le monde, » c'est-à-dire, il
répandra la charité dans vos cœurs, et en dissipant toutes vos craintes, vous
donnera la liberté de convaincre le monde. Il explique, ensuite ce qu'il
venait de dire : « En ce qui touche le péché, parce qu'ils n'ont pas cru en
moi. » Notre Seigneur ne parle que de ce péché à l'exclusion de tous les
autres, parce que tant qu'il reste, les autres péchés ne peuvent être
pardonnés, et que s'il vient à être effacé, tous les autres le sont avec lui.
— S. Augustin : (serm. 61 sur les
par. du Seig). Mais il y a une grande différence entre croire que Jésus est
le Christ, et croire en Jésus-Christ; les démons eux-mêmes n'ont pu
s'empêcher de croire qu'il était le Christ, mais celui qui croit en
Jésus-Christ, espère eu même temps en Jésus-Christ, aime Jésus-Christ. — S. Augustin : (Traité 95). Le monde
est donc convaincu de péché, parce qu'il ne croit pas en Jésus-Christ, et il
est convaincu aussi en ce qui touche la justice de ceux qui croient, car le
seul exemple des fidèles est la condamnation des infidèles : « Il convaincra
le monde en ce qui touche la justice, parce que je m'en vais à mon Père. »
Nous entendons souvent sortir de la bouche des infidèles cette question :
Comment pouvons-nous croire ce que nous ne voyons pas ? Il fallait donc
définir de la sorte le caractère de la justice des croyants : « Parce que je
m'en vais à mon Père, et que vous ne me verrez plus. » Bienheureux, en effet,
ceux qui ne voient point et ne laissent pas de croire, car si la foi de ceux
qui ont vu Jésus-Christ a reçu des éloges, ce n'est point parce qu'ils
croyaient ce qu'ils voyaient (c'est-à-dire, le Fils de l'homme), mais parce
qu'ils croyaient ce qu'ils ne voyaient pas (c'est-à-dire, le Fils de Dieu).
Lorsqu'au contraire, la forme de serviteur eut disparu à leurs regards, alors
cette, parole du prophète fut entièrement accomplie : « Le juste vit de la
foi. » Votre justice donc qui convaincra le monde, consistera à croire en
moi, alors que vous ne me verrez plus; et lorsque vous me verrez tel que je
serai alors, vous ne me verrez plus tel que je suis maintenant au milieu de
vous, c'est-à-dire, vous ne me verrez plus soumis à la mort, mais environné
d'immortalité. Et en effet, en leur disant : « Vous ne me verrez plus, » il
leur prédit qu'ils ne verront plus désormais le Christ tel qu'ils le voient. S. Augustin : (serm. 61 sur les par. du Seigneur). On peut
donner encore cotte explication : Il n'ont pas cru en lui, et il s'en va vers
son Père; le péché est donc pour eux, et la justice pour lui. En effet,
lorsqu'il est venu du sein de son Père vers nous; c'est un acte de
miséricorde, mais c'est par un effet de sa justice qu'il retourne à son Père,
selon ces paroles de l'Apôtre : « C'est pour cela que Dieu l'a exalté. » (Ph
2) Mais s'il s'en va seul à son Père, quelle utilité pouvons-nous en retirer
? S'en est-il allé seul, parce que le Christ ne fait qu'un avec tous ses
membres, comme le chef ne fait qu'un avec son corps ? Le monde est donc
convaincu de péché dans la personne de ceux qui ne croient pas en
Jésus-Christ, et il est convaincu en ce qui touche la justice dans ceux qui
ressuscitent comme membres de Jésus-Christ : « Et en ce qui touche le
jugement, parce que le prince de ce monde est déjà jugé, » c'est-à-dire, le
démon, le prince des méchants, dont le cœur est tout entier fixé dans ce
monde, objet de leurs affections. Par-là même qu'il a été jeté dehors, il a
été jugé, et le monde est convaincu de ce jugement, parce qu'il se plaint
inutilement du démon, lui qui ne veut point croire en Jésus-Christ. En effet,
ce prince du monde qui est jugé, c'est-à-dire, jeté dehors, et à qui Dieu
permet de nous attaquer extérieurement pour nous exercer à la vertu, a été
vaincu, non-seulement par des hommes, mais par de simples femmes, par des
enfants, par de tendres vierges qui ont souffert le martyre pour
Jésus-Christ. — S. Augustin : (Tr.
95 sur S. Jean). Ou bien encore, il est déjà jugé, parce qu'il est
irrévocablement condamné au feu éternel. Or, le monde est convaincu de ce
jugement, parce qu'il est jugé lui-même avec son chef dont il imite l'orgueil
et l'impiété. Que tous les hommes croient donc en Jésus-Christ, pour n'être
point convaincus du péché d'incrédulité qui est comme un lien qui retient
tous les autres péchés; qu'ils passent au nombre des fidèles, pour n'être
point convaincus en ce qui touche la justice de ceux dont ils n'imitent point
la conduite, et qu'ils se mettent en garde contre le jugement à venir, afin
de n'être pas jugé avec le prince du monde qu'ils ont imité malgré son
jugement et sa condamnation. S. Jean Chrysostome : (hom. 78 sur S. Jean). Ou bien encore : « Il
convaincra le monde de pêché, » c'est-à-dire, il leur ôtera toute excuse, et
leur prouvera qu'ils sont coupables de n'avoir pas voulu croire en moi, alors
qu'ils verront l'Esprit saint descendre sur les fidèles d'une manière
ineffable par la seule invocation de mon nom. — S. Augustin : (Quest. sur le Nouv. et l'Anc. Test., quest. 89)
L'Esprit saint a encore convaincu le monde de péché par les prodiges qu'il a
opérés au nom du Sauveur, que le monde avait rejeté. Pour le Sauveur
lui-même, ayant réservé la justice, il n'a point hésité de retourner à celui
qui l'avait envoyé, et en retournant vers lui, il a prouvé qu'il en était
venu : « Et en ce qui touche la justice, parce que je m'en vais à mon Père. »
— S. Jean Chrysostome : C'est-à-dire,
qu'un retournant à mon Père, je leur prouverai que ma vie était
irréprochable, et qu'ils ne pourront dire encore comme autrefois : « Cet
homme est un pécheur, et ne vient pas de Dieu. » Lorsqu'ils verront
d'ailleurs que j'ai triomphé de mon ennemi (ce que je n'aurais pu faire si
j'avais été un pécheur), il leur sera impossible de dire que je suis possédé
du démon, que je suis un séducteur. En apprenant que le démon a été condamné
à cause de ce qu'il avait l'ait à mon égard, ils sauront qu'ils pourront
désormais le fouler aux pieds, et ils seront convaincus à n'en pouvoir douter
de ma résurrection, parce qu'il n'a pu me retenir dans les liens de la mort.
— S. Augustin : (Quest. de l'Anc.
et du Nouv. Test). Les démons eux-mêmes en voyant les âmes délivrées des
enfers monter vers les cieux, ont connu que le prince de ce monde était déjà
jugé, et que par suite du crime qu'il avait commis dans le jugement du
Sauveur, il était condamné lui-même à perdre tout ce qu'il avait en sa
possession, c'est ce que les Apôtres virent à l'ascension de Jésus-Christ,
mais ce qui leur fut pleinement découvert, lorsque l'Esprit saint descendit
sur eux. Versets 12-15.
Théophylactus : Notre Seigneur développe les paroles qu'il
vient de leur dire : « Il vous est utile que je m’en aille, » ou ajoutant : «
J'ai encore beaucoup de choses à vous dire, » mais vous ne pouvez pas les
porter maintenant. » — S. Augustin : (Traité
97 sur S. Jean). Tous les hérétiques se sont efforcés d'étayer sur ces
paroles de l'Evangile leurs audacieuses inventions que la raison repousse
avec horreur, comme si ces inventions étaient justement les vérités que les
disciples ne pouvaient porter, et que l'Esprit saint leur eut enseigné ce que
l'esprit immonde rougit d'enseigner et de prêcher en public. (Tr. 96) Mais on
ne peut établir de comparaison entre les infamies qu'aucune pudeur humaine ne
peut supporter, et les vérités salutaires que la faiblesse de l'esprit humain
n'est pus capable de comprendre. Les unes ne se trouvent que dans les corps
livrés à l'impureté, les autres sont au-dessus de toute nature corporelle et
sensible. (Même Traité). Mais qui de nous se croira capable de comprendre les
vérités que les disciples ne pouvaient porter alors ? Il ne faut donc point
s'attendre à ce que je les explique. On me dira peut-être, il en est beaucoup
maintenant qui pourraient comprendre ce que saint Pierre n’était pas alors
même qu'il en est beaucoup qui sont aujourd'hui capables de recevoir la
couronne du martyre, surtout depuis qu'ils ont reçu l'Esprit saint qui, alors
n'avait pas encore été envoyé. J'accorde qu'il en soit beaucoup qui, depuis
la venue du l'Esprit saint, puissent porter les vérités dont les disciples
étaient incapables avant de l'avoir reçu. Est-ce une raison pour que nous
sachions ce qu'il n'a pas voulu dire ? Et puisqu'il a cru devoir les taire, qui
de nous entreprendra de les dire ? (Plus bas). Savons-nous pour cela les
vérités qu'il n'a pas cru devoir révéler ? Il est également de la dernière
absurdité de dire que les disciples étaient alors incapables de porter les
hautes vérités que renferment leurs Epîtres écrites beaucoup plus tard, et
dont on ne voit pas que le Seigneur leur ait parlé. Ces hommes qui
appartiennent à des sectes perverses et corrompues, comme les Manichéens, les
Sabelliens, les Ariens, ne peuvent supporter les vérités de la foi catholique
qui se trouvent dans les saintes Ecritures et condamnent leurs erreurs, de,
même que nous ne pouvons supporter leurs mensonges sacrilèges. Qu'est-ce, en
effet, que de ne pouvoir supporter quelque chose ? C'est ne pouvoir
l'envisager avec un esprit égal et tranquille. Mais quel est le fidèle, quel
est même le catéchumène qui, avant d'avoir reçu avec le baptême le
Saint-Esprit, ne lise pas ou n'entende pas d'un esprit égal, bien qu'il ne
les comprenne pas, les vérités qui n'ont été écrites qu'après l'ascension du
Sauveur? (Traité 97 vers la fin). On me dira encore : Est-ce que les hommes
verses dans la spiritualité n'ont pas dans leur doctrine des vérités qu'ils
taisent aux hommes charnels, et qu'ils font connaître à ceux qui se
conduisent selon l'esprit ? (Traité 98, avant le milieu). Il n'y a aucune
nécessité de taire aux fidèles qui ne font que commencer les secrets de la
doctrine chrétienne, pour les exposer en particulier aux âmes plus avancées.
(Le milieu). Les hommes spirituels ne doivent pas garder devant les chrétiens
même charnels, un secret absolu sur les vérités spirituelles, parce qu'elles
font partie de la foi catholique qui doit être annoncée à tous les hommes.
Cependant, dans l'exposé qu'ils en font, ils doivent prendre garde qu'en voulant
faire entrer ces vérités dans l'esprit de ceux qui n'en sont pas capables,
ils leur inspirent le dégoût pour la parole de vérité plutôt que de leur en
donner l'intelligence. (Même imité après le commencement). Ne soupçonnons
donc pas dans ces paroles du Seigneur, je ne sais quelles vérités secrètes
qui pourraient être dites par celui qui enseigne, mais que ne pourrait
supporter son disciple; mais comprenons que pour les choses mêmes qui, dans
la doctrine chrétienne, font partie de l’enseignement commun des fidèles, si
Jésus-Christ voulait nous les expliquer comme il les développe à ses anges,
quels sont ceux qui pourraient supporter cette révélation, fussent-ils des
plus avancés dans la spiritualité, ce que n'étaient pas encore les Apôtres ?
Certainement tout ce qu'on peut savoir de la créature est au-dessous du
Créateur, et cependant qui garde le silence sur le Créateur ? Dans quel
endroit du monde n'est-il pas connu de tous les hommes ? Et cependant alors
que tous parlent de lui, quel est celui qui le comprend comme il doit être
compris ? (Traité 96). Et quel est celui qui, pendant cette vie, peut
connaître toute la vérité ? Est-ce que l'Apôtre ne dit pas : « Nous ne
connaissons maintenant qu'imparfaitement ? » (1 Co 13) Disons donc que comme
l'Esprit Saint nous conduit à cette plénitude de vérité dont parle le même
Apôtre, en ajoutant : « Mais alors nous le verrons face à face; » ce n’est
pas seulement ce qui doit se faire en cette vie; mais la révélation pleine et
entière qui doit avoir lieu dans la vie future que Notre Seigneur nous promet
par ces paroles : « Lorsque l'Esprit de vérité sera venu, il vous enseignera
toute vérité, » ou : « Il vous fera parvenir à toute vérité. » Ces paroles
nous font comprendre que la plénitude de la vérité nous est réservée pour
l'autre vie, et que dans celle-ci l'Esprit saint enseigne aux fidèles les
choses spirituelles d'une manière proportionnée à leurs dispositions, tout en
excitant dans leur cœur un désir de plus en plus vif pour ces mêmes vérités.
— DIDYME. (de l'Esprit saint, 2) Ou bien Notre Seigneur veut dire que ses
disciples ne savaient pas encore tout ce qu'ils auraient à souffrir dans la
suite pour son nom; il ne leur en faisait connaître qu'une partie, réservant
pour plus tard la connaissance des épreuves plus grandes qu'ils ne pouvaient
porter alors, avant que leur chef leur en eut donné l'exemple par
l'enseignement de sa croix. Ils étaient encore asservis aux figures, à
l'ombre et aux images de la loi, et ils ne pouvaient regarder la vérité dont
la loi n'était que l'ombre. Mais lorsque l'Esprit de vérité sera venu, il
vous enseignera toute vérité; et par sa doctrine et par son enseignement,
vous fera passer de la mort de la lettre à l'esprit de vie dans lequel seul
se trouve la vérité de tontes les Ecritures. S. Jean Chrysostome : (hom. 78). Ces paroles : « Vous ne pouvez
porter maintenant ces vérités, » (mais vous le pourrez plus tard) et ces
autres : « L'Esprit saint vous conduira à toute vérité, » pouvaient donner
aux Apôtres la pensée que l'Esprit saint était plus grand que lui, il se hâte
donc d'ajouter : « Car il ne parlera pas de lui-même, » etc. — S. Augustin : (Traité 99 sur S. Jean).
Ces paroles sont semblables à celles que le Sauveur dit de lui-même : « Je ne
puis faire rien de moi-même, mais je juge suivant ce que j'entends, »
toutefois il parlait ainsi en tant qu'homme. — Or, comme l'Esprit saint n'est
pas devenu créature par son union à un être créé, comment entendre en lui ces
paroles de Notre Seigneur ? Nous devons les entendre dans ce sens que l'Esprit
saint n'existe point par lui-même, car le Fils est né du Père, et l'Esprit
saint procède du Père; or quelle différence entre procéder et naître, c'est
ce qui demanderait de longues discussions et ce qu'il serait téméraire de
définir. Entendre pour l'Esprit-Saint, c'est savoir, et savoir, c'est être.
Puisque donc l'Esprit saint n'existe pas de lui-même, mais par celui de qui
il procède, il reçoit la science et la propriété d'entendre de celui duquel
il reçoit l'être. L’Esprit saint entend donc, toujours parce qu'il sait
toujours; c'est donc de celui qui lui a donné l'être qu'il a entendu, qu'il
entend et qu'il entendra. DIDYME. (De l'Esprit saint). Notre Seigneur dit donc : « Il ne
parlera pas de lui-même, » c'est-à-dire sans la volonté de mon Père et la
mienne; parce qu'il tire son existence de mon Père et de moi, et c'est de mon
Père et de moi qu'il a reçu d'être, et de parler. Pour moi, je dis la vérité,
c'est-à-dire je lui inspire ce que je dis, car il est l'Esprit de vérité.
Lorsqu'il s'agit de la Trinité, il ne faut point entendre ces expressions
dire et parler dans leur signification ordinaire, mais dans le sens qui seul
peut convenir aux natures incorporelles, et surtout à la Trinité qui inspire
sa volonté dans le cœur des fidèles et de ceux qui sont dignes d'entendre sa
voix. Pour le Père parler, et pour le Fils entendre, est le signe d'une
entière égalité de nature, et d'une parfaite unité de volonté. Quant à
l’Esprit-Saint, qui est l’Esprit de vérité, l'Esprit de sagesse, lorsque le
Fils parle, on ne peut dire qu'il entend ce qu'il ne sait pas, puisqu'il est
lui-même ce qui sort du Fils, la vérité qui procède de la vérité, le
consolateur qui émane du consolateur, le Dieu esprit de vérité qui procède de
Dieu. Et afin que personne ne lui attribuât une volonté différente de celle
du Père et du Fils, Notre Seigneur ajoute : « Ce qu'il entendra, il le dira.
» S. Augustin : (De la Trin., 2, 43) On ne peut conclure de
là que l'Esprit saint soit inférieur au Père et au Fils, car ces paroles
doivent s'entendre de lui en tant qu'il procède du Père. — S. Augustin : (Traité 99 sur S. Jean).
Il ne faut pas s'étonner que le verbe « il entendra » soit au futur, le
Saint-Esprit entend de toute éternité parce qu'il sait de toute éternité. Or
quand il s'agit d'un être éternel sans commencement comme sans fin, quel que
soit le temps qu'on emploie, il n'est pas contraire à la vérité. Quoique
cette nature immuable ne soit pas susceptible de passé et de futur, mais
seulement du présent, cependant on ne parle point contre la vérité en disant
: « Il a été, il est, et il sera, » il a été, car il n'a jamais cessé d'être;
il sera, parce que son existence n'aura jamais de fin; il est, parce qu'il
existe toujours. DIDYME. (De l'Esprit saint). C'est encore par l'Esprit de vérité que
la science certaine de l'avenir est accordée à de saints personnages, c'est
sous l'inspiration de cet Esprit dont ils étaient remplis que les prophètes
prédisaient, et voyaient comme présents des événements qui ne devaient
arriver que bien longtemps après : « Et il vous annoncera les choses à venir.
» — S. Bède : Il est certain qu'un
grand nombre de saints personnages remplis de la grâce de l'Esprit saint ont
connu et annoncé les événements à venir. Mais comme il en est un grand nombre
aussi en qui brille l'éclat des plus pures vertus, et à qui la science des
choses à venir n'est point donnée, on peut entendre ces paroles : « Il vous
annoncera les choses à venir » dans ce sens qu'il vous remettra en mémoire
les joies de la céleste patrie. L'Esprit saint fait connaître encore aux
apôtres les épreuves qu'ils devaient endurer pour le nom de Jésus-Christ, et
les biens qui devaient être la récompense de ces mêmes épreuves. S. Jean Chrysostome : (hom. 78). C'est ainsi que Notre Seigneur élève
l'esprit et les pensées de ses disciples, car rien n'excite à un plus haut
degré la curiosité et les désirs de la nature humaine, comme la connaissance
do l'avenir. Il les délivre donc de celte sollicitude en leur révélant les
épreuves qui les attendent, afin qu'ils n'y tombent point sans y être
préparés. Il leur explique ensuite quelle est cette vérité dont il a dit : «
L'Esprit saint vous enseignera toute vérité, » en ajoutant : « Il me
glorifiera, » etc. — S. Augustin : (Traité
6 sur S. Jean). C'est-à-dire qu'en répandant la charité dans les meurs des
fidèles, et en les rendant des hommes spirituels, l'Esprit saint leur a fait
connaître que le Fils était égal au Père, lui qu'ils ne connaissaient
auparavant que selon la chair, et que dans leurs pensées tout humaines, ils
ne considéraient que comme un homme. Ou bien encore : « Il me glorifiera, »
parce que la charité remplissant les apôtres de confiance, et bannissant la
crainte de leurs cœurs, ils ont annoncé Jésus-Christ aux hommes, et répandu
la connaissance de son nom dans tout l'univers, car le Sauveur attribue ici à
l’Esprit Saint ce que les apôtres devaient faire sous son inspiration. — S. Jean Chrysostome : Et comme il
leur avait dit précédemment : « Vous n'avez qu'un seul maître, qui est le
Christ; » (Mt 23) pour les disposer à recevoir les leçons de l'Esprit saint,
il ajoute : « Il recevra de ce qui est à moi, et vous l'annoncera. » —
DIDYME. Il faut entendre ce mot recevoir dans un sens qui puisse convenir à
la nature divine; car de même que le Fils en donnant, ne perd point ce qu'il
donne, et n'éprouve aucun dommage de ce qu'il accorde aux autres; ainsi
l'Esprit saint ne reçoit point ce qu'il n'avait pas auparavant, car s'il a
reçu ce qu'il n'avait pas, en communiquant lui-même cette même grâce à un
autre, il s'est appauvri de ce qu'il donnait. Comprenons donc que l'Esprit
saint a reçu du Fils ce qui était propre à sa nature, qu'il n'y a point ici
une personne qui donne et une personne qui reçoit, mais une seule et même
nature, car le Fils lui-même reçoit du Père les propriétés qui font sa
nature; en effet, le Fils n'est rien en dehors de ce qui lui est donné par
son Père, de même qu'on ne peut concevoir la nature de l'Esprit saint en
dehors de ce qui lui est donné par le Fils. S. Augustin : (Traité 6 sur S. Jean). Il ne faut point
toutefois penser, comme l'ont fait quelques hérétiques, que l'Esprit saint
soit moindre que le Fils, parce que le Fils reçoit du Père, et que le
Saint-Esprit reçoit du Fils en suivant certains degrés qui établiraient une
différence entre leurs natures, aussi le Sauveur se hâte de résoudre cette
difficulté et d'expliquer ces paroles en ajoutant : « Tout ce qu'a mon Père
est à moi. — DIDYME. C'est-à-dire, quoique l'Esprit de vérité procède du
Père, cependant, comme tout ce qui est à mon Père est à moi, l'Esprit du Père
est le mien, et il recevra de ce qui est à moi. Gardez-vous, en entendant ces
paroles de soupçonner ici une chose ou une propriété quelconque qui serait
possédée par le Père et par le fils; tout ce que le Père a dans sa nature, c'est-à-dire
dans son éternité, dans son immutabilité, dans sa bonté, le Fils l'a
également. Rejetons donc bien loin tous ces filets des raisonneurs et des
sophistes qui viennent nous dire : « Donc le Père est le Fils; » s'il avait
dit : Tout ce qu'a Dieu est à moi, leur impiété pourrait y trouver matière à
ces inventions sacrilèges, mais comme il a dit : « Tout ce qu'a mon Père est
à moi, » en proclamant le nom de son Père, il déclare lui-même qu'il est
Fils, et il se garde bien, lui qui est le Fils, d'usurper la paternité, bien
que par la grâce de l'adoption, il soit lui-même le Père d'un grand nombre de
saints. S. Hilaire : (De la Trin., 8) Notre-Soigneur n'a donc
point laissé dans l'incertitude si le Saint-Esprit venait du Père ou du Fils;
il a reçu du Fils d'être envoyé, et il procède du Père. Mais je demande si
c'est une même chose pour l'Esprit saint de recevoir du Fils et de procéder
du Père ? On devra certainement reconnaître que c'est une seule et même chose
de recevoir du Fils et de recevoir du Père; car lorsque Notre Seigneur dit :
« Tout ce qu'a mon Père est à moi, » et qu'il dit eu même temps que l'Esprit
saint recevra de ce qui est à lui, il enseigne par-la même qu'il doit
recevoir également du Père. Il dit cependant qu'il recevra de ce qui est à
lui, parce que tout ce qui est à son Père est à lui. Cette unité ne peut donc
admettre de différence, peu importe de qui on reçoit, puisque ce qui est
donné par le Père est considéré comme donné par le Fils. Versets 16-22.
S. Jean Chrysostome : (hom. 79 sur S. Jean). Après avoir répandu
la joie dans l’âme de ses disciples, par la promesse qu'il leur a faite de
leur envoyer l'Esprit saint, le Sauveur les attriste de nouveau en leur
disant : « Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus. » Il agit de la
sorte pour les préparer, par ce langage triste et sévère, à l’idée de sa
séparation prochaine; car rien n'est plus propre à calmer l’âme plongée dans
la tristesse et l'affliction, comme la pensée fréquente des motifs qui ont
produit en elle cette tristesse. — S.
Bède : (hom. 1, pour le 2° Dim. ap. l'oct. de Pâq). Il dit : « Encore un
peu de temps, et vous ne me verrez plus,» parce qu'il fut arrêté cette nuit
par les Juifs, crucifié le jour suivant, enseveli vers le soir, et qu'il
disparut ainsi aux regards des hommes. — S.
Jean Chrysostome : En méditant sérieusement ces paroles : « Parce que je
m'en vais à mon Père, » on y trouve un motif de consolation, car Notre
Seigneur montre ainsi qu'il ne doit point périr sans retour, et que sa mort
n'est qu'un passage de ce monde à son Père. Il les console, encore en
ajoutant : « Et encore un peu de temps, et vous me verrez; » car il leur
apprend ainsi qu'il reviendra, que la séparation sera courte, et que la
réunion avec eux durera éternellement. S. Augustin : (Traité 100 sur S. Jean). Ces paroles du
Sauveur étaient obscures pour les disciples avant l'accomplissement des
événements qu'elles avaient pour objet. Aussi : « Plusieurs de ses disciples
se dirent l'un à l'autre : Qu'est-ce qu'il nous dit : Encore un peu de temps,
et vous ne me verrez plus : et encore un peu de temps, et vous me verrez,
parce que je vais à mon Père ? » — S.
Jean Chrysostome : Ils ne comprenaient pas, soit à cause de la tristesse
qui les empêchait de penser à ce qu'il leur disait, soit à cause de
l'obscurité des paroles elles-mêmes, qui paraissaient renfermer deux choses
contradictoires, mais qui ne l'étaient pas en réalité; car, si nous vous
voyons, pouvaient-ils dire, comment vous en allez-vous ? Et si vous vous en
allez, comment pourrons-nous vous voir ? C'est pour cela qu'ils se demandent
l'un à l'autre : « Qu'est-ce qu'il nous dit : Encore un peu de temps ? Nous
ne savons ce qu'il veut dire. » — S.
Augustin : Dans ce qui précède, Notre-Seigneur, en leur disant : « Je
vais à mon Père, » sans ajouter : « Dans un peu de temps, vous ne me verrez
plus, » leur avait parlé ouvertement. Mais ce qui put alors leur paraître
obscur, et qui leur fut bientôt dévoilé, nous est aussi parfaitement connu.
En effet, la passion et la mort du Sauveur arrivèrent quelque temps après, et
ils ne le virent plus; puis, peu de temps après, il ressuscita et ils le
virent de nouveau. Il leur dit aussi : « Et vous ne me verrez plus, » parce
qu'ils ne devaient plus voir Jésus-Christ dans la nature mortelle dont il
était revêtu. Alcuin : On peut dire encore que ce peu de temps
pendant lequel ils ne le verront pas, ce sont les trois jours qu'il fut
déposé dans le sépulcre, et que ce peu de temps après lequel ils le
reverront, ce sont les quarante jours qui suivirent sa passion et sa
résurrection, et pendant lesquels il leur apparut plusieurs fois jusqu'au
jour de son ascension. Pendant ce court espace de temps, vous me verrez,
jusqu'au jour où je m'eu irai à mon Père; car je ne dois pas toujours rester
corporellement sur cette terre, mais je dois remonter dans le ciel avec
l'humanité que j'ai prise dans mon incarnation. « Jésus, connaissant qu'ils voulaient l'interroger, leur dit : Vous
vous demandez les uns aux autres ce que j'ai dit : Encore un peu de temps, et
vous ne me verrez plus; et encore un peu de temps, et vous me verrez. « En
vérité, en vérité, je vous le dis, vous pleurerez et vous gémirez. » Ce bon
Maître, qui voit leur ignorance, répond au doute que ses paroles avaient fait
naître, en leur expliquant le sens de ce qu'il vient de leur dire. — S. Augustin : On peut entendre ces
paroles de la tristesse des apôtres après la mort du Sauveur, et de la joie
que leur fit éprouver sa résurrection; et le monde alors (c'est-à-dire les
ennemis de Jésus-Christ, qui le firent mourir), se réjouit de la mort du
Sauveur, tandis que ses disciples étaient dans la tristesse. « Le monde se
réjouira, » etc. — Alcuin : Ces
paroles du Seigneur peuvent s'appliquer à tous les chrétiens qui tendent aux
joies éternelles par les larmes et les souffrances de cette vie; tandis que
les justes pleurent, le monde se réjouit, parce qu'il ne connaît que les
joies de la vie présente, et n'espère en aucune façon les joies de l'autre
vie. S. Jean Chrysostome : Notre Seigneur voulant ensuite leur montrer
que la tristesse engendre la joie, comme aussi que cette tristesse sera
courte, tandis que leur joie n'aura point de fin, emprunte cette comparaison
aux choses du monde : « Une femme, lorsqu'elle enfante, a de la tristesse,
parce que son heure est venue; mais lorsqu'elle a mis un enfant au jour, elle
ne se souvient plus de ses douleurs, à cause de sa joie, parce qu'un homme
est né au monde. » — S. Augustin : Cette
comparaison n'est pas difficile à comprendre, parce que les termes en sont
connus, puisque c'est celui même qui la propose qui en l'ait l'application :
« Vous donc aussi, vous avez maintenant de la tristesse; mais je vous
reverrai, et votre cœur se réjouira. » Le travail de l'enfantement est ici
comparé à la tristesse, et la délivrance à la joie, qui est ordinairement
d'autant plus grande, que ce n'est pas une fille, mais un garçon qu'on a mis
au monde. Il ajoute : « Et personne ne vous ravira votre joie, » parce que
Jésus est lui-même leur joie, et que, comme le dit l'Apôtre : « Jésus-Christ,
ressuscité d'entre les morts, ne meurt plus, et la mort n'a plus d'empire sur
lui. » (Rm 6, 9). — S. Jean
Chrysostome : Par la comparaison qui précède, il veut aussi exprimer,
d'une manière figurée, qu'il s'est délivré des étreintes de la mort, et qu'il
a lui-même régénéré le nouvel homme. Et il ne dit pas qu'il n'aura point de
tribulation, mais qu'il ne s'en souviendra point, tant sera grande la joie
qui lui succédera : et il en sera de même pour les saints. Il ne dit pas non
plus : Parce qu'un enfant, mais : « Parce qu'un homme est venu au monde, »
annonçant ainsi, en termes couverts, sa résurrection. — S. Augustin : Mais je crois qu’il est mieux d’entendre de la
vision et de la joie des cieux, ces paroles : « Encore un peu de temps, et
vous ne me verrez plus; » et alors, ce peu de temps, c'est toute la durée du
siècle présent. C'est pour cola que Notre Seigneur ajoute : « Parce que je
vais à mon Père, » paroles qui se rapportent à la première proposition : «
Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus; » et non à la seconde : «
Encore un peu de temps, et vous me verrez, » car c'est eu allant à son Père
qu'il est devenu invisible pour eux. Il leur dit donc, à ceux qui le voyaient
corporellement : « Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus, » parce
qu'il devait aller à son Père, et qu'ils ne devaient plus le voir désormais
dans cette nature mortelle, qu'ils voyaient de leurs yeux, lorsqu'il leur
tenait ce langage. Ce qu'il ajoute : « Et encore un peu de temps, et vous me
verrez, » est une promesse qui s'adresse à toute l'Eglise. Ce peu de temps
nous paraît bien long, parce qu'il dure encore; mais lorsqu'il sera écoulé,
nous comprendrons alors combien courte a été sa durée. Alcuin : Cette femme, c'est la sainte Eglise qui est
féconde en bonnes oeuvres, et qui engendre à Dieu des enfants spirituels.
Cette femme, tant que dure pour elle le travail de l'enfantement
(c'est-à-dire, tant qu'elle s'applique à faire des progrès dans la vertu,
tant qu'elle est exposée aux tentations et aux épreuves), a de la tristesse,
parce que l'heure de la souffrance est venue pour elle; car il n'est personne
qui ait de la haine pour sa propre chair. (Ep 5, 30). — S. Augustin : Et cependant jusque dans l'enfantement de cette
joie, notre tristesse elle-même n'est pas sans quelque joie, car, comme le
dit l'Apôtre : « Nous nous réjouissons en espérance, » (Rm 12) parce qu'en
effet, la femme à laquelle Jésus-Christ nous compare, se réjouit beaucoup
plus de l'enfant qu'elle doit mettre au monde, qu'elle n'est triste des
douleurs actuelles qu'elle ressent. — Alcuin
: Mais lorsqu'elle a mis au monde son enfant (c'est-à-dire, lorsqu'ayant
triomphé de toutes ses épreuves, elle arrive à recueillir les palmes de la
victoire), elle ne se souvient plus des douleurs qui ont précédé, tant est grande
la joie de la récompense qui lui est donnée, en effet de même qu'une femme se
réjouit d'avoir mis un homme au monde, ainsi l'Eglise est remplie d'une juste
allégresse, en voyant le peuple des fidèles qu'elle a enfanté à la vie
éternelle. — S. Bède : Il ne doit
point nous paraître étrange d'entendre parler de la naissance de celui qui
sort de cette vie, car de même qu'on dit de celui qui sort du sein de sa mère
pour voir cette lumière sensible, qu'il naît à la vie; ainsi on peut dire de
celui qui, délivré des liens de la chair, est élevé jusqu'à la contemplation
de la lumière éternelle, qu'il naît à une nouvelle vie, et c'est pour cela
que les fêtes des saints sont appelées les anniversaires, non de leur mort,
mais de leur naissance. Alcuin : Notre Seigneur dit à ses Apôtres : « Je vous
verrai de nouveau, » c'est-à-dire, je vous prendrai avec moi, ou bien : « Je
vous verrai de nouveau, » c'est-à-dire, j'apparaîtrai de nouveau à vos
regards, « et votre cœur se réjouira. » — S. Augustin : (Traité 1) L'Eglise enfante maintenant par ses
désirs le fruit de tous ses travaux, elle l'enfantera alors par la
contemplation, elle enfantera par conséquent un enfant mâle, parce que tous
les devoirs de la vie active se rapportent à ce fruit de la contemplation; le
seul fruit vraiment libre est celui qu'on recherche pour soi, et qui ne se
rapporte pas à un autre, la vie active lui est subordonnée, car toutes les
bonnes oeuvres se rapportent à lui, c'est la fin qui nous suffit; ce fruit
sera donc éternel, car la seule fin qui puisse nous suffire est celle qui n'a
pas de fin. C'est de cette fin qui doit combler tous nos désirs que le
Sauveur nous dit a juste titre : « Et personne ne vous ravira votre joie. » Versets 23-28.
S. Jean Chrysostome : (hom. 79 sur S. Jean). Notre Seigneur montre
de nouveau à ses disciples qu'il leur est avantageux qu'il s'en aille, en
leur disant : « Et en ce jour-là, vous ne m'interrogerez plus sur rien. » — S. Augustin : (Traité 101 sur S. Jean).
Le mot rogare ne signifie pas seulement demander, mais aussi interroger, et
le verbe qui se trouve dans l'Evangile grec, dont le nôtre est une
traduction, peut signifier également l'un et l'autre. — S. Jean Chrysostome : Il leur dit donc : « En ce jour-là
(c'est-à-dire, lorsque je serai ressuscité), vous ne m'interrogerez plus, »
c'est-à-dire, vous ne direz pas : Montrez-nous votre Père, et où allez-vous ?
car l'Esprit saint vous l'apprendra. On bien encore, vous ne me demanderez
rien, c'est-à-dire, vous n'aurez pas besoin de médiateur pour obtenir l'effet
de vos prières, mon nom seul suffira, et en l'invoquant, vous recevrez tout
ce. que vous demanderez : « En vérité, en vérité, je vous le dis, tout ce que
vous demanderez à mon Père en mon nom, il vous le donnera. » Il fait voir
ainsi la puissance de son nom, puisque sans le voir, sans le prier, il
suffira de prononcer ce nom pour qu'il opère des merveilles auprès de son
Père. Ne vous regardez donc point comme abandonnés, parce que je ne serai
plus avec vous; mon nom seul vous inspirera une plus grande confiance : «
Jusqu'à présent, vous n'avez rien demandé en mon nom, demandez et vous
recevrez, afin que voire joie soit pleine. » — Théophylactus : Votre joie sera entière et parfaite, lorsque vos
vœux seront pleinement satisfaits. S. Jean Chrysostome : Comme ses paroles étaient encore couvertes
d'un certain voile pour ses disciples, il ajoute : « Je vous ai dit ces
choses en paraboles, vient l'heure où je ne vous parlerai plus en paraboles,
» c'est-à-dire, il viendra un temps (c'est le temps de sa résurrection), où
vous comprendrez parfaitement ce que je vous dirai, et où je vous parlerai
ouvertement de mon Père; et, en effet, pendant quarante jours, il s'entretint
avec tous ses disciples réunis du royaume de Dieu. Maintenant, leur dit-il,
vous êtes remplis de crainte, et ne prêtez point d'attention à ce que je vous
dis, mais lorsque vous me verrez ressuscité, vous pourrez apprendre toutes
choses sans qu'il y ait pour vous d'obscurité. Théophylactus : Il leur donne encore un nouveau motif de
confiance, c'est qu'ils recevront dans leurs tentations le secours d'en haut
: « En ce jour-là, vous demanderez en mon nom, » c'est-à-dire, je vous
déclare que mon Père vous aime à ce point, que vous n'aurez plus besoin de
mon intervention : « Et je ne vous dis point que je prierai mon Père pour
vous, » etc. Mais ce ne doit pas être pour eux une raison de s'éloigner du
Sauveur, comme s'ils n'en avaient plus besoin, et c'est pour cela qu'il
ajoute : « Parce que vous m'avez aimé, » c'est-à-dire, mon Père vous aime,
parce que vous m'avez aimé, si donc vous veniez à vous détacher de mon amour,
vous perdriez immédiatement l'amour de mon Père. S. Augustin : (Traité 102 sur S. Jean). Mais notre amour
pour le Fils de Dieu est-il le motif de l'amour de son Père pour nous ?
N'est-ce point, au contraire, son amour pour nous qui est la cause de notre
amour ? C'est ce que nous dit l'évangéliste saint Jean, dans une de ses
Epîtres : « Aimons Dieu, parce qu'il nous a aimés le premier. » (l Jn iv). Le
Père nous aime donc, parce que nous aimons le Fils, en vertu du pouvoir que
le Père et le Fils nous ont donné de les aimer. Dieu aime en nous son œuvre,
mais Dieu n'aurait pas fait en nous ce qui est digne de son amour, si avant
de le faire il ne nous avait aimés le premier. — S. Hilaire : (de la Trin., 6) La foi parfaite que nous avons en
Jésus-Christ, Fils de Dieu, n'a plus besoin d'intercession auprès de Dieu,
car elle croit qu'il est sorti de Dieu et qu'elle l'aime, et elle mérite
ainsi d'être écoutée et d'être aimée par elle-même, parce qu'elle professe
hautement la naissance divine du Fils et son incarnation : « Et parce que
vous avez cru que je suis sorti de Dieu. » C'est, en effet, à sa naissance
divine et à son avènement en ce monde, que le Sauveur fait allusion dans ces
paroles : « Je suis sorti de mon Père, et je suis venu en ce monde; » la
première de ces deux choses s'est accomplie dans sa nature divine, la seconde
dans sou incarnation; car ces deux expressions : « Venir de son Père, et
sortir de son Père, » n'ont plus la même signification; autre chose, en
effet, est pour le Fils de sortir du Père par une naissance qui lui donne
toute la substance divine; autre chose est d'être venu du Père en ce monde
pour y consommer les mystères de notre saint. Mais comme sortir de Dieu n'est
autre chose que d'avoir par naissance la nature divine, celui qui a le
privilège de cette naissance ne peut être que Dieu. S. Jean Chrysostome : Comme la promesse de la résurrection du
Sauveur était un véritable adoucissement à leurs peines, aussi bien que de
lui entendre dire qu'il sortait de Dieu et qu'il retournait à Dieu, il les
entretient continuellement dans cette pensée : « Je quitte de nouveau le
monde et je vais à mon Père. » Il leur donnait ainsi la certitude d'un côté
qu'ils avaient en lui une foi droite et pure, et de l'autre qu'ils seraient
désormais sous sa protection. — S.
Augustin : Il est sorti du Père, parce qu'il vient du Père, et il est
venu dans le monde, parce qu'il est apparu au monde dans le corps qu'il avait
pris dans le sein de la vierge Marie. Il a quitté le monde corporellement, et
il est retourne vers son Père, en conduisant son humanité dans les cieux;
mais il n'a point cessé de gouverner le monde par sa présence, parce qu'il
est sorti de son Père pour venir dans le monde sans quitter le sein de son
Père. Or, nous voyons que les Apôtres et les disciples de Jésus-Christ lui
ont adressé, après sa résurrection, et des questions et des prières; des
questions, lorsqu'ils lui demandèrent avant son ascension, en quel temps il
rétablirait le royaume d'Israël (Ac 1), des prières lorsque Etienne le vit
dans les deux à la droite du Père, et le pria de recevoir son esprit. (Ac 6)
Et qui oserait dire que nous ne devions plus le prier depuis qu'il est
immortel, tandis qu'on devait le prier pendant sa vie mortelle ? Je pense
donc que ses paroles : « En ce jour-là vous ne me demanderez plus rien, » ne
doivent pas être rapportées au temps qui suivit sa résurrection, mais à celui
où nous le verrons tel qu'il est (1 Jn 3), vision qui n'est pas de cette vie
que le temps mesure, mais qui est le privilège de cette vie éternelle, dans
laquelle nous n'aurons plus aucune prière, aucune question à faire, parce
qu'il ne nous restera plus rien à désirer, rien à connaître. Alcuin : Voici donc le sens des paroles du Sauveur :
Dans la vie future, vous ne me demanderez plus rien, mais durant le
pèlerinage de cette vie de misères et d'épreuves, si vous demandez quelque
chose à mon Père, il vous l'accordera. Comme il le déclare expressément : «
En vérité, en vérité, je vous le dis, si vous demandez quoique chose à mon
Père on mon nom, il vous l'accordera. » — S. Augustin : Il ne veut point dire toutes sortes de choses
indifféremment, mais quelque chose, qui ne soit pas comme un rien en
comparaison de la vie éternelle. Or, toute prière dont l'objet est contraire
aux intérêts de notre salut, n'est pas faite au nom du Sauveur, car par ces
paroles : « En mon nom, » il faut entendre, non pas le son extérieur des
lettres et des syllabes dont ce nom est composé, mais la signification véritable
de ce nom. Donc celui qui a de Jésus-Christ des idées autres que celles qu'il
faut avoir du Fils unique de Dieu, ne demande point en son nom, bien que ses
lèvres prononcent le nom de Jésus-Christ, parce qu'il demande au nom de celui
qui est présent à sa pensée, au moment de sa prière. Celui, au contraire, qui
a de Jésus-Christ des idées justes et droites, demande véritablement en son
nom, et reçoit infailliblement l'objet de ses prières, s'il ne demande rien
du contraire au salut éternel de son âme. Or, il reçoit dans le temps où Dieu
juge devoir l'exaucer, car il est des choses que Dieu ne nous refuse pas,
mais qu'il diffère de nous donner dans un temps plus favorable. Il font
encore entendre ces paroles : « Il vous donnera, » des grâces exclusivement
propres à ceux qui demandent; car tous les saints sont exaucés dans les
prières qu'ils font pour eux-mêmes, mais non dans celles qu'ils adressent à
Dieu pour tous les antres, parce qu'en effet, le Sauveur ne dit pas en
général : Il donnera, mais : « Il vous donnera. » Quant aux paroles qui
suivent : « Jusqu'à présent, vous n'avez rien demandé en mon nom, » on peut
les entendre de deux manières : Ou bien, vous n'avez rien demandé en mon nom,
parce que vous n'aviez pas de ce nom le connaissance que vous deviez en
avoir, ou bien vous n'avez rien demandé, parce que ce qui a fait l'objet de
vos prières doit être considéré comme rien, en comparaison de ce que vous
auriez dû demander. C'est donc, pour les engager à ne plus demander des
choses de rien, mais une joie pleine et entière, qu'il ajoute : « Demandez,
et vous recevrez, afin que votre joie soit pleine. » Cette joie pleine n'est
point une joie sensible, mais une joie toute spirituelle, et elle sera
pleine, lorsqu'elle sera si grande, qu'on ne pourra plus y rien ajouter. S. Augustin : (de la Trin., 1, 2). Cette joie pleine,
au-dessus de laquelle il n'y a plus rien, sera de jouir de la présence de
Dieu dans la Trinité, à l'image de laquelle nous avons été créés. — S. Augustin : (Traité 102 sur S. Jean).
C'est donc au nom de Jésus-Christ qu'il nous faut demander tout ce qui tend à
nous faire obtenir cette joie éternelle, et jamais la miséricorde divine ne
trompera la confiance de ses saints qui persévèrent dans la demande d'un si
grand bien.. Tout ce qu'on demande en dehors de ce bien, n'est rien, non pas
que l’objet de nos prières soit nul absolument, mais parce qu'un comparaison
d'un si grand bien, tout ce que l'on peut désirer n'est rien. « Je vous ai dit ces choses en paraboles, mais vient l'heure où je ne
vous parlerai plus en paraboles, mais où je vous parlerai ouvertement de mon
Père. » Je dirais volontiers que cette heure dont il parle est la vie future
où nous le verrons à découvert, comme le dit l'Apôtre : « Nous le verrons
face à face. » (1 Co 13, 12). Et alors ces paroles du Sauveur : « Je vous ai
dit ces choses en paraboles, » se rapporteraient à ce que dit saint Paul : «
Nous ne voyons maintenant que comme dans un miroir et sous des images
obscures, » je vous parlerai ouvertement de mon Père, parce que c'est par le
Fils qu'on peut voir le Père, « car personne ne connaît le Père, si ce n'est
le Fils, et celui à qui le Fils a voulu le révéler. » (Mt 11) — S. Grégoire : (Moral., 20, 5, ou dans
les anc. éd., 8). Il leur annonce qu'il leur parlera ouvertement de son Père,
parce qu'en leur découvrant l'éclat de sa majesté, il leur fera voir comment
il est égal dans sa naissance à celui qui l'a engendré, et comment l'Esprit
saint est coéternel au Père et au Fils dont il procède. — S. Augustin : Mais les paroles qui
suivent semblent s'opposer à l'explication que nous venons de donner : « En
ce jour, dit le Sauveur, vous demanderez en mon nom, » car que pourrons-nous
demander dans le siècle futur, quand nos désirs seront rassasiés de
l'abondance de tous les biens ? car la demande suppose toujours une indigence
quelconque. Il est donc mieux d'entendre ces paroles dans ce sens, que Jésus
rendra ses disciples spirituels de charnels, et d'esclaves de leurs sens
qu'ils étaient. En effet l'homme animal ne se représente que sous des images
matérielles et sensibles tout ce qu'il entend dire de la nature de Dieu. Tous
les enseignements de la sagesse sur la nature incorporelle et immuable de
Dieu sont pour lui autant de paraboles, non qu'il les prenne positivement
pour des paraboles, mais parce qu'il n'a d'autres pensées que ceux qui
entendent des paraboles sans les comprendre. Mais lorsque l'homme devenu
spirituel commence à juger tout avec discernement, bien que dans cette vie il
ne puisse voir que comme dans un miroir et en partie, il comprend que Dieu
n'est pas un corps, mais un esprit, et cela sans l'aide d'aucun sens,
d'aucune image sensible, mais par une perception claire et distincte de son
intelligence. Lorsque le Fils nous parle ainsi à découvert de son Père, et nous
fait voir en même temps qu'il a une même nature avec, lui, alors nous
demandons véritablement en son nom, parce que ce nom représente alors à notre
esprit la vérité même qu'il exprime. Nous pouvons comprendre alors que Notre
Seigneur Jésus-Christ, en tant qu'homme, prie pour nous son Père, et que,
comme Dieu, il nous exauce conjointement avec son Père, ce qu'il paraît
indiquer dans les paroles suivantes : « Et je ne vous dis pas que je prierai
mon Père pour vous. » Il n'y a, en effet, que l'œil spirituel de l'âme qui
puisse s'élever jusqu'à cette vérité que le Fils ne prie pas le Père, mais
que le Père et le Fils exaucent ensemble les prières qui leur sont adressées. Versets 29-33
S. Jean Chrysostome : (hom. 79 sur S. Jean). Les disciples de
Jésus consolés et ranimés par l'assurance qui leur est donnée qu'ils sont les
amis du Père, lui avouent qu'ils reconnaissent maintenant qu'il sait toutes
choses : « Ses disciples lui dirent : Voilà que maintenant vous parlez
ouvertement, et sans vous servir d'aucune parabole. » — S. Augustin : (Traité 103 sur S. Jean). Le Sauveur leur annonce
et leur promet seulement que l'heure vient où il ne leur parlera plus en
paraboles, d'où vient donc qu'ils lui tiennent ce langage, sinon qu'ils ne
comprennent pas les paraboles dont il se sert, et que leur ignorance est si
grande, qu'ils ne la connaissent même pas ? — S. Jean Chrysostome : Nôtre-Seigneur, dans les paroles qui
précèdent, a répondu aux secrètes pensées de leur esprit, et c'est pour cela
qu'ils lui disent : « Maintenant nous voyons que vous savez toutes choses. »
Voyez comme ils étaient encore imparfaits; après tant et de si grandes
preuves qu'il leur avait données, ils lui disent : « C'est maintenant
seulement que nous savons; » ils semblent lui en faire un mérite. « Et il
n'est pas besoin que personne vous interroge, » c'est-à-dire, avant même que
nous vous le disions, vous saviez ce qui était pour nous un sujet de trouble,
et vous nous avez rassurés en nous disant que votre Père nous aimait. S. Augustin : Les apôtres étaient convaincus maintenant
que le Sauveur savait toutes choses, d'où vient donc qu'au lieu de lui dire,
ce qui paraissait bien plus naturel : Vous n'avez pas besoin d'interroger sur
aucune chose, ils lui disent au contraire : « Il n'est pas besoin que personne
vous interroge ? » Ou plutôt comment se fait-il que les deux choses eurent
lieu, c'est-à-dire que le Seigneur les interrogea, et qu'ils l'interrogèrent
à leur tour ? La solution de cette difficulté est facile, car ce n'était que
pour eux et non pour lui qu'il les interrogeait, ou qu'il en était interrogé
lui-même. En effet, il ne les interrogeait pas pour en apprendre quelque
chose, mais bien plutôt pour les enseigner eux-mêmes; et ses disciples, qui
l'interrogeaient pour en apprendre ce qu'ils voulaient savoir, avaient besoin
d'être instruits à l’école de celui qui savait toutes choses. Pour lui au
contraire il n'avait aucun besoin qu'on l'interrogeât pour qu'il connût ce
que chacun d'eux voulait savoir de lui; car avant même qu'on lui fit aucune question,
il connaissait l'intention de celui qui allait l'interroger. Ce n'était point
sans doute une chose extraordinaire pour le Seigneur de prévoir les pensées
des hommes, mais pour des hommes faibles il y avait un certain mérite à dire
comme ils le font : « En cela nous croyons que vous êtes sorti de Dieu. » — S. Hilaire : (De la Trin., 6) Ils
croient qu'il est sorti de Dieu, parce qu'il fait des oeuvre que Dieu seul
peut faire. Le Sauveur leur avait déjà dit plusieurs fois : « Je suis sorti
de Dieu, et je suis venu de mon Père en ce monde, » et cette déclaration si
souvent répétée, n'avait excité en eux aucun sentiment d'admiration; aussi
ils n'ajoutent pas : Vous êtes venu de votre Père en ce monde; car ils
savaient qu'il avait été envoyé de Dieu, mais ils ne savaient pas qu'il était
sorti de Dieu, ils ne commencèrent à comprendre cette ineffable naissance du
Fils de Dieu que grâce à ces derniers enseignements du Sauveur, et c'est
alors qu'ils reconnaissent qu'il ne leur parlait plus en paraboles. Ce n'est
point en effet à la manière des enfantements humains, qu'un Dieu naît d'un
Dieu, c'est plutôt une sortie qu'un enfantement, car il vient seul d'un
principe unique, il n'en est pas une partie, un amoindrissement, une
diminution, une dérivation, une extension, une affection, c'est la naissance
d'un être vivant sortant d'un être vivant, il n'est point choisi pour
recevoir le nom de Dieu, il n'est point sorti du néant pour arriver à
l'existence, il est sorti d'un être immuable, et cette sortie doit s'appeler
une naissance, mais non un commencement. S. Augustin : Le Sauveur leur donne ensuite des avis
proportionnés à l'état de faiblesse et d'enfance où se trouvait encore en eux
l'homme intérieur : « Jésus leur répondit : Vous croyez maintenant ? » — S. Bède : Ce que l'on peut entendre
de deux manières : comme une affirmation, ou comme une ironie; comme une
ironie dans ce sens : Il est bien tard pour commencer à croire; car voici
l'heure, etc., comme une affirmation, c'est-à-dirc : « Vous croyez
maintenant; il est vrai, mais voici que vient l'heure, et déjà elle est venue
où vous serez dispersés chacun de votre côté, et où vous me laisserez seul. »
— S. Augustin : En effet lorsqu'on
se saisit de sa personne, ils n'abandonnèrent pas seulement extérieurement
son corps au pouvoir de ses ennemis; mais ils renoncèrent intérieurement à la
foi qu'ils avaient en lui. — S. Jean
Chrysostome : Il leur dit : « L'heure est venue que vous soyez dispersés,
» c'est-à-dire quand je serai livré à mes ennemis, car la crainte qui s'emparera
de vous sera si grande, que vous ne pourrez fuir tous ensemble; mais pour moi
il n'en résultera aucun mal. « Et je ne suis pas seul, parce que mon Père est
avec moi. » — S. Augustin : Il
voulait que leur foi prît de l'accroissement et que leur intelligence
s'élevât jusqu'à comprendre que le Fils était sorti du Père, mais sans le
quitter. Il conclut son discours par ces paroles : « Je vous ai dit ces
choses, afin que vous ayez la paix en moi. » — S. Jean Chrysostome : C'est-à-dire afin que vous ne me repoussiez
jamais de votre cœur, car ce n'est pas seulement lorsque je serai pris par
mes ennemis que vous serez assaillis par le malheur; tant que vous serez dans
le monde, vous serez opprimés, c'est-à-dire, persécutés, c'est ce qu'il leur
prédit en ces termes : « Dans le monde vous aurez des tribulations. » — S. Grégoire : (Moral., 26, 12, ou 11
dans les anc. éd). Il semble leur dire : Placez en moi toute votre
consolation et votre force intérieure, car pour le monde, vous n'avez à en
attendre que l'oppression et la persécution la plus cruelle. S. Augustin : Cette oppression devait commencer pour eux à
cette heure dont Jésus leur disait : « Vient l'heure où vous serez dispersés
chacun de votre côté, » mais elle ne devait pas se continuer de la même
manière. Car ce qu'il ajoute : « Et que vous me laissiez seul, » ne devait
point s'appliquer aux persécutions qu'ils auraient à endurer dans le monde,
après son ascension; alors, au contraire, loin de l'abandonner, il veut
qu'ils lui demeurent attachés et qu'ils mettent en lui leur paix. Il leur dit
encore : « Ayez confiance. » — S. Jean
Chrysostome : C'est-à-dire que votre âme ressuscite et revienne à la vie,
car il ne faut pas que les disciples restent dans la tristesse et les
alarmes, alors que leur Maître a triomphé de leurs ennemis. C'est pour cela
qu'il ajoute : « Parce que j'ai vaincu le monde. » — S. Augustin : Lorsqu'ils eurent reçu l'Esprit saint, c'est en
Jésus-Christ qu'ils mirent toute leur confiance, et c'est par lui qu'ils
remportèrent la victoire; car on ne pourrait dire que le Sauveur a vaincu le
monde, si ses membres étaient vaincus par le monde. (Traité 104). Quant à ces
paroles : « Je vous ai dit ces choses, afin que vous ayez la paix en moi, »
nous ne devons pas seulement les entendre de ce qu'il vient de dire
immédiatement à ses disciples, mais de tous ses enseignements, soit de ceux
qu'il leur a donnés depuis qu'ils ont commencé à être ses disciples, soit de
ce long et admirable discours qui suivit la cène. Le but qu'il s'est proposé
dans tons ces discours il l'a dit en termes exprès, c'est qu'ils placent en
lui leur paix; cette paix n'aura point de fin comme le temps, mais elle sera
elle-même la fin de toutes nos pieuses intentions et de nos saintes actions. |
Caput 17 Lectio 1 [86127] Catena in Io., cap. 17 l. 1 Chrysostomus
in Ioannem. Quia dixerat dominus : in mundo pressuram habebitis, post
admonitionem in orationem convertitur, erudiens nos in tribulationibus, omnia
dimittentes, ad Deum refugere; unde dicitur haec locutus est Iesus. Beda.
Illa intelligi debent quae in coena locutus est, quaedam quidem sedendo
usque ibi : surgite, eamus hinc; deinde stando usque ad hymni finem, cuius
hoc est initium : et sublevatis oculis in caelum dixit : pater, venit hora :
clarifica filium tuum. Chrysostomus. Propter hoc in caelum oculos
elevavit ut nos doceret extensionem quae est in orationibus, ut stantes
sursum aspiciamus, non oculis carnis solum, sed et mentis. Augustinus in
Ioannem. Poterat autem dominus in forma servi, si hoc opus esset, orare
silentio; sed ita se patri exhiberi voluit precatorem ut meminisset nostrum
se esse doctorem. Proinde non solum ad ipsos sermocinatio, sed etiam pro
ipsis ad patrem oratio, discipulorum est aedificatio : profecto et nostrum,
qui fueramus conscripta lecturi. Hoc autem quod ait pater, venit hora,
ostendit omne tempus, et quid et quando faceret, vel fieri sineret, ab illo
dispositum qui tempori subditus non est. Non autem credatur haec hora fato
urgente venisse, sed Deo potius ordinante : absit enim ut sidera mori cogerent
siderum conditorem. Hilarius de Trin. Non diem autem, non tempus, sed
horam venisse dicit. In hora diei portio est : et quae erat haec hora? Iam
nunc conspuendus, flagellandus, crucifigendus erat : sed clarificat pater
filium. Sol de cursu operis defecit, et interitum suum cum eo reliqua mundi
elementa senserunt; ad onus domini in cruce pendentis terra tremuit, et eum
qui moriturus erat se contestata est non capere. Proclamat centurio : vere
filius Dei erat iste; praedictioni consentit effectus. Dominus dixerat
clarifica filium tuum. Non solum nomine contestatus est esse se filium, sed
et proprietate qua dicitur tuum : multi enim nos filii Dei, sed non talis hic
filius : hic enim proprius et verus est filius origine, non adoptione;
veritate, non nuncupatione; nativitate, non creatione. Ergo post
clarificationem eius, veritatem confessio secuta est : nam verum Dei filium
centurio confitetur, ne quis credentium ambigeret quod aliquis persequentium
non negasset. Augustinus in Ioannem. Sed si passione clarificatus
dicitur, quanto magis resurrectione? Nam in passione magis eius humilitas
quam claritas commendatur. Quod ergo ait : pater, venit hora, clarifica
filium tuum, sic intelligendum est tamquam dixerit : venit hora seminandae
humilitatis : fructum non differas claritatis. Hilarius de Trin. Sed
forte infirmus reperietur filius dum clarificationem potioris expectat. Et
quis non patrem potiorem confitebitur, cum ipse dicat : pater maior me est?
Sed cavendum est ne apud imperitos gloriam filii honor patris infirmet; nam
sequitur ut filius tuus clarificet te. Non ergo infirmus est filius, vicem
clarificationis ipse, cum clarificandus sit, redditurus. Ergo expostulatio
clarificationis dandae vicissimque reddendae, eamdem in utroque ostendit
divinitatis virtutem. Augustinus. Merito autem quaeritur quomodo
patrem clarificaverit filius, cum sempiterna claritas patris nec diminuta
fuerit in forma humana, nec augeri potuerit in sua perfectione divina. Sed
apud homines minor erat, quando in Iudaea tantummodo Deus notus erat; quia
vero per Evangelium Christi factum est ut pater innotesceret gentibus, patrem
clarificavit et filius. Dicit ergo clarifica filium tuum, ut filius tuus
clarificet te; ac si dicat : resuscita me, ut innotescas toti orbi per me.
Deinde magis pandens quomodo clarificet patrem filius, subiungit sicut
dedisti ei potestatem omnis carnis, ut omne quod dedisti ei, det eis vitam
aeternam. Omnem carnem dixit omnem hominem, a parte totum significans. Hoc
autem quod potestas Christo a patre data est omnis carnis, secundum hominem
intelligendum est. Hilarius de Trin. Caro enim factus ipse vitae
aeternitatem erat caducis et corporeis et mortalibus redditurus. Vel acceptio
potestatis sola est significatio nativitatis, in qua accepit id quod est. Non
est infirmitati datio deputanda, cum in eo significetur pater esse quod
dederit, et in eo filius Deus maneat quod vitae aeternae dandae sumpserit
potestatem. Chrysostomus in Ioannem. Dicit autem dedisti ei potestatem
omnis carnis : ut ostendat quod non ad Iudaeos solos sua praedicatio, sed ad
totum orbem terrarum extenditur. Sed quid est quod dicit omnis carnis? Non
enim utique omnes crediderunt. Et quidem quantum ex eo est, omnes
crediderunt; si vero non attendebant his quae dicebantur, non eius qui
dicebat, est criminatio, sed eorum qui non susceperunt. Augustinus in
Ioannem. Dicit ergo sicut dedisti ei potestatem omnis carnis, ita te
glorificet filius, idest notum te faciat omni carni quam dedisti ei; sic enim
dedisti, ut omne quod dedisti ei, det eis vitam aeternam. Hilarius de
Trin. Sed in quo tandem aeternitatis vita est, ostendit cum subdit haec
est autem vita aeterna, ut cognoscant te solum verum Deum. Vita est verum
Deum nosse; sed solum hoc non facit vitam : quid ergo connectitur? Et quem
misisti Iesum Christum. Hilarius de Trin. Dum autem Ariani intelligunt
solum patrem verum Deum, solum iustum, solum sapientem, a communione horum,
secundum hos, filius separatur. Soli enim, ut aiunt, propria non
participantur ab altero; quae si in patre solo, et non in filio
existimabuntur, necesse est ut filius Deus falsus et insipiens esse credatur.
Nulli autem dubium est veritatem ex natura et ex virtute naturae esse : verum
enim triticum est quod spica structum, et aristis vallatum, et folliculis
excussum, et in far comminutum, et in panem coctum, et in cibum sumptum
reddit ex se et naturam panis et munus. Quaero ergo in quo filio veritas Dei
desit, cui non desit Dei nec natura nec virtus. Naturae enim suae virtute
usus est, ut essent quae non erant, et fierent quae placerent. An forte quod
ait te solum, communionem atque unitatem suam a Deo separat? Separat sane, si
non ad id quod ait te solum verum Deum, continue subiecit et quem misisti
Iesum Christum. Per id enim Ecclesiae fides Christum verum Deum confessa est,
quod solum verum Deum confessa patrem sit : non enim unigenito Deo naturae
demutationem naturalis nativitas intulit. Augustinus de Trin. Videndum
est ergo an intelligere cogamur, cum dictum est patri ut cognoscant te solum
verum Deum, tamquam hoc insinuare voluerit, quia et solus pater Deus verus
est, ne non nisi ipsa tria simul, patrem et filium et spiritum sanctum,
intelligeremus esse Deum. Nunc ergo ex domini testimonio et patrem solum
verum Deum dicimus, et filium solum Deum verum, et spiritum sanctum solum verum
Deum; et simul patrem et filium et spiritum, idest simul ipsam Trinitatem,
non tres veros deos, sed unum verum Deum. Augustinus. Vel ordo
verborum est : ut te, et quem misisti Iesum Christum, cognoscant solum verum
Deum; consequenter enim et spiritus sanctus intelligitur, quia spiritus est
patris et filii, tamquam caritas consubstantialis amborum. Sic igitur filius
glorificat te, ut omnibus quos dedisti ei, te cognitum faciat. Porro si
cognitio mei est vita aeterna, tanto magis in vita aeterna, quanto magis in
hac cognitione proficimus. Non autem moriemur in vita aeterna. Tunc ergo Dei
cognitio perfecta erit quando nulla mors erit : summa tunc Dei clarificatio,
quia summa gloria. A veteribus autem gloria definita est frequens de aliquo
fama cum laude. At si homo laudatur cum famae creditur, quomodo Deus
laudabitur quando ipse videbitur? Propter quod scriptum est : beati qui
habitant in domo tua, in saecula saeculorum laudabunt te. Ibi erit Dei sine
fine laudatio, ubi erit Dei plena cognitio, et ideo clarificatio.
Augustinus de Trin. Quod dixerit famulo suo Moysi : ego sum qui sum, hoc
contemplabimur cum vivemus in aeternum. Augustinus de Trin. Cum enim
fides nostra videndo fiat veritas, tunc mortalitatem nostram commutatam
tenebit aeternitas. Augustinus in Ioannem. Sed prius hic clarificatur
Deus cum annuntiatus hominibus innotescit, et per fidem credentibus
praedicatur; propter quod dicit ego te clarificavi super terram. Hilarius
de Trin. Haec quidem clarificationis vicissitudo non pertinet ad
divinitatis profectum, sed ad honorem qui ex cognitione ignorantium
suscipiebatur. Chrysostomus. Unde bene dixit super terram : in caelo
enim glorificatus fuerat, et in natura gloriam habens, et ab Angelis
adoratus. Non igitur de illa gloria ait quae substantiae eius est, sed de ea
quae ad culturam hominum pertinet; unde subdit opus consummavi quod dedisti
mihi ut facerem. Augustinus. Non ait : iussisti, sed dedisti : ubi
commendatur evidens gratia : quid enim habet quod non accepit, etiam in
unigenito, humana natura? Sed quomodo consummavit opus quod accepit ut
faciat, cum restet adhuc passionis experimentum, nisi consummasse se dicat
quod se consummaturum certissime novit? Chrysostomus. Vel dicit
consummavi; quasi, ea quae ex parte mea sunt omnia feci; aut quia, cum id
quod maximum est factum est, dici potest totum iam factum esse. Radix enim
bonorum submissa erat, quam omnino debebat sequi fructus : et quia his quae
futura erant, ipse iam aderat et copulabatur. Hilarius de Trin. Post
quae, ut meritum obedientiae et sacramentum totius dispensationis
intelligeremus, adiecit et nunc clarifica me tu, pater, apud temetipsum.
Augustinus. Supra dixerat : pater, venit hora, clarifica filium tuum, ut
filius tuus clarificet te; in quo verborum ordine ostenderat, prius a patre
clarificandum filium, ut patrem clarificaret filius; modo autem dixit ego te
clarificavi, et nunc clarifica me; tamquam prior ipse patrem clarificaverit,
a quo deinde ut clarificetur exposcit. Ergo intelligendum est utroque verbo
superius usum eo ordine quo futurum erat; modo vero usum fuisse verbo
praeteriti temporis de re futura, velut si dixisset : ego te clarificabo
super terram, opus consummando quod dedisti mihi ut faciam, et nunc clarifica
me tu, pater : quae est omnino eadem sententia, nisi quod hic additur
clarificationis modus, cum subdit claritate quam habui, priusquam mundus
fieret, apud te. Ordo verborum est : quam habui apud te, priusquam mundus
esset. Hoc quidam sic intelligendum putaverunt tamquam natura humana quae
suscepta est a verbo, converteretur in verbum, et homo mutaretur in Deum;
immo, si diligentius cogitemus, homo periret in Deo. Non enim quisquam ex
ista mutatione hominis, vel duplicari Dei verbum dicturus est, vel augeri;
sed quisquis Dei filium praedestinatum negat, hunc eumdem filium hominis
negat. Cum ergo videret illius praedestinatae suae glorificationis venisse
tempus, ut et nunc fieret in redditione quod fuerat in praedestinatione iam
factum, oravit dicens et nunc clarifica me tu, pater, etc. : idest, illam
claritatem quam habui apud te praedestinatione tua, tempus est ut apud te
habeam etiam vivens in dextera tua. Hilarius de Trin. Vel orabat ut id
quod ex tempore erat, gloriam eius quae sine tempore est claritatis
acciperet, ut in Dei virtutem et spiritus incorruptionem transformata carnis
corruptio absorberetur. Lectio 2 [86128] Catena in Io., cap. 17 l. 2 Chrysostomus
in Ioannem. Quia dixerat opus consummavi, manifestat quale opus : ut
scilicet nomen Dei manifestaret; unde dicitur manifestavi nomen tuum
hominibus quos dedisti mihi de mundo. Augustinus in Ioannem. Quod si
de his tantum dicit discipulis cum quibus coenavit, non pertinet hoc ad illam
clarificationem de qua superius loquebatur, qua filius clarificat patrem :
quanta est enim gloria duodecim vel undecim innotescere potuisse mortalibus?
Si autem quod ait manifestavi nomen tuum hominibus quos dedisti mihi de
mundo, omnes intelligi voluit qui in eum fuerant credituri, est plane ista
clarificatio qua filius clarificat patrem : et tale est quod ait manifestavi
nomen tuum, quale illud quod supra dixerat : ego te clarificavi, pro tempore
futuro et illic et hic praeteritum ponens. Sed de his qui iam erant
discipuli, non de omnibus qui in illum fuerant credituri, eum hoc dixisse, ea
quae sequuntur credibilius demonstrant. Ab ipso ergo orationis suae exordio
omnes suos dominus volebat intelligi, quibus notum faciendo patrem,
clarificat eum. Cum enim dixisset : filius tuus clarificet te, mox
quemadmodum id fieret demonstravit dicens : sicut dedisti ei potestatem omnis
carnis. Iam nunc quid de illis a quibus tunc audiebatur discipulis suis
dicat, audiamus : manifestavi nomen tuum hominibus quos dedisti mihi de
mundo. Non ergo Dei nomen noverant, cum essent Iudaei; et ubi est quod
legitur : notus in Iudaea Deus, et in Israel magnum nomen eius? Ergo
intelligendum est : manifestavi nomen tuum hominibus istis, quos dedisti mihi
de mundo, qui me audiunt haec dicentem, non illud nomen tuum quod vocaris
Deus, sed illud quod vocaris pater meus; quod nomen manifestari sine ipsius
filii manifestatione non possit : nam quod Deus dicitur universae creaturae,
etiam omnibus gentibus antequam in Christum crederent non omnimode esse
potuit hoc nomen incognitum. In hoc ergo quod fecit hunc mundum, et antequam
imbuerentur in fide Christi, notus in omnibus gentibus Deus; in hoc autem
quod non est cum diis falsis colendus, notus in Iudaea Deus; in hoc vero quod
pater est huius Christi, per quem tollit peccatum mundi, hoc nomen eius prius
occultum, nunc manifestavit eis quos dedit ei pater ipse de mundo. Sed
quomodo manifestavit, si nondum venit hora de qua superius dixerat, quod
veniet hora cum iam non in proverbiis loquar vobis? Proinde intelligendum est
pro tempore futuro praeteritum positum. Chrysostomus. Vel quod ipsum
Christum filium habeat, manifestaverat eis iam et verbis et rebus.
Augustinus. Per hoc autem quod dicit dedisti mihi de mundo, dictum est de
illis quod non essent de mundo; sed hoc eis regeneratio praestitit, non
generatio. Quid est autem quod sequitur : tui erant, et mihi eos dedisti? An
aliquando habuit pater aliquid sine filio? Absit. Verumtamen habuit aliquid
aliquando Dei filius, quod nondum habuit idem ipse hominis filius, qui nondum
erat homo factus ex matre : quapropter quod dixit tui erant, non inde se
separavit Dei filius; sed solet ei tribuere omne quod potest a quo est ipse
qui potest. Quod itaque ait et mihi eos dedisti, secundum hominem se
accepisse hanc potestatem ut eos haberet ostendit; et etiam ipse sibi eos
dedit, hoc est cum patre Deus Christus homini Christo; quod cum patre non
est. Hoc autem dixit, ut ostendat eam quam ad patrem unanimitatem, et quoniam
placet patri ut filio credant; unde sequitur et sermonem tuum servaverunt.
Beda. Sermonem patris semetipsum appellat, quia per ipsum pater omnia
condidit, et in se continet omnes sermones; ac si diceret : memoriae me
commendaverunt, ut nunquam obliviscantur. Vel dicit : et sermonem tuum
servaverunt, in eo scilicet quod mihi crediderunt; unde sequitur et nunc
cognoverunt quia omnia quae dedisti mihi, abs te sunt. Quidam autem dicunt
hanc esse litteram : nunc cognovi quia omnia quae dedisti mihi, abs te sunt :
sed hi non habent rationem. Quomodo enim poterat ignorare filius quae sunt
patris? Sed de discipulis dictum est; quasi dicat : didicerunt quod nihil est
in me alienum extra te, et quod quaecumque doceo, tua sunt. Augustinus. Simul
autem pater dedit ei omnia cum genuit qui habet omnia. Chrysostomus. Et
unde didicerunt? Ex verbis meis, quibus docebam eos quoniam a te exivi : hoc
enim per totum studebat ostendere Evangelium; unde sequitur quia verba quae
dedisti mihi, dedi eis; et ipsi acceperunt. Augustinus. Idest,
intellexerunt, atque tenuerunt. Tunc enim verbum accipitur quando mente
percipitur; unde sequitur et cognoverunt vere quia a te exivi. Et ne quisquam
putaret istam cognitionem iam per speciem factam, non per fidem, exponendo
addidit et crediderunt, ut subaudiamus vere quia tu me misisti. Hoc itaque
crediderunt vere, quod cognoverunt vere. Idem enim est a te exivi quod est tu
me misisti. Quod autem dicit crediderunt, vere intelligendum est, non eo quo
supra dixit modo crediderunt, sed vere, idest quomodo credendum est,
inconcusse, firme, stabiliter; non iam ad propria redituri, et Christum
relicturi. Adhuc ergo discipuli non erant tales quales eos dicit verbis praeteriti
temporis, quasi iam esset praenuntians quales futuri essent accepto spiritu
sancto. Quomodo autem pater ea verba filio dederit, facilior quaestio
videtur, si secundum quod est filius hominis accepisse a patre credatur; si
vero secundum id quod est a patre genitus, accepisse a patre ista verba
cogitatur, nihil ibi temporis cogitetur, quasi prius fuerit, et ea non
habuerit; quoniam quidquid Deus pater Deo filio dedit, gignendo dedit. Lectio 3 [86129] Catena in Io., cap. 17 l. 3 Chrysostomus
in Ioannem. Quia multas a domino consolationes discipuli audientes nondum
persuasi erant, de reliquo patri loquitur, dilectionem quam ad eos habebat
ostendens; unde sequitur ego pro eis rogo; quasi dicat : non solum quae a me
sunt tribuo eis, sed et alium pro hoc rogo; ut ampliorem ostendat amorem.
