Commentaire de la seconde épître de saint Paul à Timothée

SAINT THOMAS D’AQUIN

Docteur de l'Eglise catholique

 

 

Edition Louis Vivès, 1870,

Traduction par l'Abbé Bralé, entièrement reprise par Charles Duyck, janvier 2006

 

Édition numérique, http://docteurangelique.free.fr, 2008

Les œuvres complètes de saint Thomas d'Aquin

 

 

PROLOGUE DE SAINT THOMAS 2

CHAPITRE 1 — S'adonner à la prédication_ 3

Leçon 1 — 2 Timothée I, 1-2 : Salutations 3

Leçon 2 — 2 Timothée I, 3-5 : Communion de Paul avec Timothée_ 5

Leçon 3 — 2 Timothée I, 6-10 : Faire usage de la grâce dans l'apostolat 7

Leçon 4 — 2 Timothée I, 11-18 et dernier : La charge d'apôtre_ 13

CHAPITRE 2 — Se préparer au martyre_ 20

Leçon 1 — 2 Timothée II, 1-7 : Le combat de la foi 20

Leçon 2 — 2 Timothée II, 18-15 : La préparation au martyre_ 26

Leçon 3 — 2 Timothée II, 16-20 : Les hérésies 34

Leçon 4 — 2 Timothée II, 21-26 et dernier : Les discours profanes 40

CHAPITRE 3 — Lutter avec courage contre les périls à venir 46

Leçon 1 — 2 Timothée III, 1-5 : Les périls des derniers temps 47

Leçon 2 — 2 Timothée III, 5-11 : fuir les mauvaise fréquentations 52

Leçon 3 — 2 Timothée III, 12-17 : La persécution_ 58

CHAPITRE 4 — Comment résister aux périls des derniers temps ? 65

Leçon 1 — 2 Timothée IV, 1-5 : L'urgence apostolique_ 65

Leçon 2 — 2 Timothée IV, 6-8 : La mort et la gloire à venir 72

Leçon 3 — 2 Timothée IV, 8-22 : Appel à Timothée_ 77

 

 

Textum Taurini 1953 editum ac automato translatum a Roberto Busa SJ in taenias magneticas denuo recognovit Enrique Alarcón atque instruxit

Traduction par l'Abbé Bralé (Edition Louis Vivès, 1870), Revue entièrement par Charles Duyck, janvier 2006

 

 

Prooemium

PROLOGUE aux épîtres à Timothée et Tite

[87878] Super 1 Tm pr. In manu Dei potestas terrae, et execrabilis omnis iniquitas gentium, et utilem rectorem suscitabit in tempore super illam. Eccli. X, 4.

Haec verba materiae huius epistolae conveniunt. Prius enim instruxit Ecclesiam in his, quae ad eius unitatem pertinent, hic instruit ipsos rectores Ecclesiae, qui sunt quasi principalia membra eius. Circa quod videnda est ista instructio et utilitas.

Instructio est in Deo, quia in manu Dei, et cetera. Et hoc tripliciter, quia ab ipso exoritur. Rom. XIII, 1 : non est potestas nisi a Deo. Item quod secundum Deum debet regulari. Prov. VIII, 15 : per me reges regnant, et conditores legum iusta decernunt. Item quia secundum Dei dispositionem, eorum potestas fundatur. Dan. II, 21 : et ipse mutat tempora et aetates, transfert regna atque constituit.

Item utilitas eorum ostenditur, quia est ad cohibendam nequitiam hominum, quia execrabilis omnis iniquitas gentium. Iusto non est lex posita. Rectores legis tripliciter debent se habere ad mala. Primo ut ea corde odio habeant. II Mach. III, 1 : animo odio habentes mala, et cetera. Secundo ut prohibeant ea ne fiant. Prov. XX, 8 : rex qui sedet in solio iudicii dissipat omne malum. Tertio ut facta puniant. Rom. XIII, 4 : minister enim Dei est, vindex in iram eius qui male agit. Quarto videnda est utilitas, ibi utilem rectorem, et cetera. Et ad tria est utilis rector, quae notantur Eccli. XLIX, 15 : Ioseph princeps fratrum, ut gentem sustentet per potentiam. Is. XIX, 4 : et rex fortis dominabitur eorum, et cetera. Rector fratrum, dirigendo per sapientiam. Is. XXXII, 8 : princeps ea quae sunt digna principe cogitabit, et cetera. Eccli. X, 24 : in medio fratrum rector illorum. Stabilimentum populi, ut cohibeat ab iniustis per iustitiam, Ps. XVII, 28 : tu populum humilem salvum facies, et oculos superborum humiliabis, et cetera.

Et sic patet materia harum epistolarum, quia est ad instructionem rectorum populi fidelis, in quo quidam praeferuntur in spiritualibus, sicut praelati Ecclesiarum, quos primo instruit; quidam vero in temporalibus, quos secundo monet; et hoc in epistola ad Philemonem. Circa primum tres sunt epistolae, secundum tria quae competunt praelato, quorum primum est ut gubernet populum; secundum, ut pro populo subdito patiatur; tertium, ut malos coerceat. Primum in prima ad Timotheum; secundum in secunda, ubi agit de martyrio; tertium in epistola ad Titum, ubi agit ac docet quomodo vitet haereticos, ut etiam patet in argumentis epistolarum.

Le pouvoir souverain sur un pays est dans la main de Dieu. Toute iniquité des nations est exécrable, et c’est Dieu qui y suscitera en son temps un prince pour gouverner utilement. (Ecclésiastique X, 4 et 7)

Ces paroles conviennent à la matière de cette Epître. L’Apôtre a instruit l’Eglise de ce qui concerne son unité; il instruit ici les pasteurs même de l'Eglise lesquels en sont comme les membres principaux. Il faut donc considérer cette institution même et son utilité.

L’institution est en Dieu, car elle est dans la main de Dieu lui-même, et cela de trois manières Premièrement, parce qu’elle émane de lui (Rm XIII, 1) : "Il n'y a pas de pouvoir qui ne vienne de Dieu." Ensuite, parce qu’elle doit être réglée selon Dieu ; (Prov., VIII, 15) : "Les rois règnent par moi, et c’est par moi que les législateurs ordonnent ce qui est juste." Enfin, parce que leur puissance est établie suivant la disposition de Dieu ; (Daniel II, 21) : "C’est lui qui change les temps et les siècles, qui renverse et établit les royaumes."

On en reconnaît l’utilité, en ce qu’elle a pour fin de comprimer la méchanceté des hommes; car "toute iniquité des nations est exécrable" (ci-après, I, 9) : "Reconnaissant que la loi n’est pas pour le juste." Or, ceux qui font les lois doivent être dans une triple disposition à l’égard du mal. Ils doivent d’abord le haïr de cœur ; (II Maccabées III, 1) : "Ayant dans le coeur de la haine contre tout mal, etc." Ensuite, défendre de le commettre ; (Prov., XX, 6) : "Le roi qui est assis sur son trône pour rendre justice, dissipe tout le mal [par son seul regard]." Enfin le punir, lorsqu’il est commis ; (Rm XIII, 4) : "Il est le ministre de Dieu, pour exécuter sa vengeance, en punissant celui qui fait de mauvaises actions."En quatrième lieu, il faut considérer l’utilité, à ces mots (verset 4) : "[Il y suscitera en son temps] un prince pour le gouverner utilement." Celui qui gouverne est utile pour les trois fins suivantes : Il est comme Joseph ; (Ecclésiastique, XLIX, 15) : "Le prince de ses frères" afin de soutenir sa nation par sa puissance ; (Isaïe XIX, 4) : "Un roi puissant les dominera, etc.". Le gouverneur de ses frères, en les dirigeant par sa sagesse ; (Isaïe XXXII, 8) : "Le prince aura des pensées dignes d’un prince, etc.;" (Ecclésiastique, X, 24) : "Celui qui conduit ses frères est parmi eux en honneur. Le ferme appui de son peuple," afin de réprimer les injustes par la justice ; (Psaume XVII, 28) : "Vous sauverez le peuple qui est humble, et vous humilierez les yeux des superbes, etc."

Ainsi l’on voit la matière de ces épîtres destinées à l’institution des conducteurs du peuple fidèle. Les uns sont chargés des choses spirituelles, ce sont les chefs des Eglises auxquels l’Apôtre s’adresse d’abord. Les autres s’occupent des choses temporelles. Paul leur fait ses recommandations dans l'Epître à Philémon. Les trois autres épîtres concernent les premières, et répondent aux trois devoirs de la charge des chefs : le premier, de gouverner le peuple; le second, de souffrir pour le peuple qui leur est confié; le troisième, de réprimer les méchants. Il traite du premier dans la première Epître à Timothée; du second dans la seconde Epître, aussi à Timothée, où il parle du martyre; du troisième dans l’Epître à Tite, où il enseigne et explique comment le pasteur doit éviter les hérétiques. Tout ceci se vérifiera dans l’exposition de ces Epîtres.

 

 

Prooemium

PROLOGUE A LA SECONDE ÉPÎTRE A TIMOTHÉE

 

 

[87899] Super II Tim., pr. Nocte et die aestu urebar et gelu, et cetera. Gen. XXXI, 40. Verba sunt Iacob ostendentis et commendantis curam pastoralem, ac pastorale officium, in quibus, circa hoc officium, tria ponuntur, scilicet assiduitas, patientia, sollicitudo. Primum est, quia sine intermissione debet curam gregis gerere. Unde dicit nocte et die. Nocte orando, die erudiendo. Is. XXI, 8 : super speculam domini ego sum stans iugiter per diem, et super custodiam ego sum stans totis noctibus. Vel per diem, id est, tempore prosperitatis; et per noctem, id est, tempore adversitatis, in quibus praelatus debet respicere curam gregis. II Cor. VI, 7 : per arma iustitiae a dextris et a sinistris. Prov. XVII, 17 : omni tempore diligit, qui amicus est.

Secundum est, quia maxime praelato patientia necessaria est. Debet enim praelatus propter gregis salutem, omnia sustinere. Io. c. X, 11 : bonus pastor animam suam dat pro ovibus suis. Prov. XIX, 11 : doctrina viri per patientiam noscitur. Unde dicit aestu, id est fervore instantis persecutionis. Iac. I, 11 : exortus est sol cum ardore, et arefecit foenum. Gelu, id est, timore futurorum. II Cor. VII, 5 : foris pugnae, intus timores.

Tertium est, quia praeest in sollicitudine, ut dicitur Rom. XII, 8. Et hoc expellit somnum negligentiae. Unde subditur Gen. XXXI, v. 41 : fugiebatque somnus ab oculis meis. Prov. VI, 3 : discurre, festina, suscita amicum tuum, ne des oculis tuis somnum. Recte ergo haec verba materiae huius epistolae conveniunt. In prima enim instruit eum de ordinatione ecclesiastica. In hac autem secunda agit de sollicitudine tanta pastorali, ut etiam martyrium sustineat pro cura gregis, ut patet in prologo.

"J’étais brûlé par la chaleur pendant le jour, Pendant la nuit transi de froid, [et le sommeil fuyait de mes yeux]." (Gen., XXXI, 40).

Ce sont là les paroles de Jacob, qui fait sentir et relève la charge et les travaux du pasteur. Nous pouvons remarquer, dans l’exercice de cette charge trois qualités : l’assiduité, la patience, la vigilance.

Le premier de ces devoirs est de veiller sans relâche à la garde du troupeau. C’est ce qui lui fait dire : "Nuit et jour;" pendant la nuit, en priant, pendant le jour, en enseignant (Isaïe XXI, 8) : "Sur la tour de guet du Seigneur, je me tiens, tout le jour, à mon poste de garde, et j’y passe les nuits entières." Ou bien encore "Pendant le jour" c’est-à-dire au temps de la prospérité "et pendant la nuit," c’est-à-dire au temps de l’adversité pendant lequel le chef spirituel ne doit pas perdre de vue le soin du troupeau (2 Co VI, 7) : "Avec les armes de la justice [pour combattre] à droite et à gauche;" (Proverbes XVII, 17) : "Celui qui aime, aime en tout temps. "

Le second devoir est la patience si nécessaire au chef spirituel, car le pasteur doit tout souffrir pour le salut du troupeau (Jean, X, 11) : "Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis;" (Prov., XIX, 11) : "La science d’un homme se reconnaît à sa patience." C’est ce qui fait dire à Jacob : "Pendant la chaleur," c’est-à-dire au feu de la persécution menaçante (Jacques I, 11) : "Au lever d’un soleil brûlant, l’herbe se sèche, [la fleur tombe et perd toute sa beauté]." " Pendant le froid," c’est-à-dire dans la crainte des maux à venir (2 Co VII, 5) : "Des combats au dehors, des frayeurs au dedans."

Le troisième devoir est la vigilance, car elle est essentielle dans le souci [d’autrui], ainsi qu’il est dit en Rom., XII, 8 : Car là est condamné le sommeil de la négligence ; de là les paroles qui suivent (Gen., XXXI, 40) : "Et le sommeil fuyait mes yeux" (Proverbes VI, 3) : "Courez de tous côtés; hâtez-vous, et réveillez votre ami. Ne laissez pas aller vos yeux au sommeil."

Les paroles de Jacob s’appliquent donc avec justesse à l’objet de cette Epître. Car dans la première l’Apôtre a instruit Timothée de l’organisation de l'Eglise ; dans cette seconde, il traite de la sollicitude pastorale, qui doit être si grande, qu’elle supporte même le martyre pour la garde du troupeau, comme il apparaît dans ce prologue.

 

 

 

Caput 1

CHAPITRE 1 — S'adonner à la prédication

Lectio 1

Leçon 1 — 2 Timothée I, 1-2 : Salutations

 

SOMMAIRE : Paul salue son cher Timothée. Il souhaite que Dieu lui donne, par Notre Seigneur Jésus-Christ, la grâce et la paix.

[1] Paulus apostolus Christi Iesu per voluntatem Dei secundum promissionem vitae quae est in Christo Iesu

[2] Timotheo carissimo filio gratia misericordia pax a Deo Patre et Christo Iesu Domino nostro

[3] gratias ago

1. Paul, apôtre de Jésus-christ, par la volonté de Dieu, selon la promesse de la vie que nous avons dans le Christ Jésus

2. A Timothée, son fils bien-aimé, que Dieu le Père et Jésus-Christ Notre Seigneur vous donnent la grâce, la miséricorde et la paix.

[87900] Super II Tim., cap. 1 l. 1 Dividitur autem haec epistola in salutationem, et narrationem. Secunda ibi gratias ago. Item primo ponitur persona salutans; secundo persona salutata; tertio bona optata.

Persona salutans describitur ex nomine Paulus, quod sonat modicitatem, quod ei competit propter humilitatem mentis et tribulationem, quae faciunt hominem parvum. In tantum quod Christus dicitur minoratus propter passiones. Hebr. II, 9 : eum qui in modico ab Angelis minoratus est, et cetera. Item ex dignitate, quam, primo ponit, secundo dignitatis originem, tertio fructum.

Dignitas est magna, quia est apostolus Iesu Christi, id est, missus a Christo. Lc. VI, v. 13 : elegit duodecim ex ipsis, quos etiam apostolos nominavit. Hanc dignitatem adeptus est, quia plus omnibus laboravit, I Cor. c. XV, 10 et Gal. II, 8 : qui operatus est Petro in apostolatum circumcisionis, operatus est et mihi inter gentes.

Origo apostolatus est voluntas Dei, unde dicit per voluntatem Dei, quam quidam praeveniunt, quia se ingerunt; contra quos dicitur Hebr. V, 4 : nemo assumit sibi honorem, sed qui vocatur a Deo tamquam Aaron. Item quidam permittuntur propter peccata populi. Iob XXXIV, 30 : qui regnare facit hominem hypocritam propter peccata populi. Sed hoc est per voluntatem Dei, quod dicit, quia non per voluntatem suam.

Fructus autem non est aliquid terrenum, sed secundum promissionem vitae, quae est, etc., id est, ad consequendam vitam aeternam promissam a Christo. Hic debet esse finis praelatorum. I Cor. IX, 25 : illi quidem ut corruptibilem coronam accipiant, nos autem incorruptam. Dan. XII, 3 : qui ad iustitiam erudiunt multos, quasi stellae in perpetuas aeternitates.

Persona salutata est Timotheus filius eius ab eo conversus, Act. XVI, 1. Charissimus, quia sibi unanimis. Phil. II, 20 : neminem habeo tam unanimem, et cetera.

Bona optata sunt tria, scilicet gratia, per quam est remissio peccatorum; misericordia, per quam consequimur finale bonum; pax, Glossa : id est, tranquillitas mentis, haec competit praelato, qui ad hoc ponitur ut pacem procuret. Io. dixit dominus : pax vobis; et praecepit intrantibus domum pacem offerre, ut habetur Matth. X, v. 12. Et hoc a Deo patre, qui est dator omnis boni Iac. I, 5. Item a Iesu Christo, qui est mediator inquantum homo Dei et hominum. II Petr. I, 4 : per quem maxima nobis et pretiosa promissa donavit.

 

Cette Epître se divise en salutation et en [second traité] (verset 3) : "Je rends grâces à Dieu, etc." L’Apôtre indique la personne qui salue ; II° celle à qui s’adresse la salutation ; III° les biens qu’il souhaite.

La personne qui salue est désignée par son nom : "Paul," nom qui exprime la faiblesse, résultant pour l’Apôtre de son humilité et de ses tribulations, double motif d’abaissement pour l’homme ; à tel point que l’on a dit que Jésus-Christ a été abaissé, à cause de ses souffrances ; (Hébr., II, 9) : "[Nous voyons que] Jésus, qui avait été rendu, pour un peu de temps, inférieur aux anges, etc." Ensuite par sa dignité, qu’il énonce d’abord, dont il dit en second lieu l’origine, puis enfin les effets.

I. La dignité de Paul est grande, car il est "Apôtre de Jésus-Christ," c’est-à-dire, envoyé par lui (Luc, VI, 13) : "Il choisit douze d’entre ses disciples, qu’il nomma Apôtres." Or, cette dignité, il l’a acquise, parce qu’il a plus travaillé que tous les autres (1 Co XV, 10) et (Galat., II, 8) : "Celui qui a agi [efficacement] en Pierre pour le rendre apôtre des circoncis, a aussi agi [efficacement] en moi pour me rendre Apôtre des Gentils."

II. L’origine de l’apostolat, c’est la volonté de Dieu ; c’est pour cela que Paul dit (verset 1) : "Par la volonté de Dieu," que quelques-uns préviennent, en s’ingérant ; mais c’est contre eux qu’il est dit (Hébr., V, 4) : "Et nul ne s’attribue à soi-même cet honneur, mais il faut y être appelé de Dieu comme Aaron." D’autres sont tolérés, à cause des péchés du peuple (Job, XXXIV, 30) : "C’est lui qui fait régner l’homme hypocrite, à cause des péchés du peuple." Tandis qu’ici, l’apostolat est fondé sur la volonté de Dieu, et Paul le fait remarquer quand il dit que ce n’est pas par sa propre volonté.

III. L’effet de sa dignité, ce n’est pas quelque chose de terrestre, mais (verset 1) : "C’est pour la promesse de la vie qui est en Jésus-Christ," c’est-à-dire afin d’obtenir la vie éternelle promise par Jésus-Christ. Car ce doit être la fin que se proposent les pasteurs (1 Co IX, 25) : "Et cependant, pour eux, il s’agit de gagner une couronne corruptible, mais nous, nous en attendons une incorruptible;" (Daniel, XII, 3) : "qui auront enseigné à beaucoup la voie de la justice, luiront comme des étoiles dans toute l’éternité."

II° La personne à qui s’adresse la salutation, est Timothée, son fils, converti par lui (Actes XVI, 1) : "Fils très cher," car il lui était parfaitement uni de sentiment (Philipp., II, 20) : "Je n’ai personne qui me soit autant que lui, uni [d’esprit et de cœur]."

III° Les biens souhaités par Paul, sont de trois sortes, à savoir, "la grâce," par laquelle nous obtenons la rémission de nos péchés; (verset 2) : "la miséricorde," par laquelle nous parvenons à notre bien suprême ; "et la paix," qui est, dit la Glose, la tranquillité de l’âme. Ces dons conviennent au chef spirituel, qui est établi pour procurer la paix. En Jean [(XX, 19)] le Seigneur dit : "La paix soit avec vous;" de plus, il ordonne à ses apôtres, lors qu’ils entrent dans une maison, [de la saluer et] d’offrir la paix, [en disant : "La paix soit avec vous,"] ainsi qu’il est dit en Matthieu (X, 12) : Que ces dons [vous soient départis] "par Dieu le Père," de qui procède tout bien (Jacq., I, 5) et aussi par "Jésus-Christ Notre Seigneur," qui en tant qu’homme est médiateur entre Dieu et les hommes (II Pierre, I, 4) : "Il vous a ainsi communiqué les grandes et précieuses grâces qu’il avait promises."

 

 

Lectio 2

Leçon 2 — 2 Timothée I, 3-5 : Communion de Paul avec Timothée

 

SOMMAIRE : Paul dit à Timothée qu’il se souvient de lui dans ses prières, l’assurant de la plus vive affection, produite dans le coeur de l’Apôtre par les larmes et la foi de son disciple.

[3] gratias ago Deo cui servio a progenitoribus in conscientia pura quam sine intermissione habeam tui memoriam in orationibus meis nocte ac die

[4] desiderans te videre memor lacrimarum tuarum ut gaudio implear

[5] recordationem accipiens eius fidei quae est in te non ficta quae et habitavit primum in avia tua Loide et matre tua Eunice certus sum autem quod et in te

3. Je rends grâces à Dieu que mes ancêtres ont servi, et que je sers avec une conscience pure, de ce que nuit et jour vous m’êtes continuellement présent à l’esprit dans mes prières ;

4. Car me représentant vos larmes, je désire vous voir, afin d’être rempli de joie,

5. Dans le souvenir que j’ai de cette foi sincère qui est en vous, qu’a eue premièrement Loïde votre aïeule et Eunice votre mère, et que je suis très persuadé que vous avez aussi.

[87901] Super II Tim., cap. 1 l. 2 Hic incipit epistolaris narratio, in qua primo munit eum contra praesentes persecutiones; secundo contra futura pericula Ecclesiae, III cap., ibi hoc autem scito. Item primo inducit ad instantiam praedicationis, quae tunc erat causa et occasio persecutionis; secundo hortatur ad sustinendas tribulationes propter Christum, ibi tu ergo, etc., c. II. Item primo commemorat bona ipsius Timothei; secundo hortatur eum ad usum horum bonorum per instantiam praedicationis, ibi per quam, etc.; tertio ponit se in exemplum, ibi in quo positus sum ego praedicator et apostolus et magister, et cetera.

Item primo ponit affectum quem habebat ad Timotheum; secundo ponit bona huius, quae provocabant eum ad huiusmodi affectum, ibi memor.

Affectus ostenditur per duo, scilicet per orationem et desiderium. Et ideo gratias agit Deo de affectu quem habet ad Timotheum, quia est charitatis, et charitas est principale donum; quasi dicat : reputo me gratiam consecutum, quod sic sincerum affectum habeo ad te. Et dicit Deo meo, cui, specialiter, servio a progenitoribus meis, non a parentibus carnalibus, quia I Tim. I, 15 : Christus venit peccatores salvos facere, quorum primus ego sum; sed servitio derivato a progenitoribus meis, scilicet patriarchis et prophetis, qui Deo sincere servierunt. Et dicitur, a progenitoribus, quia filii facilius imitantur perfectionem paternam, tum quia instruuntur ab eis, ut Tobias, tum quia etiam facilius imitantur amicos.

Et quomodo servio ei ? In conscientia pura; quia, ut habetur Habacuc I, v. 13, mundi sunt oculi tui, domine, ne videant malum, et respicere ad iniquitatem non poteris; II Cor. I, 12 : gloria nostra haec est, testimonium conscientiae nostrae. De quo agit gratias, quia sine intermissione, sive die prosperitatis, sive nocte adversitatis oro pro te.

Item ex desiderio; ideo dicit desiderans te videre, scilicet propter consolationem utriusque. Rom. I, 11 : desidero enim videre vos, et cetera.

Deinde cum dicit memor, ostendit bona, quae erant in Timotheo. Et primo commemorat affectum eius ad se; secundo fidem ad Deum, ibi recordationem.

Dicit ergo memor lacrymarum, quas scilicet Timotheus effudit quando discessit Ephesum ab eo, paratus ad martyrium. Vel lacrymarum quas fudit in orationibus. Et hoc ut gaudio implear, id est, haec memoria replet me gaudio. Phil. II, 2 : implete gaudium meum, et cetera.

Item memor fidei ad Deum. Fidem eius primo commemorat; secundo ostendit eam a parentibus derivatam, et non novitiam. Dicit ergo recordationem, et cetera. Fides necessaria est praelato, qui est fidei custos. Hebr. c. XI, 6 : sine fide impossibile est placere Deo. Et dicit non ficta, vera enim per opera bona est. Iac. II, 18 : ostende mihi sine operibus fidem tuam, et ego ostendam tibi ex operibus fidem meam. I Tim. I, 5 : finis praecepti est charitas, et cetera. Sap. I, 5 : effugiet fictum, et cetera. Et haec non nova, sed habitavit primum in avia tua Loide, et cetera. Act. XVI, 1 dicitur quod fuit filius mulieris Iudaeae. Certus autem, vel per revelationem, vel per indicia, quod et in te.

 

Ici commence le traité épistolaire, dans lequel Paul prémunit d’abord Timothée contre les persécutions présentes ; ensuite contre les futurs dangers de l’Eglise, (III, 1) : "Or, sachez [que dans les derniers jours], etc." Premièrement donc, il l’engage à s’adonner à la prédication qui était alors et la cause et l’occasion de la persécution ; secondement, il l’exhorte à supporter les tribulations pour Jésus-Christ (II, 4) : "Fortifiez-vous donc, etc." Il rappelle d’abord ce qu’il y avait de bien dans Timothée ; il le presse ensuite de faire usage de ces dons pour s’employer davantage à la prédication (verset 6) : "C’est pourquoi [je vous avertis], etc.;" enfin il lui propose son propre exemple (verset 11) : "C’est pour cela que j’ai été établi prédicateur, apôtre et maître, etc." Sur le premier de ces points, il exprime : l’affection qu’il a pour Timothée ; II° les bonnes qualités qui provoquaient dans l’Apôtre cette affection à l’égard de son disciple (verset 4) : "En me représentant [vos larmes], etc."