Augustinus in Ioannem. Cum ergo addit non pro mundo, mundum vult intelligi
eos qui vivunt secundum concupiscentiam mundi, et non sunt in ea sorte
gratiae ut ab illo eligantur ex mundo; quam sortem significat cum subdit sed
pro his quos dedisti mihi. Per hoc enim quod eos illi pater iam dedit, factum
est ut non pertineant ad mundum pro quo non rogat. Neque autem quia pater eos
filio dedit, amisit ipse quos dedit; unde subdit quia tui sunt.
Chrysostomus. Frequenter autem hoc ponit dedisti mihi, ut discant quoniam
patri hoc placet, et quoniam non ut alienus veniens eos seduxit, sed ut
proprios accepit. Deinde ne quis aestimet novum esse eius principatum et
nuper eos suscepisse a patre, subiungit et omnia mea tua sunt, et tua mea
sunt; ac si dicat : neque audiens aliquis quoniam mihi eos dedisti, aestimet
eos alienos esse a patre; mea enim eius sunt : nec audiens quoniam tui erant,
aestimet alienos eos fuisse a me : quae enim sunt eius, mea sunt.
Augustinus. Satis autem hic apparet, quoniam unigeniti filii sunt omnia
quae sunt patris; per hoc utique quod etiam ipse Deus est, et de patre natus,
patri aequalis : non quomodo dictum est maiori ex duobus filiis : omnia mea
tua sunt; illud enim de omnibus dictum est creaturis quae infra creaturam
sanctam rationalem sunt; hoc autem ita dictum est, ut sit haec etiam ipsa
creatura rationalis quae non nisi Deo subditur. Hoc ergo cum sit Dei patris,
non simul esset et filii, nisi patri esset aequalis. Nefas est enim ut sancti
de quibus haec locutus est, cuiusquam sint nisi eius a quo creati et
sanctificati sunt. Hoc autem quod ait, cum de spiritu sancto loqueretur :
omnia quae habet pater, mea sunt, de his dicit quae ad ipsam patris pertinent
divinitatem : neque enim spiritus sanctus de creatura quae patri est subdita
et filio, fuerat accepturus, cum dicat : de meo accipiet. Chrysostomus. Deinde
demonstrationem praedictorum ponit, dicens et clarificatus sum in eis. Ex quo
patet quoniam potestatem super eos habeo, quoniam glorificant me, tibi credentes
et mihi : nullus enim in quibus non habet potestatem glorificatus est.
Augustinus in Ioannem. Dicendo autem iam esse factum, ostendit iam fuisse
praedestinatum, et certum haberi voluit quod esset futurum. Sed utrum ipsa
sit clarificatio de qua dixerat : et nunc clarifica me tu, pater, apud
temetipsum (si enim apud te, quomodo in eis?), An cum hoc ipsum innotescit
eis, et per eos omnibus qui credunt eis, quasi testibus suis; unde subdit et
iam non sum in mundo, et hi in mundo sunt. Chrysostomus. Hoc est : et
si non appaream secundum carnem, per hos glorificor qui pro me moriuntur
sicut et pro patre, et praedicant me sicut et patrem. Augustinus. Sed
si horam illam qua loquebatur attendas, utrique in mundo adhuc erant. Non
enim secundum profectum cordis et vitae id accipere possumus, cum dicat iam
non sum in mundo. Numquid ergo fas est ut eum credamus aliquando mundana
sapuisse? Restat igitur ut secundum illud quod etiam ipse in mundo prius
erat, in mundo se dixit iam non esse praesentia corporali. An non quotidie
dicimus : iam non est hic de aliquo quantocius abituro, et maxime morituro?
Unde exponens cur hoc dixerit, adiecit et ego ad te venio. Commendat igitur
patri eos quos corporali absentia relicturus est, dicens pater sancte, serva
eos in nomine tuo quos dedisti mihi. Sicut homo Deum rogat pro discipulis
suis, quos accepit a Deo. Sed attende quod sequitur : ut sint unum sicut et
nos. Non ait : ut simus unum ipsi et nos, sicut et nos unum sumus : ipsi
utique in natura sua unum sunt, sicut nos in nostra unum sumus : quia enim
una eademque persona est Deus et homo, intelligimus hominem in eo quod rogat,
et Deum in eo quod unum sunt et ille et ipse quem rogat. Poterat quidem
dicere per id quod Ecclesiae caput est, et corpus eius Ecclesia : ego et
ipsi, non unum sed unus sumus, quia caput et corpus unus est Christus; sed
divinitatem suam consubstantialem patri ostendens, vult esse suos unum, sed
in Christo; non tantum per eamdem naturam qua omnes ex hominibus mortalibus
aequales Angelis fiunt, sed etiam per eamdem in eamdem habitudinem
conspirantem concordissimam voluntatem, in unum spiritum quodammodo caritatis
igne conflati. Ad hoc enim valet quod ait ut sint unum, sicut et nos unum
sumus : ut quemadmodum pater et filius non tantum aequalitate substantiae,
sed etiam voluntate unum sunt, ita et hi inter quos et Deum mediator est
filius, non tantum per hoc quod eiusdem naturae sunt, sed etiam per eamdem
dilectionis societatem unum sint. Chrysostomus. Rursus ut homo
loquitur subdens cum essem cum eis, ego servabam eos in nomine tuo, hoc est
per tuum adiutorium; humane enim loquitur, et ad eorum mentem aestimantium
quod maiorem quamdam haberent utilitatem ab eius praesentia. Augustinus
in Ioannem. In nomine enim patris servabat discipulos suos filius homo,
cum eis humana praesentia constitutus; sed et pater in nomine filii servabat
quos in nomine filii petentes exaudiebat. Neque hoc tam carnaliter debemus
accipere velut vicissim nos servent pater et filius : simul enim nos
custodiunt et pater et filius et spiritus sanctus; sed Scriptura nos non
levat nisi descendat ad nos. Intelligamus ergo cum ita dominus loquitur,
personas eum distinguere, non separare naturam. Quando ergo servabat
discipulos suos filius praesentia corporali, non expectabat pater ad custodiendum
succedere filio discedenti; sed eos ambo servabant potentia spiritali; et
quando ab eis abstulit filius praesentiam corporalem, tenuit cum patre
custodiam spiritalem; quia et custodiendos quando filius homo accepit,
custodiae paternae non abstulit; et cum pater filio custodiendos dedit, non
dedit sine ipso cui dedit; sed dedit homini filio, non sine Deo eodem ipso
filio; sequitur enim quos dedisti mihi, ego custodivi, et nemo ex ipsis
periit, nisi filius perditionis, idest traditor Christi, perditioni praedestinatus,
ut Scriptura impleatur, qua scilicet de illo, maxime in Psalmo 108,
prophetatur. Chrysostomus. Et nimirum solus ille tunc periit, sed
multi postea. Dicit autem nemo ex eis periit, idest, quantum ex mea parte non
perdam : quod manifestius alibi dicit : non eiciam foras. Si vero per seipsos
exilient, non ex necessitate ad me traho. Sequitur nunc autem ad te venio.
Sed quia posset aliquis quaerere : numquid non potes eos conservare recedens?
Potest quidem, sed cuius gratia hoc dicat, ostendit subdens et haec loquor in
mundo, ut habeant gaudium meum impletum in semetipsum; idest, ut non
tumultuentur imperfectiores existentes per id quod indicavit quod propter
eorum gaudium et requiem omnia haec infirma loquebatur. Augustinus. Vel
aliter. Quod sit hoc gaudium, iam superius expressum est ubi ait ut sint
unum, sicut et nos unum sumus. Hoc gaudium suum, idest a se in eos collatum,
in eis dicit implendum; propter quod se locutum dixit in mundo. Haec est pax
et beatitudo futuri saeculi. In mundo autem loqui se dicit, qui paulo ante
dixerat iam non sum in mundo; quia enim nondum abierat, hic adhuc erat; et
quia mox fuerat abiturus, hic quodammodo iam non erat. Lectio 4 [86130] Catena in Io., cap. 17 l. 4 Chrysostomus
in Ioannem. Rursus dominus assignat causam propter quam digni sunt
discipuli multa diligentia potiri a patre, dicens ego dedi eis sermonem tuum,
et mundus eos odio habuit; quasi dicat : propter te odio habiti sunt et
propter sermonem tuum. Augustinus in Ioannem. Nondum autem id experti
fuerant passionibus suis, quae illos postea sunt secutae; sed more suo dicit
ista, verbis praeteriti temporis futura praenuntians. Deinde causam subicit
cur eos oderit mundus, dicens quia non sunt de mundo. Hoc eis regeneratione
collatum est : nam generatione de mundo erant. Donatum est ergo eis ut sicut
nec ipse, ita nec ipsi de mundo essent; unde sequitur sicut et ego non sum de
mundo. Ipse de mundo nunquam fuit; quia etiam secundum formam servi de
spiritu sancto natus est, de quo illi renati. Quamvis autem iam non essent de
mundo, adhuc tamen necessarium erat eos esse in mundo; unde subdit non rogo
ut tollas eos de mundo. Beda. Quasi dicat : iam imminet tempus ut
tollar ego de mundo, ideoque necesse est ut illi nunc non tollantur de mundo,
ut me et te primum annuntient mundo. Quod vero subdit, sed ut serves eos a
malo, licet omne malum intelligi possit, maxime vult intelligi malum
secessionis. Augustinus. Repetit autem eamdem sententiam, dicens de
mundo non sunt, sicut et ego non sum de mundo. Chrysostomus. Supra autem
dixit : quos dedisti mihi de mundo; illic naturam dicens, hic autem de
actibus malis. Dicit autem non sunt de mundo : quia nihil commune cum terra
est eis, sed caelestium facti sunt cives : in quo amorem suum eis ostendit,
dum patri eos laudat. Hoc autem quod dicit sicut, cum in ipso et patre
ponitur, parilitas ostenditur propter naturae unitatem; sed cum de nobis et
Christo dicitur, multa distantia intermedia inter utrumque existit. Cum autem
prius dixit : serva eos a malo, non de periculorum ereptione ait solum, sed
de permanentia in fide; unde subdit sanctifica eos in veritate.
Augustinus. Sic enim servantur a malo; quod superius oravit ut fieret.
Quaeri autem potest quomodo de mundo iam non erant, si sanctificati in
veritate nondum erant. An quia et sanctificati in eadem proficiunt
sanctitate, neque hoc sine adiutorio gratiae Dei? Sanctificantur autem in
veritate heredes testamenti novi, cuius veritatis umbrae fuerunt
sanctificationes veteris testamenti; et cum sanctificantur in veritate,
sanctificantur in Christo, qui dixit : ego sum via, veritas et vita; unde
sequitur sermo tuus veritas est. Graecum Evangelium logos habet, idest
verbum. Sanctificavit ergo pater in veritate, idest in verbo suo unigenito,
suos heredes, eiusque coheredes. Chrysostomus. Vel aliter. Sanctifica
eos in veritate; idest, sanctos fac per sancti spiritus donationem et recta
dogmata : recta enim dogmata de Deo docent, et sanctificant animam : et quia
hic de dogmatibus ait, subiunxit sermo tuus veritas est; hoc est : nullum
mendacium est in eo, et nihil typicum ostendit neque corporeum. Videtur autem
mihi et aliud ostendere hoc quod dicit sanctifica eos in veritate; idest,
segrega eos sermoni et praedicationi; unde subdit sicut tu me misisti in
mundum. Glossa. Pro quo enim Christus missus est, pro hoc et hi; unde
Paulus : Deus erat in Christo, mundum reconcilians sibi, et posuit in nobis
verbum reconciliationis. Hoc autem quod dicit sicut, non similiter de eo et
de apostolis ponitur, sed ut erat possibile hominibus. Dicit autem se eos
misisse in mundum, secundum quod erat ei consuetudo, futurum ut factum dicere.
Augustinus. Manifestum est autem per hoc quod nunc adhuc de apostolis
loquitur : nam ipsum nomen apostolorum quoniam Graecum est, missos significat
in Latino; sed quoniam per hoc quod Christus factus est caput Ecclesiae, illi
membra sunt eius, ideo ait et pro eis ego sanctifico meipsum; idest, eos in
meipso sanctifico, cum et ipsi sint ego. Et ut intelligeremus, cum dixit pro
eis sanctifico meipsum, hoc eum dixisse quod eos ipse sanctificaret, mox
addidit ut sint et ipsi sanctificati in veritate, idest in me, secundum quod
verbum veritas est, in quo et ipse filius hominis sanctificatus est ab
initio, quando verbum caro factum est. Tunc enim sanctificavit se in se,
idest hominem se in verbo se : quia unus Christus verbum et homo; propter sua
vero membra dicit et pro eis ego sanctifico meipsum; hoc est, ipsos in me,
quoniam in me etiam ipsi sunt, et ego. Ut sint et ipsi sanctificati in
veritate. Quid est et ipsi, nisi quemadmodum ego, et in veritate, quod sum
ego? Chrysostomus. Vel aliter. Pro eis sanctifico meipsum; idest,
meipsum offero tibi hostiam : hostiae enim omnes sanctae dicuntur, et
quaecumque Deo dicantur. Quia vero antiquitus in figura sanctificatio erat,
utpote in ove, nunc autem est in ipsa veritate, ideo subdit ut sint et ipsi
sanctificati in veritate : quia et eos tibi facio oblationem; quod propterea
dicit, quia ipse qui offertur est caput eorum, aut quia et ipsi immolantur.
Exhibete enim, ait apostolus, membra vestra hostiam viventem sanctam. Lectio 5 [86131] Catena in Io., cap. 17 l. 5 Augustinus in
Ioannem. Cum orasset dominus pro discipulis suis, quos et apostolos
nominavit, adiunxit et ceteros qui in eum fuerant credituri, dicens non pro
eis autem rogo tantum, sed et pro eis qui credituri sunt per verbum eorum in
me. Chrysostomus in Ioannem. Hinc rursus consolatur eos, ostendens
aliorum salutis causam futuros, cum dicit qui credituri sunt per verbum eorum
in me. Augustinus. Ubi omnes suos intelligi voluit, non solum qui tunc
erant in carne, sed etiam qui futuri erant; neque hi tantum qui ipsos, cum in
carne viverent, apostolos audierunt, sed et post obitum eorum, et nos longe
post nati, per verbum eorum credidimus in Christum : quoniam ipsi qui cum
illo tunc fuerunt, quod ab illo audierunt, ceteris praedicaverunt, atque ita
verbum eorum ad nos usque pervenit, et perventurum est ad posteros, quicumque
credituri sunt. Potest autem videri in hac oratione non orasse pro quibusdam
suis, pro illis scilicet qui neque tunc erant cum illo, neque per verbum
eorum postea, sed in eum ante crediderunt. Numquid etiam cum illo erat tunc
Nathanael, Ioseph ab Arimathaea, et multi alii, de quibus Ioannes dicit quod
crediderunt in eum? Omitto dicere de Simeone sene, de Anna prophetissa,
Zacharia, Elisabeth, Ioanne praecursore : quoniam responderi potest, orandum
pro talibus mortuis non fuisse, qui cum magnis suis meritis hinc abierant :
hoc enim et de antiquis iustis similiter respondetur. Intelligendum est
igitur quod nondum ei sic crediderant quomodo ipse in se credi volebat; sed
post eius resurrectionem spiritu sancto impartito edoctis et confirmatis
apostolis, sic alios credidisse quemadmodum Christo credi oportebat. Sed
restat ad quaestionem Paulus apostolus non ab hominibus, neque per hominem,
et latro qui tunc credidit quando in ipsis doctoribus fides quae fuerat
qualiscumque defecit. Proinde relinquitur ut sic intelligamus quod dictum
est, per verbum eorum, ut ipsum verbum fidei quod praedicaverunt in mundo,
sic significatum esse credamus. Dictum autem est verbum eorum, quoniam ab
ipsis est primitus ac praecipue praedicatum : nam quidem ab ipsis
praedicabatur in terra, quando per revelationem Iesu Christi ipsum verbum
eorum Paulus accepit; ac per hoc et ille latro in fide sua verbum eorum
habebat. Ergo illa oratione pro omnibus quos redemit, sive tunc in carne
viventes, sive postea futuros, redemptor noster oravit. Quid autem, vel quare
pro eis rogaret, continuo subiunxit dicens ut omnes unum sint. Hic pro
omnibus rogavit quod est supra pro illis; ut omnes, hoc est ut nos et illi
unum simus. Chrysostomus in Ioannem. Et sic in unanimitate sermonem
concludit, unde incepit ibi finiens : nam incipiens dixit : mandatum novum do
vobis, ut diligatis invicem. Hilarius de Trin. Tum demum unitatis
profectus exemplo unitatis ostenditur cum ait sicut tu, pater, in me, et ego
in te, ut et ipsi in nobis unum sint : ut scilicet sicut pater in filio, et
filius in patre est, ita per huius unitatis formam in patre et filio unum
omnes essent. Chrysostomus. Rursus autem et hoc quod dicit sicut, non
certissimae parilitatis in eis est, sed ut hominibus possibile est; sicut cum
dicit : estote misericordes sicut et pater vester caelestis perfectus est.
Augustinus in Ioannem. Est autem hic diligenter advertendum, non dixisse
dominum : ut omnes unum simus; sed ut omnes unum sint, sicut tu, pater, in
me, et ego in te; subintelligitur : unum sumus. Ita est enim pater in filio
ut unum sint, quia unius substantiae sunt; nos vero esse quidem possumus in
eis unum; unum tamen cum eis esse non possumus, quia unius substantiae nos et
ipsi non sumus. Sic autem sunt in nobis, vel nos in illis, ut illi unum sint
in natura sua, nos unum in nostra. Sunt quippe et ipsi in nobis sicut Deus in
templo; sumus autem nos in illis, sicut creatura in creatore suo. Ideo ergo
addidit in nobis, ut quod unum efficimur fidelissima caritate, gratiae Dei
tribuendum esset, non nobis. Augustinus de Trin. Vel quia in seipsis
unum esse non possunt, dissociati ab invicem per diversas voluptates et
cupiditates et immunditiam peccatorum : unde mundentur per mediatorem, ut
sint in illo unum. Hilarius de Trin. Laborantes autem haeretici
fallere, ne per id quod dictum est : ego et pater unum sumus, naturae in his
unitas, et indifferens divinitatis subsistentia crederetur; sed ex dilectione
mutua et voluntatum concordia unum essent : exemplum unitatis istius ex his
dictis dominicis protulerunt ut omnes unum sint, sicut tu, pater, in me, et
ego in te. Sed licet ipsum intelligentiae suae sensum impietas demutet, non
tamen potest intelligentia non extare dictorum : si enim regenerati in unius
vitae atque aeternitatis natura sunt, cessat in his solus unitatis assensus
qui unum sunt in eiusdem regeneratione naturae; soli autem patri et filio ex
natura proprium est ut unum sint, quia Deus ex Deo unigenitus, non potest
nisi in originis suae esse natura. Augustinus. Quid est autem hoc quod
subdit ut mundus credat quia tu me misisti? Numquid tunc crediturus est
mundus, quando in patre et filio omnes unum erimus? Nonne ista est pax illa
perpetua, potius fidei merces quam fides? Sed etsi in hac vita propter ipsam
communem fidem omnes qui unum credimus, unum sumus; etiam sic non ut
credamus, sed quia credimus, unum sumus. Quid est ergo omnes unum sint ut
mundus credat? Ipsi quippe omnis mundus est credens, cum de his dicat de
quibus dixerat : non pro his rogo tantum, sed pro his qui credituri sunt per
verba eorum in me. Quomodo ergo intellecturi sumus? Nisi quia non in eo
causam posuit ut credat mundus, quia illi unum sunt : sed orando dixit ut
mundus credat, sicut orando dixerat ut unum sint. Denique si verbum quod ait
rogo, ubique ponamus, erit huius expositio sententiae manifestior. Rogo ut
omnes unum sint; rogo ut et ipsi in nobis unum sint; rogo ut mundus credat
quia tu me misisti. Hilarius de Trin. Vel per id mundus crediturus est
filium a patre missum esse, quod omnes qui credituri in illum sunt, unum in
patre et filio erunt. Chrysostomus in Ioannem. Nihil enim ita
scandalizat omnes ut ab invicem dividi; sed quod credentes fiant unum, hoc
aedificat ad fidem, et hoc etiam a principio dixit : in hoc cognoscent omnes
quia mei estis discipuli, si dilectionem habueritis ad invicem. Si enim
altercantur, non dicentur pacifici magistri esse discipuli. Me vero, inquit,
non existente pacifico, non confitebuntur a te missum. Augustinus. Deinde
salvator noster, qui rogando patrem se hominem demonstrabat, nunc demonstrat,
se ipsum, quoniam cum patre Deus est, facere quod rogat; unde subdit et ego
claritatem quam dedisti mihi, dedi illis. Quam claritatem, nisi
immortalitatem, quam natura humana in illo fuerat acceptura? Propter
immutabilitatem enim praedestinationis praeteriti temporis verbis futura
significat. Immortalitatis autem claritatem, quam sibi a patre datam dicit,
etiam se sibi dedisse intelligendum est. Cum enim tacet filius in opere
patris operationem suam, humilitatem commendat; cum vero in opere suo tacet
operationem patris, parilitatem commendat. Isto igitur modo et hoc loco, nec
se facit alienum a patris opere, quamvis dixerat claritatem quam dedisti
mihi; nec patrem fecit alienum ab opere suo, quamvis dixerat dedi eis. Sicut
autem ex eo quod patrem pro suis omnibus rogavit, hoc fieri voluit ut omnes
unum sint; ita etiam suo beneficio id fieri voluit; unde adiunxit ut unum
sint in nobis, sicut et nos unum sumus. Chrysostomus. Vel claritatem
dicit gloriam quae est per signa et dogmata, et ut unanimes sint; unde subdit
ut unum sint in nobis, sicut et nos unum sumus. Haec enim gloria, ut sint
unum; etiam signis maior est. Universi enim qui per apostolos crediderunt,
unum sunt; et si quidam ex ipsis divisi sunt, hoc eorum desidiae fuit; quod
tamen eum non latuit. Hilarius. Per acceptum igitur et datum honorem
omnes unum sunt. Sed nondum apprehendo ratione, quoniam datus honor unum
omnes esse perficiat. Sed dominus gradum quemdam atque ordinem consummandae
unitatis exposuit cum subdit ut unum sint in nobis : ut cum ille in patre per
naturam divinitatis esset, nos contra in eo per corporalem eius nativitatem,
et ille iterum in nobis per sacramenti esse mysterium crederetur, perfecta
per mediatorem unitas docetur. Chrysostomus. Alibi vero ait de se et
patre : veniemus, et mansionem apud eum faciemus : illic quidem Sabellianorum
obstruens ora, dum scilicet ponit duas personas; hic vero Arii suspicionem
destruens, cum patrem per se dicit discipulis advenire. Augustinus in
Ioannem. Neque tamen hoc ita dictum est tamquam pater non in nobis aut nos
in patre non simus, sed per mediatorem inter Deum et hominem se breviter
intimavit. Quod vero addidit ut sint consummati in unum, ostendit eo perduci
reconciliationem quae fit per mediatorem ut perfecta beatitudine perfruamur.
Unde id quod sequitur, ut cognoscat mundus quia tu me misisti, non sic
accipiendum puto tamquam iterum dixerit ut credat mundus. Quamdiu enim
credimus quod non videmus, nondum sumus consummati, sicut erimus cum
meruerimus videre quod credimus. Quando ergo de consummatione loquitur, talis
est intelligenda cognitio qualis erit per speciem, non qualis nunc est per
fidem. Ipsi quippe credentes sunt mundus, non permanens inimicus, sed ex
inimico amicus effectus; propterea sequitur et dilexisti eos sicut me
dilexisti. In filio quippe nos pater diligit, quia in eo nos elegit : nec
ideo pares sumus unigenito filio : neque enim semper aequalitatem significat
quod dicitur : sicut illud, ita et istud; sed aliquando tantum : quod illud
est, est et illud. Ita in hoc loco nihil est aliud dilexisti eos sicut me
dilexisti, quam dilexisti eos, quoniam et me dilexisti : non enim alia causa
est diligendi membra eius, nisi quia diligit eum. Cum igitur eorum quae
fecerit nihil oderit, quis digne possit eloqui quantum diligat membra
unigeniti filii sui, et quanto amplius ipsum unigenitum? Lectio 6 [86132] Catena in Io., cap. 17 l. 6 Chrysostomus
in Ioannem. Postquam dixerat quia multi credent per eos, et multa gloria
potientur, loquitur de reliquo de coronis eis repositis, dicens pater, quos
dedisti mihi, volo ut ubi ego sum et illi sint mecum. Augustinus
in Ioannem. Ipsi sunt quos a patre accepit, quos et ipse de mundo elegit :
sicut enim ait in huius orationis exordio : dedit ei potestatem omnis carnis,
idest omnis hominis, ut det eis vitam aeternam : ubi ostendit potestatem se
omnis hominis accepisse, ut liberaret quos voluerit et damnaret quos
voluerit. Quapropter omnibus membris suis promisit hoc praemium, ut ubi est
ipse, et nos cum illo simus; nec poterat non fieri quod omnipotenti patri se
velle dixerit omnipotens filius : una vero est patris et filii voluntas; et
si intelligere nondum permittit infirmitas, credat pietas. Quantum ergo
attinet ad creaturam, in qua factus est ex semine David secundum carnem, eo
modo dicere potuit ubi ego sum, ut iam ibi se esse diceret ubi fuerat mox
futurus. In caelo ergo nos futuros esse promisit : illo enim forma servi
levata est quam sumpsit ex virgine et ad dexteram patris collocata.
Gregorius Moralium. Ubi est ergo quod rursus veritas dicit : nemo ascendit
in caelum nisi qui de caelo descendit? Quae sibi in verbis suis non discrepat
: quia enim membrorum suorum caput dominus factus est, repulsa reproborum
multitudine, solus etiam est nobiscum; et sic, dum nos cum illo unum iam
facti sumus, unde solus venit in se, illuc etiam solus redit in nobis.
Augustinus in Ioannem. Quod vero attinet ad formam Dei, in qua aequalis
est patri, si secundum eam velimus intelligere quod dictum est ubi ego sum,
et illi sint mecum, abscedat ab animo omnis imaginum corporalium cogitatio,
et non inquiratur aequalis patri filius ubi sit; quoniam nemo invenit ubi non
sit : propterea non ei satis fuit dicere volo ut ubi ego sum, et ipsi sint,
sed addidit mecum. Esse enim cum illo magnum bonum est : nam et miseri
possunt esse ubi est ille; sed beati soli sunt cum illo. Et ut de visibili,
quamvis longe dissimili, qualecumque sumamus exemplum; sicut caecus etiam si
ibi sit ubi lux est, non est tamen ipse cum luce, sed absens est a praesente,
ita non solum infidelis, sed etiam fidelis, etsi esse numquam possit ubi non
sit Christus, non est tamen ipse cum Christo per speciem; nam fidelem non est
dubitandum esse cum Christo per fidem. Sed hic de specie illa dicebat in qua
videbimus eum sicuti est; unde adiunxit ut videant claritatem meam quam
dedisti mihi. Ut videant dixit, non : ut credant : fidei merces est ista, non
fides. Chrysostomus in Ioannem. Non autem dixit : ut participent
gloriam meam, sed ut videant, hoc occulte insinuans quoniam omnis requies ibi
est filium Dei videre. Dedit autem ei pater claritatem quando eum genuit.
Augustinus. Cum ergo viderimus claritatem quam dedit pater filio, etiam si
eam dici hoc loco intelligamus, non quam pater aequali filio, gignens eum,
dedit, sed quam facto homini filio dedit post mortem crucis, tunc fiet
iudicium, tunc tolletur impius ne videat claritatem domini : quam, nisi illam
qua Deus est? Si ergo secundum id quod filius Deus est, accipiamus hoc
dictum, volo ut ubi ego sum, et ipsi sint mecum, in patre cum Christo erimus
: qui cum dixisset ut videant claritatem quam dedisti mihi, continuo
subiunxit quia dilexisti me ante constitutionem mundi. In illo enim dilexit
et nos ante constitutionem mundi, et tunc praedestinavit quod in fine
facturus est mundi. Beda. Claritatem igitur vocat dilectionem qua ipse
dilectus est a patre ante mundi constitutionem : in illa claritate et nos
dilexit ante constitutionem mundi. Theophylactus. Postquam ergo pro
fidelibus oravit, et tot illis prospera promisit, ponit quoddam pium et
propria mansuetudine dignum, dicens pater iuste, mundus te non cognovit :
quasi dicat : ego cuperem cunctos homines consequi dicta bona, quae quidem
pro fidelibus imploravi; sed quia ignoraverunt te, ideo non contingent
gloriam et coronas. Chrysostomus. Videtur autem mihi hoc et anxius
dicere, quoniam eum qui ita bonus et iustus est cognoscere noluerunt. Non
igitur hoc est quod Iudaei dicunt, quoniam ipsi quidem te cognoscunt, ego
vero ignoro; sed e contrario est; unde subdit ego autem cognovi te, et hi
cognoverunt quia tu me misisti : et notum feci eis nomen tuum, et notum
faciam, per spiritum sanctum eis perfectam cognitionem dando. Si autem
didicerint quis es tu, scient quia ego non sum separatus a te, sed valde
amatus, et proprius filius et coniunctus. Hoc vero suasi eis, ut ego maneam
in eis; et sic fidem quae est in me et amorem servabunt certissime; et hoc
est quod subditur ut dilectio qua dilexisti me, in ipsis sit, et ego in
ipsis; quasi dicat : ipsis me amantibus, ego manebo in eis. Augustinus. Vel
aliter. Quid est eum cognoscere, nisi vita aeterna, quam mundo damnato non
dedit, reconciliato dedit? Propterea itaque mundus non cognovit quia iustus
es. Hoc meritis eius, ut non cognosceret, retribuisti; et propterea mundus
reconciliatus cognovit quia misericors es; et ut cognosceret, non ei merito,
sed gratia subvenisti. Denique sequitur ego autem cognovi te. Ipse fons
gratiae est Deus natura, homo autem de spiritu sancto et virgine ineffabili
gratia. Denique quia gratia Dei per Iesum Christum est, dicitur et hi
cognoverunt : ipse est mundus reconciliatus; sed ideo quia tu me misisti :
ergo gratia cognoverunt. Et notum feci eis nomen tuum per fidem, et notum
faciam per speciem, ut dilectio qua dilexisti me, in ipsis sit. Qualis est
ista locutio, tali et apostolus usus est : bonum certamen certavi; non ait :
bono certamine, quod usitatius dicetur. Quomodo autem dilectio qua pater
dilexit filium, esset in nobis, nisi quia membra eius sumus, et in illo
diligimus, cum ipse diligitur totus, idest caput et corpus? Et ideo subiunxit
et ego in ipsis : est enim in nobis tamquam in templo suo, nos autem in illo
secundum quod caput nostrum est. |
CHAPITRE XVII
Versets 1-5.
S. Jean Chrysostome : (hom. 80 sur S. Jean). Notre Seigneur venait
de dire à ses disciples : « Vous aurez des tribulations dans le monde. » A
cet avertissement il fait succéder la prière, pour nous apprendre à tout
quitter pour recourir à Dieu seul au milieu de nos tribulations : « Ayant dit
ces choses, Jésus leva les yeux au ciel, » etc. — S. Bède : Il faut entendre ici les choses qu'il leur dit pendant
la cène, les unes lorsqu'il était encore à table, jusqu'à ces paroles : «
Levez-vous, sortons d'ici; » les autres lorsqu'il fut sorti, jusqu'à la fin
de la prière, dont voici le commencement : « Jésus leva les yeux au ciel, et
dit : Mon Père, » etc. — S. Jean
Chrysostome : Il lève les yeux au ciel pour nous apprendre jusqu'où nos
prières doivent monter, et que nous devons les faire en levant au ciel,
non-seulement les yeux au corps, mais ceux de l'esprit. S. Augustin : (Traité 104 sur S. Jean). Notre Seigneur aurait
pu en tant qu'homme, s'il l'avait fallu, prier sans proférer aucune parole;
mais en se montrant l'humble suppliant de son Père, il a voulu nous apprendre
qu'il n'a pas oublié qu'il était notre maître. Aussi ses disciples
trouvent-ils un sujet d'édification, non-seulement dans ses enseignements,
mais dans la prière qu'il adresse pour eux à son Père. Et ce fruit précieux
est à la fois pour ceux qui entendirent cette prière, et pour nous qui devons
un jour la lire dans le saint Evangile. Il commence sa prière en ces termes :
« Mon Père, l'heure est venue, » et il nous montre ainsi que loin d'être
nécessairement soumis au temps, il était le suprême ordonnateur du temps où
devaient s'accomplir les actions dont il était l'auteur immédiat ou qui ne se
faisaient que par sa permission. N'allons pas croire que cette heure soit
venue comme amenée par le destin, c'est Dieu lui-même qui l'avait fixée dans
ses décrets, car loin de nous la pensée que les astres aient pu contraindre à
mourir le Créateur des astres. S. Hilaire : (de la Trin., 3) Il ne dit pas : Le jour ou
le temps est venu, mais : « L'heure est venue. » L'heure est une partie du
jour, et quelle est cette heure ? celle où il devait être couvert de
crachats, flagellé, crucifié, mais celle aussi où le Père devait glorifier le
Fils. La mort vint interrompre le cours de ses œuvres, et tous les cléments
du monde ressentirent l'effet de cette mort, la terre trembla sous le poids
du Seigneur suspendu à la croix, et elle attesta qu'elle ne pouvait contenir
dans son sein celui qui allait mourir. Le centurion s’écrie bien haut : « Il
était vraiment le Fils de Dieu. » La prédiction se trouve ainsi justifiée. Le
Sauveur avait dit : « Glorifiez votre Fils, » et il affirme ainsi qu'il était
vraiment son Fils, non-seulement de nom, mais en réalité, en ajoutant le
pronom : « Vôtre, » car nous sommes aussi en grand nombre les Fils de Dieu,
mais nous ne le sommes pas de la même manière que lui. Il est proprement le
Fils de Dieu par origine et non par adoption, en vérité, et non-seulement par
dénomination, par sa naissance, et non par création. Aussi après qu'il eut
été glorifié, la vérité fut solennellement proclamée, le centurion confessa
qu'il était le vrai Fils de Dieu, de manière à ce que personne, parmi les
fidèles, ne pût hésiter à reconnaître ce que les bourreaux eux-mêmes
n'avaient pu nier. — S. Augustin : Mais
si sa passion a été pour lui un principe de gloire, combien plus sa
résurrection ? Ce qui éclate, en effet, dans sa passion, c'est son humilité
bien plutôt que sa gloire. Il faut donc entendre ces paroles : « Mon Père,
l'heure est venue, glorifiez votre Fils; » dans ce sens : L'heure est venue
de répandre la semence de l'humilité, ne différez pas les fruits de gloire
qu'elle doit produire. — S. Hilaire : (de
la Trin., 3) Mais peut-être regardera-t-on comme une marque de faiblesse dans
le Fils qu'il ait besoin d'être glorifié par un plus puissant que lui. Et
qui, en effet, se refuserait à reconnaître dans le Père une puissance plus
grande, sur le témoignage du Sauveur lui-même, qui déclare que son Père est
plus grand que lui ? Prenons donc garde qu'un sentiment d'irréflexion nous
fasse voir dans la gloire du Père un affaiblissement de la gloire du Fils,
car Noire-Seigneur ajoute aussitôt : « Afin que votre Fils vous glorifie. »
Il n'y a donc ici aucun signe de faiblesse dans le Fils, puisqu'il doit
rendre lui-même la gloire qu'il demande; donc cette prière qu'il fait pour
que son Père lui donne une gloire qu'il doit lui rendre à son tour, est une
preuve qu'ils ont tous deux une même puissance et une même divinité. S. Augustin : (Traité 105 sur S. Jean) Mais on peut
demander avec raison comment le Fils a glorifié le Père, puisque la gloire
éternelle du Père n'a pu subir d'amoindrissement qui serait la suite de son
union avec la nature humaine, ni d'accroissement dans sa perfection toute
divine. Sans doute la gloire du Père n'a pu éprouver on elle-même aucune
altération, aucun accroissement, mais elle était comme amoindrie aux yeux des
hommes, lorsque Dieu n'était connu que dans la Judée. C'est donc lorsque
l'Evangile de Jésus-Christ eut fait connaître le Père aux nations, que le
Fils a véritablement glorifié le Père. Il lui dit donc : « Glorifiez votre
Fils, afin que votre Fils vous glorifie, » c'est-à-dire : Ressuscitez-moi,
afin que je vous fasse connaître à tout l'univers. Il explique ensuite plus
clairement encore comment le Fils glorifie le Père, en ajoutant : « Puisque
vous lui avez donné puissance sur toute chair, afin qu'il donne la vie
éternelle à tous ceux que vous lui avez donnés. » Cette expression, « toute
chair, » signifie tous les hommes, c'est-à-dire, que la partie est prise pour
le tout. Cette puissance sur toute chair a été donnée par le Père à
Jésus-Christ en tant qu'homme. — S.
Hilaire : (de la Trin., 3) Car il s'est incarné pour rendre la vie
éternelle à tout ce qui était faible, esclave de la chair et de la mort. — S. Hilaire : (de la Trin., 9) Ou
bien, Dieu a donné ce pouvoir au Fils par sa naissance où il lui a communiqué
sa divine essence. Il ne faut point regarder cette communication dans le Père
comme un signe de faiblesse, puisqu'il conserve le pouvoir qu'il donne, et
que le Fils ne laisse pas d'être Dieu lui-même, tout en recevant le pouvoir
de donner la vie éternelle. — S. Jean
Chrysostome : Notre Seigneur dit : « Vous lui avez donné la puissance sur
toute chair, » pour montrer que sa prédication devait s'étendre,
non-seulement aux Juifs, mais à tout l'univers. Mais comment entendre ces
paroles : « Sur toute chair, » car tous les hommes n'ont pas embrassé la foi
? c'est-à-dire, que le Fils de Dieu a fait tout ce qui dépendait de lui pour
déterminer les hommes à croire; si un grand nombre n'ont point écoute sa
parole, la faute n'en est pas à celui qui leur parlait, mais à ceux qui ont
refusé de recevoir sa parole. — S.
Augustin : Il leur dit donc : « Puisque vous lui avez donné puissance sur
toute chair; que votre Fils vous glorifie, » C’est-à-dire, qu'il vous fasse
connaître à toute chair que vous lui avez donnée, car vous ne la lui avez
donnée, que pour qu'il lui donne lui-même la vie éternelle. S. Hilaire : (de la Trin., 3) Mais en quoi consiste la
vie éternelle ? le Sauveur va nous l'apprendre : « Or, la vie éternelle
consiste à vous connaître, vous le seul Dieu véritable, et celui que vous
avez envoyé Jésus-Christ. » La vie, c'est de connaître le vrai Dieu, mais
cela seul ne suffit pas. Quelle est la connaissance essentiellement liée à
celle-là ? « Et celui que vous avez envoyé, Jésus-Christ. » — S. Hilaire : (de la Trin., 4) Les
Ariens prétendent que le Père seul est le seul vrai Dieu, le seul juste, le
seul sage, et ils excluent le Fils de toute communion à ces divines
perfections. Les choses qui sont propres à un seul, disent-ils, ne peuvent
être communiquées à un autre, si donc ces attributs se trouvent dans le Père
seul, la conséquence est que le Fils n'est point véritablement Dieu, et que
c'est à tort qu'on lui en donne le nom. — H. HIL. (de la Trin., 5) Chacun
sait, à n'en pouvoir douter, que la vérité d'une chose se révèle par sa
nature et par sa vertu, ainsi le véritable froment est celui qui réduit en
farine, cuit sous la forme de pain, et pris en nourriture présente la nature
au pain et en produit les effets; je demande donc ce qui manque au Fils pour
qu'il soit vrai Dieu, puisqu'il a tout à la fois la nature et la vertu de
Dieu ? Il a donné des preuves de la puissance de sa nature, lorsqu'il a créé
les choses qui n'existaient pas et les a appelées à l'existence suivant sa
volonté. — S. Hilaire : (de la
Trin., 9) Dira-t-on que par ces paroles : « Vous qui êtes le seul vrai Dieu,
» le Sauveur se met en dehors de toute communion, de toute identité avec la
nature divine ? Oui, sans doute, ou pourrait dire qu'il se met en dehors, si
après ces paroles : « Vous qui êtes le seul vrai Dieu, » il n'ajoutait : « Et
celui que vous avez envoyé Jésus-Christ. » En effet, la foi de l'Eglise a
confessé que Jésus-Christ était vrai Dieu, par la même raison qu'elle
reconnaissait que le Père était le seul vrai Dieu, car la naissance divine du
Fils unique ne lui a rien fait perdre de la nature divine. S. Augustin : (de la Trin., 6, 9). Voyons doue si ces
paroles du Sauveur : « Afin qu'ils vous connaissent, vous qui êtes le seul
vrai Dieu, » signifient que le Père seul est le vrai Dieu, et si au contraire
nous ne devons pas en conclure que les trois personnes, le Père, le Fils, et
le Saint-Esprit soient Dieu. Mais c'est en vertu du témoignage du Sauveur
lui-même, que nous disons que le Père est le seul vrai Dieu, que le Fils est
le seul vrai Dieu, que l'Esprit saint est le seul vrai Dieu, et que le Père,
le Fils, et le Saint-Esprit, c'est-à-dire, toute la Trinité ne font pas trois
Dieux, mais un seul vrai Dieu. — S.
Augustin : (Traité 103 sur S. Jean). On peut encore disposer la phrase,
de cette manière : Afin qu'ils reconnaissent pour le seul vrai Dieu vous et
celui que vous avez envoyé, Jésus-Christ; et dans cette proposition se trouve
compris l'Esprit saint, parce qu'il est l'Esprit du Père et du Fils, et
l'amour consubstantiel de ces deux personnes divines. Le Fils vous glorifie
donc en vous faisant connaître à tous ceux que vous lui avez donnés. Or, si
la connaissance de Dieu est la vie éternelle, plus nous avançons dans la
connaissance de Dieu, plus aussi nous avançons vers la vie éternelle. La mort
n'a plus d'accès dans la vie éternelle, et la connaissance de Dieu sera
parfaite, lorsque l'empire de la mort sera complètement détruit. Alors Dieu
sera souverainement glorifié, parce que sa gloire sera à son comble. Les
anciens ont défini la gloire, la renommée d'un homme, accompagnée d'estime et
de louange. Or, si la gloire, d'un homme peut résulter de sa renommée seule,
quelle sera donc la gloire de Dieu, lorsqu'il sera vu tel qu'il est ? C'est
pour cela que le Psalmiste a écrit : « Bienheureux ceux qui habitent dans
votre maison, ils vous loueront dans les siècles des siècles. » La gloire et
la louange de Dieu, et par conséquent sa glorification, n'auront plus de fin,
parce que la connaissance de Dieu sera pleine et parfaite. S. Augustin : (de la Trin., 1, 8). C'est alors que nous
contemplerons dans la vie éternelle la vérité de ce que Dieu disait à Moïse :
« Je suis celui qui suis. » (Ex 3) — S.
Augustin : (de la Trin., 5, 18). Lorsque notre foi deviendra la vérité au
sein de la vie elle-même, alors notre mortalité fera place à l'éternité. — S. Augustin : (Traité 105 sur S.
Jean,) Mais dès cette vie Dieu est glorifié, lorsque la prédication le fait
connaître aux hommes par la foi, et c'est pour cela que le Sauveur dit : « Je
vous ai glorifié sur la terre. » — S.
Hilaire : (de la Trin., 4) Cette glorification n'ajoute rien à la
perfection de la divinité, mais elle est un certain honneur qui résulte de la
connaissance de ceux qui l'ignoraient auparavant. — S. Jean Chrysostome : C'est avec raison qu'il dit : « Je vous ai
glorifié sur la terre, » car il avait été glorifié dans les cieux en recevant
la gloire qui est propre à sa nature, et les adorations des anges; il ne
parle donc pas ici de la gloire essentielle à la nature du Père, mais de la
gloire qui résulte des hommages que lui rendent les hommes. C'est pour cela
qu'il ajoute : « J'ai consommé l'œuvre que vous m'avez donnée à faire. » — S. Augustin : (Traité 105 sur S. Jean).
Il ne dit pas : L'œuvre que vous m'avez commandée, mais : « Que vous m'avez
donnée, » paroles qui sont un éclatant témoignage en faveur du la grâce; car
que possède la nature humaine, même dans le Fils unique, qu'elle n'ait reçu ?
Mais comment a-t-il consommé l’œuvre que Dieu lui a donnée à faire, puisqu'il
lui restait encore la douloureuse épreuve de sa passion ? Il regarde donc
comme consommé ce dont il sait avec certitude que la consommation est proche.
— S. Jean Chrysostome : Ou bien
encore il dit : « J'ai consommé l'œuvre que vous m'avez donnée, »
c'est-à-dire, j'ai fait de mon côté tout ce qui me concernait; on peut dire
aussi que tout est consommé, quand la plus grande partie est faite, car la
racine de tous les biens avait été plantée et les fruits ne devaient pas
tarder à suivre, et il était d'ailleurs essentiellement uni à tout ce qui
devait arriver dans la suite. S. Hilaire : (de la Trin., 9) Il ajoute ensuite pour nous
faire comprendre le mérite de l'obéissance et tout le mystère de sa divine
incarnation : « Et maintenant, mon Père, glorifiez-moi en vous-même. » — S. Augustin : (Tr. 105 sur S. Jean).
Il avait dit précédemment : « Mon Père, l'heure est venue, glorifiez votre
Fils, afin que votre Fils vous glorifie, » c'est-à-dire, que d'après l'ordre
indiqué par ces paroles, le Père devait glorifier le Fils, afin que le Fils
pût glorifier ensuite le Père. Ici au contraire il dit : « Je vous ai
glorifie, et maintenant glorifiez-moi, » c'est-à-dire, qu'il semble demander
d'être glorifié comme récompense de ce qu'il a le premier glorifié son Père.
Pour expliquer cette différence, il faut admettre que dans la première
proposition, Notre Seigneur s'est servi du Verbe qui exprimait le temps dans
lequel les choses devaient avoir lieu, et que dans la seconde proposition, il
s'est servi du passé pour exprimer une chose future, comme s'il avait dit :
Je vous glorifierai sur la terre, en consommant l'œuvre que vous m'avez
donnée à faire, et maintenant glorifiez-moi vous-même, mon Père. Ces deux
propositions ont donc le même sens et ne diffèrent que parce que la seconde
renferme le mode de glorification que le Fils demande à son Père : «
Glorifiez-moi en vous-même de la gloire que j'ai eue en vous avant que le
monde fût. » L'ordre naturel de cette phrase est celui-ci : Que j'ai eue en
vous avant que le monde existât. Il en est qui ont prétendu que ces paroles
signifiaient que la nature humaine dont le Verbe s'est revêtu dans l'incarnation,
devait être transformée dans la nature du Verbe, et que l'homme devait être
changé on Dieu. Bien plus, si nous examinons de plus près leur sentiment, ils
vont jusqu'à dire que l'homme est anéanti en Dieu, car personne n'oserait
dire que ce changement double en aucune façon, ou augmente le Verbe de Dieu.
Nous disons, nous, que celui qui nie que le Fils de Dieu ait été prédestiné,
nie par-là même qu'il soit le Fils de l'homme, Jésus donc voyant arriver le
temps de la glorification à laquelle il était prédestiné, demande que cette
prédestination reçoive son accomplissement : « Et maintenant glorifiez-moi, »
etc. C’est-à-dire, il est temps que je jouisse en vous en vivant à votre
droite, de cette gloire que j'ai eue en vous en vertu de votre prédestination
éternelle. — S. Hilaire : (de la
Trin., 3) Ou bien il demandait que la nature qui en lui appartenait au temps,
reçût la gloire qui est au-dessus du temps, et que la chair soumise à la
corruption fût transformée dans la vertu de Dieu et l'incorruptibilité de
l'esprit. Versets 6-8.
S. Jean Chrysostome : (hom. 81 sur S. Jean). Notre Seigneur explique
ensuite à ses disciples quelle est cette œuvre qu'il a consommée,
c'est-à-dire, la manifestation du nom de Dieu : « J'ai manifesté votre nom
aux hommes que vous m'avez donnés. » — S.
Augustin : (Traité 106 sur S. Jean). S'il veut seulement parler ici des
disciples avec lesquels il vient de célébrer la cène, il ne peut être
question de cette glorification dont il a parlé précédemment, et par laquelle
le Fils glorifie le Père. Quelle gloire, en effet, pour Dieu, d'avoir pu être
connu de onze ou de douze mortels ? Si au contraire ces paroles : « J'ai
manifesté votre nom aux hommes que vous m'avez donnés du monde, » comprennent
dans la pensée du Sauveur, tous ceux qui devaient croire en lui; c'est
vraiment alors cette glorification par laquelle le Fils donne la gloire au
Père. Cette proposition : « J'ai manifesté votre nom, » doit donc s'entendre
comme cette autre : « Je vous ai glorifié, » c'est-à-dire, que le passé est
mis ici pour le futur. Cependant la suite nous autorise à regarder comme plus
probable que le Sauveur parlait ici de ceux qui étaient déjà ses disciples,
et non de tous ceux qui devaient croire en lui. Dès le commencement de sa
prière, le Sauveur veut nous faire comprendre sous le nom de siens, tous ceux
à qui il a fait connaîtra le nom de son Père qu'il a glorifié en leur donnant
cette connaissance; ce qu'il a dit précédemment : « Afin que votre Fils vous
glorifie, » se trouve expliqué par les paroles qui suivent : « Puisque vous
lui avez donné la puissance sur toute chair. » Ecoutons maintenant ce qu'il
dit de ses disciples : « J'ai manifesté votre nom aux hommes que vous m'avez
donnés du monde. » Est-ce donc, qu'ils ne connaissaient pas le nom de-Dieu, lorsqu'ils
étaient Juifs ? Et où donc lisons-nous : Dieu est connu dans la Judée, et sou
nom est grand dans Israël ? Voici donc comme il faut entendre ces paroles : «
J'ai manifesté votre nom aux hommes que vous m'avez donnés du monde, »
c'est-à-dire, à ceux qui, m'écoutent en ce moment; non pas ce nom de Dieu que
vous donnent communément les hommes, mais le nom de Père, nom qui ne peut
être manifesté qu'autant que le Fils est manifesté lui-même. Il n'est, en
effet, aucune nation qui, avant même du croire en Jésus-Christ, n'ait eu une
connaissance quelconque de Dieu, comme étant le Dieu de toutes lus créatures.
Comme créateur du monde, Dieu était donc connu dans toutes les nations, avant
même qu'elles eussent embrassé la foi de Jésus-Christ. Il était connu dans la
Judée comme le Dieu, dont le culte était exclusif de toutes les fausses
divinités. Mais son nom de Père de Jésus-Christ, par lequel il efface les
péchés du monde, n'était nullement connu, et c'est ce nom qu'il manifeste à
ceux que son Père lui a donnés du monde. Mais comment l'a-t-il manifesté ? Si
le temps dont il a dit précédemment : « L'heure vient où je ne vous parlerai
plus en paraboles n'était pas encore venue, il faut admettre que le Sauveur a
employé ici le passé pour le futur. — S.
Jean Chrysostome : On peut dire encore qu'il leur avait déjà fait
connaître par ses paroles comme par ses actions, que Dieu le Père avait
Jésus-Christ pour Fils. — S. Augustin
: En leur disant : « Vous me les avez donnés du monde, » il leur fait
comprendre qu'ils n'étaient pas du monde; toutefois ce n'est pas à leur
naissance, mais à la grâce de la régénération qu'ils en étaient redevables.
Mais que veulent dire les paroles qui suivent : « Ils étaient à vous, et vous
me les avez donnés ? » Est-ce que le Père a jamais rien possédé que le Fils
n'ait possédé lui-même ? Non sans doute; cependant le Fils de Dieu a eu en
cette qualité ce qu'il n'avait pas encore comme Fils de l'homme, alors qu'il
ne s'était pas encore fait homme dans le sein de sa mère. Lors donc qu'il dit
: « Ils étaient à vous, » le Fils de Dieu ne se sépare point de son Père,
mais il a coutume de rapporter toute sa puissance à celui de qui il tire
cette puissance avec son origine. Et en ajoutant : « Vous me les avez donnés,
» il nous montre que c'est comme homme qu'il les a reçus de son Père. Il se
les est aussi donnés à lui-même, c'est-à-dire, que Jésus-Christ Dieu a donné
avec son Père à Jésus-Christ homme ce qui n'est pas avec le Père,
c'est-à-dire, les hommes. En s'exprimant ainsi, il nous fait voir l'étroite
union qui existe entre lui et son Père, et que la volonté de son Pure est que
les hommes croient au Fils, c'est pour cela qu'il ajoute : « Et ils ont gardé
votre parole. — S. Bède : Cette
parole du Père, c'est lui-même, parce que c'est par lui que le Père a créé
toutes choses, et qu'il contient en lui-même toutes les paroles, comme s'il
disait : Ils m'ont confié à leur souvenir, de manière à ne jamais m'oublier.
Ou bien « ils ont gardé ma parole, » en ce sens qu'ils ont cru en moi : « Et
maintenant ils savent que tout ce que vous m'avez donné vient de vous. » Il
en est qui prétendent qu'il faut lire : « Maintenant j'ai connu que tout ce
que vous m'avez donné vient de vous, » mais ce langage n'aurait pas de sens,
car comment le Fils pouvait-il ignorer ce qui appartient au Père ? Au
contraire, on comprend très bien qu'il ait dit de ses disciples : « Ils ont
appris qu'il n'y a rien en moi qui vous soit étranger, et que toutes les
vérités que j'enseigne viennent de vous. » S. Augustin : Le Père lui a tout donné lorsqu'il l'a engendré,
pour qu'il possédât tout ce qu'il possède lui-même. — S. Jean Chrysostome : Et comment les disciples l'ont-ils appris ?
Par mes paroles, qui leur enseignaient que je suis sorti de vous; c'est, en
effet, ce à quoi nous le voyons s'appliquer dans tout son Evangile : « Parce
que je leur ai donné les paroles que vous m'avez données, et ils les ont
reçues. » — S. Augustin : C'est-à-dire,
ils les ont comprises et retenues, car on revoit véritablement la parole
lorsqu'on la comprend intérieurement : « Et ils ont reconnu véritablement que
je suis sorti de vous. » Et pour ne pas donner à penser que cette
connaissance était déjà le fruit de la claire vision, et non de la foi, il
explique quelle est cette connaissance, en ajoutant : « Et ils ont cru
(sous-entendez véritablement) que vous m'avez envoyé. » Ils ont donc cru
véritablement ce qu'ils ont reconnu véritablement. Car ces paroles : « Je
suis sorti de vous, » ont la même signification que ces autres : « Vous
m'avez envoyé. » Il ne faut pas entendre ce que le Sauveur dit ici : « Ils
ont cru, en vérité, » dans le même sens que ce qu'il a dit précédemment à ses
disciples : « Vous croyez maintenant, l'heure est venue où vous serez
dispersés chacun de votre côté; » mais ils ont cru en vérité, c'est-à-dire
comme il faut croire, d'une foi ferme, inébranlable, forte, persévérante, qui
devait les empêcher de s'enfuir chacun chez eux, et d'abandonner
Jésus-Christ. Les disciples n'étaient donc pas encore tels que le Sauveur les
représente, en employant le passé pour le futur, et en prédisant l'admirable
changement que le Saint-Esprit devait opérer en eux. Il est facile
d'expliquer comment le Père a donné ces paroles à son Fils, si l'on entend
qu'il les a reçues du Père comme Fils de l'homme, si l'on entend, au
contraire, qu'il a reçu ces paroles du Père comme Fils unique, il faut
éloigner toutes idée de temps, et se garder de croire que le Fils de Dieu ait
pu exister un seul instant sans que son Père lui ait donné ces paroles; car
tout ce que le Père a donné au Fils, il le lui a donné en l'engendrant. Versets 9-13.
S. Jean Chrysostome : (hom. 81 sur S. Jean). Tant de paroles
consolantes, que le Seigneur avait prodiguées à ses disciples, n'avaient pu
encore pénétrer leurs cœurs; il s'adresse donc pour eux à son Père, afin de
leur montrer la grandeur de son amour. « C'est pour eux que je vous prie, »
c'est-à-dire je ne me contente pas de leur donner tout ce que j'ai, je me
rends encore leur intercesseur près d'un autre, pour leur témoigner un plus grand
amour. — S. Augustin : (Traité 107
sur S. Jean). Ce monde, dont le Sauveur ajoute : « Je ne prie point pour le
monde, » ce sont ceux qui suivent dans leur vie la concupiscence du monde, et
qui ne sont point compris dans les décrets de la grâce pour être choisis par
lui du milieu du monde. Ce sont ces discrets auxquels le Sauveur fait
allusion par ces paroles : « Mais je prie pour ceux que vous m'avez donnés. »
Par là même, en effet, que son Père les lui a donnés, ils n'appartiennent
plus à ce monde pour lequel il ne prie point. Ne croyons pas, du reste, que
parce que le Père les a donnés à son Fils, il ait perdu ceux qu'il a donnés;
aussi ajoute-t-il : « Parce qu'ils sont à vous. » — S. Jean Chrysostome : Notre Seigneur répète souvent ces paroles :
« Vous me les avez donnés, » pour bien convaincre ses disciples que telle
était bien la volonté de son Père, qu'il n'est point venu comme un étranger
pour les tromper, mais qu'il les a revus comme étant à lui. Loin de nous
encore la pensée que son pouvoir sur eux est un pouvoir nouveau, et que c'est
récemment que son Père les lui a donnés, car il ajoute : « Et tout ce qui est
à moi est à vous, et tout ce qui est à vous est à moi. » Que personne donc ne
croie, parce que mon Père me les a donnés, qu'ils soient devenus étrangers à
mon Père, car tout ce qui est à moi est à lui; ni qu'ils m'étaient étrangers
à moi-même, parce qu'ils m'ont été donnés, car ce qui est à lui est à moi. S. Augustin : Nous voyons assez clairement ici comment
tout ce qui est au Père est aussi au Fils unique; c'est parce qu'il est Dieu
lui-même, qu'il est né du Père, et qu'il est égal au Père. Ce n'est donc
point dans le même sens que le père de l'enfant prodigue disait à l'aîné de
ses fils : « Tout ce que j'ai est à vous; » (Lc 15, 31) car ces paroles
doivent s'entendre de tous les biens créés qui sont au-dessous de la créature
raisonnable. Les paroles du Sauveur, au contraire, comprennent la créature
raisonnable elle-même qui ne peut être soumise qu'à Dieu. Comme elle
appartient à Dieu le Père, elle ne pourrait appartenir en même temps au Fils
qu'autant qu'il serait égal au Père; car on ne peut sans crime assujettir les
saints, dont il parle ici, à un autre qu'à celui qui les a créés, qui les a
sanctifiés. Mais lorsqu'on parlant de l'Esprit saint le Sauveur dit aussi : «
Tout ce qu'a mon Père est à moi, » il entend les perfections qui sont de
l'essence même de la divinité du Père, car ce n'est point d'une créature
soumise au Père et au Fils que le Saint-Esprit aurait pu recevoir ce que le
Sauveur exprime en ces termes : « Il recevra de ce qui est à moi. » S. Jean Chrysostome : Notre Seigneur donne la preuve de ce qu'il
vient d'avancer : « Et j'ai été glorifié en eux. » La preuve, en effet,
qu'ils sont sous ma puissance, c'est qu'ils me glorifient en croyant en moi
et en vous, car personne ne peut être glorifié en ceux qui ne seraient point
soumis à sa puissance. — S. Augustin :
En leur représentant cette glorification comme un fait accompli, il leur
fait voir qu'elle entrait dans les desseins de la prédestination divine, et
il voulait qu'on regardât comme certain ce qui devait nécessairement arriver.
Cependant il nous faut examiner s'il s'agit ici de cette glorification dont
le Sauveur a dit plus haut : « Et maintenant, mon Père, glorifiez-moi en vous;
» car s'il a été glorifié dans son Père, comment l'a-t-il été dans ses
disciples ? Est-ce lorsqu'il s'est manifesté aux apôtres, et par eux à tous
ceux qui ont cru à leur témoignage ? Notre Seigneur ajoute, en effet : « Et
déjà je ne suis plus dans le monde, et eux sont dans le monde. » — S. Jean Chrysostome : C'est-à-dire,
alors même que je ne serai plus présent sous une forme sensible, je serai
glorifié dans la personne de ceux qui donnent leur vie pour moi, comme pour
mon Père, et qui me font connaître par leurs prédications, comme ils font
connaître mon Père. — S. Augustin : Si
vous ne considérez que le moment où le Sauveur parlait de la sorte, ses
apôtres et lui étaient encore dans le monde. Nous ne pouvons pas entendre ces
paroles : « Déjà je ne suis plus dans le monde, » du détachement du cœur et
du progrès de l'âme dans la vie divine; car, peut-on admettre que Jésus ait
jamais eu de l'affection pour les choses du monde ? Il ne reste donc plus
qu'un sens possible à ces paroles, c'est que Notre Seigneur affirme qu'il
n'est plus présent dans le monde corporellement comme il l'était auparavant.
Est-ce que nous ne disons pas tous les jours, d'un homme qui est sur le point
de partir, et surtout de celui qui va mourir : Il n'est plus ici ? Jésus
explique d'ailleurs le sens de ces paroles, en ajoutant : « Et je vais à
vous. » Il recommande donc à son Père ceux qu'il allait priver de sa présence
corporelle : « Père saint, lui dit-il, conservez dans votre nom ceux que vous
m'avez donnés; » c'est-à-dire qu'il prie Dieu en tant qu'homme, pour les
disciples que Dieu lui a donnés. Mais pesez bien les paroles qui suivent : «
Afin qu'ils soient un comme nous. » Il ne dit pas : Afin qu'eux et nous, nous
soyons un, comme nous sommes un nous-mêmes; mais qu'ils soient un dans leur
nature, comme nous sommes un nous-mêmes dans notre nature. En effet, comme en
Jésus-Christ Dieu et l'homme ne font qu'une seule et même personne, nous
comprenons qu'il est homme, parce qu'il prie, nous comprenons qu'il est Dieu,
parce qu'il ne lait qu'un avec celui qu'il prie. — S. Augustin : (De la Trin., 4, 8). Nôtre-Seigneur, comme chef de
l'Eglise, qui est son corps, aurait pu dire : Eux et moi, nous sommes non pas
une seule chose, mais un seul être, car la tête et le corps ne font qu'un en
Jésus-Christ. Mais on nous montrant sa consubstantialité divine avec son
Père, il veut que nous soyons un en Jésus-Christ, non-seulement dans cette
nature qui nous est commune, dans laquelle nous voyons des hommes mortels
s'élever à une glorieuse égalité avec les anges, mais qu'ils soient un comme
nous, par les sentiments d'un amour réciproque, qui les fonde en un seul
esprit dans les ardeurs du feu de la charité, et les fasse tendre au même
bonheur par les efforts d'une volonté unanime. Voilà ce que signifient ces
paroles : « Afin qu'ils soient un comme nous sommes un, » c'est-à-dire, de
même que le Père et le Fils sont un, non-seulement dans une même et simple
nature individuelle, mais dans l'unité d'une même volonté; ainsi ceux qui ont
le Fils pour médiateur entre bien et eux, doivent aussi être un,
non-seulement par la communauté d'une même nature, mais par l'union d'une
même charité. S. Jean Chrysostome : Notre Seigneur parle ici de nouveau comme
homme : « Pendant que j'étais avec eux, je les conservais en votre nom; »
c'est-à-dire par votre puissance; il parle ici, je le répète, d'une manière
humaine, en rapport avec les dispositions d'esprit de ses disciples, qui
croyaient que la présence corporelle leur était de la plus grande utilité. — S. Augustin : (Traité 107 sur S. Jean).
Le Fils de Dieu, fait homme conservait les disciples au nom de son Père,
lorsqu'il était présent corporellement au milieu d'eux; mais alors même le
Père conservait au nom du Fils ceux dont il exauçait les prières qui lui
étaient faites au nom du Fils. Il ne faut point prendre ces paroles dans ce
sens matériel, que le Père et le Fils gardent tour à tour les disciples, car
le Père, le Fils et le Saint-Esprit nous environnent ensemble d'une égale
protection; mais la sainte Ecriture ne peut nous être utile qu'en descendant
jusqu'à nous. Comprenons donc qu'en s'exprimant ainsi, Notre Seigneur établit
la distinction des personnes divines, mais non la séparation dans la nature.
Lors donc, que le Fils gardait ses disciples par sa présence corporelle, le
Père n'attendait pas, pour les garder lui-même, que son Fils cessât de
remplir cet office, mais tous deux les conservaient en les couvrant de leur
puissance divine. Et quand le Fils les priva de sa présence corporelle, il
continua de les garder spirituellement avec son Père. Car en les recevant
comme homme des mains de son Père, il ne les a pas soustraits à la garde du
Père; et le Père, en les confiant à la garde de son Fils, ne les a point
donnés sans le concours de celui-là même qui les a reçus; car il les a donnés
à son Fils fait homme, mais conjointement avec ce même Fils, Dieu comme lui.
« J'ai gardé ceux que vous m'avez donnés, et aucun d'eux n'a péri, si ce
n'est l'enfant de perdition, » (c'est-à-dire le traître disciple prédestiné à
la perdition), afin que l'Ecriture fût accomplie, c'est-à-dire la prophétie
qui a pour objet le perfide Judas (surtout dans le Psaume 108). S. Jean Chrysostome : Il fut le seul qui périt alors, mais un
grand nombre l'imitèrent dans la suite. Notre Seigneur dit : « Aucun d'eux
n'a péri, autant qu'il dépendait de moi, » c'est ce qu'il exprime plus
clairement ailleurs, lorsqu'il dit : « Je ne jetterai pas dehors celui qui
vient a moi. » (Jn 10) Mais s'ils veulent sortir d'eux-mêmes, je ne veux pas
les retenir de vive force et malgré eux : « Et maintenant je viens à vous. »
Mais, pourrait-on lui dire, ne pouvez-vous donc pas les conserver tout en
vous éloignant d'eux ? Il le peut sans doute, mais il leur explique pourquoi
il parle ainsi : « Et je dis ces choses étant dans le monde, afin qu'ils
aient en eux la plénitude de ma joie, » c'est-à-dire, afin qu'ils ne se
laissent point aller au trouble naturel à leurs dispositions encore
imparfaites. Il leur fait voir ainsi que c'est pour leur procurer le repos de
la joie intérieure qu'il tient ce langage. — S. Augustin : Le Sauveur a déjà expliqué plus haut quelle est
cette joie dont il dit ici : « Afin qu'ils aient en eux la plénitude de ma
joie, » lorsqu'il a dit : « Qu'ils soient un comme nous sommes un. » Cette
joie qui est la sienne (c'est-à-dire, qu'il leur a donnée), il leur en prédit
l'accomplissement parfait dans leurs cœurs, et c'est pour cela qu'il a dit
ces choses étant dans le monde. Cette joie, c'est la paix et la félicité de
la vie future. Jésus qui avait dit précédemment qu'il n'était plus dans le
monde, nous déclare maintenant qu'il dit ces choses étant dans le monde, il y
était encore, parce qu'il n'était pas encore sorti du monde, et il n'y était
plus dans un autre sens, parce qu'il devait bientôt le quitter. Versets 14-19.
S. Jean Chrysostome : (hom. 82 sur S. Jean). Notre Seigneur donne
une seconde raison qui rend ses disciples dignes de la protection toute
spéciale de son Père : « Je leur ai donné votre parole, et le monde les a eus
en haine, » etc., c'est-à-dire, ils ont été un objet de haine à cause de vous
et à cause de votre parole. — S.
Augustin : Ils n'avaient pas encore éprouvé cette haine par les
persécutions auxquelles ils furent en butte dans la suite, mais le Sauveur,
suivant sa coutume, annonce les événements qui doivent avoir lieu, en termes
qui semblent signifier qu'ils sont déjà arrivés. Il fait connaître ensuite la
cause de la haine du monde contre eux : « Parce qu'ils ne sont pas du monde.
» C'est par la régénération que cette grâce de séparation leur a été donnée;
car par leur naissance naturelle, ils étaient du monde. Dieu leur a donné de
n'être plus du monde, comme lui-même n'est plus du monde : « Comme moi-même,
ajoute-t-il, je ne suis point du monde. » Le Sauveur n'a jamais été du monde,
car même dans sa nature de serviteur, il est né de l'Esprit saint, qui a été
le principe de la régénération des autres. Cependant bien qu'ils ne fussent
plus du monde, il était nécessaire qu'ils restassent encore dans le monde;
aussi Notre Seigneur ajoute : « Je ne demande pas que vous les ôtiez du
monde. » — S. Bède : C'est-à-dire,
le temps approche où je disparaîtrai du monde, il est donc nécessaire qu'ils
n'en soient pas enlevés eux-mêmes : « Mais je vous prie de les sauver du mal.
» Quoiqu'on puisse l'entendre de toute sorte de mal, Notre Seigneur a surtout
en vue le mal qui doit résulter de son éloignement. — S. Augustin : Il répète la même pensée qu'il vient d'exprimer : «
Ils ne sont pas du monde, comme moi-même je ne suis pas du monde. — S. Jean Chrysostome : (hom. 83 sur S.
Jean). Pourquoi donc a-t-il dit précédemment : « Que vous m'avez donnés du
monde ? » Il parlait alors de la nature, et sous rapport ils étaient du
monde, tandis qu'ici il veut parler des actions mauvaises. Sous ce rapport,
ils ne sont point du monde, parce qu'ils n'ont rien de commun avec la terre,
et qu'ils sont par avance citoyens des cieux; il leur montre ainsi son amour
pour eux on faisant leur éloge à son Père. Lorsqu'on parlant de son Père et
de lui, il emploie la particule comme, il veut exprimer l'égalité absolue qui
résulte de l'unité de nature, mais lorsqu'il emploie ce même mot on parlant
de nous et de lui, il laisse une grande distance entre les deux termes de
comparaison. La prière qu'il adresse précédemment à son Père : « Sauvez-les
du mal, » a pour objet de leur obtenir, non-seulement d'être délivrés de tous
les dangers, mais aussi la persévérance dans la foi, c'est pour cela qu'il
ajoute : « Sanctifiez-les dans la vérité. » — S. Augustin : Car c'est ainsi qu'ils sont sauvés de tout mal, ce
qui vient de faire l'objet de sa prière. On peut demander comment ils
n'étaient plus du monde, s'ils n'étaient pas encore sanctifiés dans la
vérité; est-ce parce que tout sanctifiés qu'ils sont, ils font des progrès
dans cette même sainteté avec le secours de la grâce de Dieu ? Ces héritiers
du Nouveau Testament sont sanctifiés dans la vérité, vérité dont les
sanctifications légales de l'Ancien Testament n'étaient que l'ombre, et
lorsqu'ils sont sanctifiés dans la vérité, ils sont sanctifiés en
Jésus-Christ, qui a dit : « Je suis la voie, la vérité et la vie. » (Jn 14)
Aussi le Sauveur ajoute : « Votre parole est vérité, le texte de l'Evangile
grec porte λόγος, c'est-à-dire, le Verbe. Le Père a
donc sanctifié dans la vérité (c'est-à-dire, dans son Verbe unique), ses
héritiers et ses cohéritiers. S. Jean Chrysostome : Ou bien encore : « Sanctifiez-les dans la
vérité, » c'est-à-dire, sanctifiez-les en leur donnant l'Esprit saint, et la
saine doctrine, car la saine doctrine sur Dieu contribue à la sanctification
de l'âme, et comme preuve qu'il est ici question de doctrine, il ajoute : «
Votre parole est vérité, c'est-à-dire, elle ne renferme point de mensonge, il
n'y a rien en elle de simplement figuratif ou de corporel. Cette prière : «
Sanctifiez-les dans la vérité, » a encore, ce me semble, une autre
signification, c'est-à-dire, séparez-les pour le ministère de la parole et de
la prédication. Aussi ajoute-t-il : « Comme vous m'avez envoyé dans le monde,
je les ai envoyés moi-même. » — La
Glose : Les Apôtres ont été envoyés pour remplir la même mission que
Jésus-Christ, voilà pourquoi saint Paul dit : « Dieu était dans le Christ, se
réconciliant le monde, et il a placé en nous la parole de réconciliation. »
(2 Co 5, 19). L'expression comme n'a pas la même signification pour lui et
pour les Apôtres, elle n'établit la parité qu'autant qu'elle est possible en
parlant du Fils de Dieu et des hommes. Notre Seigneur dit qu'il les a envoyés
dans le monde, en employant, selon sa coutume le passé, pour le futur. S. Augustin : Nous avons ici eu une preuve évidente que le
Sauveur veut parler des apôtres; car le nom d'apôtres, qui vient du grec,
veut dire en latin, envoyés. Or, comme ils sont les membres du corps de
l'Eglise, dont Jésus-Christ est le chef, il continue ainsi sa prière : « Et
je me sanctifie moi-même pour eux, » c'est-à-dire je les sanctifie en
moi-même, puisqu'ils font partie du corps dont je suis le chef. Et pour nous
faire mieux comprendre que ces paroles : « Je me sanctifie moi-même pour eux,
» veulent dire qu'il les sanctifie en lui-même, il ajoute : « Afin qu'ils
soient eux-mêmes sanctifiés en vérité, » c'est-à-dire en moi, puisque le
Verbe est la vérité; c'est dans ce Verbe que le Fils de l'homme a été
sanctifié dès le commencement de son existence, lorsque le Verbe s'est fait
chair. Il s'est alors sanctifié lui-même en lui-même, c'est-à-dire qu'il
s'est sanctifié comme homme en lui-même, comme Verbe, parce que le Verbe et
l'homme ne font qu'un seul Christ. Et c'est à cause de ses membres qu'il
ajoute : « Et je me sanctifie moi-même pour eux, » (c'est-à-dire je les
sanctifie eux-mêmes eu moi, parce qu'ils ne font qu'un avec moi), afin qu'ils
soient eux-mêmes sanctifiés en vérité. Que signifie cette expression : «
Eux-mêmes ? » c'est-à-dire comme moi, et dans la vérité, qui n'est autre que
moi-même. — S. Jean Chrysostome : Ou
bien encore : « Je me sanctifie moi-même pour eux; » c'est-à-dire, je m'offre
à vous comme victime; car toutes les victimes sont saintes, aussi bien que
tout ce qui est consacré à Dieu. Sous l'ancienne loi, cette sanctification
n'existait qu'en figure (comme par exemple dans les brebis qu'on immolait),
mais maintenant elle existe dans la vérité, c'est pour cela qu'il ajoute : «
Afin qu'ils soient sanctifiés en vérité; » car je veux aussi vous les offrir
on sacrifice. Il s'exprime de la sorte, ou parce que lui, qui s'offre, est
notre chef, ou parce qu'ils sont eux-mêmes appelés à s'immoler comme victimes
: « Offrez vos corps, dit l'Apôtre, comme une hostie vivante, sainte, et
agréable à ses yeux, » etc. (Rm 13, 1) Versets 20-23.
S. Augustin : ( Traité 109 sur S. Jean). Après avoir prié
pour ses disciples, auxquels il avait donné le nom d'apôtres, il comprend
aussi dans sa prière tous les autres qui dévoient croire en lui : « Je ne
prie pas pour eux seulement, mais encore pour ceux qui, par leur parole,
doivent croire en moi. » — S. Jean
Chrysostome : ( hom. 82 sur S. Jean). Il donne en même temps un nouveau
motif de consolation, en leur apprenant qu'ils seront eux-mêmes la cause du
salut d'un grand nombre d'autres : « Mais encore pour ceux qui, par leur
parole, doivent croire en mon nom. » — S.
Augustin : Le Sauveur comprend ici tous ses élus, ceux qui vivaient
alors, et aussi ceux qui devaient exister dans la suite, et non-seulement qui
ont entendu les prédications des apôtres lorsqu'ils étaient encore sur la
terre, mais encore tous ceux qui ne sont venus qu'après leur mort, et nous-mêmes,
qui sommes nés si longtemps après; mais qui avons été amenés à la foi en
Jésus-Christ par la parole des Apôtres, en effet, les apôtres, qui vivaient
avec Jésus-Christ, ont annoncé aux autres ce qu'ils avaient appris de lui, et
c'est ainsi que leur parole est parvenue jusqu'à nous, et qu'elle parviendra
à tous ceux qui, dans la suite, doivent croire, en lui. Il peut sembler, au
premier abord, qu'il n'a point compris dans sa prière quelques-uns des siens,
ceux par exemple qui n'étaient pas alors avec, lui, qui n'ont pas cru par la
parole des apôtres, mais qui avaient cru en Jésus-Christ bien auparavant. En
effet, Nathanaël, Joseph d'Arimathie, et un grand nombre d'autres, dont saint
Jean dit qu'ils crurent en Jésus-Christ, n'étaient pas alors avec lui. Je ne
parle pas du vieillard Siméon, de la prophétesse Anne, de Zacharie,
d'Elisabeth, du saint Précurseur, parce qu'on pourrait me répondre qu'il
n'était pas besoin de prier pour ces saints personnages, qui étaient sortis
de cette vie avec de grands mérites, ce que l'on peut dire également de tous
les anciens justes. Quant aux premiers, il faut admettre que leur foi en
Jésus-Christ n'était pas encore aussi parfaite qu'il la voulait. Ce ne fut
qu'après sa résurrection, lorsque l'Esprit saint eut éclairé l'ignorance et
fortifié la faiblesse des apôtres, que la foi des autres atteignit toute sa
perfection. Mais la difficulté existe encore pour l'apôtre saint Paul, qui
déclare qu'il a été fait apôtre non de la part des hommes, ni par un homme,
et le bon larron, qui crut en Jésus-Christ, alors qu'on vit défaillir, dans
les docteurs, leur foi, encore si imparfaite. La seule solution que nous
puissions donner, c'est de dire que la parole des apôtres c'est la parole de
foi qu'ils ont prêchée dans le monde. Notre Seigneur l'appelle leur parole,
parce qu'ils en ont été les premiers et les principaux organes, car depuis
longtemps ils l'annonçaient par toute la terre, quand Paul la reçut lui-même
par une révélation particulière de Jésus-Christ, et c'est encore cette même parole
qui était le fondement de la foi du bon larron. Notre divin Rédempteur a donc
compris dans sa prière tous ceux qu'il a rachetés, ceux qui vivaient alors
comme ceux qui ne devaient exister que dans la suite. —(Traité 112) Quel
était l'objet ou le motif de cette prière ? Le voici : « Afin que tous ils
soient un. » Il demande ici pour tous ce qu'il a demandé précédemment pour
ses apôtres, afin que nous tous, c'est-à-dire eux et nous, nous soyons un. — S. Jean Chrysostome : Notre Seigneur termine
son discours par des vœux d'unité, c'est-à-dire comme il l'avait commencé
lorsqu'il disait : « Je vous donne un commandement nouveau, c'est de vous
aimer les uns les autres. » S. Hilaire : (de la Trin., 8) Il explique, plus
distinctement ce qu'il a dit de cette unité, en lui donnant pour exemple, le
plus sublime modèle d'unité : « Comme vous, mon Père, êtes un en moi, et moi
en vous, qu'eux aussi soient un en nous; » c'est-à-dire, que de même le Père
est dans le Fils, et le Fils dans le Père, nous devons, à leur exemple, être
un dans le Père et le Fils. — S. Jean
Chrysostome : Cette expression comme ne signifie pas ici une ressemblance
exacte et parfaite elle doit être prise en tenant compte de la distance qui
existe entre les hommes et Dieu, comme lorsque le Sauveur nous dit, dans un
autre endroit : « Soyez miséricordieux comme votre Père céleste est
miséricordieux. » (Lc 6, 36) S. Augustin : Il est très-important de remarquer ici que Notre
Seigneur n'a pas dit : Afin que tous nous soyons un, mais : « Afin qu'ils soient
un, comme vous, mon Père, vous êtes en moi, et moi en vous. » Sous-entendu :
« Nous sommes un. » Le Père est, en effet, dans le Fils, et le Fils dans le
Père, de manière à ne faire qu'un, parce qu'ils n'ont qu'une seule et même
nature. Quant à nous, nous pouvons bien être un en eux, mais nous ne pouvons
pas être un avec eux, parce que nous n'avons pas avec eux une même nature.
Ils sont donc en nous, et nous en eux, de manière à ne faire qu'un dans leur
nature, comme nous ne faisons qu'un dans la nôtre; car le Père et le Fils
sont en nous comme Dieu est dans son temple, et nous sommes en eux comme la
créature est dans le Créateur. Il ajoute : « En nous, » pour nous faire bien
comprendre que cette unité, que produit la charité parfaite, doit être
attribuée à la grâce de Dieu comme à son principe.— S. Augustin : (de la Trin., 4, 9) Ou bien il parle ainsi, parce
que les hommes ne peuvent être un en eux-mêmes, séparés qu'ils sont par
diverses passions, par la cupidité, par les souillures qui, dans leurs péchés,
couvrent leur âme. Il demande donc qu'ils soient purifiés par le Médiateur,
afin qu'ils puissent être un on lui. — S.
Hilaire : (de la Trin., 8) Les hérétiques font tous leurs efforts pour
nous induire en erreur, en nous persuadant que ces paroles : « Mon Père et
moi, ne sommes qu'un, » ne signifient pas l'unité parfaite de nature, et
l'identité de substance divine dans le Père et le Fils, mais une simple
union, qui résulte de leur amour mutuel et du parfait accord de leurs
volontés; et ils appuient leur opinion sur ce terme de comparaison pris par Notre
Seigneur lui-même : « Afin qu'ils soient tous un, comme nous sommes un
nous-mêmes. » Mais malgré les efforts de l'impiété pour détourner le sens
véritable de ces paroles, ce sens n'en reste pas moins le seul qu'on puisse
admettre. — Si, en effet, les hommes, par la grâce de la régénération
prennent, comme une nouvelle nature, qui leur communique une même vie, une
même éternité, on ne peut plus dire qu'ils ne sont un que par la communauté
des mêmes sentiments, puisqu'ils le sont par la communauté de la même nature
régénérée. — Mais au Père et au Fils seuls il appartient d'être un, en vertu
de leur nature; parce qu'un Dieu qui naît d'un Dieu comme son Fils unique, ne
peut exister qu'en recevant une seule et même nature de celui qui l'a
engendré. S. Augustin : (Traité 110 sur S. Jean). Mais que
signifient ces paroles qu'il ajoute : « Afin que le monde croie que vous
m'avez envoyé ? » Est-ce que le monde embrassera la foi, lorsque tous nous ne
ferons plus qu'un avec le Père et le Fils ? Est-ce que cette union parfaite
n'est pas cette paix perpétuelle, qui est plutôt la récompense de la foi que
la foi elle-même ? Dans cette vie, bien que tous nous soyons un, par les
liens d'une même foi, cependant celte unité est bien plutôt l'effet que la
cause de notre foi. Que veut-il donc dire par ces paroles : « Qu'ils soient
tous un, afin que le monde croie ? » Car ils forment eux-mêmes le monde qui
doit croire, et c'est d'eux qu'il a dit : « Je ne prie pas pour eux seulement,
mais pour ceux qui, par leur parole, doivent croire en moi. » Comment donc
devons-nous entendre ces paroles : « Qu'ils soient un en nous, afin que le
monde croie que vous m'avez envoyé ? » Le Sauveur ne veut pas dire que leur
parfaite unité sera la cause pour laquelle le monde embrassera la foi; mais
c'est une prière qu'il fait à Dieu : « Que le monde croie, » comme lorsqu'il
dit : « Qu'ils soient un. » Et si nous suppléons partout le mot : « Je
demande, » le sens de cette proposition sera des plus clairs : Je demande que
tous ils ne soient qu'un : Je demande qu'ils soient tous un en nous : Je
demande que le monde croie que vous m'avez envoyé. — S. Hilaire : (de la Trin., 4) Ou bien le monde doit croire que le
Fils a été envoyé par le Père, parce que tous ceux qui doivent croire en lui
seront un dans le Fils et dans le Père. — S. Jean Chrysostome : Rien n'est plus scandaleux, en effet, que
la division entre les chrétiens; tandis que l'union parfaite entre ceux qui
ont une même foi, est un sujet d'édification, et un motif de foi pour ceux
qui ne croient point. C'est ce que le Sauveur avait dit dès le commencement :
« Tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de la charité
les uns pour les autres; » si la division règne parmi eux, on ne les reconnaîtra
plus pour les disciples d'un Maître pacifique; et si je ne suis point
moi-même ami de la paix, ils ne reconnaîtront point que vous m'avez envoyé. S. Augustin : Notre Seigneur qui, en priant son Père,
venait de donner une preuve de son humanité, prouve maintenant qu'il est Dieu
comme son Père, et qu'il peut accorder lui-même ce qu'il demande : « Et je
leur ai donné la gloire que vous m'avez donnée, » etc. Quelle est cette
gloire ? C'est l'immortalité, que la nature humaine devait recevoir dans la personne
de Jésus-Christ; car en vertu des décrets immuables de la prédestination, il
se sert du temps passé pour annoncer les événements futurs. Mais cette gloire
de l'immortalité, qu'il déclare lui avoir été donnée par son Père, il faut
entendre qu'il se l'est aussi donnée à lui-même; car toutes les fois que le
Fils parle d'une œuvre du Père sans s'y associer lui-même, il fait acte
d'humilité; et lorsqu'en parlant de ses propres œuvres il n'y comprend pas le
Père, il veut établir l'égalité qui règne entre lui et son Père. D'après
cette règle, il ne se met pas ici en dehors des œuvres du Père, en disant : «
La gloire que vous m’avez donnée, » et ne présente pas non plus son Père
comme étranger à son action, bien qu'il déclare que c'est lui-même qui donne
cette gloire. Or, de même qu'en priant son Père pour tons les siens, son
dessein a été que « tous fussent un; » ainsi, en disant : « Je leur ai donné
la gloire que vous m'avez donnée, » il a voulu que cette unité parfaite fût
un effet de sa grâce, car il ajoute aussitôt : « Afin qu'ils soient un en
nous, comme nous sommes un. » — S.
Jean Chrysostome : Ou bien, par cette gloire, il entend la gloire qui
vient des miracles et de la doctrine, et qui doit avoir pour fin la parfaite
union entre eux : « Afin qu'ils soient un en nous, comme nous sommes un. »
Car cette gloire, d'être aussi parfaitement unis, est plus grande que la
gloire qui vient des miracles. En effet, tous ceux qui ont cru par la
prédication des apôtres, sont un, et si la division a régné parmi quelques-uns
d'entre eux, ils ne doivent l'imputer qu'à leur négligence, ce que Notre
Seigneur n'a pu ignorer. S. Hilaire : (de la Trin., 8) Tous les fidèles sont donc
un, par le moyen de cette gloire, tour à tour reçue et donnée; mais je ne
comprends pas encore comment cette gloire a été la cause de cette unité
parfaite entre tous les fidèles. Notre Seigneur a voulu établir en quelque
sorte les degrés et l'ordre par lesquels ou peut arriver à cette unité
consommée, lorsqu'il dit : « Qu'ils soient un en nous, » c'est-à-dire, que
notre divin Médiateur nous enseigne l'unité parfaite, parce qu'il est en son
Père par sa nature divine, ce que nous sommes en lui par suite de son
incarnation et de sa naissance corporelle, et qu'il est encore en nous par le
mystère de son sacrement. — S. Jean
Chrysostome : Dans un autre endroit, il dit de lui et de son Père : «
Nous viendrons à lui, et nous ferons en lui notre demeure, » (Jn 14) et il
ferme ainsi la bouche aux Sabelliens, par la distinction qu'il fait des deux
personnes; en même temps qu'il détruit l'erreur des Ariens, en affirmant que
son Père ne vient point par lui dans ses disciples, mais qu'il vient lui-même
en eux avec son Père. S. Augustin : Cependant il ne veut pas dire que le Père
n'est pas en nous, ou que nous ne sommes pas dans le Père; le Sauveur a voulu
simplement marquer en peu de mots l'office de médiateur qu'il remplit entre
Dieu et les hommes. Il ajoute : « Afin qu'ils soient consommés dans l'unité;
» et il nous montre ainsi que la réconciliation qui a lieu par ce divin
Médiateur, nous conduit à la jouissance de la félicité parfaite. Aussi, je ne
crois pas qu'on doive entendre les paroles qui suivent : « Afin que le monde
connaisse que vous m'avez envoyé, » dans le même sens que s'il disait, comme
précédemment : « Afin que le monde croie; » car, tant que nous croyons ce que
nous ne voyons pas, nous ne sommes pas encore consommés dans l'unité comme
nous le serons lorsque nous mériterons de voir ce qui fait ici-bas l'objet de
notre foi. La connaissance qui sera le fruit de cette consommation n'est donc
plus celle que donne la foi, mais celle que produira la claire vue, et les
croyants dont parle ici le Sauveur, c'est le monde lui-même, qui d'ennemi
qu'il était est devenu l'ami de Dieu. C'est pour cela que Notre Seigneur ajoute
: « Et que vous les avez aimés comme vous m'avez aimé. » En effet, c'est dans
son Fils que le Père nous aime, parce que c'est en lui qu'il nous a choisis.
Mais nous ne sommes pas pour cela les égaux du Fils unique; car cette
locution : De même que, ainsi, n'expriment pas toujours l'égalité, mais
simplement : Telle chose est, parce que telle autre chose est également. Ces
paroles : « Vous les avez aimés comme je vous ai aimé, » signifient donc :
Vous les avez aimés parce que vous m'avez aimé; car, la seule raison pour
laquelle le Père aime les membres de son Fils, c'est l'amour qu'il a pour son
Fils lui-même. Or, qui pourrait dire combien ce Dieu, qui ne peut rien haïr
de ce qu'il a fait, aime les membres de son Fils unique, et combien plus encore
il aime le Fils unique lui-même ? Versets 24-26.
S. Jean Chrysostome : (hom. 82 sur S. Jean). Après avoir prédit
qu'un grand nombre croiraient par le ministère, des Apôtres, et qu'ils
jouiraient d'une gloire extraordinaire, il les entretient de la couronne qui
leur est réservée : « Mon Père, je veux que, là où je suis, ceux que vous
m'avez donnés soient aussi avec moi. » — S.
Augustin : (Traité 110 sur S. Jean). Il veut parler de ceux que son Père
lui a donnés, de ceux qu'il a choisis du milieu du monde, car comme il le dit
au commencement de sa prière : « Dieu lui a donné puissance sur toute chair,
c'est-à-dire, sur tous les hommes, pour leur donner la vie éternelle, preuve
évidente du pouvoir qu'il a reçu sur tout homme pour sauver ceux qu'il veut
et laisser qui il veut dans la damnation éternelle. Telle est donc la
récompense qu'il a promise à tous ses membres, c'est que là où il est, nous
serons avec lui. Or, il est impossible que le Père tout-puissant
n'accomplisse pas la volonté exprimée par son Fils tout-puissant (Traité
111); et notre piété doit croire sans difficulté ce que notre faiblesse ne
nous permet pas de comprendre que le Père et le Fils n'ont qu'une seule et
même volonté. A ne voir en Jésus-Christ que la nature humaine, selon laquelle
il est né de la race de David; il a pu dire : « Là où je suis, » en se
considérant comme étant déjà là où il devait bientôt aller. Il nous promet
donc que nous serons un jour dans les cieux, car cette nature humaine qu'il a
prise dans le sein d'une Vierge, il l'a élevée jusque dans les cieux et l'a
placée à la droite de son Père. — S.
Grégoire : (Moral., 27, 8). Mais alors que signifient ces paroles que la
vérité nous dit dans un autre endroit : « Personne n'est monté au ciel que
celui qui est descendu du ciel ? » Nous répondons que la vérité n'est point
eu contradiction avec elle-même, car le Seigneur étant le chef de ses
membres, il est seul avec nous après qu'il a rejeté loin de lui la multitude
des réprouvés, et puisque nous ne faisons plus qu'un avec lui, on peut dire
qu'il retourne seul en nous au ciel d'où il est descendu seul en lui-même. S. Augustin : (Traité 111 sur S. Jean). Si nous
considérons au contraire la nature divine par laquelle il est égal à Dieu son
Père, et que nous voulions comprendre à ce point de vue le sens de ces
paroles : « Là où je suis, je veux qu'ils soient avec moi, » il nous faut
éloigner de notre esprit toute image des choses sensibles, et ne pas
rechercher où est le Fils égal à son Père, parce qu'on ne peut trouver un
lieu où il ne soit pas. Remarquons encore que Notre Seigneur ne se contente
pas de dire : « Je veux que là où je suis, ils y soient eux-mêmes; » mais il
ajoute : « Avec moi. » En effet, être avec lui, c'est le plus grand des
biens, car si l'on peut être malheureux en étant là où il est, on est
nécessairement heureux lorsqu'on est avec lui. Ainsi, pour prendre un exemple
dans les choses sensibles, quoique d'un ordre bien différent, de même qu'un
aveugle qui se trouve là où brille la lumière, n'est cependant pas avec la
lumière, mais en est séparé même en présence de la lumière, ainsi, bien que
non-seulement l'infidèle, mais encore le fidèle ne puisse jamais être où
n'est pas le Christ, il n'est cependant pas avec le Christ contemplé dans sa
nature. Nul doute que le chrétien fidèle soit avec Jésus-Christ par la foi,
mais le Sauveur voulait parler ici de la claire vue qui nous le fera voir tel
qu'il est : c'est pour cela qu'il ajoute : « Afin qu'ils voient la gloire que
vous m'avez donnée. » Remarquez : « Afin qu'ils voient, » et non : Afin
qu'ils croient; c'est la récompense de la foi, et non la foi elle-même. — S. Jean Chrysostome : Il ne dit pas
non plus : Afin qu'ils entrent en participation de ma gloire, mais : « Afin
qu'ils voient ma gloire, » nous indiquant ainsi en termes couverts que le
souverain repos consiste dans les cieux à voir le Fils de Dieu. Or, le Père a
donné cette gloire à son Fils lorsqu'il l'a engendré. S. Augustin : Lors donc que nous verrons la gloire que le
Père a donnée à son Fils, quand même nous entendrions ici, non pas la gloire
que le P'ère donne à son Fils qui lui est égal, en l'engendrant, mais celle
qu'il a donnée à son Fils fait homme après la mort de la croix; lorsque nous
verrons cette gloire du Fils, c'est alors qu'aura lieu le jugement, et que
l'impie disparaîtra pour ne pas être témoin de la gloire du Seigneur. Quelle
est cette gloire ? Celle qui lui est propre comme Dieu. En admettant donc que
c'est comme Fils de Dieu et Dieu lui-même que le Sauveur dit : « Je veux que
là où je suis ils y soient avec moi, » nous serons alors dans le Père avec
Jésus-Christ, qui après ces paroles : « Afin qu'ils voient la gloire que vous
m'avez donnée, » ajoute aussitôt : « Parce que vous m'avez aimé avant la
création du monde. » C'est en Jésus-Christ, en effet, qu'il nous a aimés
avant la création du monde, et c'est alors qu'il a réglé dans sa
prédestination ce qu'il devait accomplir à la fin du monde. — S. Bède : Il donne le nom de gloire à
l'amour dont son Père l'a aimé avant la création du monde, et c'est dans
cette gloire qu'il nous aime nous-mêmes avant l'établissement du monde. Théophylactus : Après avoir prié pour les fidèles et leur
avoir fait de si magnifiques promesses, Notre Seigneur place une
considération pleine de piété et digne de la mansuétude dont il faisait
profession : « Père juste, le monde ne vous a pas connu, » c'est-à-dire, mon
désir eût été de voir tous les hommes en possession des biens que j'ai
demandés dans cette prière; mais ils ne vous ont point connu, et ne pourront
obtenir ni la gloire, ni les couronnes que je leur ai promises. — S. Jean Chrysostome : Le langage du
Sauveur paraît ici empreint d'un profond sentiment de tristesse, de ce que
les hommes n'ont point voulu connaître l'auteur de toute bonté et de toute
justice. Les Juifs sont donc dans l'erreur quand ils prétendent vous
connaître, et qu'ils me reprochent à moi de ne point vous connaître; c'est le
contraire qui est vrai : Pour moi, je vous ai connu, et ceux-ci ont connu que
vous m'avez envoyé, et je leur ai fait connaître votre nom et le leur ferai
connaître, en leur donnant par l'Esprit saint une connaissance parfaite. Or,
quand ils auront appris ce que vous êtes, ils sauront que je ne suis point
séparé de vous, mais que vous m'avez aimé d'un amour extraordinaire, que je
suis votre propre Fils, et que je vous suis uni par les liens les plus
étroits. C'est ce que je leur ai enseigné, afin que je demeure en eux, et
c'est ainsi qu'ils conserveront infailliblement la foi qu'ils ont en moi, et
l'amour qui doit en être le fruit : « Afin que l'amour dont vous m'avez aimé
soit en eux. » Comme s'il disait : C'est l'amour qu'ils auront pour moi, qui
leur méritera que je demeure en eux. S. Augustin : Ou bien encore : Qu'est-ce que la
connaissance de Dieu, si ce n'est la vie éternelle, qu'il n'a point donnée au
monde réprouvé, mais au monde réconcilié ? Le monde ne vous a donc point
connu, parce que vous êtes juste, et qu'il a mérité, que vous lui refusiez la
grâce de vous connaître; au contraire, le monde réconcilié vous a connu, parce
que vous êtes miséricordieux, et que ce n'est point à ses mérites, mais à
votre grâce qu'il doit de vous connaître. Il ajoute : « Pour moi je vous ai
connu. » En tant que Dieu, il est par nature la source de la grâce, et en
tant qu'homme, né du Saint-Esprit et de la vierge Marie, il l'est devenu par
une grâce ineffable. Enfin, comme la grâce de Dieu nous est donnée par
Jésus-Christ, il termine en disant : « Et ceux-ci (c'est-à-dire, le monde
réconcilié) ont connu, mais parce que vous m'avez envoyé; cette connaissance
leur est donc venue par la grâce. Et je leur ai fait connaître votre nom (par
la foi), et je le leur ferai connaître (par la claire vue), afin que l'amour
dont vous m'avez aimé soit en eux. » L'Apôtre s'est servi d'une locution
semblable lorsqu'il a dit : « J'ai combattu un bon combat. » (1 Tm 1, 4). Il
ne dit pas : J'ai combattu d'un bon combat, ce qui serait plus conforme au
langage ordinaire. Or, comment l'amour dont le Père a aimé le Fils est-il en
nous, si ce n'est parce que nous sommes ses membres, et que Dieu nous aime
dans son Fils, qu'il aime tout entier, c'est-à-dire, le chef et les membres,
c'est pour cela que le Sauveur ajoute : « Et moi en eux. » Il est, en effet,
en nous comme dans son temple, et nous sommes en lui en tant qu'il est notre
chef. |
Caput 18 Lectio 1 [86133] Catena in Io., cap. 18 l. 1 Augustinus in
Ioannem. Terminato sermone quem post coenam dominus ad discipulos habuit,
adiuncta oratione quam dixerat ad patrem, eius passionem Ioannes Evangelista
sic exorsus est haec cum dixisset Iesus, egressus est cum discipulis suis
trans torrentem Cedron, ubi erat hortus, in quem introivit ipse, et discipuli
eius. Non autem continuo hoc factum est cum eius illa finita esset oratio;
sed alia quaedam sunt interposita, quae ab isto praetermissa, apud alios
Evangelistas leguntur. Augustinus de Cons. Evang. Facta est enim
contentio inter eos, quis eorum videretur esse maior, sicut Lucas commemorat.
Dixit etiam ipse Petro, sicut ipse Lucas subiungit : ecce Satanas expetivit
vos, ut cribraret sicut triticum et cetera quae ibi sequuntur. Et hymno
dicto, sicut Matthaeus et Marcus commemorant, exierunt in montem oliveti.
Contexit ergo narrationem Matthaeus, et dixit : tunc venit Iesus cum illis in
villam quae dicitur Gethsemani. Iste locus est quem commemorat hic Ioannes :
ubi erat hortus, in quem introivit ipse, et discipuli eius. Augustinus. Ad
hoc ergo valet quod dictum est, haec cum dixisset, ut non eum ante opinemur
ingressum quam illa verba finiret. Chrysostomus in Ioannem. Sed
propter quid non dixit : cessans ab oratione venit illuc? Quoniam oratio illa
fuit loquela propter discipulos facta. De nocte autem vadit, et flumen
pertransit, et properat ad locum proditori cognitum, auferens his qui
insidiabantur, laborem, et ostendens discipulis quoniam volens ad mortem
venit. Alcuinus. Dicit autem trans torrentem Cedron, idest cedrorum :
genitivus enim est Graecus. Transit torrentem, quia de torrente passionis
bibit. Ubi erat hortus, ut peccatum quod in horto commissum fuerat, in horto
deleret : Paradisus enim hortus deliciarum interpretatur. Chrysostomus. Ne
autem audiens hortum, eum occultari aestimes, subiungit sciebat autem et
Iudas, qui tradebat eum, locum : quia frequenter Iesus convenerat illuc cum
discipulis suis. Augustinus. Ibi ergo lupus ovina pelle contectus, et
inter oves alto patrisfamilias consilio toleratus didicit, ubi ad tempus
exiguum dispergeret gregem, insidiis appetendo pastorem. Chrysostomus. Multoties
autem ibi cum discipulis Iesus singulariter convenerat, de necessariis loquens,
et quae non erat fas alios audire. Facit autem hoc in montibus et in hortis,
maxime purum a tumultibus inquirens semper locum, ne mens impediatur ab
auditione. Ideo autem Iudas illuc venit, quoniam multoties Christus extra
pernoctabat. Ivisset autem ad domum, si putasset eum ibi invenire dormientem.
Theophylactus. Noverat etiam Iudas dominum festo tempore consuevisse
semper docere discipulos aliquod sublime : erat autem solitus docere
huiusmodi mystica in talibus locis : ac quoniam tunc dies erat solemnis,
arbitratus est illum esse illic, et discipulos docere quae ad celebritatem
spectabant. Lectio 2 [86134] Catena in Io., cap. 18 l. 2 Glossa. Ostenderat
Evangelista quomodo Iudas ad locum ubi Christus erat, pervenire potuerit;
nunc ostendit quomodo illuc pervenit, dicens Iudas ergo cum accepisset
cohortem, et a pontificibus et Pharisaeis ministros, venit illuc cum laternis
et facibus et armis. Augustinus in Ioannem. Cohors non Iudaeorum, sed
militum fuit. A praeside itaque intelligatur accepta, tamquam ad tenendum
reum servato ordine legitimae potestatis, ut nullus tenentibus auderet
obsistere; quamquam et manus tanta fuerat congregata, et sic armata veniebat,
ut vel terreret, vel etiam repugnaret, si quisquam Christum defendere auderet.
Chrysostomus in Ioannem. Sed qualiter cohorti suaserunt? Quia milites
erant, pecuniarum gratia omnia facere meditantes. Theophylactus. Faces
autem afferunt et laternas, ne Christus latens in tenebris fugeret.
Chrysostomus. Multoties autem alias miserunt comprehendere eum, sed non
valuerunt : unde manifestum est quod tunc sponte seipsum dedit; propter quod
subditur Iesus autem sciens omnia quae ventura erant super eum, processit, et
dixit ad eos : quem quaeritis? Theophylactus. Quaerit autem non ut
volens scire : nam utique noverat omnia quae ventura erant super eum : sed
ostendere volens quoniam cum praesens esset, ab eis videri non poterat vel
discerni; nam sequitur dicit ei Iesus : ego sum. Chrysostomus. In
medio enim eorum existens, excaecavit eorum oculos : quoniam enim non
tenebrae causa erant, indicavit Evangelista dicens, quoniam habuerunt
lampades. Si vero lampades non essent, a voce saltem debebant eum agnoscere.
Si vero et illi ignorabant, qualiter Iudas ignoravit, qui cum eo fuerat
continue? Et ideo subdit stabat autem et Iudas, qui tradebat eum, cum ipsis.
Fecit autem hoc Iesus, ostendens quoniam non solum comprehendere eum non
possent, sed nec videre in medio existentem, nisi ipse concederet; unde
subditur ut ergo dixit eis : ego sum, abierunt retrorsum, et ceciderunt in
terram. Augustinus. Ubi nunc militum cohors, ubi terror, et munimen
armorum? Una vox turbam odiis ferocem armisque terribilem sine telo ullo
percussit, repulit, stravit. Deus enim latebat in carne, et sempiternus dies
ita membris occultabatur humanis, ut cum laternis et facibus quaereretur
occidendus a tenebris. Quid iudicaturus faciet qui iudicandus hoc fecit? Et
nunc utique per Evangelium, ego sum, dicit Christus, et a Iudaeis expectatur
Antichristus, ut retro redeant, et in terram cadant : quoniam deserentes
caelestia, terrena desiderant. Gregorius super Ezech. Quid autem hoc
est quod electi in faciem, et reprobi retrorsum cadunt, nisi quod omnis qui
post se cadit, ibi cadit ubi non videt; qui vero ante se ceciderit, ibi cadit
ubi videt? Iniqui ergo quia in invisibilibus cadunt, post se cadere dicuntur,
quia ibi corruunt ubi quod tunc eos sequitur, modo videre non possunt : iusti
vero, quia in istis visibilibus semetipsos sponte deiciunt ut in
invisibilibus erigantur, quasi in faciem cadunt, quia timore compuncti
videntes humiliantur. Chrysostomus in Ioannem. Demum ne quis dicat
quoniam ipse Iudaeos ad hoc induxit ut eum occiderent, seipsum in manibus
eorum tradens, manifeste ostendit eis omnia quae sufficiebant eos revocare.
Sed quia permanebant in malitia et nullam habebant excusationem, tunc seipsum
in manibus eorum tradidit; unde sequitur iterum ergo interrogavit eos : quem
quaeritis? Illi ergo dixerunt : Iesum Nazarenum. Respondit Iesus : dixi vobis
quia ego sum. Augustinus in Ioannem. Audierant primo ego sum; sed non
comprehenderant : quia hoc noluit qui potuit quidquid voluit. Verum si
nunquam se ab eis permitteret apprehendi; non quidem illi facerent propter
quod venerant, sed nec ipse faceret propter quod venerat : proinde quia
tenere volentibus et non valentibus ostendit potestatem suam, iam tenebunt
eum, ut faciat de nescientibus voluntatem suam; unde subditur si ergo me
quaeritis, sinite hos abire. Chrysostomus. Quasi dicat : si me
quaeritis, nihil vobis ad hos commune est : ecce meipsum trado : usque ad
ultimam horam ad suos dilectionis conservantiam demonstrans. Augustinus. Inimicos
iubet, et hoc faciunt quod iubet : sinunt scilicet nunc eos abire quos non
vult perire. Chrysostomus. Unde Evangelista ostendens quod hoc non
fuit eorum propositi, sed virtus eius qui comprehensus fuerat, subiungit ut
impleretur sermo quem dixit : quia quos dedisti mihi, non perdidi ex eis
quemquam. Perditionem autem non hanc dixerat quae est mortis, sed illam
aeternam : Evangelista vero et de praesenti morte id accepit. Augustinus.
Numquid autem non erant postea morituri? Cur ergo si tunc morerentur,
perderet eos, nisi quia nondum in eum sic credebant quomodo credunt quicumque
non pereunt? Lectio 3 [86135] Catena in Io., cap. 18 l. 3 Chrysostomus
in Ioannem. Petrus confidens in praedicta voce domini et in his quae iam
facta erant, armatur adversus eos qui supervenerant; unde dicitur Simon ergo
Petrus habens gladium, eduxit eum, et percussit pontificis servum. Sed
qualiter iussus non peram habere neque duo vestimenta, gladium habet? Mihi
videtur hunc formidans praeparasse dudum. Theophylactus. Vel ad opus
agni illo indigens, ferebat hunc etiam post coenam. Chrysostomus. Sed
qualiter qui iussus erat non alapam dare, homicida fit? Quia maxime non se
ulcisci iussus est; hic autem non se ulciscebatur, sed magistrum. Demum
nondum perfecti adhuc erant, sed videbis postea Petrum verberatum, et
humiliter ferentem. Non sine causa autem subdit et abscidit eius auriculam
dexteram. Videtur mihi enim impetum apostoli significare quoniam ad ipsum
caput impetum fecit. Augustinus in Ioannem. Solus autem hic
Evangelista etiam nomen servi huius expressit, cum dixit erat autem nomen
servo Malchus : sicut Lucas solus quod eius auriculam dominus tetigerit, et
sanaverit eum. Chrysostomus. Tunc enim miraculum fecit, et erudiens
nos, quoniam eis qui male faciunt benefacere oportet, et virtutem revelans
suam. Nomen autem propterea posuit Evangelista, ut his qui tunc legerent,
liceret quaerere si vere factum sit. Servum autem eum summi pontificis dicit
: quia magnum est quod factum est, non solum quia curavit, sed quia curavit
eum qui super eum venerat, et paulo post alapam daturus erat. Augustinus.
Malchus autem interpretatur regnaturus. Quid ergo auris pro domino
amputata et a domino sanata significat, nisi auditum amputata vetustate
renovatum, ut sit in novitate spiritus, et non in vetustate litterae : quod
cui praestitum fuerit a Christo, quis dubitet regnaturum esse cum Christo?
Quod autem servus inventus est, et hoc ad illam pertinet vetustatem, quae in
servitutem generat; sed cum accessit sanitas, figurata est et libertas.
Theophylactus. Vel caesio auris dexterae servi principis sacerdotum signum
erat surditatis eorum, quae praecipue in principibus sacerdotum inoleverat;
quod autem denuo restituta sit auris, significat ultimam reparationem
intellectus in Israeliticis veniente Elia. Augustinus. Factum autem
Petri dominus improbavit, et progredi ultra prohibuit; unde sequitur dixit
ergo Iesus Petro : mitte gladium tuum in vaginam. Etenim ille ad patientiam
commonendus fuit, et hoc ad intelligentiam conscribendum. Chrysostomus. Non
solum autem minis eum cohibuit, ut Matthaeus refert; sed et aliter consolatur
eum, dicens calicem quem dedit mihi pater, non vis ut bibam illum? Ostendens
quoniam non illorum virtutis quae fiebant erant, sed suae concessionis; et
quod non est Deo contrarius, sed obediens usque ad mortem. Theophylactus.
In eo autem quod ipsam calicem dicit, quam sibi grata et acceptabilis pro
salute mortalium mors videatur, edisserit. Augustinus. Quod autem a
patre traditum sibi dicit calicem passionis, illud est quod ait apostolus :
filio proprio non pepercit, sed pro nobis omnibus tradidit eum. Verum auctor
calicis huius est etiam ipse qui bibit : unde idem apostolus dicit : Christus
dilexit nos, et tradidit seipsum pro nobis. Lectio 4 [86136] Catena in Io., cap. 18 l. 4 Theophylactus.
Peractis cunctis quae sufficienter se habebant ad prohibendum Iudaeos, cum
illi hoc nequaquam discernerent, tunc duci se permisit; unde dicitur cohors ergo
et tribunus et ministri Iudaeorum comprehenderunt Iesum. Augustinus in
Ioannem. Comprehenderunt ad quem non accesserunt : nec audierunt illud :
accedite ad eum, et illuminamini. Si enim sic accederent, non eum manibus
occidendum, sed recipiendum corde comprehenderent. Nunc autem quando eum illo
modo comprehenderunt, ab eo longius recesserunt. Sequitur et ligaverunt eum;
a quo solvi potius velle debuerunt : et erant forte in eis qui postea
liberati ab eo, dixerunt : dirupisti vincula mea. Postea vero quam
persecutores tradente Iuda dominum ligaverunt, ut intelligatur Iudas non
laudabilis utilitate traditionis huius, sed sceleris voluntate damnabilis,
subditur et adduxerunt eum ad Annam primum. Chrysostomus in Ioannem. Prae
delectatione enim gloriabantur in his quae fiebant, quasi trophaeum
statuentes. Augustinus in Ioannem. Nec tacet causam cur ita factum
sit, subdens erat enim socer Caiphae, qui erat pontifex anni illius. Merito
et Matthaeus, cum id brevius narrare voluisset, eum ad Caipham ductum fuisse
commemorat : quia et ad Annam prius ideo ductus est, quod socer eius fuerit;
ut intelligendum sit hoc eumdem Caipham fieri voluisse. Beda. Quatenus
dum a consimili pontifice damnaretur, ipse quoque minoris criminis reus
haberetur. Vel fortassis sic domus eius sita erat ut praeterire eam non
possent. Sive divinitus actum est, ut qui erant affines sanguine, sociarentur
in scelere. Sed quod dicitur, quod esset pontifex anni illius, sonat
contrarium legi, in qua praeceptum erat ut unus esset pontifex summus, quo
mortuo succederet ei filius suus; sed iam pontificatus ambitione erat
infectus. Alcuinus. Refert enim Iosephus, istum Caipham, unius anni
sacerdotium redemisse. Non ergo mirum si iniquus pontifex inique iudicaverit
: saepe qui per avaritiam ad sacerdotium accedit, per iniustitiam in eo
servatur. Chrysostomus. Ne autem audiens vincula auditor tumultuetur,
recoluit prophetiae, quoniam mors eius salus fuit orbis terrarum; unde
sequitur erat autem Caiphas qui consilium dederat Iudaeis, quia expedit unum
hominem mori pro populo : tanta enim est veritatis superabundantia, ut et
inimici eam personent. Lectio 5 [86137] Catena in Io., cap. 18 l. 5 Augustinus de
Cons. Evang. De Petri tentatione, quae inter domini contumelias facta est,
non eodem ordine omnes narrant : nam ipsas primo commemorant Matthaeus et
Marcus, deinde Petri tentationem; Lucas vero explicat prius tentationes
Petri, demum domini contumelias. Ioannes autem incipit Petri tentationem
dicere, cum dicit sequebatur autem Iesum Simon Petrus, et alius discipulus.
Alcuinus. Ex devotione sequebatur magistrum, quamvis a longe propter
timorem. Augustinus in Ioannem. Quis sit autem ille alius discipulus,
non temere affirmandum est, quia tacetur. Solet autem se idem Ioannes ita
significare et addere : quem diligebat Iesus : fortassis ergo et hic ipse est.
Chrysostomus in Ioannem. Se autem occultat humilitatis gratia; etenim
magnam rectitudinem enarrat, quomodo omnibus fugientibus ipse sequitur. Sed
praeponit sibi Petrum, et sui ipsius coactus est meminisse, ut discas quoniam
certius aliis enarrat ea quae facta sunt in atrio, quasi intus existens.
Succidit autem propriam laudem, subdens discipulus autem ille erat notus
pontifici, et introivit cum Iesu in atrium pontificis; non enim hoc ut magnum
quid de seipso ponit; sed quia dixit quod intravit cum Iesu solus, ut non
aestimes hoc excelsae mentis esse, addit causam. Igitur Petrum venisse illuc,
amoris fuit; non intrasse autem intro, timoris; unde sequitur Petrus autem
stabat ad ostium foris. Alcuinus. Foris stabat qui negaturus erat
dominum, nec erat in Christo qui Christum confiteri non erat ausus.
Chrysostomus. Sed quoniam et Petrus intrasset utique domum, si ei
concessum esset, indicavit subdens exivit ergo discipulus alius, qui erat
notus pontifici, et dixit ostiariae, et introduxit Petrum. Ideo autem ipse
eum non introduxit, quia Christo adhaerebat, et sequebatur eum. Sequitur
dixit ergo ancilla ostiaria : numquid et tu ex discipulis es hominis istius?
Dicit ille : non sum. Quid dicis, o Petre? Nonne prius dixisti : et si
oportuerit, animam meam pro te ponam? Quid ergo factum est, quoniam nec
ostiariae fers interrogationem? Non erat miles qui interrogabat, sed ostiaria
vilis; neque dixit : seductoris discipulus es, sed hominis illius; quod
miserentis erat. Dicit autem numquid et tu? Quia Ioannes intus erat.
Augustinus. Sed quid mirum si Deus vera praedixit, homo autem falsa
praesumpsit? Sane in ista quae iam coepta est negatione Petri debemus
advertere, non solum ab eo negari Christum qui dicit eum non esse Christum,
sed ab illo etiam qui negat se esse Christianum. Dominus enim non ait Petro :
discipulum meum te negabis; sed : me negabis. Negavit ergo ipsum cum se
negavit esse discipulum. Quid autem aliud isto modo quam se negavit esse
Christianum? Quam multi postea, etiam pueri et puellae, potuerunt mortem pro
Christi confessione contemnere, et regnum caelorum fortiter introire, quod
tunc iste non potuit, qui claves regni eius accepit. Ecce unde dictum est
sinite hos abire : quia quos dedisti mihi, non perdidi ex eis quemquam.
Utique enim Petrus, si negato Christo hinc iret, quid aliud quam periret?
Chrysostomus. Idcirco autem divinae providentiae secretum permisit ut
primus ipse laberetur Petrus, quo erga peccantes duriorem sententiam proprii
casus intuitu temperaret. Petrus enim orbis terrarum doctor et magister
peccavit, et veniam impetravit, ut haec indulgentiae norma et regula
iudicantibus praeberetur. Idcirco enim non Angelis arbitror commissam
sacerdotii potestatem, ne cum ipsi minime peccarent, in peccatoribus sine
misericordia vindicarent. Homo passibilis supra homines ordinatur, ut dum
ipse in aliis suas recolit passiones, mitem apud eos se praebeat et benignum.
Theophylactus. Quidam tamen inanem quamdam gratiam appropriantes Petro,
dicunt, quod ideo negavit Petrus, quoniam volebat semper esse cum Christo, et
sequi continue. Novit enim quod si fateretur se esse de Christi discipulis,
divideretur ab eo, et non haberet ultra spatium sequendi videndique dilectum
: unde simulabat se officium gerere ministrorum, ne vultus moestitia cognitus
excluderetur; unde sequitur stabant autem servi et ministri ad prunas, quia
frigus erat, et calefaciebant se. Erat autem et Petrus stans cum eis, et
calefaciens se. Augustinus. Non hiems erat, et tamen frigus erat,
quale solet etiam aequinoctio verno accidere. Gregorius Moralium. Iam
autem intus a caritatis calore Petrus torpuerat, et ad amorem praesentis
vitae, quasi ad persecutorum prunas, infirmitate aestuante recalebat. Lectio 6 [86138] Catena in Io., cap. 18 l. 6 Chrysostomus
in Ioannem. Quia Christo nullum crimen inferre poterant, de discipulis
interrogabant; unde dicitur pontifex ergo interrogavit Iesum de discipulis
suis : fortassis ubi erant, vel cuius gratia eos collegit. Hoc autem dicebat
quasi seditiosum et novarum rerum factorem eum redarguere volens, quasi nullo
alio attendente ei quam eius discipulis. Theophylactus. Explorat
insuper de doctrina; unde sequitur et de doctrina eius, cuiusmodi scilicet
foret, utrum a lege discrepans et adversa Moysi, ut exinde occasione concepta
ut Dei aemulum perdat. Alcuinus. Non enim cognoscendae veritatis amore
interrogat, sed ut causam inveniret qua eum accusare potuisset, et tradere
Romano praesidi ad damnandum. Sed dominus ita temperavit responsionem ut nec
veritatem taceret, nec se defendere videretur; sequitur enim respondit ei
Iesus : ego palam locutus sum mundo; ego semper docui in synagoga et in
templo quo omnes Iudaei conveniunt, et in occulto locutus sum nihil.
Augustinus in Ioannem. Non praetereunda nascitur hic quaestio : si enim
ipsis discipulis non loquebatur palam, sed horam promittebat quando palam
fuerat locuturus, quomodo palam locutus est mundo? Deinde ipsis discipulis
suis multo manifestius loquebatur quando cum eis erat remotus a turbis; tunc
enim et parabolas aperiebat, quas clausas proferebat ad alios. Sed
intelligendum est ita eum dixisse palam locutus sum mundo, ac si dixisset :
multi me audierunt. Et rursus non erat palam, quia non intelligebant; et quod
seorsum discipulis loquebatur, non in occulto utique loquebatur; quis namque
in occulto loquitur qui coram tot hominibus loquitur? Praesertim si hoc
loquitur paucis, quod per eos velit innotescere multis. Theophylactus. Reminiscitur
autem hic prophetiae quae dicit : non in occulto locutus sum, nec in loco
terrae tenebroso. Chrysostomus in Ioannem. Vel locutus est quidem in
occulto, sed non, ut hi aestimabant, trepidans et seditionem faciens; sed ubi
multorum auditione superiora erant quae dicebantur. Volens autem ex
superabundantia fide dignum constituere suum testimonium, subdit quid me
interrogas? Interroga eos qui audierunt quid locutus sim ipsis : ecce hi
sciunt quae dixerim ego; quasi dicat : tu me de meis interrogas; interroga
inimicos meos, qui insidiantur mihi. Sunt autem haec verba confidentis in
eorum quae dicta erant veritate : haec est enim veritatis inaltercabilis
demonstratio, cum inimicos quis invocat teste. Augustinus. Ipsa enim
quae audierant et non intellexerant, talia erant ut non possent iuste ac
veraciter criminari : et quotiescumque interrogando tentarunt ut invenirent
unde accusarent eum, sic eis respondit ut omnes eorum retunderentur doli, et
calumniae eorum frustrarentur. Lectio 7 [86139] Catena in Io., cap. 18 l. 7 Theophylactus.
Cum Iesus astantium interpellasset testimonium, volens se minister
excusare quod non esset de his qui admirabantur Iesum, percussit eum; unde
dicitur haec autem cum dixisset, unus assistens ministrorum dedit alapam
Iesu, dicens : sic respondes pontifici? Augustinus de Cons. Evang. Hic
sane ostenditur quod Annas pontifex erat, nondum enim erat missus ad Caipham
cum hoc diceretur; et hos duos Annam et Caipham pontifices commemorat etiam
Lucas in initio Evangelii sui. Alcuinus. Hic impletur prophetia
threnorum : dedi maxillam meam percutientibus. Sed Iesus iniuste percussus
mansuete respondit; unde sequitur respondit ei Iesus : si male locutus sum,
testimonium perhibe de malo; si autem bene, quid me caedis?
Theophylactus. Quasi dicat : si habes ex his quae nunc a me prolata sunt
reprehendere, ostende quod male dixerim; quod si nequis, quid furis? Vel
etiam sic : si perperam docui cum in synagogis docebam, certifica principem
sacerdotum; quod si recte docui, ita ut etiam vos ministri miraremini, quid
me nunc caedis, quem prius admirabaris? Augustinus in Ioannem. Quid
ista responsione verius, mansuetius, iustius? Qui enim accepit alapam,
numquid vellet eum qui percussit aut caelesti igne consumi, aut terra
dehiscente sorberi, aut correptum Daemonio volutari, aut etiam alia huiusmodi
qualibet poena, vel etiam graviori puniri? Quid horum per potentiam iubere
non potuisset per quem factus est mundus, nisi patientiam nos docere
maluisset, qua vincitur mundus? Hic dicet aliquis : cur non fecit quod ipse
praecepit? Percutienti scilicet non sic respondere, sed maxillam debuit
alteram praebere. Quid quod et mansuete respondit, et non solum maxillam
alteram iterum percussuro, sed totum corpus figendum praeparavit in ligno? Et
hinc potius demonstravit sua illa praecepta patientiae non ostentatione
corporis, sed cordis praeparatione fienda : fieri enim potest ut alteram
maxillam visibiliter homo praebeat iratus. Quanto ergo melius et respondet
vera placatus, et ad perferenda graviora tranquillo animo fit paratus?
Chrysostomus in Ioannem. Quid igitur consequens erat, nisi aut redarguere,
aut acceptare quod dictum est? Sed hoc non fit : ea enim quae fiebant non
erant iudicium, sed seditio et tyrannis. Non invenientes autem quid plus
facerent, mittunt eum ligatum ad Caipham; unde sequitur et misit eum Annas
ligatum ad Caipham pontificem. Theophylactus. Suspicantes hunc, cum
astutior esset, excogitare aliquid posse adversum Iesum dignum morte.
Augustinus. Ad illum autem, sicut Matthaeus dicit, ab initio ducebatur,
quoniam ipse erat illius anni princeps sacerdotum. Alternis quippe
intelligendi sunt solere annis agere pontificatum, et credendum est secundum
voluntatem Caiphae id esse factum ut Iesum primo ad Annam ducerent; vel etiam
domos eorum ita fuisse positas ut non deberet Annas a transeuntibus
praeteriri. Beda. Quod autem dicit ligatum, non sic intelligendum quod
tunc tantum fuerit ligatus; sed tunc ligatus est cum est captus : itaque
ligatum ad Caipham misit sicut sibi fuerat praesentatus. Sive fieri potuit ut
ad horam solveretur, quatenus discuteretur, post hoc discussus iterum
ligaretur, et sic ad Caipham mitteretur. Lectio 8 [86140] Catena in Io., cap. 18 l. 8 Augustinus in
Ioannem. Cum dixisset Evangelista, quod Iesum ligatum miserat Annas ad
Caipham, reversus est ad locum narrationis, ubi reliquerat Petrum, ut
explicaret quod in domo Annae de trina eius negatione contigerat; unde
dicitur erat autem Simon Petrus stans, et calefaciens se. Hic recapitulat
quod ante iam dixerat. Chrysostomus in Ioannem. Vel multo stupore
detinebatur qui fervidus erat, ut deducto Iesu de cetero non moveretur. Sed
hoc fit, ut discas quanta naturae sit imbecillitas, cum Deus hominem
dereliquerit. Et interrogatus rursus etiam negat; unde sequitur dixerunt ergo
ei : numquid et tu ex discipulis eius es? Negavit ille, et dixit : non sum.
Augustinus de Cons. Evang. Hoc loco invenimus non ante ianuam, sed ad
focum stantem, secundo negasse Petrum; quod fieri non posset nisi iam
rediisset postea quam foras exierat, ut Matthaeus dicit. Neque enim iam
exierat, et foris vidit eum altera ancilla; sed cum exiret, eum vidit; idest,
cum surgeret et exiret, animadvertit eum et dixit his qui erant ibi, idest
qui simul erant ad ignem intus in atrio : et hic cum Iesu Nazareno erat. Ille
autem qui foras exierat, hoc audito, rediens, iuravit illis contra nitentibus
: quia non novi hominem. Deinde in eo quod Ioannes hic ait dixerunt : numquid
et tu ex discipulis eius es? Quod redeunti et stanti dictum intelligimus, hoc
quoque confirmatur, non illam tantum alteram ancillam, quam commemorant in
hac secunda negatione Matthaeus et Marcus, sed alium quemdam, quem commemorat
Lucas, cum Petro illud egisse; unde Ioannes dicit dixerunt ergo ei. Ioannes
autem secutus de tertia Petri negatione, ita explicat dicit ei unus ex servis
pontificis, cognatus eius cuius abscidit Petrus auriculam : nonne ego vidi te
in horto cum illo? Quod Matthaeus et Marcus non singulari, sed plurali numero
enuntiant eos qui cum Petro agebant, cum Lucas unum dicat; Ioannes quoque
unum eumdemque cognatum eius cuius abscidit Petrus auriculam : facile est
intelligere aut pluralem numerum pro singulari usitata locutione usurpasse
Matthaeum et Marcum; aut quod unus maxime tamquam sciens, et qui eum viderat,
affirmabat; ceteri autem secuti eius fidem Petrum simul urgebant.
Chrysostomus. Sed neque hortus in memoriam eius reduxit ea quae ibi dicta
sunt, neque multa dilectio quam illic per verba multa ostendit; unde sequitur
iterum ergo negavit Petrus, et statim gallus cantavit. Augustinus. Ecce
medici completa est praedictio, aegroti convicta praesumptio : non enim
factum est quod ille dixerat : animam meam pro te ponam; sed factum est quod
ille praedixerat : ter me negabis. Chrysostomus. Evangelistae vero
concorditer negationem Petri scripserunt, non discipulum accusantes, sed nos
erudire volentes quantum malum sit non Deo totum concedere, sed in semetipso
confidere. Beda. Mystice autem per primam Petri negationem illi
designantur qui ante passionem ipsius negaverunt eum esse Deum; per secundam
vero illi qui post resurrectionem eius in divinitate pariter et humanitate
offenderunt. Item per primum galli cantum ipsius designatur capitis
resurrectio, per secundum illa quae in fine celebrabitur totius corporis. Per
primam autem ancillam, quae Petrum negare coegit, designatur cupiditas; per
secundam carnalis delectatio; per unum seu plures servos, Daemones, qui
suadent Christum negare. Lectio 9 [86141] Catena in Io., cap. 18 l. 9 Augustinus in
Ioannem. Redit Evangelista ad locum narrationis suae, ubi eam reliquerat
ut explicaret Petri negationem; unde dicitur adducunt ergo Iesum ad Caipham in
praetorium : ad Caipham quippe ab Anna collega et socero eius dixerat missum.
Sed si ad Caipham, cur ad praetorium, quod nihil aliud vult intelligi quam
ubi praeses Pilatus habitavit? Beda. Praetorium enim dicitur sedes
praetoris; praetores vero dicuntur praefecti, sive praeceptores, eo quod
civibus praecepta donent. Augustinus. Aut igitur aliqua urgente causa
de domo Annae, quo ad audiendum ambo convenerant, Caiphas perrexerat ad
praetorium praesidis, et socero suo Iesum reliquerat audiendum; aut in domo
Caiphae praetorium Pilatus acceperat, et tanta domus erat ut seorsum
habitantem dominum suum, seorsum iudicem ferret. Augustinus de Cons.
Evang. Tamen ad ipsum Caipham ab initio ducebatur, ad quem in extremo
perductus est; sed quia iam tamquam convictum reum adducebant, Caiphae autem
antea visum fuerat ut Iesus moreretur, nulla mora interposita est quin
occidendus Pilato traderetur. Sequitur erat autem mane. Chrysostomus in
Ioannem. Antequam gallus cantaret, ad Caipham ducitur; mane vero ad
Pilatum : per quae demonstrat Evangelista quoniam per totum intermedium
noctis a Caipha interrogatus in nullo redarguitur; et idcirco misit eum
Pilato. Sed illa aliis dimittens enarranda, ipse quaesivit quod deinceps est;
sequitur enim et ipsi non introierunt in praetorium. Augustinus in
Ioannem. Hoc est in eam partem domus quam Pilatus tenebat, si ipsa erat
domus Caiphae. Cur autem non introierunt, exponit subdens ut non
contaminarentur, sed manducarent Pascha. Chrysostomus. Quoniam tunc
Iudaei faciebant Pascha; ipse vero ante unam diem tradidit Pascha, reservans
suam occisionem sextae feriae quando vetus Pascha fiebat : vel Pascha dicit
totum festum. Augustinus. Dies enim agere coeperant azymorum, quibus
diebus contaminatio illis erat in alienigenae habitaculum intrare. Alcuinus.
Pascha enim proprie dicebatur dies illa qua agnus ad vesperam quartadecima
luna occidebatur; septem vero dies sequentes dies azymorum dicebantur, in
quibus nihil fermentatum in domibus eorum debuit inveniri. Sed tamen dies
paschalis invenitur inter dies azymorum, ut apud Matthaeum : prima autem die
azymorum accesserunt discipuli ad Iesum, dicentes : ubi vis paremus tibi
comedere Pascha? Pascha etiam dies azymorum inveniuntur nominati, sicut hic :
ut manducarent Pascha : Pascha enim non immolationem agni hic notat, quae
fiebat quartadecima luna ad vesperam; sed magnam solemnitatem, quae
quintadecima luna celebrabatur post agni immolationem; quartadecima enim luna
dominus, sicut et alii Iudaei, Pascha celebravit; quintadecima luna, quando
magna solemnitas celebrabatur, est crucifixus; quartadecima vero luna coepit
esse immolatio ex quo captus est in horto. Augustinus. O impia
caecitas. Alienigenae iudicis praetorio contaminari timebant, et fratris
innocentis sanguinem fundere non timebant. Nam quod etiam dominus erat et
vitae dator qui occidebatur, non eorum conscientiae, sed nescientiae
deputetur. Theophylactus. Sed Pilatus utcumque procedens mitius, ipse
idem egreditur; unde sequitur exivit ergo Pilatus ad eos foras. Beda. Haec
autem erat consuetudo Iudaeorum, ut quem mortis reum iudicarent, vinctum
praesidi traderent, ut dum praeses vinctum cerneret, intelligeret morti
addictum. Chrysostomus. Sed videns eum ligatum et a tot ductum, non
aestimavit hoc argumentum esse inaltercabile accusationis, sed interrogat;
unde sequitur et dixit eis : quam accusationem affertis adversus hominem
hunc? Inconveniens enim dicit esse, iudicium eos rapuisse, supplicium autem
illi concedere. Sed illi renuentes ex directo accusationem, coniecturis
quibusdam utuntur; unde sequitur responderunt, et dixerunt : si non esset hic
malefactor, non tibi tradidissemus eum. Augustinus. Interrogentur
atque respondeant ab immundis spiritibus liberati, caeci videntes, mortui
resurgentes, et, quod omnia superat, stulti sapientes, utrum sit malefactor
Iesus. Sed ista dicebant, de quibus per prophetam iam ipse praedixerat :
retribuebant mihi mala pro bonis. Augustinus de Cons. Evang. Sed
videndum est ne contra sit quod Lucas dicit, certa in eum dicta esse crimina
: coeperunt autem illum, inquit, accusare, dicentes : hunc invenimus
subvertentem gentem nostram, et prohibentem tributa dari Caesari, et dicentem
se Christum regem esse. Sed secundum Ioannem videntur Iudaei noluisse dicere
crimina ut eorum auctoritatem secutus Pilatus, quid ei obicerent desineret
quaerere; sed ob hoc tantum nocentem crederet, quod sibi ab eis tradi
meruisset. Ergo intelligere debemus et hoc dictum esse, et illud quod Lucas
commemoravit : multa enim dicta et multa responsa sunt. Unde in narratione
sua quisque posuit quod satis esse iudicavit : nam et ipse Ioannes dicit
quaedam quae obiecta sunt, quae suis locis videbimus. Itaque sequitur dicit
ergo eis Pilatus : accipite eum vos, et secundum legem vestram iudicate eum.
Theophylactus. Quasi dicat : quoniam ad votum iudicium poscitis, et
superbitis, ac si nihil unquam profanum egeritis, accipite vos et damnate;
ego nequaquam talis iudex efficiar. Alcuinus. Vel hoc dicit, quasi
dicat : vos qui legem habetis, scitis quid lex de talibus iudicet; secundum
quod iustum esse scitis, ita facite. Sequitur dixerunt ergo Iudaei : nobis
non licet interficere quemquam. Augustinus in Ioannem. Sed nonne lex
praecepit, ne malefactoribus, praesertim seductoribus adeo qualem istum
putabant, parcant? Sed intelligendum est eos dixisse non sibi licere
interficere quemquam propter festi diei sanctitatem quam celebrare iam
coeperant. Ita ne omnem sensum nimia malitia perdidistis, ut ideo vos a
sanguine innocentis impollutos esse credatis, quia eum fundendum alteri
traditis? Chrysostomus in Ioannem. Vel ideo ipsi eum non
interfecerunt, quia multum de potestate eorum abscissum erat eis Romanis
regibus subiacentibus. Vel aliter. Quia dixerat eis secundum legem vestram
interficite eum, volentes ostendere quod peccatum eius non est Iudaicum,
dicunt non licet nobis : non enim secundum legem nostram peccavit; sed crimen
eius est publicum, quia se regem dixit. Vel quia eum crucifigi cupiebant, ut
etiam modo mortis eum diffament. Non autem licebat eis crucifigere. Sed quod
alio modo interficiebant, monstrat Stephanus ab eis lapidatus; et ideo
subditur ut sermo Iesu impleretur quem dixit significans qua morte esset
moriturus : quoniam scilicet Iudaeis crucifigere non licebat. Aut dicit hoc
Evangelista, quoniam non ab eis solum, sed et a gentibus debebat interfici.
Augustinus. Sic enim legimus apud Marcum, ubi ait : ecce ascendimus
Ierosolymam, et filius hominis tradetur principibus sacerdotum et Scribis, et
tradent eum gentibus. Pilatus autem Romanus erat, eumque in Iudaeam Romani
praesidem miserant. Ut ergo iste sermo Iesu impleretur, idest ut eum sibi
traditum gentes interficerent, noluerunt eum accipere, dicentes nobis non
licet interficere quemquam. Lectio 10 [86142] Catena in Io., cap. 18 l. 10 Chrysostomus
in Ioannem. Pilatus ab odio Iudaeorum eripi volens, iudicium non protraxit
in longum; unde dicitur introivit ergo iterum in praetorium Pilatus, et
vocavit Iesum. Theophylactus. Seorsum, eo quod magnam habebat de eo
suspicionem. Proponebat autem omnia exquisite rimari amoto strepitu
Iudaeorum; unde sequitur et dixit ei : tu es rex Iudaeorum? Alcuinus. His
verbis ostendit Pilatus Iudaeos obiecisse hoc criminis, ut diceret se esse
regem Iudaeorum. Chrysostomus. Vel hoc Pilatus a multis audierat. Quia
vero nihil illi habebat dicere, ut non multa fieret investigatio, quod
communiter dicebatur, hoc in medium ducere vult. Sequitur et respondit Iesus
: a temetipso hoc dicis, an alii tibi dixerunt de me? Theophylactus. Innuit
ex hoc, Pilatum esse vecordem, ac indiscrete iudicantem; ac si diceret : si
hoc ex te ipso loqueris, pande signa meae rebellionis; at si ab aliis
percepisti, inquisitionem fac ordinariam. Augustinus in Ioannem. Sciebat
utique dominus et quod ipse interrogavit, et quod ille responsurus fuit; sed
tamen dici voluit, non ut ipse sciret, sed ut conscriberetur quod voluit ut
sciretur. Chrysostomus. Non ergo ignorans interrogat, sed ab ipso
accusari Iudaeos volens; unde sequitur respondit Pilatus : numquid ego
Iudaeus sum? Augustinus. Abstulit a se suspicionem qua posset putari a
semetipso dixisse, id se a Iudaeis audisse demonstrans; unde subdit gens tua
et pontifices tui tradiderunt te mihi. Deinde dicendo quid fecisti? Satis
ostendit illud ei pro crimine obiectum; tamquam diceret : si te regem negas,
quid fecisti, ut tradereris mihi? Quasi mirum non esset, si puniendus iudici
traderetur qui se diceret regem. Chrysostomus. Reducit autem Pilatum
non valde malum existentem, et vult ostendere quod non est homo nudus, sed
Deus et Dei filius : et quod formidaverit Pilatus, dissolvit tyrannidis
suspicionem; unde sequitur respondit Iesus : regnum meum non est de hoc mundo.
Augustinus. Hoc est quod bonus magister scire nos voluit. Sed prius nobis
demonstranda fuerat vana hominum de regno eius opinio, sive gentium, sive
Iudaeorum, a quibus id Pilatus audierat; quasi propterea fuisset morte
plectendus, quod illicitum affectaverit regnum, vel quoniam solent regnaturi
invidere regnanti : et videlicet cavendum erat ne huius regnum sive Romanis
sive Iudaeis esset adversum. Quod si interrogante Pilato continue respondisset,
non etiam Iudaeis, sed solis gentibus hoc de se opinantibus respondisse
videretur. Sed post responsionem Pilati, iam Iudaeis et gentibus opportunius
aptiusque respondit; quasi dicat : audite, Iudaei et gentes, non impedio
dominationem vestram in hoc mundo. Quid vultis amplius? Venite credendo ad
regnum quod non est de hoc mundo. Quid est enim eius regnum, nisi credentes
in eum? Quibus dicit : de hoc mundo non estis; quamvis eos esse vellet in
mundo. Unde et hic non ait regnum meum non est in hoc mundo; sed non est de
hoc mundo. De mundo enim est quidquid hominum a Deo quidem creatum, sed ex
Adam vitiata stirpe generatum est; factum est autem regnum non iam de mundo
quidquid inde in Christo regeneratum est. Sic enim nos Deus eruit de
potestate tenebrarum, et transtulit in regnum filii caritatis suae.
Chrysostomus. Vel hoc dicit, quoniam non tenet regnum ut hic reges terreni
tenent; sed quoniam desuper habet principatum, qui non est humanus, sed multo
maior et clarior; unde subdit si ex hoc mundo esset regnum meum, ministri mei
utique decertarent ut non traderer Iudaeis. Ostendit hic regni eius quod apud
nos est imbecillitatem, quoniam a ministris habet fortitudinem; superius vero
regnum sufficiens est sibi ipsi, nullo indigens. Si igitur maius est illud regnum,
volens captus est, seipsum tradens. Augustinus. Cum autem probasset
regnum suum non esse de hoc mundo, subdit nunc autem regnum meum non est
hinc. Non dixit : non est hic : hic enim est regnum eius usque ad finem
saeculi, habens intra se commixta zizania usque ad messem; sed tamen non est
hinc, quia peregrinatur in mundo. Theophylactus. Vel ideo non dicit :
non est hic, sed non est hinc : nam regnat in mundo, et utitur eius
provisione, et iuxta votum cuncta disponit; non est autem ab infimis constitutum
regnum eius, sed caelitus et ante saecula. Chrysostomus. Hinc autem
haeretici accipientes occasionem, alienum eum esse a mundi conditione dicunt.
Sed cum dicit regnum meum non est hinc, non privat mundum a sua providentia
et praelatione; sed ostendit regnum suum non esse humanum neque corruptibile.
Sequitur dicit itaque ei Pilatus : ergo rex es tu? Respondit Iesus : tu dicis
quia rex sum ego. Augustinus. Non quia regem se timuit confiteri : sed
ita dictum est, ut neque regem se neget, neque regem se talem esse fateatur
cuius regnum putetur esse de hoc mundo. Dictum est enim tu dicis, ac si
diceretur : carnalis carnaliter dicis. Deinde subiungit ego in hoc natus sum,
et ad hoc veni in mundum, ut testimonium perhibeam veritati. Non est
producenda huius pronominis syllaba quod ait in hoc natus sum, tamquam
dixerit : in hac re natus sum; sed corripienda, tamquam dixerit : ad hoc
natus sum; sicut et ait ad hoc veni in mundum. Unde manifestum est eum
temporalem nativitatem suam hic commemorasse, qua incarnatus venit in mundum;
non illam sine initio qua Deus erat. Theophylactus. Vel aliter.
Quaesito per Pilatum si dominus esset rex, ego, inquit, in hoc natus sum,
idest ad hoc quia rex sum; hoc enim ipso quod a rege productus sum, me quoque
testor fore regem. Chrysostomus in Ioannem. Si igitur rex natus est,
nihil nisi accipiens habet. Ad hoc, inquit, veni, ut testimonium perhibeam
veritati, hoc est, ut hoc ipsum suadeam omnibus. Et notandum est, quod suam
humilitatem ostendit, dum dicentibus quoniam malefactor est, ferebat silens;
quando vero interrogatus est de regno, tunc locutus est ad Pilatum, erudiens
eum et reducens ad altiora : et ostendit se nihil versutum operatum esse, per
hoc quod dicit ut testimonium perhibeam veritati. Augustinus. Cum
autem Christus testimonium perhibeat veritati, testimonium perhibet sibi :
eius quippe est vox : ego sum veritas. Sed quia non omnium est fides,
adiungit, atque ait omnis qui est ex veritate, audit vocem meam. Audit utique
interioribus auribus; idest, obedit meae voci; ac si diceret : credit mihi.
Quod vero ait omnis qui est ex veritate, gratiam commendavit, qua secundum
propositum vocat. Nam si naturam cogitemus in qua creati sumus, cum omnes
veritas creaverit, quis non est ex veritate? Sed non omnes sunt, quibus ut
obediant veritati, ex ipsa veritate praestatur. Si enim dixisset : omnis qui
audit vocem meam, ex veritate est, ideo dictus ex veritate putaretur, quia
obtemperat veritati. Non autem hoc dicit, sed ait omnis qui est ex veritate,
audit vocem meam. Audit utique, ac per hoc non ideo est ex veritate quia eius
audit vocem, sed ideo audit quia ex veritate est : quia hoc illi donum ex
veritate collatum est. Chrysostomus. Haec autem dicens, attrahit, et
suadet fieri eorum quae dicuntur, auditorem : ita denique et eum cepit his
brevibus verbis, ut quaereret quid est veritas; sequitur enim dixit ei
Pilatus : quid est veritas? Theophylactus. Nam fere ab hominibus
evanuerat, et cunctis erat incognita, dum essent increduli. Lectio 11 [86143] Catena in Io., cap. 18 l. 11 Augustinus
in Ioannem. Cum dixisset Pilatus quid est veritas? Credo in mentem illi venisse
continuo consuetudinem Iudaeorum, qua solet eis dimitti unus in Pascha; et
ideo non expectavit ut responderet ei Iesus, ne mora fieret, cum recoluisset
morem quo posset eis in Pascha dimitti; quod eum valde voluisse manifestum
est; unde dicit et cum hoc dixisset, iterum exivit ad Iudaeos. Chrysostomus
in Ioannem. Sciebat enim quidem quoniam haec indigebat tempore
interrogatio; oportebat autem eum eripere ab impetu Iudaeorum; idcirco et
exivit. Alcuinus. Vel non expectabat audire responsum, quia forte
indignus fuit audire. Sequitur et dixit eis : ego nullam in
eo invenio causam. Chrysostomus. Non dixit : quia
peccavit, et dignus est morte, donate eum festo; sed primum eum excusans, tum
rogat ex abundanti, ut si nollent eum ut innocentem dimittere, saltem
obnoxium donarent tempori, ideoque induxit est autem consuetudo vobis ut unum
dimittam vobis in Pascha. Beda. Haec consuetudo non erat legis
praeceptum, sed ex antiqua patrum traditione descendit, ut ob recordationem
liberationis ex Aegypto unum etiam in die Paschae dimitterent vinctum. Deinde
exhortative dicit. Vultis ergo dimittam vobis regem Iudaeorum?