L’affection se manifeste par deux témoignages, à savoir, la prière et le désir. Aussi Paul (verset 3) : "rend grâces à Dieu" de l’affection qu’il ressent pour Timothée, parce qu’[en lui] elle procède de la charité, et que la charité est le premier des dons. Comme s’il disait : J’ai confiance d’avoir reçu la grâce, puisque j’éprouve pour vous une affection aussi sincère. Il dit (verset 3) : "A mon Dieu, que mes ancêtres ont servi," non pas ses parents selon la chair, car (I Timothée I, 15) : "Jésus-Christ est venu [dans le monde] pour sauver les pécheurs, entre lesquels je suis le premier," mais d’un service reçu de mes ancêtres, c’est-à-dire les patriarches et les prophètes, qui ont servi Dieu sincèrement. Il dit : "Mes ancêtres," car les enfants imitent avec plus de facilité les qualités de leurs pères, d’abord parce qu’ils reçoivent d’eux l’instruction, comme nous le voyons dans Tobie ; ensuite parce qu’ils suivent plus aisément ceux qui son leurs amis. Et comment est-ce que je le sers ? (verset 3) : "Dans une conscience pure," parce que comme il est dit au prophète Habacuc (I, 13) : "Seigneur, vos yeux sont trop purs pour souffrir le mal; vous ne pouvez souffrir l’iniquité sous votre regard" (2 Co I, 12) : "Ce qui fait notre gloire, c’est ce témoignage de notre conscience." Et de quoi rend-il grâces ? (verset 3) : "De ce que nuit et jour, soit au jour de la prospérité, soit dans la nuit de l’adversité, je prie pour vous, (verset 3)." En second lieu, [il manifeste] son désir [à l’égard de Timothée]. Il dit donc (verset 4) : "Je désire vous voir," à savoir pour leur consolation mutuelle. (Rom., I, 11) : "J’ai grand désir de vous voir."

II° Quand l’Apôtre ajoute (verset 4) : "Et me représentant [vos larmes]," il rappelle les bonnes qualités de son disciple : I. L’attachement de Timothée pour lui ; II. sa foi en Dieu (verset 5) : "Dans le souvenir [de cette foi sincère], etc."

I. Il dit donc (verset 4) : "Et me représentant vos larmes," c’est-à-dire les larmes que versa Timothée, au moment où l’Apôtre, quittant Ephèse, se sépara de lui, le laissa tout préparé au martyre ; ou encore des larmes qu’il répandit dans la prière. Et "[c’est pour cela que je désire vous voir], afin d’être rempli de joie," c’est-à-dire, ce souvenir me comble de joie (Philipp., II, 2) : "Rendez ma joie pleine et entière, etc."

II. L’Apôtre se souvient aussi de la foi de Timothée en Dieu. Et d’abord il rappelle cette foi, ensuite il remarque qu’elle lui est venue de ses parents, et qu’elle n’est pas nouvelle. Il dit donc (verset 5) : "J’ai le souvenir [de cette foi sincère qui est en vous]." La foi est nécessaire au premier pasteur, qui est le gardien de cette foi (Hébr., XI, 6) : "Sans la foi, il est impossible de plaire à Dieu." Paul dit : "Dans laquelle il n’y a rien de feint." Car la foi véritable se fait reconnaître par ses bonnes œuvres ; (Jacques II, 18) : "Montrez-moi votre foi qui est sans oeuvres et moi je vous montrerai ma foi par mes oeuvres;" (I Timothée I, 5) : "Cette règle a pour but la charité [qui naît d’un coeur pur, d’une bonne conscience et d’une foi sincère];" (Sag., I, 5) : "[L’Esprit-Saint qui est la science], fuit l’astuce." Et cette foi n’est pas nouvelle, mais (verset 5) : « Elle vivait d’abord en Loïde votre aïeule, etc » Au chap. XVI, 1 des Actes il est dit de Timothée qu’il était fils d’une mère juive. (verset 5) : "Or, je suis certain, soit par révélation, soit par d’autres indices, qu’elle est aussi en vous."

 

 

Lectio 3

Leçon 3 — 2 Timothée I, 6-10 : Faire usage de la grâce dans l'apostolat

 

SOMMAIRE : Paul exhorte Timothée à faire bon usage des dons gratuits de Dieu, surtout en annonçant l’Evangile; il lui recommande en même temps de ne pas interrompre ce ministère par modestie.

[6] propter quam causam admoneo te ut resuscites gratiam Dei quae est in te per inpositionem manuum mearum

[7] non enim dedit nobis Deus spiritum timoris sed virtutis et dilectionis et sobrietatis

[8] noli itaque erubescere testimonium Domini nostri neque me vinctum eius sed conlabora evangelio secundum virtutem Dei

[9] qui nos liberavit et vocavit vocatione sancta non secundum opera nostra sed secundum propositum suum et gratiam quae data est nobis in Christo Iesu ante tempora saecularia

[10] manifestata est autem nunc per inluminationem salvatoris nostri Iesu Christi qui destruxit quidem mortem inluminavit autem vitam et incorruptionem per evangelium

6. C’est pourquoi je vous avertis de rallumer ce feu de la grâce de Dieu, que vous avez reçue par l’imposition des mains.

7. Car Dieu ne nous a pas donné un esprit de timidité, mais un esprit de courage, d’amour et de sagesse.

8. Ne rougissez donc pas de Notre Seigneur que vous devez confesser, ni de moi qui suis son captif mais souffrez avec moi pour l’Evangile, selon la force de Dieu,

9. Qui nous a sauvés, et nous a appelés par sa vocation sainte, non selon nos oeuvres, mais selon le décret de sa volonté, et selon la grâce qui nous a été donnée dans le Christ Jésus avant tous les siècles ;

10. Et qui a paru maintenant par l'avènement de notre Sauveur Jésus-Christ, qui a détruit la mort, et nous a découvert, par l’Evangile, la vie et l’incorruptibilité.

[87902] Super II Tim., cap. 1 l. 3 Supra commendavit eum de bonis gratuitis, hic hortatur ad usum gratuitorum sibi datorum, praecipue in praedicatione Evangelii. Et primo monet generaliter ad usum datae sibi gratiae; secundo specificat qualis sit usus gratiae, ibi noli itaque erubescere.

Item primo, ponit monitionem; secundo eius rationem, ibi non enim dedit nobis. Dicit ergo : fides non ficta, in matre et avia et in te est, propter quam causam admoneo te. Gratia Dei est sicut ignis qui quando obtegitur cinere, non lucet : sic gratia obtegitur in homine per torporem, vel humanum timorem. Unde et Timotheus effectus pusillanimis, torpuerat circa praedicationem. Et ideo dicit ut resuscites gratiam sopitam. I Thess. V, 19 : spiritum nolite extinguere. Et addit quae est in te per impositionem manuum mearum, a quo scilicet ordinatus erat episcopus. In qua manus impositione data est ei gratia spiritus sancti.

Deinde cum dicit non enim, ponitur ratio monitionis, et sumitur ex conditione divinorum munerum. Qui enim accipit munus, debet operari secundum congruentiam muneris; ergo secundum conditionem divinorum munerum debemus Deo servire. Est autem duplex spiritus, huius mundi, et Dei. Et horum distinctio est : spiritus enim significat amorem, quia nomen spiritus impulsionem importat, et amor impellit. Duplex autem est amor, scilicet Dei, et hic est per spiritum Dei, et amor mundi, et hic est per spiritum mundi. I Cor. II, 12 : non enim accepimus spiritum huius mundi, et cetera.

Spiritus autem mundi facit amare bona mundi, et timere mala temporalia; et ideo dicit non enim dedit nobis Deus spiritum timoris, scilicet mundani, quia hunc Deus aufert a nobis. Matth. X, 28 : nolite timere eos, qui occidunt corpus, et cetera. Est alius spiritus timoris domini et sanctus, et iste facit, ut timeatur Deus; hic autem est sine poena et sine offensa, et hic est a Deo. Matth. X, 28 : timete eum, qui potest et animam et corpus perdere in Gehennam. Et addit sed virtutis, quia per spiritum sanctum dirigimur in malis, et hoc per virtutem, scilicet fortitudinis contra adversa mundi. Lc. c. ult. : sedete in civitate donec induamini virtute ex alto.

Item dirigimur in bonis, quia quantum ad affectionem ordinamur per dilectionem charitatis, dum quis omnia quae diligit, refert in Deum. Unde dicit et dilectionis. I Io. III, 14 : qui non diligit, manet in morte. Item quantum ad bona exteriora; et ideo dicit et sobrietatis, id est, omnis temperantiae, servando debitum modum et mensuram ut scilicet temperate utamur bonis mundi. Tit. II, 12 : sobrie et iuste et pie vivamus in hoc saeculo. I Tim. c. III, 2 : oportet episcopum esse irreprehensibilem, unius uxoris virum, sobrium.

Deinde cum dicit noli, specificat usum gratiae; et primo excludit contraria huic usui; secundo hortatur ad usum gratiae, ibi sed collabora.

A solita autem praedicatione poterat impediri propter duo. Primo per erubescentiam, secundo ex poena apostoli, quam patiebatur propter Evangelium.

Et ideo, quantum ad primum, dicit noli itaque, scilicet ex quo habes spiritum fortitudinis, erubescere, et cetera. Praedicatio enim Christi, si referatur ad sapientiam mundi, videbatur stulta, unde erubescentiam habere videbatur. I Cor. I, 23 : nos praedicamus Christum crucifixum, Iudaeis quidem scandalum, gentibus autem stultitiam. Rom. I, 16 : non enim erubesco Evangelium. Lc. IX, 26 : qui me erubuerit et meos sermones, hunc filius hominis erubescet.

Quantum ad secundum sciendum est, quod si latro videt aliquem suspensum, erubescit se confiteri socium eius. Sic quia apostolus erat vinctus, poterat eum Timotheus erubescere; et ideo dicit neque me vinctum eius. Eph. VI, v. 20 : pro quo legatione fungor in catena. Eccli. IV, 27 : ne reverearis proximum tuum in casu suo.

Deinde cum dicit sed collabora, hortatur ad usum gratiae; et primo in generali; secundo ostendit ex qua fiducia hunc usum aggrediatur, ibi secundum virtutem.

Hic manifestat quod dicit sed collabora, ibi non secundum, et cetera. Dicit ergo : ne erubescas, sed collabora, id est, simul mecum labora. I Cor. c. III, 8 : unusquisque propriam mercedem accipiet. Et dicit Evangelio, quod potest esse ablativi casus, et sic in Evangelio praedicando; dativi casus, et sic ad laudem Evangelii, ut scilicet crescat. Sap. III, 15 : bonorum laborum gloriosus est fructus, et cetera.

Et hoc cum fiducia, non propria, quia non sufficientes sumus cogitare aliquid a nobis quasi ex nobis, etc.; sed secundum Dei virtutem, id est, habendo fiduciam de virtute Dei. Is. XL, 29 : qui dat lasso virtutem, et his qui non sunt, fortitudinem et robur multiplicat.

Haec virtus manifestatur per duo, scilicet quantum ad affectum, quia liberamur a malis; et ideo dicit qui nos liberavit. I Esdr. VIII, v. 31 : liberavit nos de manu inimici et insidiatoris in via. Io. VIII, 36 : si filius vos liberavit.

Et quantum ad hoc quod vocat nos ad bona. Unde sequitur et vocat vocatione sua sancta, quia vocavit ad sanctificandum. Rom. VIII, 30 : quos praedestinavit, hos et vocavit. I Petr. II, 9 : qui de tenebris nos vocavit in admirabile lumen suum.

Et manifestat quaedam quae dicit, dicens non secundum opera nostra; ubi ostendit, quod per virtutem Dei liberati et vocati sumus, non per humanam. Et primo ostendit causam vocationis nostrae et liberationis esse a Deo; secundo processum causae, ibi quae data est etiam; tertio commendat datorem causae, scilicet gratiae, et eius conservatorem, ibi qui destruxit.

Dicit ergo : vocavit non per nostram virtutem, quia scilicet non per opera nostra, quae sunt effectus virtutis. Tit. III, v. 5 : non ex operibus iustitiae quae fecimus nos, sed secundum suam misericordiam salvos nos fecit. Est autem duplex causa humanae salutis, quae est a Deo. Una est aeterna, scilicet eius praedestinatio; alia est temporalis, scilicet gratia iustificans. Quantum ad primum dicit secundum propositum, id est, praedestinationem, quae est propositum miserendi. Eph. I, 11 : operatur omnia secundum propositum voluntatis suae. Rom. VIII, 28 : his qui secundum propositum vocati sunt sancti. Quantum ad secundum dicit et gratiam. Rom. III, 24 : iustificati gratis per gratiam ipsius.

Circa processum gratiae primo ostendit quomodo est praeparata gratia; secundo quomodo collata; tertio per quem. Primum ostendit, cum dicit quae data est nobis in Christo Iesu, id est, praevisa est nobis dari ante tempora saecularia. Sicut dicit philosophus, saeculum nihil aliud est quam mensura durationis aliquarum rerum; unde diversa saecula, diversae sunt aetates hominum. Unde unum saeculum durat mille annis, quia homo dicitur vivere quamdiu est in memoria hominum, quae non excedit mille annos. Tempora ergo saecularia sunt quae mensurant res mutabiles, et haec incoeperunt cum mundo sed praedestinatio est ante mundum. Eph. I, 4 : elegit nos in ipso ante constitutionem mundi.

Et dicit in Christo Iesu, quia non sumus electi sic, ut salvemur propriis meritis, sed per gratiam Christi; quia sicut praedestinavit salutem nostram, ita modum salutis nostrae. Io. I, 17 : gratia et veritas per Iesum Christum facta est.

Sed haec praedestinatio prius erat occulta, sed nunc est manifesta. Et quomodo ? Sicut conceptus cordis per opera; unde nunc in effectu operis, suis electis manifestavit per illuminationem. Proprie loquitur; manifestare enim est in lucem ducere. Iob XXVIII, 11 : abscondita produxit in lucem. Sic ergo manifestata est nunc, etc., per hoc quod misit Christum nos illuminantem. Is. LX, 1 : surge, illuminare, Ierusalem, quia venit lumen tuum. Lc. I, 79 : illuminare his, qui in tenebris et in umbra mortis sedent.

Deinde cum dicit qui destruxit, commendat Christum illuminatorem; et primo eius virtutem quantum ad mala quae abstulit; secundo quantum ad bona quae contulit.

Dicit ergo Christus, propter hoc, quod pro nobis passus est, destruxit mortem, id est, satisfecit Deo pro peccatis nostris. I Petr. III, v. 18 : Christus semel pro peccatis nostris mortuus est, et cetera. Et peccatum erat causa nostrae mortis corporalis. Rom. VI, 23 : stipendia enim peccati mors; et ideo destruendo peccatum, destruxit mortem. Os. XIII, 14 : ero mors tua, o mors, et cetera.

Contulit etiam perfecta bona, primo animae in praesenti, per gratiam fidei. Abac. II, v. 4 : iustus meus ex fide vivit. Et est imperfecta in hac vita, sed perficietur in gloria. Io. XVII, 3 : haec est vita aeterna, ut cognoscant te. Secundo immortalitatem carnis resultantem ex gloria animae. I Cor. XV, 53 : oportet corruptibile hoc induere incorruptionem, et cetera. Io. X, 10 : ego veni ut vitam habeant, scilicet iam per gratiam, et abundantius habeant, scilicet per gloriam in futuro; item ibidem XI, 26 : omnis qui vivit et credit in me, non morietur in aeternum.

 

L’Apôtre, dans ce qui précède, a loué son disciple des dons gratuits [qu’il a reçus] ; il l’exhorte ici à faire un bon usage de ces mêmes dons, principalement dans la prédication de l’Evangile. Et d’abord il lui recommande en termes généraux de veiller à l’usage des grâces qui lui sont données ; ensuite il explique d’une manière spéciale quel doit être l’usage de ces grâces (verset 8) : "Ne rougissez donc pas [de Notre Seigneur Jésus-Christ]."

Il donne donc d’abord l’avertissement, ensuite il le justifie : « il ne nous a pas donné ». Il dit donc : il y a en vous, en votre mère et en votre aïeule une foi véritable, « et c’est la raison pour laquelle je vous avertis ». La grâce de Dieu est comme un feu qui, quand il est enfoui sous la cendre, ne brille pas ; ainsi la grâce est voilée, chez l’homme, par sa tiédeur ou sa crainte humaine. C’est ainsi que Timothée, devenu pusillanime, était un peu indolent en ce qui regardait la prédication. Et donc il dit : « pour rallumer ce feu de la grâce » ; (1 Thess. V, 19) : « N’éteignez pas l’Esprit » et il ajoute : « que vous avez reçue par l’imposition des mains. », c'est-à-dire [des mains] par lesquelles il avait été ordonné évêque. C’est dans cette imposition des mains que lui a été donnée la grâce de l’Esprit Saint.

Ensuite, quand il dit : « car [Dieu] ne nous a pas [donné], etc… », il justifie son avertissement et il le fait à partir de la qualité des dons divins. En effet, celui qui reçoit un don se doit d’agir en conformité avec ce don ; donc nous devons servir Dieu en fonction de la qualité de ses dons.

Or l’esprit est double : celui du monde, et celui de Dieu ; la différence entre ces deux esprits, c’est que l’esprit donne sens à l’amour, parce que le nom d’esprit comporte une impulsion, et l’amour est une impulsion. Or l’amour est double : celui de Dieu – celui qui nous est donné par l’esprit de Dieu – et l’amour du monde – celui qui nous vient de l’esprit du monde ; (1 Cor II, 12) : « Nous avons reçu en effet non pas l’esprit du monde, etc… »

L’esprit du monde fait aimer les biens du monde et craindre les maux du temps. L’Apôtre dit donc (verset 7) : "Car Dieu ne nous a pas donné un esprit de timidité," c’est-à-dire de crainte du monde ; Dieu enlève cet esprit de nos coeurs (Mt X, 28) : "Ne craignez pas ceux qui tuent le corps, etc." Il y a aussi un autre esprit de crainte que celui de la crainte du Seigneur. Cet esprit est saint ; il fait en sorte que nous craignions Dieu. Cet esprit n’a rien de répréhensible ; car il vient de Dieu. (Mt X, 28) : "Craignez plutôt celui qui peut perdre dans l’enfer et le corps et l’âme." Aussi l’Apôtre ajoute-t-il (verset 7) : "Mais un esprit de courage." Car l’Esprit-Saint nous dirige dans l’épreuve et cela par la vertu, à savoir par la vertu de force contre les persécutions du monde (Luc, XXIV, 49) : "Cependant tenez-vous dans la ville (de Jérusalem) jusqu’à ce que vous soyez revêtus de la force d’en haut." Il nous dirige aussi dans le bien en réglant nos affections par l’amour de charité et en nous faisant rapporter à Dieu tout ce qui est l’objet de cet amour. C'est ce qui fait dire à Paul (verset 7) : "Et d’amour" (I Jean, III, 44) : "Celui qui n’aime pas demeure dans la mort." Il nous dirige même par rapport aux biens extérieurs, aussi l’Apôtre ajoute-t-il (verset 7) : "Et de sagesse," c’est-à-dire d’une tempérance parfaite, qui nous fait garder en tout la mesure et la règle convenables, en sorte que nous usons avec modération des biens du monde. (Tite, II, 12) : "Nous devons vivre dans ce siècle avec tempérance, avec justice et avec piété." (Timothée III, 2) : "Il faut que l’évêque soit irrépréhensible, qu’il n’ait été marié qu’une fois, qu’il soit sobre, etc."

II° Quand il dit ensuite (verset 8) : "Ne rougissez pas [de Notre Seigneur Jésus-Christ]," l’Apôtre spécifie quel doit être l’usage de la grâce. I. Il condamne ce qui est contraire à cet usage. II. Il exhorte à en bien user ; « souffrez, etc… ».

I. Or Timothée avait pu être empêché de se livrer à la prédication habituelle pour deux motifs : La timidité d’abord, ensuite les peines que Paul lui-même avait à supporter pour l’Evangile.

L’Apôtre dit donc, quant au premier motif (verset 8) : "Ne rougissez donc pas, etc.," c’est-à-dire, dès lors que vous avez reçu l’esprit de force, "Ne rougissez donc pas [de Jésus-Christ que vous devez confesser]." La prédication de l'Evangile de Jésus-Christ, si on la compare avec la sagesse du monde, paraît insensée ; Timothée semblait en avoir quelque honte. (I Corinth, I, 23) : "Pour nous, nous prêchons un Jésus-Christ crucifié, scandale pour les Juifs et folie pour les Gentils." (Rom., I, 16) : "Je ne rougis pas de l’Evangile;" (Luc, IX, 26) : "Si quelqu’un rougit de moi et de mes paroles, le Fils de l’Homme rougira aussi de lui."

Sur le second motif, il faut se rappeler que le brigand qui voit en face de lui un supplicié, éprouve de la confusion à avouer qu’il est son compagnon. Or l’Apôtre étant dans les chaînes, Timothée pouvait, à son égard, éprouver quelque confusion, c’est pourquoi Paul dit (verset 8) : « Ni de moi, qui suis captif » (Ephès., VI, 20) : "[Le mystère de l’Evangile], à l’égard duquel, dans les chaînes, je fais fonction d’ambassadeur;" (Ecclésiastique, IV, 26) : "Ne rougissez pas de votre prochain dans sa chute."

II. En ajoutant (verset 8) : "Mais souffrez avec moi pour l’Evangile," l’Apôtre exhorte Timothée à bien user de la grâce. Et d’a bord il le fait en termes généraux; ensuite il indique où Timothée puisera la confiance pour faire fructifier cette grâce (verset 8) : "Selon la force de Dieu, etc."

Il explique ainsi ce qu’il va dire (verset 9) : "Non selon nos oeuvres, etc.," II dit donc : "Ne rougissez pas, mais souffrez," c’est-à-dire travaillez avec moi (1 Co III, 8) : "Chacun recevra sa récompense particulière selon son travail." L’Apôtre dit (verset 8) : "Pour l’Evangile," ce qui peut s’entendre, soit (à l’ablatif) de la prédication de cet Evangile soit (au datif) de l’excellence de l’Evangile, c’est-à-dire afin qu’il fructifie (Sag., III, 15) : "Le fruit des justes travaux est plein de gloire."

[Souffrez aussi] avec confiance, non pas en vous-même, puisque nous ne sommes pas capables de former de nous-mêmes aucune bonne pensée comme de nous-mêmes, etc.," mais (verset 8) : "Selon la force de Dieu," c’est-à-dire en plaçant dans cette force de Dieu notre confiance (Isaïe XL, 29) : "C’est lui qui soutient ceux qui sont las, et qui remplit de force et de vigueur ceux qui sont défaillants." Cette force se manifeste par deux effets, d’abord quant à nos affections, elle nous délivre des maux. L’Apôtre dit donc (verset 9) : "Qui nous a rachetés" (I Esdras, VIII, 31) : "Notre Dieu nous a délivrés des mains de nos ennemis et de ceux qui nous dressaient des embûches pendant le voyage;" (Jean, VIII, 36) : "Si donc le Fils de Dieu vous libère, [vous serez donc véritablement libres]." Ensuite en ce qu’il nous appelle aux biens. De là ce qu’ajoute Paul (verset 9) : "Et il nous a appelés par sa vocation sainte," parce qu’il nous a appelés pour nous sanctifier (Rom., VIII, 30) : "Et ceux qu’il a prédestinés, il les a aussi appelés;" (I Pierre, II, 9) : "Il nous a appelés des ténèbres à son admirable lumière."

III° L’Apôtre explique quelques paroles qui précèdent, lorsqu’il dit (verset 9) : "Non selon nos oeuvres," montrant ainsi que ce n’est pas par une force humaine, mais par la force de Dieu que nous avons été délivrés et appelés. Il établit donc I. que la cause et de notre délivrance et de notre vocation est en Dieu; II. Comment cette cause procède (verset 9) : "Qui nous a été donnée, etc.;" III. Il exalte l’auteur de cette cause même, c’est-à-dire l’auteur de la grâce, et son conservateur (verset 10) : "Qui a détruit la mort."

I. il dit donc : il nous a appelés, non à raison de notre propre vertu, puisque cela "n’a pas été selon nos oeuvres," qui sont les effets de cette vertu (Tite III, 5) : "Il nous a sauvés, non à cause des oeuvres de justice que nous aurions faites, mais selon sa miséricorde." Or, dans ce salut de l’homme, qui est l’oeuvre de Dieu, il faut reconnaître une double cause : l’une éternelle, c’est la prédestination divine ; l’autre temporelle, c’est la grâce sanctifiante. De la première, l’Apôtre dit (verset 9) : "Mais selon le décret de sa volonté," c’est-à-dire la prédestination, qui est le bon plaisir de faire miséricorde (Eph., I, 11) : "[Par le décret de celui qui] fait toutes choses selon le conseil de sa volonté;" (Rom., VIII, 28) : " [au bien de] ceux qu’il a appelés selon son décret, pour être saints." De la seconde, il dit (verset 9) : "Et sa grâce" (Rom., III, 24) : "Etant justifiés gratuitement par sa grâce."

II. A l’égard de la manière dont procède la grâce, Paul explique d’abord comment est préparée la grâce ; ensuite comment elle est donnée; enfin, par qui nous la recevons ;

sur le premier point, il explique en disant (verset 9) : "Qui nous a été donnée en Jésus-Christ," c’est-à-dire qui a été prévue comme devant nous être donnée, "avant tous les siècles." Un siècle, comme l’affirme le philosophe, c’est la durée des êtres. Les divers siècles sont donc les âges divers des hommes. D’où un siècle dure mille ans, parce qu’un homme est réputé vivre tant qu’il subsiste dans la mémoire de ses semblables, ce qui n’excède pas mille ans. Les temps séculaires sont donc ceux qui mesurent les choses sujettes au changement. Elles ont commencé avec le monde, mais la prédestination est avant le monde (Eph., I, 4) : "Il nous a élus en Jésus-Christ avant la création du monde."

L’Apôtre dit (verset 9) : "En Jésus-Christ," parce que la condition de notre élection n’est pas d’être sauvés par nos mérites propres, mais par la grâce de Jésus-Christ. Car de même que Dieu a prédestiné notre salut, il a aussi prédestiné le mode par lequel il s’accomplirait (Jean, I, 17) : "La grâce et la vérité a été faite par Jésus-Christ."

Or, cette prédestination était cachée autrefois, maintenant elle est manifestée ; comment ? De même que l’on connaît par les oeuvres ce que le coeur a conçu, ainsi maintenant dans les effets de l’oeuvre divine, Dieu a manifesté à ses élus cette prédestination, « en les éclairant ». L’expression de Paul est juste, car manifester c’est produire à la lumière (Job, XXVIII, 11) : "Il a amené à la lumière ce qui était secret." Ainsi donc (verset 10) : "[Et cette grâce] a paru maintenant, etc" en ce qu’il nous a envoyé Jésus-Christ qui nous éclaire (Isaïe, LX, 1) : "Levez-vous, Jérusalem, soyez toute brillante de clarté, parce que votre lumière est venue, etc." (Luc, I, 79) : "Pour éclairer ceux qui demeurent dans les ténèbres et dans l’ombre de la mort."

III. Quand Paul dit ensuite (verset 10) : "Qui a détruit [la mort] " il exalte le Christ qui nous a éclairés, d’abord, quant à sa puissance face aux maux dont il nous a délivrés; et en second lieu, quant aux biens qu’il nous a procurés.

Il dit donc : "Jésus-Christ," en ce qu’il a souffert pour nous (verset 10) : "a détruit la mort," c’est-à-dire a satisfait à Dieu pour nos péchés (I Pierre, III, 18) : "Jésus-Christ est mort une seule fois pour nos péchés." Le péché était pour nous la cause de la mort corporelle (Rom., VI, 23) : "Car la mort est la solde du péché;" voilà pourquoi, en détruisant le péché, il a détruit la mort (Osée, XIII, 14) : "O mort, je serai ta mort! Ô enfer, je serai ta ruine !"

Jésus-Christ nous a aussi acquis des biens parfaits, à notre âme d’abord, dans la vie présente, par la grâce de la foi (Habacuc, II, 4) : "Mon juste vit de la foi." Ici-bas, cette foi est encore imparfaite, elle se perfectionnera dans la gloire (Jean, XVII, 3) : "La vie éternelle consiste à vous connaître, vous…etc. En second lieu, à notre chair l’immortalité, résultant de la gloire de l’âme (1 Co XV, 53) : "Il faut que ce corps corruptible soit revêtu de l’incorruptibilité;" et (Jean, X, 10) : "Je suis venu afin qu’ils aient la vie," c’est-à-dire dès maintenant par la grâce, "et qu’ils l’aient avec plus d’abondance," à savoir par la gloire, dans la vie à venir (Jean, XI, 26) : "Quiconque vit et croit en moi, ne mourra jamais."

 

 

Lectio 4

Leçon 4 — 2 Timothée I, 11-18 et dernier : La charge d'apôtre

 

SOMMAIRE : Paul décrit sa charge d’apôtre, et ce qu’il souffre pour s’en acquitter. Il dit que plein d’une ferme confiance en Jésus-Christ, il n’en rougit pas. Il engage Timothée à suivre l’exemple qu’il lui donne, et déclare quels sont ceux qui avancent, et quels sont ceux qui se relâchent.

[11] in quo positus sum ego praedicator et apostolus et magister gentium

[12] ob quam causam etiam haec patior sed non confundor scio enim cui credidi et certus sum quia potens est depositum meum servare in illum diem

[13] formam habe sanorum verborum quae a me audisti in fide et dilectione in Christo Iesu

[14] bonum depositum custodi per Spiritum Sanctum qui habitat in nobis

[15] scis hoc quod aversi sunt a me omnes qui in Asia sunt ex quibus est Phygelus et Hermogenes

[16] det misericordiam Dominus Onesifori domui quia saepe me refrigeravit et catenam meam non erubuit

[17] sed cum Romam venisset sollicite me quaesivit et invenit

[18] det illi Dominus invenire misericordiam a Domino in illa die et quanta Ephesi ministravit melius tu nosti

 

11. C’est pour cela que j’ai été établi prédicateur, apôtre et maître des nations.

12. Et c’est aussi ce qui m’a attiré les maux que je souffre; mais je n’en rougis pas : car je sais qui est celui à qui je me suis confié, et je suis persuadé qu’il est assez puissant pour me garder mon dépôt jusqu’à ce grand jour.

13. Proposez-vous pour modèle les saines instructions que vous avez entendues de moi, touchant la foi et la charité qui est en Jésus-Christ.

14. Gardez, par le Saint-Esprit qui habite en nous, l’excellent dépôt qui vous a été confié.

15. Vous savez que tous ceux qui sont en Asie se sont éloignés de moi : Phigelle et Hermogène sont de ce nombre.

16. Que le Seigneur répande sa miséricorde sur la famille d’Onisiphore parce qu’il m’a souvent soulagé, et qu’il n’a pas rougi de ses chaînes

17. Mais qu’étant venu à Rome, il m’a cherché avec grand soin, et il m’a trouvé.

18. Que le Seigneur lui fasse la grâce de trouver miséricorde devant lui en ce jour ; car vous savez mieux que personne combien d’assistance il m’a rendu à Ephése.

[87903] Super II Tim., cap. 1 l. 4 Supra monuit ad sollicitam Christi praedicationem, hic inducit ad hoc per exemplum, et primo ponit hoc; secundo inducit ad sui sequelam, ibi formam habens; tertio ostendit sequendi necessitatem, ibi scis hoc.

Item, primo ponit suum officium; secundo ostendit quae patitur pro sui officii executione, ibi ob quam causam; tertio spei certitudinem, ibi scio enim.

Describit autem officium suum tripliciter; quia dicit se praedicatorem, ad excitandum ad bonos mores. Infra IV, 2 : praedica verbum, insta opportune. Mc. ult. : praedicate Evangelium omni creaturae.

Apostolum, ad regendum Ecclesiam, quia apostoli sunt praelati Ecclesiae. Gal. II, 8 : qui operatus est Petro in apostolatum circumcisionis, operatus est et mihi inter gentes.

Et magistrum, institutum ad docendum fidei sanctitatem, et cognitionem Dei. I Tim. II, 7 : doctor gentium in fide et veritate. Ioel. II, c. 23 : filii Sion, exultate et laetamini in domino Deo nostro, qui dedit vobis doctorem iustitiae.

Sed dicit in quo positus sum ego. Ubi nota tria. Primo quod ipse non assumpsit sibi, sed ab illo positus est. Hebr. V, 4 : nemo assumit sibi honorem, sed qui vocatur a Deo tamquam Aaron. Secundo in positione designatur ordo. Tertio firmitas, quia secundum ordinem rationis institutus, firmiter mansit. Io. XV, 16 : posui vos ut eatis et fructum afferatis, et fructus vester maneat. Iudicum V, v. 20 : stellae manentes in ordine et cursu suo.

Deinde cum dicit ob quam causam, ostendit quae patitur pro sui officii executione, dicens haec, adversa, patior, scilicet vincula et taedia, et hoc pro fide Christi. Infra II, 9 : laboro usque ad vincula. Et dicit, ob hanc causam, quia pati simpliciter non est laudabile, sed propter iustam causam. Matth. V, 10 : beati qui persecutionem patiuntur propter iustitiam.

Et ideo sed non confundor, quia non est ad confusionem ei qui patitur propter iustitiam. I Petr. IV, 15 : nemo vestrum patiatur quasi homicida, aut fur, aut maledicus, aut alienorum appetitor; si autem ut Christianus, non erubescat, et cetera. Act. V, 41 : ibant apostoli gaudentes, et cetera.

Deinde cum dicit scio, ponitur certitudo spei, quae facit eum non confundi, etiam hoc provenit ex magnitudine Dei promittentis. Et ideo dicit cui credidi.

Et nota quod uno modo credere est actus fidei; et est sensus scio, etc., id est, scio quod ille qui promisit, est verax, et potens ad reddendam vitam aeternam, quam repromisit homini fideli existenti.

Sed contra ex hoc sequitur, quod eadem est scientia et fides, et idem est scitum et creditum, quod est impossibile, quia de ratione sciti est quod videatur, de ratione crediti quod non.

Respondeo. In fide duo sunt, scilicet id quod creditur, et ille cui creditur. De eo quod creditur, non potest esse scientia, quia sic perderet crediti rationem; sed de eo cui creditur, est scientia, quia per evidentissimam rationem est scitum, quod Deus est verax. Et sic dicit : cui credidi. I Io. IV, 1 : nolite omni spiritui credere, sed probate spiritus si ex Deo sunt. Prov. XIV, 15 : innocens credit omni verbo, et cetera.

Alio modo dicitur credere fidei eius, cui committit rem suam, et hic sensus est verior; quasi dicat : quia meipsum, labores et passiones credidi, id est, commisi, Deo, scio quod potens est depositum meum servare, et cetera.

Et nota, quod depositum dicitur dupliciter. Uno modo, quod ego deposui. Et sic homo deponit apud Deum salutem suam, quando se Deo totum committit. I Petr. V, v. 7 : omnem sollicitudinem vestram in eum proiicientes, quoniam ipsi cura est de vobis. Ps. LIV, 23 : iacta super dominum curam tuam, et ipse te enutriet.

Item deponit opera sua, quando scilicet non statim recipit remunerationem suam, sed in posterum. Et sic, qui benefacit, deponit illud apud Deum. Et hoc usque in illum diem, quando iudicabit occulta hominum, quibus tunc reddet Deus mercedem laborum suorum. Sap. X, 17 et Is. III, v. 10 : dicite iusto, quoniam bene, quoniam fructum adinventionum suarum comedet. Vel depositum, id est, quod penes me positum est officium, scilicet officium Evangelii. Act. IX, 15 : vas electionis est mihi iste, ut portet nomen meum, et cetera.

Etiam Deus est potens conservare suum apostolum usque ad mortem suam.

Deinde cum dicit formam habens, inducit ad sequelam sui, et est duplex littera. Una dicit habe, altera habens.

Si dicit habens, sic primo ponit idoneitatem, quam proponit Timotheo ad imitandum exemplum apostoli; secundo hortatur ad imitandum, ibi bonum depositum. Apostolus autem bonam idoneitatem habuit secundum duo, scilicet secundum eruditionem quantum ad cognitionem; et ideo dicit sanorum verborum. Item secundum virtutem; unde dicit in fide et dilectione.

Dicit ergo : non potes te excusare, si patienter te non habeas usque ad vincula sicut ego, quia tu es habens formam sanorum verborum, scilicet quae non continent falsitatis corruptionem. Tit. II, 1 : loquere quae decent sanam doctrinam. Et dicitur doctrina sana, non corrupta effective, quia nos sanos facit. Et addit quae a me audisti, quasi dicat : non es deceptus, quia hoc tibi tradidi quod a Christo audivi.

I Cor. XI, 23 : ego enim accepi a domino, quod et tradidi vobis. Lc. X, v. 16 : qui vos audit, me audit. Et hoc in fide et dilectione, quia si aliquis omnia verba sana sciret et non crederet, non esset idoneus, nec etiam diligeret, quia de facili recederet a doctrina, vel per adversa, vel per prospera.

Hebr. XI, 6 : sine fide impossibile est placere Deo. I Io. III, 14 : qui non diligit, manet in morte. Et hoc in Christo Iesu, quia vera fides est eorum, quae Christus docuit, et vera dilectio est in Christo, quia dedit spiritum sanctum, per quem Deum diligimus.

Haec igitur habens, custodi bonum depositum, quod scilicet dedi tibi, id est, officium praedicationis, ut numquam a veritate recedas, nec propter timorem officium praedicationis ullo tempore dimittas. Prov. IV, 23 : omni custodia serva cor tuum, et cetera. I Tim. VI, v. 20 : o Timothee, depositum custodi. Et hoc custodi bono adiutorio, scilicet per spiritum sanctum, qui habitat in nobis. I Cor. c. III, 16 : nescitis quia templum Dei estis, et spiritus Dei habitat in vobis ?

Secundum aliam litteram monet ad duo. Primo ad sanam doctrinam; secundo ad perseverantiam in ea.

Deinde cum dicit scis hoc, ostendit necessitatem monitionis ex defectu et profectu aliorum. Quando enim aliquis videt aliquos sociorum suorum proficere et aliquos deficere, nititur sequi bonos. Et ideo primo commemorat deficientes; secundo proficientes, ibi det misericordiam.

Ostendit ergo quid caveat, alias est periculum. I Cor. X, 12 : qui se existimat stare, videat ne cadat. Et ideo dicit : aversi, et cetera. Glossa : isti fallacia erant pleni, simulate enim fuerant cum apostolo, ut scilicet addiscerent, unde facerent calumniam apostolo.

Isti ergo, qui sunt aversi a me, sunt modo in Asia, inter quos praecipue sunt isti duo, qui conversi sunt per Iacobum.

Deinde cum dicit det misericordiam, ostendit aliorum profectum, et praecipue cuiusdam Onesiphori, commemorans primo bona, quae sibi contulit Romae, secundo quae in Asia. Item primo optat ei Dei misericordiam; secundo ostendit meritum misericordiae; tertio tempus misericordiae.

Primum cum dicit det misericordiam. Recte optat ei misericordiam, quia praesens vita miseria est. Iob XIV, 1 : homo natus de muliere, brevi vivens tempore, repletur multis miseriis.

Dicit det Onesiphori domui, non solum personae, sed familiae, quia propter bonitatem unius derivatur gratia ad totam familiam. Matth. X, 13 : siquidem fuerit domus illa digna, veniet pax vestra super eam.

Meritum autem misericordiae est misericordia, quam habebant in apostolum. Unde dicit quia saepe me refrigeravit, scilicet quietem praestando. Matth. V, 7 : beati misericordes, quoniam ipsi misericordiam consequentur. Eccli. XVIII, 16 : nonne ardorem refrigerabit ros ? Philem. v. 7 : viscera sanctorum requieverunt per te, frater. Et catenam meam. Infra II, 9 : laboro usque ad vincula quasi male operans. Non erubuit, sed cum Romam venisset sollicite ut amicus quaesivit. Eccli. VI, 7 : si possides amicum, in tentatione posside illum. Prov. XVII, 17 : omni tempore diligit, qui amicus est.

Optat autem misericordiam futuri saeculi, cum dicit in illa die, in qua scilicet dominus iudicabit omnes, quando misericordia est necessaria, non solum autem Romae, sed et Ephesi. Et ideo dignus est divina misericordia.

L’Apôtre, dans ce qui précède, a recommandé à Timothée de se livrer avec sollicitude à la prédication [de l’Evangile] de Jésus-Christ, il l’y engage ici par son exemple. Il propose cet exemple ; II° il l’exhorte à le suivre (verset 13) : "Proposez-vous pour modèle [les saines instructions], etc.;" III° il établit la nécessité de le suivre, (verset 45) : "Vous savez, etc."

Sur le premier de ces points, I. il expose quels sont les devoirs de sa charge ; II. il montre ce qu’il a à souffrir, pour s’en acquitter (verset 12) : "Et c’est aussi…" III. Il montre la certitude de son espérance, (verset 12) : "Et je suis persuadé, etc."

I. Il décrit donc sa charge, sous trois rapports, en disant qu’il est "établi prédicateur" afin d’exciter aux bonnes moeurs (ci-après, IV, 2) : "Annoncez la parole de Dieu; pressez les hommes à temps et à contretemps;" (Marc, XVI, 15) : "Prêchez l’Evangile à toute créature." Il est "apôtre" pour gouverner l’Eglise, car les Apôtres en sont les chefs spirituels (Galat., II, 8) : "Car celui qui a agi efficacement en Pierre, pour le rendre apôtre des circoncis, a agi efficacement en moi pour me rendre apôtre des Gentils." Il est "docteur", établi pour enseigner la sainteté de la foi, et la connaissance de Dieu (I Timothée, II, 7) : "Docteur des Gentils, dans la foi et dans la vérité;" (Joël II, 23) : "Et vous, enfants de Sion, soyez dans des transports d’allégresse; réjouissez-vous dans le Seigneur notre Dieu, parce qu’il vous a donné un maître qui vous enseignera la justice." L’Apôtre dit (verset 11) : "C’est pour cela que j’ai été établi prédicateur." Notez ici trois choses : d’abord qu’il ne s’est pas arrogé lui-même ce ministère, mais qu’il a été établi de Dieu. (Hébr., V, 4) : "Et nul ne s’attribue à soi-même cet honneur, mais il faut y être appelé de Dieu comme Aaron;" ensuite dans son investiture on reconnaît l’ordre ; enfin la solidité, car établi selon l’ordre rationnel, il est demeuré ferme (Jean, XV, 16) : "Je vous ai établi, afin que vous alliez [rêcher ma doctrine], que vous rapportiez du fruit, et que votre fruit demeure;" (Juges, V, 20) : "Les étoiles demeurant dans leur rang et dans leur cours ordinaire,…"

II. Quand Paul dit ensuite (verset 12) : "Et c’est aussi [ce qui m’a attiré les maux], etc.," il rappelle ce qu’il souffre pour accomplir son ministère, en disant : Ces adversités, c’est-à-dire ces chaînes et ces ennuis, je les supporte pour la foi de Jésus-Christ (ci-après, II, 9) : " je souffre beaucoup de maux, jusqu’à être dans les chaînes…" Il dit : "C’est pour cette cause," parce que souffrir simplement n’est pas un titre de louange, il faut souffrir pour une juste cause (Mt V, 10) : "Bienheureux ceux qui souffrent persécution pour la justice." Et c’est aussi pour cela que (verset 12) : "je n’en rougis pas," car il n’y a plus de confusion pour celui qui souffre pour la justice (I Pierre, IV, 15) : "Que nul de vous ne souffre comme homicide, ou comme voleur, ou comme malfaiteur, ou comme envieux du bien d’autrui. S’il souffre comme chrétien, qu’il n’en ait pas de honte, etc." (A c V, 41) : "Les Apôtres sortirent [du conseil] tout remplis de joie,…"

III. Quand il dit (verset 12) : "Car je sais…" Paul exprime la certitude de sa foi, ce qui fait qu’il n’est pas confondu. Or, cette certitude repose aussi sur la grandeur de Dieu, qui lui a fait cette promesse. Il dit donc (verset 12) : "[Car je sais] à qui je me suis confié." Remarquez qu’en un sens se confier est un acte de foi. Le voici : "Je sais, etc.," c’est-à-dire je sais que celui qui a promis "est véritable et puissant" pour accorder la vie éternelle, qu’il a promise à celui qui persévérerait fidèlement.

On objecte qu’il suit de là que la science et la foi sont une seule et même chose; également que ce qui est su et ce qui est cru ne sont qu'un, ce qui est impossible, puisqu’il est de l’essence de ce qui est su d’être vu, et de l’essence de ce qui est cru de n’être pas vu.

Nous répondons qu’il y a dans la foi deux choses, à savoir ce que l’on croit et celui à qui l’on croit. De ce que l’on croit on ne saurait avoir la science, parce qu’alors le caractère essentiel de l’objet de la foi disparaîtrait. Mais à l’égard de celui auquel on croit, on peut avoir cette science, parce qu’on sait par la plus évidente des raisons, que Dieu est véritable. C’est dans ce sens que l’Apôtre dit (verset 12) : "[Je sais] à qui je me suis confié" (1 Jean, IV, 1) : "Ne croyez pas à tout esprit, mes bien aimés, mais éprouvez si les esprits sont de Dieu;" (Prov., XIV, 15) : "L’imprudent croit tout ce qu’on lui dit."

On peut encore, dans un autre sens, entendre : croire à la foi de celui à qui on a confié son être, et ce sens paraît ici plus probable. Comme si Paul disait : "si j’ai confié" et ma personne, et mes travaux, et mes souffrances, c’est-à-dire, si je les ai remis entre les mains de Dieu, (verset 12) : "je sais qu’il est assez puissant pour me garder mon dépôt." Remarquez que le mot dépôt peut s’interpréter de deux manières. D’abord dans ce sens : ce que j’ai déposé. C’est ainsi que l’homme remet entre les mains de Dieu le dépôt de son salut, quand il se confie à Dieu sans réserve (I Pierre, V, 7) : "Jetant dans son sein toutes vos sollicitudes, parce qu’il a soin de vous;" (Psaume LIV, 23) : "Abandonnez au Seigneur le soin de ce qui vous regarde, et lui-même vous nourrira." L’homme fait encore le dépôt de ses oeuvres, quand il ne reçoit pas aussitôt sa rémunération, qui est remise à plus tard. Dans ce sens, celui qui fait le bien le dépose entre les mains de Dieu, et cela « jusqu’au jour où » Dieu jugera ce qui est caché dans le coeur des hommes", jour où Dieu rendra le salaire de leurs labeurs. (Sag., X, 17) et (Isaïe, III 10) : "Dites au juste qu’il espère, parce qu’il recueillera le fruit de ses oeuvres." Ou bien encore le dépôt, c’est la charge qui m’est confiée, à savoir, le ministère de prêcher l’Evangile (Actes IX, 15) : "Cet homme est un instrument que j’ai choisi pour porter mon nom, etc." Dieu est également puissant, pour conserver son apôtre jusqu’à sa mort.

II° Quand Paul ajoute (verset 13) : "Proposez-vous pour modèle [les saines instructions que vous avez entendues de moi], etc.," il engage Timothée à l’imiter. Il y a ici deux manières de lire le texte. L’une dit : "ayez;" l’autre ; "ayant." Si on lit : "ayant," Paul exprime la convenance de ce qu’il propose à Timothée, en l’invitant à suivre son exemple. En second lieu, il l’engage à l’imiter (verset 14) : "[Gardez par le Saint-Esprit] l’excellent dépôt, etc."

I. Or, l’Apôtre était un excellent modèle à imiter sous deux rapports, à savoir, quant à l’enseignement, pour ce qui regarde la connaissance. Il dit donc (verset 13) : "Les saines instructions, etc.;" ensuite quant à la vertu, c’est pourquoi il ajoute (verset 13) : "Touchant la foi et la charité." Il dit donc vous n’avez pas d’excuse, si vous ne supportez pas, même jusqu’aux chaînes, comme je l’ai fait, "ayant," ainsi que vous l’avez, le modèle de saines instructions, c'est-à-dire qui ne sont corrompues par aucune erreur ; (Tite II, 1) : "Pour vous, instruisez d’une manière qui soit digne de la saine doctrine." C’est avec raison que cette doctrine est appelée "saine," car elle est véritablement sans corruption, puisqu’elle nous guérit. L’Apôtre ajoute (verset 13) : "Que vous avez entendues de moi," comme s’il disait : vous n’êtes pas trompé, car je vous ai transmis ce que j’ai appris de Jésus-Christ (1 Co XI, 23) : "Car c’est du Seigneur que j’ai appris ce que je vous ai enseigné, etc.;" (Luc, X, 16) : "Celui qui vous écoute m’écoute." Et cela (verset 13) : "Touchant la foi et la charité." En effet, celui qui connaîtrait toutes les saines instructions et ne croirait pas, n’acquerrait aucune aptitude au bien et ne serait pas animé par l’amour, car il s’écarterait facilement de la doctrine, soit dans l’adversité, soit dans la prospérité (Hébr., X, 6) : "Sans la foi, il est impossible de plaire à Dieu ; (I Jean, III, 14) : "Celui qui n’aime pas demeure dans la mort." Et (verset 13) : "[Touchant la charité] qui est en Jésus-Christ," parce que la foi aux enseignements de Jésus-Christ est la foi véritable, et parce que le véritable amour est en Jésus-Christ qui nous a donné le Saint-Esprit par lequel nous aimons Dieu.

II. Ayant donc ce modèle (verset 14) : "[Gardez par le Saint-Esprit qui habite en nous] l’excellent dépôt [qui vous a été confié]," c’est-à-dire ce dépôt que je vous ai remis, à savoir, le ministère de la prédication, en sorte que jamais vous ne vous écartiez de la vérité et ne renonciez en aucun temps, par crainte, au devoir d’annoncer la vérité (Prov., IV, 23) : "Appliquez-vous, avec tout le soin possible, à la garde de votre coeur;" (I Timothée VI, 20) : "O Timothée, gardez le dépôt." Et gardez-le avec un secours puissant, à savoir, celui du Saint-Esprit, "qui habite en nous" (I Cor., III, 16) : "Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ?" En lisant le texte de la seconde manière, l’Apôtre fait à Timothée deux recommandations : la première de garder la saine doctrine; la seconde d’y persévérer.

III° Quand il dit ensuite (verset 15) : "Vous savez [que tous ceux qui sont en Asie], etc.," Paul démontre la nécessité de la recommandation qu’il a faite, en rappelant la chute et le progrès des autres. Quand, en effet, l’on voit quelques-uns de ses amis avancer et d’autres tomber, on s’efforce de suivre les bons. L’Apôtre rappelle donc d’abord la chute de quelques-uns, en second lieu, le succès de quelques autres (verset 16) : "Que le Seigneur répande sa miséricorde [sur la famille d’Onésiphore], etc."

Il lui indique donc ce dont il doit se garder, sans quoi il s’expose au danger (1 Co X, 12) : "Que celui donc qui croit être ferme prenne bien garde de ne pas tomber." C’est ce qui lui fait dire (verset 15) : "[Vous savez que tous ceux qui sont en Asie] se sont éloignés de moi." La Glose remarque qu’ils étaient pleins de fourberie, car ils s’étaient hypocritement joints à l’Apôtre, afin de trouver quelque prétexte pour les calomnier. Ceux-là donc, "qui se sont séparés de moi," sont maintenant en Asie, et parmi eux sont particulièrement ces deux traîtres qui ont été convertis par l’apôtre Jacques.

II. En ajoutant (verset 16) : "Que le Seigneur répande sa miséricorde [sur la maison d’Onésiphore]," l’Apôtre rappelle le succès de quelques-uns, et principalement d’un certain Onésiphore. Il cite les bons offices qu’il a lui-même reçus d’Onésiphore, d’abord à Rome, et ensuite en Asie. Il lui souhaite donc premièrement la miséricorde de Dieu; en second lieu, il explique le mérite de la miséricorde, enfin le temps de la miséricorde.

Il exprime ses souhaits, quand il dit (verset 16) : "Que le Seigneur répande sa miséricorde." C’est avec raison qu’il lui souhaite la miséricorde, car la vie présente n’est que misère (Job, XIV, 1) : "L’homme né de la femme vit très peu de temps, et il est rempli de beaucoup de misères." L’Apôtre dit (verset 16) : "Sur la maison d’Onésiphore," non seulement sur sa personne, mais sur sa famille, car la bonté d’un seul fait descendre la grâce sur toute la famille (Mt X, 13) : "Si cette maison en est digne, votre paix viendra sur elle, etc…"

Le mérite de la miséricorde, c’est la miséricorde qu’ils exerçaient à l’égard de l’Apôtre, ce qui lui fait dire (verset 46) : "Parce qu’il m’a souvent soulagé," c’est-à-dire, en me procurant du repos (Mt 7) : "Bienheureux ceux qui sont miséricordieux, parce qu’ils obtiendront eux-mêmes miséricorde;" (Ecclésiastique, XVIII, 16) : "La rosée ne rafraîchit-elle pas l’ardeur ?" (Philémon, 7) : "Les coeurs des saints, mon frère, ont reçu du soulagement de votre bonté." (verset 16) : "[Et qu’il n’a pas rougi] de mes chaînes." (Ci-après, II, 9) : "[C’est pour lui (J.-C.)] que je souffre [beaucoup de maux], jusqu’à être dans les chaînes comme un scélérat," "Il n’a pas rougi [de mes chaînes], au contraire, étant venu à Rome, il m’a cherché avec une vive sollicitude, comme un ami" (Ecclésiastique, VI, 7) : "Si vous voulez acquérir un ami, prenez-le après l’avoir éprouvé," (Proverbes XVII, 47) : "Celui qui est ami, aime en tout temps."

La miséricorde [qu’il souhaite à Onésime], c’est celle de la vie future (verset 18) : "… en ce jour," à savoir dans lequel le Seigneur jugera tous les hommes, alors que la miséricorde sera si nécessaire, "non seulement à Rome, mais à Ephèse;" (verset 18). Il est donc digne de la divine miséricorde.

 

 

Caput 2

CHAPITRE 2 — Se préparer au martyre

Lectio 1

Leçon 1 — 2 Timothée II, 1-7 : Le combat de la foi

 

SOMMAIRE : Paul, par l’exemple du soldat, exhorte Timothée à supporter avec courage le martyre, auquel il doit se préparer par la force d’âme, le sacrifice des biens temporels et l’espérance du prix réservé au travail et à la lutte.

[1] tu ergo fili mi confortare in gratia quae est in Christo Iesu

[2] et quae audisti a me per multos testes haec commenda fidelibus hominibus qui idonei erunt et alios docere

[3] labora sicut bonus miles Christi Iesu

[4] nemo militans inplicat se negotiis saecularibus ut ei placeat cui se probavit

[5] nam et qui certat in agone non coronatur nisi legitime certaverit

[6] laborantem agricolam oportet primum de fructibus accipere

[7] intellege quae dico dabit enim tibi Dominus in omnibus intellectum

 

1. Fortifiez-vous donc, ô mon fils, par la grâce qui est dans le Christ Jésus :

2. Et gardant ce que vous avez appris de moi devant plusieurs témoins donnez-le en dépôt à des hommes utiles, qui soient eux-mêmes capables d'en instruire d’autres.