Augustinus. Avelli enim ex eius corde non potuit Iesum regem Iudaeorum esse,
tamquam hoc ibi sicut in titulo ipsa veritas fixerit, de qua quid esset
interrogavit. Theophylactus. Pulchre autem Pilatus respondet per hoc
quod in nullo Iesus erraverit; sed frustra inquietetur ab eis velut regnum
desiderans. Non enim eum qui se regem assereret ac aemulum
Romanae potestatis, Romanorum vicarius absolvisset. Quamobrem in hoc quod
dixit regem Iudaeorum absolvam, prorsus innoxium Iesum prodit, illuditque
Iudaeos; quasi dicat : quem vos criminamini ut regem se putantem, hunc ego
absolvi iubeo quasi talem non existentem. Augustinus. Sed hoc audito
clamaverunt; unde sequitur clamaverunt omnes rursum dicentes : non hunc, sed
Barabbam. Erat autem Barabbas latro. Non reprehendimus, o Iudaei, quod per
Pascha liberastis nocentem, sed quod occidistis innocentem; quod tamen nisi
fieret, verum Pascha non fieret Beda. Quia ergo reliquerunt salvatorem
et petiverunt latronem, usque hodie Diabolus sua latrocinia exercet in ipsos.
Alcuinus. Barabbas autem interpretatur iste filius magistri eorum, idest
Diaboli, qui huic latroni in suo scelere, Iudaeis in sua perfidia magister
fuit. |
CHAPITRE XVIII
Versets 1-2.
S. Augustin : (Traité 112 sur S. Jean). Le discours que Notre
Seigneur avait adressé à ses disciples après la cène étant terminé, ainsi que
la prière qu'il avait faite à son Père, l'évangéliste saint Jean commence
ainsi le récit de sa passion : « Après ce discours, Jésus s'en alla avec ses
disciples au-delà du torrent de Cédron. » Ce ne fut pas immédiatement après
avoir achevé cette prière, mais après quelques autres faits intermédiaires
que saint Jean passe sous silence, et qui sont rapportés par les autres
évangélistes. — S. Augustin : (De
l'accord des Evang., 3, 3) Il s'éleva en effet parmi eux une contestation,
lequel d'entre eux devait être estimé le plus grand, ainsi que le raconte
saint Luc. Le Sauveur dit encore à Pierre, comme l'ajoute encore le même
évangéliste : « Voilà que Satan vous a demandé pour vous cribler, comme le
froment, » et les paroles qui suivent. (Lc 22, 31-38). Et après avoir récité
l'hymne de louange, suivant le récit de saint Matthieu et de saint Marc., ils
s'en allèrent à la montagne des Oliviers. La liaison du récit de saint
Matthieu se trouve donc ainsi établie avec celui de saint Jean : « Alors
Jésus vint avec eux à une maison de campagne, qui est appelée Gethsémani,
c'est le lieu dont parle ici saint Jean, et où il y avait un jardin dans
lequel il entra avec ses disciples. S. Augustin : Ces paroles : « Après qu'il eût dit ces
choses, » signifient donc simplement que le Sauveur n'est entré dans ce lieu
qu'après avoir terminé son discours. — S.
Jean Chrysostome : (hom. 83 sur S. Jean). Mais pourquoi l'Evangéliste ne
dit-il pas : Après avoir terminé sa prière, il se rendit dans ce lieu ? Parce
que celle prière était une instruction à l'adresse de ses disciples. C'est
pendant la nuit qu'il sort, qu'il passe le torrent, et qu'il se hâte vers le
lieu connu de son traître disciple; épargnant ainsi la fatigue à ses ennemis,
et montrant à ses disciples que sa mort est pleinement volontaire. — Alcuin : L'Evangéliste dit : « Au
delà du torrent de Cédron, » c'est-à-dire des cèdres, le mot Cédron étant
comme le génitif grec du mot χέδρων. Il
traverse le torrent, parce que dans le chemin (c'est-à-dire dans le passage
de cette vie), il a bu de l'eau du torrent (de la passion). Il se rend dans
un jardin, pour expier le péché qui avait été commis dans un jardin, car le
paradis signifie jardin de délices. S. Jean Chrysostome : Ne croyez pas qu'en se rendant dans ce
jardin, Jésus cherche à se dérober à ses ennemis, car, dit l'Evangéliste, «
Judas qui le trahissait, connaissait aussi ce lieu, parce que Jésus y venait
fréquemment avec ses disciples. » — S.
Augustin : C'est dans ce lien que le loup couvert de la peau de brebis,
et supporté au milieu du troupeau par un conseil profond du père de famille
apprit à dresser ses embûches au pasteur, et à disperser pour un moment le
troupeau. — S. Jean Chrysostome : Jésus
avait souvent réuni ses disciples à l'écart pour avoir avec eux des
entretiens nécessaires et particuliers que d'autres ne devaient pas entendre,
qui ne devaient pas être entendus des antres. Il se rend de préférence pour
cela sur les montagnes et dans les jardins, parce qu'il cherche un endroit
calme et tranquille pour que l'esprit de ses disciples ne soit troublé par
aucun sujet de distraction. Judas de son côté vient dans ce jardin, parce que
Jésus-Christ y passait très-souvent la nuit; il n'eût pas manqué d'aller
chercher dans le Cénacle, s'il eût pensé que le Sauveur s'y livrait au sommeil.
— Théophylactus : Judas savait
aussi qu'aux jours de fête, le Seigneur avait coutume d'adresser à ses
disciples des instructions plus relevées, et qu'il choisissait en jardin pour
ces entretiens mystérieux; et comme c'était la grande solennité des Juifs,
Judas pensa que Jésus se trouvait dans ce lien et qu'il y enseignait à ses
disciples ce qui avait rapport à la célébration de la fête. Versets 3-9.
La Glose : Après nous avoir expliqué comment Judas put
savoir le lieu où Jésus-Christ se trouvait, l'Evangéliste raconte comment il
s'y rendit : « Judas ayant donc pris une cohorte, et des gens des pontifes et
des pharisien, » etc. — S. Augustin : (Traité
112 sur S. Jean). Cette cohorte était composée non de Juifs, mais de soldats
romains. Les ennemis de Jésus l'avaient demandée au gouverneur comme pour
s'emparer juridiquement du coupable, au nom de l'autorité légitime, et afin
que personne ne cherchât à le délivrer de leurs mains, quoiqu'il y eût
d'ailleurs une foule si nombreuse, et si bien armée, qu'elle fut capable
d'effrayer et au besoin de repousser celui qui oserait prendre la défense du
Sauveur. — S. Jean Chrysostome : (hom.
83 sur S. Jean). Mais comment purent-ils entraîner celle cohorte dans leurs
desseins ? Parce qu'ils avaient affaire à des soldats prêts à tout faire pour
de l'argent. — Théophylactus : Ils
portent avec eux des torches et des lanternes afin que Jésus-Christ ne pût
leur échapper à la faveur des ténèbres. S. Jean Chrysostome : Bien souvent ils avaient envoyé des gens
pour se saisir de Jésus, sans qu'ils aient pu s'emparer de sa personne,
preuve évidente qu'il se livrait volontairement entre leurs mains. Aussi
l'Evangéliste ajoute : Mais Jésus sachant tout ce qui devait lui arriver,
s'avança et leur demanda : « Qui cherchez-vous ? » etc. — Théophylactus : Il leur fait cette
question, non pour connaître leurs desseins, puisqu'il savait parfaitement ce
qui devait lui arriver, mais pour leur montrer que tout présent qu'il était à
leurs yeux, ils ne pouvaient ni le voir ni le distinguer : « Ils lui
répondirent : Jésus de Nazareth, Jésus leur dit; c'est moi. » — S. Jean Chrysostome : Il est au
milieu d'eux, et il frappe leurs yeux de cécité, et l'Evangéliste nous fait
bien voir que ce ne sont pas les ténèbres de la nuit qui les empêchèrent de
reconnaître Jésus on prenant soin de nous dire qu'ils avaient avec eux des
torches et des lanternes. Au défaut même de lumières, ils auraient dû le
reconnaître à sa voix, et si cette troupe ne connaissait pas Jésus, comment
Judas qui avait continuellement été avec lui pouvait-il ne pas le reconnaître
? Aussi l'Evangéliste fait-il remarquer que Judas qui le trahissait, était
aussi avec eux. Or, Jésus voulait opérer ce prodige pour leur montrer que
sans sa permission, non-seulement ils ne pouvaient pas se saisir de sa
personne, mais qu'ils ne pouvaient infime le voir quoiqu'il fût présent au
milieu d'eux. Lors donc qu'il leur eut dit : C'est moi, ils furent renversés
et tombèrent par terre. — S. Augustin
: Où est maintenant cette cohorte de soldats ? où est ce déploiement
terrible d'armes menaçantes ? Une seule parole, sans qu'il fût besoin
d'aucune autre arme, a suffi pour frapper, pour repousser, pour jeter à terre
cette troupe nombreuse dont la haine était si ardente et l'appareil armé si
effrayant. C'est que Dieu était caché dans ce corps mortel, et le jour
éternel était tellement voilé par la nature humaine, que les ténèbres qui
voulaient le mettre à mort étaient obligées de le chercher avec des torches
et des lanternes. Que fera-t-il donc au jour où il viendra juger le monde,
lui qui opère de si grands prodiges au moment où il va lui-même être jugé.
Maintenant Jésus-Christ, par son Evangile, fait retentir en tous lieux cette
parole : « C'est moi, » et cependant les Juifs attendent l'Antéchrist, et se
retournent ainsi en arrière pour tomber à la renverse, parce qu'ils
sacrifient les biens du ciel aux désirs des choses de la terre. S.
Grégoire : (hom. 9 sur Ezéch). Mais
pourquoi les élus tombent-ils la face contre terre, tandis que les réprouvés
tombent à la renverse ? C'est que tout homme qui tombe à la renverse, tombe
en aveugle, tandis que celui qui tombe le visage contre terre, voit l'endroit
où il tombe ? Comme les méchants tombent dans un milieu qui est pour eux
invisible, on dit qu'ils tombent en arrière, parce qu'ils ne peuvent voir ce
qui les suit dans ce milieu où ils sont tombés. Les justes au contraire qui
s'humilient d'eux-mêmes au milieu de ces choses visibles pour mériter de
s'élever jusqu'aux invisibles, tombent la face contre terre, parce que pénétrés
de componction et. de crainte, ils voient leur propre humiliation. S. Jean Chrysostome : Le Sauveur ne veut pas cependant qu'on
puisse penser que c'est lui qui a comme amené les Juifs à le mettre à mort,
en se livrant de lui-même à ses ennemis, et il fait tout ce qui était
nécessaire pour les détourner de leur criminel dessein. Mais comme ils
persévèrent opiniâtrement et qu'ils sont tout à fait sans excuse, il se remet
lui-même entre leurs mains : « Il leur demanda encore une fois : Qui
cherchez-vous ? Ils lui dirent : Jésus de Nazareth. » S. Augustin : Ils avaient déjà entendu cette réponse : «
C’est moi, » et ils ne s'étaient pas emparé de la personne du Sauveur, parce
que telle était la volonté de celui qui peut tout ce qu'il veut. Cependant
s'il ne leur avait jamais permis de se saisir de lui, cette troupe n'aurait
pas rempli la mission qui lui avait été donnée, et lui-même n'aurait pas
accompli le dessein qui l'avait fait descendre sur la terre. Maintenant qu'il
a donné des preuves suffisantes de sa puissance à ceux qui voulaient
s'emparer de lui, mais inutilement, qu'ils se saisissent de sa personne ils
ne feront, sans le savoir, qu'obéir à l'ordre de sa volonté : « Si donc c'est
moi que vous cherchez, leur dit-il, laissez aller ceux-ci. » — S. Jean Chrysostome : C'est-à-dire,
si c'est moi que vous cherchez, vous n'avez rien à démêler avec eux; je me
livre moi-même entre vos mains, et c'est ainsi que jusqu'à la dernière heure,
il donne à ses disciples des témoignages persévérants de son amour pour eux.
— S. Augustin : Il commande à ses
ennemis, et ses ennemis exécutent ses ordres, et ils laissent aller en
liberté ceux qu'il leur défend de faire périr. — S. Jean Chrysostome : Aussi l'Evangéliste voulant nous montrer
que ce n'était point là un acte de leur volonté, mais un effet de la
puissance de celui qu'ils venaient d'arrêter, ajoute : « Afin que fût
accomplie la parole qu'il avait dite : Je n'ai perdu aucun de ceux que vous
m'avez donnés. » Notre Seigneur n'avait pas eu en vue dans ces paroles la
mort du corps, mais la mort éternelle; l'Evangéliste les applique à la mort
même corporelle. — S. Augustin : Est-ce
que les Apôtres devaient être pour toujours à l'abri de la mort ? Pourquoi
donc les perdrait-il, s'ils mouraient alors ? C'est qu'ils ne croyaient pas
encore, en lui comme il faut croire pour ne point périr. Versets 10-11.
S. curys. (hom. 83 sur S. Jean). Pierre, plein de confiance dans ce
que le Sauveur venait de dire, et dans le prodige qu'il avait opéré, se met
en défense contre ceux qui étaient venus pour se saisir de Jésus : « Alors
Simon-Pierre qui avait une épée, la tira, » etc. Mais comment celui à qui
Jésus avait commande de n'avoir ni bourse ni deux vêtements, peut-il avoir un
glaive ? Je crois qu'il s'était depuis longtemps muni de ce glaive dans la
prévision des dangers qu'il redoutait. — Théophylactus
: Ou bien ce glaive était celui qui avait servi pour découper l'agneau,
et que Pierre avait conservé après la cène. — S. Jean Chrysostome : Mais comment encore celui à qui le Sauveur
avait défendu de donner un soufflet, se rend-il homicide ? Jésus lui avait
défendu toute vengeance personnelle, mais ici ce n'est point lui, mais son
maître qu'il cherche à venger, d'ailleurs les Apôtres n'étaient pas encore
parfaits, mais nous verrons plus tard Pierre se laisser frapper sans faire
aucune résistance. Ce n'est pas sans raison que l’Evangéliste remarque qu'il
coupa l'oreille droite de ce serviteur; il fait ainsi ressortir l'impétuosité
de l'Apôtre, qui s'attaque tout d'abord à la tête de cet homme. S. Augustin : (Traité 112 sur S. Jean). L'évangéliste
saint Jean est le seul qui nous ait conservé le nom de cet homme : « Et cet
homme s'appelait Malchus; » comme saint Luc est le seul qui rapporte que le
Seigneur toucha son oreille et la guérit. — S. Jean Chrysostome : Jésus fait ici un second miracle, et il
nous apprend ainsi à faire du bien à ceux qui nous font du mal, en même temps
qu'il donne un nouveau témoignage de sa puissance. L'Evangéliste donne le nom
de cet homme, pour permettre à ceux qui liraient son récit, de vérifier si ce
fait était vrai. Il ajoute qu'il était le serviteur du grand-prêtre, pour
faire ressortir l'excessive bonté du Sauveur, qui guérit cet homme, et un
homme qui venait se saisir de lui, et qui devait bientôt lui donner un soufflet.
— S. Augustin : Malchus veut dire
qui doit régner; que signifie donc l'oreille coupée pour la défense du
Seigneur, et que le Seigneur guérit lui-même ? Elle est la figure du sens de
l'ouïe qui est renouvelé après que tout ce qui appartenait au vieil homme a
été retranché, afin qu'il serve Dieu dans la nouveauté de l'esprit et non
dans la vieillesse de la lettre. (Rm 7, 6). Or, qui peut douter que celui qui
a reçu cette grâce de Jésus-Christ, doive un jour régner avec Jésus-Christ ?
C'est un serviteur qui est l'objet de ce miracle, et il est la figure de
l'ancienne loi qui n'engendrait que des esclaves, mais lorsqu'il a été guéri,
il devient la ligure de la liberté spirituelle. (Ga 4, 24-26). — Théophylactus : L'oreille droite
coupée au serviteur du prince des prêtres, est le symbole de la surdité des
Juifs, surdité qui régnait surtout dans les princes des prêtres, et la
guérison de cette oreille, signifie que l'intelligence sera rendue aux Juifs
dans les derniers temps, lors de l'avènement d'Elie. S. Augustin : Le Sauveur désapprouva l'action de son
disciple, et lui détendit d'aller plus loin : « Jésus dit à Pierre : Remets
ton épée dans le fourreau. » Il voulait ainsi lui enseigner la patience, et
en même temps que ce fait fût écrit pour notre instruction. — S. Jean Chrysostome : Ce n'est point
seulement en le menaçant que Jésus réprime le zèle de Pierre (comme saint
Matthieu le rapporte); mais il lui donne un autre motif plus propre à le
consoler : « Ne boirai-je donc point le calice que mon Père m'a donné ? »
Nouvelle preuve que ce qui arrivait ne devait pas être attribué à la
puissance de ses ennemis, mais à sa permission, et que loin d'être opposé à
son Père, il lui obéissait jusqu'à la mort. — Théophylactus : Il se sert de la comparaison du calice pour
montrer combien la mort qu'il allait souffrir pour le salut des hommes, lui
souriait comme l'objet de ses plus vifs désirs. — S. Augustin : Il déclare que son Père lui a donné à boire le
calice de sa passion dans le sens de ces paroles de l'Apôtre : « Il n'a pas
épargné son propre Fils, » (Rm 8) mais il l'a livré pour nous tous, cependant
celui qui doit boire ce calice en est lui-même l'auteur, suivant ces paroles
du même Apôtre : « Jésus-Christ nous a aimés, et s'est livré lui-même peur
nous. » (Ep 5) Versets 12-14.
Théophylactus : Après avoir épuisé tous les moyens propres à
détourner les Juifs de tout criminel dessein, sans avoir pu y parvenir, Notre
Seigneur leur permit de s'emparer de lui et de l'emmener : « Alors la
cohorte, le tribun et les satellites des Juifs se saisirent de Jésus, » etc.
— S. Augustin : Ils se saisirent
de celui dont ils ne s'étaient point approchés, et ils ne comprirent pas
cette invitation du prophète : « Approchez-vous de lui, et vous serez
éclaires. » (Ps 33) S'ils s'étaient approchés de lui dans ces dispositions,
ils se seraient emparé de lui, non pour le mettre à mort, mais pour le
recevoir dans leurs cœurs. En s'emparant de la sorte de sa personne sacrée,
ils s'éloignent, beaucoup plus encore de lui, et ils enchaînèrent celui à qui
ils auraient bien plutôt demandé de briser leurs propres chaînes; et
peut-être s'en trouvait-il parmi eux qui lui dirent plus tard, comme à leur
libérateur : « Vous avez rompu mes liens. » (Ps 115, 6) Après que les ennemis
du Sauveur se furent rendus maîtres de sa personne par la trahison de Judas,
l'Evangéliste, pour montrer que ce traître n'avait pas agi dans un but
louable et utile, mais dans une intention criminelle et condamnable, ajoute :
« Et ils l'emmenèrent d'abord chez Anne, » etc. — S. Jean Chrysostome : Ils triomphent de joie du haut fait qu'ils
viennent d'accomplir, et promènent Jésus comme un trophée de leur victoire. —
S. Augustin : (Traité 113 sur S.
Jean). L'Evangéliste donne la raison de cette manière d'agir : « Parce qu'il
était beau-père de Caïphe, qui était grand-prêtre cette année-là. » Saint
Matthieu, qui voulait abréger son récit, se contente de dire qu'ils amenèrent
Jésus chez Caïphe, car il ne fut conduit chez Anne d'abord, que parce qu'il
était le beau-père de Caïphe, et nous pouvons conclure de là que c'est Caïphe
qui voulut qu'il en fût ainsi. — S.
Bède : Il voulait, ce semble, faire condamner Jésus par un de ses
collègues, pontife comme lui, afin de diminuer le crime dont il allait se
rendre coupable. Peut-être aussi la maison d'Anne était située de manière à
ce qu'on ne pût passer devant sans entrer, ou bien encore, cela se fit par
suite d'un conseil tout divin qui voulait associer dans un même crime ceux
qui l'étaient déjà par les liens du sang. Ce que dit ici l'Evangéliste, que
Caïphe était grand-prêtre cette année-là, paraît contraire à la loi d'après
laquelle il ne devait y avoir qu'un seul grand-prêtre, qui, après sa mort,
avait son fils pour successeur, mais il faut se rappeler que le souverain
pontificat était alors déshonoré par l'ambition des prétendants. — Alcuin : En effet, Josèphe rapporte
que Caïphe avait racheté celte année de pontificat. Il n'y a donc rien
d'étonnant qu'un grand-prêtre inique ait été l'auteur d'un jugement inique,
car souvent celui qui parvient au sacerdoce par avarice, le conserve par des
moyens injustes. S. Jean Chrysostome : Mais de peur que l'idée de chaînes et de
liens ne jetât le trouble dans notre esprit, l’Evangéliste rappelle une
prophétie d'après laquelle la mort de Jésus devint le salut du monde : « Or,
Caïphe était celui qui avait donné ce conseil aux Juifs : Il est avantageux
qu'un seul homme meure pour tout le peuple. » La force de la vérité est si
grande, que ses ennemis eux-mêmes sont obligés de lui rendre hommage. Versets 15-18.
S. Augustin : (de l'acc. des Evang., 3. 6) Tous les
évangélistes ne racontent pas dans le même ordre le renoncement de Pierre,
qui vint s'ajouter aux outrages auxquels le Sauveur fut en butte pendant
cette nuit. Saint Matthieu et saint Marc, ne le placent qu'après le récit de
ces outrages, saint Luc raconte, tout d'abord le triple renoncement de cet
Apôtre. Saint Jean commence le récit de la chute de Pierre, à ces paroles : «
Cependant Simon Pierre suivait Jésus, ainsi qu'un autre disciple avec lui. » —
Alcuin : Il suivait son Maître par
amour, quoique la crainte ne le lui faisait suivre que de loin. — S. Augustin : Il serait peut-être
téméraire d'affirmer quel est ce disciple, puisque l'Evangéliste ne nous dit
point son nom, cependant, c'est sous cette dénomination générale que saint
Jean a coutume de se désigner, en ajoutant : « Celui qu'aimait Jésus. »
Peut-être donc est-ce lui-même dont il est ici question. — S. Jean Chrysostome : Il cache ici
son nom par un sentiment d'humilité. L'action qu'il raconte est des plus
glorieuses, puisqu'il est le seul qui suive Jésus, et que tous les autres ont
pris la fuite. Cependant il donne à Pierre la première place dans son récit,
et il semble céder à la nécessité en parlant de lui-même. Il vous apprend en
même temps toute la valeur de son récit sur les faits qui se sont passés dans
la cour du grand-prêtre, et dont il a été le témoin oculaire. Mais il se
dérobe aux éloges qu'il méritait en ajoutant : « Or, ce disciple était connu
du grand-prêtre. » Il ne cherche donc point à se prévaloir comme d'un acte
héroïque d'avoir suivi Jésus seul jusque chez le grand-prêtre, et il en donne
la raison pour ne pas laisser supposer qu'il a fait preuve en cela de courage
et d'élévation de caractère. Quant à Pierre, l'amour le conduisit jusque-là,
mais la crainte le retint à la porte : « Mais Pierre se tenait dehors à la
porte. » — Alcuin : Celui qui
devait renier le Seigneur, se tenait dehors, et il n'était pas en
Jésus-Christ, parce qu'il n'osait pas reconnaître et confesser hautement
Jésus-Christ. S. Jean Chrysostome : L'Evangéliste nous fait voir que Pierre
lui-même serait entré dans l'intérieur de la maison si on le lui eût permis :
« L'autre disciple, qui était connu du grand-prêtre, sortit donc et parla à
la portière, et elle fit entrer Pierre. » Il ne le fit pas entrer lui-même,
parce qu'il suivait Jésus-Christ et se tenait près de lui. « Cette servante
qui gardait la porte dit à Pierre : « Etes-vous aussi des disciples de cet
homme ? Il lui répondit : Je n'en suis point. » Que dites-vous là, ô Pierre ?
n'est-ce pas vous qui avez dit, il y a peu d'instants : « Et s'il le faut, je
donnerai ma vie pour vous ? » Qu'est-il donc arrivé, que vous ne puissiez
même pas supporter la question d'une simple servante ? Ce n'est point un soldat
qui vous interroge, c'est une pauvre portière. Et encore ne lui dit-elle pas
: Etes-vous le disciple de ce séducteur ? mais : « Etes-vous le disciple de
cet homme ? » question qui paraissait dictée par un sentiment de compassion.
Elle lui dit : « Etes-vous aussi ? » parce que Jean était dans l'intérieur de
la cour. S. Augustin : Mais qu'y a-t-il d'étonnant que Dieu ait
prédit la vérité, et que l'homme se soit trompé en présumant trop de lui-même
? Or, nous devons remarquer, dans cette première négation de Pierre, qu'on
renonce Jésus-Christ non-seulement quand on nie qu'il soit le Christ, mais
quand on nie que l'on est chrétien. En effet, Notre Seigneur n'avait pas dit
à Pierre : Vous nierez que vous êtes mon disciple, mais : « Vous me renierez
moi-même; » Pierre a donc renié Jésus-Christ, en niant qu'il fût son
disciple. Et que fit-il autre chose on cela que de nier qu'il fût chrétien ?
Combien d'enfants et déjeunes filles on a vu, par la suite, mépriser la mort
pour confesser hautement le nom de Jésus-Christ, et entrer dans le royaume
des cieux en lui faisant violence, ce que ne put faire, alors celui qui avait
reçu les clefs du royaume des cieux ! Voilà pourquoi Notre Seigneur avait dit
: « Laissez ceux-ci s'en aller, car je n'ai perdu aucun de ceux que vous
m'avez donnés. » Et si Pierre s'en était allé après avoir renié Jésus-Christ,
sa perte était infaillible. S. Jean Chrysostome : (Serm. sur Pierre et Elie). C'est donc par
un secret dessein que la Providence permit que Pierre tombât le premier, pour
que la vue de sa propre chute lui inspirât plus de douceur pour les pécheurs.
En effet, Dieu permit que Pierre, qui était le maître et le docteur de
l'univers, succombât et obtînt son pardon, pour donner aux juges des
consciences la loi et la règle de miséricorde qu'ils devraient suivre à
l'égard des pécheurs. C'est pour cela, je pense, que Dieu n'a point confié
aux anges la dignité du sacerdoce, parce qu'étant impeccables ils auraient
poursuivi sans miséricorde le péché dans ceux qui le commettent. C'est un homme,
sujet à toutes les passions, que Dieu établit au-dessus des autres hommes,
afin que le souvenir de ses propres faiblesses lui inspire plus de douceur et
de bonté pour ses frères. Théophylactus : Il en est qui cherchent, mais vainement, à
justifier Pierre, en disant qu'il a renoncé à Jésus-Christ parce qu'il
voulait toujours être avec lui, et marcher constamment à sa suite. Il savait,
disent-ils, que s'il se donnait pour un des disciples de Jésus, il en serait
aussitôt séparé, et qu'il ne lui serait plus permis ni de le suivre ni de le
voir; il feint donc d'être du nombre des archers du grand-prêtre, de peur que
la tristesse de son visage ne le fit reconnaître et chasser dehors : « Or,
les serviteurs et les satellites étaient rangés autour d'un brasier, parce
qu'il faisait froid, et se chauffaient; et Pierre aussi filait debout parmi
eux, et se chauffait. » — S. Augustin
: On n'était point en hiver, et cependant il faisait froid, comme il
arrive d'ordinaire à l'équinoxe du printemps. — S. Grégoire : (Moral., 2, 2). Déjà Pierre avait laissé refroidir
dans son âme le feu de la charité, et il réchauffait la fièvre de sa
faiblesse à l'amour de la vie présente, comme au feu des persécuteurs. Versets 19-21.
S. Jean Chrysostome : (hom. 83 sur S. Jean). Comme les ennemis de
Jésus ne pouvaient produire aucun chef d'accusation contre lui, ils
l'interrogent sur ses disciples : « Le grand-prêtre interrogea donc Jésus
touchant ses disciples. » Il lui demanda sans doute où ils étaient, dans quel
but il les avait réunis; et son dessein, en cela, était de l'accuser comme
séditieux ou comme autour de nouveautés, et n'ayant personne pour s'attacher
à lui, à l'exception de ses seuls disciples. — Théophylactus : Il l'interroge encore « sur sa doctrine, »
c'est-à-dire en quoi elle consistait, si elle était différente de la loi et
opposée à la doctrine de Moïse, afin de trouver l'occasion de le perdre,
comme l'antagoniste de Dieu — Alcuin :
Ce n'est point, en effet, par le désir de connaître la vérité qu'il
interroge le Sauveur, mais afin d'avoir un motif de l'accuser et de le livrer
au gouverneur romain pour le faire condamner; mais le Seigneur pesa tellement
les termes de sa réponse, que, sans taire la vérité, il ne parut pas vouloir
se défendre : « Jésus lui répondit, : J'ai parlé publiquement au monde, j'ai
toujours enseigné dans la synagogue et dans le temple, où tous les Juifs
s'assemblent, » etc. S. Augustin : (Traité 113 sur S. Jean. ) Ici se présente
une question qu'il ne faut point passer sous silence. Notre Seigneur ne parlait
pas ouvertement à ses disciples, mais leur promettait que viendrait un jour
où il leur parlerait sans aucun voile; comment donc peut-il dire qu'il a
parlé publiquement au monde ? D'ailleurs il parlait beaucoup plus clairement
à ses disciples quand il s'éloignait avec eux de la foule, car c'est alors
qu'il leur expliquait les paraboles qu'il proposait au peuple, sans lui en
découvrir le sens. « J'ai parlé publiquement au monde, » ne signifie donc
autre chose que : Beaucoup m'ont entendu. On peut dire encore qu'il ne leur
parlait pas ouvertement, parce qu'ils ne le comprenaient pas. D'un autre
côté, s'il enseignait ses disciples en particulier, ce n'était cependant pas
en secret, car on ne parle pas en secret, lorsqu'on enseigne devant tant de
témoins, surtout si l'intention de celui qui parle devant peu de personnes,
soit qu’elles fassent connaître, à un plus grand nombre ce qu'il leur a
enseigné. — Théophylactus : Notre
Seigneur se rappelle ici ces paroles du Prophète : « Je n'ai point parlé en
secret, ni dans quelque coin obscur de la terre. » (Is 45, 19) S. Jean Chrysostome : Ou bien : Il a parlé dans le secret, il est
vrai, mais non pas comme ils le pensaient, par crainte, et comme un homme qui
cherche à exciter des troubles, mais parce que les vérités qu'il enseignait
dépassaient l'intelligence d'un grand nombre. Or, pour rendre son témoignage
encore plus digne de foi, il ajoute : « Pourquoi m'interrogez-vous ?
Interrogez ceux qui ont entendu ce que je leur ai dit, ils savent ce que je
leur ai enseigné. » C'est-à-dire, pourquoi me questionner sur mes disciples ?
Interrogez mes ennemis, qui m'ont constamment tendu des embûches. Voilà le
langage d'un homme plein de confiance dans la vérité de son enseignement, car
une démonstration péremptoire (ou une preuve invincible) de la vérité, c'est
d'invoquer en sa faveur le témoignage de ses ennemis. — S. Augustin : Les choses qu'ils avaient entendues sans les
comprendre, ne pouvaient offrir aucun juste sujet d'accusation; et, toutes
les fois qu'ils étaient venus le questionner pour le tenter et trouver
matière à l'accuser, il leur avait répondu de manière à déjouer toutes leurs
ruses, et à frapper d'impuissance toutes leurs calomnies. Versets 22-24.
Théophylactus : Après que Jésus eut ainsi invoqué le
témoignage des assistants, un serviteur du grand-prêtre voulant se mettre à
couvert du soupçon qu'il était un des admirateurs de Jésus, le frappa au
visage : « Après qu'il eut dit cela, un des satellites, là présent, donna un
soufflet à Jésus, disant : Est-ce ainsi que tu réponds au grand-prêtre ? » — S. Augustin : (de l'accord des
Evang., 1, 6). Nous avons ici une preuve qu'Anne était grand-prêtre, car
Jésus n'avait pas encore été envoyé à Caïphe, lorsque cet homme lui fit cette
observation, et saint Luc lui-même rapporte au commencement de son Evangile,
qu'Anne et Caïphe étaient tous deux grands-prêtres. — Alcuin : Ici s'accomplit cette prophétie : «J'ai abandonné mes
joues il ceux qui me frappaient. » (Is 1, 6) Or, Jésus frappé injustement,
répond avec douceur : « Si j'ai mal parlé, montrez ce que j'ai dit de mal;
mais si j'ai bien parlé, pourquoi me frappez-vous ? » Théophylactus : C'est-à-dire, si vous trouvez quelque chose
à reprendre dans ce que je viens de dire, prouvez que j'ai mal parlé; si vous
ne le pouvez pas, pourquoi cet acte de cruauté ? Ou bien encore, si
l'enseignement que j'ai donné dans les synagogues est blâmable, faites-le
connaître au prince des prêtres; si au contraire cet enseignement est
irrépréhensible à ce point que vous en étiez dans l'admiration, pourquoi me
frappez-vous maintenant, puisque vous ne pouviez vous empêcher d'admirer
auparavant ? S. Augustin : (Traité 113 sur S. Jeun). Quoi de plus vrai,
de plus doux, de plus juste que cette réponse ? Si nous considérons
attentivement celui qui a reçu ce soufflet, qui de nous ne voudrait voir
celui qui l'a frappé, ou consumé par le feu du ciel, ou englouti par la terre
entr'ouverte, ou la proie d'un démon furieux, ou victime d'un châtiment
semblable et plus effrayant encore ? Quoi de plus facile à celui qui a créé
le monde que de mettre sa puissance au service de sa justice, s'il n'avait
mieux aimé nous enseigner la patience par laquelle nous triomphons du monde.
On nous demandera peut-être : Pourquoi le Sauveur n'a-t-il pas fait ce qu'il
a commandé lui-même aux autres ? Ne devait-il pas souffrir cet affront en
silence et tendre l'autre joue, à celui qui le frappait ? Nous dirons que Notre
Seigneur est allé plus loin, en répondant avec douceur et en ne tendant pas
seulement l'autre joue à relui qui le frappait, mais en abandonnant son corps
tout entier pour être cloué sur la croix. Il nous apprend ainsi que nous
devons accomplir les préceptes de patience qu’il nous a donnés, moins par des
actes extérieurs où l'ostentation peut avoir part, que par les sentiments du
cœur. Il peut arriver, en effet, qu'un homme présente l'autre joue avec la
colère dans le cœur. Notre Seigneur a donc beaucoup mieux agi en répondant la
vérité sans la moindre aigreur, et on se montrant paisiblement disposé à
supporter patiemment des outrages plus sanglants encore. S. Jean Chrysostome : (hom. 83 sur S. Jean). Quelle était la
conduite naturelle à tenir ? C'était, ou de prouver que Jésus avait tort, ou
de se rendre à son observation. Mais ce n'est pas ce qu’ils font, car tout ce
qui se passait n'avait aucune apparence de l'égalité, mais tout était l’œuvre
du désordre et de la violence. Ne sachant plus que faire, ils envoient Jésus
chargé de chaînes à Caïphe : « Et Anne l'envoya lié à Caïphe le grand-prêtre.
» — Théophylactus : Ils
s'imaginèrent qu'étant plus rusé que son beau-père, il pourrait trouver
contre Jésus un chef d'accusation qui mériterait la mort. — S. Augustin : D'après saint Matthieu,
c'était chez Caïphe qu'on le conduisit dès le commencement, parce qu'il était
grand-prêtre de cette année. En effet, Anne et Caïphe remplissaient
alternativement chaque année la charge de grand-prêtre, et il est probable
que c'est sur la volonté de Caïphe, que Jésus fut d'abord conduit chez Anne,
ou que leurs maisons étaient situées de manière qu'on ne pouvait passer
devant la maison d'Anne sans y entrer. — S.
Bède : De ce que l'Evangéliste dit qu'il l'envoya lié, il ne faut pas
conclure qu'il le fût seulement alors pour la première fois. Jésus fut
enchaîné lorsqu'on se saisit de lui. Anne l'envoya donc, chargé de chaînes à
Caïphe, comme on le lui avait amené. Il put se faire aussi qu'on le
débarrassât un instant de ses liens pendant qu'on l'interrogeait, et qu'après
cet interrogatoire, on l'enchaîna de nouveau pour l'envoyer ainsi à Caïphe. Versets 25-27.
S. Augustin : (Tr. 113 sur S. Jean). Après avoir rapporté
comment Anne envoya Jésus enchaîné à Caïphe, l'Evangéliste revient à
l'endroit du son récit où il avait laissé Pierre pour raconter le triple
reniement de ce disciple dans la maison d'Anne : « Cependant Simon Pierre
était là, debout, et se chauffant. » Il rappelle donc ici ce qu'il avait dit
plus haut. — S. Jean Chrysostome : (hom.
83 sur S. Jean). Dans quel engourdissement était plongé cet Apôtre si plein
d'ardeur, lorsqu'on voulait s'emparer de Jésus ! Le voilà devenu comme
insensible, et Dieu le permet, pour vous apprendre combien est grande la
faiblesse de l'homme lorsqu'il l'abandonne à lui-même. On le questionne de
nouveau, et il nie pour la seconde fois : « Ils lui dirent donc : Et vous,
n'êtes-vous pas aussi de ses disciples ? » S. Augustin : (de l'accord des Evang., 3, 6). Nous voyons
ici que ce n'est point devant la porte, mais lorsqu'il se chauffait devant le
brasier, que Pierre renia Jésus pour la seconde fois, ce qui n'aurait pu
avoir lieu, s'il ne fût rentré après être sorti dehors, comme le raconte
saint Matthieu. Ce n'est pas, en effet, lorsqu'il fût sorti dehors, que cette
autre servante le vit, mais au moment même où il sortait, et c'est alors
qu'elle le remarqua et qu'elle dit à ceux qui étaient là, c'est-à-dire, à
ceux qui se chauffaient avec, lui dans l'intérieur de la cour : « Celui-ci
était aussi avec Jésus de Nazareth.» Pierre qui était déjà sorti, ayant
entendu ces paroles, rentra, et à toutes les affirmations de ceux qui étaient
présents, répondit avec serment : « Je ne connais point cet homme. »
L'évangéliste saint Jean raconte ainsi le second reniement de saint Pierre :
« Ils lui dirent donc : Et vous, n'êtes-vous pas aussi de ses disciples ? »
C'est-à-dire, lorsqu'il rentrait, ce qui nous confirme dans la pensée que ce
ne fut pas seulement celte autre servante dont parlent saint Matthieu et
saint Marc, mais une autre encore dont parle saint Luc, qui firent à Pierre
la question qui détermina le second reniement de cet Apôtre; c'est pour cela
que saint Jean emploie ici le pluriel : « Ils lui dirent donc. » Le même
Evangéliste poursuivant son récit, raconte ainsi le troisième renoncement : «
Un des serviteurs du grand-prêtre lui dit, » etc. Saint Matthieu et saint
Marc se servent du pluriel pour désigner ceux qui firent à Pierre cette
nouvelle question; saint Luc ne parle que d'un seul, ainsi que saint Jean,
qui ajoute cette circonstance, qu'il était parent de celui à qui Pierre coupa
l'oreille. Cette divergence s'explique facilement si l'on considère que saint
Matthieu et saint Marc oui l'habitude de mettre le pluriel pour le singulier,
ou qu'un de ceux qui étaient présents, affirmait avec plus de force, comme
ayant vu Pierre dans le jardin, tandis que les autres ne pressaient Pierre
que sur l'attestation de celui qui l'avait vu. S. Jean Chrysostome : Mais le jardin ne lui rappelle le souvenir,
ni des promesses qu'il y a faites, ni de cet amour si ardent dont il avait
protesté à plusieurs reprises : « Pierre le nia de nouveau et aussitôt le coq
chanta. » — S. Augustin : (Traité
113). Voici la prédiction du médecin qui est accomplie, et le malade
convaincu de présomption, car ce que nous voyons se réaliser, ce n'est pas la
promesse de Pierre : « Je donnerai ma vie pour vous, » mais la prédiction de
Jésus : « Vous me renierez trois fois. » — S. Jean Chrysostome : Les évangélistes s'accordent tous pour
raconter le triple reniement de saint Pierre, non pour accuser ce disciple,
mais pour nous apprendre quel mal c'est de ne pas tout remettre entre les
mains de Dieu, et de placer sa confiance en soi-même. S. Bède : Dans le sens allégorique, le premier reniement de
Pierre figure ceux qui, avant la passion du Sauveur, ont nié qu'il fût Dieu;
le second représente ceux qui, après sa résurrection, ont nié à la fois sa
divinité et son humanité. De même le premier chant du coq figure la
résurrection du chef; le second, la résurrection de tout le corps qui aura
lieu à la fin du monde. La première servante, qui fut l'occasion du premier
renoncement de Pierre, représente la cupidité; la seconde, le plaisir des
sens; le serviteur, ou les serviteurs du grand-prêtre, les démons qui nous
portent à renoncer Jésus-Christ. Versets 28-32.
S. Augustin : (Traité 114 sur S. Jean). L'Evangéliste revient
à l'endroit de son récit qu'il avait interrompu pour raconter le reniement de
Pierre : « Ils amenèrent donc Jésus de chez Caïphe dans le prétoire. » Déjà
nous avions vu Jésus envoyé chez Caïphe par Anne, son collègue et son
beau-père. Mais puisqu'il est envoyé chez Caïphe, pourquoi l'amener dans le
prétoire ? Saint Jean vent simplement dire qu'on l'amena dans la maison
qu'habitait le gouverneur romain Pilate. — S. Bède : Le prétoire est ainsi appelé, parce qu'il est la
demeure et le siège du préteur; or, les préteurs sont des préfets ou des
commandants à qui on donne ce nom, parce qu'ils sont chargés d'intimer aux
citoyens les ordres du souverain. — S.
Augustin : Ou bien donc Caïphe, pour une cause urgente, quitta la maison
d'Anne, ou tous deux s'étaient réunis pour entendre les dépositions contre
Jésus, et se dirigea vers le prétoire, en laissant à son beau-père
l'interrogatoire de Jésus, ou bien Pilate avait établi le prétoire dans la
maison même de Caïphe, parce que cette maison était assez grande pour loger à
la fois et séparément Caïphe et le gouverneur romain. — S. Augustin : (de l'accord des Evang). C'est à Caïphe, que Jésus
était amené tout d'abord, et il n'y arriva cependant qu'en dernier lieu; on
l'amenait comme un coupable déjà convaincu, Caïphe, d'ailleurs avait déjà
résolu sa mort, il le livre donc sans aucun délai à Pilate pour qu'il le fit
exécuter. « Or, c'était le matin. » — S.
Jean Chrysostome : (hom. 82 sur S. Jean). Jésus fut conduit chez Caïphe
avant le chant du coq, et le matin chez Pilate. L'Evangéliste nous donne ici
une preuve que l'interrogatoire que Caïphe fît subir à Jésus pendant toute la
nuit, ne put fournir contre lui aucun sujet d'accusation, et c'est pour cela
qu'il le renvoie à Pilate. Mais saint Jean laisse aux autres évangélistes le
soin de nous raconter ces détails, et en vient immédiatement à ce qui suivit
les événements de la nuit : « Et eux n'entrèrent point dans le prétoire. » — S. Augustin : C'est-à-dire, dans la
partie de la maison occupée par Pilate, en supposant que ce fût la maison de
Caïphe. Or, pour quel motif ne voulurent-ils point y entrer ? Afin de ne
point se souiller et de pouvoir manger la Pâque. — S. Jean Chrysostome : C'était le jour, en effet, où les Juifs
célébraient la Pâque, que Jésus avait célébré un jour auparavant, parce qu'il
voulait que sa mort eût lieu le sixième jour où se célébrait l'ancienne
Pâque. Ou bien le mot Pâque s'étend ici à toute la fête. — S. Augustin : Les jours des azymes
étaient commencés, et pendant ces jours ou ne pouvait entrer dans la maison
d'un païen, sans contracter l'impureté légale. — Alcuin : La Pâque, proprement dite, était le jour où on immolait
l'agneau pascal, le soir du quatorzième jour de la lune; les sept jours
suivants s'appelaient les jours des azymes pendant lesquels les Juifs ne
devaient avoir chez eux aucun pain fermenté. Cependant nous voyons le jour de
Pâque compté parmi les jours des azymes dans l'évangile de saint Matthieu, où
nous lisons : « Le premier jour des azymes, les disciples s'approchèrent de
Jésus, et lui dirent : Où voulez-vous que nous préparions ce qui est
nécessaire pour manger la Pâque ? » (Mt 26, 17) Le nom de Pâque est aussi
donné aux jours des azymes, comme nous le voyons ici : « Afin de pouvoir
manger la Pâque. » Or, la Pâque ici ne signifie point l'immolation de
l'agneau, qui avait lieu le soir du quatorzième jour de la lune, mais la
grande solennité qui se célébrait après l'immolation de l'agneau; Notre
Seigneur avait donc célébré la Pâque comme les autres Juifs, le quatorzième
jour de la lune, et fut crucifié le quinzième jour, qui était le jour de la
grande solennité, et son immolation commença le quatorzième jour de la lune,
du moment où on se saisit de lui dans le jardin des Olives. S. Augustin : O aveuglement impie ! Ils craignaient de se
souiller en entrant dans le prétoire d'un juge païen et ils ne craignent pas
de répandre le sang de leur frère innocent, car ils ne savaient pas que celui
qu'ils voulaient faire mourir était le Soigneur et l'auteur de la vie, et il
faut attribuer ce crime plutôt à leur ignorance qu'à une volonté réfléchie. Théophylactus : Pilate quelqu'ait été le mode de procédure
qu'il suivait à l'égard de Jésus, en sort avec des sentiments beaucoup plus
modérés : « Pilate vint à eux dehors et leur demanda : Quelle accusation
portez-vous contre cet homme ? » — S.
Bède : C'était la coutume chez les Juifs quand ils avaient condamné un
coupable à mort, de le remettre chargé de chaînes au gouverneur, afin que le
gouverneur le voyant en cet état, comprît qu'il était condamné à la peine de
mort. — S. Jean Chrysostome : Cependant
bien que Pilate vit Jésus enchaîné et amené devant lui par une foule aussi
nombreuse, il ne crut pas que ce fût là une preuve péremptoire ou irrécusable
de culpabilité, il les interroge donc : « Quelle accusation leur
demande-t-il, portez-vous contre cet homme ? » Il leur fait sentir
l'inconvenance qu'ils commettent en s'emparant du pouvoir de juger, et en ne
lui laissant que celui d'infliger le châtiment; mais les Juifs refusent
d'aborder de front l'accusation, et n'allèguent que de vagues présomptions :
« Ils lui répondirent : Si ce n'était pas un malfaiteur, nous ne vous
l'aurions pas livré. » — S. Augustin :
Qu'on interroge et qu'ils répondent, ceux qu'il a délivrés des esprits
impurs, les malades qu'il a guéris, les lépreux qu'il a purifiés, les sourds
à qui il a rendu l'ouïe, les aveugles dont il a ouvert les yeux, les muets
dont il a délié la langue, les morts qu'il a ressuscites, et ce qui surpasse
tous ces miracles, les insensés à qui il a donné la sagesse, et qu'ils disent
si Jésus est un malfaiteur. Mais ceux qui portaient cette accusation étaient
ces ingrats dont le Prophète avait fait cette prédiction : « Ils me rendaient
le mal pour le bien. » (Ps 34, 12) — S.
Augustin : (De l'accord des Evang., 3, 8) Il nous faut examiner si saint
Luc n'est pas en contradiction avec saint Jean lorsqu'il raconte que les
Juifs formulèrent contre le Sauveur des chefs certains d'accusation : « Et
ils commencèrent à l'accuser, ou disant : Nous avons trouvé celui-ci
pervertissant notre nation, défendant de payer le tribut à César, et disant
qu'il est le Christ roi. » (Lc 22, 2). D'après saint Jean, au contraire, les
Juifs paraissent ne vouloir formuler aucune accusation aussi particulière,
afin que Pilate s'en rapportant exclusivement à leur parole, cessât de leur
demander ce dont ils l'accusaient, et qu'il le regardât comme coupable par
cela seul qu'ils avaient cru devoir le livrer entre ses mains. Or nous devons
admettre et le récit de saint Jean et celui de saint Luc; car il y eut dans
cette circonstance bien des questions et des réponses échangées, chaque
évangéliste a fait entrer dans sa narration ce qu'il a jugé plus utile, et
saint Jean lui-même a rapporté certaines accusations dirigées contre Jésus,
comme nous le verrons en son lieu : « Pilate leur dit donc : Prenez-le
vous-même, et jugez-le selon votre loi. » — Théophylactus : C'est-à-dire, puisque vous voulez qu'il soit jugé
selon vos désirs, et qu'à vous entendre, il semble que vous n'ayez jamais
rien fait de répréhensible, prenez-le et condamnez-le, quant à moi, je ne
consentirai jamais à juger de la sorte. — Alcuin : Ou bien encore il veut leur dire : Vous avez une loi, et
vous savez ce qu'elle prononce en pareille circonstance, faites donc selon
que vous le croyez juste. « Les Juifs lui répondirent : Il ne nous est pas permis de mettre à
mort personne. » — S. Augustin : Mais
est-ce que la loi ne défend pas d'épargner les malfaiteurs, et surtout les
séducteurs qui cherchent à détourner du culte du vrai Dieu comme était Jésus
dans leur pensée ? Si donc ils répondent qu'il ne leur est pas permis de
mettre personne à mort, c'est, entendons-le bien, à cause de la solennité du
jour qu'ils avaient commencé à célébrer. L’excès de votre malice vous a-t-il
fait perdre entièrement toute raison que vous vous croyiez purs du sang
innocent parce que vous voulez le faire répandre par un autre ? — S. Jean Chrysostome : Ou bien ils
répondent qu'ils ne peuvent le mettre à mort, parce que leur pouvoir était
singulièrement diminué depuis qu'ils étaient soumis à la domination romaine.
Ou bien encore, Pilate leur ayant dit : « Jugez-le suivant votre loi, ils
veulent lui prouver que le crime que Jésus a commis n'est pas contre la loi
juive, et ils répondent : « Il ne nous est pas permis, » c'est-à-dire, il n'a
point péché contre notre loi, mais son crime est un crime contre la sûreté
publique, puisqu'il s'est dit roi. On peut dire encore qu'ils désiraient
faire mourir Jésus du supplice de la croix pour le couvrir d'ignominie par ce
genre de mort; or il ne leur était pas permis de crucifier, mais l'exemple
d'Etienne qui fut lapidé par eux montre qu'ils pouvaient mettre à mort d'une
autre manière. Aussi l'Evangéliste ajoute : « Afin que fût accomplie la
parole que Jésus-Christ avait dite, touchant la mort dont il devait mourir, »
parce qu'il était défendu aux Juifs de crucifier, ou bien l'Evangéliste
s'exprime ainsi parce que Jésus devait être mis à mort, non-seulement par les
Juifs mais par les Gentils. — S.
Augustin : Nous lisons en effet dans saint Marc que Jésus dit à ses
disciples : « Voilà que nous montons à Jérusalem, et le Fils de l'homme sera
livré aux princes des prêtres, aux scribes et aux anciens, ils le
condamneront à mort et le livreront aux Gentils. » (Mc 10, 23). Or Pilate
était romain, et les empereurs romains l'avaient établi gouverneur de la
Judée. Ce fut donc pour accomplir cette prédiction de Jésus, qu'il serait
livré aux Gentils et qu'ils le mettraient à mort, qu'ils ne voulurent point
le recevoir des mains de Pilate, et qu'ils lui dirent : « Il ne nous est pas
permis de mettre personne à mort. » Versets 33-38.
S. Jean Chrysostome : (hom. 83 sur S. Jean). Pilate qui voulait
arracher Jésus à la haine des Juifs, ne traîna pas le jugement en longueur :
« Etant donc rentré dans le prétoire, il appela Jésus. » Il se le fait amener
en particulier, parce qu'il entrevoyait dans le Sauveur quelque chose de
grand, et il se proposait de tout examiner avec un soin scrupuleux après
s'être mis en dehors de l'agitation tumultueuse des Juifs. « Il lui dit donc
: Etes-vous roi des Juifs ? » Pilate fait voir ici que les Juifs avaient
accusé Jésus de s'être dit roi des Juifs. — S. Jean Chrysostome : Ou bien Pilate l'avait appris par le bruit
public, et comme les Juifs n'avaient formulé contre lui aucune autre
accusation, pour ne point prolonger inutilement cet interrogatoire, il lui
fait connaître ce qu'ils lui reprochaient le plus habituellement. « Jésus lui répondit : Dites-vous cela, de vous-même, ou d'autres
vous l'ont-ils dit de moi ? » Le Sauveur semble reprocher indirectement à
Pilate de juger ici à la légère et sans discernement comme s'il lui disait :
Si vous dites cela de vous-même, donnez les preuves de ma rébellion, et si
d'autres vous l'ont dit de moi, faites une enquête dans les formes. — S. Augustin : (Traité. 115 sur S.
Jean). Jésus savait très-bien et ce qu'il demandait à Pilate et la réponse
que celui-ci allait lui faire, cependant il veut qu'il lui fasse cette
question, non pour se renseigner lui-même, mais pour que cette question fût
conservée par écrit et parvînt ainsi à notre connaissance. — S. Jean Chrysostome : Ce n'est donc
point par ignorance qu'il interroge, mais pour faire condamner les Juifs par
la bouche même de Pilate : « Pilate reprit : Est-ce que je suis juif ? » — S. Augustin : Il se justifie du
soupçon qu'il eut parlé ainsi de lui-même, et prouve que ce sont les Juifs
qui ont accusé près de lui Jésus de cette prétention : « Votre nation et vos
prêtres vous ont livré à moi. En ajoutant : Qu'avez-vous fait ? » il fait
assez voir que c'était là le crime dont on l'accusait, et il semble lui dire
: Si vous niez que vous ayez aspiré à la royauté, qu'avez-vous fait pour
m'être livré ? Comme s'il n'était pas étonnant qu'on eût amené devant son
tribunal pour être condamné un homme qui se disait roi. S. Jean Chrysostome : Le Sauveur cherche à relever les idées de
Pilate qui n'était pas absolument mauvais, il veut lui prouver qu'il n'est
pas simplement un homme, mais qu'il est en même temps Dieu et le Fils de
Dieu; et il éloigne tout soupçon d'avoir aspiré à la royauté (ce qu'avait
craint jusqu'à présent Pilate) : « Jésus répondit : Mon royaume n'est pas de
ce monde, » etc. — S. Augustin : Voilà
ce que le bon maître a voulu nous apprendre, mais il fallait auparavant nous
faire connaître la vaine opinion que les hommes, Gentils ou Juifs de qui
Pilate l'avait apprise, s'étaient formée de sa royauté. Ils prétendaient
qu'il méritait la mort pour avoir cherché à s'emparer injustement de la
royauté. Ou bien encore comme ceux qui sont en possession du pouvoir voient
ordinairement d'un œil jaloux ceux qui peuvent leur succéder, les Romains ou
les Juifs pouvaient craindre que ce nouveau royaume ne fût oppose à leur
domination. Si le Sauveur avait répondu aussitôt à la question de Pilate, il
eût paru répondre exclusivement pour les Gentils qui avaient de lui cette
opinion; mais après la réponse de Pilate, il répond d'une manière plus
opportune et plus utile aux Juifs et aux Gentils, et tel est le sens de sa
réponse : Ecoutez, Juifs et Gentils, je ne gêne en rien votre domination en
ce monde, que voulez-vous davantage ? Venez prendre possession par la foi
d'un royaume qui n'est pas de ce monde. En effet, de quoi se compose son
royaume ? De ceux qui croient en lui. C'est à eux que Jésus dit : « Vous
n'êtes pas de ce monde, » bien que sa volonté fût qu'ils demeurassent au
milieu du monde. Aussi ne dit-il pas : Mon royaume n'est pas dans ce monde,
mais : « Mon royaume n'est pas de ce monde. » Tout ce qui dans l'homme a été
créé de Dieu il est vrai, mais qui a été engendré de la race corrompue
d'Adam, est du monde, mais tout ce qui a été ensuite régénéré en Jésus-Christ
fait partie de son royaume et n'est plus du monde. « C'est ainsi que Dieu
nous a arrachés de la puissance des ténèbres, et nous a transférés dans le
royaume de son Fils bien-aimé. » (Col 1, 13). — S. Jean Chrysostome : Ou bien encore Notre Seigneur veut dire que
sa royauté n' a pas la même origine que la royauté des princes de la terre,
et qu'il tient d'en haut un pouvoir qui n'a rien d'humain, et qui est
beaucoup plus grand et plus éclatant. C'est pour cela qu'il ajoute : « Si mon
royaume était de ce monde, mes serviteurs combattraient pour que je ne fusse
pas livré aux Juifs. » Il fait voir ici la faiblesse des royautés de la terre
qui tirent leur force de leurs ministres et de leurs serviteurs; mais le
royaume dont l'origine est toute céleste se suffit à lui-même, et n'a besoin
d'aucun appui. Si telle est donc la puissance de ce royaume, c'est de sa
pleine volonté qu'il s'est lui-même livré à ses ennemis. S. Augustin : Après avoir prouvé que son royaume n'était
pas de ce monde, Jésus ajoute : « Mais mon royaume n'est pas d'ici. » Il ne
dit pas : Mon royaume n'est pas ici, car il est vraiment sur la terre jusqu'à
la fin du monde; l'ivraie s'y trouve mêlée avec le bon grain jusqu'à la
moisson, et cependant il n'est pas de ce monde, parce qu'il est dans ce monde
comme dans un lieu d'exil. — Théophylactus
: Ou bien encore, il ne dit pas : « Mon royaume n'est pas ici, » mais «
il n'est pas d'ici, » parce qu'il règne dans le monde, que sa providence le
gouverne, et qu'il y règle tout suivant sa volonté. Toutefois son royaume
n'est pas composé d'éléments terrestres, mais son origine est céleste et il
existe avant tous les siècles. — S.
Jean Chrysostome : Les hérétiques prennent de là occasion de dire que le
Sauveur est étranger à la direction du monde. Mais de ce qu'il déclare que
son royaume n'est pas d'ici, il ne s'ensuit nullement que le monde ne soit
point gouverné par sa providence; ces paroles signifient donc simplement que
son royaume n'est soumis ni aux lois du temps, ni aux imperfections de notre
humanité. « Alors Pilate lui dit : Vous êtes donc roi ? Jésus répondit : Vous
le dites, je suis roi. » Notre Seigneur ne craignait pas de déclarer qu'il
fut roi, mais il répond de manière à ne point nier qu'il soit roi, et à ne
point avouer qu'il l'est dans ce sens que son royaume fût de ce monde. En
effet, que répond-il à Pilate ? « Vous le dites, » c'est-à-dire, vous êtes de
la terre, et votre langage ne peut être que terrestre. Il ajoute : « Je suis
né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité. » Il ne
faut point faire longue la syllabe de ce pronom hoc comme si le sens était :
« Je suis né dans cette condition, » mais la faire brève de manière qu'elle
présente cette signification : « Je suis né pour cela, » de même qu'il dit :
« C'est pour cela que je suis venu au monde. » Il est donc évident que le
Sauveur a voulu parler ici de sa naissance temporelle et de sa venue comme
homme dans le monde, et non de sa naissance éternelle et sans commencement
comme Dieu. — Théophylactus : On
peut dire encore que le Seigneur interrogé par Pilate s'il était roi lui
répondit : « Je suis né pour cela, c'est-à-dire pour être roi, car par cela
seul que je suis né d'un roi, j'affirme que je suis roi moi-même. — S. Jean Chrysostome : (hom. 84 sur S.
Jean). Mais s'il est né roi, il n'a donc, rien qu'il n'ait reçu. « Je suis
venu, poursuit-il, pour rendre témoignage à la vérité, » c'est-à-dire pour
persuader tous les hommes de la vérité. Considérez ici la grande douceur du
Sauveur, tandis qu'on le traitait comme un malfaiteur, il a supporté cet
outrage en silence; mais quand on l'interroge sur son royaume, alors il
répond à Pilate, il cherche à l'instruire et à élever son esprit vers des
idées plus hautes, et veut le convaincre que toute sa conduite a été exemple
de subterfuges et d'artifices : « Je suis venu pour rendre témoignage à la
vérité. » S. Augustin : Lorsque Jésus-Christ rend témoignage, à la
vérité, il se rend témoignage à lui-même; car il a dit, en termes exprès : «
Je suis la vérité. » Mais comme la foi n'est pas le partage de tous, il
ajoute : « Quiconque est de la vérité, entend ma voix. » Il l'entend avec les
oreilles intérieures du cœur, c'est-à-dire il obéit à une voix, ou si vous
voulez, il croit en moi. Par ces paroles : « Quiconque est de la vérité, » le
Sauveur veut faire ressortir l'importance de la grâce, par laquelle il nous
appelle selon son décret. (Rm 8) Si nous considérons la nature dans laquelle
nous avons été créés, quel est celui qui n'est pas de la vérité, puisque
c'est la vérité qui a créé tous les hommes ? Mais tous ne reçoivent pas de la
vérité la grâce nécessaire pour obéir à la vérité. S'il avait dit : Quiconque
entend ma voix est de la vérité, on pourrait croire qu'on est de la vérité,
parce qu'on obéit à la vérité; mais il dit, au contraire : « Quiconque est de
la vérité, entend ma voix. » Il entend, il est vrai; toutefois il n'est pas
de la vérité, parce qu'il entend sa voix, mais il entend sa voix parce qu'il
est de la vérité, et que la vérité lui a donné cette grâce. — S. Jean Chrysostome : En parlant de
la sorte, il attire à lui Pilate, et cherche à lui persuader de prêter
l'oreille à ses paroles, et il l'amène, par ce peu de paroles, à lui demander
ce que c'est que la vérité : « Pilate lui demanda : Qu'est-ce que la vérité ?
» — Théophylactus : La vérité
avait presque disparu du milieu des hommes, et elle était comme inconnue à
tous, à cause de leur incrédulité. Versets 38-40.
S. Augustin : (Traité 115 sur S. Jean). Aussitôt que
Pilate eut fait celle question : « Qu'est-ce que la vérité ? » il lui vint à
l'esprit (je pense que c'était la coutume parmi les Juifs,) qu'on leur
accordât, à la fête de Pâques, la délivrance d'un criminel; il n'attendit
donc pas que Jésus lui répondît, pour ne pas perdre de temps, du moment qu'il
se fut rappelé la coutume qui lui permettait de le délivrer à la fête de
Pâques, ce qui, de toute évidence, était son plus vif désir, comme le prouve
la nouvelle démarche qu'il fit : « Et, ayant dit cela, il sortit encore pour
aller vers les Juifs, » etc. — S. Jean
Chrysostome : Il savait que la réponse à la question qu'il avait faite
demandait du temps, et qu'il fallait au plus tôt arracher Jésus à la fureur
des Juifs; et c'est pourquoi il sort de nouveau du prétoire pour parler aux
Juifs. — Alcuin : Ou peut-être
encore il n'attendit pas la réponse, parce qu'il était indigne de l'entendre. « Et il leur dit : Je ne trouve en lui aucun crime. » Il ne leur dit
pas : Puisqu'il est coupable et digne de mort, donnez-lui sa grâce à
l'occasion de la fête; il proclame d'abord son innocence, puis il les prie,
du reste, s'ils ne veulent point le délivrer à cause de son innocence, de le
faire en considération de la fête : « C’est la coutume, parmi vous, que je
vous accorde, à la fête de Pâques, la délivrance d'un criminel, » etc. — S. Bède : Cette coutume n'était pas
prescrite par la loi, elle venait d'une ancienne tradition des Juifs; qui, en
souvenir de leur délivrance d'Egypte, délivraient chaque année un criminel à
la fête de Pâques. Pilate emploie donc à leur égard le langage de la
persuasion : « Voulez-vous que je vous délivre le Roi des Juifs ? » — S. Augustin : On ne pouvait arracher
de son cœur que Jésus fût le Roi des Juifs, il semble que la vérité
elle-même, qu'il avait demandé a connaître, l'eût gravée dans sou cœur comme
elle le fit écrire sur l'inscription de la croix. Théophylactus : La réponse de Pilate, qui justifie Jésus de
toute accusation, est admirable, et c’est en vain que les Juifs cherchent à
le travailler, en lui représentant le Sauveur comme ayant désiré la royauté,
car le représentant des Romains n'aurait jamais acquitté et mis en liberté un
homme qui se serait déclaré roi en face de la puissance des empereurs
romains. Lors donc, qu'il leur dit : « Délivrerai-je le Roi des Juifs ? » il
proclame publiquement l'innocence de Jésus, et plaisante les Juifs en leur
tenant ce langage : « Celui que vous accusez d’avoir voulu se faire roi,
j'ordonne de le mettre en liberté, comme complètement innocent du crime dont
vous le chargez. » — S. Augustin : Mais
à ces mots, « ils crièrent de nouveau, tous ensemble : Non pas celui-ci, mais
Barabbas. » Or, Barabbas était un voleur. Nous ne vous faisons pas un
reproche, ô Juifs, de mettre en liberté un criminel, à l'occasion de la fête
de Pâques ! Mais nous vous faisons un crime d'avoir mis à mort un innocent;
et cependant si vous n'agissiez de la sorte, la véritable Pâque n'aurait pas
lieu. — S. Bède : Ils ont sacrifié
le Sauveur et demandé la grâce d'un brigand; et, en punition de cet attentat,
le démon exerce impunément sur eux des brigandages. — Alcuin : Barabbas signifie le fils de leur maître, c'est-à-dire
du diable; car c'est le diable, qui fut le maître de ce voleur dans ses
crimes, comme il fut celui des Juifs dans leur trahison. |
Caput 19 Lectio 1 [86144] Catena in Io., cap. 19 l. 1 Augustinus in
Ioannem. Cum Iudaei clamassent, non Iesum sibi dimitti a Pilato velle
propter Pascha, sed Barabbam latronem, subditur tunc ergo apprehendit Pilatus
Iesum, et flagellavit. Hoc Pilatus non ob aliud fecisse credendus est nisi ut
eius iniuriis Iudaei satiati, sufficere sibi aestimarent, et usque ad eius
mortem saevire desisterent. Ad hoc pertinet quod idem praeses etiam cohortem
suam permisit facere quae sequuntur; aut fortassis et iussit : dixit enim
quid deinde fecerint milites, Pilatum tamen id iussisse non dixit; sequitur
enim et milites plectentes coronam de spinis imposuerunt capiti eius, et veste
purpurea circumdederunt eum : et veniebant ad eum, et dicebant : ave, rex
Iudaeorum, et dabant ei alapas. Chrysostomus in Ioannem. Quia enim
Pilatus dixit eum regem Iudaeorum, schema ei contumeliae de reliquo apponunt.
Beda. Nam pro diademate spineam illi imposuerunt coronam, et pro purpureo
vestimento, quo reges veteres utebantur, vestem purpuream ei circumdant : ubi
non debet videri contrarium quod Matthaeus dicit circumdedisse chlamydem
coccineam, quia, ut Origenes refert, unius sunt materiae coccus et purpura :
cocculae enim inciduntur, et ex his guttae sanguinis fluunt, ex quibus
utriusque generis tingitur vestimentum. Et quamvis hoc milites illudendo
facerent, nobis tamen operabantur mysteria. Nam per spineam coronam nostrorum
designatur peccatorum susceptio, quae sicut spinas terra nostri corporis
germinat. In vestimento purpureo caro passionibus subiecta significatur.
Purpura etiam vestitur, cum de triumphis sanctorum martyrum gloriatur.
Chrysostomus. Non autem iniunctio principis erat quod faciebant, sed ad
gratiam Iudaicam hoc faciebant; quia neque circa initium ab illo iussi
iverunt nocte; sed Iudaeis pecuniarum gratia gratificantes omnia audebant :
tot autem et talibus factis ipse stabat silens. Tu vero audiens haec, in
mente habe continue : et regem orbis terrarum et Angelorum dominum videns
contumeliam patientem et omnia ferentem silentio imitare. Augustinus. Sic
enim implebantur quae de se dixerat Christus; sic martyres informabantur ad
omnia quae persecutores libuit facere, perferenda; sic regnum quod de hoc
mundo non erat, superbum mundum non atrocitate pugnandi, sed patiendi
humilitate vincebat. Chrysostomus. Ut autem convicium quod a militibus
factum erat in eum, videntes respirent a passione, coronatum Iesum adduxit ad
eos; unde sequitur exivit iterum Pilatus foras, et dixit eis : ecce adduco
vobis eum foras, ut cognoscatis quia nullam in eo causam invenio.
Augustinus. Hinc apparet non ignorante Pilato haec a militibus facta, sive
iusserit ea, sive permiserit illa, scilicet causa quam supra diximus, ut haec
eius ludibria inimici libentissime viderent, et ulterius sanguinem non
sitirent; unde sequitur exivit ergo Iesus portans spineam coronam et
purpureum vestimentum : non clarus imperio, sed plenus opprobrio. Sequitur et
dicit eis : ecce homo; quasi dicat : si regi invidetis, iam parcite, quia
abiectum videtis : fervet ignominia, frigescat invidia. Lectio 2 [86145] Catena in Io., cap. 19 l. 2 Augustinus in
Ioannem. Iudaeorum invidia pro Christi ignominia non frigescit :
inardescit potius et increscit; unde dicitur cum ergo vidissent eum
pontifices et ministri, clamabant dicentes : crucifige, crucifige eum.
Chrysostomus in Ioannem. Vidit ergo Pilatus omnia inaniter fieri; unde
sequitur dicit eis Pilatus : accipite eum vos, et crucifigite. Execrantis est
hoc verbum, et ad rem non concessam eos impellentis : ipsi enim ducebant eum,
ut cum praesidis iudicio hoc fieret. Contigit autem contrarium, iudicio
praesidis eum magis absolvi; unde sequitur ego enim non invenio in eo causam
: continue enim eum ab accusationibus eruit : unde manifestum est quoniam et
priora propter illorum concessit insaniam. Sed Iudaeos canes nil horum in
verecundiam convertit; nam sequitur responderunt Iudaei : nos legem habemus,
et secundum legem debet mori, quia filium Dei se fecit. Augustinus. Ecce
alia maior invidia : parva quidem illa videbatur velut affectatae illicito
ausu regiae potestatis : et tamen neutrum sibi Iesus mendaciter usurpavit;
sed utrumque verum est : et unigenitus est Dei filius, et rex a Deo
constitutus super Sion montem sanctum eius : et utrumque nunc demonstraret,
nisi quanto erat potentior, tanto mallet esse patientior. Chrysostomus. Ad
invicem enim ipsis disputantibus silebat, implens propheticum illud quod non
aperuit os suum; in humilitate sua iudicium ei sublatum est. Augustinus
de Cons. Evang. Hoc autem potest congruere ei quod Lucas commemorat in
accusatione Iudaeorum dictum : hunc invenimus subvertentem gentem nostram, ut
adiungatur quia filium Dei se fecit. Chrysostomus. Deinde Pilatus
quidem timet ab ipsis auditis, et formidavit ne forte verum esset quod
dicebatur, et videretur inique agere; unde sequitur cum ergo audisset Pilatus
hunc sermonem, magis timuit. Beda. Non timuit quia legem audivit, quia
alienigena erat; sed magis timuit, ne filium Dei occideret. Chrysostomus.
Illi vero hoc dicentes non horruerunt; sed interficiunt eum pro quibus
oportuerat adorare. Lectio 3 [86146] Catena in Io., cap. 19 l. 3 Chrysostomus
in Ioannem. Pilatus timore concussus, rursus inquisitionem facit; unde
dicitur et ingressus est praetorium iterum, et dicit ad Iesum : unde es tu?
Non autem ultra interrogat : quid fecisti? Sequitur Iesus autem responsum non
dedit ei. Qui enim audivit, quoniam in hoc natus sum et ad hoc veni, et
quoniam regnum meum non est hinc, cum debuisset resistere et eripere eum, hoc
quidem non fecit, sed secutus est Iudaicum impetum. Propterea ergo nihil ei
respondit, quoniam inaniter omnia interrogabat. Sed et aliter operibus
testantibus ei, nolebat per sermones vincere, et excusationes componere,
ostendens quoniam ad hoc venit. Augustinus in Ioannem. Hoc autem
silentium domini nostri Iesu Christi non semel factum, collatis omnium
Evangelistarum narrationibus, reperitur : et apud principem sacerdotum, et
apud Herodem, et apud ipsum Pilatum, ut non frustra de illo prophetia
processerit : sicut agnus coram tondente fuit sine voce, sic non aperuit os
suum, tunc utique quando interrogantibus non respondit; quamvis enim
quibusdam interrogantibus saepe responderit, tamen propter illa in quibus
noluit respondere, ad hoc data est de agno similitudo, ut in suo silentio non
reus, sed innocens haberetur; idest, non sicut male sibi conscius, qui de
peccatis convincebatur suis, sed sicut mansuetus qui pro peccatis immolabatur
alienis. Chrysostomus. Quia igitur siluit, sequitur dicit ergo ei
Pilatus : mihi non loqueris? Nescis quia potestatem habeo crucifigere te, et
potestatem habeo dimittere te? Vide qualiter seipsum condemnavit. Si enim in
te totum positum est, cuius gratia nullam causam inveniens, non absolvis?
Quia igitur adversus seipsum protulit, respondit Iesus : non haberes
potestatem adversum me ullam, nisi datum esset tibi desuper, ostendens
quoniam non simpliciter et secundum aliorum consequentiam hoc fit, sed
mystice consummatur. Ne igitur hoc audiens aestimes eum ab omni erutum
crimine, subdit propterea qui tradidit me tibi, peccatum maius habet. Et
nimirum si datum erat, neque hic neque illi obnoxii sunt criminibus; inaniter
dicis. Hoc enim datum est, idest concessum; ac si diceret : permisit hoc fieri;
neque tamen propterea extra nequitiam sunt. Augustinus. Ecce
respondit. Proinde ubi non respondebat, non sicut reus, sive dolosus, sed
sicut ovis silebat; ubi respondebat, sicut pastor docebat. Discamus ergo quod
dixit, quod et per apostolum docuit quia non est potestas nisi a Deo; et quia
plus peccat qui potestati innocentem occidendum livore tradit, quam potestas
ipsa si eum timore alicuius maioris potestatis occidit. Talem quippe Deus
dederat illi potestatem ut esset etiam sub Caesaris potestate : quapropter
inquit non haberes adversum me potestatem ullam, idest quantulamcumque habes,
nisi hoc ipsum, quidquid est, tibi esset datum desuper. Sed quia scio quantum
sit, non enim tantum est ut tibi omni modo liberum sit, propterea qui
tradidit me tibi, maius peccatum habet. Ille quippe me tuae potestati
tradidit invidendo; tu vero eamdem potestatem in me exerciturus es metuendo.