3. Travaillez comme un bon soldat du Christ Jésus.

4. Celui qui est enrôlé au service de Dieu, ne s’embarrasse pas dans les affaires séculières, pour ne s’occuper qu’à plaire à celui à qui il s’est donné.

5. Car même celui qui combat dans les jeux publics, n’est couronné qu'après avoir combattu selon la loi de ces combats.

6. Le laboureur qui a travaillé, doit le premier avoir part à la récolte des fruits.

7. Comprenez bien ce que je vous dis; car le Seigneur vous donnera l’intelligence en toutes choses.

[87904] Super II Tim., cap. 2 l. 1 Supra induxit Timotheum ad diligentem Evangelii praedicationem, inducit eum hic ad constantem tolerantiam martyrii. Et primo inducit eum ad sustinendam passionem pro salute fidelium; secundo docet eum qualiter resistat infidelibus, ibi noli verbis.

Item primo inducitur praeparatio ad martyrium sustinendum; secundo exhortatio martyrii, ibi memor esto. Praeparatio martyrii praemittitur quantum ad tria. Primum est animi fortitudo; secundum est bonorum dispensatio, ibi et quae audisti; tertium est fructuosus militiae labor, ibi labora.

Requiritur autem ad martyrium fortitudo, quae est circa pericula mortis. Et ideo dicit tu ergo, fili mi, scilicet quem per Evangelium genui, confortare in gratia. Ps. XXX, v. 25 : viriliter agite, et confortetur cor vestrum. Quae est non in te, scilicet cuius fortitudo est vana, sed in Christo Iesu. Eph. c. VI, 10 : confortamini in domino, et in potentia virtutis eius. Vel in gratia, etc., id est gratuito Dei dono per Christum. Io. I, 17 : gratia et veritas per Iesum Christum facta est.

Secundum est dispensatio bonorum. Circa quod notandum est, quod quando aliquis adducitur ad mortem, disponit de suis. Non ergo minus debent esse solliciti sancti de bonis spiritualibus sibi creditis, quod non dispereant post eorum mortem, sed aliis credant; et ideo monet eum, ut si ad martyrium venerit, quod dispenset doctrinam fidei. Et primo ponit quomodo accepit, quia per auditum; unde dicit quae audisti a me, et ego a Christo. Et dico a me non singulariter, sed confirmata per multos testes, id est, per legem et prophetas. Rom. III, 21 : testificata a lege et prophetis. Vel per apostolos. I Cor. XV, 11 : sive enim ego, sive illi, sic praedicavimus, et sic credidistis. Haec commenda, inquantum sunt accepta.

Sap. VII, 13 : quam sine fictione didici, et sine invidia communico. Fidelibus hominibus, ut scilicet non quaerant lucrum temporale, sed gloriam Dei. I Cor. IV, 2 : hic iam quaeritur inter dispensatores, ut fidelis quis inveniatur. Matthaeus XXIV, 45 : fidelis servus et prudens, quem constituit dominus super familiam, et cetera. Item qui sunt idonei ad dispensandum; ideo dicit qui idonei, et cetera. Debent autem esse idonei tripliciter. Primo intellectu, ut sint sapientes ad intelligendum. Lc. XXI, 15 : ego dabo vobis os et sapientiam, et cetera. Item lingua, ut sint facundi ad docendum. Is. l, 4 : dominus dedit mihi linguam eruditam, ut sciam suscitare eum, qui lapsus est, verbo. Item opere, quia coepit Iesus facere et docere Act. I, 1.

Deinde cum dicit labora, ponitur tertium, quod est legitimus militiae labor, ad quem primo hortatur; secundo ponit laboris praemium, ibi nam et qui; tertio militiae stipendia laborantem.

Item, primo hortatur ad legitimum laborem; secundo exponit quis labor sit legitimus, ibi nemo.

Dicit ergo labora sicut bonus miles Christi. Est autem tripliciter aliquis miles Christi. Primo inquantum pugnat contra peccata. Iob VII, 1 : militia est vita hominis super terram; et XIV, 14 : cunctis diebus quibus nunc milito, expecto, et cetera. Et haec pugna est contra carnem, mundum et Diabolum. Eph. ult. : non est nobis colluctatio adversus carnem et sanguinem, et cetera.

Secundo est aliquis miles Christi pugnando contra errores. II Cor. X, 4 : arma militiae nostrae non sunt carnalia, sed potentia Deo, ad destructionem munitionum consilia destruentes, et cetera. Tertio est militia martyrum contra tyrannos. Et haec est laboriosior. Iob XXV, 3 : numquid est numerus militum eius ? Et non debet quiescere miles, quia dicitur a militia sustinenda.

Deinde cum dicit nemo, exponit quid sit legitimus labor. Et primo inducit eum ad laborem; secundo ostendit qualis debet esse bonus miles, ibi ut ei placeat.

Primo, circa primum duo facit, quia exemplum ponit; secundo manifestat. Dicit ergo nemo militans Deo, et cetera. Circa primum sciendum est, quod alius est finis militiae spiritualis, et alius est finis militiae corporalis; quia finis militiae corporalis est, ut obtineat victoriam contra hostes patriae, et ideo milites debent abstinere ab his, quae abstrahunt a pugna, puta a negotiis et delitiis. I Cor. IX, 25 : qui in agone contendit, ab omnibus se abstinet. Sed militiae spiritualis finis est, ut victoriam habeant ab hominibus, qui sunt contra Deum; et ideo oportet, quod abstineant ab omnibus, quae distrahunt a Deo. Haec autem sunt negotia saecularia, quia sollicitudo huius saeculi suffocat verbum. Et ideo dicit implicat se.

Sed contra : negotia saecularia sunt temporalia, hoc autem apostolus fecit, quando vixit labore manuum suarum. Respondeo. Dicendum est quod apostolus dicit, implicat, et non dicit, exercet.

Ille autem eis implicatur, cuius cura et sollicitudo iungitur circa ipsa. Et tunc proprie ipsa haec interdicuntur militibus Christi, in quibus ostenditur non esse necesse implicari animum. Item non dicit simpliciter implicatur, sed dicit implicat se, quia quandoque implicatur, et non se implicat.

Implicat enim se quando sine pietate et necessitate assumit negotia; sed quando necessitas officii pietatis et auctoritatis exercetur, tunc non implicat se, sed implicatur huiusmodi necessitate. Rom. XVI, 2 : assistatis ei in quocumque negotio vestri indiguerit.

Causa autem quare non debent se implicare est ut ei placeat cui se probavit. I Io. II, 15 : si quis diligit mundum, non est charitas patris in eo. Qui enim est miles Christi, devovit se ad militandum Deo; et ideo debet conari, ut ei placeat cui se devovit.

Deinde cum dicit nam et qui, ponit laboris praemium. Et quia diceret aliquis : o Paule, magna imponis, sed quis est eorum fructus ? Respondet : assumatis exemplum in pugnis saecularibus, ubi non omnes, sed legitime pugnantes accipiunt coronam. Sic ergo erit et in spiritualibus, quod nullus coronabitur, nisi servet debitas leges pugnae. I Cor. c. IX, 25 : illi quidem ut corruptibilem coronam accipiant, nos autem incorruptam. Sap. c. IV, 2 : in perpetuum coronata triumphat.

Deinde cum dicit laborantem, ostendit stipendia, interdicitque ei negotia saecularia. Et primo proponit stipendia sub metaphora; secundo exponit, ibi intellige.

Officium enim praedicatorum et doctorum est officium militum, inquantum insurgunt contra hostes et vitia; item agricolae, inquantum fructum faciunt promovendo ad bona. Huius ager est Ecclesia, et principalis agricola est Deus, interius et exterius operans. Io. XV, 1 : ego sum vitis vera, et pater meus agricola est. Homines autem exterius adhibent ministerium. I Cor. III, 6 : ego plantavi, Apollo rigavit, Deus autem incrementum dedit. Isti sunt exteriores agricolae. Iob c. XXXI, 39 : si animam agricolarum eius afflixi. Istum ergo agricolam oportet fructum accipere; huius fructus sunt opera virtutum. Eccli. XXIV, 17 : flores mei fructus honoris et honestatis. Gal. V, 22 : fructus autem spiritus est charitas, gaudium, pax, patientia. Inter hos fructus sunt et fructus eleemosynarum. Act. IX, 36 : haec erat plena fructibus bonis et eleemosynis quas faciebat.

Isti ergo debent principaliter fructum percipere, ut ipsi gaudeant. Primo de subditorum fructibus. Phil. IV, 1 : itaque, fratres mei charissimi et desideratissimi, gaudium meum et corona mea. Secundo de subsidiis temporalibus, non pro praemio principali, sed stipendio. Gal. VI, 6 : communicet autem is qui catechizatur verbo, ei qui se catechizat in omnibus bonis. Matth. c. X, 10 : dignus est operarius cibo suo.

Deinde cum dicit intellige, exponit quae dixerat sequens modum Christi post parabolas. Matth. XIII, 9 : qui habet aures audiendi audiat. Quasi dicat : reduc haec ad intellectum spiritualem. Dan. X, 1 : intelligentia opus est in visione. Quasi diceret aliquis : tu dicis : accipe stipendium, o Timothee; sed tu non facis, quia de labore manuum vis vivere. Unde intellige quae dico, quia est necessaria discretio, quia ibi non sunt accipienda ubi est occasio avaritiae contra Evangelium, vel propter cupiditatem, vel propter otium. Et hoc poteris intelligere, quia dabit, et cetera. I Io. II, 27 : unctio docebit vos de omnibus.

L’Apôtre, dans ce qui précède, a recommandé à Timothée de s’adonner avec sollicitude à la prédication de l’Evangile; il l’exhorte ici à se préparer avec courage au martyre. Et d’abord il l’engage à supporter ces souffrances pour le salut des fidèles : ensuite il lui enseigne comment il doit résister aux infidèles (verset 14) : "Ne vous amusez pas aux disputes de paroles, etc." Premièrement donc il l’instruit de la manière de se préparer à supporter le martyre; secondement, il l’exhorte au martyre même (verset 8);" Souvenez-vous, etc." La préparation au martyre, selon l’Apôtre, consiste en trois choses : La force de l’âme; II° La dispensation des biens (verset 2) : "Ce que vous avez appris de moi, etc.;" III° Le travail fécond de la milice sainte (verset 3) : "Travaillez…."

La force est d’abord nécessaire, pour le martyre, car il s’agit des périls de la mort. L’Apôtre dit donc (verset 1) : "Pour vous, mon fils, c’est-à-dire vous que j’ai enfanté par l’Evangile, fortifiez-vous par la grâce" (Psaume XXX, 25) : "Agissez avec courage et que votre coeur s’affermisse." "Par la grâce qui est," non pas en vous-même, car votre force est vaine, mais « en Jésus-Christ » (Ephés., VI, 10) : "Enfin, mes frères, fortifiez-vous dans le Seigneur, et dans sa vertu toute-puissante." Ou "dans la grâce," c’est-à-dire par le don gratuit de Dieu par Jésus-Christ (Jean, I, 17) : "La grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ."

II° La seconde qualité concerne la dispensation des biens. A ce sujet, remarquez que, quand quelqu’un est conduit à la mort, il dispose de ce qui lui appartient. Les saints ne doivent donc pas avoir moins de soin pour les biens spirituels qui leur sont confiés, afin que ceux-ci ne se perdent pas après leur mort. Ils doivent les confier à d’autres. Voilà pourquoi Paul recommande à Timothée, s’il vient à être appelé au martyre, de dispenser la doctrine de la foi. Et d’abord il lui rappelle comment il l’a reçue, c’est par l’écoute, ce qui lui fait dire (verset 2) : "[Et gardant] ce que vous avez appris de moi, et que moi-même j’ai appris de Jésus-Christ," ; Et je dis « de moi », non pas en particulier, mais qui a été confirmé "par plusieurs témoins," c’est-à-dire par la Loi et les prophètes (Rom., III, 21) : "[La justice de Dieu], à laquelle la Loi et les prophètes rendent témoignage,..." Ou bien encore par les Apôtres (l Corinth., XV, 11) : "Ainsi, soit moi, soit eux, voilà ce que nous vous prêchons, et ce que vous avez cru." Cette doctrine donc, donnez-la, comme vous l’avez vous-mêmes reçue (Sag., VII, 13) : "Je l’ai apprise sans déguisement, j’en fais part aux autres sans envie," Donnez-la, disons-nous, "à des hommes fidèles" c’est-à-dire, qui ne recherchent pas le profit temporel, mais la gloire de Dieu. (1 Co IV, 2) : "Ce qui est à désirer dans les dispensateurs, c’est que chacun soit trouvé fidèle" (Mt XXIV, 45) : "le serviteur fidèle et prudent que son maître a établi sur les domestiques, etc…" Ils doivent aussi être capables de la distribuer; c’est pourquoi il dit (verset 2) : "Qui soient eux-mêmes capables, etc…" Ils doivent être capables sous trois rapports : d’abord par l’intelligence, afin d’acquérir la sagesse pour comprendre (Luc, XXI, 15) : "Je vous donnerai moi-même une bouche et une sagesse, etc…" Ensuite, par la langue, afin qu’ils soient éloquents dans leur enseignement ; (Isaïe L, 4) : "Le Seigneur m’a donné une langue savante afin que je puisse soutenir par la parole celui qui est abattu." Enfin par les oeuvres, (Actes I, 1) : "Car Jésus a commencé par agir avant d’enseigner."

III° Quand Paul ajoute (verset 3) : "Travaillez," il manifeste la troisième disposition, qui est le travail légitime de la sainte milice. I. Il excite à ce travail; II. Il explique quel sera le prix du travail (verset 5) : "Celui qui combat" III. La récompense du service (verset 6) : "[Un laboureur] qui a bien travaillé, etc."

I. Il exhorte Timothée à un travail légitime; il explique ensuite ce que doit être ce travail légitime (verset 4) : "[Celui qui est enrôlé au service de Dieu] ne s’embarrasse pas, etc." Il dit donc (verset 3) :

"Travaillez comme un bon soldat de Jésus-Christ." Or on peut être soldat de Jésus-Christ de trois manières. D’abord en combattant contre le péché (Job, VII, 1) : "La vie de l’homme sur la terre est un temps de service;" et (Job, XIV, 14) : "Tout le temps de mon service, j’attends, etc." Ce combat se livre à la chair, au monde et au démon (Ephés., VI, 42) : "Nous avons à combattre non contre la chair et le sang, etc…" En second lieu, on est soldat de Jésus-Christ en combattant contre les erreurs (2 Co X, 4) : "Les armes de notre combat ne sont pas charnelles, mais elles sont puissantes devant Dieu pour renverser les remparts et détruire les raisonnements." La troisième espèce de service est celui des martyrs contre les tyrans. C’est la plus pénible (Job, XXV, 3) : "Peut-on compter le nombre de ses soldats ?" Or le soldat ne doit pas prendre de repos, parce que son nom indique le service qu’il doit prendre en charge.

En disant (verset 4) : "[Celui qui est enrôlé au service de Dieu] ne s’embarrasse pas, etc.", l’Apôtre explique quel est ce travail légitime. Et d’abord il engage Timothée à ce travail; ensuite il détermine les qualités du bon soldat (verset 4) : "ne s’occuper qu’à plaire, etc."

1. Sur le premier de ces points, Paul cite d’abord un exemple; en second lieu, il en fait l’application. Il dit donc (verset 4) : "Celui qui est enrôlé au service de Dieu, etc." Il faut remarquer sur le premier point, qu’autre est la fin de la milice spirituelle, autre la fin de la milice temporelle. Celle-ci, en effet, se propose d’obtenir la victoire contre les ennemis de la patrie, et ses soldats doivent s’abstenir de tout ce qui les détournerait du combat, par exemple, les affaires et les délices (1 Co IX, 25) : "Quiconque veut lutter s’abstient de tout." La fin de la milice spirituelle est de remporter la victoire sur les hommes qui s’élèvent contre Dieu; il faut donc s’abstenir de tout ce qui détourne de Dieu. Or ce sont les affaires du siècle parce que les sollicitudes de ce siècle étouffent la parole de Dieu. Voilà pourquoi l’Apôtre dit (verset 4) : "Ne s’embarrasse pas dans les affaires séculières."

On objecte que les affaires du siècle sont aussi des affaires temporelles; or l’Apôtre a vaqué à ces sortes d’affaires, quand il a vécu du travail de ses mains.

Nous répondons que l’Apôtre dit : "Ne s’embarrasse pas," et non pas « ne s’exerce pas ». C’est s’embarrasser d’une chose que d’en faire l’objet de ses soins et de sa sollicitude. C’est donc avec raison qu’on interdit aux soldats de Jésus-Christ tout ce qui embarrasserait sans nécessité leur esprit. L’Apôtre ne dit pas simplement : n’est pas embarrassé, mais : "Ne s’embarrasse pas," parce qu’il peut arriver quelquefois que l’esprit soit embarrassé, sans qu’on s’y soit embarrassé soi-même. L’esprit s’embarrasse lui-même, quand, sans que la piété et la nécessité le demandent, il prend à sa charge certaines affaires, mais quand il faut accomplir l’obligation d’une charge, piété ou autorité, alors l’esprit ne s’embarrasse pas lui-même, mais cette nécessité fait qu’il est embarrassé (Rom., XVI, 2) : "Assistez-la dans toutes les affaires où elle pourrait avoir besoin de vous."

2. Si les soldats de Jésus-Christ ne doivent pas s’embarrasser eux-mêmes, c’est (verset 4) : "Afin de ne s’occuper qu’à plaire à Celui à qui ils se sont donnés." (1 Jean, II, 15) : "Si quelqu’un aime le monde, l’amour du Père n’est pas en lui." Celui qui est soldat de Jésus-Christ, s’est, en effet, dévoué à combattre pour Dieu. Il doit donc faire tous ses efforts afin de plaire à Celui à qui il s’est dévoué.

II. Quand Paul dit ensuite (verset 5) : "Celui qui [combat dans les jeux publics], etc.," il proclame le prix du travail. Comme quelqu’un pourrait lui dire : O Paul, vous imposez de grandes obligations; quel en est le fruit ? Il répond : Prenez exemple sur les combats du siècle. Tous n’y reçoivent pas la couronne, mais ceux-là seulement qui ont légitimement combattu. Ainsi en sera-t-il dans les combats spirituels : nul ne sera couronné s’il ne garde les lois légitimes du combat (1 Co IX, 25) : "Eux, [ils combattent] pour gagner une couronne corruptible, et nous, c’est pour une incorruptible;" (Sag., IV, 2) : "…est couronnée à jamais comme victorieuse."

III. En ajoutant (verset 6) : "Un laboureur qui a travaillé [doit avoir la première part dans la récolte des fruits]," l’Apôtre explique quelle est la récompense, et interdit à son disciple les affaires du siècle. D’abord, sous une métaphore, il indique quelle est la récompense; ensuite il explique la métaphore (verset 7) : "Comprenez [ce que je dis ici]."

La charge des prédicateurs et des docteurs est un service de soldats, car ils combattent contre les ennemis et contre les vices. [Elle est aussi semblable] au travail du laboureur, car ils produisent du fruit en portant les fidèles à faire le bien. Le champ, c’est l’Eglise; le laboureur principal, c’est Dieu qui travaille tout à la fois à l’intérieur et l’extérieur (Jean, XV, 1) : "Je suis la vraie vigne, et mon Père est le vigneron." Les hommes ne donnent que leur concours extérieur ; (1 Co III 6) : "C’est moi qui ai planté, Apollos a arrosé, mais c’est Dieu qui a donné l’accroissement." Ce sont là les ouvriers du dehors ; (Job, XXXI, 39) : "Si j’ai affligé le coeur de ceux qui ont cultivé la terre." Or ce laboureur doit avoir sa part de la récolte, et cette récolte, ce sont les oeuvres des vertus (Ecclésiastique, XXIV, 17) : "Mes fleurs sont des fruits de gloire et d’abondance;" (Gal., V, 22) : "Les fruits de l’Esprit sont la charité, la joie, la paix, la patience." Parmi ces fruits se trouvent aussi ceux de l’aumône (Actes IX, 36) : "Tabitha était remplie de bonnes oeuvres et faisait beaucoup d’aumônes." Les prédicateurs doivent donc aussi avoir leur part de la récolte, afin qu’ils puissent eux aussi se réjouir, d’abord, des fruits que ceux qui leur sont soumis (Philipp., IV, 1) : "Mes frères, très chers et très désirés, qui êtes ma joie et ma couronne;" ensuite des secours temporels, non pour leur principale récompense, mais pour leur salaire (Gal., V, 6) : "Que celui que l’on instruit de la parole donne de tous ses biens à celui qui l’instruit;" (Mt X, 10) : "Celui qui travaille mérite qu’on le nourrisse."

Quand l’Apôtre ajoute (verset 7) : "Comprenez bien [ce que je dis]," il explique ce qu’il vient de dire, imitant la manière d’instruire du Sauveur qui exposait ses paraboles ; (Mt XIII, 9) : "Que celui-là entende, qui a des oreilles pour entendre." Comme si Paul disait : Ramenez ce que je dis au sens spirituel (Daniel, X, I) : "On a besoin d’intelligence dans les visions;" comme si quelqu’un objectait : Vous dites : Timothée, acceptez un salaire, mais vous, Paul, vous ne le faites pas, puisque vous souhaitez vivre du travail de vos mains. Comprenez donc bien ce que je dis, répond-il, car ici la discrétion est nécessaire. En effet, on ne doit pas recevoir les secours là où ils deviendraient, à l’encontre de l’Evangile, un prétexte d’accusation d’avarice, ou à cause de la cupidité, ou à cause de l’oisiveté; et vous pourrez facilement l’apprécier, car « le Seigneur (verset 7) vous donnera… » ; (I Jean, II, 27) : "L’onction vous enseignera toutes choses."

 

 

Lectio 2

Leçon 2 — 2 Timothée II, 18-15 : La préparation au martyre

 

SOMMAIRE : Exhortation à Timothée pour qu’à l’exemple de Jésus-Christ il se prépare au martyre. L’apôtre se donne aussi lui-même en exemple et présente, comme récompense du martyre, la glorieuse résurrection des corps.

[8] memor esto Iesum Christum resurrexisse a mortuis ex semine David secundum evangelium meum

[9] in quo laboro usque ad vincula quasi male operans sed verbum Dei non est alligatum

[10] ideo omnia sustineo propter electos ut et ipsi salutem consequantur quae est in Christo Iesu cum gloria caelesti

[11] fidelis sermo nam si conmortui sumus et convivemus

[12] si sustinemus et conregnabimus si negabimus et ille negabit nos

[13] si non credimus ille fidelis manet negare se ipsum non potest

[14] haec commone testificans coram Domino noli verbis contendere in nihil utile ad subversionem audientium

[15] sollicite cura te ipsum probabilem exhibere Deo operarium inconfusibilem recte tractantem verbum veritatis

 

8. Souvenez-vous que Notre Seigneur Jésus-Christ, qui est né de la race de David, est ressuscité d’entre les morts, selon l’Evangile que je prêche,

9. Pour lequel je souffre beaucoup de maux jusqu’à être dans les chaînes comme un scélérat; mais la parole de Dieu n’est pas enchaînée.

10. C’est pourquoi j’endure tout pour l’amour des élus, afin qu’ils acquièrent aussi le salut qui est dans le Christ avec la gloire du ciel.

11. C’est une vérité très assurée, que si nous mourons avec Jésus-Christ nous vivrons aussi avec lui;

12. Si nous souffrons avec lui, nous règnerons aussi avec lui; si nous le renonçons, il nous renoncera aussi;

13. Si nous lui sommes infidèles, il ne laissera pas de demeurer fidèles, car il ne peut se démentir lui-même.

14. Donnez ces avertissements, et prenez-en le Seigneur à témoin. Ne vous amusez pas à des disputes de paroles, qui ne sont bonnes qu’à pervertir ceux qui les écoutent.

15. Mettez-vous en état de paraître devant Dieu comme un ministre digne de son approbation, qui ne fait rien dont il ait sujet de rougir, et qui sait bien dispenser la parole de vérité.

[87905] Super II Tim., cap. 2 l. 2 Supra ponitur praeparatio ad martyrium, hic ponitur exhortatio ad ipsum, et primo praemittit exemplum praemii; secundo exemplum martyrii, ibi in quo laboro; tertio manifestat consequentiam praemii ad martyrium, ibi fidelis sermo.

Nam praemium mortis pretiosae martyrii est resurrectio gloriosa, cuius exemplum praecessit in capite nostro Christo. Et ideo dicit memor esto, etc., quasi dicat : dominum nostrum Iesum Christum, supple : habe in mente contra tribulationes. Prov. III, v. 6 : in omnibus viis tuis cogita illum, et ipse diriget gressus tuos. Multa enim sunt in eo cogitanda, sed specialiter resurrectio. Ad hanc omnia ordinantur, et praecipue totus Christianae religionis status. Rom. X, 9 : si confitearis in ore tuo dominum Iesum, et corde tuo credideris, quod Deus excitavit illum a mortuis, salvus eris.

Et nota quod dicit resuscitatum, quia etsi pater eum resuscitaverit, tamen propria etiam virtute resurrexit, et est primus resurgentium I Cor. XV, 20. Sed quia secundum naturam humanam resurrexit, et mortuus est, ex semine David. Rom. I, 3 : qui factus est ei ex semine David secundum carnem, et cetera. Secundum Evangelium meum, id est, a me praedicatum. I Cor. XV, 1 : notum autem facio vobis Evangelium, quod praedicavi vobis. Qui praedicat Evangelium est minister Evangelii, sicut qui baptizat est minister Baptismi.

Tamen non potest dici Baptisma meum, sed Evangelium sic. Et hoc ideo, quia multum facit exhortatio et sollicitudo.

Deinde cum dicit in quo laboro, ostendit se in exemplum martyrii, et primo eius poenam; secundo eius causam, ibi ideo omnia.

Tria autem ostendit esse in poena, scilicet acerbitatem, opprobrium, et constantiam. Acerbitatem cum dicit in quo, scilicet Evangelio praedicando, vel pro quo laboro, id est, affligor, et hoc usque ad vincula, quia quando hanc epistolam scripsit, erat Romae in vinculis. Eph. ult. : ministerium Evangelii pro quo legatione fungor in catena. Opprobrium quantum ad infideles, cum dicit quasi male operans. Christiani enim tunc reputabantur pessimi. Lc. VI, 22 : beati eritis cum vos oderint homines, et separaverint, et exprobraverint, et cetera.

Christus etiam fuit damnatus, quasi male operans. Is. LIII, v. 12 : et cum sceleratis reputatus est. Constantiam autem ostendit, cum dicit sed verbum Dei, et cetera. Licet enim corpus sit alligatum, tamen verbum Dei non est alligatum, quia praedicatio fuit ex voluntate apostoli, quae libera est, praecipue propter efficaciam charitatis, quae nihil timet. Rom. VIII, 38 : certus sum enim quia neque mors, neque vita, et cetera.

Quia, sicut I Io. III, 20 dicitur, maior est Deus corde nostro. Et dicitur, quod in vinculis existens, multos convertit.

Deinde cum dicit ideo omnia sustineo, ostendit causam, quia martyrem non poena facit, sed causa.

Duplex autem est causa martyrii, scilicet propter divinum honorem, et salutem proximi. Propter Deum quidem, quia Rom. VIII, v. 36 : propter te mortificamur tota die. Propter salutem proximorum, quia dicit hic propter electos. Io. XV, 13 : maiorem charitatem nemo habet, ut animam suam ponat quis pro amicis suis. I Io. III, 16 : quoniam ille pro nobis animam suam posuit, et nos debemus pro fratribus animas ponere. Et dicit propter electos, quia quaecumque bona fiunt, specialiter cedunt in bonum electorum, non reproborum. Et quomodo ? Ut et ipsi salutem consequantur.

Sed numquid sufficit passio Christi ? Dicendum est, quod sic effective, sed passio apostoli dupliciter expediebat. Primo quia dabat exemplum persistendi in fide; secundo quia confirmabatur fides, et ex hoc inducebantur ad salutem. Et hoc in Christo, id est, quae venit nobis per eum. Matth. I, 21 : ipse enim salvum faciet populum a peccatis eorum. Et hoc non solum salutem, gratiae praesentem, sed etiam cum gloria caelesti. Matth. c. V, 12 : merces vestra copiosa est in caelis.

Deinde cum dicit fidelis sermo, ponit consequentiam praemii ad meritum martyrii. Et primo ponit attestationem; secundo consequentiam, ibi nam si commortui sumus; tertio confirmat per testimonium, ibi haec commone.

Dicit ergo fidelis sermo, id est, verbum quod dicam est fidele. Apoc. ult. : haec verba fidelissima sunt, et cetera.

Deinde cum dicit nam si, etc., ponit consequentiam. Et primo de remuneratione bonorum; secundo de punitione malorum, ibi si negaverimus.

In praemio bonorum sunt duo, scilicet reparatio per resurrectionem, et superadditio gloriae ad quam resurgent. Et ideo primo ostendit, quod per Christum venitur ad reparationem vitae; secundo quod per ipsum venitur ad resurrectionem, ibi si sustinemus.

Dicit ergo si commortui sumus, scilicet cum Christo, et hoc per sacramenti susceptionem in Baptismo. Rom. VI, 4 : consepulti enim sumus cum illo per Baptismum in mortem. Item per poenitentiam nos macerando. Gal. V, 24 : qui Christi sunt, carnem suam crucifixerunt cum vitiis et concupiscentiis. Item pro confessione veritatis moriendo, sicut et Christus. Ps. CXV, 15 : pretiosa in conspectu domini mors sanctorum eius. Si ergo commortui sumus, et convivemus, id est, sicut ipse resurrexit, sic et nos. Rom. VI, 5 : si complantati facti sumus similitudini mortis eius, simul et resurrectionis erimus.

Deinde agit de gloria, quam sancti merentur per mortis ignominiam. Lc. ult. : nonne haec oportuit Christum pati ? Et ideo dicit si sustinuerimus, scilicet patienter afflictiones et opprobria, conregnabimus, id est, simul cum ipso perveniemus ad regnum. Matth. V, 10 : beati qui persecutionem, et cetera.

Deinde cum dicit si negaverimus, ostendit consequentiam quantum ad poenas. Dupliciter autem potest aliquis peccare contra fidem : primo exterius negando, secundo interius eam deponendo.

Quantum ad primum dicit si negaverimus, scilicet coram aliis, ipse negabit nos in iudicio. Matth. XXV, 12 : amen dico vobis, nescio vos. Negare est non cognoscere eos esse de ovibus suis.

Quantum ad secundum dicit si non credimus, id est, si fidem a corde abiiciamus, ille fidelis permanet, id est, ipse fidem suam tenet.

Unde fidelis manet in sua fide, quia fides nihil aliud est, quam participatio sive adhaesio veritati. Ipse autem est ipsa veritas, quae negare se non potest. Ergo non est omnipotens. Respondeo. Ex hoc est omnipotens, quod seipsum negare non potest. Posse enim deficere magis est pertinens ad impotentiam, quia quod aliquid deficiat a suo esse, est per debilitatem virtutis propriae.

Christum autem negare seipsum est deficere a seipso; hoc ergo ipsum, quod non potest negare se, est ratio perfectae virtutis. Unde nec peccatum cadit in eum, ut est dictum, nec potest negare suam virtutem et suam iustitiam quin puniat. Matth. ult. : qui vero non crediderit, condemnabitur. Sed numquid non potest Deus alicui remittere poenam ? Potest quidem secundum ordinem sapientiae suae, sed contra ordinem sapientiae et iustitiae, non.

Deinde cum dicit haec commone, etc., confirmat per testimonium; quasi dicat : simul cum aliis admoneo, ut semper habeas in corde, testificans coram Deo, id est, testem adducens coram quo loquor.

Deinde cum dicit noli verbis, ostendit quomodo resistat infidelibus, quia primo praemittit modum resistendi; secundo ostendit quae sunt quibus resistat, ibi profana. Item, primo excludit indebitum modum resistendi; secundo ponit debitum, ibi sollicite.

Circa primum primo excludit indebitum modum; secundo rationem assignat, ibi ad nihil. Dicit ergo nolite contendere verbis.

Contentio importat concertationem in verbis. Potest ergo secundum duo intelligi, quia acrimoniam loquens depravatur dupliciter. Uno modo si per hoc acceditur ad favorem falsitatis, ut quando quis cum confidentia clamoris impugnat veritatem. Alio modo propter inordinationem, ut quando utitur acrimonia, vel ultra modum debitum, vel contra qualitatem personae. Sed si moderate, et cum circumstantiis debitis, et pro veritate fiat, non est peccatum.

Et sic in rhetorica est unum instrumentum exhortationis. Tamen in sacra Scriptura accipitur secundum quod importat inordinationem. I Cor. XI, 16 : si quis videtur inter vos contentiosus esse, nos non habemus talem consuetudinem, neque Ecclesiae Dei. Et dicit verbis, quia aliqui disceptant solum verbis improperii.

Et hoc proprie est contendere. Si hoc fit non verbis tantum sed veris rationibus, hoc est disputare, non contendere.

Deinde cum dicit ad nihil utile est, ostendit rationem documenti. Nam moderata disputatio quando cum ratione fit, est utilis ad instructionem; sed quando cum verbis tantum, tunc est litigiosa. Ideo dicit nisi ad subversionem, et hoc dupliciter : uno modo dum quod est certum venit in dubium; alio modo, quia audientes scandalizantur. Prov. XIV, 23 : ubi verba sunt plurima, ibi frequenter egestas; unde Iac. III, 16 : ubi zelus et contentio, ibi inconstantia et omne opus pravum.

Sed numquid non sine contentione debet quis disputare coram populo de fide ? Respondeo. Distinguendum est, ex parte audientium, quia, aut sunt sollicitati ab infidelibus, et tunc est utilis publica disputatio : quia per hanc simplices efficiuntur magis instructi quando vident errantes confutari. Si vero non sunt sollicitati ab infidelibus, tunc non est utilis disputatio, sed periculosa.

Item est distinguendum ex parte disputantis, quia si disputans est prudens, sic quod manifeste confutet adversarium, tunc debet publice disputare : si vero non, nullo modo.

Deinde cum dicit sollicite cura teipsum, ponit debitum modum resistendi. Et primo quantum ad rectam intentionem; secundo quantum ad rectam operationem; tertio quantum ad rectam doctrinam. Qui enim vult disputare, primo debet scrutari suam intentionem, utrum moveatur bono zelo. Ideo dicit probabilem Deo exhibere, qui scilicet probat cor. II Cor. X, 18 : non enim qui seipsum commendat, ille probatus est, sed quem Deus commendat. Ps. XVI, 3 : probasti cor meum et visitasti nocte.

Item quod doctrinam quam praedicat ore, stabiliat per opera, quod nisi faciat, est confusione dignus. Unde dicit operarium inconfusibilem, quasi dicat : haec facito, sic non confunderis.

Item quod recte tractet verbum veritatis, vera docendo et utilia audientibus. Unde subiungit recte tractantem verbum veritatis, non quaerens lucrum et gloriam. II Cor. II, 17 : non sumus sicut plurimi adulterantes verbum Dei, sed ex sinceritate, sicut ex Deo coram Deo in Christo loquimur.

 

Paul, après avoir exposé plus haut la préparation au martyre, exhorte ici au martyre même. Il présente le modèle de la récompense. II° L’exemple de son propre martyre même (verset 9) : "C’est pour lui (J.-C.) que je souffre beaucoup de maux;" III° Enfin il établit, la relation de la récompense au martyre (verset 11) : "C’est une vérité très assurée que, etc."

La récompense de la mort précieuse, subie dans le martyre, c’est la résurrection glorieuse, dont nous avons devant nous l’exemple dans notre chef Jésus-Christ. Voilà pourquoi l’apôtre dit (verset 8) : "Souvenez-vous que, etc." ; comme s’il disait : que Notre Seigneur Jésus-Christ supplée, soit dans votre âme, et vous fortifie contre les tribulations (Prov. III, 6) : "Pensez à lui dans toutes vos voies, et il conduira lui-même vos pas." II y a, en effet, beaucoup de choses à considérer en Jésus-Christ, mais spécialement sa résurrection, car tout se rapporte à elle, et particulièrement tout l’établissement de la religion chrétienne (Rom., X, 9) : "Si vous confessez de bouche que Jésus est le Seigneur, et si vous croyez de coeur que Dieu l’a ressuscité d’entre les morts, vous serez sauvé." Remarquez que Paul dit : "est ressuscité," parce que bien que son Père l’ait ressuscité, il est pourtant aussi ressuscité par sa propre puissance, et il est ainsi "le premier d’entre les ressuscités." (I Cor., XV, 20). Mais c’est en tant qu’homme qu’il est ressuscité et qu’il est mort," étant né de la race de David," (Rom., I, 3) : "Touchant son Fils, qui lui est né selon la chair, du sang de David." Paul dit (verset 8) : "Selon mon Evangile," c’est à dire l’Evangile que je prêche ; (1 Co XV, 1) : "Or je vous rappelle l’Evangile que je vous ai prêché." Celui qui prêche l’Evangile est ministre de cet Evangile, comme celui qui baptise est ministre du baptême. Toutefois on ne pourrait pas dire mon baptême, quoiqu’on dise : "mon Evangile." La raison en est que l’exhortation et la sollicitude contribuent beaucoup au succès de l’Evangile.

II° Quand Paul dit ensuite (verset 9) : "Pour lequel (J.-C.) je souffre beaucoup de maux," il se donne lui-même en exemple du martyre. I. [Il fait ressortir] la pensée du martyre; II. La cause (verset 10) : "C’est pourquoi j’endure tout, etc."

I. Il montre dans la peine trois choses, à savoir : sa dureté, le déshonneur subi et la constance [qu’il faut y montrer]. La dureté, quand il dit (verset 9) "Pour lequel," c’est-à-dire, "pour cet Evangile qu’il nous faut prêcher;" ou pour lequel "je souffre," c’est-à-dire « je suis dans l’affliction », "jusqu’à être dans les chaînes," car il était en prison à Rome, lorsqu’il écrivit cette lettre ; (Ephes., VI, 20) : "Le ministère de l’Evangile, dont j’exerce la légation et l’ambassade, dans les chaînes." Le déshonneur, du côté des infidèles, lorsqu’il dit (verset 9) : "Comme si j’étais un scélérat," car, à cette époque, les chrétiens étaient regardés comme les plus pervers des hommes ; (Luc, VI, 22) : "Vous serez bienheureux lorsque les hommes vous haïront, qu’ils vous sépareront d’avec eux, et qu’ils vous diront des injures, etc." Jésus-Christ lui-même fut condamné comme s’il était un scélérat ; (Isaïe, LIII, 12) : "Il a été mis au nombre des scélérats". L’apôtre enfin fait ressortir la constance lorsqu’il dit (verset 9) : "Mais la parole de Dieu [n’est pas enchaînée]," car bien que le corps soit chargé de chaînes, la parole de Dieu cependant n’est pas enchaînée, car la prédication [de l'Evangile] se faisait par la volonté de l’apôtre, volonté qui demeure libre, principalement à cause de l’efficacité de la charité, qui ne craint rien ; (Rom., VIII, 38) : "Je suis certain que ni la mort, ni la vie, etc." La raison en est que (I Jean, III, 20) : "Dieu est plus grand que notre coeur." D’ailleurs on rapporte que l’apôtre, pendant qu’il était dans les chaînes, fit un grand nombre de conversions.

II. Lorsqu’il ajoute (verset 10) : "C’est pourquoi j’endure tout [pour l’amour des élus]," Paul indique la cause de ses souffrances; car ce n’est pas le supplice, c’est la cause qui fait le martyr. Or il peut y avoir au martyre deux causes, à savoir, l’honneur de Dieu et le salut du prochain. D’abord on le peut souffrir pour Dieu (Rom., VIII, 36) : "A cause de vous, Seigneur, on nous fait mourir à longueur de journée." Ensuite pour le prochain, puisqu’il est dit ici (verset 10) : « Pour les élus » ; (Jean XV, 13) : « Nul ne peut avoir d’amour plus grand que de donner sa vie pour ses amis » ; (I Jean, III, 16) : "Puisqu’il a donné sa vie pour nous, nous devons aussi donner notre vie pour nos frères." L’apôtre dit : "Pour les élus," parce que tout ce qui se fait de bien tourne spécialement au profit des élus et non des réprouvés. Et comment ? C’est (verset 10) : "Afin qu’ils acquièrent eux-mêmes le salut,"

Est-ce que la passion de Jésus-Christ ne suffit pas ? Il faut répondre qu’elle suffit quant à l’effet, et toutefois les souffrances de l’apôtre étaient avantageuses pour deux motifs. Premièrement parce qu’il donnait l’exemple de la persévérance dans la foi; secondement, parce que la foi se fortifiait ainsi, et par là les fidèles étaient conduits au salut. Et cela "en Jésus-Christ," c'est-à-dire dans le salut qui nous vient par lui (Mt I, 21) : "Ce sera lui qui sauvera son peuple de ses pêchés." Et non seulement le salut présent par la grâce, mais encore (verset 10) : "avec la gloire du ciel." (verset 12), (Mt V, 12) : "Une grande récompense vous est réservée dans les cieux."

III° En disant (verset 41) : "c’est une vérité très assurée…," Paul rétablit la relation de la récompense au mérite du martyre. Il en exprime I. l’assurance; II. le rapport (verset 41) : "Car si nous mourons avec Jésus-Christ; III. Il confirme sa doctrine par un témoignage (verset 14) : "Donnez cet avertissement, etc."

I. Il dit donc (verset 11) : "C’est une vérité très assurée," c’est-à-dire la parole que je vais dire est sûre ; (Ap XXII, 6) : "Ces paroles sont très certaines."

II. En ajoutant (verset 11) : "Car si nous mourons," il exprime la conséquence, d’abord pour la récompense des bons; ensuite pour la punition des méchants (verset 12) : "Si nous le renonçons, [il nous renoncera aussi]."

Dans la récompense des bons, il y a deux choses, à savoir la réparation par la résurrection et le « supplément » de la gloire à laquelle les bons ressusciteront. Paul établit donc premièrement que par Jésus-Christ on vient à la réparation de la vie; secondement que par lui encore on vient à la résurrection (verset 12) : "Si nous souffrons avec lui,"

1. Il dit donc (verset 11) : "Si nous mourons avec lui," c’est-à-dire avec Jésus-Christ, c’est ce qui a lieu par la réception du sacrement de baptême ; (Rom VI, 4) : "Car nous avons été ensevelis avec lui par le baptême, pour mourir au péché." Ensuite par la pénitence en nous mortifiant (Gal., V, 24) : "Ceux qui sont à Jésus-Christ ont crucifié leur chair avec ses passions et ses désirs déréglés." Enfin pour rendre témoignage à la vérité, en mourant comme est mort Jésus-Christ (Psaume CXV, 15) : "C’est une chose précieuse devant le Seigneur que la mort de ses saints". Si donc "nous mourons avec lui, nous vivrons aussi avec lui," c’est-à-dire, comme Jésus-Christ est ressuscité, ainsi en sera-t-il de nous ; (Rom., VI, 5) : "Si nous avons été entés en lui par la ressemblance de sa mort, nous serons entés aussi en lui par la ressemblance de sa résurrection."

2. L’apôtre traite ensuite de la gloire que les saints méritent par l’ignominie de leur mort (Luc XXIV, 26) : "Ne fallait-il pas que le Christ souffrît ces maux ?" C’est pour cela qu’il dit (verset 12) : "Si nous souffrons," à savoir les afflictions et les opprobres avec patience, "nous régnerons aussi," c’est-à-dire nous parviendrons avec lui au royaume éternel (Mt V, 10). "Bienheureux ceux qui [souffrent persécution] pour la justice,"

Quant à la suite Paul dit (verset 11). "Si nous le renonçons, etc.," il établit la conséquence à propos du châtiment. Or, on peut pécher de deux manières contre la foi. D’abord en la niant extérieurement; ensuite en y renonçant intérieurement.

1. Du premier de ces péchés, il dit (verset 12) : "Si nous le renonçons," à savoir, devant les autres, "il nous renoncera aussi lui-même," au jour du jugement ; (Mt XXV, 12) : "Je vous le dis en vérité, je ne vous connais pas." [Pour lui], nier quelqu'un, c’est ne pas reconnaître qu’on est du nombre de ses brebis.

2. Du second, il dit (verset 13) : "Si nous sommes infidèles," c’est-à-dire si nous rejetons sa foi de notre coeur, "lui, il demeure fidèle," c’est-à-dire il tient ce qu’il a promis.

On dit : Il demeure fidèle dans sa foi, car la foi n’est autre chose qu’une participation ou une adhésion à la vérité. Or, Jésus-Christ est soi-même la vérité essentielle, qui ne peut se nier elle-même; il n’est donc pas tout-puissant ! Nous répondons : c’est par cela même qu’il est tout-puissant, qu’il ne peut se nier lui-même. En effet, pouvoir défaillir appartient davantage à l’impuissance, parce que celui qui perd de son être naturel, devient tel par l’affaiblissement de sa vertu propre. Or, pour le Christ, se nier soi-même serait perdre de son être naturel. Si donc il ne peut se nier lui-même, c’est le caractère même de la perfection de sa puissance. Ainsi, le péché ne saurait avoir d’accès en lui, ainsi qu’il a été dit, et il ne peut, sans nier sa puissance et sa justice, demeurer sans punir (Marc, XVI, 16) : "Celui qui ne croira pas sera condamné." Dieu ne peut-il donc remettre la peine à celui qui l’a méritée ? Il peut, il est vrai, dans l’ordre déterminé par sa sagesse, mais contre l’ordre de sa sagesse et de sa justice, il ne le peut pas.

III. Quand Paul ajoute (verset 14) : "Donnez cet avertissement, etc.," il confirme ce qu’il a dit par un témoignage. Comme s’il disait : tout comme d’autres, je vous avertis de conserver dans votre coeur ces enseignements (verset 14) : "J’en atteste le Seigneur," c’est-à-dire, je le prends à témoin, lui, devant qui je parle.

IV° Quand ensuite il dit (verset 14) : "Ne vous amusez pas à des disputes de paroles," il instruit Timothée de la manière de résister aux infidèles. Et d’abord il indique cette manière; ensuite il lui fait connaître à quoi il doit résister (verset 16) : "[Fuyez les entretiens vains et] profanes. Il réprouve donc d’abord une manière illégitime de résister. Il enseigne ensuite la véritable (verset 15) : "Mettez-vous en état [de paraître devant Dieu], etc."

I. Sur la première partie, il exclut d’abord la forme illégitime de la résistance; ensuite il en apporte la raison (verset 14) : "[Ces paroles ne sont] bonnes à rien, etc."

Il dit donc (verset 14) : "Ne vous amusez pas à de vaines disputes de paroles." La contestation suppose la dispute de paroles. On peut donc donner à cette expression deux sens, car celui qui parle avec amertume, peut être conduit au mal de deux manières. D’abord en se laissant aller par là à favoriser l’erreur, ce qui arrive, par exemple, lorsque, par l’impudence de ses clameurs, on attaque la vérité ; ensuite quand on sort de l’ordre, comme il arrive lorsqu’on agit avec animosité poussée à l’excès, ou qu’on s’attaque, hors de la mesure, à la personnalité de ses adversaires. Que si on emploie la dispute avec modération, dans les circonstances convenables et pour la vérité, il n’y a pas de péché. Ainsi dans la rhétorique elle est un des moyens employés pour l’exhortation. Toutefois dans la sainte Ecriture on la prend dans le sens où elle suppose quelque chose de désordonné (1 Co XI, 16) : "Si quelqu’un paraît vouloir contester, qu’il sache que ce n’est pas là notre coutume, ni celle de l’Eglise de Dieu." L’Apôtre dit : "Des disputes de paroles," parce qu’il en est qui ne savent disputer qu’avec injure. C’est là à proprement parler la contestation. Que si la discussion se fait non pas seulement avec des paroles, mais avec de véritables raisons, c’est disputer et non pas contester.

Quand l’Apôtre ajoute (verset 14) : "Ces paroles ne sont utiles à rien," il apporte la raison de la règle qu’il a donnée. La discussion modérée, quand elle se fait avec raison, est utile pour instruire, mais quand elle ne se fait qu’en paroles, elle devient la source de divisions. C’est pourquoi Paul dit (verset 14) : "Si ce n’est pour pervertir ceux qui les écoutent." Ceci peut arriver de deux manières : d’abord quand ce qui est certain devient douteux, ensuite, quand ceux qui écoutent sont scandalisés (Proverbes XIV, 23) : "Là où l’on parle beaucoup, l’indigence se trouve souvent." C’est de là que Jacques dit (III, 16) : "Où il y a de la jalousie et un esprit de contention, il y a aussi du trouble et toute sorte de mal.". Doit-on donc discuter sans contention devant le peuple, quand il s’agit de la foi ?

Nous répondons qu’il y a une distinction à faire du côté des auditeurs. Ou ils sont sollicités par les infidèles et alors la discussion publique est utile, parce qu’elle sert à instruire les âmes simples, qui voient confondus ceux qui sont dans l’erreur. Ou ils ne sont pas ainsi sollicités, et alors la dispute, loin d’être utile, est dangereuse. On peut aussi faire une distinction du côté de celui qui discute. S’il est prudent et espère confondre manifestement son adversaire, il doit disputer publiquement. Il ne le doit pas faire, s’il n’a pas cette prudente habileté.

II. Quand Paul dit enfin (verset 15) : "Mettez-vous en état [de paraître devant Dieu]," il enseigne la manière légitime de résister. Et d’abord quant à la rectitude de l’intention; ensuite quant à la rectitude des oeuvres, enfin quant à la rectitude de la doctrine. Celui qui veut disputer doit, en effet, scruter d’abord son intention, afin de savoir s’il est mû par un zèle louable. C’est ce qui fait dire à Paul (verset 15) : "Mettez-vous en état de paraître devant Dieu, etc.," car Dieu éprouve surtout le coeur (2 Co X, 18) : "Car ce n’est pas celui qui se rend témoignage à soi-même qui est vraiment estimable; mais c’est celui à qui Dieu rend témoignage;" (Psaume XVI, 3) : "Vous avez mis mon coeur à l’épreuve, et vous l’avez visité durant la tribulation." De plus, il faut qu’il affermisse par les oeuvres la doctrine que sa parole enseigne; autrement il ne mérite que la confusion. C’est ce qui fait dire à Paul (verset 15) : "Comme un ministre qui ne fait rien dont il ait sujet de rougir," en d’autres termes : Agissez ainsi et vous ne serez pas confondu. Enfin, il faut qu’il traite avec convenance la parole de vérité, en enseignant à ceux qui l’écoutent des choses vraies et utiles. C’est pourquoi Paul dit (verset 15) : "Et qui sait bien dispenser la parole de vérité," ne cherchant ni le profit ni la gloire humaine ; (II Corinth, II, 17) : "Nous ne sommes pas comme plusieurs qui altèrent la parole de Dieu, mais nous la prêchons avec une entière sincérité, comme de la part de Dieu, en la présence de Dieu, et en Jésus-Christ."

 

 

Lectio 3

Leçon 3 — 2 Timothée II, 16-20 : Les hérésies

 

SOMMAIRE : L’Apôtre recommande d’éviter la doctrine des hérétiques, à cause du mal dont ils sont cause. Il dit que les hérésies n’amèneront pas la ruine de la foi, et pourquoi Dieu permet que quelques-uns tombent dans l’erreur.

[16] profana autem inaniloquia devita multum enim proficient ad impietatem

[17] et sermo eorum ut cancer serpit ex quibus est Hymeneus et Philetus

[18] qui a veritate exciderunt dicentes resurrectionem iam factam et subvertunt quorundam fidem

[19] sed firmum fundamentum Dei stetit habens signaculum hoc cognovit Dominus qui sunt eius et discedat ab iniquitate omnis qui nominat nomen Domini

[20] in magna autem domo non solum sunt vasa aurea et argentea sed et lignea et fictilia et quaedam quidem in honorem quaedam autem in contumeliam

16. Fuyez les entretiens vains et profanes; car ils contribuent beaucoup à inspirer l’impiété;

17. Et les discours qu’y tiennent certaines gens sont comme une gangrène qui répand insensiblement sa corruption. De ce nombre sont Hyménée et Philète,

18. Qui se sont écartés de la vérité, en disant que la résurrection est déjà arrivée, et qui ont renversé la foi de quelques-uns.

19. Mais le fondement de Dieu demeure ferme, ayant pour sceau cette parole : Le Seigneur connaît ceux qui sont à lui; et que quiconque invoque le nom du Seigneur s’éloigne de l’iniquité.

20. Or dans une grande maison il n’y a pas seulement des vases d’or et d’argent, mais il y en a aussi de bois et de terre, et les uns sont pour des usages honnêtes, les autres pour des usages honteux.

[87906] Super II Tim., cap. 2 l. 3 Supra instruxit Timotheum, ostendens modum generalem quo infidelibus est resistendum, hic ostendit in speciali quibus sit resistendum. Et primo ostendit quibus est resistendum; secundo quare, ibi multum enim; tertio quomodo, ibi iuvenilia.

Dicit ergo profana et vaniloquia devita. Ubi ostendit duo esse vitanda, scilicet profana et vaniloquia, et referuntur ad idem, vel ad diversa. Nam profana dicuntur quasi procul a fano, scilicet cultu divino, et haec sunt documenta haeresum; et haec vitanda, ideo dicit devita profana. Potest etiam dici, quod haec profana sunt, quae fidei repugnant, sed vaniloquia fabulosa. Ps. XI, 3 : vana locuti sunt unusquisque ad proximum suum.

Deinde cum dicit multum enim, ostendit quare haec sunt vitanda, et hoc dupliciter. Primo ex nocumento quod inferunt; secundo ex fructu vitationis, ibi si quis.

Circa primum duo facit, quia primo ostendit quomodo noceant ad fidei subversionem; secundo quomodo non possunt totaliter fidem subvertere, ibi sed firmum.

Item, primo ponit documentum; secundo subdit similitudinem, ibi et sermo; tertio exemplum, ibi ex quibus est.