Nec timendo quidem, praesertim innocentem hominem, homo debet occidere; sed
id zelando facere multo maius malum est quam timendo; et ideo non ait qui me
tibi tradidit, ipse habet peccatum, tamquam ille non haberet; sed ait maius
peccatum habet, ut etiam se habere intelligeret. Theophylactus. Dicit
autem qui tradidit me tibi, idest Iudas, vel etiam turba. Cum ergo patens
responsum Iesus ediderit, quod nisi ego memetipsum praeberem, et pater
concederet, non haberes potestatem in me; ex hoc potius ipsum absolvere
Pilatus satagebat; unde sequitur et exinde quaerebat Pilatus dimittere eum.
Augustinus. Lege superiora, et invenies iam dudum eum quaerere dimittere
Iesum. Exinde itaque intelligendum est, propter hoc, idest ex hac causa, ne
haberet peccatum occidendo innocentem sibi traditum. Lectio 4 [86147] Catena in Io., cap. 19 l. 4 Augustinus in
Ioannem. Maiorem timorem se ingerere putaverunt Iudaei Pilato terrendo de
Caesare ut occideret Christum, quam superius ubi dixerunt nos legem habemus,
et secundum legem debet mori, quia filium Dei se fecit; unde dicitur Iudaei
autem clamabant dicentes : si hunc dimittis, non es amicus Caesaris : omnis
enim qui se regem facit, contradicit Caesari. Chrysostomus in Ioannem. Sed
unde habetis hoc demonstrare? A purpura, a diademate, a curru, a militibus?
Nonne solus semper cum duodecim discipulis incedebat, per omnia vilia
transiens, et cibum et stolam et habitationem? Augustinus. Pilatus
autem eorum legem non timuit ut occideret; sed magis filium Dei timuit, ne
occideret. Nunc vero non sic potuit contemnere Caesarem auctorem potestatis
suae, quemadmodum legem gentis alienae; unde subditur Pilatus autem cum
audisset hos sermones, adduxit foras Iesum, et sedit pro tribunali in loco
qui dicitur lithostratos, Hebraice autem Gabbatha. Chrysostomus. Exiit
quidem, ut scrutaturus rem : sedere enim pro tribunali, hoc ostendebat.
Glossa. Sicut enim tribunal est iudicum, sic thronus vel solium regum, et
cathedra doctorum. Beda. Lithostratos autem dicitur pavimentum quasi
lapide stratum; et erat locus sublimis. Sequitur erat autem parasceve
Paschae, hora quasi sexta. Alcuinus. Parasceve, idest praeparatio; hoc
nomine dicebatur sexta sabbati, in qua praeparabant necessaria sabbato, ut de
manna dictum est : sexta die colligetis duplum. Quia enim sexta die homo est
factus, et in septima requievit Deus, ideo sexta die pro homine patitur,
sabbato quiescit in sepulchro. Hora autem erat quasi sexta. Augustinus in
Ioannem. Quid est ergo quod Marcus dicit : erat hora tertia quando
crucifixerunt eum, nisi quia hora tertia crucifixus est dominus linguis
Iudaeorum, hora sexta manibus militum? Ut intelligamus horam quintam iam
fuisse transactam, et aliquid de sexta coeptum, quando sedit pro tribunali
Pilatus, quae dicta est a Ioanne hora quasi sexta; et cum duceretur et
crucifigeretur, et iuxta eius crucem gererentur quae gesta narrantur, hora
sexta integra compleretur : ex qua hora usque ad nonam sole obscurato,
tenebras factas, trium Evangelistarum, Matthaei, Marci et Lucae contestatur
auctoritas. Sed quoniam Iudaei facinus interfecti Christi a se in Romanos,
idest Pilatum et eius milites, transferre conati sunt, propterea Marcus ea hora
qua Christus a militibus crucifixus est praetermissa, tertiam potius horam
recordatus expressit, ut non tantum milites reperiantur crucifixisse Iesum,
verum etiam Iudaei, qui ut crucifigeretur, hora tertia clamaverunt. Est et
alia huius solutio quaestionis, ut non hic accipiatur hora sexta diei; quia
neque Ioannes ait : erat hora diei quasi sexta; sed ait erat parasceve hora
quasi sexta. Parasceve autem Latine praeparatio est Pascha enim nostrum, ut
dicit apostolus, immolatus est Christus : cuius Paschae praeparationem si ab
hora noctis nona computemus, quando videntur principes sacerdotum
pronuntiasse domini immolationem, dicentes : reus est mortis, usque ad horam
diei tertiam, qua crucifixum esse Christum Marcus Evangelista testatur, sex
horae sunt : tres nocturnae et tres diurnae. Theophylactus. Solvunt
autem quidam, quod ex peccato scriptoris contigerit apud Graecos : nam
quaedam littera Graeca nomine gamma, cuius talis est figura g, tertiam horam
importat : quaedam autem figura, quae ab eis vocatur episemon, quae talis est
s, sextam horam importat. Ex negligentia ergo scriptorum, praecedens figura
cedere potuit in sequentem. Chrysostomus in Ioannem. Pilatus ergo, ut
scrutaturus exiens, nullam tamen scrutationem faciens, tradit eum, aestimans
movendos esse eos; unde sequitur et dixit Iudaeis : ecce rex vester.
Theophylactus. Quasi dicat : ecce qualem hominem fatemini quod imperium
vestrum capesseret, humilis, ut nihil tale possit tentare. Chrysostomus. Et
nimirum quae dicta sunt erant sufficientia ut facerent eos de cetero ab ira
cessare; sed trepidabant, ne dimissus, rursus turbam ducat. Amor etenim
principatus versutum quid est, et animum sufficiens perdere : propterea magis
insistunt; unde sequitur illi autem clamabant : tolle, tolle. Interficere enim
eum conantur exprobratissima morte; unde subdunt crucifige eum, formidantes,
ne aliqua eius post ipsum fiat memoria. Augustinus. Adhuc autem
Pilatus terrorem, quem de Caesare ingesserant, superare conatur; unde
subditur dixit eis Pilatus : regem vestrum crucifigam? De ignominia eorum
volens eos frangere, quos de ignominia Christi mitigare non potuit. Sequitur
responderunt pontifices : non habemus regem, nisi Caesarem. Chrysostomus.
Volentes seipsos submiserunt supplicio; propterea et Deus tradidit eos; quia
enim concorditer negaverunt regnum Dei, dimisit eos in suum iudicium incidere
: regnum enim Christi refutantes, id quod Caesaris est super seipsos vocabant.
Augustinus. Sed Pilatus timore mox vincitur; unde sequitur tunc ergo
tradidit eis illum, ut crucifigeretur. Apertissime enim contra Caesarem
venire videretur, si regem se non habere nisi Caesarem profitentibus, alium
regem vellet ingerere, dimittendo impunitum quem propter hos ausus ei
tradiderunt occidendum. Non autem dictum est tradidit eis illum ut
crucifigerent illum, sed ut crucifigeretur, scilicet iudicio ac potestate
praesidis. Sed ideo illis traditum dixit Evangelista, ut eos crimine
implicatos, a quo alieni esse conabantur, ostenderet; non enim faceret hoc
Pilatus, nisi ut id quod eos cupere cernebat, impleret. Lectio 5 [86148] Catena in Io., cap. 19 l. 5 Glossa. Ad
mandatum praesidis, milites Christum susceperunt crucifigendum; unde dicitur
susceperunt autem Iesum, et eduxerunt. Augustinus in Ioannem. Potest
enim hoc iam referri ad milites apparitores praesidis : nam postea evidentius
dicitur : milites ergo cum crucifixissent eum quamvis Evangelista, etiam si
totum Iudaeis tribuit, merito facit : ipsi enim fecerunt quidquid ut fieret
extorserunt. Chrysostomus in Ioannem. Sed quia lignum ut profanum
putabant et vitabant, et neque tangere ipsum sustinebant; crucem Iesu ut
condemnato imponunt; unde sequitur et baiulans sibi crucem, exivit in eum qui
dicitur Calvariae locum, Hebraice autem Golgotha, ubi eum crucifixerunt. Ita
et in typo factum est : Isaac etenim ligna portavit; sed tunc quidem usque ad
patris beneplacitum res processit; nunc autem in rebus effectum obtinuit,
veritas enim erat. Theophylactus. Sed quodammodo, ut illic Isaac
dimissus est, et mactatus est aries, sic et hic divina natura manet
impassibilis; sed humanitas, secundum quam aries dicitur, tamquam errantis
arietis Adae filius, hic mactata est. Sed qualiter alius Evangelista dicit,
quod angariaverunt Simonem, ut crucem portaret? Augustinus de Cons.
Evang. Utrumque factum invenimus : primo id quod Ioannes dicit, deinde
quod ceteri tres; unde intelligitur quod ipse sibi portabat crucem, cum
exiret in locum memoratum. Augustinus in Ioannem. Grande spectaculum;
sed si spectet impietas, grande ludibrium; si pietas, grande mysterium. Videt
impietas regem pro virga regni lignum sui portare supplicii : videt pietas
regem baiulantem lignum ad seipsum figendum, quod fixurus fuerat etiam in
frontibus regum, spernendum oculis impiorum, in quo erant gloriatura corda
sanctorum : ipsam crucem suam gestans humero commendabat, et lucernae
arsurae, quae sub modio ponenda non erat, candelabrum ferebat.
Chrysostomus. Et sicut victores, ita et ipse in humeris portabat victoriae
signum. Quidam autem dicunt, quod in illo loco qui Calvariae dicebatur, Adam
mortuus est et sepultus; ut in loco ubi mors regnavit, illic et Iesus
trophaeum statuerit. Hieronymus super Matth. Favorabilis interpretatio
et mulcens aurem populi, nec tamen vera. Extra urbem enim et foris portam
loca sunt in quibus truncantur capita damnatorum, et Calvariae, quasi
decollatorum, sumpsere nomen. Adam vero sepultum iuxta Ebron et Arbee in Iesu
filii Nave volumine legimus. Chrysostomus. Crucifigebant autem eum cum
latronibus; unde sequitur et cum eo alios duos hinc et inde : medium autem Iesum
: in hoc prophetiam implentes, quoniam cum iniquis reputatus est. Quae enim
conviciantes faciebant, haec veritati conferebant : volebat enim Daemon quod
fiebat obumbrare, sed non valuit : tribus enim in cruce affixis, miracula
quae fiebant, nulli ascripsit, nisi soli Iesu. Ita inanes Diaboli artes
factae sunt. Nec solum non obfuit gloriae eius; sed contulit non parum : nam
latronem in cruce convertere, et in Paradisum inducere, non minus fuit quam
concutere petras. Augustinus. Tamen et ipsa crux, si attendas,
tribunal fuit : in medio enim iudice constituto, unus latro, qui credidit,
liberatus; alter, qui insultavit, damnatus est : iam significabat quod
facturus est de vivis et mortuis, alios positurus ad dexteram, alios vero ad
sinistram. Lectio 6 [86149] Catena in Io., cap. 19 l. 6 Chrysostomus
in Ioannem. Sicut in trophaeo litterae ponuntur victoriam ostendentes, ita
Pilatus titulum cruci Christi inscripsit; unde dicitur scripsit autem et
titulum Pilatus, et posuit super crucem : simul quidem pro Christo
respondens, ut eum a communione latronum discerneret; simul autem et de
Iudaeis ulciscens, ostendens scilicet ipsorum malitiam, dum in suum regem
insurrexerunt; unde sequitur erat autem scriptum : Iesus Nazarenus rex
Iudaeorum. Beda. In quo monstrabatur iam tum regnum ipsius, non, ut
ipsi putabant, destructum, sed potius augmentatum. Augustinus in Ioannem.
Sed Iudaeorum tantum rex Christus est, an etiam gentium? Immo et gentium;
cum enim dixisset : ego autem sum constitutus rex ab eo super Sion montem sanctum
eius, subiecit : postula a me, et dabo tibi gentes hereditatem tuam. Magnum
ergo volumus intelligi in hoc titulo sacramentum : quia scilicet oleaster
factus est particeps pinguedinis oleae, non olea particeps facta est
amaritudinis oleastri. Rex ergo Iudaeorum Christus, secundum Iudaeorum
circumcisionem, non carnis, sed cordis; non littera, sed spiritu. Sequitur
hunc ergo titulum multi legebant Iudaeorum : quia prope civitatem erat locus
ubi crucifixus est Iesus. Chrysostomus. Credibile autem est multos
gentiles simul cum Iudaeis propter festum convenisse; et ideo ut nullus
ignoraret, non in una lingua, sed in tribus scripsit; unde subditur et erat
scriptum Hebraice, Graece et Latine. Augustinus. Hae quippe tres
linguae ibi prae ceteris eminebant : Hebraea propter Iudaeos in lege Dei
gloriantes; Graeca propter gentium sapientes; Latina propter Romanos multis
et pene omnibus tunc gentibus imperantes. Theophylactus. Significat
autem superscriptio triplici sermone figurata, dominum esse regem practicae,
physicae, nec non theologiae. Nam per Latinas litteras figuratur practica, eo
quod Romanorum imperium potentissimum, satisque officiosum in expeditionibus
fuerit. Per Graecas vero litteras physica figuratur : Graeci namque erga
naturalium speculationem insudaverunt. Demum per Hebraicas theologia
praetenditur, dum Iudaeis est credita rerum divinarum agnitio.
Chrysostomus. Iudaei autem crucifixo invidebant; unde sequitur dicebant
ergo Pilato pontifices Iudaeorum : noli scribere : rex Iudaeorum; sed : quia
ipse dixit : rex sum Iudaeorum. Nam haec quidem enuntiatio est, et communis
sententia. Si vero adiciatur quoniam ipse dixit, ipsius petulantiae et
extollentiae ostenderetur crimen esse. Sed Pilatus in priori stetit mente;
unde sequitur respondit Pilatus : quod scripsi scripsi. O ineffabilem vim
divinae operationis etiam in cordibus ignorantium. Nonne occulta vox quaedam
Pilato intus quodam, si dici potest, clamoso silentio personabat quod tanto
ante in Psalmorum litteris prophetatum est : ne corrumpas tituli inscriptionem?
Sed quid loquimini, insani pontifices? Numquid enim propterea non erit verum,
quia Iesus ait : rex sum Iudaeorum? Si corrumpi non potest quod Pilatus
scripsit, corrumpi potest quod veritas dixit? Ideo enim Pilatus quod scripsit
scripsit, quia dominus quod dixit dixit. Lectio 7 [86150] Catena in Io., cap. 19 l. 7 Augustinus in
Ioannem. Iudicante Pilato, milites qui ei parebant crucifixerunt Iesum;
unde dicitur milites ergo, cum crucifixissent eum, acceperunt vestimenta eius
: et tamen si voluntates, si clamores eorum cogitemus, Iudaei magis
crucifixerunt. Sed de partitione sortitioneque vestimentorum eius, ceteri
Evangelistae brevius et clause; iste vero apertissime locutus est; nam
sequitur et fecerunt quatuor partes, unicuique militi partem : unde apparet
quatuor fuisse milites qui in eo crucifigendo praesidi paruerunt. Sequitur et
tunicam : subaudiendum est : acceperunt; ut iste sit sensus : acceperunt
autem et tunicam; et sic locutus est, ut de ceteris vestimentis nullam sortem
missam esse videamus; sed de tunica, quam simul cum ceteris acceperunt, sed
non similiter diviserunt; de hac enim sequitur exponens erat autem tunica
inconsutilis, desuper contexta per totum. Chrysostomus in Ioannem. Ipsam
speciem tunicae Evangelista historice designat : quia enim in Palaestina duos
pannos connectentes subtexunt indumenta, ostendit Ioannes quod talis erat
tunica Iesu; occulte vilitatem vestimentorum insinuans. Theophylactus. Alii
vero dicunt, quod apud Palaestinam telas contexunt, non velut apud nos texuntur,
existente superius stamine, inferius vero texentibus; ut sic non versus
partem supremam textura protendat, sed e contra. Augustinus. Cur autem
de illa sortem miserint narrat, dicens dixerunt ergo ad invicem : non
scindamus eam, sed sortiamur de illa, cuius sit. Apparet itaque in aliis
vestimentis aequales se habuisse partes, ut sortiri necesse non fuerit; in
illa vero una non eos habere potuisse singulas partes nisi scinderetur, ut
pannos eius inutiliter tollerent : quod ne facerent, ad unum eam pervenire
sortitione maluerunt. Huius Evangelistae narrationi consonat et propheticum
testimonium; unde subiungit ut Scriptura impleretur dicens : partiti sunt
vestimenta mea sibi, et in vestem meam miserunt sortem. Chrysostomus. Intuere
prophetiae certitudinem : non enim quae partiti sunt solum, sed et quae non
partiti sunt, dixit propheta : nam vestimenta quidem diviserunt, sed vestem
sorti concesserunt. Augustinus. Matthaeus dicendo : diviserunt
vestimenta eius, sortem mittentes, totam divisionem vestimentorum voluit
intelligi, et ad illam tunicam pertinere, de qua sortem miserunt. Tale est
quod etiam ait Lucas : dividentes vestimenta eius, miserunt sortes.
Dividentes enim venerunt ad tunicam, de qua est sortitio. Dicendo autem
sortes, pluralem numerum pro singulari posuit. Marcus autem solus videtur
intulisse aliquam quaestionem : dicendo enim : mittentes sortem super eis,
quis quid tolleret, tamquam super omnibus vestimentis, non super sola tunica
sors missa sit, locutus videatur. Sed haec brevitas obscuritatem facit. Sic
enim dictum est : mittentes sortem super eis, ac si diceretur : mittentes
sortem cum dividerentur. Cum autem dicit : quis quid tolleret, idest quis
tunicam tolleret, tamquam si totum ita diceretur : mittentes sortem super
eis, quis tunicam, quae partibus aequalibus superfuerat, tolleret.
Quadripartita autem vestis domini nostri Iesu Christi, quadripartitam
figuravit eius Ecclesiam, quatuor scilicet partibus in orbe diffusam, et in
eisdem aequaliter, idest concorditer, distributam. Tunica vero illa sortita,
omnium partium significat unitatem, quae caritatis vinculo continetur. Si
autem caritas et supereminentiorem habet viam, et supereminet scientiae, et
super omnia praecepta est, secundum illud : super omnia autem haec caritatem
habete; merito vestis, qua significatur, desuper contexta perhibetur. Et
addidit per totum : quia nemo eius est expers qui pertinere invenitur ad
totum, a quo toto Catholica vocatur Ecclesia. Inconsutilis autem, ne
aliquando dissuatur; et ad unum provenit, quia in unum omnes colligit. In
sorte autem, Dei gratia commendata est : cum enim sors mittitur, non personae
cuiusque, vel meritis, sed occulto iudicio Dei ceditur. Chrysostomus. Vel,
sicut quidam dicunt, tunica inconsutilis desuper contexta per totum, secundum
allegoriam ostendit quoniam non simpliciter homo erat qui crucifixus est, sed
et desuper deitatem habebat. Theophylactus. Vel aliter. Vestis
inconsutilis denotat corpus Christi, quod a superiori parte contextum est :
spiritus enim sanctus supervenit, et virtus altissimi virgini obumbravit. Hoc
ergo sacrosanctum Christi corpus indivisibile constat : nam et si dividatur
per singulos, sanctificans uniuscuiusque animam simul et corpus, integre
tamen et indivisibiliter consistit in omnibus. At quoniam ex quatuor elementis
mundus consistit, intelligenda est per Christi vestimenta visibilis creatura,
quam inter se dividunt Daemones, quoties morti tradunt verbum Dei quod
habitat in nobis, ac satagunt nos suae partis efficere per mundanas
illecebras. Augustinus. Nec ideo ista non aliquid boni significasse
quis dixerit, quia per malos facta sunt : quid enim de ipsa cruce dicturi
sumus, quae similiter ab impiis facta est? Et tamen ea significari recte
intelligitur quod ait apostolus : quae sit latitudo, longitudo, altitudo et
profundum. Lata est quippe in transverso ligno, quo extenduntur pendentes
manus, et significat opera bona in latitudine caritatis : longa est a
transverso ligno usque ad terram, et significat perseverantiam in longitudine
temporis : alta est in cacumine, quo transversum lignum sursum versus
excedit, et significat supernum finem, quo cuncta opera referuntur : profunda
est in ea parte quae in terra figitur; ibi quippe occulta est, sed cuncta
eius apparentia inde consurgunt, sicut bona nostra de profunditate gratiae
Dei, quae comprehendi non potest, universa procedunt. Sed etsi crux Christi
hoc solum significet quod ait apostolus : qui Christi sunt, carnem suam
crucifixerunt cum passionibus et concupiscentiis, quam magnum bonum est.
Postremo quid est signum Christi nisi crux Christi? Quod signum nisi
adhibeatur sive frontibus credentium, sive ipsi aquae, ex qua regenerantur,
sive oleo, quo chrismate unguntur, sive sacrificio quo aluntur, nihil eorum
vitae proficitur. Lectio 8 [86151] Catena in Io., cap. 19 l. 8 Theophylactus.
Cum milites quae ad propriam spectabant socordiam prosequebantur, ipse de
genitricis cura sollicitus est; unde dicitur et milites quidem haec fecerunt
: stabant autem iuxta crucem Iesu mater eius, et soror matris eius, Maria
Cleophae et Maria Magdalene. Ambrosius. Maria mater domini ante crucem
stabat filii. Nullus me hoc docuit nisi sanctus Ioannes Evangelista. Mundum
alii concussum in passione domini conscripserunt, caelum tenebris obductum,
refugisse solem, in Paradisum latronem, sed post piam confessionem, receptum.
Ioannes docuit quod alii non docuerunt, quemadmodum in cruce positus matrem
appellaverit. Pluris putavit quod victor suppliciorum, pietatis officia matri
exhibebat, quam quod regnum caeleste donabatur vitae aeternae. Nam si religiosum
est quod latroni donatur vita, multo uberioris pietatis est quod a filio
mater tanto affectu honoratur : ecce, inquit, filius tuus. Ecce mater tua.
Testabatur de cruce Christus, et inter matrem atque discipulum dividebat
pietatis officia. Condebat dominus non solum publicum, sed etiam domesticum
testamentum. Et hoc eius testamentum signabat Ioannes, dignus tanto testatore
testis. Bonum testamentum non pecuniae, sed vitae aeternae, quod non
atramento scriptum est, sed spiritu Dei vivi : lingua mea calamus Scribae
velociter scribentis. Sed nec Maria minor quam matrem Christi decebat,
fugientibus apostolis, ante crucem stabat, et piis spectabat oculis filii
vulnera, quia spectabat non in pignoris mortem, sed in mundi salutem; aut
fortasse quia cognoverat per filii mortem mundi redemptionem, aula regalis
etiam sua morte putabat se aliquid publico addituram muneri; sed Iesus non
egebat adiutore ad redemptionem omnium, qui omnes sine adiutore servavit;
unde et dicit : factus sum homo sine adiutorio inter mortuos liber. Suscepit
quidem affectum parentis, sed non quaesivit alterius auxilium. Hanc
imitamini, matres sanctae, quae in unico filio dilectissimo tantum maternae
virtutis exemplum dedit : neque enim vos dulciores liberos habetis, neque
illud virgo quaerebat solatium, ut alium posset generare filium.
Hieronymus contra Helvidium. Maria ista, quae in Marco et Matthaeo, Iacobi
et Ioseph mater dicitur, fuit uxor Alphaei, et soror Mariae matris domini
quam Mariam Cleophae nunc Ioannes cognominat, a patre, sive a gentilitate
familiae, aut quacumque alia causa ei nomen imponens. Si autem inde tibi alia
atque alia videtur, quod alibi dicatur Maria Iacobi minoris mater, et hic
Maria Cleophae, disce Scripturae consuetudinem, eumdem hominem diversis
nominibus appellari. Chrysostomus in Ioannem. Et considera, quod
imbecillius genus, scilicet mulierum, virilius apparuit iuxta crucem stando,
fugientibus discipulis. Augustinus de Cons. Evang. Nisi autem
Matthaeus et Lucas Mariam Magdalene nominassent, potuissemus dicere alias a
longe, alias iuxta crucem fuisse : nullus enim eorum praeter Ioannem matrem
domini commemoravit. Nunc ergo quomodo intelligitur eadem Maria Magdalene, et
a longe stetisse cum aliis mulieribus, sicut Matthaeus et Lucas dicunt, et
iuxta crucem fuisse, sicut Ioannes dicit, nisi quia in tanto intervallo erant
ut iuxta dici possent, quia in conspectu eius praesto aderant, et a longe in
conspectu turbae propinquius circumstantis cum centurione et militibus?
Possumus etiam intelligere quod illae quae simul aderant cum matre domini,
postquam eam discipulo commendavit, abire iam coeperant, ut a densitate
turbae se eruerent, et cetera quae facta sunt, longius intuerentur; ut ceteri
Evangelistae, qui post mortem domini eas commemoraverunt, iam longe stantes
commemorarent. Quid autem interest ad veritatem quod quasdam mulieres pariter
omnes, quasdam singuli nominaverunt? Chrysostomus. Et cum aliae
mulieres astarent, nullius alterius meminit nisi matris, docens nos plus
aliquid matribus praebere. Sicut enim parentes circa spiritualia adversantes
neque nosse oportet, ita quando nihil impediunt, omnia decet eis praebere, et
aliis praeferre; unde subditur cum vidisset ergo Iesus matrem, et discipulum
stantem quem diligebat, dicit matri suae : mulier, ecce filius tuus. Beda.
Dilectionis indicio Evangelista suam demonstrat personam : non quod
exceptis ceteris solus, sed prae ceteris familiarius propter privilegium
castitatis a domino amabatur, quoniam virgo ab eo vocatus, virgo permansit in
aevum. Chrysostomus. Papae. Quanto discipulum honoravit honore. Sed
ipse seipsum occultat, moderate sapiens : si enim vellet gloriari, et causam
utique adiecisset propter quam amabatur : etenim conveniens est magnam
quamdam et mirabilem esse causam. Ideo autem nihil aliud Ioanni loquitur,
neque consolatur tristantem, quoniam tempus non erat verborum consolatione.
Sed neque parum erat honorari eum tali honore. Quia vero conveniens erat
matrem existentem dolore oppressam procurationem quaerere, quia ipse aberat,
discipulo qui diligebatur tradidit diligentiam habituro; unde sequitur deinde
dicit discipulo : ecce mater tua. Augustinus in Ioannem. Haec nimirum
est illa hora de qua Iesus aquam conversurus in vinum dixerat matri : quid
mihi et tibi est, mulier? Nondum venit hora mea. Tunc enim divina facturus,
non divinitatis, sed humanitatis vel infirmitatis matrem velut incognitam
repellebat; nunc autem humana iam patiens, ex qua factus fuerat homo, affectu
commendabat humano. Moralis igitur insinuatur locus, et exemplo suo instruit
praeceptor bonus, ut a filiis piis impendatur cura parentibus : tamquam
lignum illud ubi erant fixa membra morientis, etiam cathedra fuerit magistri
docentis. Chrysostomus in Ioannem. Itaque etiam Marcionis obstruit
inverecundiam : si enim non genitus est secundum carnem, neque matrem habuit;
cuius gratia tantam circa eam solam facit providentiam? Intuere autem
qualiter cum crucifigeretur, universa imperturbate agebat, discipulo loquens
de matre, prophetias implens, latroni bonam spem tribuens; antequam autem
crucifigeretur, trepidans videtur; nam illic quidem naturae imbecillitas
demonstrata est, hic autem virtutis superabundantia ostendebatur. Sed et nos
per hoc erudit, si ante adversa conturbamur, non propterea desistere; cum
vero agonem ingressi fuerimus, omnia sustinere ut facilia et levia.
Augustinus. Quia ergo matri, quam relinquebat, alterum pro se filium
quodammodo providebat, cur hoc fecerit ostendit in hoc quod subditur et ex
illa hora accepit eam discipulus in sua. Sed in quae sua Ioannes matrem
domini accepit? Neque enim non ex eis erat qui dixerant ei : ecce nos
dimisimus omnia, et secuti sumus te. Suscepit ergo eam in sua, non praedia,
quae nulla propria possidebat, sed officia, quae propria dispensatione
exequenda curabat. Beda. Alia littera habet : accepit eam discipulus
in suam, quidam volunt in suam matrem; sed congruentius subauditur in suam
curam. Lectio 9 [86152] Catena in Io., cap. 19 l. 9 Augustinus in
Ioannem. Patiebatur haec omnia qui apparebat homo, et ipse idem disponebat
haec omnia qui latebat Deus; unde dicitur postea, sciens quoniam omnia
consummata sunt, ut consummaretur Scriptura, idest quod Scriptura praedixerat
: et in siti mea potaverunt me aceto, dixit : sitio, tamquam diceret : hoc
minus fecistis : date quod estis. Iudaei quippe ipsi erant acetum,
degenerantes a vino patriarcharum et prophetarum. Vas ergo positum erat aceto
plenum : tamquam enim de pleno vase, de iniquitate mundi huius impletum cor
habentes, velut spongia, cavernosis quodammodo atque tortuosis latibulis
fraudulentum; unde sequitur illi autem spongiam plenam aceto, hyssopo
circumponentes, obtulerunt ori eius. Chrysostomus in Ioannem. Neque
enim ex his quae videbant facti sunt mansueti, sed saeviebant magis, et eum
potabant, condemnatorum pocula offerentes : propterea enim hyssopus appositus
erat. Augustinus. Hyssopum autem, cui circumposuerunt spongiam aceto
plenam, quoniam herba est humilis et pectus purgat, Christi humilitatem
congruenter accipimus; quam circumdederunt, et se circumvenisse putaverunt :
Christi namque humilitate mundamur. Ne moveat quomodo spongiam ori eius
potuerunt admovere qui in cruce fuerat exaltatus a terra : sicut enim apud
alios Evangelistas legitur, quod hic praetermisit, in arundine factum est, ut
in spongia talis potus ad crucis sublimia levaretur. Theophylactus. Quidam
vero hyssopum dicunt vocari arundinem : nam frondes habet arundini
consimiles. Sequitur cum ergo accepisset Iesus acetum, dixit : consummatum
est. Augustinus. Quid nisi quod prophetia tanto ante praedixerat?
Beda. Hic quaeri potest quomodo hic dicitur cum accepisset acetum, cum
alius Evangelista dicat : noluit bibere. Sed hoc facile solvitur : quoniam
non accepit ut biberet, sed ut quod scriptum erat impleret. Augustinus. Deinde,
quia nihil remanserat quod antequam moreretur fieri adhuc oporteret, sequitur
et inclinato capite tradidit spiritum, peractis omnibus quae ut peragerentur
expectabat, tamquam ille qui potestatem habebat ponendi animam suam, et
iterum sumendi eam. Gregorius Moralium. Spiritus autem hic pro anima
ponitur : si enim aliud spiritum quam animam Evangelista diceret, exeunte
spiritu anima remansisset. Chrysostomus. Non autem quoniam expiravit,
inclinavit caput, sed quia inclinavit caput, tunc expiravit; per quae omnia
indicavit Evangelista quoniam omnium dominus ipse erat. Augustinus. Quis
enim ita dormit quando voluerit, sicut Iesus mortuus est quando voluit?
Quanta speranda vel timenda potestas est iudicantis, si apparuit tanta
morientis? Theophylactus. Tradidit autem dominus spiritum Deo patri,
ostendens quod nequaquam sanctorum animae conversantur in tumulis, immo
deveniunt ad manus patris omnium, peccatoribus ad locum poenarum delatis,
videlicet ad Infernum. Lectio 10 [86153] Catena in Io., cap. 19 l. 10 Chrysostomus
in Ioannem. Iudaei qui camelum transglutiebant, culicem autem colabant,
cum tantam fuissent operati audaciam, de die diligenter ratiocinantur; unde
dicitur Iudaei ergo, quoniam parasceve erat, ut non remanerent in cruce
corpora sabbato. Beda. Parasceve, idest praeparatio, dicta est sexta
feria, quia eo die duplices sibi cibos filii Israel praeparabant. Erat enim
magnus dies ille sabbati; scilicet propter solemnitatem paschalem. Rogaverunt
Pilatum, ut frangerentur crura eorum. Augustinus in Ioannem. Non crura
tollerentur, sed hi quibus ideo frangebantur ut morerentur, auferrentur ex
ligno, ne pendentes in crucibus magnum diem festum sui diurni cruciatus
horrore foedarent. Theophylactus. Sic enim iubebatur in lege, non
occidere solem in hominis supplicio : vel quia noluerunt in die festo
tortores aut homicidae censeri. Chrysostomus. Vide autem qualiter
valida est veritas : per eorum enim studia prophetia completur; unde subditur
venerunt ergo milites, et primi quidem fregerunt crura, et alterius qui
crucifixus est cum eo; ad Iesum autem cum venissent, ut viderunt eum iam
mortuum, non fregerunt eius crura; sed unus militum lancea latus eius aperuit.
Theophylactus. Ut Iudaeis complaceant, lanceant Christum, circa corpus
exanime contumelias inferentes; sed contumelia in signum prodiit : sanguinem
enim de corpore extincto manare miraculosum est. Augustinus. Vigilanti
verbo Evangelista usus est, ut non diceret latus eius percussit, aut
vulneravit, sed aperuit, ut illic quodammodo vitae ostium panderetur, unde
sacramenta Ecclesiae manaverunt, sine quibus ad vitam quae vere vita est, non
intratur; unde sequitur et continuo exivit sanguis et aqua. Ille sanguis in
remissionem fusus est peccatorum : aqua illa salutare temperat poculum : hoc
et lavacrum praestat et potum. Hoc praenuntiabat quod Noe in latere arcae
ostium facere iussus est, quo intrarent animalia quae non erant diluvio
peritura, quibus praefigurabatur Ecclesia. Propter hoc prima mulier facta est
de viri latere dormientis; et hic secundus Adam inclinato capite in cruce
dormivit, ut inde formaretur ei coniux per id quod de latere dormientis
effluxit. O mors, unde mortui reviviscunt. Quid isto sanguine mundius, quid
isto vulnere salubrius? Chrysostomus. Et quia hinc suscipiunt
principium sacra mysteria, cum accesseris ad tremendum calicem, ut ab ipsa
bibiturus Christi costa, ita accedas. Theophylactus. Erubescant igitur
qui vinum in sacris non limphant mysteriis : videntur enim non credere quod
aqua de latere fluxerit. Potest tamen quis calumniose dicere, quod aliqua
virtus vitalis erat in corpore, et ideo sanguis effluxit; aqua vero manans
inexpugnabile signum fuit; et ideo Evangelista subiungit et qui vidit,
testimonium perhibuit. Chrysostomus. Quasi dicat : non ab aliis
audivit, sed ipse praesens vidit. Et verum est testimonium eius : quod
convenienter subiungit, convicium Christi enarrans, non magnum aliquod et
admirabile signum, ut sic suspectus sermo redderetur; sed ipse hoc dixit,
haereticorum ora praecludens, et futura personans mysteria, et eum qui
latebat in eis inspiciens thesaurum. Sequitur et ille scit quia vera dicit,
ut et vos credatis. Augustinus. Scit enim qui vidit, cuius credat
testimonio qui non vidit. Duo autem testimonia de Scripturis reddidit
singulis rebus quas factas fuisse narravit. Nam quia dixerat : non fregerunt
crura Iesu, subdidit facta sunt enim haec ut Scriptura impleretur : os non
comminuetis ex eo : quod praeceptum est eis qui celebrare Pascha iussi sunt
ovis immolatione in veteri lege, quae dominicae passionis umbra praecesserat.
Item quia subiunxerat : unus militum lancea latus eius aperuit, ad hoc
pertinet alterum testimonium quod subdit dicens et iterum alia Scriptura
dicit : videbunt in quem transfixerunt : ubi promissus est Christus in ea qua
crucifixus est carne futurus. Hieronymus. Hoc autem testimonium
sumptum est de Zacharia. Lectio 11 [86154] Catena in Io., cap. 19 l. 11 Chrysostomus
in Ioannem. Aestimans Ioseph extinctum esse Iudaeorum furorem Christo
crucifixo, cum fiducia accessit, ut deponendum funus procuraret; unde dicitur
post haec autem rogavit Pilatum Ioseph ab Arimathaea. Beda. Arimathaea,
ipsa est Ramatha civitas Helcanae et Samuelis. Caelitus autem provisum est ut
esset dives, ut ad praesidem posset accedere; et ut esset iustus, ut corpus
domini accipere mereretur; unde sequitur ut tolleret corpus Iesu, eo quod
esset discipulus Iesu. Chrysostomus. Non ex duodecim, sed ex septuaginta
: quoniam nullus ex duodecim accesserit. Et si timorem Iudaeorum quis pro
causa assumpserit, hic eodem detinebatur timore; unde dicitur occultus autem
propter metum Iudaeorum. Sed valde insignis erat, et Pilato notus; unde et
gratiam accepit; et hoc est quod subditur et permisit Pilatus. Et sepelit de
reliquo, non ut condemnatum, sed ut magnum quemdam et mirabilem; unde
subditur venit ergo, et tulit corpus Iesu. Augustinus de Cons. Evang. In
extremo enim illo officio funeri exhibendo, minus curavit de Iudaeis, quamvis
soleret in domino audiendo eorum inimicitias devitare. Beda. Sedata
enim utcumque eorum saevitia, eo quod se adversus Christum praevaluisse
gaudebant, corpus Christi petiit, quoniam non videbatur causa discipulatus
sed pietatis venisse, ut funeri officium impenderet; quod homines non solum
bonis, sed etiam malis solent impendere. Adiungitur autem ei et Nicodemus;
unde sequitur venit autem et Nicodemus, qui venerat ad Iesum nocte primum,
ferens mixturam myrrhae et aloes quasi libras centum. Augustinus
in Ioannem. Non ita distinguendum est, ut dicamus : primum ferens mixturam
myrrhae, sed ut quod dictum est primum, ad superiorem sensum pertineat. Venerat enim
ad Iesum Nicodemus nocte primum, quod idem Ioannes narravit in prioribus
Evangelii sui partibus. Hic ergo intelligendum est, ad Iesum non tunc solum,
sed tunc primum venisse Nicodemum; venisse autem postea, ut fieret audiendo
discipulus Christi. Ferunt autem pigmenta, quae maxime corpus apta sunt
quamplurimum conservare, et non permittere cito subici corruptioni : adhuc
enim ut de nudo homine disponebant, sed tamen multam dilectionem
demonstrabant. Beda. Notandum est autem, quod simplex
unguentum fuerit : quia ex diversis aromatibus licentiam conficiendi non
haberent. Sequitur acceperunt ergo corpus Iesu, et ligaverunt eum linteis cum
aromatibus, sicut mos est Iudaeis sepelire. Augustinus. In quo
Evangelista admonuit in huiusmodi officiis quae mortuis exhibentur, morem
cuiusque gentis esse servandum. Erat autem illius gentis consuetudo, ut
mortuorum corpora variis aromatibus condirentur, ut diutius servarentur
illaesa. Augustinus de Cons. Evang. Neque autem hic Ioannes aliis
repugnat : neque enim illi qui Nicodemum tacuerunt, affirmaverunt a solo
Ioseph dominum sepultum, quamvis solius commemorationem fecerint : aut quia
illi una sindone a Ioseph involutum dixerunt, propterea prohibuerunt
intelligi, et alia lintea potuisse afferri a Nicodemo, et superaddi; ut verum
narret Ioannes, quod non uno linteo, sed linteis involutus sit : quamvis et
propter sudarium quod capiti adhibeatur, et institas quibus corpus totum
alligatum est, quia omnia de lino erant, etiam si una sindon ibi fuit,
veracissime dici potuit ligaverunt eum linteis : lintea quippe generaliter
dicuntur quae lino texuntur. Beda. Hinc Ecclesiae consuetudo
descendit, ut corpus domini non in sericis et auro textis consecretur, sed in
sindone munda. Chrysostomus in Ioannem. Quia vero brevitate temporis
urgebantur : nona enim hora mortuo Christo, deinde accedentibus ad Pilatum et
deponentibus Christi corpus, vespera imminebat; ideo ponunt eum in proximo
monumento; unde subditur erat autem in loco ubi crucifixus est, hortus, et in
horto monumentum novum, in quo nondum quisquam positus fuerat : quod
dispensatione factum est, ne alterius alicuius, qui cum eo iaceret,
aestimaretur resurrectio facta esse. Augustinus in Ioannem. Sicut
etiam in Mariae virginis utero nemo ante illum, nemo post illum conceptus
est, ita in hoc monumento nemo ante illum, nemo post illum sepultus est.
Theophylactus. Per hoc etiam quod novum fuit sepulchrum, mystice datur
intelligi quod per Christi sepulturam omnes innovamur, morte et corruptione
destructa. Attende etiam abundantiam pro nobis susceptae paupertatis : nam
qui domum in vita non habuit, post mortem quoque in alieno sepulchro
reconditur, et nudus existens, a Ioseph operitur. Sequitur ibi ergo propter
parasceven Iudaeorum, quia iuxta erat monumentum, posuerunt Iesum.
Augustinus. Acceleratam vult intelligi sepulturam, ne advesperasceret,
quando iam propter parasceven, quam coenam puram Iudaei Latine usitatius apud
nos vocant, facere tale aliquid non licebat. Chrysostomus. Propinquum
autem fuit sepulchrum, ut discipuli possent cum facilitate accedere, et
consideratores fieri eorum quae eveniebant, prope existente loco; et ut
sepulturae testes essent etiam inimici custodientes sepulchrum, et ut falsus
ostenderetur is qui de furto sermo. Beda. Mystice autem Ioseph
interpretatur aptus pro acceptione boni operis; ad quod monemur ut corpus
domini digne percipere mereamur. Theophylactus. Nunc etiam quodammodo
Christus apud avaros mortificatur in paupere famem patiente. Esto ergo
Ioseph, et tege Christi nuditatem non semel, sed iugiter in tuo tumulo
spirituali considerando reconde, cooperi, et misce myrrham et aloem
amaricantia, considerando vocem illam : ite, maledicti, in ignem aeternum,
qua nihil amarius aestimo. |
CHAPITRE XIX
Versets 1-5.
S. Augustin : (Traité 116 sur S. Jean). Les Juifs ayant
demandé à grands cris qu'à l'occasion de la fêle de Pâques, Pilate leur
délivrât non pas Jésus, mais Barabbas, « alors, dit l’Evangéliste, Plate prit
Jésus elle fit flageller. » Il est vraisemblable que Pilate n'eut en cela
d'autre pensée que de rassasier lu cruauté des Juifs, par la vue de ce
châtiment ignominieux, et de les empêcher de pousser la fureur jusqu'à
demander la mort de Jésus. C'est dans le même dessein qu'il permit, ou
peut-être même qu'il ordonna aux soldats de sa cohorte de faire ce que
rapporte l'Evangéliste. Il raconte, en effet, ce que firent les soldats, mais
il ne dit point que ce fut par l'ordre de Pilate : « Et les soldats, ayant
tressé une couronne d'épines, la mirent sur sa tête, et le revêtirent d'un
manteau d'écarlate. Puis ils venaient, à lui, et disaient : Je vous salue,
roi des Juifs. » — S. Jean Chrysostome
: Comme pour répondre à ce que Pilate vient de dire, que Jésus était roi
des Juifs, ils le revêtent des insignes dérisoires de la royauté. — S. Bède : Pour diadème, ils lui
mettent sur la tête une couronne d'épines, et pour la pourpre dont se
servaient autrefois les rois, ils lui jettent sur les épaules un lambeau de
pourpre. Le récit de saint Jean n'est point ici en contradiction avec ce que
dit saint Matthieu, qu'on jeta sur lui un manteau d'écarlate; car, selon la
remarque d'Origène, l'écarlate et la pourpre ont une même origine; les
excroissances qui contiennent la cochenille laissent couler, par les
incisions qu'on leur fait, des gouttes de sang, qui servent à teindre à la
fois la pourpre et l'écarlate. Bien que ce fût par dérision que les soldats
traitent ainsi le Sauveur, ils accomplissaient pour nous des actions pleines
de mystères. La couronne d'épines signifiait que Jésus se chargeait de nos
péchés, que la terre de notre corps produit comme autant d'épines; le manteau
de pourpre est la figure de la chair, esclave de ses passions. Notre Seigneur
est encore revêtu de pourpre, lorsqu'il se glorifie des triomphes remportés
par les martyrs. S. Jean Chrysostome : Ce n'était point pour obéir aux ordres du
gouverneur que les soldats en agissaient ainsi, mais pour plaire aux Juifs.
Ce n'était point sur son ordre qu'ils étaient venus pendant la nuit se saisir
de Jésus, mais ils se portaient à tous les excès pour être agréables aux
Juifs, qui leur avaient promis de fortes sommes d'argent. Cependant, au
milieu de tant et de si cruels outrages, Jésus garde le silence. Pour vous,
ne vous contentez pas d'entendre le récit d'un tel spectacle, mais qu'il soit
toujours présent à votre esprit, et imitez le Roi de l'univers et le Seigneur
des anges, souffrant avec patience de semblables outrages, et les supportant
sans ouvrir la bouche. — S. Augustin :
C'est ainsi que Jésus-Christ accomplissait ce qu'il avait prédit de
lui-même; c'est ainsi qu'il enseignait les martyrs à supporter tout ce que la
cruauté des persécuteurs pourrait inventer contre eux; c'est ainsi que le
royaume qui n'était pas de ce monde triomphait de ce monde superbe, non pas
en livrant des combats sanglants, mais en souffrant avec patience et
humilité. S. Jean Chrysostome : Pilate, dans l'espérance que la vue de ces
sanglants outrages mettrait un terme à la fureur des Juifs, leur présente
Jésus couronné d'épines : « Pilate sortit de nouveau, et dit aux Juifs :
Voici que je vous l'amène dehors, afin que vous sachiez que je ne trouve en
lui aucune cause de mort. » — S.
Augustin : Nous avons ici une preuve que ce ne fut pas à l'insu de Pilate
que les soldats exercèrent ces actes de cruauté, soit qu'il les ait ordonnés,
soit qu'il les ait simplement permis, pour le motif que nous avons indiqué
plus haut, afin que ses ennemis pussent boire à longs traits ces sanglants
outrages, et éteindre ainsi la soif qu'ils avaient de son sang, « Jésus
sortit donc portant une couronne d'épines et un manteau d'écarlate. » Il
parait, non pas dans l'éclat de la royauté, mais au milieu des opprobres dont
il est rassasié. « Et Pilate leur dit : Voilà l'homme; » c'est-à-dire, si
vous portez envie au roi, épargnez du moins celui que vous voyez si
profondément humilié, et que toute votre envie s'apaise et tombe devant cet
excès d'ignominie. Versets 5-8.
S. Augustin : ( Traité 116 sur S. Jean). L'envieuse fureur
des Juifs contre Jésus-Christ ne fait que s'enflammer et s'accroître encore
davantage : « Les princes des prêtres et leurs satellites ne l'eurent pas
plutôt vu, qu'ils crièrent : Crucifiez-le, crucifiez-le. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 84 sur S.
Jean). Pilate, voyant l'inutilité de ses efforts, leur dit : « Prenez-le
vous-mêmes, et crucifiez-le. » C'est le langage d'un homme qui manifeste son
horreur pour une action, et qui semble engager à faire ce qu'il n'a pas voulu
accorder; car les Juifs ne lui avaient amené Jésus que pour qu'il fût
condamné par le jugement du gouverneur lui-même; or il arriva tout le contraire,
c'est-à-dire qu'il est déclaré innocent au tribunal du gouverneur. C'est ce
qu'il leur dit en propres termes : « Je ne trouve pas en lui de cause qui
mérite la mort. » C'est-à-dire qu'il ne cesse de le justifier de toutes les
accusations portées contre lui. Il est donc évident que ce n'est que pour
satisfaire leur fureur qu'il a livré Jésus à ces premiers et sanglants
outrages. Mais rien de tout cela ne fut capable d'émouvoir et de fléchir les
Juifs, semblables à des chiens affamés. « Les Juifs lui répondirent : Nous
avons une loi, et selon cette loi il doit mourir, parce qu'il s'est fait Fils
de Dieu. » — S. Augustin : Voici
un sujet d'envie plus grande encore. L'usurpation de la puissance royale, par
des moyens illicites, n'était rien auprès du cette ambition sacrilège.
Cependant Jésus ne s'était arrogé injustement ni l'un ni l'autre de ces
titres, il les possède tous les deux en vérité, il est le Fils unique de
Dieu, et Dieu l'a établi roi sur Sion, sa montagne sainte (Ps 2), et il lui
serait facile de donner actuellement des preuves de cette double puissance,
s'il ne préférait montrer que sa patience est d'autant plus grande que sa
puissance est plus étendue. — S. Jean
Chrysostome : Pendant qu'il est ainsi l'objet de leurs disputes, il
accomplit cette prophétie : « Il n'a pas ouvert la bouche, et dans son
humiliation son jugement a été supprimé. » — S. Augustin : (De l'accord des Evang., 2, 8). Cette accusation
des Juifs peut se rattacher à celle que rapporte saint Luc : « Nous l'avons
trouvé soulevant notre nation, » et à laquelle on peut ajouter : « Parce
qu'il s'est fait Fils de Dieu. » S. Jean Chrysostome : Pilate est effrayé de ce nouveau chef
d'accusation; il craint que ce qu'il vient d'entendre dire ne soit vrai, et
qu'il ne s'expose à commettre une plus grande injustice : « Pilate ayant
entendu ces paroles, dit l'Evangéliste, fut encore plus effrayé. » — S. Bède : Pilate est effrayé, non
point parce qu'il entend parler de la loi (puisqu'il était païen), mais parce
qu'il craint de mettre à mort le Fils de Dieu. — S. Jean Chrysostome : Les Juifs, au contraire, n'eurent point
horreur de ce qu'ils venaient de dire, et ils mettent à mort le Sauveur pour
une cause qui aurait dû les faire tomber tous en adoration devant lui. Versets 9-11.
S. Jean Chrysostome : (hom. 84 sur S. Jean). Pilate, saisi de
crainte, adresse à Jésus une nouvelle question : « Et, étant rentré dans le
prétoire, il dit à Jésus : D'où êtes-vous ? » Il ne lui demande plus :
Qu'avez-vous fait ? Mais Jésus ne lui fit aucune réponse. Pilate lui avait
entendu dire qu'il était né, et qu'il était venu pour rendre témoignage à la
vérité, et que son royaume n'était pas de ce monde; son devoir était donc de
résister courageusement à ses ennemis, et de le délivrer; mais au contraire
il se laisse entraîner par les injustes fureurs des Juifs : Jésus ne lui fait
donc aucune réponse, parce que les questions de Pilate n'étaient pas
sérieuses. D'ailleurs ses œuvres lui rendaient un témoignage assez éclatant,
et il ne voulait point triompher de ses accusateurs par ses discours et par
l'habileté de ses moyens de défense pour montrer qu'il était venu
volontairement pour souffrir. S. Augustin : Ce silence de Notre Seigneur Jésus-Christ,
dans plusieurs circonstances, est rapporté par tous les évangélistes. Jésus
se tait, en effet, devant le prince des prêtres, devant Hérode et devant
Pilate lui-même. Il accomplit ainsi pleinement cette prophétie : « Il est
demeuré dans le silence, sans ouvrir la bouche, comme un agneau est muet
devant celui qui le tond, » (Is 53) en ne répondant pas à ceux qui
l'interrogent. Il a répondu, sans doute, à plusieurs des questions qui lui
étaient faites, cependant la comparaison de l'agneau reste vraie pour les
circonstances où il n'a pas voulu répondre; ainsi sou silence est une preuve,
non de sa culpabilité, mais de son innocence, et il a été devant ses juges,
non comme un coupable convaincu de ses crimes, mais comme un innocent, immolé
pour les péchés des autres. S. Jean Chrysostome : Jésus, continuant de se taire, « Pilate lui
dit : Vous ne me parlez pas, ignorez-vous donc que j'ai le pouvoir de vous
crucifier et le pouvoir de vous délivrer ? » Voyez comme Pilate est lui-même
ici son propre juge. En effet, si tout dépend de vous, pourquoi ne
délivrez-vous pas celui en qui vous ne trouvez aucune cause de mort ? Après
que Pilate eut ainsi prononcé sa propre condamnation, Jésus lui répondit : «
Vous n'auriez sur moi aucun pouvoir, s'il ne vous était donné d'en haut. » Il
lui apprend ainsi que les événements qui le concernent ne suivent pas la
marche ordinaire des choses, et ne découlent pas de causes naturelles, mais
de raisons secrètes et surnaturelles; ne croyez pas cependant que le Sauveur
justifie entièrement pour cela la conduite de Pilate : « C'est pourquoi,
ajoute-t-il, celui qui m'a livré à vous est coupable, d'un plus grand péché.
» Mais, me direz-vous, si ce pouvoir a été donné d'en haut, ni Pilate, ni les
Juifs ne sont coupables d'aucun crime ? Vaine objection, car ce pouvoir lui a
été donné dans ce sens qu'il lui a été accordé, c'est-à-dire que Dieu a
permis tout ce qui arrivait, mais Pilate, et les Juifs n'en sont pas pour
cela moins coupables. S. Augustin : Notre Seigneur répond ici à la question qui
lui était faite; lors donc qu'il ne répondra pas, ce n'est ni par conscience
de sa culpabilité, ni par artifice, mais parce qu'il est semblable à
l'agneau, qui se tait devant ceux qui le tondent; et, lorsqu'il croit devoir
répondre, c'est pour enseigner, comme pasteur. Recueillons donc ici la leçon
que Notre Seigneur nous donne, et qu'il nous enseigne encore par son Apôtre :
« Il n'y a point de puissance qui ne soit de Dieu; » (Rm 13, 1) et celui qui,
poussé par un noir sentiment d'envie, livre au pouvoir un innocent pour le
faire mettre à mort, est plus coupable que le dépositaire du pouvoir lui-même
qui condamne cet innocent, parce qu'il craint le pouvoir qui lui est
supérieur. En effet, le pouvoir que Dieu avait donné à Pilate était
subordonné à celui de César. C'est pour cela que Jésus lui dit : « Vous
n'auriez sur moi aucun pouvoir (c'est-à-dire le moindre pouvoir tel que celui
que vous avez), si ce pouvoir, quel qu'il soit, ne vous avait été donné d'en
haut. » Mais comme je connais l'étendue de ce pouvoir (qui ne va pas jusqu'à
être complètement indépendant), je déclare que a celui qui m'a livré entre
vos mains est coupable d'un plus grand péché. » C'est par un sentiment
d'envie qu'il m'a livré à votre pouvoir, tandis que c'est par un sentiment de
crainte que vous exercez contre moi ce pouvoir. Jamais on ne doit sacrifier à
la crainte la vie d'un innocent, mais c'est un bien plus grand crime de la
sacrifier à l'envie. Aussi Notre Seigneur ne dit pas : Celui qui m'a livré
entre vos mains est coupable de péché (comme si Pilate lui-même ne l'était
pas), mais : il est coupable d'un plus grand péché; » paroles qui devaient
faire comprendre à Pilate qu'il était loin d'être exempt de faute. —
THEOPHYLACTE. « Celui qui m'a livré, » c'est-à-dire Judas, ou la foule.
Devant cette réponse si claire de Jésus : « Si je ne me livrais moi-même, et
si mon Père ne vous l'accordait, vous n'auriez sur moi aucun pouvoir, »
Pilate fait de plus grands efforts pour délivrer Jésus. « De ce moment,
Pilate cherchait à le délivrer. » — S.
Augustin : Lisez ce qui précède, et vous trouverez que déjà il avait
cherché les moyens de mettre Jésus en liberté. L'expression : « Depuis lors,
de ce moment, de là, » signifie : à cause de cela, pour ce motif,
c'est-à-dire pour ne pas se rendre coupable de péché, en condamnant à mort un
innocent qui était livré entre ses mains. Versets 12-16.
S. Augustin : (Tr. 116 sur S. Jean). Les Juifs
s'imaginèrent qu'en menaçant Pilate de César, ils lui inspireraient une
crainte plus grande encore, et qu'ils obtiendraient de lui la condamnation de
Jésus plus efficacement que lorsqu'ils lui avaient dit : « Nous avons une
loi, et selon notre loi il doit mourir, parce qu'il s'est fait Fils de Dieu.
» Mais les Juifs criaient : « Si vous le délivrez, vous n'êtes point ami de
César, car quiconque se fait roi n'est pas ami de César. » — S. Jean Chrysostome : (Hom. 84 sur S.
Jean). Mais comment pouvez-vous prouver qu'il a voulu se faire roi ? Par la
pourpre dont il était revêtu ? par son diadème ? par ses chars ? par ses
soldats ? Est-ce qu'il ne marchait pas toujours seul avec ses douze disciples,
ne se servant que de ce qu'il y avait de plus commun pour sa nourriture, pour
son vêtement, pour son habitation ? S. Augustin : La crainte de la loi des Juifs n'avait eu
aucune influence sur Pilate pour le déterminer à faire mourir Jésus-Christ;
il avait craint bien plus de livrer à la mort le Fils de Dieu. Mais il ne put
se résoudre à ne pas tenir compte de César, de qui venait son pouvoir, comme
il avait fait pour la loi d'un peuple étranger. Aussi, dit l'Evangéliste, «
Pilate, ayant entendu ces paroles, fit amener Jésus dehors, et il s'assit sur
son tribunal au lieu qui est appelé lithostrotos, on hébreu gabatha. » — S. Jean Chrysostome : Pilate quille
les Juifs pour examiner plus sérieusement encore cette affaire, ce
qu'indiquent ces paroles : « Il s'assit sur son tribunal. » — La Glose : Le tribunal est pour les
juges ce que le trône est pour les rois, ce que la chaire est pour les
docteurs. — S. Bède : Le mot
lithostrotos, qui signifie terrain pavé de pierres, était un lieu élevé comme
l'indique le mot hébreu. C'était le jour de la préparation de la Pâque, vers la sixième heure.
— Alcuin : Le mot parasceve veut
dire préparation. C'est le nom que l'on donnait au sixième jour de la
semaine, parce que l'on préparait en ce jour ce qui était nécessaire pour le
jour du sabbat, comme Dieu l'avait recommandé pour la manne : « Le sixième
jour, vous en recueillerez le double. » (Ex 16) L'homme a été créé le sixième
jour, et Dieu s'est reposé le septième, c'est pour cela que le Sauveur a
voulu souffrir le sixième jour, et reposer le septième jour dans le sépulcre
: « C'était vers la sixième heure. » — S.
Augustin : (Traité 117 sur S. Jean). Pourquoi donc saint Marc
rapporte-t-il que ce fut à la troisième heure qu'ils le crucifièrent ?
C'est-à-dire, qu'il fut crucifié à la troisième heure par les langues des
Juifs, et qu'il le fut à la sixième heure par les mains des soldats. Il nous
faut donc comprendre que la cinquième heure était passée, et la sixième
commencée lorsque Pilate s'assit sur son tribunal à la sixième heure, comme
le dit saint Jean, et que cette sixième heure s'écoula tout entière, pendant
le trajet du Calvaire, le crucifiement et les différentes circonstances qui
se passèrent au pied de la croix. C'est depuis cette heure jusqu'à la
neuvième que le soleil s'obscurcit, et que les ténèbres se répandirent sur
toute la terre, comme l'affirment les trois évangélistes saint Matthieu,
saint Marc et saint Luc. Mais comme les Juifs ont cherché à rejeter sur les
Romains (c'est-à-dire sur Pilate et ses soldats), le crime d'avoir mis à mort
Jésus-Christ, saint Marc passe sous silence l'heure à laquelle les soldats
crucifièrent le Sauveur, et rappelle de préférence la troisième heure, pour
nous faire comprendre que ce ne sont pas seulement les soldats qui l'ont crucifié,
mais encore les Juifs qui ont demandé à grands cris, à la troisième heure,
qu'il fût crucifié. On peut encore expliquer autrement celte difficulté en
prenant cette sixième heure comme la sixième heure de la préparation et non
la sixième heure du jour. En effet, saint Jean ne dit pas : C'était vers la
sixième heure du jour, mais : « C'était vers la sixième heure de la
préparation. » Le mot parascere signifie eu latin prœparatio, et, comme le
dit l'Apôtre : « Jésus-Christ, notre Agneau pascal, a été immolé. » (1 Co 5)
Or, si nous comptons la préparation de cette pâque, depuis la neuvième heure
de la nuit, où les princes des prêtres prononcèrent l'arrêt de mort du
Sauveur, en disant : « Il est digne de mort, » jusqu'à la troisième heure du
jour, où l'évangéliste saint Marc rapporte qu'il fut crucifié, nous trouvons
six heures, trois heures de nuit et trois heures de jour. — Théophylactus : Il en est qui
résolvent cette difficulté en rejetant cette variante sur la négligence d'un
copiste parmi les Grecs, chez qui les lettres de l'alphabet font l'office de
chiffres. En effet, la lettre grec appelée γάμμα qui
est caractérisée par la γ, désigne la troisième heure, tandis qu'une
autre lettre qui a quelque ressemblance avec la première, c'est-à-dire, la
lettre ς, signifie la sixième heure. Or, il a pu très-bien arriver que,
par la négligence des copistes, un de ces signes ait été employé pour
l'autre. S. Jean Chrysostome : Pilate était sorti sous le prétexte de
procéder à un nouvel interrogatoire, mais au fond il n'en fait rien, et il
abandonne Jésus aux Juifs, espérant les fléchir par cette condescendance : «
Et il dit aux Juifs : Voilà votre roi. » — Théophylactus : C'est-à-dire : Voilà cet homme que vous accusez
de vouloir usurper la royauté; dans cet étal d'humiliation, il ne peut rien
entreprendre de semblable. — S. Jean
Chrysostome : Tout ce que Pilate leur avait déjà dit devait suffire pour
apaiser leur fureur, mais ils craignaient qu'une fois délivré, Jésus
n'entraînât de nouveau la multitude après lui; car l'ambition est pleine
d'artifices, et elle est capable de conduire une âme à sa perte. Aussi les
Juifs redoublent-ils leurs instances : « Mais eux criaient : Otez-le, ôtez-le
du monde. » Ils s'efforcent de le faire mourir de la plus ignominieuse des morts,
et c'est pour cela qu'ils ajoutent : « Crucifiez-le, » tant ils redoutent que
sa renommée survive à sa mort. — S.
Augustin : Pilate cherche encore à surmonter la terreur que lui a inspiré
le nom de César : « Pilate leur demanda : Crucifierai-je votre roi ? » Il
veut fléchir par la considération de leur propre ignominie ceux qu'il n'a pu
adoucir par le spectacle des ignominies de Jésus-Christ. « Les pontifes répondirent : Nous n'avons de roi que César. » — S. Jean Chrysostome : Dieu ne les a
livrés au châtiment que parce qu'ils l'avaient choisi de leur pleine volonté.
Ils ont repoussé unanimement le règne de Dieu, et Dieu les a rendus victimes
de leur propre jugement. Ils ont repoussé le règne de Jésus-Christ et ils ont
appelé sur eux le règne de César. S. Augustin : Enfin Pilate se laisse vaincre par la
crainte : « Alors, il le leur livra pour être crucifié. » Il aurait paru, en
effet, se déclarer ouvertement contre César en persistant à vouloir donner un
autre roi à ceux qui déclaraient n'avoir d'autre roi que César, et en
accordant l'impunité à celui dont ils lui demandaient la mort parce qu'il
avait osé aspirer à la royauté. L'Evangéliste ne dit pas : Il le leur livra
pour qu'ils le crucifiassent, mais : « Afin qu'il fût crucifié, » en vertu du
jugement et du pouvoir du gouverneur. Mais il dit positivement que Jésus leur
fut livré pour montrer qu'ils étaient étroitement associés au crime dont ils
s'efforçaient d'éloigner d'eux le soupçon; car jamais Pilate ne serait arrivé
à cette extrémité s'il n'avait voulu en cela satisfaire leurs plus vifs
désirs. Versets 16-18.
La Glose : Sur l'ordre qui leur fut donné par le
gouverneur, les soldats se saisirent de Jésus pour le crucifier : « Ils
prirent donc Jésus et remmenèrent. » — S.
Augustin : (Traité 110 sur S. Jean). On peut entendre ici que ce furent
les soldais qui faisaient partie de la garde du gouverneur, car plus bas
l'Evangéliste s'exprime sans ambiguïté : « Lorsque les soldats l'eurent
crucifié. » Mais quand il attribuerait exclusivement aux Juifs l'exécution
tout entière du crime, ce ne serait que justice, car ils sont véritablement
les auteurs de la condamnation qu'ils ont arrachée à Pilate. S. Jean Chrysostome : (Hom. 83 sur S. Jean). Mais comme aux yeux
des Juifs le bois de la croix était un bois souillé qu'ils évitaient avec
soin et qu'ils n'auraient jamais consenti à toucher, ils en chargèrent Jésus
lui-même comme un criminel condamné à mort : « Et portant sa croix, » etc.
C'est ce qui déjà avait eu lieu dans celui qui était la figure du Sauveur, Isaac,
qui avait porté lui-même le bois de son sacrifice : mais alors le sacrifice
figuratif ne s'accomplit que dans la volonté du père, tandis qu'il dut
s'accomplir ici en réalité, parce que c'était la vérité. — Théophylactus : De même qu'Isaac fut
délivré et qu'un bélier fut immolé en sa place, de même la nature divine
demeure ici impassible, et il n'y a eu d'immolé que l'humanité, qui fait
comparer le Sauveur à un bélier, comme étant le fils d'Adam, semblable à un
bélier qui s'est égaré. Mais comment expliquer ce que dit un autre
évangéliste, qu'ils forcèrent Simon de porter la croix ? — S. Augustin : (De l'accord des
Evang., 3, 10). Les deux choses se sont faites successivement, d'abord ce que
dit saint Jean, et ensuite ce que rapportent les trois autres évangélistes;
il faut donc admettre qu'il portait lui-même sa croix au moment où il se
dirigeait vers le lieu du Calvaire. S. Augustin : (Trait. 117 sur S. Jean). Quel grand
spectacle ! Mais aux yeux de l'impiété, quel immense sujet de moquerie ! aux
yeux de la piété, quel grand et touchant mystère ! L'impiété tourne en
dérision ce Roi qu'elle voit, au lieu de sceptre, porter le bois de son
supplice; la piété contemple ce Roi qui porte cette croix où il devait se
clouer lui-même avant de la placer sur le front des rois. Cette croix le
rendra un objet de mépris pour les impies, mais les cœurs des saints y
placeront toute leur gloire. Il relève donc, la croix en la portant sur ses
épaules, et il portait ainsi le chandelier de cette lampe qui devait répandre
sa lumière et ne point demeurer sous le boisseau. — S. Jean Chrysostome : Semblable aux triomphateurs, il portait sur
ses épaules le signe de sa victoire. Il en est qui prétendent qu'Adam est mort et enseveli dans cet
endroit qui est appelé Calvaire, et que Jésus avait voulu établir le trophée
de sa victoire là où la mort avait inauguré son règne. — S. JER. (Sur S.
Matth). Cette opinion flatte agréablement l'esprit du peuple, mais elle est
dénuée de vérité. Car, c'est hors de la ville et au delà des portes que l'on
tranchait la tête à ceux que l'on condamnait à mort, d'où ce lieu a pris le
nom de Calvaire (ou lieu de ceux qui sont décapités). Quant à Adam, nous
lisons dans le livre de Josué, fils de Navé, qu'il a été enseveli entre Ebron
et Arbée. S. Jean Chrysostome : Or, ils le crucifièrent avec des voleurs,
dit l'Evangéliste : « Ils le crucifièrent, et avec lui deux antres, un de
chaque côté, et Jésus au milieu, » accomplissant ainsi malgré eux la
prophétie d'Isaïe : « Il a été mis au nombre des scélérats; » (Is 53) et
c'est que ce qu'ils faisaient pour l'outrager servait au triomphe de la
vérité. Le démon voulait obscurcir l'éclat de cette mort, mais il ne put y
parvenir. Il y avait trois crucifiés, mais personne n'attribua à un autre
qu'à Jésus les miracles qui se firent. Tous les efforts du démon furent donc
inutiles; et, loin d'obscurcir sa gloire, il la fit briller d'un plus vif
éclat, car le miracle que fit Jésus en convertissant un des voleurs et en lui
ouvrant les portes du ciel est bien plus grand que celui d'ébranler et de
fendre les rochers. S. Augustin : (Trait. 31 sur S. Jean, vers la fin).
Cependant, si vous voulez y faire attention, la croix de Jésus fut un
tribunal; le juge était placé au milieu de deux criminels : l'un des deux
crut et fut sauvé; l'autre insulta son juge et fut condamné. Il commençait à
faire dès lors ce qu'il doit accomplir un jour à l'égard des vivants et des
morts, en plaçant les uns à sa droite et les autres à sa gauche. Versets 19-22.
S. Jean Chrysostome : (Hom. 84 sur S. Jean). De même que l'on met
sur les trophées des inscriptions qui rappellent les victoires des
triomphateurs, ainsi Pilate place une inscription sur la croix de Jésus : «
Pilate fil aussi une inscription qu'il fit mettre au haut de la croix. » Il
veut par là prendre la défense de Jésus-Christ et séparer sa cause de celle
des voleurs, et tout à la fois se venger des Juifs, en faisant ainsi
connaître publiquement l'excès de leur malice, qui les a portés à s'élever
contre leur propre roi : « Il y était écrit : Jésus de Nazareth, roi des
Juifs. » — S. Bède : Il était
ainsi démontré que le règne de Jésus-Christ, loin d'être détruit comme le
pensaient les Juifs, était bien plutôt affermi. — S. Augustin : (Traité 118 sur S. Jean). Mais est-ce que Jésus est
seulement le roi des Juifs ? a'est-il pas aussi le roi des Gentils ? Oui sans
doute, il l'est aussi des Gentils, car après avoir dit par la bouche du
prophète : « J'ai été établi roi par lui sur Sion, sa montagne sainte, » il
ajoute : « Demandez-moi, et je vous donnerai les nations pour héritage. » (Ps
20) Il nous faut donc voir dans cette inscription un grand mystère,
c'est-à-dire, que l'olivier sauvage a pris part à la sève et au suc de
l'olivier (Rm 11, 17), et que ce n'est pas l'olivier franc qui a pris part à
l'amertume de l'olivier sauvage. Jésus-Christ est donc le roi des Juifs, mais
des Juifs circoncis de cœur plutôt qu'extérieurement, de cette circoncision
qui se fait par l'esprit, et non par la lettre. « Beaucoup de Juifs lurent cette inscription, parce que le lieu où
Jésus fut crucifié était près de la ville. » — S. Jean Chrysostome : Il est vraisemblable qu'un grand nombre de
Gentils s'étaient rendus avec les Juifs à Jérusalem pour la fête de Pâque, et
afin que tous pussent lire cette inscription, elle fut écrite non dans une
seule langue, mais dans trois langues différentes : « Elle était écrite en
hébreu, en grec et en latin. » — S. Augustin : Ces trois
langues étaient alors les plus répandues : la langue hébraïque, qui était
celle des justes, qui se glorifiaient de leur loi; la langue grecque, celle
des sages parmi les païens; la langue latine, qui était celle des Romains,
dont la domination s'étendait alors sur presque toutes les nations de la
terre. — Théophylactus : Cette
inscription en trois langues signifiait que le Christ était le roi des trois
sciences, la science pratique, la physique et la théologie. La langue latine
figure la science pratique, les Romains ayant déployé, dans leurs
expéditions, une puissance et une habileté sans égale; la langue grecque est
le symbole de la science physique, parce qu'en effet les Grecs ont consacré
tous leurs efforts à la découverte des phénomènes de la nature; enfin la
langue hébraïque signifie la théologie, parce que c'est aux Juifs qu'a été
confiée la connaissance des choses divines. S. Jean Chrysostome : L'envie des Juifs poursuit Jésus-Christ
jusque sur la croix : « Les princes des prêtres dirent donc à Pilate :
N'écrivez point : Le roi des Juifs; mais qu'il s'est dit roi des Juifs. » Car
cette inscription semble affirmer la proposition qu'elle exprime; mais si
l'on ajoute : Qu'il s'est dit roi des Juifs, on y verra une preuve de son
audacieuse et criminelle ambition. Mais Pilate persévère dans son premier
dessein : « Pilate répondit : Ce qui est écrit est écrit. » — S. Augustin : O puissance ineffable
de l'action de Dieu jusque dans les cœurs de ceux qui la méconnaissent ! Ne
semble-t-il pas qu'une voix secrète, un silence qui avait son éloquence
faisait retentir aux oreilles de son âme ce qui avait été prédit si longtemps
auparavant dans le livre des Psaumes : « Ne changez pas l'inscription du
titre ? » Mais que dites-vous, prêtres insensés ! Cette inscription
cessera-t-elle d'être vraie, parce que Jésus a dit : « Je suis roi des Juifs
? » Si l'on ne peut changer ce que Pilate a écrit, pourra-t-on changer ce qui
est affirmé par la vérité elle-même ? Pilate a écrit ce qu'il a écrit, parce
que le Seigneur a véritablement dit ce qu'il a dit. Versets 23-24.