Dicit ergo. Haec sunt vitanda, quae impediunt pietatem, quae cultus Dei dicitur. Unde doctrina fidei est doctrina pietatis. Impietas vero est doctrina contra fidem; unde dicit multum enim proficiunt ad impietatem, id est, perducunt ad errorem sive ad erroneam doctrinam.

Sed hic profectus est in malis abusive. Infra III, 13 : mali homines et seductores proficiunt in peius, errantes et in errorem mittentes alios.

Deinde ponit eorum similitudinem, dicens sermo. Haeretici enim dicunt a principio quaedam vera et utilia, sed cum audiuntur, immiscent quaedam, quae evomunt, mortifera. Et ideo dicit sermo eorum, et cetera. Eccli. XI, 34 : a scintilla una augetur ignis, et ab uno doloso augetur sanguis.

Deinde cum dicit ex quibus, ponit ad hoc exemplum. Hi enim duo, fidem suo tempore corrumpebant. A quibus quidam errantes conversi sunt in vaniloquium, et cetera. De Phileto dicitur supra I, 15 : aversi sunt a me omnes, qui sunt in Asia, ex quibus est Philetus et Hermogenes. De Hymenaeo autem habetur I Tim. I, 20 : ex quibus est Hymenaeus. Et dicit exciderunt. I Io. II, 19 : a nobis exierunt.

Et hoc aggravat, quia II Petr. II, 21 : melius enim erat eis non cognoscere viam iustitiae, quam post agnitionem retrorsum converti. Errabant autem dicentes resurrectionem iam factam esse. De qua Matth. XXVII, 52 : multa corpora sanctorum, qui dormierant, resurrexerunt.

Et dicebant, quod non est alia resurrectio expectanda, sed tunc surrexerunt. Alio modo et melius, quod sicut est duplex mors, ita duplex est resurrectio, scilicet animae et corporis. De resurrectione animae habetur Apoc. XX, 6 : beatus et sanctus, qui habet partem in resurrectione prima.

Dicebant ergo, quod omnia, quae dicuntur in Scripturis, erant referenda ad resurrectionem animarum quae iam facta est. Col. III, 1 : si consurrexistis cum Christo, quae sursum sunt quaerite.

Et hic error est etiam hodie apud haereticos, et per istum subvertunt quosdam. Et congrue dicit et subverterunt quorumdam fidem, quia destruunt fundamentum fidei. Act. XIII, 10 : o plene omni dolo et omni fallacia, fili Diaboli, et inimice omnis iustitiae, non desinis subvertere vias domini rectas.

Deinde cum dicit sed firmum, ostendit quomodo per haereses fides non est totaliter subvertenda. Et primo quod per doctrinas haereticas non potest tota Ecclesiae fides corrumpi; secundo ostendit quare Deus permittit aliquos errare, ibi in magna autem.

Item, primo ostendit immobilitatem fidei electorum; secundo addit demonstrationem, ibi habens. Dicit ergo : subvertunt, sed firmum fundamentum Dei stat.

Haec enim fundamenta sunt illa, quibus datur gratia immobiliter standi. Matth. VII, 25 : fundata enim erat supra firmam petram. Firmum, quia immobile. Unde praemittitur ibi Matth. VII, v. 25, quod venerunt flumina et flaverunt venti, et irruerunt in domum illam, et non cecidit.

Huius firmitas dependet primo ex divina praedestinatione; secundo ex libero arbitrio nostro. Et ideo quantum ad primum dicit : hoc firmum fundamentum, habens hoc signaculum, id est, hoc est signum huius firmitatis. Io. III, 33 : qui autem acceperit testimonium eius, signavit, quia Deus verax est. Haec est prima pars signaculi, scilicet ex divina praedestinatione, quia novit dominus, qui sunt eius. Et haec est notitia divinae praedestinationis. Io. X, 14 : ego cognosco oves meas, et alias oves habeo, quae non sunt ex hoc ovili. Matth. VII, 23 : non novi vos.

Sed quantum ad secundum dicit discedat ab iniquitate omnis, qui invocat. Quasi dicat : si praedestinati sunt a Deo, quod per liberum arbitrium salvabuntur, quia ex hoc, quod aliquis finaliter non adhaeret peccato, ostendit se esse praedestinatum. Et ponit duo, quae pertinent ad ordinationem in statu salutis. Primum, quod confiteatur fidem, ideo dicit omnis qui, et cetera. Rom. X, v. 10 : ore autem confessio fit ad salutem.

Secundum, quod recedat a peccato. Matth. c. VII, 21 : non omnis qui dicit mihi : domine, domine, intrabit in regnum caelorum, et cetera. Et ideo dicit discedat, et cetera. Is. LV, 7 : derelinquat impius viam suam, et cetera. Quod vero dicit invocat nomen, non intelligit, quod solum nominet ore, sed interius per fidem, et extra per opus.

Deinde cum dicit in magna, ponit rationem quare Deus permittit aliquos errare, licet omnes diligat. Dupliciter autem potest hoc intelligi, quia vel in generali, vel in speciali ad hunc, vel illum. Si enim quaeras in singulari, quare dat huic donum perseverantiae, et non illi, non habet rationem nisi solam Dei voluntatem. Augustinus : quare hunc trahat, et illum non trahat, noli velle iudicare, si non vis errare, et cetera. Sed si quaeras in generali quare quibusdam dat, et quibusdam non, habet rationem, quam assignat apostolus Rom. IX, 16. Et est eadem ratio cum ista, licet per alia exempla. Ideo enim dicit : sustinuit in multa patientia, et cetera.

Secundum enim quod omnia opera, quae Deus facit in natura et gratia, sunt facta ad manifestandum gloriam Dei. Eccli. XLII, 16 : gloria domini plenum est opus eius, sic etiam fecit diversas creaturas, ut perfectio divinae bonitatis, quae non potest manifestari per unam, sufficienter manifestetur per aliam.

Ita etiam considerandum est de uno artifice : in domo una est una fenestra, quae est altera pulchrior. Si quis ergo quaerat quare non tota domus est fenestra, ratio est quia tota domus esset imperfecta.

Similiter dicit apostolus I Cor. XII, v. 17 : si totum corpus esset oculus, ubi auditus ? Sic ergo dicit apostolus in effectu gratiae, quia oportuit quod Deus manifestaret iustitiam et misericordiam. Si enim omnes salvaret, esset solum eius misericordia; si omnes damnaret, solum esset iustitia. Et ideo Deus volens manifestare iram, id est, iustitiam, et cetera. Et similis est ratio de perfectione Ecclesiae, quam oportebat esse perfectam, quod non esset in ea diversitas.

In qua est triplex diversitas, scilicet bonorum et malorum, bonorum et meliorum, malorum et peiorum. Et hanc assignans dicit in magna autem domo, id est, Ecclesia Bar. III, 24 : o Israel, quam magna est domus Dei, et ingens locus possessionis eius non solum sunt vasa aurea, etc., ubi aurea et argentea distinguuntur a fictilibus; item argentea ab aureis; item fictilia a ligneis.

In primo comparatio bonorum et malorum innuitur; in secundo comparatio bonorum et meliorum; in tertio malorum et peiorum. Nam aurea et argentea sunt boni; sed aurea meliores, argentea minus boni.

Similiter lignea et fictilia sunt mali; sed fictilia sunt peiores, lignea vero minus mali.

Consequenter designat diversitatem quantum ad usum, ut boni sint vasa in honorem, sicut deputati ad honorabilem usum; mali vero sint vasa fictilia et lignea, quasi deputati in contumeliam, id est, ad vilem usum. Sicut enim in hominibus quidam, scilicet sancti, quasi vasa pretiosa. Eccli. l, 10 : vas auri solidum, et cetera. Act. IX, 15 : vas electionis est mihi iste, et cetera. Quidam vero sicut vasa inutilia, scilicet mali. Is. XXXII, 7 : fraudulenti vasa pessima sunt. Eccli. XXI, 17 : cor fatui quasi vas confractum.

Prima vasa sunt in honorem, quibus debetur vita aeterna. Rom. II, 7 : his quidem qui secundum patientiam boni operis gloriam et honorem et incorruptionem quaerentibus vitam aeternam. Secunda vasa sunt in contumeliam. I Reg. c. II, 30 : qui autem contemnunt me erunt ignobiles.

Et praedicta diversitas potest aliter applicari ad diversitatem Ecclesiae, ut vasa aurea sint praelati, argentea vero, et lignea, et fictilia tenentes inferiorem gradum, inter quos est quidam gradus. Et quod subdit quaedam in honorem, etc., non est tunc intelligendum quod vasa aurea et argentea omnia sint in honorem, et fictilia in contumeliam, quia de quocumque statu quidam salvantur, et quidam damnantur.

 

Paul, dans ce qui précède, a instruit Timothée de la manière de résister en général aux infidèles; il indique ici, en particulier, à quoi il faut résister. C’est ce qu’il dit d’abord; ensuite il dit pourquoi (verset 16) : "Car ils contribuent beaucoup [à inspirer l’impiété]; enfin il explique comment (verset 22) : "[Fuyez] les vains désirs",

Il dit donc (verset 16) : "Fuyez les entretiens vains et profanes," montrant qu’il y a deux choses à éviter, à savoir, les entretiens vains et les entretiens profanes, ce qui revient au même, ou peut être entendu diversement. Profane signifie loin du temple, c’est-à-dire éloigné du culte divin. Tels sont les enseignements des hérétiques; il faut les éviter. C’est pourquoi l’Apôtre dit : "Fuyez les entretiens profanes." On peut dire aussi que ces entretiens profanes sont ceux qui répugnent à la foi, et les entretiens vains, ceux qui tiennent de la fable (Psaume XI, 3) : "Chacun ne dit que des choses vaines à son prochain."

II° Quand il ajoute (verset 16) : "Car ils contribuent beaucoup [à inspirer l’impiété]," il fait voir que ces entretiens sont à éviter. Il en donne deux raisons. La première est le mal qu’ils font; la seconde le profit qu’il y a à les éviter (verset 21) : "Si quelqu’un donc [se garde pur], etc." Sur la première partie, l’Apôtre explique I. comment ils nuisent en conduisant à la ruine de la foi; II. il montre qu’ils ne peuvent détruire entièrement la foi (verset 17) : "Mais [le fondement de Dieu] demeure stable, etc."

I. Dans la première subdivision, d’abord il donne une règle; en suite il y joint une analogie (verset 17) : "Et les discours [qu’y tiennent certaines gens], etc.; "enfin, un exemple (verset 47) : "De ce nombre sont [Hyménée], etc."

Il dit donc : Il faut éviter ce qui met obstacle à la piété, qui est appelée le culte de Dieu. C’est pour cela que la doctrine de la foi est la doctrine de la piété; au contraire l’impiété est la doctrine contre la foi. Aussi Paul dit (verset 16) : "Car ils contribuent beaucoup à inspirer l’impiété," c’est-à-dire, ils conduisent à l’erreur, ou à une doctrine qui n’est pas vraie. Ce progrès dans le mal, de la part du méchant, c’est l’abus (ci-après, III, 3) : "Les hommes méchants et les imposteurs se fortifient de plus en plus dans le mal, étant dans l’erreur et y faisant tomber les autres"

L’Apôtre apporte ensuite une analogie, qui les dépeint (verset 17) : "Et les discours [qu’ils y tiennent], etc." Car les hérétiques, à leur début, disent quelques vérités utiles, et lorsqu’on leur a prêté l’oreille, ils mêlent à leurs discours des poisons qui donnent la mort. Il dit donc (verset 17) : « Et les discours qu’ils y tiennent [sont comme une gangrène] » ; (Ecclésiastique XI, 34) : "Une étincelle seule allume un grand feu, ainsi le trompeur multiplie les meurtres "

Lorsqu’il dit (verset 17) : "De ce nombre [sont Hyménée et Philète[1]]," il cite un exemple, qui illustre son sujet. En effet, de son temps, ces deux hommes corrompaient la foi ; [(I Timothée I, 6)] : "Quelques-uns s’en écartant (de la foi) se sont égarés en de vains bavardages." Il est dit de Philète, plus haut (II Timothée I, 15) : "tous ceux qui sont en Asie se sont éloignés de moi; Philète et Hermogène sont de ce nombre;" d’Hyménée il est question dans (I Timothée I, 20) : "De ce nombre sont Hyménée, etc." L’Apôtre dit (verset 18) : "Ils se sont écartés [de la vérité]," ; (I Jean, II, 49) : "Ils sont sortis du milieu de nous," C’est ce qui aggrave leur faute, car (II Pierre, II, 21) : "Il leur eût été meilleur de n’avoir pas connu la voie de la justice, que de retourner en arrière après l’avoir connue." Leur erreur consistait à dire que la résurrection était déjà arrivée. De cette première résurrection, il est dit (Mt XXVII, 52) : "Et plusieurs corps des saints, qui étaient dans le sommeil, ressuscitèrent." Les novateurs disaient qu’il n’y a pas d’autre résurrection à attendre, et qu’elle avait eu lieu alors. On explique autrement et mieux, en disant que de même qu’il y a une double mort, il y aussi une double résurrection, à savoir, celle de l’âme et celle du corps. De la première il est dit dans l’Apocalypse (XX, 6) : "Heureux et saint est celui qui a part à la première résurrection." Les novateurs disaient donc, que tout ce qu’on lit dans la sainte Ecriture, devait se rapporter à la résurrection des âmes, qui est déjà faite (Coloss., III, 1) : "Si donc vous êtes ressuscités avec Jésus-Christ, recherchez ce qui est dans le ciel, etc." Or, cette erreur a cours encore aujourd’hui parmi les hérétiques, et par elle ils renversent la foi de quelques-uns. L’Apôtre dit donc avec juste raison (verset 18) : "Et ils ont renversé la foi de quelques-uns," parce qu’ils détruisent le fondement de la foi (Actes X, 10) : "Homme plein de toutes sortes de tromperies et de malices, fils de Satan, ennemi de toute justice, ne cesserez-vous jamais de pervertir les voies droites du Seigneur ?"

II. Quand il dit ensuite (verset 19) : "Mais [le fondement de Dieu] demeure ferme," Paul établit que la foi ne peut être totalement détruite par les hérésies; et d’abord que les doctrines hérétiques ne peuvent pas corrompre la foi de l’Eglise toute entière ; ensuite il explique pourquoi Dieu permet que quelques-uns tombent dans l’erreur (verset 20) : "Or, dans une grande maison, etc."

Il montre donc premièrement, la stabilité de la foi dans les élus ; secondement, il en apporte la démonstration (verset 19) : "Ayant [pour secours cette parole], etc." Il dit donc (verset 18) : "Ils renversent [la foi de quelques-uns], (verset 19) mais le fondement de Dieu demeure ferme." Ces fondements sont ceux-là seulement à qui est donnée la grâce de demeurer inébranlables (Matthieu VII, 25) : "La maison était fondée sur une pierre solide." Le fondement est "solide," parce qu’il est immobile, c’est pourquoi il est dit auparavant (Mt VII, 25) : "Les fleuves ont débordé et les vents ont soufflé, et ils sont venus fondre sur cette maison, et elle n'a pas été renversée."

1. Or cette stabilité dépend premièrement de la divine prédestination; en second lieu de notre libre arbitre. L’Apôtre dit donc quant à la prédestination : Ce fondement stable « a pour sceau cette parole : etc…" c’est-à-dire, tel est le sceau de cette stabilité ; (Jean, III, 33) : "Celui qui reçoit son témoignage atteste que Dieu est véritable." Telle est la première partie du sceau, c’est-à-dire celle qui est tirée de la prédestination divine, c’est que (verset 19) : "Le Seigneur connaît ceux qui sont à lui." En effet, telle est la marque de cette prédestination ; (Jean, X, 14) : "Je connais mes brebis;" et : "J’ai encore d’autres brebis qui ne sont pas de cette bergerie;" (Matthieu VII, 23) : "Je ne vous ai jamais connus."

Du libre arbitre l’Apôtre dit (verset 46) : "Que quiconque invoque [le nom de Jésus-Christ], s’éloigne de l’iniquité;" comme s’il disait : S’ils sont prédestinés de Dieu, ils seront sauvés par le libre arbitre, car celui qui au dernier terme n’adhère pas au péché, fait voir par là qu’il est prédestiné. Paul indique ici deux conditions obligatoires pour le salut. D’abord confesser la foi (verset 19) : "Quiconque invoque [le nom du Seigneur]" ; (Rom., X, 10) : "C’est de la bouche que se fait la confession de la foi, afin d’obtenir le salut;" ensuite s’éloigner du péché (Mt VII, 21) : "Tous ceux qui me disent : Seigneur, Seigneur, n’entreront pas dans le royaume des cieux, etc…." C’est pourquoi Paul dit (verset 19) : "Doit s’éloigner [de l’iniquité]. (Isaïe LV, 7) : "Que l’impie quitte sa voie, etc…". Que s’il dit : "Invoque le nom du Seigneur," il n’entend pas que cette invocation soit seulement de bouche, mais qu’elle se fasse intérieurement par la foi et extérieurement par les oeuvres.

Quand l’Apôtre ajoute (verset 20) : "Or, dans une grande maison, etc…" il explique pourquoi Dieu permet que quelques-uns tombent dans l’erreur, bien qu’il aime également tous les hommes. Or ceci peut s’entendre de deux manières, en général ou en particulier, à l’égard de tel ou tel. Si donc vous cherchez à savoir en particulier pourquoi Dieu accorde le don de la persévérance à celui-ci, et non pas à cet autre, il n’y a pas d’autre raison que la seule volonté de Dieu. « N’essayez pas de savoir, dit Augustin, pourquoi Dieu attire celui-ci et n’attire pas celui-là, si vous ne voulez pas vous égarer. » Que si vous demandez seulement d’une manière générale pour quoi il donne aux uns, et ne donne pas aux autres, la raison se trouve dans l’Epître aux Romains (IX, 16). C’est, en effet, la même raison que celle qui vient d’être donnée ici, bien que par d’autres exemples, car l’Apôtre ajoute (verset 22) "…Dieu avec une patience extrême, etc." En effet, toutes les oeuvres que Dieu a faites dans la nature et dans la grâce, sont faites pour manifester sa gloire ; (Ecclésiastique XLII, 16) : "Les œuvres du Seigneur sont remplies de sa gloire." Il a fait aussi les diverses créatures, afin que la perfection de la divine bonté, qui ne peut être manifestée par l’une, le fût suffisamment par l’autre. Ainsi peut-on remarquer dans l’oeuvre d’un unique architecte que, dans une même maison, telle ou telle fenêtre est plus ornée que telle autre; si l’on demande pourquoi toute la maison n’est pas fenêtre, le bon sens répond que toute la maison serait imparfaite. Paul dit semblablement (I Corinth. XII, 17) : "Si tout le corps était oeil, où serait l’ouïe ?" De même donc, dit l’Apôtre, en ce qui concerne les effets de la grâce, il a fallu que Dieu manifestât sa justice et sa miséricorde. S’il eût sauvé tous les hommes, il n’eût été que miséricordieux; s’il les eût tous condamnés, il n’eût été que juste. Dieu donc voulant montrer sa colère, c’est-à-dire sa justice, souffre, etc. Une raison analogue explique l’heureuse ordonnance de l’Eglise qui devait être parfaite, et qui n’eût pas été telle, s’il n’y avait eu en elle de la diversité. Cette diversité en elle, est triple, à savoir, celle des bons et des méchants; celle des bons et de ceux qui sont meilleurs; celle de ceux qui sont meilleurs et de ceux qui sont pires. L’Apôtre assignant cette diversité, dit donc (verset 20) : "Or, dans une grande maison, etc…" c’est-à-dire dans l’Eglise (Baruch, III, 24) : "O Israël, que la maison du Seigneur est grande ! Et combien est étendu le lieu qu’il possède !", "Il n’y a pas seulement des vases d’or, etc." L’Apôtre distingue les vases d’or et d’argent des vases de terre, les vases d’argent des vases d’or et les vases de terre des vases de bois. Dans le premier membre de phrase, Paul fait entrevoir la comparaison entre les bons et les méchants; dans le second, celle des bons et des meilleurs; dans le troisième, celle des parfaits et des pires, car les vases d’or et d’argent représentent les bons, mais les vases d’or représentent ceux qui sont meilleurs, et les vases d’argent les moins bons. De même, les vases de bois et de terre figurent les méchants, mais les vases de terre figurent ceux qui sont pires, et les vases de bois ceux qui sont moins mauvais. Saint Paul indique ensuite la diversité par rapport à l’usage; il montre que les bons sont réservés à l’honneur, c’est-à-dire à un usage honorable, et les mauvais, vases de terre et de bois, sont réservés à l’ignominie, c’est-à-dire, à un usage peu honorable. C’est ainsi que parmi les hommes, quelques-uns, à savoir, les saints, sont comme des vases précieux (Ecclésiastique, I, 10) : "Comme un vase d’or massif," ; (Actes IX, 15) : "Cet homme est pour moi un vase d’élection, etc.;" quelques autres, comme des vases inutiles, à savoir, les méchants ; (Isaïe, XXXII, 7) : "Les armes du trompeur sont pleines de malice;" (Ecclésiastique, XXI, 17) : "Le coeur de l’insensé est comme un vase rompu." Les premiers sont des vases d’honneur, auxquels est due la vie éternelle (Rom., II, 7) : "[Il rendra à chacun selon ses œuvres], la vie éternelle à ceux qui, par leur patience dans les bonnes oeuvres, cherchent la gloire, l’honneur et l’immortalité." Les seconds sont des vases d’ignominie (I Rois, II, 30) : "Ceux qui me méprisent, tomberont dans le mépris." Cette diversité que nous venons d’expliquer peut encore s’appliquer aux divers ministères de l’Eglise : ainsi les vases d’or sont les supérieurs; les vases d’argent, de bois et de terre indiquent ceux qui occupent les rangs inférieurs, dans lesquels il y a certains degrés. Ce qu’ajoute Paul (verset 20) : "Les uns sont pour des usages honnêtes,…" ne doit pas s’entendre dans ce sens que les vases d’or et d’argent soient tous réservés à l’honneur, et tous les vases de terre à l’ignominie; car dans tout état il y aura des élus et des damnés.

 

 

Lectio 4

Leçon 4 — 2 Timothée II, 21-26 et dernier : Les discours profanes

 

SOMMAIRE : L’Apôtre enseigne qu’il faut éviter les discours profanes, à raison des mauvais fruits qui en proviennent. Il indique à Timothée ce qu’il doit suivre.

[21] si quis ergo emundaverit se ab istis erit vas in honorem sanctificatum et utile Domino ad omne opus bonum paratum

[22] iuvenilia autem desideria fuge sectare vero iustitiam fidem caritatem pacem cum his qui invocant Dominum de corde puro

[23] stultas autem et sine disciplina quaestiones devita sciens quia generant lites

[24] servum autem Domini non oportet litigare sed mansuetum esse ad omnes docibilem patientem

[25] cum modestia corripientem eos qui resistunt nequando det illis Deus paenitentiam ad cognoscendam veritatem

[26] et resipiscant a diaboli laqueis a quo capti tenentur ad ipsius voluntatem

 

21. Si quelqu’un donc se garde pur de ces choses, il sera un vase d’honneur, sanctifié et propre au service du Seigneur, préparé pour toutes sortes de bonnes oeuvres.

22. Fuyez les désirs des jeunes gens, et suivez la justice, la foi, la charité et la paix avec ceux qui invoquent le Seigneur d’un coeur pur.

23. Quant aux questions impertinentes et inutiles, évitez-les, sachant qu’elles sont une source de contestations.

24. Or il ne faut pas que le serviteur du Seigneur s’amuse à contester; mais il doit être modelé envers tout le monde, capable d’instruire, patient :

25. il doit reprendre avec douceur ceux qui résistent à la vérité, dans l’espérance que Dieu pourra leur donner un jour l’esprit de pénitence, pour la leur faire connaître,

26. Et qu’ainsi revenant de leur égarement, ils sortiront des piéges du diable, qui tes tient captifs pour en faire ce qu’il lui plait.

[87907] Super II Tim., cap. 2 l. 4 Supra ostendit quod profana sint vitanda per rationem sumptam ex nocumento, hic ostendit idem per rationem sumptam ex fructu. Et primo proponit vitationem; secundo eius fructum, ibi erit vas.

Nam vitationem vocat emundationem. Dicit ergo : quaedam sunt vasa in contumeliam, ergo si quis emundaverit se ab istis, quia eorum consortia inquinant. Eccli. c. XIII, 1 : qui tetigerit picem, inquinabitur ab ea. Et ideo fugiendi sunt. II Cor. IX : exite de medio et separamini, dicit dominus, et immundum ne tetigeritis, et cetera.

Fructus autem sequens est quadruplex. Primus est ex ordine ad gloriam, quia erit vas in honorem, quia si sordidetur ab illis, erit in contumeliam; si emundat se, in honorem. Ps. CXXXVIII, 17 : nimis honorati sunt amici, et cetera. Prov. XXV, 4 : aufer rubiginem de argento, et egredietur vas purissimum.

Alii effectus sunt gratiae, quorum primus est hominis sanctificatio; secundus est hominis ordinatio per rectam intentionem; tertius per operis executionem.

Quantum ergo ad primum dicit sanctificatum. I Cor. VI, 11 : abluti estis, sanctificati estis. Sed quantum ad secundum dicit utile domino. Sed numquid indiget servitio nostro ? Non. Ps. XV, v. 2 : bonorum meorum non indiges.

Sed dicit utile domino, id est, utilitas sua cedet ad honorem domini. Act. IX, 15 : ut portet nomen meum coram gentibus, et regibus, et filiis Israel.

Quantum ad tertium dicit ad omne opus bonum paratum. Ps. CXVIII, 60 : paratus sum, et non sum turbatus. Et dicit ad omne bonum, quia praecepta affirmativa non obligant ad semper. Et ideo debet esse paratus, ut quando necesse est operetur.

Deinde cum dicit iuvenilia, ostendit qualiter profana sunt vitanda. Et ponit duo vitanda : primum est conversatio prava; secundum est doctrina mala, ibi stultas autem.

Circa primum duo facit, quia primo ostendit quid sit vitandum; secundo quid sit sequendum, ibi sectare.

Dicit ergo : dico quod debes vitare haec, ut sis vas emundatum; ideo iuvenilia, et cetera. Considerandum est quod dicit hoc, quia iste iuvenis erat. Et haec sunt desideria vanitatum exteriorum, et carnalium voluptatum. Naturale est iuvenibus quod haec desiderent.

Eccle. XI, 10 : adolescentia et voluptas vana sunt. Cuius est duplex ratio. Una, quia non sunt alia experti; secunda, quia huiusmodi delectationes naturales sunt ordinatae ut medicina contra labores. Natura vero in iuvenibus laborat, et ideo inclinantur ad eas.

Deinde cum dicit sectare vero iustitiam, fidem, spem, charitatem et pacem, ostendit quae sunt sectanda. Et sunt quatuor, quorum primum ordinat ad subditos, et haec est iustitia, quia princeps est custos iustitiae. Prov. XX, 8 : rex qui sedet in solio iudicii, dissipat omne malum intuitu suo.

Secundum ordinat ad eum, et haec est fides, sine qua impossibile est placere Deo, Hebr. XI, 6.

Tertium est spes. Quartum ordinat ad proximum unumquemque, scilicet charitas et pax, quae se extendit ad inimicos. I Cor. XIII, 2 : si habuero fidem, ita ut montes transferam, charitatem autem non habuero, nihil sum.

Ex charitate sequitur gaudium. Pax autem importat ordinatam concordiam. Quod autem subdit cum his qui invocant, etc., uno modo exponi potest referendo ad immediate dictum; quasi dicat : sequimini pacem cum his, et cetera. Quod autem dicit de corde puro, ponitur, quia non est speciosa laus, et cetera.

Sed Hebr. XII, 14, dicitur : pacem sequimini cum omnibus. Quare ergo dicitur hic cum his qui invocant dominum de corde puro ? Respondeo. Dicendum est, quod quantum in nobis est, debemus habere pacem cum omnibus, si fieri potest; sed non potest esse pax inter bonos et malos, quia pax dicit concordiam, quae non potest haberi cum malis. Alio modo legitur cum his, etc., ut referatur ad totum praecedens; quasi dicat : ita sectare iustitiam, pacem, et omnia, sicut et illi qui invocant, et cetera.

Deinde cum dicit stultas autem, hortatur ad vitandum doctrinam malam. Et primo docet, quid sit vitandum; secundo quid sit sectandum, ibi sed mansuetum.

Circa primum duo facit; quia primo proponit documentum; secundo rationem assignat, ibi sciens quia. Vitandae sunt quaestiones stultae, quantum ad materiam, quia sunt de stultis, id est, de his, quae contrariantur sapientiae, id est, de his, quae sunt contra divinam sapientiam. Has non debet homo movere, sed eis resistere. Ier. X, 14 : stultus factus est omnis homo a scientia sua.

Dicit autem sine disciplina, quantum ad modum, quia clamosae sunt. Vel sine disciplina ex parte eorum de quibus dubitatur, ut puta si vertat in dubium id quod tota Ecclesia tenet. Iob XXXIV, 35 : Iob autem stulte locutus est, et verba eius non sonant disciplinam.

Quaestiones autem intantum sunt amandae, inquantum ducunt ad veritatem : per hoc quod oportet quod omnes unum dicant. Quaestiones autem stultae non ducunt ad veritatem, sed ad litem, quae est vitanda. Is. LVIII, v. 4 : ecce ad lites et contentiones ieiunatis, et cetera. Et ideo dicit servum autem domini, id est eum qui se dat servitio domini, non oportet litigare. I Tim. III, 3 : non litigiosum.

Deinde cum dicit sed mansuetum, ostendit quid sit sectandum. Et primo ponit documentum; secundo rationem, ibi ne quando det.

Item prima in duas, quia primo proponit quoddam generale ad omnes; secundo quaedam necessaria ad singulos, ibi docibilem.

Generale quod debet habere qui vult disputare, est quod sit mansuetus. Ps. XXIV, 9 : docebit mites vias suas. Est enim mansuetudo virtus compescens ab ira, quae perturbat iudicium rationis, quae necessaria est in quaestione et iudicio veritatis. Matth. c. XI, 29 : discite a me, quia mitis sum et humilis corde.

In speciali autem debet habere respectu superiorum docilitatem; respectu persecutorum, patientiam; respectu falsorum doctorum, correctionem.

Quantum ad primum dicit docibilem, id est, paratum corrigi a quocumque. Et haec est sapientia caelestis. Iac. III, 17 : quae autem desursum est sapientia, primum quidem pudica est : deinde autem pacifica, modesta, suadibilis, et cetera.

Quantum ad secundum dicit patientem. Ps. XCI, 15 : bene patientes erunt ut annuntient. Prov. XIX, 11 : doctrina viri per patientiam noscitur.

Quantum ad tertium dicit cum modestia corripientem, quia correctio debet esse modesta. Gal. VI, v. 1 : vos qui spirituales estis, huiusmodi instruite in spiritu lenitatis, et cetera.

Deinde cum dicit nequando, assignat rationem vitationis, et respondet cuidam tacitae quaestioni. Posset enim aliquis dicere : isti resistunt veritati, et ideo imminet necessitas corrigendi. Respondeo quod Deus pater eos potest reducere ad poenitentiam, et ad hoc debet iustus niti. Et primo praemittit poenitentiam, quam debet intendere contra adversarios; secundo poenitentiae fructus; tertio poenitentiae necessitatem.

Dicit ergo nequando, id est, ut Deus aliquando det eis poenitentiam, quia ex superbia resistunt, quibus difficile videtur dari poenitentia.

Hic excluditur error Pelagii qui dicit dona gratiae esse ex operibus nostris, quod per hoc patet esse falsum, quia etiam principium bonorum, scilicet poenitentia, datur a Deo. Thren. V, 21 : converte nos, domine, ad te, et convertemur. Prov. XIX : a timore tuo concepimus. Fructus vero poenitentiae duplex est, scilicet cognitio veritatis, et liberatio a potestate Diaboli.

Quantum ad primum dicit ad cognoscendam veritatem, quia quando ex malitia resistitur veritati, ipsa malitia sua excaecat eos; quando ergo malitia aufertur, cognoscunt veritatem. Io. VIII, 32 : et cognoscetis veritatem.

Quantum ad secundum dicit et resipiscant a Diaboli laqueis, id est, ab occasionibus errorum ex parte intellectus, sicut falsae phantasiae, et ex parte affectus, sicut sunt invidia, superbia, et huiusmodi.

Necessitas autem poenitentiae est magna, quam nisi habeant, Diabolus dominatur eis. Unde dicit a quo captivi tenentur, quia qui facit peccatum servus est peccati, Io. VIII, 34.

Et dicit ad ipsius voluntatem, scilicet sectandam. Vel ut de homine faciat voluntatem suam.

Sed contra, non statim praecipitat sicut vellet. Dicendum est, quod solum adipiscitur quantum permittitur sibi; sed difficile est quod ei auferatur id quod tenet. Is. XLIX, 24 : numquid tolletur a forti praeda, aut quod captum fuerit a robusto salvum esse poterit ?

Après voir établi plus haut qu’il faut éviter les entretiens profanes, par une raison prise du mal qu’ils peuvent faire, Paul apporte une seconde preuve, prise de l’avantage qu’on trouve à les fuir. Et d’abord il expose la nécessité de les éviter; ensuite l’avantage qu’on y trouve (verset 21) : "Il sera comme un vase d’honneur, etc."

I. Appelant donc « purification » le fait d’éviter ces sortes de discours, il dit (verset 21) : "Certains sont pour un usage honteux. Donc si quelqu’un s’est gardé pur de ces entretiens," parce qu’on se souille à leur contact (Ecclésiastique XIII, 1) : "Celui qui touche de la poix en sera gâté," et qu’on doit par conséquent les fuir ; (2 Co VI, 17) : "Sortez du milieu de ces personnes, dit le Seigneur, séparez-vous d’eux et ne touchez pas à ce qui est impur, etc."

II. L’avantage qu’on trouve à fuir est de quatre sortes. Le premier dans l’ordre de la gloire (verset 21) : "Car il sera un vase d’honneur," parce que s’il se souille au contact des autres, il de viendra un vase d’ignominie; s’il se garde pur, un vase d’honneur (Psaume CXXXVIII, 17) : "Vous avez honoré sans mesure, ô mon Dieu, ceux qui sont vos amis, etc.;" Prov., XXV, 4) : "Otez la rouille de l’argent, et il s’en formera un vase très pur." Les autres effets appartiennent à la gloire. Le premier est la sanctification de l’homme; le second, sa direction légitime par la rectitude de l’intention; le troisième, par l’accomplissement des œuvres. Du premier de ces effets, l’Apôtre dit (verset 21) : "Un vase sanctifié" (1 Co VI, 11) : "Vous avez été lavés, vous avez été sanctifiés." Du second (verset 21) : "Propre au service du Seigneur." Dieu aurait-il donc besoin de notre service ? Nullement (Psaume XV, 2) : "J’ai dit au Seigneur : vous êtes mon Dieu, et vous n’avez aucun besoin de mes biens." Paul dit : "Propre au service du Seigneur," parce que ce qu’il y a d’utilité en lui doit doit céder devant à la gloire du Seigneur ; (Actes IX, 15) : "[Je l’ai choisi] pour porter mon nom devant les Gentils, devant les rois et devant les enfants d’Israël." Du troisième (verset 24) : "Préparé pour toutes sortes de bonnes oeuvres" ; (Psaume CXVIII, 60) : "Je suis prêt, Seigneur, et je ne suis pas troublé." L’Apôtre dit : "Pour toutes sortes de bonnes oeuvres", parce que les préceptes affirmatifs n’obligent pas toujours. Par conséquent il faut être prêt, afin de pratiquer les bonnes oeuvres, quand cela devient nécessaire.

II° Quand Paul ajoute (verset 22) : "[Fuyez donc] les désirs des jeunes gens," il explique de quelle manière les choses profanes doivent être évitées. Il en spécifie deux : la première, c’est la mauvaise vie; la seconde, la mauvaise doctrine (verset 23) : "Quant aux questions impertinentes, etc."

I. Sur la première partie, il établit ce qu’il faut éviter; ensuite ce qu’il faut imiter (verset 22) : "Suivez la justice, etc."

Il dit donc : j’ai signalé ce que vous devez éviter, afin d’être un vase sanctifié. "Fuyez donc [les désirs des jeunes gens]." Il est à remarquer que l’apôtre parle ainsi, parce que Timothée était jeune encore. Ces désirs qu’il réprouve sont les désirs des vanités extérieures et des voluptés charnelles, car il est dans la nature des jeunes gens de se laisser aller à de semblables désirs (Ecclésiaste, XI, 10) : "La jeunesse et le plaisir ne sont que vanité." Il y a à cela une double raison : la première, que les jeunes gens n’ont pas d’expérience; la seconde, que ces sortes de délectations sont comme une sorte de médicament contre les peines. Or, la nature est en travail dans les jeunes gens, voilà pourquoi ils recherchent ces délectations sensuelles.

Quand il dit (verset 22) : "Suivez plutôt la justice, la foi, la chasteté et la paix," Paul indique les vertus qu’il faut pratiquer. Or, ces vertus sont au nombre de quatre. La première règle nos rapports envers ceux qui sont au-dessous de nous, c’est la justice, dont les puissants sont les gardiens (Proverbes, XX, 8) : "Le roi, qui est assis sur son trône pour rendre la justice, dissipe le mal par son seul regard." La seconde règle nos rapports avec Dieu[2], c’est la foi," sans laquelle il est impossible de plaire à Dieu." (Hébr., XI, 6). La troisième est l’espérance; la quatrième nous met en rapport avec le prochain quel qu’il soit, c’est la charité, qui s’étend jusqu’à nos ennemis, puis la paix (I Cor., XIII, 2) : "Quand j’aurais toute la foi, jusqu'à transporter des montagnes, si je n’ai pas la charité, je ne suis rien." De la charité naît la joie, et la paix produit avec l’ordre la concorde. Ce que l’Apôtre ajoute (verset 22) : "Avec ceux qui invoquent [le Seigneur d’un coeur pur]," peut s’expliquer d’abord en le rattachant à ce qui précède immédiatement, comme s’il disait : "Ayez la paix avec ceux, etc." Ce qu’il dit "d’un coeur pur," signifie que la louange ne peut être agréable qu’autant, etc.

Toutefois, puisque Paul dit (Hébr., XII, 14) : "Tachez d'avoir la paix avec tout le monde, etc." pourquoi dit-il ici : "Avec ceux qui invoquent le Seigneur d’un coeur pur ?" Il faut répondre qu’autant qu’il est en nous, nous devons avoir la paix avec tout le monde, si cela se peut ; mais la paix ne peut exister entre les bons et les méchants, car la paix suppose la concorde, qui ne peut subsister avec les méchants. On peut encore dire : "Avec ceux, etc.", en rapportant ces paroles à tout ce qui a été dit auparavant. Comme si l’Apôtre disait : "Pratiquez la justice, la paix et les autres vertus, comme le font "ceux qui invoquent, etc."

II. "Quant aux questions impertinentes [et inutiles, évitez-les]." (verset 23). L’Apôtre exhorte ici à se préserver de la mauvaise doctrine. Et d’abord il enseigne ce qu’il faut éviter; ensuite ce qu’il faut pratiquer (verset 24) : "[Le serviteur de Dieu] doit être modéré [envers tout le monde]."

Sur le premier de ces points, Paul donne d’abord une règle; ensuite il en apporte la raison (verset 23) : "Sachant qu’elles…"

1. Les questions impertinentes sont à éviter, quant à leur matière, parce qu’elles portent sur des choses vaines, à savoir, sur des choses opposées à la sagesse, c’est-à-dire, qui sont contre la divine sagesse ; on ne doit donc pas soulever de semblables questions, mais résister si on les propose (Jérémie, X, 14) : "La science de tout homme le rend insensé." L’Apôtre ajoute "Inutiles," quant à la manière de les traiter, parce qu’elles ne sont que bruit; ou "sans règle" sous le rapport des choses dont on doute, par exemple, si l’on fait passer pour incertain ce que toute l’Eglise croit (Job, XXXIV, 35) : "Car pour Job il a parlé inconsidérément, et ses discours sont dépourvus de sagesse."

2. On ne doit aimer les discussions qu’autant qu’elles conduisent à la vérité, par la raison qu’il faut que tous tiennent un seul langage. Or, les questions impertinentes ne conduisent pas à la vérité, elles engendrent les disputes, ce qu’il faut éviter ; (Isaïe, LVIII, 4) : "Vous jeûnez pour soulever des disputes et des contestations, etc." C’est ce qui fait dire à Paul (verset 24) : "Or il ne faut pas que le serviteur du Seigneur," c’est-à-dire celui qui se consacre à son service, "s'amuse à contester." (1 Tim III, 3) : "Qu’il soit éloigné des contestations."

A ces mots (verset 24) : "Mais il doit être modéré [envers tout le monde], etc.," l’Apôtre indique ce qu’il faut suivre. Et d’abord il donne une règle, ensuite il en apporte la raison (verset 25) : "Dans l’espérance que Dieu pourra leur donner un jour, etc."

1. La première partie se subdivise. Paul donne d’abord comme une sorte de règle générale pour tous; ensuite certaines règles nécessaires pour des cas particuliers, afin (verset 24) : "Qu’il soit susceptible de recevoir un avis, etc."

A) Ce que doit généralement avoir celui qui veut discuter, c’est la douceur. (Ps. XXIV, 9) : "Il enseignera ses voies à ceux qui sont doux." La mansuétude, en effet, est une vertu qui contient la colère, cause de perturbation pour le jugement de la raison, nécessaire dans la discussion et l’appréciation de la vérité ; (Mt XI, 29) : "Apprenez de moi que je suis doux et humble de coeur."

B) Ce qu’il doit avoir en particulier, c’est à l’égard des supérieurs, sa soumission; à l’égard des persécuteurs, la patience; à l’égard des faux docteurs, la fermeté pour corriger.

A) De la première de ces vertus, l’Apôtre dit (verset 24) : "Docile," c’est-à-dire tout prêt à se réformer, de quelque part que ce soit. C’est là la sagesse céleste ; (Jacq., III, 17) : "La sagesse qui vient d’en haut est premièrement chaste, puis amie de la paix, condescendante, docile, etc."

B) De la seconde (verset 24) : "Patient." (Psaume XCI, 15) : "Ils seront remplis de patience pour annoncer…" ; (Proverbes XIX, 11) : "La science d’un homme se connaît par la patience."

C) De la troisième (verset 25) : "[Il doit reprendre] avec douceur ceux qui résistent [à la vérité]," parce que la correction doit avoir sa modestie (Galates, VI, 1) : "Vous autres qui êtes spirituels, redressez celui qui tombe, en y mettant l’esprit de douceur, etc."

2. Quand Paul dit ensuite (verset 25) : "Dans l’espérance que Dieu [pourra un jour leur donner], etc.," il apporte la raison pour laquelle on doit éviter [ceux qui répandent la mauvaise doctrine]. Il répond à une sorte de question tacite, car on pourrait dire : ceux-là résistent à la vérité; il y a donc nécessité urgente de les corriger. Je réponds, dit l’Apôtre, que Dieu le Père peut les ramener à la pénitence, et c’est à cela que doivent tendre tous les efforts du juste. D’abord il met en avant la pénitence qu’il doit infliger à ses adversaires, ensuite le fruit de cette pénitence, enfin la nécessité de la pénitence.

A) Il dit donc (verset 25) : "De peur qu’un jour," c’est-à-dire dans l’espérance qu’un jour," Dieu pourra leur donner la pénitence," parce que, résistant par orgueil, il paraît difficile que cette pénitence leur soit donnée, Ici se trouve réfutée l’erreur de Pélage, qui prétend que les dons de la grâce proviennent de nos bonnes œuvres ; c’est ici qu’il apparaît que cela est faux, puisque même le commencement de nos œuvres bonnes, à savoir la pénitence, est donné par Dieu. (Lam. V, 21 : « Fais-nous revenir à toi, Seigneur, et nous reviendrons » ; (Prov. XIX : « de ta crainte nous avons tiré… » [ ?]. Or double est le fruit de la pénitence, à savoir, la connaissance de la vérité et l’affranchissement de la puissance du démon. Du premier, l’Apôtre dit (verset 25) : "Pour leur faire connaître la vérité," parce que si c’est la malice qui fait résister à la vérité, la malice elle-même aveugle ceux qui résistent; et quand la malice est enlevée, ils connaissent la vérité. (Jean, VIII, 32) : "…et vous connaîtrez la vérité." Du second (verset 26) : "Et revenant de leur égarement, ils sortirent des piéges du diable," c’est-à-dire, des occasions d’erreur du côté de l’intelligence, comme sont les vaines imaginations, et du côté des sentiments, comme sont l’envie, l’orgueil, et d’autres vices de ce genre.

C) Mais la nécessité de la pénitence est grande, car s’ils ne l’obtiennent, le diable garde la domination sur eux. C’est pour quoi Paul dit (verset 26) : "Qui les tient captifs pour en faire ce qui lui plaît," car (Jean, VIII, 34) : "Quiconque commet le péché est esclave du péché." L’Apôtre dit : "pour en faire ce qu’il lui plait," c’est-à-dire que l’homme le suit ; ou bien encore pour qu’il fasse de l’homme ce qui lui plaît.

On dit que le démon ne précipite pas l’homme en enfer aussitôt qu’il le voudrait. Il faut répondre que le démon ne s’empare [de l’homme] qu’autant que Dieu le lui permet, mais il est difficile de lui enlever ce qu’il tient (Isaïe XLIX, 24) : "Ravira-t-on au géant sa proie, et les justes qu’on a faits captifs pourront-ils échapper au fort ?"

 

 

 

Caput 3

 

CHAPITRE 3 — Lutter avec courage contre les périls à venir

 

Leçon 1 — 2 Timothée III, 1-5 : Les périls des derniers temps

Lectio 1

 

SOMMAIRE : Paul prédit les périls qui surviendront dans les derniers temps, à cause de l’abondance de la malice et de l’amour de soi chez les hommes.

[1] hoc autem scito quod in novissimis diebus instabunt tempora periculosa

[2] et erunt homines se ipsos amantes cupidi elati superbi blasphemi parentibus inoboedientes ingrati scelesti

[3] sine affectione sine pace criminatores incontinentes inmites sine benignitate

[4] proditores protervi tumidi voluptatium amatores magis quam Dei

[5] habentes speciem quidem pietatis virtutem autem eius abnegantes et hos devita

 

1. Or, sachez que dans les derniers jours il viendra des temps fâcheux;

2. Car il y aura des hommes pleins d’amour d’eux-mêmes, avares, glorieux, superbes, médisants, désobéissants à leurs pères et à leurs mères, ingrats, impies,

3. Sans affection, ennemis de la paix, calomniateurs, intempérants, inhumains, sans aménité,

4. Traîtres, insolents, enflés d’orgueil et plus amateurs de la volupté que de Dieu,

5. Qui auront une apparence de piété, mais qui en ruineront la vertu.

[87908] Super II Tim., cap. 3 l. 1 Supra instruxit eum quomodo resistat tribulationibus et periculis praesentibus, hic ostendit quomodo stet contra futura. Et primo praenuntiat futura pericula; secundo ostendit idoneitatem suam ad resistendum, ibi tu autem assecutus; tertio ostendit qualiter resistat, ibi testificor. Circa primum duo facit, quia primo praenuntiat pericula novissimorum temporum; secundo ostendit quomodo eorum vitia sunt etiam modo vitanda, ibi et hos devita. Item prima in duas, quia primo praenuntiat esse futura pericula in novissimis temporibus; secundo causam periculorum, ibi et erunt homines.

Dicit ergo : dixi, devita profana, etc., non solum autem sunt haec modo vitanda, sed in futuro restant etiam quaedam alia vitanda. Et dicuntur novissimi dies, quia sunt propinqui novissimo diei. Io. VI, 55 : ego resuscitabo eum in novissimo die. Gen. c. XLIX, 1 : congregamini ut annuntiem quae ventura sunt vobis diebus novissimis. Et addit instabunt tempora periculosa, et cetera. Matth. c. XXIV, 9 : eritis odio omnibus gentibus propter nomen meum.

Causa horum est iniquitatis abundantia, Matth. XXIV, 12 : quoniam abundavit iniquitas, refrigescet charitas multorum, quia fides et charitas vel annullabitur vel totaliter peribit; quia quanto magis aliquid elongatur a suo principio, tanto plus deficit. Et ideo in tempore illo magis deficient fides et charitas, quia plus elongantur a Christo. Lc. XVIII, 8 : filius hominis veniens, putas, inveniet fidem in terra ? Et circa hoc primo ponit iniquitatis radicem; secundo diversas eius species.

Radix autem totius iniquitatis est amor sui ipsius. Duplex autem amor duplicem civitatem facit. Sed contra : quilibet naturaliter diligit se. Respondeo. Dicendum est quod in homine duo sunt, scilicet natura rationalis et corporalis. Quantum ad intellectualem seu rationalem, quae interior homo appellatur, ut dicitur II Cor. IV, 16, homo debet plus se diligere quam omnes alios, quia stultus esset qui vellet peccare ut alios a peccatis retrahat; sed quantum ad exteriorem hominem, laudabile est ut alios plus diligat quam se.

Unde illi qui se sic tantum amant, sunt vituperabiles. Phil. II, 21 : omnes quae sua sunt quaerunt, non quae Iesu Christi.

Ex hac radice diversae sunt species iniquitatis. Unde dicit cupidi, elati, et cetera. Et circa hoc tria facit, quia primo ponit peccata, quae sunt in abusu rerum exteriorum; secundo, quae pertinent ad inordinationem hominis ad alios, ibi blasphemi; tertio, quae ad seipsum, ibi incontinentes.

Duo autem sunt in rebus exterioribus, scilicet abundantia divitiarum, et excellentia bonorum. Quantum ad primum dicit cupidi. Et cupiditas primo ponitur, quia est radix omnium malorum. Vel est propinqua amori sui ipsius, quae est ad bona exteriora.

Quantum ad secundum dicit elati. Elatio est species superbiae, quae sunt quatuor : una quando aliquis attribuit sibi quo caret. Secunda quando quod ab alio habet attribuit sibi, ac si haberet a se. I Cor. IV, 7 : quid habes quod non accepisti, et cetera. Tertia quando attribuit sibi quod habet ab alio, sed meritis propriis. Lc. XVIII, 12 : ieiuno bis in sabbato, et cetera.

Quarta quando singulariter vult videri supra omnes, et haec est elatio. Ps. CXXX, 1 : domine, non est exaltatum cor meum, et cetera. Quod dicit superbi, reducitur ad alias species superbiae. Iac. IV, 6 : Deus superbis resistit, humilibus autem dat gratiam.

Consequenter ponit vitia quantum ad alios. Et primo quantum ad superiores; secundo quantum ad aequales, ibi scelesti.

Superior est triplex, scilicet Deus; et contra hunc dicit blasphemi. Is. I, 4 : dereliquerunt dominum, blasphemaverunt sanctum Israel, abalienati sunt retrorsum. Item parentes; et quantum ad hoc dicit parentibus non obedientes. I Reg. XV, 23 : quasi peccatum ariolandi est repugnare, et quasi scelus idololatriae nolle acquiescere. Prov. c. XXX, 17 : oculum qui subsannat patrem, et qui despicit partum matris suae, effodiant eum corvi de torrentibus, et comedant eum filii aquilae.

Item benefactor inquantum huiusmodi; et quantum ad hoc dicit ingrati. Ps. XXXVII, 21 : qui retribuunt mala pro bonis, et cetera. Col. III, 15 : grati estote. Sap. XVI, 29 : ingrati enim spes tamquam hybernalis glacies tabescet, et disperiet tamquam aqua supervacua.

Tunc ponit mala quae sunt ad aequalem et proximum, et sunt tria. Primum pertinet ad opus; unde dicit scelesti, id est, qui scelera gravia perpetrant in proximos. Is. I, 4 : vae genti peccatrici, populo gravi iniquitate, semini nequam, filiis sceleratis, et cetera. Secundum ad affectum; unde dicit sine affectione, id est, sine affectu charitatis, et sine pace. Tertio quantum ad verbum; unde dicit criminatores. Lev. XIX, v. 16 : non eris criminator, nec susurro in populis.

Item quantum ad seipsum ostendit quaedam alia tripliciter. Primo quantum ad corruptionem concupiscibilis, secundo irascibilis, tertio rationalis. Quantum ad primum dicit incontinentes. Unde dicitur incontinens qui se non tenet in bono proposito propter pravas concupiscentias. Eccli. XXVI, 20 : omnis autem ponderatio non est digna continentis animae.

Quantum ad irascibilem dicit proprie immites, id est, non mansueti; haec enim mansuetudo moderatur passiones irae. Matth. c. XI, 29 : discite a me, quia mitis sum et humilis corde. Ps. XXIV, 9 : docebit mites vias suas. Item ponit aliud quod pertinet ad effectum irascibilis, scilicet benignitatis exclusio; unde dicit sine benignitate. Hoc enim est naturale quod quando dominatur unum contrariorum, excludit aliud. Eph. IV, 32 : estote invicem benigni.

Deinde ponit vitia, quae sunt ad corruptionem rationalis. Haec autem potentia perficitur per prudentiam; prudentiae autem opponitur aliquod vitium per abusum prudentiae et aliquod per eius privationem, et utrumque ponit.

Quantum ad primum dicit proditores. Ad prudentiam autem pertinet sagacitas, qua quidam abutuntur in malum, et hi sunt proditores. Prov. XI, 13 : qui ambulat fraudulenter, revelat arcana.

Item constantia qua quidam abutuntur dum in malo proterviunt; unde dicit protervi. Prov. III, 5 : ne innitaris prudentiae tuae.

Deinde ponit vitia, quae sunt ad privationem prudentiae.

Et primo ponit privationis causam; unde dicit tumidi. Superbi enim inflantur in agendis, quia non metiuntur vires suas, et ideo deficiunt. Prov. XI, 2 : ubi superbia, ibi erit et contumelia : ubi autem humilitas, ibi et sapientia.

Secundo ponit privationis effectum, quia temporalia praeponunt aeternis; unde dicit voluptatum amatores magis quam Dei. Is. XIII, 22 : Syrenae in delubris voluptatis.