S. Augustin : (Traité 118 sur S. Jean). Sur le jugement
rendu par Pilate, les soldats placés sous ses ordres crucifièrent Jésus,
comme le dit l'Evangéliste : « Les soldats, après avoir crucifié Jésus, »
etc. Et cependant si nous considérons les intentions, si nous prêtons
l'oreille aux cris qui se font entendre, ce sont bien plutôt les Juifs qui
l'ont crucifié. Les trois autres évangélistes ont raconté plus succinctement
ce fait et le tirage au sort des vêlements du Sauveur, tandis que saint Jean
entre ici dans de plus grands détails : « Ils prirent ses vêtements et ils en
firent quatre parts, » etc. On voit par là que ce furent quatre soldats qui
crucifièrent Jésus par les ordres de Pilate : « Et sa tunique; »
sous-entendez : « Ils prirent » pour donner à la phrase ce sens : « Ils
prirent aussi sa tunique. » L'Evangéliste s'exprime de la sorte pour nous
faire comprendre que les soldats partagèrent les autres vêtements sans les
tirer au sort, ce qu'ils ne firent que pour la tunique, qu'ils prirent avec
ses autres vêtements sans la partager. « Et cette tunique, poursuit-il, était
sans couture, d'un seul tissu depuis le liant jusqu'en bas. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 85 sur S.
Jean). Saint Jean nous fait ici une description de la tunique du Sauveur, et
comme c'est l'usage dans la Palestine de faire les vêtements avec deux
morceaux d'étoffe que l'on réunit ensemble, il veut nous montrer que telle
était la tunique de Jésus, pour nous faire comprendre indirectement la
pauvreté de ses vêtements. — Théophylactus
: D'autres disent que dans la Palestine on tisse la toile non comme chez
nous en mettant le tissu au-dessous et la chaîne au-dessus de manière que le
tissu se dirige vers le haut, mais dans un sens tout contraire. S. Augustin : L'Evangéliste nous apprend ensuite pourquoi
cette tunique fut tirée au sort : « Ils se dirent donc entre eux : Ne la
divisons point, » etc. Ils avaient donc divisé en parties égales les autres
vêtements, ce qui avait rendu superflu le tirage au sort; mais pour cette
tunique, ils ne pouvaient en avoir chacun une partie qu'en la coupant en
quatre lambeaux qui leur eussent été complètement inutiles. Pour éviter cet
inconvénient, ils aimèrent mieux que le sort la rendît la part d'un seul. Les
oracles des prophètes viennent rendre ici témoignage au récit évangélique : «
Afin que s'accomplît cette parole de l'Ecriture : Ils se sont partagé mes
vêtements, » etc. — S. Jean
Chrysostome : Voyez quelle précision dans sa prophétie; le Prophète ne
prédit pas seulement ce que les soldats ont partagé, mais ce qui n'a pu être
l'objet d'un partage, en effet, ils ont partagé les vêtements, mais ils ont
tiré au sort la tunique qu'ils n'ont pas voulu diviser. S. Augustin : Le récit de saint Matthieu ainsi conçu : «
Ils se partagèrent ses vêtements en les tirant au sort, » a voulu nous faire
entendre que ce partage s'étendit à tous les vêtements et à la tunique
elle-même qu'ils tirèrent au sort. Saint Luc s'exprime en termes à peu près
semblables : « Partageant ensuite ses vêtements, ils les jetèrent au sort, »
c'est-à-dire qu'en partageant ses vêtements, ils en vinrent à la tunique
qu'ils tirèrent au sort. Saint Luc a mis le mot sort au pluriel sortes pour
le singulier sortem. Le récit du saint Marc, seul paraît faire quelque
difficulté : « Ils se partagèrent ses vêtements, les tirant au sort, pour
savoir ce que chacun en emporterait. » Il semble par là qu'ils aient tiré au
sort la totalité des vêtements, et non la tunique seule; mais cette ambiguïté
n'est due qu'à la concision du récit. Ces paroles : « Les tirant au sort »
équivalent à celles-ci : « Les tirant au sort au moment du partage. » Il
ajoute : « Pour savoir ce que chacun en emporterait, » c'est-à-dire, pour
savoir qui emporterait sa tunique, et le sens complet de la phrase serait
celui-ci : « Ils tirèrent ses vêtements au sort pour savoir qui emporterait
sa tunique qui restait après le partage égal des autres vêtements. Les
vêtements du Sauveur partagés en quatre parts représentent l'universalité de
l'Eglise qui s'étend aux quatre parties du monde, et qui se trouve également
répandue dans chacune d'elles. La tunique tirée au sort figure l'unité de
toutes les parties unies entre elles par le lien de la charité. Mais si la
charité nous ouvre une voie plus excellente (1 Co 12), si elle est supérieure
à la science (Ep 3), si elle est le premier de tous les commandements selon
ces paroles de saint Paul : « Par-dessus tout ayez la charité, » (Col 3)
c'est avec raison que le vêlement qui fin est le symbole est d'un seul tissu
depuis le haut jusqu'en bas. L'Evangéliste ajoute : « Jusqu'en bas, » car il
faut nécessairement avoir la charité pour appartenir à ce grand tout qui
s'appelle l'Eglise catholique. Elle est sans couture pour qu'elle ne puisse
se séparer, et elle devient la possession d'un seul, parce qu'elle ramène
tous les hommes à l'unité. Le tirage au sort est une figure de la grâce de
Dieu, car lorsqu'on règle une chose par le sort on ne tient compte ni de la
qualité des personnes ni de leurs mérites, mais on laisse la décision aux
dispositions secrètes des jugements de Dieu. S. Jean Chrysostome : Ou bien encore, selon l'interprétation de
quelques-uns, cette tunique sans couture, d'un seul tissu dans toute son
étendue, figure dans le sens allégorique que ce n'est pas seulement un homme
mais un Dieu qui est crucifié. Théophylactus : On peut dire encore que cette tunique sans
couture est la figure du corps de Jésus-Christ qui est comme tissu dans sa
partie supérieure, car l'Esprit saint est survenu dans la Vierge Marie; et la
vertu du Très-Haut l'a couverte de son ombre. Le très-saint corps de
Jésus-Christ est donc indivisible; car bien qu'il soit distribué à tous pour
sanctifier l'âme et le corps de chaque fidèle, cependant il est dans tous en
entier et d'une manière indivisible. Comme le monde visible est composé de
quatre éléments, on peut voir dans les vêtements du Sauveur partagés en
quatre parties égales les créatures visibles que les démons se partagent
entre eux, toutes les fois qu'ils mettent à mort le Verbe de Dieu qui habite
en nous, et qu'ils s'efforcent de nous entraîner dans leur malheureux sort
par les charmes trompeurs des plaisirs du monde. S. Augustin : De ce que cette action est accomplie par des
hommes pervers, il ne s'ensuit pas qu'elle ne puisse être la figure d'une
bonne chose, car alors que dirons-nous de la croix elle-même qui a été
préparée par les impies ? Et cependant nous y voyons figurées ces dimensions
mystérieuses dont parle l'Apôtre, c'est-à-dire, « la largeur, la longueur, la
hauteur et la profondeur. » (Ep 3, 18). La largeur est dans le bois
transversal sur lequel les bras du crucifié sont étendus, elle figure les
bonnes oeuvres qui s'accomplissent dans toute l'expansion de la charité. La
longueur est dans la partie qui descend jusqu'à terre et signifie la
persévérance qui est égale à la longueur du temps. La hauteur est dans le
sommet qui s'élève au-dessus de la partie transversale; elle figure la fin
surnaturelle à laquelle nous devons rapporter toutes nos oeuvres. La
profondeur enfin est dans la partie qui s'enfonce dans la terre; cette partie
est cachée, c'est elle cependant qui soutient toutes les parties apparentes
de la croix; c'est ainsi que le principe de toutes nos bonnes oeuvres sort
des profondeurs de la grâce de Dieu que personne ne peut comprendre. Mais
quand même la croix de Jésus-Christ ne figurerait autre chose que ce que
l'apôtre saint Paul exprime en ces termes : « Ceux qui appartiennent à
Jésus-Christ ont crucifié leur chair avec ses passions ni ses désirs
déréglés; » (Ga 5, 24) quel grand bien ce serait déjà ! Enfin qu'est-ce que
le signe de Jésus-Christ, si ce n'est sa croix ? Si on n'imprime ce signe sur
les fronts des fidèles, si on ne le trace sur l'eau qui les régénère, sur
l'huile du chrême qui sert à l'onction sainte, sur le sacrifice qui les
nourrit, aucun de ces sacrements n'est administré suivant les règles de leur
institution divine. Versets 24-27.
Théophylactus : Pendant que les soldats s'occupaient de
leurs misérables intérêts, Jésus étendait sa sollicitude sur sa sainte Mère :
« Voilà ce que firent les soldats. Cependant, debout près de la croix de
Jésus était sa mère, » etc. — S. AMBR. (Lettre à l'Eglise de Verceil). Marie,
mère de Jésus se tenait debout au pied de la croix de son Fils, saint Jean
est le seul qui nous apprenne cette circonstance. Les autres évangélistes ont
décrit le monde ébranlé au moment où le Sauveur fut crucifié, le ciel couvert
de ténèbres, le soleil refusant sa lumière, le ciel ouvert au bon larron
pieusement repentant. Mais saint Jean nous apprend ce dont les autres n'ont
point parlé, les paroles qu'il a, du haut de la croix, adressées à sa mère.
Il a estimé qu'il était plus merveilleux que Jésus triomphant de ses douleurs
ait donné à sa mère ce témoignage de tendresse, que d'avoir fait don du ciel
au bon larron; car si la grâce qu'il accorde au bon larron est une preuve de
sa miséricorde, cet hommage public d'affection extraordinaire que le Fils
rend à sa mère témoigne une piété filiale bien plus grande et plus admirable.
« Femme, lui dit-il, voilà votre Fils, » et au disciple : « Voilà votre mère.
» Jésus-Christ testait du haut de la croix, et son affection se partageait
entre sa mère et son disciple. Le Sauveur faisait alors non-seulement son
testament pour tous les hommes, mais son testament particulier et domestique,
et ce testament recevait la signature de Jean, digue témoin d'un si grand
testateur. Testament qui avait pour objet, non une somme d'argent, mais la
vie éternelle, qui n'était point écrit avec de l'encre, mais avec l'Esprit du
Dieu vivant (2 Co 3) : « Ma langue, disait le Psalmiste, est comme la plume
de l'écrivain qui écrit très-vite. » (Ps 44) Il ne convenait pas non plus que
Marie fût au-dessous de ce qu'exigeait la dignité de mère de Dieu; aussi
tandis que les Apôtres ont pris la fuite, elle se tient debout au pied de la
croix, elle jette des regards pieusement attendris sur les blessures de son
Fils, parce qu'elle considère non la mort de ce Fils chéri, mais le salut du
monde. Ou bien encore, comme elle savait que la mort de son Fils devait être
la rédemption du monde, elle croyait en formant ainsi la cour de ce divin
Fils ajouter par sa propre mort au sacrifice qu'il offrait pour tous les
hommes : mais Jésus n'avait pas besoin qu'on vînt lui prêter secours pour la
rédemption du monde, lui qui a sauvé tous les hommes sans le secours de
personne; ce qui lui fait dire par la bouche du Roi-prophète : « J'ai été
comme un homme sans aide, libre entre les morts. » (Ps 87) Il accepte le
témoignage d'affection de sa mère, mais il n'implore le secours d'aucune
créature. Mères pieuses, imitez cette Vierge sainte qui dans la mort de son
Fils unique et bien-aimé vous donne un si grand exemple de vertu maternelle;
car jamais vous n'avez eu des enfants plus chéris, et cette divine Vierge ne
pouvait avoir, comme vous, l'espérance de donner le jour à un autre fils. S. JER. (Contre Helvid). Cette Marie qui est appelée dans saint Marc
et dans saint Matthieu la mère de Jacques et de Joseph, fut l'épouse d'Alphée
et la sœur de Marie, mère du Seigneur. Saint Jean l'appelle Marie de
Cléophas, nom qui lui vient soit de son père, soit de sa famille, soit de
quelque autre cause. Si vous étiez tenté de croire que Marie, mère de Jacques
le Mineur, et celle qui est ici appelée Marie de Cléophas sont deux personnes
différentes, il faut vous rappeler que la coutume de l'Ecriture est de donner
différents noms à une seule et même personne. — S. Jean Chrysostome : Remarquez ici que c'est le sexe le plus
faible qui fit paraître le plus de courage; les femmes restent au pied de la
croix pendant que les disciples se sont enfuis. S. Augustin : (De l'acc. des Evang., 3, 21). Si saint
Matthieu et saint Luc n'avaient pas désigné nominativement Marie-Madeleine,
nous aurions pu dire que parmi ces femmes les unes s'étaient tenues près de
la croix, et les autres plus éloignées, car saint Jean seul fait ici mention
de la mère du Sauveur. Mais comment entendre que la même Marie-Madeleine
s'est tenue loin de la croix (comme le rapportent saint Matthieu et saint
Luc) et qu'elle fût au pied de la croix, suivant le récit de saint Jean ? Il
faut dire que malgré l'intervalle qui les séparait de la croix, on pouvait
dire qu'elles en étaient rapprochées, parce qu'elles en étaient à portée, et
en même temps qu'elles ni étaient loin en comparaison de la foule qui en
était plus rapprocher avec le centurion et les soldats. On peut encore
admettre que les pieuses femmes qui étaient présentes avec la mère du
Seigneur s'éloignèrent de la croix après que Jésus eut recommandé sa mère à
son disciple, pour se dégager de la multitude qui les entourait, et
considérer de plus loin le spectacle qu'elles avaient sous les yeux, ce qui
fit dire aux autres évangélistes qui ne parlent d'elles qu'après la mort du
Sauveur qu'elles se tenaient loin de la croix. Qu'importe d'ailleurs à la
vérité du récit que tous les évangélistes donnent les noms de quelques-unes
de ces femmes, et que chaque évangéliste fasse mention spéciale de quelques
autres ? S. Jean Chrysostome : D'autres femmes aussi se tenaient près de la
croix, et le Sauveur paraît ne faire attention qu'à sa mère, nous apprenant
ainsi que nos mères ont droit à des égards plus particuliers. Lorsque nos
parents cherchent à s'opposer à nos intérêts spirituels, nous ne devons pas
même les connaître; mais aussi lorsqu'ils n'y mettent aucun obstacle, nous
devons leur donner de préférence aux autres tous les témoignages d'affection
qu'ils peuvent désirer. C'est ce que fait Jésus. « Jésus ayant donc vu sa
mère, et près d'elle le disciple qu'il aimait, il dit à sa mère : Femme,
voilà votre Fils. » — S. Bède : Saint
Jean se donne à connaître par l'affection que Jésus avait pour lui, non pas
sans doute qu'il en fût aimé à l'exclusion des autres, mais parce qu'il était
l'objet d'une affection plus particulière qu'il devait à sa virginité. En
effet, il était vierge lorsqu'il fut appelé par Jésus, et il demeura vierge
toute sa vie. S. Jean Chrysostome : Quel magnifique témoignage d'honneur le
Seigneur donne à son disciple ! Mais une sage modestie lui fait garder le
silence sur cet honneur dont il est l'objet. Si en effet il avait voulu s'en
prévaloir, il eût fait connaître le motif de l'affection que Jésus avait pour
lui, motif qui devait se rattacher à une cause d'un ordre supérieur. Le
Sauveur ne dit rien autre chose à saint Jean; il ne le console pas dans sa
tristesse, parce que ce n'était pas le temps de faire de longs discours de
consolation. Sa mère reçoit de lui une marque d'honneur non moins
remarquable. Dans la tristesse profonde où elle était plongée, il fallait lui
chercher un appui et un soutien pour remplacer Jésus, qui allait la quitter;
il la confie donc lui-même à son disciple, afin qu'il en prenne soin; «
Ensuite il dit à son disciple : Voici votre mère. » — S. Augustin : (Traité 119 sur S. Jean). C'était l'heure dont
Jésus, avant de changer l'eau eu vin, avait dit à sa mère : « Femme, qu'y
a-t-il entre vous et moi ? Mon heure n'est pas encore venue. » Au moment de
faire une œuvre toute divine, il semble repousser comme lui étant inconnue la
mère, non pas de sa divinité, mais de son humanité ou de son infirmité.
Maintenant, au contraire qu'il endure des souffrances propres à la nature
humaine, il recommande celle dans le sein de laquelle il s'est fait homme
avec l'affection qu'inspiré la nature. Il nous donne ainsi un enseignement
d'une haute moralité; il nous apprend par son exemple, comme un bon maître,
les tendres soins que la piété filiale doit inspirer aux enfants pour leurs
parents; et le bois où sont cloués les membres du Sauveur mourant a été aussi
comme la chaire du haut de laquelle le divin Maître nous a enseigné. S. Jean Chrysostome : C'est ainsi qu'il confond l'impudente erreur
de Marcion. Si, en effet, il n'est point né selon la chair, il n'a pas eu de
mère, alors pourquoi cette sollicitude extraordinaire dont elle est l'objet ?
Considérez encore comment, au moment où il est crucifié, Jésus fait tout avec
le plus grand calme : il confie sa mère à son disciple, il accomplit les
prophéties, il donne l'espérance du ciel au bon larron. Au contraire, avant
son crucifiement, son âme paraît en proie au trouble. Il donnait ainsi la
preuve, d'un côté de la faiblesse de la nature humaine, de l'autre de la
force supérieure de son âme. Il nous apprend ainsi à ne point nous laisser
abattre, si au milieu des adversités le trouble vient à s'emparer de notre
âme, et lorsque nous serons entrés dans la lice à supporter toutes les
épreuves comme faciles et légères. S. Augustin : En quittant sa mère, il prenait soin de lui
laisser en quelque sorte un autre fils, et saint Jean nous fait connaître la
raison de cette conduite dans les paroles suivantes : « Dès ce moment le
disciple la reçut chez lui. » (In sua). Mais quel est ce « chez lui » dans
lequel Jean reçut la mère du Sauveur ? Est-ce qu'il n'était pas du nombre de
ceux qui avaient dit : « Voici que nous avons tout quitté pour vous suivre ?
» Il la reçut donc chez lui, non pas dans ses propriétés, parce qu'il n'en
avait pas, mais dans son affection, qui le portait à prodiguer à la mère de
Jésus tous les offices personnels. — S.
Bède : Une autre version porte : « Le disciple la reçut comme sienne; »
(in suam) quelques-uns disent comme étant sa mère, mais il est plus naturel
de sous-entendre le mot curam, il la reçut pour être l'objet de sa
sollicitude. Versets 28-30.
S. Augustin : (Traité 119 sur S. Jean). L'homme qui
apparaissait aux regards endurait toutes les souffrances qui étaient réglées
par le Dieu qui demeurait caché. « Après cela, Jésus sachant que toutes
choses étaient accomplies, afin que l'Ecriture, » c'est-à-dire cette
prédiction de l'Ecriture : « Et dans ma soif, ils m'ont abreuvé de vinaigre,
» (Ps 68) reçût aussi son accomplissement, il dit : « J'ai soif. » Il semble
dire par là aux Juifs : Vous avez oublié ce dernier trait, donnez-moi ce que
vous êtes. Les Juifs étaient en effet un vinaigre dégénéré du vin des
patriarches et des prophètes. Or, il y avait là un vase plein de vinaigre,
c'est-à-dire que les Juifs, dont le cœur, semblable à une éponge, renfermait
mille cavités tortueuses comme autant de repaires de malice, puisèrent à
plein vase et remplirent leur cœur de l'iniquité du monde : « Les soldats
remplirent une éponge de vinaigre, et, l'environnant d'hysope, la lui
présentèrent à la bouche. » — S. Jean
Chrysostome : (Hom. 85 sur S. Jean). Le spectacle qu'ils avaient sous les
yeux, loin de les adoucir, ne fit qu'augmenter leur cruauté, et pour étancher
sa soif, ils lui donnent le breuvage des condamnés, c'est pour cela qu'ils
font usage d'hysope. S. Augustin : L'hysope dont ils entourent l'éponge est une
petite plante qui a une vertu purgative; elle représente justement l'humilité
de Jésus-Christ qu'ils entourèrent de leurs criminelles intrigues et qu'ils
crurent avoir circonvenue; car c'est l'humilité de Jésus-Christ qui nous
purifie. Il ne faut pas s'étonner qu'ils aient pu approcher une éponge de la
bouche de Jésus qui, sur la croix, était élevé bien au-dessus de la terre,
car d'après les autres évangélistes qui nous rapportent cette circonstance,
que celui-ci passe sous silence, ils le firent à l'aide d'un roseau, afin que
le breuvage contenu dans l'éponge pût arriver à la hauteur de la croix. — Théophylactus : Il en est qui pensent
que ce roseau fut tout simplement l'hysope, parce que cette plante a des
branches qui ressemblent au roseau. « Jésus ayant donc pris le vinaigre dit : Tout est accompli. »
Qu'est-ce qui est accompli ? Ce que les prophètes avaient prédit si longtemps
auparavant. — S. Bède : Mais
comment concilier ce que dit ici saint Jean : « Après qu'il eut pris ce
vinaigre, » avec ce que rapporte un autre Evangéliste : « Qu'il n'en voulut
point boire ? » Cette difficulté est facile à résoudre. Jésus prit le
vinaigre non pour le boire, mais pour accomplir ce qui était écrit. — S. Augustin : Et comme il ne restait
plus rien de ce qui devait s'accomplir avant sa mort, l'Evangéliste ajoute :
« Et baissant la tête, il rendit l'esprit, » après avoir fait toutes les
choses dont il attendait l'accomplissement pour mourir, agissant en tout
comme celui qui avait le pouvoir de donner sa vie et le pouvoir de la
reprendre. — S. Grégoire : (Moral.,
11, 3). L'esprit est mis ici pour l'âme, car si par esprit l’Evangéliste
entendait autre chose que l'âme, il s'en suivrait que l'âme serait restée
après le départ de l'esprit. — S. Jean
Chrysostome : Ce n'est point parce qu'il expire qu'il baisse la tête,
mais c'est après qu'il a baissé la tête qu'il expire, et l'Evangéliste veut
nous montrer par toutes ces circonstances que Jésus est le maître de toutes
choses. — S. Augustin : Quel autre
s'endort si précisément quand il veut comme Jésus est mort au moment qu'il a
voulu ? Quelle espérance, mais aussi quelle crainte doit inspirer la
puissance qu'il fera éclater au jour du jugement, alors que celle qu'il
manifeste en mourant est déjà si grande ? — Théophylactus : Le Sauveur remet sou esprit a Dieu et à son Père,
pour nous apprendre que les âmes des saints ne restent point dans les
tombeaux, mais qu'elles reviennent dans les mains du Père de tous les hommes,
tandis que les âmes des pécheurs sont envoyées dans un lieu de supplices,
c'est-à-dire dans l'enfer. Versets 31-37.
S. Jean Chrysostome : (Hom. 85 sur S. Jean). Les Juifs, qui ne
craignaient pas d'avaler le chameau et rejetaient le moucheron, après avoir
audacieusement consommé un si grand attentat, manifestent des scrupules, des
inquiétudes au sujet du jour du sabbat. « Les Juifs, de peur que les corps ne
demeurassent sur la croix le jour du sabbat, » etc. — S. Bède : Le mot parasceve, qui veut dire préparation, indique
ici le sixième jour de la semaine, et on lui donnait ce nom parce qu'en ce
jour, les Israélites devaient préparer une double provision d'aliments; parce
que le lendemain était le grand jour du sabbat, à cause de la grande
solennité de Pâque. — S. Augustin : (Traité
120 sur S. Jean). Ce ne sont point les jambes des suppliciés qui devaient
être enlevées, mais ceux à qui on les brisait pour les faire mourir devaient
être détachées de la croix pour ne point profaner ce grand jour de fête par
le spectacle de leur supplice prolongé sur la croix. — théophyl. D'ailleurs
la loi défendait que le supplice d'un homme condamné à mort se prolongent au
delà du coucher du soleil. Peut-être aussi ne voulurent-ils pas être regardés
comme des bourreaux ou des homicides dans ce jour de fête. S. Jean Chrysostome : Voyez ici combien est grande la force de la
vérité; les Juifs eux-mêmes, par leurs efforts, concourent à l'accomplissement
des prophéties : « Il vint donc des soldats qui rompirent les jambes au
premier, et de même à l'autre qu'on avait crucifié avec lui. Puis étant venu
à Jésus, et voyant qu'il était déjà mort, ils ne lui rompirent point les
jambes; mais un des soldats lui ouvrit le côté avec une lance. » — Théophylactus : Pour complaire aux
Juifs, les soldats percent de leur lance le corps de Jésus-Christ et
poursuivent de leurs outrages ce corps même inanimé; mais cet outrage donne
lieu à un miracle éclatant, car n'est-ce pas un véritable miracle que le sang
coule d'un corps privé de la vie ? — S.
Augustin : L'Evangéliste se sert ici d'une expression choisie à dessein;
il ne dit pas il frappa ou il blessa son côté, mais il ouvrit son côte avec
une lance, pour nous apprendre qu'il ouvrait ainsi la porte de la vie d'où
sont sortis les sacrements de l'Eglise, sans lesquels on ne peut avoir
d'accès à la véritable vie. « Et il en sortit aussitôt du sang et de l'eau. »
Ce sang a été répandu pour la rémission des péchés, cette eau vient se mêler
pour nous au breuvage du salut; elle est à la fois un bain qui purifie et une
boisson rafraîchissante. Nous voyons une figure de ce mystère dans l'ordre
donné à Noé d'ouvrir sur un des côtés de l'arche une porte par où pussent
entrer les animaux qui devaient échapper au déluge, et qui représentaient
l'Eglise, (Gn 6, 16) C'est en vue du même mystère que la première femme fut
faite d'une des côtes d'Adam pendant son sommeil (Gn 2, 22), et nous voyons
ici le second Adam s'endormir sur la croix après avoir incliné la tête pour
qu'une épouse aussi lui fût formée par ce sang et cette eau qui coulèrent de
son côté après sa mort. O mort qui devient pour les morts un principe de
résurrection et de vie ! Quoi de plus pur que ce sang ? Quoi de plus
salutaire que cette blessure ? — S.
Jean Chrysostome : C'est donc de ce côté ouvert que nos saints mystères
tirent leur origine; lors donc que vous approchez de l'autel pour boire ce
calice redoutable, approchez dans les mêmes dispositions que si vous deviez
appliquer vos lèvres sur le côté même de Jésus-Christ. — Théophylactus : Ceux qui refusent de mêler l'eau avec le vin dans
la célébration des saints mystères trouvent donc ici leur condamnation, car
ils paraissent ne pas croire que l'eau ait coulé du côté du Sauveur.
Essaiera-t-on de dire qu'il restait encore un léger principe de vie dans le
corps de Jésus, ce qui explique le sang qui sortit de son côté; mais l'eau
qui en sort maintenant est une preuve sans réplique qu'il était mort. Aussi l'Evangéliste
prend-il soin d'ajouter : « Et celui qui l'a vu en rend témoignage. » — S. Jean Chrysostome : C'est-à-dire,
il ne l'a point appris des autres, il était présent, il en a été le témoin
oculaire; « et son témoignage est véritable. » Il fait cette réflexion à
l'occasion de ce nouvel outrage fait au corps du Sauveur, et non après le
récit de quelque prodige extraordinaire pour fixer davantage l'attention. Eu
s'exprimant de la sorte, il ferme aussi par avance la bouche des hérétiques,
prédit les mystères que l'avenir devait dévoiler, et arrête ses regards sur
le trésor inépuisable qu'ils renferment. « Et il sait qu'il dit vrai, afin que vous croyiez aussi. » — S. Augustin : Celui qui a vu ce
miracle le sait, et son témoignage doit servir d'appui à la foi de celui qui
ne l'a pas vu. Saint Jean confirme par deux-témoignages de l'Ecriture les
deux faits dont il atteste la vérité. Après avoir dit : « Ils ne brisèrent
point les jambes à Jésus, » il ajoute : « Ces choses se sont faites afin que
cette parole de l'Ecriture fût accomplie : Vous ne briserez aucun de ses os,
» etc. (Ex 12, 46). C'est ce qui était recommandé à ceux qui, dans l'ancienne
loi, célébraient la pâque par l'immolation d'un agneau, qui était la figure
de la passion du Sauveur. Saint Jean avait dit aussi : « Un des soldats
ouvrit son côté avec une lance, » et à l'appui il cite cet autre témoignage :
« Il est dit encore dans un autre endroit de l'Ecriture : Ils jetèrent leurs
regards sur celui qu'ils ont percé; » (Za 12, 11); prophétie qui annonçait
que le Christ paraîtrait au monde avec cette chair dans laquelle il a été
crucifié. — S. JER. (Préface sur le Pentateuque). Ce second témoignage est
emprunté au prophète Zacharie. Versets 38-42.
S. Jean Chrysostome : (hom. 85 sur S. Jean). Joseph pensant que la
mort de Jésus avait suffi pour calmer la fureur des Juifs, se présente avec
confiance pour rendre au Sauveur les honneurs de la sépulture : « Après cela
Joseph d'Arimathie, qui était disciple de Jésus, » etc. — S. Bède : Arimathie n'est autre que
Ramatha, patrie d'Helcana et de Samuel. C'est par une providence toute
particulière que Dieu avait veillé à ce que Joseph fut juste pour être digne
de recevoir le corps du Seigneur. C'est ce que nous indique l'Evangéliste par
ces paroles : « Qui était disciple de Jésus, » etc. — S. Jean Chrysostome : Il ne faisait point partie des douze
Apôtres, mais des soixante-douze disciples. Et comment se fait-il que nous ne
voyions ici aucun des douze ? Dira-t-on que la crainte des Juifs les
retenait, mais Joseph avait les mêmes raisons de craindre, c'est pour cela
que l'Evangéliste ajoute : « Mais en secret, parce qu'il craignait les Juifs.
» Toutefois comme il jouissait d'une grande réputation et qu'il était connu
de Pilate, il obtint de lui ce qu'il demandait : « Et Pilate lui permit
d'enlever le corps de Jésus, » qu'il ensevelit non pas comme le corps d'un
condamné, mais comme celui d'un personnage des plus célèbres et des plus
éminents : « Il vint donc et prit le corps de Jésus. » — S. Augustin : (De l'accord des Evang., 3, 22). En rendant à Jésus
les derniers devoirs, il n'est point arrêté par la pensée des Juifs, bien
qu'il prit soin de se mettre à l'abri de leur jalousie haineuse lorsqu'il
écoutait les enseignements du Sauveur. — S.
Bède : Leur fureur était apaisée en partie par la joie qu'ils éprouvaient
de l'avoir emporté contre Jésus-Christ; Joseph ne craint donc plus de venir
demander le corps de Jésus-Christ, démarche qu'il paraissait faire non comme
disciple, mais pour remplir à son égard un acte de religion en lui rendant
ces derniers devoirs qu'on n'accorde pas seulement aux bons, mais qu'on ne
refuse même pas aux méchants. Nicodème vient se joindre à lui : « Nicodème
qui était venu trouver Jésus la première fois, » etc. — S. Augustin : L'expression primum, la première fois, ne doit pas
se joindre à ces paroles : « Portant cent livres d'une composition de myrrhe,
» mais au membre de phrase qui précède, car Nicodème était venu trouver Jésus
pour la première fois la nuit, comme saint Jean le raconte dans les premiers
chapitres de son Evangile. Ce ne fut donc pas la seule fois mais la première
fois que Nicodème vint alors trouver Jésus, car il vint plusieurs fois dans
la suite pour écouter ses divins enseignements et devenir son disciple. S. Jean Chrysostome : Ils apportent avec eux des aromates qui ont
la vertu de conserver très longtemps les corps et de les préserver de la
corruption, car ils ne considéraient encore le Sauveur que comme un homme,
mais ils faisaient preuve d'un amour extraordinaire pour lui. — S. Bède : Il faut remarquer que
c'était un parfum simple, purée qu'il ne leur était point permis d'en faire
un qui fût composé de divers aromates. « Ils prirent donc le corps de Jésus, et ils l'ensevelirent, » etc. —
S. Augustin : L'Evangéliste nous
apprend ici que dans les derniers devoirs que l'on rend aux morts, il faut se
conformer aux usages particuliers à chaque nation. Or, les Juifs avaient
coutume d'embaumer les corps avec divers parfums, afin de les préserver plus
longtemps de la corruption. — S.
Augustin : (De l'accord des Evang., 3, 23). Saint Jean n'est point ici en
contradiction avec les autres évangélistes, ils ne parlent point il est vrai
de Nicodème, mais ils n’affirment pas pour cela que Joseph seul ait enseveli
le corps du Sauveur, bien qu'ils ne fassent mention que de lui seul. Ils
disent encore, que Joseph l'ensevelit dans un linceul, nous défendent-ils
pour cela d'admettre que Nicodème ait pu apporter d'autres linges et de
justifier ainsi la vérité du récit de saint Jean d'après lequel le corps de
Jésus fut enseveli non dans un seul mais dans plusieurs linceuls. D'ailleurs
le suaire dont sa tête fut enveloppée et les bandelettes dont son corps fut
entouré, et qui étaient de lin aussi bien que le suaire, permettent de dire
en toute vérité : Ils l'enveloppèrent dans des linges, quand même il n'y
aurait eu qu'un linceul, car on appelle linges généralement tout ce qui est
fait de lin. — S. Bède : C'est de
là qu'est venue la coutume de l'Eglise de consacrer le corps de Jésus-Christ
non sur des étoffes de soie ou d'or, mais sur une toile de lin d'une
éclatante blancheur. S. Jean Chrysostome : Comme le temps pressait, (car Jésus était
mort à la neuvième heure), et le soir devait bientôt arriver, pendant qu'ils
iraient chez Pilate, et qu'ils descendraient de la croix le corps du Sauveur
ils le déposent donc dans un tombeau qui était proche : « Or il y avait dans
le lieu où il avait été crucifié, un jardin, et dans ce jardin un sépulcre
tout neuf, où personne n'avait été encore mis; » ce qui se fit par une
providence toute spéciale, afin qu'on ne pût supposer que c'était un autre
que Jésus qui était ressuscité. — S.
Augustin : De même que ni avant ni après lui, nul autre ne fut conçu dans
le sein de la Vierge, ainsi, aucun autre corps ni avant ni après le sien, ne
fut déposé dans ce tombeau. — Théophylactus
: C'était un sépulcre nouveau, et cette circonstance nous apprend que
nous sommes renouvelés par la sépulture de Jésus-Christ qui détruit le règne
de la mort et de la corruption. Voyez encore à quel excès de pauvreté Jésus
s'est réduit pour notre amour, il n'avait point de demeure pendant sa vie;
après sa mort, il est enseveli dans un tombeau d'emprunt, et il faut que
Joseph vienne couvrir la nudité de sou corps dépouillé de tous ses vêtements. « Et comme c'était le jour de la préparation du sabbat des Juifs, et
que ce sépulcre était proche, ils y mirent Jésus. » — S. Augustin : L'Evangéliste veut nous faire entendre qu'ils se
hâtèrent de l'ensevelir, pour ne pas être surpris par la nuit, car alors, le
temps de la préparation parasceve, que les Juifs appellent en latin le temps
des pains sans levain ne leur eût pas permis de remplir cet office. — S. Jean Chrysostome : Ils choisirent
ce tombeau qui était proche, afin que les disciples pussent y venir plus
facilement et observer attentivement ce qui s'y passerait. Ce sépulcre fut
encore choisi afin que les ennemis du Sauveur qui en étaient gardiens fussent
eux-mêmes témoins qu'il avait été enseveli, et pour convaincre de mensonge le
bruit qu'ils devaient faire courir que son corps avait été enlevé. S. Bède : Dans le sens mystique le nom de Joseph veut
dire qui est augmenté par l'accroissement des bonnes oeuvres, et c'est pour
nous un avertissement de nous rendre dignes de recevoir le corps du Seigneur.
— Théophylactus : Maintenant
encore Jésus-Christ est mis à mort par les avares dans la personne des
pauvres qui souffrent la faim. Soyez donc un nouveau Joseph, et couvrez la
nudité de Jésus-Christ, ensevelissez-le par la méditation dans le tombeau
spirituel de votre âme. Couvrez-le d'un mélange de myrrhe et d'aloès, deux
substances amères, en méditant sérieusement ces paroles : « Allez maudits au
feu éternel, » qui est ce qu'il y a de plus amer. |
Caput 20 Lectio 1 [86155] Catena in Io., cap. 20 l. 1 Chrysostomus
in Ioannem. Quia iam transierat sabbatum in quo impediebatur a lege, non
potuit Maria Magdalene quiescere, sed venit profundo diluculo, consolationem
quamdam a loco sepulturae invenire volens; unde dicitur una autem sabbati
Maria Magdalene venit mane, cum adhuc tenebrae essent, ad monumentum.
Augustinus de Cons. Evang. Venit quidem Maria Magdalene, sine dubio
ceteris mulieribus quae domino ministraverant plurimum dilectione ferventior,
ut non immerito Ioannes solam commemoraret, tacitis eis qui cum illa fuerant,
sicut alii testantur. Augustinus in Ioannem. Una autem sabbati est,
quem iam diem dominicum propter domini resurrectionem mos Christianus
appellat, quem Matthaeus primam sabbati nominavit. Beda. Dicitur ergo
una sabbati, hoc est altera sive prima die post sabbatum. Theophylactus. Vel
aliter. Hebdomadae dies Iudaei sabbatum nominabant, unam autem ex sabbati
diebus primam. Futuri autem saeculi exemplar est haec dies, quoniam futuri
saeculi una dies est nequaquam nocte interpolata : Deus enim ibi sol est, qui
numquam occidit. In hac igitur die dominus resurrexit, incorruptibilitatem
corporis assumens, sicut nos in futuro saeculo incorruptione induemur.
Augustinus de Cons. Evang. Quod autem Marcus dicit : valde mane oriente
iam sole, non repugnat ei quod hic dicitur : cum adhuc tenebrae essent : die
quippe surgente aliquae reliquiae tenebrarum tanto magis extenuantur, quanto
magis oritur lux. Nec sic accipiendum est quod ait Marcus : valde mane orto
iam sole, tamquam sol ipse iam videretur super terram; sed potius, sicut
dicere solemus eis quibus volumus significare temporius aliquid faciendum,
orto iam sole dicitur, idest de proximo adveniente in has partes.
Gregorius in Evang. Congrue autem dicitur cum adhuc tenebrae essent. Maria
enim auctorem omnium quem carne viderat, mortuum quaerebat in monumento : et
quia hunc minime invenit, furatum credidit. Adhuc ergo erant tenebrae cum
venit ad monumentum. Sequitur et vidit lapidem revolutum a monumento.
Augustinus. Iam ergo factum erat quod solus Matthaeus commemorat de
terraemotu et lapide revoluto, conterritisque custodibus. Chrysostomus. Surrexit
quidem dominus, lapide et signaculis sepulchro iniacentibus. Quia vero
oportebat et alios certificari, aperitur monumentum post resurrectionem, et
ita creditur quod factum est. Hoc denique et Mariam movit : videns enim
lapidem sublatum, non intravit neque prospexit, sed ad discipulos ex multo
amore cum velocitate cucurrit. Nondum autem de resurrectione noverat aliquid
manifestum, sed putabat translationem corporis esse factam. Glossa. Et
ideo cucurrit nuntiare discipulis, ut aut secum quaererent, aut secum
dolerent; et hoc est quod sequitur cucurrit ergo, et venit ad Simonem Petrum,
et ad alium discipulum quem diligebat Iesus. Augustinus in Ioannem. Ita
se commemorare solet quod eum diligebat Iesus, qui utique omnes, sed ipsum
prae ceteris et familiarius diligebat. Sequitur et dixit eis : tulerunt
dominum de monumento, et nescimus ubi posuerunt eum. Gregorius Moralium. Hoc
autem dicens, totum pro parte insinuat; solum quippe corpus domini quaesitura
venerat : et quasi totum dominum sublatum deplorat. Augustinus. Nonnulli
autem codices Graeci habent tulerunt dominum meum; quod videri dictum potest
propensiore caritatis vel famulatus affectu. Sed hoc in pluribus codicibus
quos in promptu habemus, non invenimus. Chrysostomus. Evangelista vero
non privavit mulierem hac laude, nec verecundum existimavit quod ab ea prius
addiscerent. Audientes ergo illi, cum multo studio monumento insistunt.
Gregorius in Evang. Illi autem prae ceteris cucurrerunt, qui prae ceteris
amaverunt, videlicet Petrus et Ioannes; unde sequitur exiit ergo Petrus et
ille alius discipulus, et venerunt ad monumentum. Theophylactus. Sed
si quaeras quomodo astantibus custodibus venerunt ad monumentum, rudis questio
: quoniam postquam dominus resurrexit, et una cum terraemotu affuit Angelus
in sepulchro, recesserunt custodes, annuntiantes Pharisaeis. Augustinus. Cum
autem iam dixisset venerunt ad monumentum, regressus est, ut narraret quomodo
venerunt, atque ait currebant autem duo simul : et ille alius discipulus
praecucurrit citius Petro, et venit prior ad monumentum, ubi ostendit quod
ipse prior venerit, sed tamquam de alio cuncta narrat. Chrysostomus in
Ioannem. Veniens autem considerat linteamina posita; unde sequitur et cum
se inclinasset, vidit posita linteamina. Nihil tamen ipse plus perscrutatur,
sed desistit; et hoc est quod subditur non tamen introivit. Petrus vero ut
fervidus introiens universa inspexit diligenter, et amplius vidit; unde
sequitur venit ergo Simon Petrus sequens eum, et introivit in monumentum, et
vidit linteamina posita, et sudarium quod fuerat super caput eius, non cum
linteaminibus positum, sed separatim involutum in unum locum : quod erat
resurrectionis signum. Neque enim, si quidem eum transtulissent, corpus eius
denudassent; neque si furati essent, huius rei fuissent solliciti, ut
levarent sudarium et involverent et ponerent in unum locum seorsum a
linteaminibus, sed simpliciter ut se habebat suscepissent corpus. Ideo enim
Ioannes praemiserat quoniam sepultus est cum myrrha, quae conglutinat corpori
linteamina, ut non decipiaris ab his qui dicunt eum furto sublatum esse. Non
enim ita insensatus esset qui furaretur, ut circa rem superfluam tantum
studium consumeret. Post Petrum autem et Ioannes introivit; unde sequitur
tunc ergo introivit et ille discipulus qui venerat primus ad monumentum, et
vidit et credidit. Augustinus in Ioannem. Nonnulli putant hoc Ioannem
credidisse quod Iesus resurrexerit; sed quod sequitur, hoc non indicat. Vidit
ergo inane monumentum, et credidit quod dixerat mulier; nam sequitur nondum
enim sciebant Scripturam quia oportebat eum a mortuis resurgere. Non ergo eum
credidit resurrexisse quem nesciebat oportere resurgere. Quando autem ab ipso
domino audiebant, quamvis apertissime diceretur, consuetudine tamen audiendi
ab illo parabolas, non intelligebant, et aliquid aliud eum significare
credebant. Gregorius in Evang. Haec autem tam subtilis Evangelistae
descriptio a mysteriis vacare credenda non est. Per Ioannem iuniorem
synagoga, per seniorem vero Petrum Ecclesia gentium designatur : quia etsi ad
Dei cultum est prior synagoga quam Ecclesia gentium, ad usum tamen saeculi
prior est multitudo gentium quam synagoga. Cucurrerunt autem simul, quia ab
ortus sui tempore usque ad occasum pari et communi via, etsi non pari et
communi sensu, gentilitas cum synagoga decucurrit. Venit synagoga prior ad
monumentum, sed minime intravit : quia legis quidem mandata percepit,
prophetias de incarnatione ac passione dominica audivit; sed credere in
mortuum noluit; venit autem Simon Petrus, et introivit in monumentum : quia
secuta posterior Ecclesia gentium, Christum Iesum et cognovit carne mortuum,
et viventem credidit Deum. Sudarium autem capitis domini cum linteaminibus
non invenitur : quia caput Christi Deus, et divinitatis incomprehensibilia
sacramenta ab infirmitatis nostrae cognitione disiuncta sunt, eiusque
potentia creaturae transcendit naturam. Non solum autem separatim, sed
involutum inveniri dicitur : quia lintei quo involvitur, nec initium nec
finis aspicitur. Celsitudo autem divinitatis nec coepit esse nec desinit.
Bene autem additur in unum locum : quia in scissura mentium Deus non est : et
illi eius gratiam habere merentur qui se ab invicem per sectarum scandala non
dividunt. Sed quia solet per sudarium laborantium sudor detergi, potest et
sudarii nomine intelligi labor Dei. Sudarium ergo quod super caput eius
fuerat, seorsum invenitur, quia ipsa redemptoris nostri passio longe a nostra
passione disiuncta est : quoniam ipse sine culpa pertulit quod nos cum culpa
toleramus; ipse sponte morti succumbere voluit, ad quam nos venimus inviti.
Postquam autem intravit Petrus, ingressus est et Ioannes : quia in fine mundi
ad redemptoris fidem etiam Iudaea colligetur. Theophylactus. Vel
aliter. Intellige Petrum activum et promptum; Ioannem vero contemplativum et
docilem rerum divinarum habuisse peritiam. Plerumque autem praevenit
contemplativus notitia et docilitate; sed activus instantia fervoris et
sedulitate praecedit illius acumen, et prius inspicit divinum mysterium. Lectio 2 [86156] Catena in Io., cap. 20 l. 2 Gregorius in
Evang. Maria autem Magdalene, quae fuerat in civitate peccatrix, amando
veritatem laverat lacrymis maculas criminis, cuius mentem magna vis amoris
accenderat, quae a monumento domini, etiam discipulis recedentibus, non
recedebat; dicitur enim abierunt ergo iterum discipuli ad semetipsos.
Augustinus in Ioannem. Idest, ubi habitabant, et unde ad monumentum
cucurrerant. Viris autem redeuntibus, infirmiorem sexum in eodem loco fortior
figebat affectus; unde sequitur Maria autem stabat ad monumentum foris
plorans. Augustinus de Cons. Evang. Idest, ante illum saxei sepulchri
locum; sed tamen intra illud spatium quo iam ingressae fuerant : hortus
quippe illic erat. Chrysostomus in Ioannem. Ne mireris autem quod
Maria amare flebat ad sepulchrum, Petrus vero nihil tale passus est :
compassibile enim est muliebre genus et natura flebile. Augustinus in
Ioannem. Oculi igitur qui dominum quaesierant et non invenerant, lacrymis
vacabant, amplius dolentes, quod fuerat ablatus de monumento quam quod fuerat
occisus in ligno : quoniam magistri tanti, cuius vita subtracta fuerat, nec
memoria remanebat. Augustinus de Cons. Evang. Viderat autem cum aliis
mulieribus Angelum sedentem a dextris super lapidem revolutum a monumento, ad
cuius verba cum fleret, prospexit in monumentum. Chrysostomus. Magnum
enim ad mitigationem est monumentum apparens. Vide denique eam, ut plus
requiesceret, et inclinantem se, et volentem locum videre ubi iacuit corpus;
unde sequitur dum ergo fleret, inclinavit se, et prospexit in monumentum.
Gregorius in Evang. Amanti enim semel aspexisse non sufficit, quia vis
amoris intentionem multiplicat inquisitionis. Augustinus in Ioannem. Nimium
enim dolebat, nec suis nec discipulorum oculis facile putabat esse credendum
: an potius divino instinctu in animo eius effectum est ut prospiceret?
Gregorius. Quaesivit enim corpus, et minime invenit; perseveravit ut
quaereret : unde et contingit ut inveniret, actumque est ut desideria dilata
crescerent, et crescentia caperent quod invenissent. Sancta enim desideria
dilatione crescunt; si autem dilatione deficiunt, desideria non fuerunt. Ista
itaque, quae sic amat, quae se ad monumentum quod prospexerat, iterum
inclinat : videamus quo fructu vis amoris in ea ingeminat opus inquisitionis;
sequitur enim et vidit duos Angelos in albis sedentes, unum ad caput, et unum
ad pedes, ubi positum fuerat corpus Iesu. Chrysostomus. Quia enim non
erat excelsa mulieris mens ut ex sudariis perciperet resurrectionem, Angelos
videt in laeto habitu, ut et ipsa a passione mitigetur. Augustinus. Quid
est autem quod unus ad caput, et alter ad pedes sedebat? An, quoniam qui
Graece Angeli dicuntur, Latine sunt nuntii, isto modo Christi Evangelium,
velut a capite usque ad pedes, ab initio usque in finem signabant esse
nuntiandum? Gregorius. Vel ad caput sedet Angelus cum per apostolos
praedicatur, quia in principio erat verbum; et quasi ad pedes sedet, cum
dicitur : verbum caro factum est. Possumus etiam per duos Angelos duo
testamenta agnoscere, quae dum pari sensu incarnatum et mortuum ac
resurrexisse dominum nuntiant quasi testamentum prius ad caput et testamentum
posterius ad pedes sedet. Chrysostomus. Angeli autem apparentes nihil
de resurrectione dicunt; sed paulatim in eum qui de resurrectione est intrant
sermonem. Quia enim mulier ultra consuetudinem praeclarum habitum viderat, ne
turbetur, audivit compassionis vocem; unde sequitur dicunt ei illi : mulier,
quid ploras? Angeli lacrymas prohibebant, et futurum quodammodo gaudium
nuntiabant : ita enim dixerunt quid ploras? Ac si dicerent : plorare noli.
Gregorius. Ipsa enim sacra eloquia, quae nos in lacrymas amoris excitant,
easdem lacrymas consolantur, dum nobis redemptoris nostri speciem
repromittunt. Augustinus. At illa eos putans interrogasse nescientes,
causas prodit lacrymarum; unde sequitur dicit eis : quia tulerunt dominum
meum. Dominum suum vocat domini sui corpus exanime, a toto partem
significans; sicut omnes confitemur Iesum Christum filium Dei sepultum, cum
sola eius sepulta sit caro. Sequitur et nescio ubi posuerunt. Haec erat causa
maioris doloris, quia nesciebat quo iret ad consolandum dolorem.
Chrysostomus in Ioannem. Nondum autem de resurrectione aliquid noverat,
sed adhuc translationem imaginabatur. Augustinus de Cons. Evang. Hic
intelligendi sunt surrexisse Angeli, ut etiam stantes viderentur, sicut Lucas
eos visos esse commemorat. Augustinus in Ioannem. Sed hora iam venerat
qua id quod nuntiatum quodammodo fuerat ab Angelis flere prohibentibus,
gaudium succederet flentibus; unde sequitur haec cum dixisset, conversa est
retrorsum. Chrysostomus. Sed quare ad Angelos loquens, et nondum ab
eis aliquid audiens, convertitur retrorsum? Mihi videtur quod haec ea
dicente, Christus post eam apparuit, et Angeli considerantes dominatorem, et
figura et inspectione et motu confestim ostenderunt quoniam dominum viderunt;
et hoc est quod mulierem converti retrorsum fecit. Gregorius. Notandum
etiam quod Maria, quae adhuc de domini resurrectione dubitabat, conversa
retrorsum est ut videret Iesum, quia videlicet per eamdem dubitationem suam
quasi tergum in domini faciem miserat, quem resurrexisse minime credebat. Sed
quia amabat et dubitabat, videbat et non agnoscebat eum; unde sequitur et
vidit Iesum stantem, et non sciebat quia Iesus esset. Chrysostomus. Angelis
enim ut dominator apparuit, mulieri vero non ita, ne eam ex prima visione
stupefaceret : non enim oportebat eam repente ad excelsa reducere, sed
paulatim. Sequitur dicit ei Iesus : mulier, quid ploras? Quem quaeris?
Gregorius. Interrogatur doloris causa, ut augeatur desiderium; quatenus
cum nominaret quem quaereret, in amorem eius ardentius aestuaret.
Chrysostomus. Et quia in communi figura apparuit, aestimavit eum
hortulanum esse; unde sequitur illa aestimans quia hortulanus esset, dicit ei
: domine, si tu sustulisti eum, dicito mihi ubi posuisti eum, et ego eum
tollam; hoc est : si propter timorem Iudaeorum levasti eum, dicito mihi, et
ego eum accipiam. Theophylactus. Timebat enim ne Iudaei etiam in
corpus saevirent exanime; et ideo volebat in alio loco incognito illud
transponere. Gregorius. Forsitan autem nec errando haec mulier
erravit, quae Iesum hortulanum credidit. An non ei spiritualiter hortulanus
erat, qui in eius pectore per amoris sui vim semina virtutum virentia
plantabat? Sed quid est quod viso eo quem hortulanum credidit, cui necdum
dixerat quem quaerebat, ait : domine, si tu sustulisti eum? Sed vis amoris
hoc agere solet in animo, ut quem ipse semper cogitat, nullum alium credat
ignorare. Postquam autem eam dominus communi vocabulo appellavit ex sexu, et
agnitus non est, vocat ex nomine; unde sequitur dicit ei Iesus : Maria; ac si
dicat : recognosce eum a quo recognosceris. Maria ergo, quia vocatur ex
nomine, recognoscit auctorem : quia et ipse erat qui quaerebatur exterius, et
ipse qui eam interius, ut quaereret, docebat; unde sequitur conversa illa
dicit ei : Rabboni (quod dicitur magister). Chrysostomus in Ioannem. Sicut
enim Iudaeis quandoque immanifestus erat et praesens; ita et loquens cum
volebat, seipsum notum faciebat. Qualiter autem conversam dicit, cum Christus
ad eam loqueretur? Mihi videtur quod dicente ea ubi posuisti eum, conversa
est ad Angelos, ut interrogaret cur stupefacti essent. Deinde Christus vocans
eam, convertit eam ad seipsum, et per vocem manifestum seipsum fecit.
Augustinus in Ioannem. Vel quia prius conversa corpore, quod non erat
putavit, nunc corde conversa quod erat agnovit. Nemo autem calumnietur
mulierem, quod hortulanum dixerit dominum, et Iesum magistrum : ibi enim
honorabat hominem a quo beneficium postulabat; hic recolebat doctorem, a quo
discernere humana et divina discebat. Aliter ergo dominum dixit : sustulerunt
dominum meum; aliter autem : domine, si tu sustulisti eum. Gregorius. Iam
vero ab Evangelista non subditur quid mulier fecit, sed ex eo innuitur quod
audivit; sequitur enim dicit ei Iesus : noli me tangere : in his namque
verbis ostenditur, quod Maria amplecti voluit eius vestigia quem recognovit.
Sed cur tangi non debeat, ratio quoque additur cum subiungitur nondum enim
ascendi ad patrem meum. Augustinus. Sed si stans in terra non
tangitur, sedens in caelo quomodo ab homine tangetur? Qui certe antequam
ascenderet, discipulis suis se obtulit tangendum, dicens : palpate, et
videte, quia spiritus carnem et ossa non habet, ut Lucas testatur. Quis autem
tam sit absurdus ut dicat, eum a discipulis quidem, antequam ascendisset ad
patrem, se voluisse tangi, a mulieribus autem noluisse, nisi cum ascendisset
ad patrem? Sed leguntur etiam feminae post resurrectionem, antequam ad patrem
ascenderet, tetigisse Iesum, in quibus erat etiam ipsa Maria Magdalena,
narrante Matthaeo. Aut ergo hoc sic dictum est ut in illa femina figuraretur
Ecclesia de gentibus, quae in Christum non credidit nisi cum ascendisset ad
patrem; aut sic in se credi voluit Iesus, hoc est sic se spiritualiter tangi,
quod ipse et pater unum sunt. Eius quippe intimis sensibus quodammodo
ascendit ad patrem qui sic in eo profecerit ut patri agnoscat aequalem.
Quomodo autem haec non carnaliter adhuc in eum credebat quem sicut hominem
fiebat? Augustinus de Trin. Tactus autem tamquam finem facit notionis;
ideoque nolebat in eo esse finem intenti cordis in se, ut hoc quod videbatur
tantummodo putaretur. Chrysostomus. Vel aliter. Volebat haec mulier adhuc
cum Christo esse, sicut et ante passionem; et prae gaudio nihil magnum
excogitabat; quamvis caro Christi multo melior facta fuerit resurgendo. Ab
hac ergo intelligentia eam abducens, dixit noli me tangere, ut cum multa
reverentia ei loquatur : unde nec discipulis apparet de reliquo cum eis
conversans, ut reverentius ei attendant. Dicens autem nondum enim ascendi,
ostendit quoniam illuc properat et festinat. Eum autem qui illuc debet abire,
et non ultra cum hominibus conversari, non oportebat cum eadem videre mente
qua et ante; et hoc manifestat consequenter dicens vade autem ad fratres
meos; et dic eis : ascendo ad patrem meum et patrem vestrum, Deum meum et
Deum vestrum. Hilarius de Trin. Inter ceteras impietates suas etiam
hoc dicto domini uti solent haeretici, ut per id quod pater eius pater eorum
est, et Deus eius, Deus eorum est, in natura Dei non sit. Sed in forma Dei
manens formam servi assumpsit : et cum hoc ad homines in servi forma Christus
Iesus loquatur, non ambigitur quin pater sibi ut ceteris sit ex ea parte qua
homo est, et Deus sibi ut cunctis sit ex ea natura qua servus est. Denique
hunc eumdem sermonem coepit dicens vade ad fratres meos. Fratres autem ex
carne sunt Deo; ceterum unigenitus Deus in unigeniti exceptione sine
fratribus est. Augustinus in Ioannem. Vel aliter. Non ait : patrem
nostrum, sed patrem meum et patrem vestrum. Aliter ergo meum, aliter vestrum;
natura meum, gratia vestrum. Neque dixit : Deum nostrum, sed Deum meum, sub
quo ego homo, et Deum vestrum, inter quos et ipsum mediator sum.
Augustinus de Cons. Evang. Tunc ergo egressa est a monumento, hoc est ab
illo loco ubi erat horti spatium ante lapidem effossum, et cum illa aliae
quas secundum Marcum invaserat tremor et pavor, et nemini, scilicet aliorum,
quidquam dicebant; unde et hic dicitur venit Maria Magdalene annuntians
discipulis : quia vidi dominum, et haec dixit mihi. Gregorius. Ecce
humani generis culpa ibi absconditur unde processit : quia enim in Paradiso
mulier viro propinavit mortem, a sepulchro mulier viris annuntiavit vitam; et
dicta sui vivificatoris narrat quae mortiferi serpentis verba narraverat.
Augustinus. Dum autem cum aliis veniret, tunc secundum Matthaeum occurrit
illis Iesus dicens : avete. Sic ergo colligamus Angelorum collocutionem bis
numero eas habuisse venientes ad monumentum, et etiam ipsius domini : semel
scilicet quando Maria hortulanum putavit; et iterum cum eis occurrit in via,
ut eas repetitione firmaret : et sic venit Maria Magdalene annuntians
discipulis, non solum ipsa, sed et aliae quas Lucas commemorat. Beda. Mystice
autem Maria, quae interpretatur domina, illuminata, illuminatrix, seu stella
maris, significat Ecclesiam, quae Magdalena, idest turrensis dicitur : nam
Magdalon Graece, Latine turris dicitur, propter illud quod dicitur in Psalmo
60, 4 : factus est mihi turris fortitudinis. In eo autem quod haec mulier
discipulis Christum resurrexisse nuntiavit, omnes monentur, maxime quibus est
commissum praedicandi officium, ut si quid ei caelitus revelatum fuit,
studiose proximis propinent. Lectio 3 [86157] Catena in Io., cap. 20 l. 3 Chrysostomus
in Ioannem. Audientes discipuli quod Maria annuntiavit, consequens erat ut
aut discrederent, aut credentes dolerent, quoniam eos non reputavit dignos
sua visione. Haec igitur recogitantes neque per unam diem dimisit
pertransire; sed ex eo quod sciebant iam suscitatum esse, videre sitientibus
et timidis existentibus, cum sero factum esset, ipsis astitit; unde dicitur
cum ergo sero esset die illo, una sabbatorum, et fores essent clausae ubi
erant discipuli congregati propter metum Iudaeorum. Beda. In hoc
infirmitas apostolorum monstratur, qui foribus clausis intus congregati
resident propter timorem Iudaeorum, quorum metu fuerant prius dispersi. Venit
Iesus, et stetit in medio. Ideo autem sero apparuit, quia consequens erat
tunc maxime eos timidos esse. Theophylactus. Vel quia praestolabatur
ut omnes convenirent. Ostiis vero clausis, ut ostendat quia eodem modo
resurrexit adiacente lapide super monumentum. Augustinus. Nonnulli
autem de hac re ita moventur, ut pene periclitentur afferentes contra
miracula divina, praeiudicia ratiocinationum suarum; sic enim disputant : si
corpus erat, si hoc surrexit de sepulchro quod pependit in ligno, quomodo per
ostia clausa intrare potuit? Si comprehendis modum, non est miraculum; ubi
deficit ratio, ibi est fidei aedificatio. Augustinus in Ioannem. Moli
quidem corporis, ubi divinitas erat, ostia clausa non obstiterunt : ille
quippe non eis apertis intrare potuit quo nascente virginitas matris
inviolata permansit. Chrysostomus. Sed mirabile est qualiter phantasma
eum non aestimarunt. Sed hoc fuit quia mulier praeveniens, in eis multam
fidem operata est. Sed et ipse per visum manifestum se eis ostendit, et voce
eorum fluctuantem mentem firmavit; unde sequitur et dixit eis : pax vobis;
idest, ne tumultuemini : in quo etiam commemorat verbum quod ante crucem
dixerat : pacem meam do vobis; et rursus : in me pacem habebitis.
Gregorius. Et quia ad illud corpus, quod videri poterat, fides intuentium
dubitabat, ostendit eis protinus manus et latus; unde sequitur et cum hoc
dixisset, ostendit eis manus et latus. Clavi enim manus fixerant, lancea
latus aperuerat : ibi ad dubitantium corda sananda vulnerum sunt servata
vestigia. Chrysostomus in Ioannem. Et quia ante crucem eis dixerat :
iterum videbo vos, et gaudebit cor vestrum, hoc opere impletur; unde sequitur
gavisi sunt discipuli viso domino. Augustinus de Civ. Dei. Claritas,
qua iusti fulgebunt sicut sol in regno patris sui, in Christi corpore, cum
resurrexit, ab oculis discipulorum potius abscondita fuisse quam defuisse
credenda est (non enim eam ferret humanus atque infirmus aspectus), quando
ille a suis ita deberet attendi ut posset agnosci. Chrysostomus. Universa
autem haec eos ad fidem certissimam inducebant. Quia vero praelium
inexpugnabile habebant ad Iudaeos, rursus eis pacem annuntiat; unde sequitur
dixit eis ergo iterum : pax vobis. Beda. Iteratio confirmatio est;
sive ideo repetit, quia gemina est virtus caritatis; vel quia ipse est qui
fecit utraque unum. Chrysostomus. Simul quoque demonstrat crucis
efficaciam, per quam solvit omnia tristia, et contulit omnia bona; et hoc est
pax. Mulieribus autem supra annuntiatum est gaudium, quia in tristitiis illud
genus erat, et hanc suscepit maledictionem, dicente domino : in dolore
paries. Quia ergo universa prohibentia sunt destructa, et directa sunt omnia,
de reliquo subdit sicut misit me pater, et ego mitto vos. Gregorius. Pater
quidem filium misit, qui hunc pro redemptione generis humani incarnari
constituit. Itaque dicitur sicut misit me pater, et ego mitto vos; idest, ea
caritate vos diligo, cum inter scandalum persecutorum mitto, qua me caritate
pater diligit, quem venire ad tolerandas passiones fecit. Augustinus in
Ioannem. Aequalem autem patri filium novimus; sed hic verba mediatoris
agnoscimus. Medium quippe se ostendit dicendo : ille me, et ego vos.
Chrysostomus. Sic igitur elevavit eorum animum et ab his quae facta sunt
et a dignitate mittentis; et non adhuc deprecatio ad patrem fit, sed sua
auctoritate dat eis virtutem; unde sequitur haec cum dixisset, insufflavit,
et dixit eis : accipite spiritum sanctum. Augustinus de Trin. Flatus
ergo ille corporeus substantia spiritus sancti non fuit, sed demonstratio per
congruam significationem non tantum a patre, sed etiam a filio procedere
spiritum sanctum. Quis enim dementissimus diceret alium fuisse spiritum quem
sufflans dedit, et alium quem post ascensionem suam misit? Gregorius in
Evang. Cur autem prius in terra discipulis datur, postmodum de caelo
mittitur, nisi quod duo sunt praecepta caritatis, dilectio videlicet Dei et
dilectio proximi? In terra datur spiritus, ut diligatur proximus; ex caelo
datur spiritus, ut diligatur Deus. Sicut ergo una est caritas et duo
praecepta; ita unus est spiritus et duo data; prius a consistente domino in
terra, postmodum datur ex caelo, quia proximi amore discitur qualiter
perveniri debeat ad amorem Dei. Chrysostomus. Quidam autem dicunt
quoniam non spiritum dedit, sed aptos eos ad susceptionem spiritus per
insufflationem construxit. Si enim Angelum videns Daniel excessum mentis
passus est, quid ineffabilem illam gratiam suscipientes passi essent, nisi
discipulos suos primitus instruxisset? Nequaquam autem quis peccabit, dicens,
tunc suscepisse eos quamdam potestatem spiritualis gratiae non ut mortuos
suscitent et miracula faciant, sed ut dimittant peccata; unde sequitur quorum
remiseritis peccata, remittuntur eis; et quorum retinueritis, retenta sunt
eis. Augustinus in Ioannem. Ecclesiae caritas, quae per spiritum
sanctum diffunditur in cordibus nostris, participum suorum peccata dimittit;
eorum autem qui non sunt eius participes, tenet; ideo postquam dixit accipite
spiritum sanctum, continuo de peccatorum remissione et retentione subiecit.
Gregorius. Sciendum vero est, quod hi qui prius spiritum sanctum
habuerunt, ut et ipsi innocenter viverent, et in praedicatione quibusdam
prodessent, idcirco hunc post resurrectionem domini patenter acceperunt, ut
prodesse non paucis, sed pluribus possent. Libet ergo intueri, illi discipuli
ad tanta onera humilitatis vocati, ad quantum culmen gloriae sint perducti.
Ecce non solum de seipsis securi fiunt, sed etiam principatum superni iudicii
sortiuntur, ut vice Dei quibusdam peccata retineant, quibusdam vero relaxent.
Horum nunc in Ecclesia episcopi locum tenent, et solvendi ac ligandi
auctoritatem suscipiunt qui gradum regiminis sortiuntur. Grandis honor, sed
grave pondus istius est honoris. Durum quippe est ut qui nescit tenere
moderamina vitae suae, iudex fiat vitae alienae. Chrysostomus in Ioannem.
Sacerdos enim etsi propriam bene dispensaverit vitam, aliorum vero non cum
diligentia curam habuerit, cum perniciosis in Gehennam vadit. Scientes igitur
periculi magnitudinem, multam tribuite eis devotionem, etiam si non valde
nobiles fuerint. Non autem iustum est ab his qui in principatu subiciuntur
iudicari. Et si vita eorum fuerit valde detrectabilis, in nullo laederis in
his quae sunt eis commissa a Deo : non enim sacerdos, sed neque Angelus aut
Archangelus operari aliquid potest in his quae sunt data a Deo, sed pater et
filius et spiritus sanctus omnia dispensant; sacerdos autem suam linguam et
manum tribuit : non enim iustum esset, propter alterius malitiam circa
symbola nostrae salutis laedi eos qui ad fidem veniunt. Omnibus autem
discipulis congregatis, solus Thomas deficiebat a dispersione quae iam facta
erat; unde dicitur Thomas autem unus ex duodecim, qui dicitur Didymus, non
erat cum eis, quando venit Iesus. Alcuinus. Didymus Graece, Latine
geminus vel dubius, propter dubium cor in credendo : Thomas abyssus quia
altitudinem divinitatis certa fide penetravit. Gregorius. Non autem
casu gestum est ut electus ille discipulus tunc deesset : egit namque miro
modo superna clementia ut discipulus dubitans, dum in magistro suo vulnera
palparet carnis, in nobis vulnera sanaret infidelitatis. Plus enim nobis
infidelitas Thomae ad fidem quam fides credentium discipulorum profuit : quia
dum ille ad fidem palpando reducitur, nostra mens omni dubitatione postposita
in fide solidatur. Beda. Quaeri autem potest quare hic Evangelista
tunc Thomam defuisse dicat, cum Lucas scribat quod duo discipuli euntes in
Emmaus, reversi in Ierusalem invenerunt undecim congregatos. Sed datur
intelligi quoddam fuisse intervallum, quo ad horam Thomas egressus sit, et
Iesus veniens in medio eorum stetit. Chrysostomus in Ioannem. Sicut
autem simpliciter et qualitercumque credere, facilitatis est, ita multum
investigare est crassissimae mentis : et propter hoc Thomas accusatur :
apostolis enim dicentibus, quoniam vidimus dominum, non credidit, non tantum
illis discredens, quantum rem putans impossibilem esse; unde sequitur
dixerunt ergo ei alii discipuli : vidimus dominum. Ille autem dixit eis :
nisi videro in manibus eius fixuram clavorum, et mittam digitum meum in locum
clavorum, et mittam manum meam in latus eius, non credam. Aliis enim crassior
existens, eam quae est per sensum crassissimum, scilicet tactum, quaerebat
fidem, et neque oculis credebat : unde non suffecit ei dicere nisi videro,
sed addidit et mittam digitum meum in locum clavorum, et mittam manum meam in
latus eius, non credam. Lectio 4 [86158] Catena in Io., cap. 20 l. 4 Chrysostomus
in Ioannem. Considera dominatoris clementiam : qualiter et pro una anima ostendit
seipsum vulnera habentem, et accedit ut salvet unum. Et nimirum discipuli
annuntiantes, digni erant fide, et ipse promittens; sed tamen, quia solus
Thomas quaesivit, neque hoc eum privavit Christus. Non autem statim ei
apparet, sed post dies octo, ut in medio a discipulis admonitus accendatur in
maius desiderium, et fidelior fieret in futurum; unde dicitur et post dies
octo iterum erant discipuli eius intus, et Thomas cum eis. Venit Iesus ianuis
clausis, et stetit in medio, et dixit : pax vobis. Augustinus. Quaeris
a me, et dicis : si per ostia clausa intravit, ubi est corporis modus? Et ego
respondeo : si super mare ambulavit, ubi est corporis pondus? Sed fecit illud
dominus tamquam dominus : numquid igitur, quia resurrexit, destitit esse
dominus? Chrysostomus. Stat itaque Iesus et non expectat a Thoma
interrogari; sed ut ostendat quoniam cum loquebatur ad condiscipulos, aderat,
eisdem verbis usus est. Et primo quidem increpat, vel improperat; unde
sequitur deinde dicit Thomae : infer digitum tuum huc, et vide manus meas, et
affer manum tuam, et mitte in latus meum. Secundo autem erudit dicens et noli
esse incredulus, sed fidelis. Vide quoniam infidelitatis erat ambiguitas,
antequam spiritum sanctum acciperent; postea autem non, sed firmi erant de
reliquo. Dignum autem est quaerere qualiter corpus incorruptibile typos habebat
clavorum. Sed ne tumultueris : condescensionis enim erat ut discerent quoniam
ipse erat qui crucifixus fuerat. Augustinus de symbolo. Posset autem,
si vellet, de corpore suscitato et clarificato omnem maculam cuiuslibet
cicatricis abstergere; sed sciebat quare cicatrices in suo corpore
reservaret. Sicut enim demonstravit Thomae non credenti, nisi tangeret et
videret, ita etiam inimicis suis vulnera demonstraturus est sua : non quod
eis dicat sicut Thomae : quia vidisti, credidisti, sed ut convincens eos
veritas dicat : ecce hominem quem crucifixistis; videtis vulnera quae
infixistis, agnoscitis latus quod pupugistis, quoniam per vos et propter vos
apertum est, nec tamen intrare voluistis. Augustinus de Civ. Dei. Nescio
autem quomodo etiam sic afficimur amore martyrum beatorum, ut velimus in illo
regno in eorum corporibus videre vulnerum cicatrices, quae pro Christi nomine
pertulerunt; et fortasse videbimus; non enim deformitas in eis, sed dignitas
erit; et quaedam quamvis in corpore, non corporis, sed virtutis pulchritudo
fulgebit. Nec ideo tamen si aliqua martyribus amputata et ablata sunt membra;
sine ipsis membris in resurrectione erunt mortuorum, quibus dictum est :
capillus capitis vestri non peribit. Sed si hoc decebit in illo novo saeculo,
ut indicia gloriosorum vulnerum in illa immortali carne cernantur, ubi
membra, ut praeciderentur, percussa vel secta sunt, ibi cicatrices, sed tamen
eisdem membris redditis, non perditis, apparebunt. Quamvis igitur omnia quae
acciderant corpori vitia, tunc non erunt, non sunt tamen appellanda vitia,
sed virtutis indicia. Gregorius in Evang. Palpandam autem carnem
dominus praebuit, quam clausis ianuis introduxit : qua in re duo mira, et
iuxta humanam rationem valde sibi contraria ostendit, dum post resurrectionem
corpus suum incorruptibile, et tamen palpabile demonstravit. Nam et corrumpi
necesse est quod palpatur, et palpari non potest quod non corrumpitur. Et
incorruptibilem se ergo et palpabilem demonstravit, ut profecto post
resurrectionem esse ostenderetur corpus suum et eiusdem naturae et alterius
gloriae. Gregorius Moralium. Corpus etiam nostrum in illa
resurrectionis gloria erit quidem subtile per effectum spiritualis potentiae,
sed palpabile per veritatem naturae : non autem sicut Eutychius scripsit,
impalpabile, et ventis aereque subtilius. Augustinus in Ioannem. Videbat
autem Thomas tangebatque hominem, et confitebatur Deum, quem non videbat
neque tangebat; per hoc quod videbat atque tangebat, illud iam remota
dubitatione credebat; unde sequitur respondit Thomas, et dixit ei : dominus
meus et Deus meus. Theophylactus. Qui prius infidelis fuerat, post
lateris tactum, optimum se theologum ostendit : nam duplicem naturam
unicamque hypostasim Christi edisseruit : dicendo enim dominus meus, humanam
naturam; dicendo vero Deus meus, divinam confessus est, et unum et eumdem
Deum et dominum. Sequitur dicit ei Iesus : quia vidisti me, credidisti.
Augustinus. Non ait : tetigisti me, sed vidisti me : quoniam generalis
quodammodo est sensus visus : nam et per quatuor alios sensus nominari solet,
velut cum dicimus : audi, et vide quam bene sonet; olfac, et vide quam bene
oleat; gusta, et vide quam bene sapiat; tange, et vide quam bene caleat. Unde
et hic dominus dicit infer digitum tuum huc, et vide manus meas. Quid aliud
ait quam tange et vide? Nec tamen ille oculos habebat in digito. Ergo sive
intuendo, sive etiam tangendo, hoc ait : quia vidisti me, credidisti. Quamvis
dici possit non ausum fuisse discipulum tangere, cum se offerret ille
tangendum. Gregorius in Evang. Sed cum apostolus dicat : fides est
substantia sperandarum rerum, argumentum non apparentium, profecto liquet
quia quae apparent, iam fidem non habent, sed agnitionem. Dum ergo vidit
Thomas, dum palpavit, cur ei dicitur quia vidisti me, credidisti? Sed aliud
vidit, aliud credidit : hominem vidit et Deum confessus est. Laetificat autem
valde quod sequitur : beati qui non viderunt et crediderunt : in qua
sententia nos specialiter significati sumus, qui eum quem carne non vidimus,
mente retinemus; si tamen fidem nostram operibus sequimur, ille enim vere
credit qui exercet operando quod credit. Augustinus. Praeteriti autem
temporis usus est verbis, tamquam ille qui id quod erat futurum in sua
noverat praedestinatione iam factum. Chrysostomus in Ioannem. Cum ergo
aliquis nunc dixerit : utinam in temporibus illis fuissem, et vidissem
Christum miracula facientem; excogitet : beati qui non viderunt et
crediderunt. Theophylactus. Exprimit autem et hic discipulos qui nec
plagas clavorum nec latus palpantes crediderunt. Chrysostomus. Quia
vero Ioannes pauciora aliis Evangelistis dixerat, subiungit multa quidem et
alia signa fecit Iesus in conspectu discipulorum suorum, quae non sunt
scripta in libro hoc. Sed nec alii omnia dixerunt, sed quae erant
sufficientia attrahere ad fidem audientes. Mihi autem videtur hic dicere ea
quae post resurrectionem sunt signa; et ideo dicit in conspectu discipulorum
suorum, cum quibus solis post resurrectionem conversatus est. Deinde ut
discas quoniam non solum discipulorum gratia signa fiebant, induxit haec
autem scripta sunt, ut credatis quia Iesus est Christus filius Dei :
communiter ad humanam naturam loquens. Et ut ostendat quoniam non illi cui
creditur, sed nobisipsis utile est credere, subdit et ut credentes vitam
habeatis in nomine eius, idest per Iesum; ipse autem est vita. |
CHAPITRE XX
Versets 1-9.
S. Jean Chrysostome : (hom. 85 sur S. Jean). Le sabbat ou la loi
commandait à chacun de rester en repos, étant passé, Madeleine ne put
résister plus longtemps au désir qui la pressait; elle vint donc à la
première aurore pour trouver quelque, consolation en voyant le lieu où Jésus
avait été enseveli : « Le jour d'après le sabbat, » etc. — S. Augustin : (de l'acc. des Evang.,
3, 12). Marie-Madeleine vint au sépulcre sous l'impulsion d'un amour plus
ardent que celui des autres femmes qui avaient servi le Sauveur, et c'est la
raison pour laquelle saint Jean ne parle ici que d'elle, à l'exception des
autres femmes qui étaient venues avec elle d'après le récit des autres
évangélistes. S. Augustin : Ce premier jour de la semaine est celui que
les chrétiens appellent maintenant le jour du Seigneur, à cause de la
résurrection du Sauveur, et que saint Matthieu désigne sous le nom de premier
jour du sabbat. — S. Bède : Le
premier jour du sabbat, c'est-à-dire, le lendemain du sabbat, ou le premier
jour qui suit le sabbat. — Théophylactus
: Ou bien encore, comme les Juifs donnaient le nom de sabbat à tous les
jours de la semaine, ils appelaient le premier du sabbat, le premier des
jours du sabbat ou de la semaine. Ce jour est le symbole de la vie future,
qui ne sera composée que d'un seul jour que la nuit n'interrompra jamais, car
Dieu en est le soleil, et ce soleil ne se couche jamais. C'est donc, dans ce
jour que le Seigneur a voulu ressusciter et revêtir son corps de
l'incorruptibilité dont nous nous revêtirons nous-mêmes dans la vie future. S. Augustin : (de l'accord des Evang). Ce que rapporte
saint Marc : « Qu'elles vinrent de grand matin le soleil étant déjà levé, »
n'est point en contradiction avec ce que dit ici saint Jean : « Alors que les
ténèbres n'étaient pas encore dissipées, » car à la naissance du jour il
reste encore quelque obscurité qui se dissipe d'autant plus que la lumière du
jour s'avance davantage. Il ne faut pus du reste entendre ces paroles de
saint Marc, dans ce sens que le soleil paraissait déjà sur l'horizon, mais
dans le sens où nous disons, lorsque nous voulons qu'une chose soit faite le
plus tôt possible : « Vous la ferez au soleil levé, » c'est-à-dire à l'heure
où il est près de se lever. — S.
Grégoire : (hom. 22 sur S. Jean. ) L'expression : « Lorsque les ténèbres
n'étaient pas encore dissipées, » est pleine de justesse; Marie, en effet,
cherchait dans le sépulcre le Créateur de toutes choses qu'elle avait vu
mourir dans son corps sur la croix, et comme elle ne le trouve point, elle
croit qu'on l'a dérobé ou enlevé. Il est donc vrai de dire que les ténèbres
duraient encore lorsqu'elle se rendit au sépulcre. « Et elle vit la pierre ôtée du tombeau. » — S. Augustin : (de l'acc. des Evang). Ce que saint Matthieu seul
rapporte du tremblement de terre, du renversement de la pierre et de l'effroi
des gardes avait donc eu déjà lieu. S. Jean Chrysostome : Le Seigneur était ressuscité sans renverser
la pierre du sépulcre, sans rompre les sceaux qu'on y avait apposés, mais
comme le fait de la résurrection devait être connu avec certitude d'un grand
nombre d'autres, le tombeau est ouvert après que Jésus est ressuscité, afin
que chacun puisse croire à la vérité de ce qui est arrivé. Celte circonstance
frappe vivement Madeleine; aussi à la vue de la pierre ôtée du tombeau, elle
n'entra pas dedans, elle ne prit pas le temps de regarder, mais courut avec
un empressement mêlé d'amour, apprendre cet événement aux disciples. Elle
n'avait encore aucune idée claire de, la résurrection, et croyait seulement
qu'on avait changé le corps de place. — La
Glose : Elle court donc apprendre cette nouvelle aux disciples, pour les
engager, ou à chercher avec elles, ou du moins à partager sa douleur : « Elle
courut donc, et vint trouver Simon-Pierre et cet autre disciple que Jésus
aimait, » etc. — S. Augustin : (Traité
119 sur S. Jean). Saint Jean se désigne ordinairement par l'affection que
Jésus avait pour lui, non pas que Jésus n'aimât les autres disciples, mais
parce que le Sauveur avait pour lui un amour plus particulier et plus intime. « Et elle leur dit : Ils ont enlevé le Seigneur du sépulcre, et nous
ne savons où ils l'ont mis. » — S.
Grégoire : (Moral., 3, 10 ou 9 dans les anc. édit). En parlant de la
sorte, Madeleine prend la partie pour le tout; c'était le corps seul du
Sauveur qu'elle était venu chercher, et elle s'afflige comme si on eût enlevé
le Seigneur tout entier. S. Augustin : (Traité 120 sur S. Jean). Quelques
exemplaires grecs portent : « Ils ont enlevé mon Seigneur, » ce qui parait
être l'expression d'un amour plus ardent ou d'un plus grand attachement. Mais
nous n'avons pas trouvé cette addition dans un grand nombre de manuscrits que
nous avons sous la main. — S. Jean
Chrysostome : L'Evangéliste ne veut point ravir, à cette femme la gloire,
qui lui est due, et ne croit pas qu'il y ait de la honte pour eux que
Madeleine leur ait appris la première cette nouvelle. Aussitôt donc qu'elle
leur eût parlé, ils se rendent en toute hâte au tombeau. S. Grégoire : (hom. 22 sur les Evang). Ce sont ceux dont
l'amour est plus grand qui courent aussi plus vite que les autres,
c'est-à-dire, Pierre et Jean : Pierre sortit avec, l'autre disciple, et il
vint au sépulcre. — Théophylactus : Demanderez-vous
comment ils osèrent venir au tombeau en présence de ceux qui le gardaient ?
C'est une question qui suppose bien de l'ignorance, car après que le Seigneur
fut ressuscité, et qu'en même temps que la terre tremblait, un ange apparut
sur la pierre du sépulcre, les gardes s’enfuirent pour annoncer aux
pharisiens ce qui venait d'avoir lieu. — S.
Augustin : Après avoir dit : « Ils vinrent au tombeau, » saint Jean
revient sur ses pas pour raconter comment ils y arrivèrent : « Ils couraient
tous deux ensemble, et l'autre courut plus vite que Pierre, et arriva le
premier au sépulcre. » Il nous apprend ainsi qu'il arriva le premier, mais il
raconte tout ce qui le concerne, comme s'il s'agissait d'un autre. S. Jean Chrysostome : Aussitôt qu'il fut arrivé, il considère les
linges qui avaient été laissés dans le tombeau : « Et s'étant penché, il vit
les linceuls posés à terre. » Toutefois il ne pousse pas plus loin ses
recherches, et s'en tient là. Pierre, au contraire, beaucoup plus ardent,
entre dans le tombeau, examine tout avec soin, et voit quelque chose de plus
: « Simon-Pierre qui le suivait, arriva ensuite et entra dans le sépulcre, et
vit les linges posés à terre, et le suaire qui couvrait sa tête, non point
avec les linges, mais plié en un lieu à part. » Il y avait dans toutes ces
circonstances une preuve évidente de la résurrection. Car en supposant qu'on
eût enlevé son corps, on ne l'eût pas dépouillé de ses linceuls, et ceux qui
seraient venus le dérober, n'auraient pas pris tant de soin d'ôter le suaire,
de le rouler et de le placer dans un endroit à pari, séparé des linceuls;
mais ils auraient tout simplement enlevé le corps tel qu'il se trouvait.
Pourquoi saint Jean nous a-t-il l'ait remarquer précédemment que Jésus avait
été enseveli avec une grande quantité de myrrhe, qui fait adhérer fortement
les linges au corps, c'est pour que vous ne soyez pas dupe de ceux qui vous
affirment que le corps du Sauveur a été enlevé, car celui qui serait venu
pour le dérober, n'aurait point perdu le sens à ce point que de dépenser tant
de soins et de temps pour une chose parfaitement inutile. Jean entre dans le tombeau après Pierre : « Alors l'autre disciple
qui était arrivé le premier au sépulcre, entra aussi, et il vit, et il mit, »
etc. — S. Augustin : Il en est qui
pensent que Jean croyait déjà que Jésus était ressuscité, mais ce qui suit
indique le contraire. Il vit que le tombeau était vide, et il crut à ce que
Madeleine leur avait rapporté : « Car, ajoute le récit évangélique, ils
n'avaient pas encore compris ce que dit l'Ecriture, qu'il fallait qu'il
ressuscitât d'entre les morts. » Jean ne croyait donc pas encore à la
résurrection du Sauveur, puisqu'il ne savait pas encore qu'il dût
ressusciter. Le Seigneur leur en avait parlé souvent, mais bien qu'il
s'exprimât dans les termes les plus clairs, l'habitude qu'ils avaient
d'entendre des paraboles, les empêchait de comprendre ce qu'il leur disait et
leur faisait donner un autre sens à ses paroles. S. Grégoire : (hom. 22 sur les Ev). Gardons-nous de croire
que ce récit aussi détaillé ne renferme quelques mystères, en effet, Jean, le
plus jeune des deux disciples, représente la synagogue juive; Pierre, le plus
âge, est la figure de l'Eglise des nations, car bien que la synagogue ait
précédé l'Eglise des nations, pour ce qui concerne le culte de Dieu,
toutefois, dans l'ordre naturel, le peuple des Gentils précède la synagogue
des Juifs. Ils coururent tous deux ensemble, parce que depuis le temps de
leur naissance jusqu'à celui de tour déclin, le peuple des Gentils et la
synagogue ont suivi nue voie commune, quoiqu'avec des sentiments bien
différents. La synagogue arrive la première au sépulcre, mais elle n'y entre
pas, c'est qu'en effet, elle a bien reçu de Dieu les commandements de la loi,
elle a entendu les prophéties qui avaient pour objet l'incarnation et la
passion du Seigneur, mais elle a refusé de croire en lui lorsqu'il fut mort.
Simon-Pierre, au contraire, vient et entre dans le sépulcre, parce que
l'Eglise des Gentils est venue la dernière, à la suite de Jésus-Christ, et a
connu et cru qu'il était mort dans sa nature humaine, mais qu'il était vivant
dans sa nature divine. Le suaire qui enveloppait la tête du Seigneur ne se
trouve point avec les linceuls, parce que Dieu est la tête du Christ, et que
les mystères incompréhensibles de la divinité sont en dehors de
l'intelligence de notre faible humanité, et que sa puissance est au-dessus de
toute nature créée. Le suaire n'est pas seulement séparé, mais roulé; en
effet, un linge qui est roulé ne laisse voir aucune de ses deux extrémités, et
il est ainsi la figure de la divinité sublime qui n'a point eu de
commencement et ne doit point avoir de fin. L'Evangéliste ajoute avec raison,
qu'il était placé dans un endroit seul, parce que Dieu ne se trouve pas dans
les âmes divisées, et que ceux-là seuls méritent de recevoir sa grâce qui ne
se séparent pas les uns des autres par les scandales que produisent les
sectes. Le linge qui couvre la tête sert à essuyer la sueur de ceux qui
travaillent, et ce suaire peut être considéré comme la figure du travail de
Dieu, qui demeure toujours dans son repos et dans son immutabilité, et qui
nous déclare cependant qu'il ne cesse de travailler, parce qu'il supporte le
lourd fardeau des iniquités des hommes. Le suaire qui enveloppait la tête est
trouvé plié en un lieu à part, parce que la passion de notre divin Rédempteur
est bien éloignée de nos propres souffrances, car Jésus a souffert sans être
coupable, ce que nous souffrons en expiation de nos crimes. Il s'est soumis
volontairement à la mort dont nous sommes les victimes involontaires. Après
que Pierre est entré, Jean entre à son tour, parce qu'à la fin du monde, les
Juifs se réuniront au peuple fidèle pour embrasser la foi du Rédempteur. Théophylactus : Ou bien encore, Pierre est la figure, de
l'esprit actif et prompt, Jean, le symbole de l'esprit contemplatif et
instruit dans la connaissance des choses de Dieu. Or, souvent l'esprit
contemplatif est le premier par sa facilité à comprendre les charités
divines, mais l'esprit actif l'emporte sur cette pénétration d'intelligence
par sa ferveur persévérante et sa constante application, et son regard
pénètre le premier la profondeur des divins mystères. Versets 11-18.
S. Grégoire : (hom. 25 sur les Evang). Marie-Madeleine,
qui avait été connue pour une femme pécheresse dans la ville, dans son amour
pour la vérité, lava de ses larmes les taches de sa vie criminelle, et vit
s'accomplir en elle ces paroles de la vérité : « Beaucoup de péchés lui sont
remis, parce qu'elle a beaucoup aimé. » (Lc 7) Elle était restée précédemment
dans le froid mortel du péché, elle brûle maintenant des flammes de l'amour
le plus ardent. Considérez, en effet, combien grande était la force de son
amour qui la retient près du tombeau du Sauveur, alors que tous ses disciples
l'ont abandonné, comme le rapporte l'Evangéliste : « Les disciples s'en
revinrent de nouveau chez eux. » — S.
Augustin : C'est-à-dire, dans le lieu qu'ils habitaient et d'où ils
étaient accourus au tombeau. Les hommes s'en sont retourné, mais un amour
beaucoup plus fort enchaîne près du tombeau le sexe qui est le plus faible :
« Mais Marie se tenait dehors, près du sépulcre, versant des larmes. » — S. Augustin : (de l'acc. des Ev., 3,
24). Elle se tenait près du sépulcre de pierre, mais dans le lieu fermé dans
lequel elles étaient déjà entrées, et qui formait comme un jardin autour du
tombeau. S. Jean Chrysostome : (hom. 86 sur S. Jean). Ne soyez point
surpris que Marie pleure amèrement auprès du tombeau, tandis que nous ne
voyons pas que Pierre ait versé des larmes, car les femmes sont naturellement
portées à la compassion et aux pleurs. — S.
Augustin : Les yeux qui avaient cherché le Seigneur sans le trouver
étaient donc baignés de larmes et ils s'affligeaient beaucoup plus de ce que
le corps du Sauveur avait été enlevé du tombeau, que de ce qu'il avait été
mis à mort sur la croix, car on ne possédait même plus alors le tombeau de ce
divin Maître dont la vie avait été si cruellement tranchée. S. Augustin : (De l’accord des Evang., 3, 24). Marie avait
vu avec les autres femmes l'ange assis à droite sur la pierre renversée du
tombeau, et à sa voix elle regarde en pleurant dans le tombeau. — S. Jean Chrysostome : La vue du
tombeau d'une personne chère est un adoucissement à la douleur de l'avoir
perdue, aussi voyez comment Marie cherche à se consoler en se penchant et eu
regardant de plus près le lieu où a reposé le corps du Sauveur. — S. Grégoire : (hom. 25) Ce n'est pas
assez pour son amour de l'avoir vu une fois, et sa vive affection redouble
ses désirs et lui fait multiplier ses recherches. — S. Augustin : (Traité 121 sur S. Jean). Sa douleur n'avait point
de bornes, elle n'en croyait ni à ses yeux ni à ceux des disciples, ou plutôt
une inspiration divine la portait à regarder dans l'intérieur du tombeau. — S. Grégoire : Elle a cherché le corps
du Sauveur sans le trouver, elle a persévéré dans ses recherches et elle a
fini par le trouver. Ses désirs retardés dans la jouissance de leur objet
n'en devinrent que plus ardents, et dans leur ardeur ils se saisirent de ce
qu'ils cherchaient. En effet, le retard ne fait qu'accroître les saints
désirs, et ceux qu'il rend moins ardents n'étaient pas de vrais désirs. Or
voyons dans cette femme dont l'affection est si forte et qui se penche de
nouveau vers le tombeau qu'elle avait déjà considéré, quelle est la
récompense de cet amour ardent qui la porte à multiplier ses recherches : «
Et elle vit deux anges vêtus de blanc, » etc. — S. Jean Chrysostome : Comme l'esprit de cette femme n'était pas
encore assez élevé pour que la vue des linceuls lui fît conclure que Jésus
était ressuscité, elle voit des anges revêtus d'habits de joie et qui
devaient porter la consolation dans son âme. S. Augustin : Mais pourquoi l'un de ces anges est-il assis
à la tête et l'autre aux pieds ? Ceux qui sont appelés anges en grec portent
en latin le nom de messagers; celle manière d'apparaître ne signifierait-elle
donc pas que l'Evangile de Jésus-Christ devait être annoncé des pieds jusqu'à
la tête, c'est-à-dire, du commencement jusqu'à la fin ? — S. Grégoire : Ou bien encore l'ange
qui est assis à la tête représente les apôtres annonçant au monde ces
sublimes paroles : « Au commencement était le Verbe, » et celui qui est assis
aux pieds figure les mêmes apôtres prêchant cette autre vérité : « Et le
Verbe s'est fait chair. » Nous pouvons encore voir dans ces deux anges les
deux Testaments qui annoncent d'un commun accord l'incarnation, la mort et la
résurrection du Sauveur, le premier des deux Testaments est comme assis à la
tête, et le second aux pieds. S. Jean Chrysostome : Les anges qui apparaissent ne disent rien de
la résurrection, mais amènent indirectement le discours sur cette vérité. La
vue de ces vêtements éclatants et extraordinaires pouvait inspirer à Marie un
sentiment d'effroi, ils lui disent donc : « Femme, pourquoi pleurez-vous ? »
— S. Augustin : Les anges lui
défendent les larmes, et lui annoncent la joie qui devait bientôt inonder son
âme, car lui demander : « Pourquoi pleurez-vous ? » c'est lui dire : « Ne
pleurez pas. » — S. Grégoire : C'est
qu'un effet les saintes Ecritures qui excitent en nous les larmes de l'amour,
sèchent ces mêmes larmes, en nous donnant l'espérance du Rédempteur. — S. Augustin : Marie, persuadée qu'ils
ignorent ce qu'ils lui demandent, leur fait connaître la cause de ses larmes
: « Elle leur répondit : Parce qu'ils ont enlevé mon Seigneur. » Elle appelle
son Seigneur, le corps inanimé du Sauveur, en prenant la partie pour le tout,
dans le sens ou nous confessons tous que Jésus-Christ, Fils de Dieu a été
enseveli, bien que son corps seul ait été mis dans le tombeau. « Et je ne
sais où ils l'ont mis. » Ce qui augmentait sa douleur, c'est qu'elle ne
savait où aller pour la consoler. — S.
Jean Chrysostome : Elle ne savait encore rien de la résurrection, et
s'imaginait que le corps avait été enlevé. — S. Augustin : (De l'accord des Evang., 3, 24). Il faut admettre
ici que les anges se levèrent, et apparurent debout, comme saint Luc le dit
en termes exprès. S. Augustin : (Traité 121 sur S. Jean). Mais le moment
était venu ou selon la prédiction des anges qui lui avaient dit : « Ne
pleurez pas, » la joie devait succéder aux larmes : « Ayant dit cela, elle se
retourna, » etc. — S. Jean Chrysostome
: Pourquoi Marie qui vient de parler aux anges, se retourne-t-elle en
arrière sans attendre leur réponse ? C'est à mon avis qu'au moment où elle
parlait aux anges, Jésus-Christ apparut derrière elle, et que les anges à la
vue de leur souverain Maître, manifestèrent par leur attitude, leur regard et
leurs mouvements qu'ils avaient vu le Seigneur, et c'est ce qui porta Marie à
se retourner. — S. Grégoire : Remarquez
que Marie qui doutait encore de la résurrection du Seigneur, se retourne en
arrière pour voir Jésus, parce qu'en doutant ainsi, elle tournait pour ainsi
dire le dos au Seigneur à la résurrection duquel elle ne croyait pas. Mais
comme malgré le doute de son esprit, elle aimait le Sauveur, elle le voyait
sans le connaître : « Elle vit Jésus debout et elle ne savait pas que ce fut
Jésus. » — S. Augustin : Jésus
apparut aux anges comme leur souverain maître, mais à Marie sous un autre
aspect pour ne point jeter l'effroi dans son âme, car ce n'est pas tout d'un
coup, mais insensiblement qu'il fallait la ramener à des idées plus élevées. « Jésus lui dit : Femme, pourquoi pleurez-vous ? » — S. Grégoire : Il lui demande la cause
de sa douleur pour accroître ses désirs et embraser son âme d'un amour plus
ardent en lui faisant prononcer le nom de celui qu'elle cherchait. — S. Jean Chrysostome : Comme Jésus lui
était apparu sous une forme ordinaire, elle crut que c'était le jardinier : «
Elle, pensant que c'était le jardinier, lui dit : Seigneur, si vous l'avez
enlevé, dites-moi où vous l'avez mis et je l'emporterai, » c'est-à-dire : si
c'est par crainte des Juifs que vous l'avez enlevé, dites-le moi, et je le
prendrai pour le mettre en sûreté. — Théophylactus
: Elle craignait que les Juifs ne se portassent à de nouveaux excès sur
son corps même inanimé, et elle voulait le transporter dans un autre endroit
qui leur fût inconnu. S. Grégoire : Mais ne peut-on pas dire que cette femme
tout en se trompant ne fut pas dans l'erreur en croyant que Jésus était le
jardinier ? N'était-il pas pour elle un jardinier spirituel, lui qui par la
force de son amour avait semé dans son cœur les germes féconds de toutes les
vertus ? Mais comment se fait-il, qu'en voyant celui qu'elle prenait pour le
jardinier, et sans lui avoir dit qui elle cherchait, elle lui fait cette
question : Seigneur, si c'est vous qui l'avez enlevé ? etc. Tel est le
caractère d'un amour ardent, il ne suppose point que personne puisse ignorer
celui qui est l'objet constant de ses pensées. Après l'avoir d'abord appelé
de son nom de femme sans en avoir été reconnu, le Sauveur l'appelle par son
nom propre : « Jésus lui dit Marie, » comme s'il lui disait : Reconnaissez
celui qui vous reconnaît. Marie, en s'entendant appeler par son nom,
reconnaît son divin Maître, car celui qu'elle cherchait extérieurement, était
le même qui lui inspirait intérieurement le désir de le chercher : « Elle, se
retournant, lui dit : Rabboni, c'est-à-dire Maître. » — S. Jean Chrysostome : De même qu'il était quelquefois présent au
milieu des Juifs, sans qu'il en fût reconnu, ainsi même en parlant, il ne se
faisait connaître que lorsqu'il le voulait. Mais comment expliquer ce que dit
l'Evangéliste, que Marie se retourna, lorsque Jésus lui adressa la parole ?
Je pense que lorsqu'elle fit cette question : « Dites-moi où vous l'avez mis
? » elle se tourna vers les anges pour leur demander la cause de leur
étonne-ment, et lorsqu'ensuite Jésus-Christ l'appelle par son nom, elle se
retourne vers lui, et se découvre à elle par sa parole. — S. Augustin : On peut dire encore
qu'en se retournant d'abord extérieurement elle prit Jésus pour un autre,
mais lorsqu'elle se tourne vers lui par le mouvement de son cœur, elle le
reconnaît pour ce qu'il est. Que personne du reste n'accuse cette femme de
donner au jardinier le nom de Seigneur, et à Jésus celui de Maître. Ici, elle
adressait une prière, là elle reconnaît, d'un côté elle témoigna des égards à
un homme de qui elle attendait un service; de l'autre, elle reconnaît le
docteur qui lui avait appris à faire le discernement des choses humaines et
des vérités divines. C'est donc dans un tout autre sens qu'elle prend le nom
de Seigneur dans cette phrase : « Ils ont enlevé mon Seigneur, » et dans
celte autre : « Seigneur, si vous l'avez, enlevé. » S. Grégoire : L'Evangéliste ne nous dit pas ce que fit
ensuite Marie-Madeleine, mais nous pouvons facilement le supposer par les
paroles que le Sauveur lui adresse : « Jésus lui dit : Ne me touchez point, »
et qui prouvent qu'elle voulait embrasser les pieds de celui qu'elle venait
de reconnaître. Mais pourquoi ne veut-il point qu'elle le touche ? Il en
donne la raison : « Car je ne suis pas encore remonté vers mon Père. » — S. Augustin : Mais si on ne peut le
toucher alors qu'il est sur la terre, comment les hommes pourront-ils le
toucher lorsqu'il sera remonté dans le ciel ? D'ailleurs, avant de remonter
dans le ciel, n'a-t-il pas engagé lui-même ses disciples à le toucher, en
leur disant : « Touchez et voyez qu'un esprit n'a ni chair ni os, » ainsi que
le rapporte saint Luc. (Lc 24) Or, qui donc oserait pousser l'absurdité
jusqu'à dire qu'à la vérité il a consenti à être touché par ses disciples
avant de remonter vers son Père, mais qu'il n'a voulu être touché par des
femmes que lorsqu'il serait remonté dans le ciel ? Mais ne voyons-nous pas
que les femmes elles-mêmes, parmi lesquelles était Marie-Madeleine, ont
touché le corps du Sauveur après sa résurrection, avant qu'il fut remonté
vers son Père, comme le raconte saint Matthieu : « Et voilà que Jésus se
présenta devant elles et leur dit : Je vous salue. Elles s'approchèrent, et,
embrassant ses pieds, elles l'adorèrent. » (Mt 28, 8). Il faut donc entendre
cette défense dans ce sens que Marie-Madeleine était la figure de l'Eglise
des Gentils, qui n'a cru en Jésus-Christ que lorsqu'il fut remonté vers son
Père. On peut dire encore que Jésus a voulu que la foi qu'on avait en lui,
foi par laquelle on le touche spirituellement, allait jusqu'à croire que son
Père et lui ne faisaient qu'un. Car celui qui a fait en lui d'assez grands
progrès pour reconnaître qu'il est égal à son Père, monte en quelque manière
jusqu'au Père par les sentiments intérieurs de son âme. Comment, en effet, la
foi de Madeleine en Jésus-Christ n'aurait-elle pas été charnelle, puisqu'elle
ne le pleurait encore que comme un homme ? — S. Augustin : (de la Trin., 1, 9). Le toucher est comme le
dernier degré de la connaissance; aussi Jésus ne voulait pas qu'il fût comme
le dernier terme de l'affection si vive de Marie-Madeleine pour lui, et que
sa pensée s'arrêtât à ce qui frappait ses regards. S. Jean Chrysostome : Ou bien encore, cette femme voulait dans ses
rapports avec le Sauveur, se conduire comme avant sa passion, et la joie
qu'elle éprouvait, fermait son esprit à toute pensée élevée, bien que le
corps de Jésus-Christ fût revêtu de propriétés bien supérieures depuis sa
résurrection. C'est donc pour la détourner de ces pensées trop naturelles,
qu'il lui dit : « Ne me touchez point; » il veut ainsi qu'elle apprenne à lui
parler avec une moins grande familiarité; c'est pour la même raison que ses
rapports avec ses disciples ne sont plus les mêmes qu'avant sa passion, afin
qu'ils aient pour lui une plus grande vénération. Ces paroles : « Je ne suis
pas encore monté vers mon Père, » indiquent qu'il se hâte de se rendre au
plus tôt vers lui. Or, il ne fallait plus voir et traiter de la même manière
celui qui devait bientôt se rendre dans les cieux et cesser tout rapport
extérieur avec les hommes, et c'est ce qu'il veut faire entendre, en ajoutant
: « Allez à mes frères, et dites-leur : Je monte vers mon Père et votre Père,
vers mon Dieu et votre Dieu. » —S.
Hilaire : (de la Trin., 11) Parmi tant d'autres impiétés, les hérétiques
prétendent s'appuyer sur ces paroles du Seigneur, pour soutenir que son Père
étant le Père de ses disciples, et son Dieu leur Dieu, il n'est pas Dieu
lui-même. Ils ne réfléchissent pas qu'il a pris la nature du serviteur, tout
en conservant la nature divine. Or, puisque c'est dans la forme de serviteur
que Jésus-Christ s'adresse à des hommes, nul doute qu'à ne considérer que sa
nature humaine et la forme d'esclave dont il s'est revêtu, son Père ne soit
aussi leur Père, et son Dieu leur Dieu. Il s'exprime encore de la même
manière lorsqu'il leur dit en commençant : « Allez à mes frères. » Ils sont
les frères de Dieu selon la chair, car en tant que Fils unique de Dieu, il
n'a point de frères. — S. Augustin : Remarquez
d'ailleurs que Jésus ne dit point : Notre Père, mais : « Mon Père, et votre
Père. » Il est donc mon Père dans un autre sens qu'il est le vôtre; il est
mon Père par nature, il est le vôtre par grâce. Il ne dit pas non plus :
Notre Dieu, mais : « Mon Dieu, » auquel je suis inférieur comme homme, et :
«Votre Dieu, » et je suis le médiateur entre vous et lui. S. Augustin : (de l'accord des Evang., 3, 24). Madeleine
sortit alors du tombeau, c'est-à-dire, du jardin qui entourait le tombeau
creusé dans le roc. Avec elle sortirent les autres femmes que saint Marc nous
représente saisies de crainte et d'effroi, et toutes gardent un profond
silence. Marie-Madeleine, poursuit l'Evangéliste, vint trouver les disciples
et leur dit : « J'ai vu le Seigneur, et il m'a dit cela. » — S. Grégoire : Le crime du genre
humain est effacé dans les mômes circonstances où il a été commis, c'est dans
un jardin que la femme a communiqué la mort à l'homme, c'est en sortant d'un
sépulcre qu'une femme vient annoncer la vie aux hommes, et celle qui s'était
rendu l'organe des paroles de mort du serpent, rapporte aujourd'hui les
paroles du souverain auteur de la vie. S. Augustin : (de l'accord des Evang., 3, 24). D'après le
récit de saint Matthieu, c'est alors que Madeleine revenait avec les autres
femmes, que Jésus se présenta devant elles et leur dit : « Je vous salue. »
Il faut conclure de là que les anges aussi bien que le Sauveur, parlèrent aux
pieuses femmes, lorsqu'elles allèrent au tombeau, à deux reprises
différentes; une première fois lorsque Marie prit Jésus pour le jardinier, et
une seconde fois, lorsqu'il se présenta de nouveau devant elles pour les
affermir par cette double apparition; c'est donc alors que Marie-Madeleine,
non pas seule, mais avec les autres femmes dont parle saint Luc, vint
annoncer cette nouvelle aux disciples. S. Bède : (sur S. Matth., 27) Dans le sens allégorique
ou tropologique, Jésus se présente à tous ceux qui commencent à marcher dans
le chemin des vertus, et il les salue en leur donnant les secours nécessaires
pour arriver au salut éternel. Les deux femmes qui portent le même nom et
qui, animées des mêmes sentiments de piété et d'amour (c'est-à-dire,
Marie-Madeleine et l'autre Marie), viennent visiter le tombeau du Sauveur,
figurent les deux peuples fidèles, le peuple des Juifs et le peuple des
Gentils, qui manifestent le même zèle et le même empressement pour célébrer
la passion et la résurrection du Rédempteur. (Sur S. Marc). C'est avec raison
que la femme qui a la première annoncé aux disciples éplorés la joyeuse
nouvelle de la résurrection du Sauveur, nous est représentée comme ayant été
délivrée de sept démons, c'est-à-dire, de tous les vices; elle nous apprend
ainsi, que nul de ceux dont le repentir est véritable, ne doit désespérer du
pardon de ses fautes, en la voyant elle-même élevée à un si haut degré de foi
et d'amour, qu'elle est jugée digne d'annoncer aux Apôtres eux-mêmes le
miracle de la résurrection. — La Glose
: Marie-Madeleine qui se montre bien plus empressée que tous les autres
d'aller voir le tombeau de Jésus-Christ, représente toute âme qui désire
vivement connaître la vérité divine, et qui mérite ainsi d'obtenir cette
connaissance. Mais elle doit alors faire connaître aux autres la vérité qui
lui a été révélée, à l'exemple de Madeleine, qui annonce la résurrection aux
disciples, pour éviter la juste condamnation d'avoir tenu caché son talent.
(Sur S. Marc). Il ne vous est pas permis de renfermer cette joie dans le
secret de votre cœur, mais vous devez la faire partager à ceux qui partagent
votre amour. Dans le sens allégorique, Marie qui signifie maîtresse,
illuminée, illuminatrice, étoile de la mer, est la figure de l'Eglise. Elle
s'appelle aussi Madeleine, c'est-à-dire, élevée comme une tour, car le mot
Magdal, eu hébreu, a la même signification que le mot turris en latin. Or, ce
nom qui est dérivé du mot tour, convient parfaitement à l'Eglise, dont il est
dit dans le Psaume 60 : « Vous êtes devenu pour moi une forte tour contre
l’ennemi. » L'exemple de Marie-Madeleine, annonçant la résurrection de
Jésus-Christ aux disciples, nous avertit tous et surtout ceux à qui a été
confié le ministère de la parole, de transmettre soigneusement à notre
prochain ce que nous avons reçu nous-mêmes par révélation divine. Versets 19-25.
S. Jean Chrysostome : (hom. 86 sur S. Jean). En apprenant de la
bouche de Marie-Madeleine la nouvelle de la résurrection, les disciples
devaient ou refuser d'y croire, ou en y ajoutant foi, attrister de ce que le
Seigneur ne les avait pas jugés dignes de le voir eux-mêmes ressuscité. Jésus
ne les laisse pas une seule journée dans ces pensées, et comme la nouvelle
qu'ils avaient apprise qu'il était ressuscité, partageait leur esprit entre
le désir de le voir et la crainte, lorsque le soir fut venu, il se présenta
an milieu d'eux : « Sur le soir du même jour, qui était le premier de la
semaine, les portes du lieu où les disciples se trouvaient rassemblés, étant
fermées, » etc. — S. Bède : Nous
avons ici une preuve de la grande timidité des Apôtres qui les tient
rassemblés les portes fermées de peur des Juifs, dont la crainte les avait
déjà dispersés : « Jésus vint et se tint au milieu d'eux. » Il leur apparaît
le soir, parce que leur crainte devait alors être plus grande encore. — Théophylactus : Peut-être aussi
voulut-il attendre ce moment pour les trouver tous réunis. Il entre les
portes fermées, pour leur montrer qu'il était ressuscité de la même manière,
en traversant la pierre qui recouvrait le sépulcre. — S. Augustin : (serm. sur la fête de Pâque). Il en est
quelques-uns que ce fait étonne au point de mettre leur foi en péril, ils
opposent aux miracles divins les préjugés de leurs raisonnements, et
argumentent ainsi : Si c'était vraiment un corps, si le corps qui a été
attaché à la croix est véritablement sorti du sépulcre, comment a-t-il pu
traverser les portes qui étaient fermées ? Si vous compreniez le comment, ce
ne serait plus un miracle, là où la raison fait défaut, la foi commence à
s'élever. S. Augustin : (Traité 121 sur S. Jean). Les portes fermées
ne purent faire obstacle à un corps où habitait la Divinité, et celui dont la
naissance laissa intacte la virginité de sa Mère, put entrer dans ce lieu
sans que les portes fussent ouvertes. S. Jean Chrysostome : Il est surprenant que la pensée ne soit
point venue aux disciples que c'était un fantôme, mais Marie-Madeleine, en
leur annonçant que Jésus était ressuscité, avait animé et développé leur foi.
Il se manifesta lui-même ensuite à leurs yeux, et par ses paroles il affermit
leur âme encore chancelante : « Et il leur dit : La paix soit avec vous, »
c'est-à-dire, ne vous troublez point. Il rappelle ici ce qu'il leur avait dit
avant sa passion : « Je vous donne ma paix; » et encore : « C'est en moi que
vous aurez la paix. » S. Grégoire : (hom. 20 sur les Evang). Comme la foi de ses
disciples avait encore quelque doute sur la vérité du corps qu'ils avaient
devant les yeux, Nôtre-Seigneur, ajoute l'Evangéliste, leur montra aussitôt
ses mains et son côté. — S. Augustin :
Les clous avaient percé ses mains, la lance avait ouvert son côté, et il
avait voulu conserver les cicatrices de ses blessures pour guérir de la plaie
du doute le cœur de ses disciples. — S.
Jean Chrysostome : Il accomplit la prédiction qu'il leur avait faite
avant sa passion : « Je vous verrai de nouveau, et votre cœur se réjouira. »
Aussi l'Evangéliste remarque, « qu'ils furent remplis de joie voyant le
Seigneur. » — S. Augustin : (de la
cité de Dieu, 22, 19). Cette gloire éclatante comme le soleil dont les justes
brilleront dans le royaume de leur Père (Mt 13), demeura voilée dans le corps
de Jésus-Christ ressuscité, mais n'en fut point séparée. La faiblesse des
yeux de l'homme n'aurait pu le considérer dans cet éclat, et il suffisait
d'ailleurs alors à ses disciples de le voir de manière à pouvoir le
reconnaître. S. Jean Chrysostome : Toutes ces circonstances donnaient à leur
foi une certitude absolue; mais comme ils devaient avoir ù soutenir contre
les Juifs une lutte acharnée, il leur souhaite du nouveau la paix : « Il leur
dit de nouveau : La paix soit avec vous. » — S. Bède : Ce souhait redoublé est une confirmation de la paix
qu'il leur souhaite; et il le répète à deux fois parce que la vertu de
charité a un double objet, ou bien parce que c'est lui « qui des deux peuples
n'en a fait qu'un. » (Ep 2, 14). — S.
Jean Chrysostome : Il nous montre en même temps l'efficacité de la croix
qui a dissipé toutes les causes de tristesse et a été pour nous la source de
tous les biens, et c'est là la véritable paix. C'est ainsi qu'il avait fait
porter précédemment aux saintes femmes ces paroles de joie, parce que ce sexe
était comme dévoué à la tristesse par suite de cette malédiction prononcée
contre lui : « Vous enfanterez dans la douleur. » (Gn 3) Mais maintenant que
tous les obstacles sont renversés et toutes les difficultés aplanies, le
Sauveur ajoute : « Comme mon Père m'a envoyé, moi-même je vous envoie. » — S. Grégoire : Le Père a envoyé son
Fils lorsqu'il a décrété qu'il s'incarnerait pour la rédemption du genre
humain. C'est pour cela qu'il dit à ses disciples : « Comme mon Père m'a
envoyé, moi-même je vous envoie. » C'est-à-dire en vous envoyant au milieu de
tous les pièges que vous tendront les persécuteurs, je vous aime du même
amour dont mon Père m'a aimé lorsqu'il m'a envoyé pour supporter toutes les
souffrances que j'ai eu à endurer. — S.
Augustin : (Traité 121 sur S. Jean). Nous savons que le Fils est égal à
son Père, mais nous reconnaissons a ces paroles le langage du Médiateur. Il
nous montre en effet qu'il est Médiateur en leur disant : « Mon Père m'a
envoyé, et moi je vous envoie. » — S.
Jean Chrysostome : C'est ainsi qu'il relève leur courage par la pensée
des événements qui ont eu lieu et de la dignité de celui qui les envoie. Il
n'adresse plus ici de prière à son Père, c'est de sa propre autorité qu'il
leur communique une puissance toute divine : « Ayant dit ces paroles, il
souffla sur eux et leur dit : Recevez l'Esprit saint. » — S. Augustin : (de la Trin., 4, 20).
Ce souffle extérieur ne fut point la substance de l'Esprit saint, mais une
figure propre à nous faire comprendre que l'Esprit saint procédait
non-seulement du Père, mais aussi du Fils. Car, qui serait assez dénué de
raison pour prétendre que l'Esprit saint que Jésus donna à ses disciples en
soufflant sur eux est différent de celui qu'il leur a envoyé après sa résurrection
? — S. Grégoire : Mais pourquoi le
donne-t-il d'abord étant sur la terre à ses disciples, avant de le leur
envoyer du ciel ? C'est parce qu'il y a deux préceptes de la charité, le
précepte de la charité de Dieu, le précepte de la charité du prochain. L'Esprit
saint nous est donné sur la terre pour nous porter à l'amour du prochain; il
nous est envoyé du haut du ciel pour nous inspirer l'amour de Dieu. De même
que la charité est une, bien qu'elle ait deux préceptes pour objet, ainsi il
n'y a qu'un seul esprit donné dans deux circonstances différentes, la
première fois par le Sauveur, lorsqu'il était encore sur la terre; la seconde
fois lorsqu'il fut envoyé du ciel, car c'est l'amour du prochain qui nous
apprend à nous élever jusqu'à l'amour de Dieu. S. Jean Chrysostome : Quelques-uns prétendent que Notre Seigneur n'a
point donné l'Esprit saint à ses disciples, mais qu'il les prépara, en
soufflant sur eux, à recevoir l'Esprit saint. En effet, si à la vue seule
d'un ange Daniel fut saisi d'effroi, que n'auraient pas éprouvé les disciples
en recevant ce don ineffable, si Jésus n'avait pris soin de les y préparer ?
On ne se trompera point du reste en disant qu'ils reçurent alors la puissance
d'une grâce toute spirituelle, non point pour ressusciter les morts et faire
des miracles, mais pour remettre les péchés, comme paraissent l'indiquer les
paroles suivantes : « Les péchés seront remis à ceux à qui vous les
remettrez, et ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez. » S. Augustin : La charité de l'Eglise que l'Esprit saint
répand dans nos cœurs (Rm 5) remet les péchés de ceux qui entrent en
participation de cette divine charité, mais elle les retient à ceux qui n'y
ont aucune part. C'est pour cela qu'après avoir dit : « Recevez l'Esprit
saint, » le Sauveur parle aussitôt du pouvoir de remettre et du retenir les
péchés. S. Grégoire : Il faut remarquer que ceux qui ont reçu
d'abord l'Esprit saint pour vivre dans l'innocence et prêcher d'une manière
utile à quelques-uns, ont reçu ensuite visiblement ce même Esprit, pour que
les effets de leur zèle fussent moins restreints et s'étendissent à un plus
grand nombre. J'aime à considérer à quel degré de gloire Jésus élève ceux
qu'il avait appelé à de si grands devoirs d'humilité. Voici que non-seulement
il leur donne toute espèce de sécurité pour eux-mêmes, mais ils reçoivent en
partage la magistrature du jugement suprême et le pouvoir de remettre les
péchés aux uns et de les retenir aux autres. Les évêques qui sont appelés au
gouvernement de l'Eglise tiennent maintenant leur place et ont aussi le
pouvoir de lier et de délier. C'est un grand honneur, mais c'est en même
temps un bien lourd fardeau, car quelle charge plus pénible pour celui qui ne
sait tenir les rênes de sa propre vie, de prendre en main la direction de la
vie des autres ! — S. Jean Chrysostome
: Le prêtre qui se contente de bien régler sa vie personnelle, mais ne
prend point un soin vigilant de la vie des autres, est condamné au feu de
l'enfer avec les impies. En considérant la grandeur du danger auquel les
prêtres sont exposés, ayez donc pour eux beaucoup de bienveillance et
d'égards, quand même ils ne seraient point de condition très élevés, car il
n'est pas juste qu'ils soient jugés sévèrement pur ceux qui sont soumis à
leur pouvoir. Quand même leur vie serait souverainement coupable, vous n'avez
aucun dommage à craindre dans la distribution des grâces dont ils sont les
dispensateurs, car dans les dons qui viennent de Dieu, ce n'est point le
prêtre, ce n'est ni un ange, ni un archange qui peuvent agir; c'est du Père,
du Fils et du Saint-Esprit que découlent toutes les grâces. Le prêtre ne fait
que prêter sa langue et sa main. Il n'eût pas été juste, en effet, que par
suite de la conduite criminelle des ministres de Dieu, les sacrements de
notre salut perdissent de leur efficacité pour ceux qui ont embrassé la foi. Tous les disciples étant rassemblés, Thomas seul manquait, depuis le
moment où ils s'étaient tous dispersés. « Or Thomas, un des douze, appelé
Didyme, n'était pas avec eux lorsque Jésus vint. » — Alcuin : Le mot grec Didyme veut dire double en latin, et ce
disciple est ainsi appelé à cause de ses doutes dans la foi. Le mot Thomas
signifie abîme, parce qu'il a pénétré ensuite avec une foi certaine les
profondeurs de la divinité. Or, ce n'était point par l’effet du hasard que ce
disciple était alors absent, car la conduite de la divine bonté paraît ici
d'une manière merveilleuse, elle voulait que ce disciple incrédule, eu
touchant les blessures du corps du Sauveur, guérît en nous les blessures de l'incrédulité.
Eu effet, l’incrédulité de Thomas nous a plus servi pour établir en nous la
foi que la loi elle-même dus disciples qui crurent sans hésiter. L'exemple de
ce disciple qui revient à la foi en touchant le corps du Sauveur chasse de
notre âme toute espèce de doute et nous affermit à jamais dans la loi. — S. Bède : On peut demander pourquoi
saint Jean nous dit que Thomas était alors absent, tandis que saint Luc
rapporte, que les deux disciples qui revenaient d'Emmaüs à Jérusalem
trouvèrent les onze réunis. Celte difficulté s'explique en admettant qu'il y
eut un intervalle pendant lequel Thomas sortit pour un instant, et que ce fut
alors que Jésus se présenta au milieu de ses disciples. S. Jean Chrysostome : (hom. 87 sur S. Jean). C’est la marque d'un
esprit léger de croire trop facilement et sans examen, mais c'est le
caractère d'un esprit peu intelligent de porter ses recherches au delà de
toute mesure et de vouloir trop approfondir, et c'est en quoi Thomas se
rendit coupable. Les apôtres lui disent : « Nous avons vu le Seigneur, » et
il refuse de le croire, moins encore par défiance de ce qu'ils lui disaient
que parce qu'il regardait la chose comme impossible. « Les autres disciples
lui dirent donc : Nous avons vu le Seigneur. Il leur répondit : Si je ne vois
dans ses mains la marque des clous qui les ont percées, et si je ne mets mon
doigt dans le trou des clous et ma main dans la plaie de son côté, je ne le
croirai point. » Son esprit, plus grossier que celui des autres, voulait
arriver à la foi par le sens le plus matériel, c'est-à-dire par le toucher.
Le témoignage de ses yeux ne lui suffisait même pas; aussi ne se
contente-t-il pas de dire : Si je ne vois, mais il ajoute : « Si je ne mets
mon doigt, » etc. Versets 26-31.
S. Jean Chrysostome : (hom. 87 sur S. Jean). Considérez la bonté
du divin Maître; il daigne apparaître et montrer ses blessures pour le salut
d'une seule âme. Les disciples qui lui avaient appris que le Sauveur était
ressuscité étaient assurément bien dignes de foi, aussi bien que le Sauveur
lui-même qui l'avait prédit; cependant comme Thomas exige une nouvelle
preuve, Jésus ne veut pas la lui refuser. Toutefois il ne lui apparaît pas
aussitôt, mais huit jours après, afin que le témoignage des disciples rendît
ses désirs plus vils, et que sa foi fût plus affermie dans la suite : « Huit
jours après, dit l'Evangéliste, les disciples étaient encore dans le même
lieu, et Thomas avec eux, Jésus vint, les portes étant fermées, et il se tint
au milieu d'eux et leur dit : La paix soit avec vous. » — S. Augustin : (Serm. sur la Pass. ou
serm. 3 pour l'oct. de Pâq., 159 du temps). Vous me demandez : Puisqu'il est
entré les portes étant fermées, que sont devenues les propriétés naturelles
du corps ? Et moi je vous réponds : Lorsqu'il a marché sur la mer, qu'était
devenue la pesanteur de son corps ? Le Seigneur se conduisait ainsi comme
étant le souverain Maître; a-t-il donc cessé de l'être parce qu'il est
ressuscité ? S. Jean Chrysostome : Jésus apparaît donc, et il n'attend pus que
Thomas l'interroge, et pour lui montrer qu'il était présent lorsqu'il
exprimait ses doutes aux autres disciples, il se sert des mêmes paroles. Il
commence par lui faire les reproches qu'il méritait : « Il dit ensuite à
Thomas : Portez ici votre doigt et considérez mes mains; approchez aussi
votre main et mettez-la dans mon côté. » Puis il l'instruit en ajoutant : «
Et ne soyez plus incrédule, mais fidèle. » Vous voyez qu'ils étaient
travaillés par le doute de l'incrédulité avant d'avoir reçu l'Esprit saint,
mais ils furent ensuite affermis pour toujours dans la foi. Ce serait une
question digne d'intérêt d'examiner comment un corps incorruptible pouvait
porter la marque des clous, mais n'en soyez pas surpris, c'était un effet de
la bonté du Sauveur qui voulait ainsi convaincre ses disciples que c'était
bien lui qui avait été crucifié. S. Augustin : (du symb. aux catéch., 2, 8). Jésus aurait
pu, s'il avait voulu, faire disparaître de son corps ressuscité et glorifié
toute marque de cicatrice, mais il savait les raisons pour lesquelles il
conservait ces cicatrices dans son corps. De même qu'il les a montrées à
Thomas, qui ne voulait point croire à moins d'avoir touché et d'avoir vu,
ainsi il montrera un jour ces mêmes blessures à ses ennemis, non plus pour
leur dire : « Parce que vous avez vu, vous avez cru, » mais pour qu'ils
soient convaincus par la vérité qui leur dira : « Voici l'homme que vous avez
crucifié, vous voyez les blessures que vous avez faites; vous reconnaissez le
côté que vous avez percé, c'est par vous et pour vous qu'il a été ouvert, et
cependant vous n'avez pas voulu y entrer. » — S. Augustin : (de la cité de Dieu, 22, 20). Je ne sais pourquoi
l'amour que nous avons pour les saints martyrs nous fait désirer de voir sur
leur corps, dans le royaume des cieux, les cicatrices des blessures qu'ils
ont reçues pour le nom de Jésus-Christ, et j'espère que ce désir sera
satisfait. Car ces blessures, loin d'être une difformité, seront un signe de
gloire, et bien qu'empreintes sur leur corps, elles feront éclater la beauté,
non point du corps, mais de leur courage et de leur vertu. Et quand même les
martyrs auraient eu quelques-uns de leurs membres coupés ou retranchés, ils
ne ressusciteront pas sans que ces membres leur soient rendus, car il leur a
été dit : « Un cheveu de votre tête ne périra pas. » (Lc 21, 18). Si donc il
est juste que dans cette vie nouvelle, on voie les marques de ces glorieuses
blessures dans leur chair douée de l'immortalité, les cicatrices de ces
blessures apparaîtront sur les membres qui leur seront rendus, à l'endroit
même où ils ont été frappés ou coupés pour être retranchés. Tous les défauts
du corps disparaîtront alors, il est vrai, mais on ne peut considérer comme
des défauts ou des taches les témoignages du courage des martyrs. S. Grégoire : (hom. 20). Notre Seigneur offre au toucher
cette même chair, avec laquelle il était entré les portes demeurant fermées.
Nous voyons ici deux faits merveilleux et qui paraissent devoir s'exclure, à
ne consulter que la raison; d'un côté, le corps de Jésus ressuscité est
incorruptible, et de l'autre cependant, il est accessible au toucher. Or, ce
qui peut se toucher doit nécessairement se corrompre, et ce qui est
impalpable ne peut être sujet à la corruption. Nôtre-Seigneur, en montrant
dans son corps ressuscité, ces deux propriétés de l'incorruptibilité et de la
tangibilité, nous fait voir que sa nature est restée la même, mais que sa
gloire est différente. — S. Grégoire :
(Moral., 14, 39 ou 31 dans les anc. édit). Après la gloire de la
résurrection, notre corps deviendra subtil par un effet de la puissance
spirituelle dont il sera revêtu, mais il demeurera palpable en vertu de sa
nature première, et il ne sera pas, comme l'a écrit Eutychius, impalpable et
plus subtil que l'air et les vents. S. Augustin : Thomas ne voyait et ne touchait que l'homme,
et il confessait le Dieu qu'il ne pouvait ni voir ni toucher; mais ce qu'il
voyait et ce qu'il touchait le conduisait à croire d'une foi certaine ce dont
il avait douté jusqu'alors : « Thomas répondit et lui dit : Mon Seigneur et
mon Dieu. » — Théophylactus : Celui
qui avait d'abord été un incrédule, après l'épreuve du toucher, se montre un
parfait théologien, en proclamant en Jésus-Christ deux natures et une seule
personne, en disant : « Mon Seigneur, » il reconnaît la nature humaine, et en
ajoutant : « Mon Dieu, » la nature divine, et ces deux natures dans un seul
et même Dieu, et Seigneur. « Jésus lui dit : Vous avez cru parce que vous m'avez vu. » — S. Augustin : Il ne lui dit pas :
Vous m'avez touché, mais vous m'avez vu, parce que la vue est comme un sens
général qui, dans le langage ordinaire, comprend les quatre autres sens.
C'est ainsi que nous disons : Ecoutez et voyez quel son harmonieux, sentez et
voyez quelle odeur agréable, touchez et voyez quelle chaleur ? C'est ainsi
que Notre Seigneur lui-même dit à Thomas : « Mettez-la votre doigt, et voyez
mes mains, » ce qui ne veut dire autre chose que : « Touchez et voyez. »
Thomas cependant n'avait pas les yeux au bout du doigt. Les deux opérations
de la vue et du toucher sont donc exprimées dans ces paroles du Sauveur : «
Parce que vous m'avez vu, vous avez cru. » On pourrait dire encore que Thomas
n'osa pas toucher le corps de Jésus, bien qu'il le lui offrît. S. Grégoire : (hom. 26). L'Apôtre nous dit : « La foi est
le fondement des choses que l'on doit espérer, et une pleine conviction de
celles qu'on ne voit point. » (He 11, 1) Il est donc évident que ce que l'on
voit clairement n'est pas l'objet de la foi, mais de la connaissance.
Pourquoi donc le Sauveur dit-il à Thomas, qui avait vu et touché : « Parce
que vous avez vu, vous avez cru ? » C'est qu'il crut autre chose que ce qu'il
voyait. Ses yeux ne voyaient qu'un homme, et il confessait un Dieu. Les
paroles qui suivent : « Bienheureux ceux qui n'ont pas vu et qui ont cru, »
répandent une grande joie dans notre âme, car c'est nous que Notre Seigneur a
eus particulièrement en vue, nous qui croyons dans notre esprit en celui que
nous n'avons pas vu de nos yeux, si toutefois nos œuvres sont conformes à
notre foi. Car la vraie foi est celle qui se traduit et se prouve par les
œuvres. — S. Augustin : Le Sauveur
parle ici au passé, parce que dans les décrets de sa prédestination, il
regardait comme déjà fait ce qui devait arriver. — S. Jean Chrysostome : Lors donc qu'un chrétien est tenté de dire
: Que n'ai-je été dans ces temps heureux pour voir de mes yeux les miracles
de Jésus-Christ, qu'il se rappelle ces paroles : « Bienheureux ceux qui n'ont
point vu et qui ont cru. » — Théophylactus
: Notre Seigneur désigne ici ceux de ses disciples qui ont cru sans
toucher les blessures faites par les clous et la plaie du côté. S. Jean Chrysostome : Comme le récit de saint Jean est moins
étendu que celui des autres évangélistes, il ajoute : « Jésus fit encore
devant ses disciples beaucoup d'autres miracles qui ne sont pas écrits dans
ce livre. » Les autres évangélistes n'ont pas non plus raconte tout ce qu'ils
ont vu, mais simplement tout ce qui suffisait pour amener les hommes à la
foi. Je crois du reste que saint Jean ne veut parler ici que des miracles qui
ont eu lieu après la résurrection, c'est pour cela qu'il dit : « En présence
de ses disciples » avec lesquels seuls il eût des rapports après sa
résurrection. Ne croyez pas du reste que ces miracles n'étaient faits que
dans l'intérêt des disciples, » car ajoute l'Evangéliste : « Ceux-ci sont
écrits afin que vous croyiez que Jésus est le Christ Fils de Dieu, » et il
parle ici de tous les hommes. Et remarquez que cette foi est utile, non pas à
celui qui en est l'objet, mais ù nous-mêmes qui croyons : « Afin que croyant,
vous ayez la vie en son nom. » |
Caput 21 Lectio 1 [86159] Catena in Io., cap. 21 l. 1 Augustinus in
Ioannem. Quod immediate Evangelista praemiserat, veluti huius libri
indicat finem; sed narratur hic deinde quemadmodum se manifestaverit dominus
ad mare Tiberiadis; unde dicitur postea manifestavit se Iesus iterum ad mare
Tiberiadis. Chrysostomus in Ioannem. Dicit autem postea, quia non
continue cum eis ambulabat, ut antea. Dicit etiam manifestavit se, quia non
videretur nisi condescenderet : quia incorruptibile erat corpus. Loci autem
meminit, ostendens quoniam plurimum timoris eis dominus abstulerat, ut de
reliquo ipsi longe a domo procedant, non ultra in domo conclusi; sed in
Galilaeam ierant, periculum declinantes Iudaicum. Beda. More autem
solito Evangelista prius retulit causam, deinde quemadmodum res gesta sit
enarrat; unde sequitur manifestavit autem sic. Chrysostomus. Quia vero
neque dominus cum eis continue erat, neque spiritus datus erat, neque aliquid
tunc erat eis commissum, neque aliquid habebant agere, artem piscatoriam
tractabant; unde sequitur manifestavit autem sic : erant simul Simon Petrus,
et Thomas, qui dicitur Didymus, et Nathanael, qui erat a Cana Galilaeae, qui
scilicet vocatus est a Philippo, et filii Zebedaei, scilicet Iacobus et
Ioannes, et alii ex discipulis eius duo. Dicit eis Simon Petrus : vado
piscari. Gregorius in Evang. Quaeri potest cur Petrus, qui piscator
ante conversionem fuit, post conversionem ad piscationem rediit, cum veritas dicat
: neque mittens manum ad aratrum, et respiciens retro, aptus est regno Dei.
Augustinus. Quod si fecissent discipuli, defuncto Iesu, priusquam
resurrexisset a mortuis, putaremus eos illa quae animos eorum occupaverat
desperatione fecisse. Nunc vero post eum sibi de sepulchro redditum vivum,
post inspecta vulnerum loca, post acceptum eius insufflatione spiritum
sanctum, subito fiunt sicut fuerant, non hominum, sed piscium piscatores.
Respondendum est ergo, non eos fuisse prohibitos ex arte sua licita victum
necessarium quaerere, sui apostolatus integritate servata, si quando unde
viverent aliud non haberent. Si enim beatus Paulus ea potestate, quam
profecto cum ceteris Evangelii praedicatoribus habebat, non cum ceteris
uteretur, sed stipendio suo militaret, ne gentes a nomine Christi penitus
alienas, doctrina eius quasi venalis offenderet, aliter educatus, artem quam
non noverat didicit, ut dum suis manibus transigitur doctor, nullus
gravaretur auditor, quanto magis beatus Petrus, qui iam piscator fuerat, quod
noverat fecit, si ad praesens illud tempus, aliud unde viveret non invenit.
Sed respondebit quispiam : et cur non invenit, cum dominus promiserit dicens
: quaerite primum regnum Dei et iustitiam eius, et haec omnia apponentur
vobis? Prorsus etiam dominus quod promisit implevit : nam quis alius pisces
qui caperentur apposuit, qui non ob aliud credendus est eis ingessisse
penuriam, qua cogerentur ire piscatum, nisi dispositum volens exhibere
miraculum? Gregorius. Negotium ergo quod ante conversionem sine
peccato extitit, hoc etiam post conversionem repetere culpa non fuit : unde
post conversionem suam ad piscationem Petrus rediit; Matthaeus vero ad
telonii negotium non resedit. Sunt enim pleraque negotia quae sine peccatis
exhiberi aut vix aut nullatenus possunt. Quae ergo ad peccatum implicant, ad
haec necesse est ut post conversionem animus non recurrat. Chrysostomus
in Ioannem. Alii autem discipuli sequebantur Petrum; unde dicitur dicunt
ei : venimus et nos tecum : colligati enim de reliquo sibi invicem erant.
Simul volebant piscationem videre. Sequitur et exierunt, et ascenderunt in
navim. In nocte autem piscabantur, quia adhuc formidolosi erant.
Gregorius. Facta est autem discipulis piscationis magna difficultas, ut
veniente magistro fieret admirationis magna sublimitas; unde sequitur et illa
nocte nihil prendiderunt. Chrysostomus. Laborantibus autem et
afflictis discipulis assistit Iesus; unde sequitur mane facto stetit Iesus in
littore; non tamen cognoverunt discipuli quia Iesus est. Non enim seipsum mox
eis ostendit, sed voluit et allocutionem cum eis inire; et primo loquitur eis
humanius; nam sequitur dicit eis Iesus : pueri, numquid pulmentarium habetis?
Hoc autem dicit, quasi ab eis aliquid emere vellet. Ut autem timuerunt, eis
signum ostendit, per quod cognoscerent; sequitur enim dixit eis : mittite in
dexteram navigii rete, et invenietis. Multa autem consequenter facta sunt :
quorum primum est, multos pisces esse comprehensos; unde sequitur miserunt
ergo, et iam non valebant illud trahere prae multitudine piscium. Sed in
Christi cognitione Petrus et Ioannes suos proprios modos ostenderunt. Ioannes
enim perspicacior erat; et ideo primo cognovit Christum; unde sequitur dicit
ergo discipulus ille quem diligebat Iesus, Petro : dominus est. Beda. Hoc
indicio sicut saepe, ita et hic suam demonstrat personam. Cognovit autem
primus dominum sive miraculo istius piscationis, sive sono praecognitae
vocis, sive primae reminiscens piscationis. Chrysostomus. Petrus autem
ferventior erat, et ideo promptius venit ad Christum; sequitur enim Simon
Petrus cum audisset quia dominus est, tunica succinxit se (erat enim nudus).
Beda. Dicitur autem Petrus nudus fuisse ad comparationem ceterorum
vestimentorum quibus uti solebat; sicut solemus dicere cum aliquem simplici
vestimento videmus indutum : quare nudus incedis? Sive potest intelligi quod
more piscatorum studio piscandi nudus incesserit. Theophylactus. Quod
vero se praecinxit Petrus, pudoris est signum; praecinxit autem se lineo
amictu, quem Phoenices et Tyrii piscatores circumvolvunt sibi, cum nudi sunt,
sive etiam ceteris indumentis apponunt. Beda. Eodem autem ardore quo
et multa alia fecerat, venit ad Iesum; unde sequitur et misit se in mare;
alii autem discipuli navigio venerunt. Non tamen intelligendum est Petrum super
fluctus venisse, sed aut natando, aut pedibus propriis, quia erant prope
terram; sequitur enim non longe enim erant a terra, sed quasi cubitis
ducentis. Glossa. Interpositio est; sequitur enim trahentes rete
piscium : ut sit ordo litterae : alii discipuli navigio venerunt trahentes
rete piscium : non longe enim et cetera. Chrysostomus. Deinde aliud
signum ponitur cum subditur ut ergo descenderunt in terram, viderunt prunas
positas, et piscem superpositum, et panem. Non enim adhuc ex materia
superposita operatur, sed ad id quod est mirabilius ducit signa, ostendens
quoniam et ex subiecta materia ante crucem miracula faciebat propter quamdam
dispensationem. Augustinus in Ioannem. Non autem hic est
intelligendum, et panem fuisse prunis superpositum; sed quasi diceret :
viderunt prunas positas, et piscem superpositum prunis, et viderunt panem.
Chrysostomus. Ut autem ostenderet non esse phantasma quod factum est,
iubet ex piscibus ab eis captis afferri; sequitur enim dicit eis Iesus :
afferte ex piscibus, quos prendidistis nunc. Deinde et aliud signum fuit quod
ex multitudine piscium rete non est scissum; unde sequitur ascendit Simon
Petrus, et traxit rete ad terram plenum magnis piscibus centum quinquaginta
tribus : et cum tanti essent, non est scissum rete. Augustinus. Mystice
autem in captura piscium commendavit Ecclesiae sacramentum, qualis futura est
in ultima resurrectione mortuorum. Et ad hoc commendandum valet quod tamquam
finis est interpositus libri, quod esset etiam secuturae narrationis quasi
prooemium. Quod autem septem discipuli fuerunt in illa piscatione, suo
septenario numero finem significat temporis : universum quippe septem diebus
volvitur tempus. Theophylactus. Cum autem nox erat, ante solis Christi
praesentiam prophetae nihil ceperunt : quia etsi unam nationem Israel
corrigere conarentur, illa tamen frequenter in idololatriam labebatur.
Gregorius in Evang. Quaeri autem potest cur discipulis in mare
laborantibus, post resurrectionem suam in littore stetit qui ante
resurrectionem suam coram discipulis in fluctibus maris ambulavit. Sed mare
praesens saeculum significat, quod se causarum tumultibus et undis vitae
corruptibilis illidit; per soliditatem autem littoris perpetuitas quietis
aeternae figuratur. Quia igitur discipuli adhuc fluctibus mortalis vitae
inerant, in mari laborabant; quia autem redemptor noster iam corruptionem
carnis excesserat, post resurrectionem suam in littore stabat.
Augustinus. Littus etiam finis est maris; et ideo finem significat
saeculi. Sicut enim in hoc loco qualiter in fine saeculi futura sit, ita
dominus alia piscatione significavit Ecclesiam qualiter nunc sit : unde ibi
Iesus non stabat in littore, sed ascendens in unam navim, quae erat Simonis,
rogavit eum a terra reducere pusillum. In alia piscatione non mittuntur retia
in dexteram, ne solos significent bonos; nec in sinistram, ne solos malos;
sed indifferenter : laxate, inquit, retia vestra in capturam, ut permixtos
intelligamus bonos et malos; hic autem mittite, inquit, in dexteram navigii
rete, ut significaret eos qui stabant ad dexteram solos bonos. Illud fecit
initio praedicationis suae, hoc post resurrectionem suam : hinc ostendens
illam capturam piscium bonos et malos significare, quos nunc habet Ecclesia;
istam vero tantummodo bonos, quos habebit in aeternum, completa in fine huius
saeculi resurrectione mortuorum. Illi autem qui pertinent ad resurrectionem
vitae, idest ad dexteram, et inter Christiani nominis retia defiguntur,
nonnisi in littore, idest in fine saeculi, cum resurrexerint apparebunt; ideo
non valuerunt sic trahere retia ut in navem refunderent quos ceperant pisces,
sicut de aliis factum est. Habet autem istos dexteros Ecclesia post finem
vitae huius in somno pacis velut in profundo latentes, donec ad littus rete
perveniat. Quod autem in prima piscatione duabus naviculis, hoc isto loco
ducentis cubitis, tamquam centum et centum, existimo figuratum, propter
utriusque generis electos, et circumcisionis et praeputii. Beda. Vel
per ducentos cubitos gemina caritatis virtus exprimitur : per dilectionem
enim Dei et proximi Christo appropinquamus. Piscis autem assus, est Christus
passus : ipse latere dignatus est in aquis generis humani, capi voluit laqueo
nostrae noctis; et qui nobis factus est piscis humanitate, extitit nobis
panis, nos reficiens sua divinitate. Gregorius. Petro autem sancta
Ecclesia est commissa; ipsi specialiter dicitur : pasce oves meas. Quod ergo
postmodum aperitur in voce, nunc significatur in opere. Ipse enim pisces ad
soliditatem littoris pertrahit, quia stabilitatem aeternae patriae fidelibus
ostendit. Hoc egit verbis, hoc epistolis, hoc agit quotidie miraculorum
signis. Sed cum rete magnis piscibus plenum dicitur, additur et quantis; et
hoc est quod subditur plenum magnis piscibus centum quinquaginta tribus.
Augustinus. In alia piscatione numerus piscium non exprimitur, tamquam
illud ibi fiat quod praedictum est per prophetam : annuntiavi, et locutus
sum; multiplicati sunt super numerum; hic vero certus est numerus, cuius
reddenda est ratio. Numerus enim qui legem significat decem est propter
Decalogum. Cum autem accedit ad legem gratiae, idest ad litteram spiritus,
quodammodo denario numero additur septenarius, septenario quippe numero
significatur spiritus sanctus, ad quem sanctificatio proprie pertinet. Primum
enim in lege sonuit sanctificatio in die septima. Isaias etiam propheta eum
commendat opere, vel munere septenario. Cum itaque legis denario spiritus
sanctus per septenarium numerum accedit, fiunt decem et septem, qui numerus
ab uno usque ad seipsum, computatis omnibus crescens ad centum quinquaginta
tres pervenit. Gregorius. Ducamus etiam per trigonum decem et septem,
veniunt quinquaginta unum. In quinquagesimo autem anno cunctus populus ab
omni operatione quiescebat. Sed vera requies in unitate est : ubi enim
scissura divisionis est, vera requies non est. Augustinus. Non ergo
tantummodo centum quinquaginta tres sancti ad vitam resurrecturi
significantur aeternam, sed omnes ad gratiam spiritus pertinentes hoc numero
figurantur : qui etiam numerus ter habet quinquagenarium numerum, et insuper
ipsa tria propter mysterium Trinitatis. Quinquagenarius autem multiplicatis
septem per septem, et unius adiectione completur. Unus autem additur, ut eos
significet esse unum. Non autem frustra dictum est quod erant magni. Cum enim
dixisset dominus : non veni solvere legem, sed implere, daturus spiritum,
utique per quem lex posset impleri, paucis verbis interpositis ait : qui
fecerit et docuerit, magnus vocabitur in regno caelorum. In prima autem
piscatione rete propter significanda schismata rumpebatur; hic vero, quoniam
in illa summa pace sanctorum nulla erunt schismata, pertinuit ad Evangelistam
consequenter dicere et cum tanti essent, idest tam magni, non est scissum
rete, tamquam illud respiceret ubi scissum est, et in illius mali comparatione
commendaret hoc bonum. Lectio 2 [86160] Catena in Io., cap. 21 l. 2 Augustinus in
Ioannem. Peracta piscatione dominus eos ad prandium vocat; unde dicitur
dicit eis Iesus : venite, prandete. Chrysostomus in Ioannem. Hic
quidem non dicit quod comedit cum eis; sed Lucas hoc dicit. Hoc autem fiebat,
non ut natura indigente cibis de reliquo, sed condescensione ad
demonstrationem resurrectionis facta. Augustinus de Civ. Dei. Corpora
autem iustorum quae in resurrectione futura sunt, neque ligno vitae indigebunt,
quo fiat ut nullo morbo, vel senectute inveterata moriantur, neque ullis
aliis corporalibus nutrimentis, quibus esuriendi atque sitiendi qualiscumque
molestia devitetur; quoniam certo et inviolabili munere immortalitatis
induentur, ut non nisi velint, possibilitate, non necessitate vescantur : non
enim potestas, sed egestas edendi et bibendi talibus corporibus auferetur;
sicut et salvator noster post resurrectionem iam quidem in spirituali carne,
sed tamen vera, cibum ac potum cum discipulis sumpsit, non alimentorum
indigentia, sed ea qua et hoc poterat potestate. Sequitur et nemo audebat
discumbentium interrogare eum : tu quis es? Scientes quia dominus est; ac si
diceretur : Augustinus in Ioannem. Nemo audebat dubitare quod ipse
esset : tanta enim erat evidentia veritatis ut eorum non solum negare, sed
nec dubitare quidem ullus auderet : quoniam si quisquam dubitaret, utique
interrogaret. Chrysostomus. Vel hoc dicit, quia de reliquo non
similiter confidebant ei loqui ut prius; sed cum silentio et reverentia multa
sedebant attendentes in eum : et formam quidem alteratam videntes, et multa
admiratione plenam, valde stupefacti nolebant interrogare. Sed formido in hoc
quod sciebant quod dominus est, detinebat interrogationem; et solum
comedebant quae eis dabat cum priori potestate. Hic autem non respicit in
caelum, neque humana illa facit, ostendens quoniam condescensionis gratia
fiebant; unde subditur et venit Iesus, et accepit panem, et dabat eis : et
pisces similiter. Augustinus. Mystice autem piscis assus Christus est
passus; ipse est et panis qui de caelo descendit; huic incorporatur Ecclesia
ad participandum beatitudinem sempiternam; propter hoc dictum est afferte de
piscibus quos prendidistis nunc : ut omnes qui hanc spem gerimus, per illum
septenarium numerum discipulorum, per quem potest in hoc loco nostra
universitas intelligi figurata, tanto sacramento nos communicare nossemus, et
eidem beatitudini sociari. Gregorius. Per hoc etiam quod cum septem
discipulis ultimum convivium celebrat, eos tantummodo qui septiformi gratia
sancti spiritus pleni sunt, futuros secum in aeterna refectione denuntiat;
septem quoque diebus omne hoc tempus evolvitur, et saepe septenario numero
perfectio designatur. Illi ergo ultimo convivio de praesentia veritatis
epulantur qui nunc perfectionis studio terreno transcendunt.
Chrysostomus. Quia vero non continuo cum eis conversabatur, neque
similiter ut prius, subdit Evangelista dicens hoc iam tertio manifestatus est
Iesus discipulis suis cum resurrexisset a mortuis. Augustinus. Quod
non ad ipsas demonstrationes, sed ad dies referre debemus; idest, primo die
cum resurrexisset, et post octo, quando Thomas vidit et credidit, et hoc die
quando hoc de piscibus fecit, et deinde quoties voluit, usque ad diem
quadragesimum quo ascendit in caelum. Augustinus de Cons. Evang. Invenimus
autem apud quatuor Evangelistas decies commemoratum dominum visum esse post
resurrectionem. Semel ad monumentum a mulieribus; iterum eisdem
regredientibus a monumento in itinere; tertio Petro; quarto duobus euntibus
in castellum; quinto pluribus in Ierusalem, ubi non erat Thomas; sexto ubi
vidit eum Thomas; septimo ad mare Tiberiadis; octavo omnibus undecim in monte
Galilaeae secundum Matthaeum; nono, ut dicit Marcus, novissime recumbentibus,
quia iam non erant in terra cum illo convivaturi; decimo ipso die
ascensionis, non iam in terra, sed elevatum in nube. Lectio 3 [86161] Catena in Io., cap. 21 l. 3 Theophylactus.
Finito prandio, commissionem ovium mundi Petro commendat, non aliis; unde
dicitur cum ergo prandissent, dicit Simoni Petro Iesus : Simon Ioannis,
diligis me plus his? Augustinus in Ioannem. Sciens dominus interrogat
: sciebat enim dominus quod non solum eum diligeret, verum etiam quod plus
omnibus eum diligeret Petrus. Alcuinus. Dicitur autem Simon Ioannis,
idest filius Ioannis carnalis patris. Mystice autem Simon obediens, Ioannes
gratia; et merito hoc nomine vocatur, idest obediens gratiae Dei, ut
ostendatur, quod ardentiori eum caritate amplectitur, non meriti humani, sed
divini esse muneris. Augustinus in Serm. Pass. Dum autem dominus
moreretur, timuit et negavit; resurgens autem dominus amorem inseruit,
timorem fugavit : nam quando negavit, mori timuit; resurgente domino quid
timeret, in quo mortem mortuam reperiret? Unde sequitur ait illi : etiam,
domine, tu scis quia amo te. Confitenti autem amorem suum, oves suas
commendavit; unde sequitur dicit ei : pasce agnos meos : tamquam non esset
ubi ostenderet Petrus amorem suum in Christum, nisi esset pastor fidelis sub
principe omnium pastorum. Chrysostomus in Ioannem. Quod enim maxime
omnium tribuit nobis eam quae desuper est benevolentiam, est proximorum
procuratio. Praeteriens autem dominus alios, Petro de talibus loquitur :
eximius enim apostolorum erat Petrus et os discipulorum, et vertex collegii;
unde et negatione deleta, committit ei praelationem fratrum. Et negationem
quidem ei non exprobrat, sed dicit : si diligis me, praeside fratribus, et
ferventem amorem quem per omnia demonstrasti, nunc ostende; et animam quam
dixisti te esse positurum pro me, hanc da pro ovibus meis. Sequitur dicit ei
iterum : Simon Ioannis, diligis me? Ait illi : etiam, domine, tu scis quia
amo te. Augustinus. Merito dicitur Petro diligis me? Et respondet amo
te, eique dicitur pasce agnos meos : ubi etiam demonstratur unum atque idem
esse amorem et dilectionem : nam etiam dominus novissime non ait : diligis
me, sed amas me. Sequitur dicit ei tertio : Simon Ioannis, amas me? Tertio,
utrum Petrus eum diligat, dominus interrogat. Redditur enim negationi trinae
trina confessio; ne minus amori lingua serviat quam timori; et plus vocis
elicuisse videatur mors imminens quam vita praesens. Chrysostomus. Tertio
etiam interrogat, et tertio iniungit eadem, ostendens quantum appretiat
praelationem propriarum ovium, et quoniam hoc est maxime eius amoris signum.
Theophylactus. Ex tunc etiam inolevit consuetudo, ut ter confiteantur qui
veniunt ad Baptismum. Chrysostomus. Deinde tertio interrogatus
conturbatus est; unde sequitur contristatus est Petrus, quia dixit ei tertio
: amas me? Rursus formidans priora, ne forte aestimans se diligere, si non
diligat, corripiatur, sicut et prius correptus est, multum se aestimans
fortem; unde ad ipsum Christum refugit; unde sequitur et dicit ei : domine,
tu omnia scis, idest ineffabilia cordis, praesentia et futura. Augustinus
de verbis Dom. Inde ergo contristatus est quod saepe interrogatus esset ab
eo qui sciverat quod interrogabat, et donaverat quod audiebat. Veraciter ergo
respondit, et de intimo cordis protulit amantis vocem, dicens tu scis quia amo
te. Augustinus in Ioannem. Non autem addit plus his; hoc enim
respondit quod de seipso sciebat; non enim quantum ab alio quolibet
diligeretur scire poterat qui cor alterius videre non poterat. Sequitur dicit
ei : pasce oves meas; quasi dicat : sit amoris officium pascere dominicum
gregem, sicut fuit timoris indicium negare pastorem. Theophylactus. Potest
autem quis assignare differentiam inter agnos et oves : agni sunt qui
introducuntur, oves vero perfecti. Alcuinus. Pascere autem oves est
credentes in Christo, ne a fide deficiant, confortare, terrena subsidia, si
necesse est, subditis providere, et exempla virtutum cum verbo praedicationis
impendere, adversariis obsistere, errantes subditos corrigere.
Augustinus. Qui hoc autem animo pascunt oves Christi ut suas velint esse,
non Christi, se convincuntur amare, non Christum, vel gloriandi vel dominandi
vel acquirendi cupiditate, non obediendi et subveniendi et Deo placendi
caritate. Non ergo nos, sed ipsum amemus, et in pascendis ovibus eius ea quae
sunt eius, non quae nostra sunt, quaeramus : quisquis enim seipsum, non Deum
amat, non amat se : qui enim non potest vivere de se, moritur utique amando
se : non ergo se amat qui ne vivat se amat. Cum vero ille diligitur de quo
vivitur, non se diligendo magis se diligit, qui propterea non se diligit ut
eum diligat de quo vivit. Augustinus. Extiterunt autem quidam servi
infideles, qui diviserunt gregem Christi, et furtis suis peculia sibi
fecerunt; et audis eos dicere : oves meae sunt illae : quid quaeris ad oves meas?
Non te inveniam ad oves meas. Si sic et nos dicamus meas, et illi dicant
suas; perdidit Christus oves suas. Lectio 4 [86162] Catena in Io., cap. 21 l. 4 Chrysostomus
in Ioannem. Cum dixisset Petro dominus de amore quem habebat ad ipsum,
praenuntiat ei martyrium quod pro ipso debebat sustinere; erudire nos volens
quomodo eum amare oportet; unde dicit amen, amen, dico tibi : cum esses
iunior, cingebas te, et ambulabas ubi volebas. Meminit prioris vitae, quia in
saecularibus iuvenis quidem utilis est, qui vero senuerit, inutilis. In
divinis autem non ita est; sed cum supervenerit senectus, tunc virtus
clarior, tunc virilitas industrior, in nullo ab aetate prohibita. Quia ergo
Petrus semper volebat in periculis esse cum Christo, dicit ei : confide : ita
implebo tuum desiderium, ut quae passus non es iuvenis existens, oporteat te
pati senem; unde sequitur cum autem senueris : per quod ostenditur quod neque
tunc iuvenis erat neque senex, sed vir perfectus. Origenes super Matth. Et
attende quod non facile invenitur quis ex eis qui apti fuerint ad hoc opus,
ut cito transeat de hac vita; unde nunc Petro dicitur cum senueris, extendes
manus tuas. Augustinus in Ioannem. Hoc est, crucifigeris. Ad hoc autem
ut venias, alius te cinget, et ducet quo non vis. Prius dixit quod fieret, et
deinde quomodo fieret : non enim crucifixus, sed crucifigendus quo nollet est
ductus. Solutus quippe a corpore esse volebat cum Christo : sed si fieri
posset, praeter mortis molestiam vitam concupiscebat aeternam; ad quam
molestiam nolens venit sed volens eam vicit, et reliquit hunc infirmitatis
affectum, quo nemo vult mori, usque adeo naturalem ut eum beato Petro nec
senectus auferre potuerit. Sed molestia quantacumque sit mortis, debet eam
vincere vis amoris quo amatur ille qui, cum sit vita nostra, etiam mortem
voluit ferre pro nobis. Nam si nulla esset mortis, vel parva molestia, non
esset tam magna martyrii gloria. Chrysostomus. Dicit ergo quo non vis,
propter naturalem compassionem animae, quae invita separatur a corpore, Deo
hoc utiliter dispensante, ut non multi sibi mortem inferant violentam. Deinde
erigens auditorem Evangelista induxit hoc autem dixit significans qua morte
clarificaturus esset Deum. Non dixit : moriturus esset, ut discas quoniam
pati pro Christo, gloria est patientis et honor. Nisi autem certificaretur
animus quia verus Deus est, minime eius intuitu mortem toleraret : quo fit ut
sanctorum mors divinae sit gloriae certitudo. Augustinus. Hunc invenit
exitum ille negator et amator, ut pro eius nomine perfecta dilectione
moreretur cum quo se moriturum perversa festinatione promiserat. Hoc enim
oportebat, ut prius Christus pro Petri salute, deinde Petrus pro Christi
praedicatione moreretur. Lectio 5 [86163] Catena in Io., cap. 21 l. 5 Augustinus in
Ioannem. Cum praenuntiasset dominus Petro qua morte clarificaturus esset
Deum, invitat eum ad sui sequelam; unde dicitur et cum hoc dixisset, dicit ei
: sequere me. Cur dicitur Petro sequere me, nec dicitur ceteris qui simul
aderant, qui eum sicut magistrum discipuli sequebantur? Sed si ad passionem
intelligendum est, numquid solus pro Christiana veritate passus est Petrus?
Nonne ibi erat Iacobus, qui ab Herode manifestatur occisus? Verum aliquis
dixerit, quoniam non est Iacobus crucifixus, merito dictum esse Petro sequere
me, qui non solum mortem, sed et mortem crucis sicut Christus expertus est.
Theophylactus. Audiens autem Petrus quia mortem pro Christo passurus est,
quaerit de Ioanne an moriatur; unde sequitur conversus Petrus, vidit illum
discipulum quem diligebat Iesus sequentem, qui et recubuit in coena super
pectus eius, et dixit : domine, quis est qui tradet te? Augustinus. Seipsum
dicit discipulum quem diligebat Iesus, quia ipsum prae ceteris et familiarius
diligebat, ita ut in convivio super pectus suum discumbere faceret. Credo ut
istius Evangelii quod per eum fuerat praedicaturus, divinam excellentiam hoc
modo altius commendaret. Sunt qui senserint, et hi non contemptibiles sacri
eloquii tractatores, a Christo Ioannem propterea plus amatum, quia ab ineunte
pueritia castissimus vixerit. Sequitur hunc ergo cum vidisset Petrus, dixit
Iesu : domine, hic autem quid? Theophylactus. Idest, numquid non
morietur et ipse? Ut quidam exponunt. Sequitur dicit ei Iesus : sic eum volo
manere donec veniam, quid ad te? Augustinus. Et repetitum est tu me
sequere, tamquam ille ideo non sequeretur, quoniam eum manere voluit donec
veniat. Quis facile aliud esse credat quam quod fratres crediderunt qui tunc
erant? Sequitur enim exiit ergo sermo iste inter fratres, quia discipulus
ille non moritur. Sed hanc opinionem Ioannes ipse abstulit subdens et non
dixit Iesus : non moritur; sed : sic eum volo manere donec veniam; quid ad
te? Sed cui placet adhuc resistat et dicat, verum esse quod ait Ioannes, non
dixisse dominum quod discipulus ille non moritur; sed hoc tamen significatum
esse talibus verbis qualia eum dixisse narravit. Theophylactus. Vel
dicat : Christus non negavit Ioannem moriturum, nam quidquid oritur moritur;
sed dixit volo eum manere, idest vivere usque ad mundi finem, et tunc pro me patietur
martyrium; et ideo fatentur adhuc illum vivere, ab Antichristo vero debere
occidi, et una cum Elia praedicaturum nomen Christi. Sed et si assignetur
eius sepulchrum, vivens quidem illud intravit, postea discessit.
Augustinus. Vel forte aliquis in illo sepulchro eius, quod est apud
Ephesum, dormire potius eum quam mortuum iacere contendet : assumens
argumentum, quod illic terra sensim scaturire, et quasi ebullire perhibetur;
atque hoc eius anhelitu fieri pertinaciter asseverans. Sed cur eius discipulo
quem prae ceteris diligebat, pro magno munere longum in corpore donaverit
somnum, cum beatum Petrum per ingentem martyrii gloriam ab onere corporis
absolverit, eique concesserit quod Paulus se concupiscere dixit : cupio
dissolvi, et esse cum Christo? Si autem vere ibi fit quod semper sparsit
fama, aut ideo fit ut eo modo commendetur pretiosa eius mors, quoniam non eam
commendat martyrium, aut propter aliquid aliud quod nos latet. Manet tamen
quaestio cur dixerit dominus de homine morituro sic eum volo manere donec
veniam. Illud etiam movet ad quaerendum, cur Ioannem plus dilexerit dominus,
cum ipsum dominum plus dilexerit Petrus. Quantum ipse sapio, meliorem qui
plus diligit Christum, feliciorem vero quem plus diligit Christus, facile
responderem, si iustitiam liberatoris nostri, quemadmodum defenderem
providerem. Aggrediar igitur de solvenda quaestione tam ingenti. Duas vitas
sibi divinitus praedicatas novit Ecclesia : quarum una est in fide, altera in
specie. Ista significata est per apostolum Petrum propter apostolatus sui
primatum, illa per Ioannem; ideo huic dicitur sequere me, per imitationem
scilicet perferendi temporalia mala; de illo vero dicitur sic eum volo manere
donec veniam; quasi dicat : tu me sequere per imitationem perferendi
temporalia mala; ille maneat donec sempiterna venio redditurus bona; quod
apertius dici potest : perfecta me sequatur actio informata meae passionis
exemplo; inchoata vero contemplatio maneat donec venio, perficienda cum
venero : quod non sic intelligendum est, quasi dixerit remanere vel
permanere, sed expectare : quoniam quod per eum significatur, cum venerit
Christus implebitur. In hac autem activa vita quanto magis Christum
diligimus, tanto facilius liberamur a malo; at ipse nos minus diligit quales
nos sumus, et hinc ideo liberat, ne semper tales simus; ibi vero amplius nos
diligit, quoniam quod ei displiceat et quod a nobis auferat non habebimus.
Amet ergo eum Petrus, ut ab ista mortalitate liberemur; ametur ab eo Ioannes,
ut in illa immortalitate servemur. Cur ergo Ioannes minus eum diligebat quam
Petrus, si eam vitam significabat in qua est multo amplius diligendus, nisi
quia propterea dictum est volo eum manere, idest expectare, donec veniam;
quando et ipsum amorem qui tunc multo amplior erit, nondum habemus, sed expectamus
futurum, ut dum ipse venerit, habeamus. Hoc ergo per Petrum significatum est
plus amantem, sed minus amatum, quia minus nos amat Christus miseros quam
beatos : veritatis autem contemplationem qualis tunc futura est, minus
amamus, quia nunc nondum novimus nec habemus. Nemo tamen istos insignes
apostolos separet : et in eo quod significabat Petrus ambo erant, et in eo
quod significabat Ioannes ambo futuri erant. Glossa. Vel aliter sic
eum volo manere; idest, nolo eum per martyrium consummare, sed expectare eum
in placidam absolutionem carnis suae, quando ego veniens recipiam eum in
aeterna beatitudine. Theophylactus. Vel aliter totum hoc. Quando dicit
dominus Petro sequere me, cunctorum fidelium praelaturam ei instituit. Simul
autem et sequi intelligas hic imitationem in cunctis et verbis et operibus.
Ostendit etiam affectionem ad ipsum : quia qui nobis astrictiores sunt, hos
sequi nos volumus. Chrysostomus in Ioannem. Si vero dixerit quis :
qualiter igitur Iacobus thronum assumpsit Hierosolymorum? Illud utique dicam,
quoniam Petrus orbis terrarum inthronizavit magistrum. Sequitur conversus
Petrus vidit illum discipulum quem diligebat Iesus, sequentem, qui et
recubuit in coena super pectus eius. Non sine causa recolit illam
accubationem, sed ut ostendat quantam Petrus habebat fiduciam post
negationem. Qui enim in coena non audebat interrogare, sed Ioanni
interrogationem commisit, huic et praepositura fratrum credita est, et non
solum non committit alteri interrogare quae ad ipsum pertinent, sed de reliquo
ipse pro aliis magistrum interrogat. Quia igitur magna ei praedixerat
dominus, et orbem terrarum commiserat, et martyrium praenuntiaverat, et
amorem protestatus est ampliorem; volens et Ioannem communicatorem accipere
dixit hic autem quid? Quasi diceret : nonne eadem nobiscum veniet via? Valde
enim Ioannem amabat Petrus; et per Evangelium ostenditur eorum colligatio, et
in actibus apostolorum. Sic igitur nunc vicem reddit Petrus Ioanni. Aestimans
autem eum velle interrogare de seipso, nec audere, ipse pro eo suscipit
interrogationem. Quia vero debebant orbis terrarum procurationem accipere,
nec oportebat eos de reliquo sibi invicem esse coniunctos, quod esset damnum
orbi terrarum, propterea dominus dicit secundum litteram Graecam : si eum
volo manere donec veniam, quid ad te? Tu me sequere; quasi dicat : opus tibi
commissum attende et perfice, hunc vero si voluero manere hic, quid ad te?
Theophylactus. Quod vero dicitur dum venero, quidam sic intellexerunt ac
si diceret : quousque contra Iudaeos, qui me crucifixerunt, veniam percutiens
illos baculo Romanorum. Aiunt enim, hunc apostolum usque ad Vespasiani
tempus, cum Ierusalem capienda erat, in locis illis conversatum. Vel dicit
dum venero, idest, dum hunc volens dirigam ad praedicandum, te namque nunc dirigo
ad orbis pontificatum; et in hoc sequere me : ipse vero maneat hic donec et
eum educam sicut te. Chrysostomus. Deinde Evangelista discipulorum
opinionem ponit et corrigit, ut supra dictum est. Lectio 6 [86164] Catena in Io., cap. 21 l. 6 Chrysostomus
in Ioannem. Quia ex multa certitudine scripsit Ioannes, non refutat sui ipsius
testimonium in medium ferre; unde dicit hic est discipulus ille qui
testimonium perhibet de his. Consuetudo enim est, cum valde vera dicamus,
nostrum testimonium non denegare, et multo magis ille qui spiritu sancto
scribebat : unde et alii apostoli dicebant : nos sumus testes horum. Sequitur
et scripsit haec; quod ipse solus dicit, quia posterior ad scribendum venit
Christo monente; unde et frequenter ostendit Christi ad se amorem, occulte
insinuans causam ex qua ad scribendum processit, et fide dignum faciens hunc
sermonem ex sua dignitate. Sequitur et scimus quia verum est testimonium
eius. Omnibus enim aderat, et neque cum crucifigeretur defuit et mater ei
commissa est; quae sunt signa amoris, et quod cum certitudine sciat omnia. Et
si aliqui non credant, inducantur ad credendum ex hoc quod subditur : sunt
autem et alia multa quae fecit Iesus. Unde manifestum est quod nequaquam
scripsi ut Christo gratiam praestarem, cum tot existentibus non tot
scripserim quot ceteri; sed horum plura reliqui, contumelias et convicia in
medium proponens. Eum autem qui ad gloriam alterius scribit oportet e
contrario, ea quae sunt exprobrabiliora tacere, quae vero sunt clara
proponere. Augustinus in Ioannem. Quod autem subdit : quae si scribantur per
singula, nec ipsum arbitror mundum capere posse eos qui scribendi sunt
libros, non spatio locorum credendum est mundum capere non posse, sed
capacitate legentium comprehendi non posse; quamvis salva rerum fide
plerumque verba excedere videantur fidem : quod non fit quando aliquid quod
erat obscurum vel dubium, exponitur, sed quando id quod apertum est vel
augetur vel extenuatur; nec tamen a tramite significandae veritatis erratur :
quoniam sic verba rem quae indicatur excedunt, ut voluntas loquentis nec
fallentis appareat. Hunc loquendi modum Graeco nomine hyperbolem vocant, qui
modus sicut in hoc loco, ita in nonnullis aliis divinis litteris invenitur.
Chrysostomus. Vel hoc referendum est ad eius potentiam qui faciebat
virtutem : sicut enim nobis facile est loqui, ita et illi, et multo facilius,
facere quae volebat : quia ipse est super omnia Deus benedictus in saecula
saeculorum. Amen. |
CHAPITRE XXI
Versets 1-11.
S. Augustin : (Traité 122 sur S. Jean). Les dernières
paroles de l'Evangéliste semblaient indiquer la fin de son récit. Cependant
il nous raconte encore comment Notre Seigneur se manifesta près de la mer de
Tibériade : « Après cela, Jésus apparut de nouveau près de la mer de
Tibériade. » — S. Jean Chrysostome : (hom.
89 sur S. Jean).. Saint Jean dit : « Après cela, » parce que Notre Seigneur ne
restait pas continuellement avec ses disciples comme auparavant. Il se sert
de cette expression : « Il se manifesta, » parce que ses disciples n'auraient
pu le voir, s'il n'avait consenti à se rendre visible par un effet de sa
bonté, puisque son corps était incorruptible. Il fait mention expresse de
l'endroit où il leur apparut, pour nous montrer que le Sauveur avait diminué
de beaucoup leurs craintes, puisqu'ils s'éloignent à une assez grande
distance de leur demeure. En effet, ils ne restaient plus renfermés, mais ils
allaient dans la Galilée, pour éviter tout danger de la part des Juifs. S. Bède : Suivant sa coutume, l'Evangéliste commence
par exposer le fait, puis il raconte la manière dont il eut lieu : « Or, il
se manifesta de cette sorte. » — S.
Jean Chrysostome : Comme le Seigneur n'était pas continuellement avec
eux, qu'ils n'avaient pas encore reçu l'Esprit saint, qu'aucune charge ne
leur avait été confiée, et qu'ils n'avaient pas autre chose à faire, ils se
livraient à leurs occupations de pêcheur : « Simon-Pierre et Thomas, appelé
Didyme, et Nathanaël, qui était de Cana, en Galilée (qui avait été appelé par
Philippe), et les fils de Zébédée (Jacques et Jean), et deux autres de ses
disciples se trouvaient ensemble. Simon-Pierre leur dit : « Je vais pêcher. »
— S. Grégoire : (hom. 24 sur les
Evang). On peut demander pourquoi Pierre, qui exerçait le métier de pêcheur
avant sa conversion, revient à ses filets après sa conversion, alors que la
vérité elle-même nous dit : « Quiconque met la main à la charrue et regarde
en arrière, n'est point propre au royaume de Dieu. » — S. Augustin : Si les Apôtres avaient agi de la sorte aussitôt la
mort de Jésus, et avant sa résurrection, nous aurions lieu de penser qu'ils
cédaient au découragement qui s'emparait de leur âme. Au contraire, c'est
après avoir vu Jésus-Christ sorti du tombeau plein de vie; c'est après avoir
examiné les traces que les blessures avaient laissées sur son corps, c'est
après qu'il leur a donné l'Esprit saint en soufflant sur eux, qu'ils
redeviennent ce qu'ils étaient auparavant, pécheurs non d'hommes, mais de
poissons. Je réponds donc qu'il ne fut point défendu aux Apôtres de pourvoir
à leur subsistance par l'exercice d'un métier légitime, tout en sauvegardant
la dignité de leur apostolat, s'ils n'avaient point d'ailleurs d'autres
moyens d'existence. En effet, si saint Paul refusa d'user du pouvoir qui lui
était commun avec les autres prédicateurs de l'Evangile, et voulut combattre
à ses propres frais, pour ne point être un obstacle à la conversion des
peuples complètement étrangers au nom de Jésus-Christ, en leur laissant
supposer que l'intérêt était le mobile de sa prédication; si cet Apôtre, dont
l'éducation avait été tout autre, par suite de ce principe, voulut apprendre
un métier qu'il ne connaissait pas, afin qu'en vivant du travail de ses
mains, il ne fût à charge à aucun de ceux qu'il enseignait, à combien plus
juste titre saint Pierre, qui avait été précédemment pêcheur, pût-il
reprendre le métier qu'il savait, si pour le moment il ne trouvait point
d'autre ressource pour vivre. On me dira peut-être : Et pourquoi n'en a-t-il
point trouvé, lorsque la promesse du Seigneur est formelle : « Cherchez
d'abord le royaume de Dieu et sa justice, et le reste vous sera donné comme
par surcroît. » Je réponds que le Seigneur a parfaitement accompli sa
promesse, car quel autre a conduit les poissons dans les filets où ils ont
été pris ? Et très-certainement c'est lui qui permit que la nécessité
contraignît ses disciples de retourner à la pêche, parce qu'il voulait les
rendre témoins du miracle qu'il se proposait d'opérer. — S. Grégoire : Ils purent donc reprendre sans aucune faute après
leur conversion, des occupations auxquelles ils se livraient très licitement
avant leur conversion. Voilà pourquoi Pierre, après sa conversion retourne à
la pêche, mais Matthieu ne reprend point sa place au bureau des impôts, car
il est des professions que l'on ne peut absolument, ou sans de grandes
difficultés, exercer sans péché. Il faut donc que le cœur véritablement
converti se détache complètement de tout ce qui peut l'entraîner au péché. S. Jean Chrysostome : Les autres disciples suivaient Pierre : «
Ils lui dirent : Nous y allons aussi avec vous; » car ils ne formaient tous
qu'une seule société, et voulaient tous ensemble être témoins de la pêche : «
Ils s'en allèrent donc, et montèrent dans la barque. » Ils péchaient pendant
la nuit, parce qu'ils étaient encore dominés par la crainte des Juifs. — S. Grégoire : Les disciples
éprouvèrent de grandes difficultés dans cette pêche, afin qu'à l'arrivée de
leur divin Maître, ils fussent remplis d'une grande admiration : « Et cette
nuit-là ils ne prirent rien. » S. Jean Chrysostome : Tandis qu'ils se fatiguent ainsi avec le
regret de ne rien prendre, Jésus leur apparaît : « Mais le matin venu, Jésus
parut sur le rivage. » Il ne se découvre pas tout d'abord, mais veut
auparavant lier conversation avec eux. Il leur parle donc en premier lieu un
langage tout humain : « Enfants, n'avez-vous rien à manger ? » Il semble, par
cette question, avoir l'intention de leur acheter quelque chose; mais comme
il les voit saisis de crainte, il leur donne un signe qui put le faire
reconnaître : « Il leur dit : Jetez le filet à droite de la barque, et vous
en trouverez, » Les miracles se succèdent alors en grand nombre; le premier,
c'est qu'ils prennent une quantité énorme de poissons : « Ils le jetèrent et
ils ne pouvaient plus le tirer tant il était chargé de poissons. » Dans la
manière dont ils reconnaissent Jésus-Christ, Pierre et Jean font voir chacun
la différence de leur caractère. Le premier était plus ardent, le second
d'une intelligence plus élevée, l'un avait plus d'initiative, l'autre plus de
discernement; aussi est-il le premier à reconnaître Jésus-Christ : « Le
disciple que Jésus aimait, dit à Pierre : C'est le Seigneur. » — S. Bède : C'est par ce miracle que
Jésus, comme en beaucoup d'autres endroits, manifeste sa personne divine. Or,
Jean reconnaît le premier le Seigneur, soit à cette pêche miraculeuse, soit
au son d'une voix qui lui était connue, soit au souvenir de la première
pêche. — S. Jean Chrysostome : Pierre
avait plus d'ardeur, et il met plus d'empressement à venir à Jésus-Christ : «
Simon-Pierre ayant entendu que c'était le Seigneur, se ceignit de sa tunique
(car il était nu), » etc. bède. Saint Jean dit que Pierre était nu par opposition aux autres
vêtements dont il faisait usage. C'est ainsi qu'en voyant un homme couvert
d'un simple vêtement, nous lui disons : Pourquoi donc êtes-vous ainsi nu ? Ou
peut aussi admettre que suivant la coutume des pêcheurs, il s'était dépouillé
de tous ses vêtements pour pêcher plus librement. — Théophylactus : Pierre se ceignit aussitôt, par un sentiment de
pudeur; il se ceignit d'un vêtement de lin dont les pêcheurs de la Phénicie
et de Tyr s'enveloppent, et dont ils se couvrent, qu'ils aient ou non
d'autres vêtements. — S. Bède : Pierre
vient à la rencontre de Jésus avec la même ardeur qu'il faisait éclater dans
toutes ses actions : « Et il se jeta à la mer; les autres disciples vinrent
avec la barque. » Il n'est point cependant nécessaire d'entendre que Pierre
ait marché sur les flots, il vint trouver Jésus, soit en nageant, soit en
marchant dans l'eau, car on était près de la terre. « Car, remarque saint
Jean, ils n'étaient pas éloignés de la terre. » — La Glose : Il y a ici une transposition évidente, car nous lisons
à la suite : « En tirant le filet rempli de poissons. » Voici l'ordre naturel
de la phrase : « Les autres disciples vinrent dans la barque, en tirant le
filet rempli de poissons, car ils n'étaient pas loin de la terre. » S. Jean Chrysostome : Un autre miracle les attendait sur le rivage
: « Lorsqu'ils furent descendus à terre, ils virent des charbons allumés, »
etc. Notre Seigneur n'opère plus ici sur une matière préexistante, mais il
fait quelque chose de plus merveilleux, il donne l'être à ce qui n'existait
pas, et il montre ainsi qu'avant sa passion, c'était par suite d'une
mystérieuse économie qu'il faisait ses miracles en se servant d'une matière
déjà existante. — S. Augustin : (Traité
123 sur S. Jean). Il ne faut point entendre ces paroles dans ce sens, que le
pain fut placé sur les charbons, mais voici ce que l'Evangéliste veut dire :
« Ils virent des charbons allumés, et un poisson placé dessus, et ils virent
du pain. » — Théophylactus : Pour
leur prouver qu'ils ne sont pas dupe d'une illusion fantastique, il leur
commande de lui apporter quelques-uns des poissons qu'ils avaient pris : «
Jésus leur dit : Apportez quelques-uns des poissons que vous venez de
prendre. » Un troisième miracle fut que le filet ne se rompit point sous
l'énorme quantité de poissons qu'il renfermait : « Simon-Pierre monta donc
dans la barque, et tira à terre ce filet plein de cent cinquante-trois grands
poissons. Et quoiqu'il y en eût un si grand nombre, le filet ne se rompit
point. » S. Augustin : (Traité 122 sur S. Jean). Dans le sens
mystique, cette poche miraculeuse est la figure du mystère qui s'opérera dans
l'Eglise lors de la résurrection des morts. C'est à mon avis pour faire
ressortir plus clairement ce mystère que saint Jean parait vouloir terminer
son Evangile par cette réflexion qui devient comme l'introduction du récit
qui va suivre et lui donne ainsi plus d'importance. Ce qui donne un nouveau
caractère de vérité à ce sentiment, c'est que le récit évangélique paraissait
terminé, et que ce fait est comme le commencement d'un nouveau récit. Les
sept disciples qui prirent part à cette pêche sont, par leur nombre de sept,
la figure de la fin du temps, dont la révolution s'accomplit dans un espace
de sept jours. — Théophylactus : Tant
que dura la nuit, avant le lever du soleil de justice, qui est Jésus-Christ,
les prophètes ne purent rien prendre, car bien que leurs efforts n'eussent
pour but que la réforme du seul peuple juif, ce peuple ne laissait pas de
tomber fréquemment dans l'idolâtrie. S. Grégoire : (hom. 24). Mais pourquoi, pendant que ses
disciples se consument en efforts au milieu de la mer, Jésus, après sa
résurrection, se tient-il sur le rivage, lui qui, avant sa résurrection,
marche sur les flots mêmes de la mer pour aller les trouver ? La mer est la
figure du siècle présent qui se brise au choc de l'agitation des événements
et des flots de cette vie corruptible, tandis que la terre ferme du rivage
est le symbole de la stabilité du repos éternel. Comme les disciples étaient
encore au milieu des flots de cette vie mortelle, ils avaient à supporter les
fatigues de la mer, mais notre Rédempteur, qui avait dépouillé la corruption
de la chair, se tenait sur le rivage après sa résurrection. — S. Augustin : Le rivage est comme la
fin de la mer et figure la fin du monde. De même que Notre Seigneur veut nous
signifier dans cet endroit ce que sera l'Eglise à la fin du monde; ainsi dans
une autre pêche qui a précédé, il a voulu nous figurer l'Eglise telle qu'elle
est pendant cette vie. Aussi lors de cette première pêche, Jésus ne se tenait
pas sur le rivage, mais montant sur une barque qui était celle de Simon-Pierre,
il le pria de s'éloigner du rivage. Dans cette même circonstance, les filets
ne sont pas jetés à droite de la barque, pour ne pas signifier les bons
seulement, ni à gauche, pour ne pas figurer exclusivement les mauvais, mais
indifféremment à droite ou à gauche : « Jetez, dit Jésus, vos filets pour
pêcher, » (Lc 5) afin de figurer ainsi le mélange des bons et des mauvais,
ici, au contraire, il dit : « Jetez votre filet à la droite de la barque, »
pour signifier seulement ceux qui se tiendront à la droite, c'est-à-dire, les
bons exclusivement. Le Sauveur fit le premier miracle au commencement de sa
prédication, et le second après sa résurrection. La première pêche représente
le mélange des bons et des mauvais, dont l'Eglise est maintenant composée; et
la seconde, les bons seulement, dont elle sera formée, pour l'éternité après
la résurrection des morts, qui aura lien à la fin du monde. Ceux qui auront
part à la résurrection du la vie (c'est-à-dire, ceux qui seront adroite), et
qui sont morts dans les filets du nom chrétien, ne paraîtront que sur le
rivage (c'est-à-dire, à la fin du monde après la résurrection). Aussi les
disciples ne purent tirer les filets pour verser comme la première fois dans
la barque, les poissons qu'ils avaient pris. Ces poissons qui sont pris à la
droite de la barque, l'Eglise les conserve cachés dans le sommeil de la paix,
comme dans les profondeurs de la mer, jusqu'à ce que le filet soit tiré sur
le rivage. Dans la première pêche il y avait deux barques, et dans celle-ci, les
disciples étaient à deux cents coudées du rivage; on peut dire que c'est la
figure des élus des deux peuples, du peuple de la circoncision et du peuple
des Gentils (comprenant chacun le nombre cent). — S. Bède : Ou bien encore, ces deux cents coudées représentent les
deux préceptes de la charité, car c'est par l'amour de Dieu et du prochain
que nous approchons de Jésus-Christ. Le poisson rôti est la figure de
Jésus-Christ dans sa passion; il a daigné se cacher dans les eaux du genre
humain, il s'est laissé prendre dans les filets de notre mortalité; il a été
pour nous comme un poisson par son humanité, et il est devenu pour nous un
pain en nous fortifiant par sa divinité. S. Grégoire : C'est à Pierre qu'a été confié le soin de la
sainte Eglise, et c'est à lui spécialement qu'il est dit : « Paissez mes
brebis. » Ce que le Sauveur lui dira bientôt en termes exprès, il le lui dit
maintenant par les faits. C'est Pierre qui tire les poissons sur la terre
ferme du rivage, parce que c'est lui qui montre aux fidèles l'éternelle et
immuable patrie; c'est ce qu'il a fait par ses paroles, c'est ce qu'il a fait
par ses Epîtres, c'est ce qu'il fait encore tous les jours par l'éclat de ses
miracles. L'Evangéliste ne se contente pas de nous dire que le filet était
plein de poissons, mais il en précise le nombre : « Il était plein de cent
cinquante-trois poissons. » — S.
Augustin : Dans la première pêche, on ne parle pas du nombre des
poissons, et nous y voyons comme un accomplissement de cette prédiction du
Roi-prophète : « J'ai voulu annoncer vos œuvres, leur multitude m'a paru
innombrable. » (Ps 39, 6). Ici, au contraire, le nombre est précisé, et il
faut en donner la raison. Le nombre qui figure la loi est le nombre dix, à
cause du décalogue; mais lorsque la grâce vient s'unir à la loi
(c'est-à-dire, l'esprit à la lettre), le nombre sept vient s'ajouter au
nombre dix. En effet, le nombre sept est comme le symbole de l'Esprit saint,
qui est surtout l'auteur de notre sanctification. Cette sanctification se
montre pour la première fois dans le repos du septième jour. (Gn 2) Le
prophète Isaïe fait l'éloge de l'Esprit saint, en énumérant ses sept dons ou
ses sept opérations, (Is 11) Lors donc qu'au nombre dix de la loi vient
s'ajouter le nombre sept, symbole de l'Esprit saint; ces deux nombres réunis
forment le nombre dix-sept; si l'on décompose ce nombre en commençant par
l'unité et en ajoutant toujours à chacune de ces parties, depuis un jusqu'à
dix-sept le nombre additionnel ou arrive au nombre total de cent
cinquante-trois. — S. Grégoire : Multiplions
le nombre sept et dix-sept par trois, et nous trouvons cinquante-un. Or,
c'est dans la cinquantième année que tout le peuple se reposait de tout
travail. Mais le véritable repos est dans l'unité, car le véritable repos ne
peut se trouver au milieu des déchirements produits par la division. S. Augustin : Il ne faudrait pas conclure de là qu'il n'y
aura que cent cinquante-trois saints qui ressusciteront à la vie éternelle,
car tous ceux qui ont part à la grâce de l'Esprit saint, sont compris dans ce
nombre qui renferme trois fois le nombre cinquante, et de plus le nombre
trois, symbole du mystère de la sainte Trinité. Or, le nombre cinquante est
le produit du nombre sept multiplié par sept, et auquel on ajoute l'unité.
Cette unité indique qu'ils ne doivent faire qu'un. Ce n'est pas sans raison
que l'Evangéliste fait la remarque que les poissons étaient grands, car
lorsque Notre Seigneur eut dit : « Je ne suis pas venu détruire la loi, mais
l'accomplir (en donnant l'Esprit saint qui devait la faire accomplir); » il
ajoute un peu plus loin : « Celui qui fera et enseignera sera grand dans le
royaume des cieux. » (Mt 5) Lors de la première pêche, le filet se rompait en
figure des schismes qui devaient déchirer l'Eglise. Ici, au contraire, comme
les schismes seront impossibles dans la paix suprême dont jouiront les
saints, l'Evangéliste a dû faire remarquer que, malgré le grand nombre et la
grosseur des poissons, le filet ne se rompit point. Il semble faire allusion
à la première pêche où le filet se rompit, et vouloir faire ressortir par
cette comparaison la supériorité de la pèche actuelle. Versets 12-14.
S. Augustin : (Traité 123 sur S. Jean). La pêche étant
terminée, le Seigneur invite ses disciples à manger : « Jésus leur dit :
Venez, mangez. » — S. Jean Chrysostome
: (hom. 87 sur S. Jean). Nous ne voyons pas ici qu'il ait mangé avec eux,
mais saint Luc le dit expressément. Il le fit du reste, non pas que sa nature
eût encore besoin d'aliments, mais pour s'accommoder à la faiblesse de ses
disciples et leur donner ainsi une nouvelle preuve de sa résurrection. — S. Augustin : (de la cité de Dieu,
13, 22). Quant aux corps des justes, tels qu'ils seront après la
résurrection, ils n'auront plus besoin de l'arbre de vie pour se garantir des
maladies et de la décrépitude qui conduisent à la mort, ni des aliments
matériels qui apaisent le besoin si souvent pénible de la faim et de la soif,
parce qu'ils seront revêtus du don assuré d'une immortalité qu'ils ne
pourront plus perdre, immortalité qui, en les affranchissant de la nécessité
de se nourrir, leur en laissera la faculté. En effet, les corps ressuscites
seront affranchis, non de la faculté, mais du besoin de boire et de manger.
C'est ainsi que Notre Seigneur, après sa résurrection, voulut boire et manger
avec ses disciples dans une chair toute spirituelle, quoique très-véritable,
non par le besoin qu'il avait de nourriture, mais en vertu de la faculté qui
lui en était restée. « Et nul de ceux qui étaient assis n'osait lui demander : Qui
êtes-vous ? » — S. Augustin : (Traité
123 sur S. Jean). C'est-à-dire, nul d'entre eux n'osait élever des doutes sur
la réalité de la personne du Sauveur, car l'évidence de la vérité était si
grande, qu'aucun d'eux n'osait, non-seulement nier, mais même douter que ce
fût lui, car s'ils avaient eu quelque doute, ils l'auraient interrogé. — S. Jean Chrysostome : Ou bien
l’Evangéliste fait celle réflexion, parce que les disciples n'osaient plus
lui parler avec la même liberté qu'auparavant; ils étaient assis en silence
et dans l'attitude du plus grand respect, les yeux fixés sur lui, et à la vue
des propriétés différentes de son corps, ravis d'admiration et d'étonnement,
ils auraient voulu l'interroger. Mais comme ils savaient que c'était le
Seigneur, la crainte les arrêtait, et ils se contentaient de manger ce qu'il
leur distribuait avec une autorité souveraine. Il ne lève point ici les yeux
au ciel, et il n'agit plus comme un homme, pour leur apprendre que ce qu'il
faisait autrefois était la suite de ses abaissements volontaires : « Et Jésus
vint, prit le pain, et le leur donna, » etc. S. Augustin : Dans le sens mystique, le poisson rôti
représente Jésus-Christ dans sa passion. Il est le pain descendu du ciel, et
l'Eglise lui est incorporée pour avoir part au bonheur éternel. Il leur dit :
« Apportez quelques-uns des poissons que vous venez de prendre, afin que nous
tous qui avons cette espérance, nous sachions que nous entrons en
participation d'un si grand mystère dans la personne de ces sept disciples
(nombre où l'on peut voir l'universalité des fidèles), et que nous sommes
associés à leur félicité. S. Grégoire : Ce dernier repas que Jésus fait avec sept de
ses disciples, nous enseigne que ceux-là seuls qui sont remplis des sept dons
de l'Esprit saint, auront part avec lui à l'éternel festin. Le cours du temps
s'accomplit et se mesure par espaces de sept jours, et ce nombre est souvent
pris pour le symbole de la perfection. Ceux donc qui, dans ce dernier et
éternel festin, se nourriront de la présence de la vérité, sont ceux que le
zèle pour leur perfection élève au-dessus des choses de la terre. S. Jean Chrysostome : Le Sauveur ne restait pas longtemps avec ses
disciples, et n'avait plus avec eux les mêmes rapports que précédemment,
c'est pour cela que l'Evangéliste ajoute : « Ce fut la troisième fois que
Jésus apparut à ses disciples, depuis qu'il était ressuscité des morts. — S. Augustin : Ce nombre de trois doit
s'entendre, non de l'ordre des apparitions elles-mêmes, mais des jours où
elles eurent lieu. Ainsi il leur apparut le jour même de sa résurrection,
puis huit jours après, lorsque Thomas crut après l'avoir vu de ses yeux, et
encore le jour de cette pêche miraculeuse, et ensuite aussi souvent qu'il le
voulut jusqu'au quarantième jour où il monta au ciel. — S. Augustin : (de l'acc. des Evang., 3, 25). Nous trouvons dans
les quatre évangélistes, dix apparitions du Seigneur après sa résurrection.
Il apparut la première fois aux saintes femmes, près du sépulcre; la seconde,
lorsqu'elles revenaient du sépulcre; la troisième fois à Pierre; la quatrième
aux deux disciples qui allaient à Emmaüs; la cinquième à plusieurs disciples
dans Jérusalem; la sixième aux onze Apôtres et à Thomas; la septième sur les
bords de la mer de Tibériade; la huitième aux onze Apôtres, sur une montagne
de Galilée, selon saint Matthieu; la neuvième, comme le rapporte saint Marc,
à ce dernier repas après lequel ils ne devaient plus manger avec lui sur la
terre; la dixième fois enfin; le jour même de son ascension, alors qu'il
n'était déjà plus sur la terre, mais qu'il s'élevait dans les cieux. Versets 15-17.
Théophylactus : Après le repas, Jésus confie à Pierre, et
non pas à d'autres, le gouvernement de toutes les brebis qui étaient dans le
monde : « Lors donc qu'ils eurent mangé, Jésus dit à Simon-Pierre, » etc. — S. Augustin : (Traité 123 sur S. Jean).
Le Sauveur interroge, bien qu'il sût ce qu'il demandait, car il savait
parfaitement que, non-seulement Pierre l'aimait, mais qu'il l'aimait plus que
tous les autres. Alcuin : Simon est appelé fils de Jean, parce que son
père s'appelait Jean. Dans le sens mystique, Simon veut dire obéissant, et
Jean signifie grâce. C'est à juste titre que Pierre est appelé obéissant à la
grâce de Dieu, pour faire voir que s'il aime Jésus-Christ d'un amour plus
ardent, ce n'est point à ses mérites, mais à la grâce de Dieu qu'il en est
redevable. S. Augustin : (Serm. sur la pass). Lorsque le Seigneur fut
sur le point d’être mis à mort, Pierre fut saisi de crainte et renia son
divin Maître, car c'est la crainte de la mort qui lui fit renier
Jésus-Christ; mais maintenant qu'il est ressuscité, que pourrait-il craindre
encore, puisque la mort a reçu elle-même dans sa personne le coup de la mort
? « Il lui répondit donc : Oui, Seigneur, vous savez que je vous aime. » Sur
cette assurance que Pierre lui donne de son amour, Jésus lui confie le soin
de sou troupeau. Il lui dit : « Paissez mes brebis, » comme si Pierre n'avait
point d'autre occasion de manifester son amour pour Jésus-Christ, qu'en
devenant un pasteur fidèle de ses brebis sous l'autorité du Prince de tous
les pasteurs. — S. Jean Chrysostome : (hom.
88 sur S. Jean). Rien ne nous rend plus dignes de la bienveillance divine
comme le soin que nous prenons du prochain. Notre Seigneur donne cette charge
à Pierre de préférence à tous les autres Apôtres, parce qu'il était le
premier entre tous les Apôtres, la bouche des disciples, et la tête du sacré
collège, et c'est pour cela qu'après lui avoir pardonné son reniement, il
l'établit le chef de ses frères. Il ne lui reproche pas de l'avoir renié,
mais il lui dit : « Si vous m'aimez, soyez à la tête de vos frères, montrez
maintenant cet amour dont vous avez fait constamment preuve, et sacrifiez
pour mes brebis cette vie que vous étiez prêt, disiez-vous, à donner pour
moi. » « Jésus lui dit de nouveau : Simon, fils de Jean, m'aimez-vous ? » — S. Augustin : (Traité 123 sur S. Jean).
C'est avec raison que Jésus demande à Pierre : « M'aimez-vous ? » et que sur
la réponse qu'il lui fait : « Je vous aime. » Jésus lui dit : « Paissez mes
agneaux. » Nous voyons ici que l'amour et la dilection sont une seule et même
chose, car la troisième fois le Seigneur ne lui dit pas : Diligis me,
avez-vous pour moi de la dilection ? mais : Amas me, m'aimez-vous. Jésus lui
dit une troisième fois : « Simon, fils de Jean, m'aimez-vous ? » Jésus
demande à Pierre pour la troisième fois s'il l'aime, à son triple renoncement
correspond une triple confession, il faut que sa langue devienne l'organe de
sou amour comme elle l'a été de sa crainte, et que le témoignage de sa parole
soit aussi explicite en présence de la vie qu'il l'a été devant la mort qui
le menaçait. — S. Jean Chrysostome : Trois
fois Jésus lui fait la même question, et trois fois aussi il lui renouvelle
la même recommandation, pour nous apprendre quel prix il attache à la
direction de ses brebis, et que c'est à ses yeux la preuve la plus grande
d'amour. — Théophylactus : C'est
de là qu'est venu l'usage de la triple promesse exigée de ceux qui demandent
à recevoir le baptême. S. Jean Chrysostome : A cette troisième question, le trouble
s'empare de l'âme de Pierre : « Pierre fut contristé de ce que Jésus lui
demandait pour la troisième fois : M'aimez-vous ? » Il tremble au souvenir de
sa conduite passée, il craint de se tromper en croyant qu'il aime Jésus, et
de mériter de nouveau la rude leçon qu'il a reçue par suite de la trop grande
confiance qu'il avait dans ses propres forces. C'est donc auprès de
Jésus-Christ qu'il cherche son refuge : « Et il lui dit : Seigneur, vous
connaissez toutes choses, » c'est-à-dire, les secrets les plus intimes du
cœur pour le présent et pour l'avenir. — S.
Augustin : (Serm. 50 sur les par. du Seig). Ce qui l'attriste, c'est de
se voir renouveler cette question par celui qui savait parfaitement ce qu'il
demandait et qui avait inspiré à Pierre les assurances qu'il donnait de son
amour. Il répond donc en toute vérité, et c'est du fond de son cœur qu'il
fait sortir ces accents d'un véritable amour : « Vous savez que je vous aime.
» — S. Augustin : (Traité 124 sur
S. Jean). Pierre n'ajoute pas : Plus que ceux-ci, il ne répond que sur ce
qu'il sait de lui-même, car il ne pouvait connaître le degré d'amour
qu'avaient les autres disciples pour Jésus, puisqu'il ne pouvait lire dans le
fond de leur cœur : « Jésus lui dit : Paissez mes brebis, » c'est-à-dire,
donnez un témoignage de votre amour en paissant le troupeau du Seigneur,
comme vous avez donné une preuve de votre timidité en reniant le pasteur. Théophylactus : On peut établir une différence entre les
agneaux et les brebis; les agneaux sont ceux qui commencent à faire partie du
troupeau; les brebis sont les âmes qui ont atteint la perfection. — Alcuin : Paître les brebis, c'est
fortifier ceux qui croient en Jésus-Christ, pour que leur foi ne vienne pas à
défaillir, pourvoir, lorsqu'il le faut, aux nécessités temporelles de ceux
qu'on dirige, s'opposer à leurs ennemis, et ramener ceux d'entre eux qui
s'égarent. — S. Augustin : (Traité
123 sur S. Jean). Ceux qui paissent les brebis de Jésus-Christ, dans
l'intention d'en faire leurs propres brebis plutôt que de les attacher à
Jésus-Christ, sont convaincus de s'aimer au lieu d'aimer Jésus-Christ, d'être
conduits par le désir de la gloire, de la domination ou de l'intérêt plutôt
que par la charité qui ne se propose que d'obéir, de secourir et de plaire à
Dieu. Gardons-nous donc de nous aimer nous-mêmes, au lieu d'aimer
Jésus-Christ; en paissant ses brebis, cherchons ses intérêts plutôt que les
nôtres. Celui qui s'aime au lieu d'aimer Dieu, ne s'aime pas véritablement,
car puisqu'il ne peut vivre par lui-même, en n'aimant que soi il se condamne
à la mort. Ce n'est donc point s'aimer véritablement que de s'aimer d'un
amour qui fait perdre la vie. Lorsqu'au contraire ou aime celui qui nous fait
vivre, en ne s'aimant pas soi-même, on s'aime beaucoup plus, puisqu'on refuse
de s'aimer pour aimer davantage celui qui est pour nous le principe de la
vie. — S. Augustin : (Serm. sur la
pass). Il s'est trouvé des serviteurs infidèles qui ont divisé le troupeau de
Jésus-Christ, et qui, par leurs rapines, se sont amassé une certaine fortune.
Vous les entendez dire : Ce sont là mes brebis, que venez-vous faire près de
mes brebis, prenez garde que je vous retrouve parmi mes brebis. Si nous
tenons nous-mêmes ce langage, et qu'à leur exemple, nous disions aussi : Mes
brebis; c'en est fait, Jésus-Christ a perdu ses brebis. Versets 18-19.
S. Jean Chrysostome : (hom. 88 sur S. Jean). Après avoir enseigné
à Pierre le véritable caractère de l'amour qu'il devait avoir pour lui, il
lui prédit le martyre qu'il devait souffrir pour son nom, et nous apprend
ainsi comment nous devons l'aimer nous-mêmes : « En vérité, en vérité, je
vous le dis, lorsque vous étiez plus jeune, vous vous ceigniez vous-même, et
vous alliez où vous vouliez. » Jésus lui rappelle le temps de sa jeunesse,
parce qu'en effet, pour les affaires de la terre, le jeune homme seul a de la
valeur, le vieillard n'en a presque point. Dans les choses divines, au
contraire, c'est dans la vieillesse que la vertu a plus d'éclat, plus
d'habileté, plus d'application, sans que l'âge y apporte aucun obstacle. Or,
comme Pierre voulait toujours être au milieu des dangers avec Jésus-Christ,
le Sauveur lui dit : « Ayez confiance, j'accomplirai votre désir; ce que vous
n'avez pas souffert dans votre jeunesse, vous le souffrirez dans votre
vieillesse; » preuve que Pierre n'était alors ni jeune ni vieux, mais dans la
force de l'âge. Origène : (sur S. Matth). Remarquez qu'il n'est pas
facile de trouver quelqu'un de ceux qui sont prêts à quitter immédiatement
cette vie. C'est pour cela que Jésus dit dès maintenant à Pierre : « Lorsque
vous serez devenu vieux, vous étendrez vos mains. » S. Augustin : (Traité 123 sur S. Jean). C'est-à-dire vous
serez crucifié, et pour vous conduire au supplice, un autre vous ceindra et
vous conduira où vous ne voudrez pas. Jésus prédit d'abord l'événement et
ensuite la manière dont il devait s'accomplir. Ce n'est pas lorsqu'il fut
crucifié, mais avant d'être attaché à la croix, qu'il fut conduit là où il ne
voulait pas. Il voulait bien être dépouillé de son corps pour être avec
Jésus-Christ, mais, s'il eût été possible, il aurait désire entrer dans la
vie éternelle sans passer par les angoisses de la mort. C'est malgré lui
qu'il fut conduit au supplice, mais c'est par sa volonté qu'il a triomphé des
horreurs de cette mort et qu'il s'est dépouillé de ce sentiment de crainte et
de répugnance pour la mort, sentiment tellement inhérent à notre nature que
la vieillesse même ne put l'éteindre dans saint Pierre. Mais quelles que
soient les souffrances dont la mort se montre environnée, nous devons en
triompher par la force de l'amour que nous avons pour celui qui, étant notre
vie, a voulu souffrir la mort pour nous. Car s'il n'y avait que peu ou point
de souffrance à endurer pour mourir, la gloire des martyrs serait beaucoup
moins grande. — S. Jean Chrysostome : Jésus
lui dit : « Vous serez conduit là où vous ne voudrez point, » à cause de ce
sentiment naturel à l'âme qui fait qu'elle se sépare malgré elle du corps par
un sage conseil de la Providence divine qui s'oppose ainsi aux funestes
desseins d'un grand nombre qui auraient fini leurs jours par une mort
violente. L'Evangéliste élève ensuite plus haut nos pensées : « Jésus dit
cela indiquant par quelle mort il devait glorifier Dieu. » Il ne dit pas : de
quelle mort il devait mourir, pour nous apprendre que c'est un honneur et une
gloire de souffrir pour Jésus-Christ. Or, jamais le chrétien ne consentirait
à souffrir la mort pour Jésus-Christ si son esprit n'avait la certitude qu'il
est vraiment Dieu. Aussi la mort des saints est-elle pour nous une preuve
certaine de la gloire de Dieu. S. Augustin : (Traité 123 sur S. Jean). Telle fut donc la
fin de Pierre. Après avoir renié Jésus-Christ, il l'aima de tout son cœur,
et, sous l'impulsion de cet amour parfait il souffrit la mort pour celui pour
qui, par une précipitation coupable, il avait promis de sacrifier sa vie. Il
fallait d'abord, en effet, que Jésus-Christ souffrît la mort pour le salut de
Pierre avant que Pierre donnât sa vie pour la foi de Jésus-Christ qu'il
annonçait. Versets 19-23.
S. Augustin : (Traité 124 sur S. Jean). Après avoir prédit
à Pierre par quelle mort il devait glorifier Dieu, il l'invite à marcher à sa
suite : « Et après avoir ainsi parlé, il lui dit : « Suivez-moi. » Mais
pourquoi le Sauveur dit-il à Pierre seul : « Suivez-moi, » sans adresser la
même invitation aux autres qui étaient présents et qui le suivaient comme des
disciples suivent leur maître ? Or, si par ces paroles Jésus l'appelle au
martyre, Pierre est-il donc le seul qui ait souffert pour la vérité
chrétienne ? Est-ce que Jacques n'était pas là, lui que nous savons avoir été
mis à mort par Hérode ? On répondra peut-être à cela que Jacques n'ayant pas
été crucifié, Jésus put dire exclusivement à Pierre : « Suivez-moi, » parce
que non-seulement il devait souffrir la mort, mais la mort de la croix, à
l'exemple de Jésus-Christ. Théophylactus : Pierre ayant appris qu'il devait souffrir la
mort pour Jésus-Christ, lui demande si Jean doit mourir de la même mort. «
Pierre s'étant retourné vit le disciple que Jésus aimait, » etc. — S. Augustin : Il se nomme le disciple
que Jésus aimait parce qu'en effet Jésus avait pour lui un amour plus intime
et plus tendre que pour les autres, et c'est pour cela que, pendant la cène,
il le fit reposer sur sa poitrine. Je crois que le Sauveur a voulu ainsi nous
donner une haute idée de l'excellence de l'Evangile que Jean devait annoncer.
Il en est qui pensent (et ce ne sont pas les interprètes les moins distingués
des saintes Ecritures) que l'amour plus particulier de Jésus pour Jean avait
pour cause la chasteté que cet Apôtre avait toujours inviolablement gardée
depuis sa première enfance. « Pierre donc, l'ayant vu, dit à Jésus : Seigneur, mais celui-ci, que
deviendra-t-il?» — Théophylactus :. C'est-à-dire, suivant l'explication de
quelques interprètes, est-ce qu'il ne doit pas mourir aussi? « Jésus lui dit : Je veux qu'il demeure ainsi jusqu'à ce que je
vienne; que vous importe ? » — S.
Augustin : Et il lui répète : « Suivez-moi, » paroles qui semblent nous
indiquer que Jean ne le suivrait point, parce qu'il voulait qu'il restât
jusqu'à ce qu'il vint lui-même. Il semble qu'on ne pourrait facilement
admettre d'autre interprétation de ces paroles que celle qui vint à l'esprit
des disciples qui étaient présents : « Le bruit courut donc parmi les frères
que ce disciple ne mourrait point. » Mais Jean lui-même combat cette
interprétation en ajoutant : « Et Jésus ne lui dit pas : Il ne mourra point,
mais je veux qu'il demeure ainsi jusqu'à ce que je vienne, que vous importe ?
» On peut insister cependant si l'on veut, et dire qu'à la vérité Notre
Seigneur n'avait pas dit que « ce disciple ne mourrait point, » mais que
c'est le sens qui résulte des paroles rapportées par saint Jean. — Théophylactus : On peut dire encore :
Jésus-Christ n'a point nié que Jean dût mourir (car tout ce qui naît doit
mourir), mais il lui a dit simplement : Je veux qu'il demeure, c'est-à-dire
qu'il vive jusqu'à la fin du monde, et c'est alors qu'il souffrira pour moi
le martyre. Voilà pourquoi il en est qui prétendent que Jean vit encore, et
qu'il doit être mis à mort par l'antéchrist, après avoir annoncé le nom de
Jésus-Christ avec Elie et Enoch. On montre, il est vrai, son tombeau, mais il
y est entré vivant pour en sortir bientôt après. S. Augustin : Il en est même qui vont jusqu'à dire que
dans son tombeau, que l'on montre encore à Ephèse, Jean y est enseveli dans
le sommeil plutôt que dans la mort, et ils en donnent pour preuve que la
terre qui recouvre son tombeau se soulève et fait comme jaillir des flots de
poussière, ce qu'ils attribuent obstinément à l'effet de sa respiration. Mais
pourquoi le Sauveur aurait-il accordé, comme une grâce privilégiée au
disciple qu'il aimait plus que les autres, un sommeil du corps aussi prolongé,
tandis que par la gloire éclatante du martyre il a délivré Pierre du fardeau
de ce corps terrestre et l'a mis en possession de ce bonheur que saint Paul
désirait si vivement lorsqu'il disait : « Je désire d'être dégagé des liens
du corps pour être avec Jésus-Christ ? » (Ph 1, 23). Si donc il faut en
croire la renommée sur le fait en question, nous dirons que Dieu le permit
pour relever la mort de son disciple qui n'a pas été rehaussée par la gloire
du martyre, ou pour toute autre cause qui nous est inconnue. Cependant il
reste toujours à résoudre cette question : Pourquoi le Seigneur a-t-il pu
dire d'un homme qui devait mourir : « Je veux qu'il demeure ainsi jusqu'à ce
que je vienne ? » Il nous est également intéressant d'examiner pourquoi le Sauveur avait
pour Jean un amour plus particulier, alors que Pierre aimait son divin Maître
plus que les autres. Autant que je puis en juger, je serais porté à dire que
celui qui a pour Jésus-Christ un plus grand amour vaut mieux que les autres,
taudis que celui qui est plus aimé de Jésus-Christ est plus heureux, si je
voyais comment défendre en cela la justice de notre divin Rédempteur. Je vais
donc essayer de résoudre cette importante et difficile question. L'Eglise
connaît deux vies différentes que la prédication divine lui a enseignées,
l'une est la vie de la foi, l'autre la vie de la claire vision; la première
est personnifiée dans l'apôtre Pierre, à cause de la primauté de sa dignité
apostolique; l'autre dans l'apôtre Jean. Jésus dit à Pierre : « Suivez-moi, »
tandis qu'on parlant de Jean, il dit : « Je veux qu'il démesure ainsi jusqu'à
ce que je vienne, » paroles dont voici le sens : Pour vous, suivez-moi en
supportant, à mon exemple, les souffrances de cette vie; quant à lui, qu'il
demeure jusqu'à ce que je vienne le mettre en possession des biens éternels.
Ou pour parler plus clairement encore : Que la vie active parfaite me suive
en imitant l'exemple que je lui ai donné dans ma passion, et que la vie
contemplative, qui ne fait que commencer ici-bas, demeure jusqu'à ce que je
vienne lui donner toute sa perfection. Cette expression demeurer ne doit pas
s'entendre dans le sens de rester, être permanent, mais dans le sens
d'attendre, parce que la vie dont Jean est la figure aura son parfait
accomplissement lorsque Jésus-Christ viendra. Or, dans cette vie active, plus
nous aimons Jésus-Christ, plus aussi nous sommes délivrés facilement du mal.
Cependant Jésus nous aime moins dans l'état où nous sommes, et il nous en
délivre pour que nous n'y restions pas éternellement. Dans la vie du ciel, au
contraire, il nous aime davantage, parce qu'il n'y aura plus rien en nous qui
lui déplaise et dont il doive nous délivrer. Que Pierre donc aime
Jésus-Christ afin que nous soyons délivrés de cette vie mortelle; que Jean
soit aimé par lui, afin que nous possédions l'immortalité sans crainte de la
perdre. Si vous demandez maintenant pourquoi Jean, qui figurait la vie où
Jésus est plus aimé, l'aimait cependant moins que Pierre, je répondrai :
C'est parce que le Sauveur a dit : « Je veux qu'il demeure (c'est-à-dire
qu'il attende) jusqu'à ce que je vienne, » c'est parce que nous n'avons pas
encore, mais que nous attendons dans l'avenir cet amour plus parfait que
Jésus nous donnera lorsqu'il viendra. Voilà ce qui nous est figuré dans la personne
de Pierre, qui aime davantage Jésus-Christ, mais qui en est moins aimé, parce
que le Sauveur nous aime moins dans l'état d'épreuve que dans la vie
bienheureuse; et nous-mêmes nous aimons moins la contemplation de la vérité
telle qu'elle doit se dévoiler un jour, parce que nous n'en avons encore ni
la connaissance, ni la possession. C'est ce qui nous est figuré par Jean, qui
aime Jésus-Christ moins que Pierre. Que personne cependant ne songe à séparer
ces deux illustres apôtres, car tous deux vivaient de cette vie qui se
personnifiait dans Pierre, comme tous deux devaient vivre un jour de cette
vie dont Jean était la figure. La Glose : Ou bien encore ces paroles : « Je veux qu'il
demeure ainsi, » veulent dire : Je ne veux pas qu'il termine sa vie par le
martyre, mais qu'il attende en paix la délivrance de son corps, lorsque je
viendrai le mettre en possession de la félicité éternelle. Théophylactus : Ou bien autrement, par ces paroles : «
Suivez-moi, » le Seigneur le place à la tête de tous les fidèles; et ce mot :
« Suivez-moi, » emporte l'imitation générale de toutes ses paroles, de toutes
ses actions. Il lui prouve aussi par là l'amour qu'il a pour lui, car ce sont
ceux que nous aimons le plus que nous voulons voir à notre suite. S. Jean Chrysostome : Si l'on me demande comment se fait-il donc
que Jacques ait occupé le siège de Jérusalem ? Je répondrai, parce que Pierre
a été établi maître du monde entier. « Pierre s'étant retourné, vit le
disciple que Jésus aimait, qui, pendant la cène, s'était reposé sur sa
poitrine, et lui avait demandé : Seigneur, quel est celui qui vous trahira ?
» Ce n'est pas sans raison que l’Evangéliste rappelle cette circonstance du
la cène, il veut nous faire voir quelle grande confiance animait Pierre après
son renoncement. Pendant la cène, il n'avait pas osé interroger le Sauveur,
mais avait fait signe à Jean de l'interroger à sa place, et c’est à lui
qu'est confiée la suprême juridiction sur ses frères. Et non-seulement il ne
laisse plus à un autre le soin d'interroger son divin Maître sur ce qui le
concerne, mais lui-même l'interroge, désormais sur ce qui peut intéresser les
autres. Comme le Seigneur venait de lui faire les plus grandes promesses, de
lui confier le soin de l'univers entier, de lui prédire son martyre, et de
constater solennellement que l’amour de Pierre pour lui était plus grand que
celui des autres, Pierre, dans le désir que Jean entre en partage d'aussi
grandes prérogatives, dit à Jésus : « Mais celui-ci, que deviendra-t-il ? »
C'est-à-dire : Est-ce qu'il ne suivra pas la même voie ? En effet, Pierre
aimait beaucoup Jean, et leur union nous est attestée par l'Evangile et par
le livre des Actes. C'est ainsi que Pierre veut rendre à Jean ce que Jean a
fait autrefois pour lui. Il croit que Jean voudrait bien demander ce qui doit
lui arriver, mais qu'il n'ose le faire, il interroge donc le Sauveur à sa
place. Mais ils devaient être chargés la direction de tout l'univers, et ne
pouvaient plus rester réunis comme ils l'avaient été jusqu'à présent, ce qui
eût été un véritable préjudice pour le monde tout entier; le Seigneur répond
donc à Pierre, selon le texte grec : « Si je veux qu'il demeure ainsi jusqu'à
ce que je vienne, que vous importe ? Quant à vous, suivez-moi, »
c'est-à-dire, ne vous occupez que de l’œuvre qui vous est confiée, et
accomplissez-la soigneusement, pour celui-ci, si je veux qu'il demeure, que
vous importe ? Théophylactus : Il en est qui entendent ces paroles : «
Jusqu'à ce que je vienne, » dans ce sens : Jusqu'à ce que je vienne contre
les Juifs qui m'ont crucifié, et que je les frappe par les armes des Romains.
On rapporte, en effet, que cet Apôtre vécut dans ces mêmes lieux jusqu'au
temps de Vespasien, sous lequel la ville de Jérusalem devait être prise. Ou
bien encore : « Jusqu'à ce que je vienne, » c'est-à-dire, jusqu'à ce que je
l'envoie annoncer l'Evangile. Quant à vous, je vous destine le pontificat du
monde entier, et c'est pour cela que je vous dis : « Suivez-moi; » pour lui
qu'il demeure ici jusqu'au jour où je lui donnerai sa mission comme à vous. S. Jean Chrysostome : L'Evangéliste exprime ensuite et redresse
l'opinion des disciples, comme nous l'avons dit plus haut. Versets 24-25.
S. Jean Chrysostome : (hom. 88 sur S. Jean). Comme le récit de
saint Jean est appuyé sur les faits et les documents les plus certains, il
n'hésite pas à produire son propre témoignage : « C'est ce même disciple qui
rend témoignage de ces choses et qui les a écrites. » Nous avons pour
habitude, lorsque nous rapportons des faits d'une véracité incontestable, de produire
à l'appui notre propre témoignage; c'est ce que fait à plus forte raison
celui qui écrivait sous l'inspiration du Saint-Esprit. Voilà pourquoi les
autres Apôtres disaient eux-mêmes : « Nous sommes témoins de ces faits. »
Saint Jean ajoute : « Et qui les a écrites. » Il est le seul qui parle de la
sorte parce qu'il a écrit le dernier sur l'ordre qu'il en a reçu de
Jésus-Christ. Voilà pourquoi il parle si fréquemment de l'amour de
Jésus-Christ pour lui, faisant ainsi connaître indirectement la cause secrète
qui le porte à écrire, et appuyant son récit sur le privilège particulier
d'être l’ami de Jésus-Christ : « Et nous savons que son témoignage est vrai,
» car il avait été présent à tous les événements qu'il raconte; il était là
lorsque Jésus-Christ fut crucifié; c’est à lui que le Sauveur daigne confier
sa mère, preuve du grand amour que Jésus avait pour lui, et de la certitude
de tous les faits qu'il raconte. Si quelques-uns restent incrédules, ce qu'il
dit en terminant doit les amener à la foi : « Jésus fit encore beaucoup
d'autres choses. » Il est donc évident que je n'ai pas écrit dans le but
unique d'être agréable à Jésus-Christ, puisque tant de faits qui existent,
j'en ai raconté beaucoup moins que les autres évangélistes; j'en ai laissé un
très-grand nombre, choisissant de préférence les injures et les outrages
faits à sa personne. Or, celui qui écrit pour donner de la gloire à son
héros, doit au contraire passer sous silence ce qui, dans sa vie, porte un
caractère d'ignominie, et ne s'attacher qu'aux faits éclatants. — S. Augustin : (Traité 124 sur S. Jean).
Il ajoute : « Si on les écrivait en détail, je ne pense pas que le monde
entier pût contenir les livres qu'il faudrait écrire. » Il ne faut pas
entendre ces paroles dans ce sens, que l'étendue du monde entier ne suffirait
point à contenir tous ces livres, mais que la capacité des lecteurs du monde
entier ne suffirait pas à les comprendre. On peut dire aussi que souvent les
expressions, tout en respectant la vérité des choses, paraissent cependant
aller au delà, ce qui arrive, non point lorsqu'on met dans son jour une chose
obscure ou douteuse, mais quand on exagère ou qu'on atténue une vérité claire
par elle-même. Cependant, en parlant, ainsi, on ne s'écarte pas de la voie de
la vérité, car ces expressions qui vont au delà de ce qu'on veut dire, ne
trahissent nullement l'intention de tromper dans celui qui les a employées.
Cette manière de parler, s'appelle eu grec hyperbole, et cette figure ne se
rencontre pas seulement ici, mais dans d'autres endroits de l'Ecriture. — S. Jean Chrysostome : On bien encore,
il faut rapporter ces paroles à la puissance divine de celui qui
accomplissait ces œuvres admirables; en effet il lui était beaucoup plus
facile de faire les œuvres qu'il voulait, qu'il ne nous l’est à nous de les
raconter, car il est le Dieu béni au-dessus de toutes choses dans les siècles
des siècles. |