Sed numquid est idem esse incontinentem, et voluptatum amatorem ? Respondeo. Dicendum est quod non, quia proprie incontinens dicitur qui habet spem fugiendi, sed vincitur ab eis; sed proprie amator earum est intemperatus qui habet corruptam aestimationem.

Consequenter ponit simulationem, dicens habentes quidem speciem pietatis II Cor. c. XI, 13 : operarii subdoli, virtutem autem eius abnegantes, virtutem scilicet pietatis, quae dicitur hic dupliciter. Uno modo ipsa vis pietatis, id est, eius virtus; unde dicit abnegantes, id est, veritatem non habentes. Tit. I, 16 : confitentur se nosse Deum, factis autem negant.

Alio modo, quia virtus rei dicitur illud, ex quo dependet tota res. Tota autem virtus pietatis dependet ex charitate, ideo dicit virtutem eius, scilicet charitatem abnegantes.

 

L’Apôtre, après avoir instruit Timothée de la manière de résister et aux tribulations et aux dangers du moment présent, lui apprend ici à se dresser contre les périls à venir. Et d’abord il prédit ces dangers futurs; ensuite il fait comprendre à son disciple qu’il est capable de résister (verset 10) : "Quant à vous, vous m’avez suivi…, etc.;" enfin il lui indique comment il doit résister (IV, 4) : "Je vous conjure…, etc." Sur le premier de ces points, il prédit premièrement les périls de ces derniers temps; secondement, il explique comment les vices de ces temps, sont à éviter dès maintenant (verset 5) : "Fuyez donc ces personnes." La première partie se subdivise encore, car l’Apôtre prédit que des dangers surviendront dans les derniers temps; II° il dit quelle est la cause de ces dangers (verset 2) : "Car il y aura des hommes…, etc.

Il dit donc : "[Je vous ai recommandé] d’éviter les entretiens vains et profanes, etc."; or non seulement il faut fuir actuellement ces entretiens, mais il reste encore, dans l’avenir, d’autres dangers à éviter. Ces temps sont appelés " les derniers," parce qu’ils sont proches du dernier jour ; (Jean, VI, 55) : "Je le ressusciterai au dernier jour;" ; (Genèse XLIX, 1) : "Assemblez-vous tous, afin que je vous annonce ce qui doit vous arriver dans les derniers temps." L’Apôtre ajoute (verset 11) : "Sachez que dans ces temps il viendra des jours fâcheux" ; (Mt XXIV, 9) : "Vous serez haïs de toutes les nations à cause de mon nom."

II° La cause de ces maux sera l’abondance de l’iniquité ; (Mt XXIV, 12) : "Et parce que l’iniquité sera venue à son comble, la charité de beaucoup se refroidira," car alors la foi et la charité ou seront affaiblies, ou totalement détruites. Plus, en effet, une chose s’éloigne de son principe, plus elle va s’affaiblissant. Dans ces temps donc la foi et 1a charité s’affaibliront davantage parce qu’elles seront plus éloignées de Jésus-Christ ; (Luc XVIII, 8) : "Pensez-vous que le Fils de l’homme, lorsqu’il viendra, trouve de la foi sur la terre ?" Paul indique donc à ce sujet d’abord la racine de l’iniquité; ensuite ses différentes espèces.

I. La racine de toute iniquité, c’est l’amour de soi, car les deux amours font les deux cités. On objecte : c’est naturellement que chacun s’aime soi-même. Nous répondons : il y a dans l’homme deux natures, la nature raisonnable et la nature corporelle. Quant à la nature intellectuelle ou raisonnable, qui est appelée l’homme intérieur (II Cor., IV, 16), l’homme doit s’aimer plus qu’il n’aime les autres, quels qu’ils soient, car ce serait folie de vouloir pécher, afin de retirer les autres du péché. Mais quant à l’homme extérieur, il est louable d’aimer les autres plus que soi-même. Ceux-là donc qui s’aiment seulement ainsi, sont dignes de blâme ; (Philipp., II, 21) : "Tous cherchent leurs propres intérêts, et non ceux de Jésus-Christ."

II. De cette racine sortent les différentes espèces d’iniquité; c’est pourquoi Paul dit (verset 2) : "Avares, glorieux, etc." A ce sujet, trois points : il indique premièrement les péchés qui consistent dans l’abus des biens extérieurs; secondement, ceux qui appartiennent au désordre de l’homme par rapport aux autres (verset 2) : "Blasphémateurs, etc.;" enfin ceux qui le concernent lui-même (verset 3) : "Intempérants, etc."

Il y a, par rapport aux choses extérieures, d’abord l’abondance des richesses, et secondement, l’excellence des biens.

1. De la première, l’Apôtre dit (verset 2) : "Avares." Il met au premier rang la cupidité, parce qu’elle est la racine de tous les maux; ou bien encore, parce qu’elle se rapproche de l’amour de soi, en ce qui touche les biens extérieurs.

2. De la seconde, il dit (verset 2) : "Glorieux." La vaine gloire est une des quatre espèces d’orgueil. La première, quand on s’attribue ce qu’on n’a pas; la seconde, quand on s’attribue à soi-même, comme l’ayant de soi, ce que l’on tient d’un autre ; (1 Co IV, 7) : "Qu’avez-vous que vous n’ayez pas reçu, etc… ?"

3. la troisième, quand ce qu’on a reçu d’un autre, on l’attribue à soi-même, comme venant de ses propres mérites ; (Luc, XVIII, 12) : "Je jeûne deux fois la semaine, etc.;"

4. La quatrième, enfin, quand on veut se singulariser et paraître au-dessus des autres, c’est là la vaine gloire ; (Psaume CXXX, 1) : "Seigneur, mon coeur ne s’est pas enflé d’orgueil,". Ceux que Paul appelle (verset 2) : "Superbes," sont compris dans les autres espèces d’orgueil ; (Jacques IV, 6) : "Dieu résiste aux superbes et donne sa grâce aux humbles."

L’Apôtre énumère ensuite les vices qui se rapportent aux autres. Et d’abord à l’égard des supérieurs; en second lieu, des égaux (verset 2) : "Impies."

1. Il y a trois ordres de supérieurs, Dieu d’abord. De ce qui est contre lui Paul dit (verset 2) : "Blasphémateurs" ; (Isaïe, I, 4) : "Ils ont abandonné le Seigneur, ils ont blasphémé le saint d’Israël, ils sont retournés en arrière." Ensuite les parents; quant à eux, l’Apôtre ajoute (verset 2) : "Désobéissants à leurs parents" ; (I Rois, XV, 23) : "C’est une espèce de pacte infernal de ne vouloir pas se soumettre, et ne pas obéir, c’est le crime de l’idolâtrie;" (Proverbes XXX, 47) : "Que l’oeil qui insulte à son père, et qui méprise l’enfantement de sa mère, soit arraché par les corbeaux du torrent, et qu’il soit dévoré par les enfants de l’aigle." Enfin, les bienfaiteurs, en tant que tels. A leur égard, l’Apôtre dit (verset 2) : "Ingrats" ; (Psaume XXXVII, 21) : "Ceux qui me rendent le mal pour le bien, etc…;" (Coloss., III, 15) : "Soyez reconnaissants;" (Sagesse XVI, 29) : "L’espérance de l’ingrat fondra comme la glace de l’hiver; et elle s’écoulera comme une eau inutile."

2. Ensuite Paul énumère les vices qui se rapportent aux égaux et au prochain. Ils sont au nombre de trois. Le premier se rapporte aux oeuvres (verset 2) : "Scélérats," c’est-à-dire qui commettent des crimes graves à l’égard du prochain ; (Isaïe, I, 4) : "Malheur à la nation pécheresse, au peuple chargé d’iniquités, à la race corrompue, aux enfants scélérats, etc." Le second se rapporte aux affections (verset 3) : "Sans coeur," c’est-à-dire sans l’affection de la charité, et sans la paix. Le troisième regarde les paroles (verset 3) : "Calomniateurs" (Lévit., XIX, 16) : "Vous ne serez pas parmi votre peuple ni un calomniateur ni un médisant."

L’Apôtre, enfin, désigne trois autres vices qui se rapportent au pécheur même. Premièrement, à la corruption de l’appétit concupiscible; secondement, à l’irascible; troisièmement, à la nature raisonnable.

1. Quant au premier, Paul dit (verset 3) : "Intempérants." On appelle intempérant celui qui ne se maintient pas dans son bon propos, à cause des mauvaises convoitises ; (Ecclésiastique, XXIV, 20) : "Tout le prix de l’or n’est pas digne d’une âme véritablement chaste.

2. De l’appétit irascible, il dit avec justesse (verset 3) : "Inhumains," c’est-à-dire, sans douceur, car la mansuétude tempère les mouvements de la colère ; (Matthieu XI, 29) : "Apprenez de moi que je suis doux et humble de coeur;" (Psaume XXIV, 9) : "Il enseignera ses voies à ceux qui sont doux." L’Apôtre ajoute ici un autre vice qui appartient aux effets de l’appétit irascible, à savoir, le manque de bonté, ce qui lui fait dire (verset 3) : "Sans aménité." Il est, en effet, dans la nature des choses que celui des contraires qui domine, chasse l’autre (Eph., IV, 32) : "Soyez bons les uns envers les autres. "

3. Paul en vient aux vices qui appartiennent à la corruption de la nature raisonnable. Or, ici la puissance reçoit sa perfection de la prudence, et à la prudence s’opposent les vices dus à l’abus de cette vertu elle-même, et ceux qui sont dus à son absence. L’Apôtre signale l’un et l'autre.

A) Du premier il dit (verset 4) : "Traîtres." A la prudence, en effet, appartient la sagacité, dont quelques-uns abusent pour le mal. Ceux-là sont les traîtres ; (Proverbes XI, 13) : "Celui qui marche avec ruse révéle les secrets." Ensuite la fermeté dont quelques-uns abusent aussi en se conduisant insolemment dans le mal. De là ce mot (verset 4) : "Insolents" ; (Proverbes III, 5) : "Ne vous appuyez pas sur votre prudence."

B) Paul énumère ensuite les vices occasionnés par le manque de prudence.

a) Il indique d’abord la cause même du manque de prudence (verset 4) : "Enflés d’orgueil." En effet, les superbes s’enflent dans leurs actions, parce qu’ils ne mesurent pas leurs forces, et c’est par cela même qu’ils n’y arrivent pas ; (Prov., XI, 2) : "Où sera l’orgueil, là sera l’ignominie; mais où est l’humilité, là est pareillement la sagesse." En second lieu, il indique l’effet du manque de prudence, c’est de préférer les biens du temps aux biens de l’éternité, ce qui lui fait dire (verset 4) : "Et plus amateurs de la volupté que de Dieu" ; (Isaïe XIII, 22) : "Les syrènes habiteront dans ces palais de délice."

Est-ce donc la même chose qu’être incontinent et amateur de la volupté ? Nous répondons qu’il y a une différence, car à proprement parler, l’incontinent est celui qui a bien l’espérance de fuir, mais qui est vaincu par la volupté. Dans le sens propre, l’amateur de la volupté est un intempérant, chez lequel l’appréciation des choses est corrompue.

b) L’Apôtre place à la suite la dissimulation, en disant (verset 5) : "Qui auront une apparence de piété" ; (2 Co XI, 13) : "Des ouvriers trompeurs." (verset 5) : "mais qui en ruineront la vertu" c’est-à-dire la vérité de la piété. Ce mot "vertu" peut ici présenter un double sens. D’abord l’efficacité même de la piété, c’est-à-dire sa vertu, ce qui fait dire à Paul : "Ruinant" c’est-à-dire n’ayant plus la vérité de la piété ; (Tite I, 16) : "Ils font profession de connaître Dieu, mais ils le renoncent par leurs oeuvres." Ensuite, on appelle vertu d’une chose ce dont la chose tout entière dépend. Or, toute la vertu de la piété dépend de la charité. Voilà pourquoi l’Apôtre dit : "Ruinant la vertu de la piété," c’est-à-dire la charité.

 

 

Lectio 2

 

Leçon 2 — 2 Timothée III, 5-11 : fuir les mauvaise fréquentations

 

SOMMAIRE : L’Apôtre recommande d’éviter ceux en qui fourmillent les vices qu’il vient d’énumérer. Il fait connaître en eux plusieurs autres vices, contre lesquels il fortifie Timothée, en lui enseignant plusieurs vertus.

[6] ex his enim sunt qui penetrant domos et captivas ducunt mulierculas oneratas peccatis quae ducuntur variis desideriis

[7] semper discentes et numquam ad scientiam veritatis pervenientes

[8] quemadmodum autem Iannes et Mambres restiterunt Mosi ita et hii resistunt veritati homines corrupti mente reprobi circa fidem

[9] sed ultra non proficient insipientia enim eorum manifesta erit omnibus sicut et illorum fuit

[10] tu autem adsecutus es meam doctrinam institutionem propositum fidem longanimitatem dilectionem patientiam

[11] persecutiones passiones qualia mihi facta sunt Antiochiae Iconii Lystris quales persecutiones sustinui et ex omnibus me eripuit Dominus

 

5. Fuir donc ces personnes.

6. Car de ce nombre sont ceux qui s’introduisent dans les maisons, et qui traînent après eux, comme captives, des femmes chargées de péchés et possédées de diverses passions;

7. Lesquelles apprennent toujours et n’arrivent jamais jusqu’à la connaissance de la vérité.

8. Mais comme Jannés et Mambrès résistèrent à Moïse, ceux-ci de même résistent à la vérité. Ce sont des hommes corrompus dans l’esprit, et pervertis dans la foi.

9. Mais le progrès qu’ils feront aura ses bornes, car leur folie sera connue de tout le monde, comme le fut alors celle des magiciens.

10. Quant à vous, vous savez quelle est ma doctrine, quelles sont ma manière de vivre, ma foi, mes desseins, ma longanimité, ma charité, ma patience;

11. Quelles ont été les persécutions et les afflictions qui me sont arrivées, comme celles d’Antioche, d’Icône et de Listre; combien grandes ont été ces persécutions que j’ai souffertes, et comment le Seigneur m’a tiré de toutes.

[87909] Super II Tim., cap. 3 l. 2 Supra apostolus descripsit pericula novissimorum temporum, et causam assignavit, hic docet huiusmodi etiam in praesenti esse vitanda. Et primo praemittit monitionem de horum vitatione; secundo ostendit in quibus hominibus in praesenti appareant praedicta, ibi ex his enim.

Dicit ergo : dixi quod in novissimis temporibus erunt homines pessimi. Sed non credas te in praesenti esse tutum; sed etiam nunc hos, et tales homines devita, scilicet ne in similem errorem labaris. Tit. ult. : haereticum hominem post unam et secundam correptionem devita.

Et licet quantum ad aliqua vitandi sint, sed non quantum ad sermonem exhortationis.

Et tunc ostendit quod etiam modo sunt aliqui tales. Et primo ostendit nocumentum quod inferunt; secundo defectum quem patiuntur, ibi homines reprobi; tertio impedimentum quo arctantur, ibi sed ultra.

Circa primum duo facit, quia primo ostendit impedimentum quod inferunt subditis; secundo impedimentum quod inferunt praelatis, ibi quemadmodum autem.

Iterum prima in duas; quia primo ostendit eorum imprudentiam; secundo eorum astutiam, ibi et captivas.

Quantum ad primum dicit : devita hos, quia iam sunt aliqui tales, nam ex his enim, id est, eorum numero, sunt. I Io. c. II, 18 : nunc Antichristi multi sunt, et cetera. Nec debetis intelligere quod ex his fuerunt, sed sunt, scilicet scelesti et ingrati, etc., quia peccatores iam conversi non debent dici peccatores. Ps. XV, 4 : nec memor ero nominum eorum per labia mea. Deinde cum dicit qui penetrant domos, ostendit eorum malitiam. Et ad litteram potest exponi, quasi inordinate ingerentes se, et circumeuntes propter lucrum. Contra quod Eccli. XXI, 25 : pes fatui facilis in domum proximi.

Sed propter hoc non prohibentur aliqui visitare afflictos in domibus. Iac. I, 27 : religio munda et immaculata apud Deum et patrem, haec est, visitare pupillos et viduas in tribulatione eorum, et cetera. Vel metaphorice potest exponi domus, id est, conscientia. Sap. VIII, 16 : intrans in domum meam, conquiescam, et cetera.

Illi ergo penetrant domos, qui cum astutia volunt scire secreta conscientiae, ut decipiant alios. Eccli. c. XIII, 14 : ex multa loquela tentabit te, et subridens interrogabit te. Nihilominus tamen illis qui curam habent, licet inquirere statum conscientiae. Prov. XXVII, 23 : diligenter agnosce vultum pecoris tui, tuosque greges considera.

Deinde cum dicit et captivas ducunt, ostendit eorum astutiam. Et primo tangitur eorum malitia, quia abducunt a libertate et statu gratiae. Iac. I, 25 : qui autem prospexerit in lege perfectae libertatis, et cetera. Et ducunt in statum servitutis, qui est status peccati. Ps. CXXV, 1 : in convertendo dominus captivitatem Sion, et cetera.

Hoc enim nomen captivitatis importat. Is. V, 13 : propterea captivus ductus est populus meus, quia non habuit scientiam. Secundo ostendit in quas personas exercent malitiam, quas describit primo a fragilitate sexus; secundo ex malitia conversationis; tertio ex vanitate affectionis; quarto ex defectu discretionis. Quantum ad primum dicit mulierculas, quae sunt minoris discretionis et sexus fragilioris. Et dicit mulierculas, quia magnae dominae habent aliquos consiliarios, unde non possunt seduci. Sed hae sunt tali auxilio destitutae. Matth. XXIII, 14 : comeditis domos viduarum. I Mac. I, 34 : captivas duxerunt mulieres, et cetera.

Quantum ad secundum dicit oneratas peccatis. Peccatum est onus, quia non permittit libere incedere, nec erectum esse et stare, sed incurvat. Ps. XXXVII, 5 : sicut onus grave, gravatae sunt super me.

Et ideo istas specialiter decipiunt, quia peccatum parat viam seductioni. Item, quia malae sunt, timent resistere, ne perdantur.

Quantum ad tertium dicit quae ducuntur variis desideriis, id est, aptae sunt, ut seducantur propter varia desideria, quae habent. Iac. I, 8 : vir duplex animo inconstans est in omnibus viis suis.

Et ideo prima mulier fuit seducta quia non stetit constanter in verbis domini, sed dixit : ne forte moriamur. Eccli. IX, 3 : ne respicias mulierem multivolam.

Quantum ad quartum dicit semper discentes, et numquam, et cetera. Curiositas semper nova nititur quaerere, et non vult insistere. Unde dicit semper discentes. Prov. IX, 13 : mulier clamosa, et cetera.

Tamen hoc quod dicit semper discentes, potest reduci ad penetrantes domos.

Deinde cum dicit quemadmodum, ostendit nocumentum quod afferunt praelatis, et nocumentum resistendi eorum doctrinae. Et inducit exemplum de Exodo, ubi magi Pharaonis restiterunt Moysi, quia a principio mundi semper fuit pugna inter veritatem et falsitatem. II Petr. II, 1 : fuerunt vero et pseudoprophetae in populo, sicut et in vobis, et cetera. Sed in Exodo isti magi non nominantur, sed hic sic, quod forte habuit ex aliquibus verbis Iudaeorum.

Ita et resistunt veritati, scilicet quam nos praedicamus. Iob XXIV, 13 : ipsi fuerunt rebelles lumini. Act. VII, 51 : semper spiritui sancto restitistis.

Consequenter cum dicit homines, etc., ostendit eorum defectum in fide et in opere. In opere, homines reprobi. Glossa : in operibus, id est, qui per opera sua, se reprobos ostendunt. Ier. VI, 30 : argentum reprobum vocate eos.

Item in fide corrupti mente, id est, potentia rationali. Unumquodque enim tunc dicitur corruptum, quando deficit a propria virtute. Propria autem mentis perfectio est cognitio veritatis. Unde dicitur corruptus mente, qui deficit a cognitione fidei.

Consequenter cum dicit sed ultra, ostendit quomodo arctantur; et primo ostendit eos esse impediendos; secundo docet modum impediendi, ibi insipientia.

Sciendum est autem circa primum quod voluntas nocendi est homini a seipso, sed potestas nocendi est a Deo permittente. Et Deus non permittit ut noceat quantum vult malus, sed imponit terminum. Iob c. XXXVIII, 11 : et hic confringes tumentes fluctus tuos. Sic et Diabolus non laesit Iob, nisi secundum quod permissus fuit a Deo. Sic Arrius non nocuit in Ecclesia, nisi quantum dominus permisit. Apoc. VII, 3 dicit Angelus : nolite nocere terrae et mari, neque arboribus, quoadusque signemus servos Dei in frontibus eorum, et cetera. Et dicit ultra, scilicet quam Deus permittit, non proficient.

Modus impediendi est, ut tollatur eorum pallium et occultatio, quae sunt tollenda, quia nocent. Iob XLI, 4 : quis revelabit faciem indumenti eius, et cetera.

Et ideo dicit insipientia eorum manifesta erit, Deo detegente, quando illuminabit abscondita tenebrarum, etc., ut dicitur I Cor. IV, 5. Sicut et illorum, scilicet magorum Pharaonis, quae fuit manifesta, quia non potuerunt facere signa.

Deinde cum dicit tu autem, etc., ostendit idoneitatem Timothei ad resistendum huiusmodi periculis. Et primo ostendit quod erat idoneus ex institutione apostoli; secundo ex experientia Scripturarum, ibi ab infantia.

Item, primo ostendit quomodo erat instructus sufficienter ab apostolo; secundo quomodo universaliter instrui ab aliis poterat, ibi omnis qui, et cetera.

Circa primum, primo ostendit quomodo instructus erat verbo; secundo quomodo exemplo, ibi propositum. Sed sciendum est quod verbo aliquis instruitur dupliciter : uno modo de veritate agnoscenda; alio modo de iustitia operanda. Quantum ad primum dicit tu autem assecutus es meam doctrinam, id est, instructus es in fide Catholica; ideo bene potest vitare eos.

Quantum ad secundum dicit meam institutionem. Institutio est eruditio, quae est de aliquibus agendis, quae subduntur operationi humanae. Phil. IV, 12 : ubique et in omnibus institutus sum.

Item quomodo institutus erat exemplo. Et primo quantum ad bona agenda; secundo quantum ad mala toleranda, ibi patientiam.

In bonis faciendis ponit duo. Primum est intentio recti finis; et quantum ad hoc dicit propositum, quod est de fide. Sap. VIII, 9 : proposui ergo hanc adducere mihi ad convivandum.

Et ad hoc pervenitur per bona opera, quae derivantur a tribus virtutibus, scilicet fide, spe, et charitate. Et primo ponit fidem, cum dicit fidem. Hebr. XI, 6 : sine fide impossibile est placere Deo.

Secundo spem, cum dicit longanimitatem, quae in longum expectat. II Cor. VI, 6 : in longanimitate. Tertio charitatem, cum dicit dilectionem. I Io. III, 14 : qui non diligit, manet in morte.

Deinde de malis tolerandis instruit eum quantum ad tria, ea reducendo ad memoriam. Primo patientiam quam habuit; item mala quae sustinuit; item divinum auxilium quod sibi affuit. Primo ergo ponit patientiam, quae opus perfectum habet, Iac. I, 4. Et primo ponit patientiae materiam, scilicet persecutiones in generali. Matth. X, 23 : si vos persequuntur in una civitate, fugite in aliam. Item in speciali, cum dicit passiones, quas scilicet passus est in proprio corpore. II Cor. XI, 25 : ter virgis caesus sum, et cetera. Tertio in particulari, cum dicit qualia facta sunt mihi Antiochiae, etc., Act. XVI et XVII. Iudaei persecuti sunt eum, praesente Timotheo. Sed affuit divinum auxilium. Et ideo dicit et ex omnibus eripuit me dominus. II Cor. c. I, 4 : qui consolatur nos in omni tribulatione nostra.

 

Paul a décrit plus haut les périls des derniers temps, et en a assigné la cause, il recommande ici d’éviter aussi ces périls, même dans le temps présent. I. Il recommande donc de s’en garder; II. il signale les hommes dans lesquels, au temps présent, on reconnaît les désordres qu’il a signalés (verset 6) : "Car de ce nombre sont ceux, etc."

I. Il dit donc : J’ai dit que, dans les derniers temps, il y aura des hommes pervers, mais ne croyez pas pour cela, que vous soyez en sûreté dans le moment présent. Dès maintenant (verset 5), évitez-les, et ceux qui sont tels, de peur que vous ne vous laissiez entraîner à des erreurs semblables" ; (Tite III, 10) : "Fuyez celui qui est hérétique, après l’avoir repris une ou deux fois." Et bien qu’il faille éviter les gens pervers en certains points, cela ne va pas jusqu’à leur refuser l’exhortation.

II. Il montre donc qu’il y en a de tels, et fait connaître premièrement le mal qu’ils font; secondement, celui qu’ils se font à eux-mêmes (verset 8) : "Ils sont pervertis dans la foi;" troisièmement l’obstacle qui les arrête (verset 9) : "Mais le progrès qu’ils feront aura ses bornes."

Sur le premier de ces points, l’Apôtre explique d’abord les obstacles qu’ils suscitent aux inférieurs; ensuite ceux qu’ils suscitent aux chefs spirituels (verset 8) : "Car comme [Jannès et Mambrès], etc."

1. La première partie se subdivise. Paul fait connaître premièrement, leur imprudence; secondement, leur astuce (verset 6) : "Et ils traînent captives [à leur suite des femmes chargées de péchés,] etc."

A) De la première il dit (verset 5) : "Evitez-les donc," ceux qui sont tels (verset 6) : "Car parmi eux," c’est-à-dire de ce nombre, "il y en a" ; (I Jean, II, 18) : "Il y a dès maintenant plusieurs antéchrist, etc." Il ne faut pas entendre qu’ils ont été de ceux-là, mais " qu’ils sont " à savoir, scélérats et ingrats, car les pécheurs déjà convertis ne doivent plus être appelés pécheurs ; (Psaume XV, 4) : "Je ne me souviendrai pas seulement de leurs noms pour les mettre sur mes lèvres." Quand Paul dit ensuite (verset 6) : "Qui s’introduisent dans les maisons," il fait connaître leur malice. On peut entendre à la lettre, qu’ils s’ingéraient sans raison, et couraient de tous côtés pour leurs intérêts, contre ce qui est dit au livre de l’Ecclésiastique (XXI, 25) : "L’insensé met facilement le pied dans la maison de son voisin, etc." Cependant il ne ressort pas de ceci une défense de visiter dans leurs maisons les affligés ; (Jacques 1, 27) : "La religion pure et sans tache aux yeux de notre Dieu et Père consiste à visiter les veuves et les orphelins dans leur afflictionetc…" Ou bien encore on peut entendre dans un sens métaphorique : "Les maisons," c’est-à-dire la conscience ; (Sag., VIII, 16) : "Entrant dans ma maison, je trouverai mon repos avec elle, etc." Ceux-là donc pénètrent dans les maisons, qui veulent connaître les secrets de la conscience, d’une manière astucieuse, afin de tromper d’autres personnes ; (Eccli, XIII, 14) : "Il vous tentera en vous faisant beaucoup parler et en souriant, il vous interrogera." Ceux-là cependant qui sont chargés du soin [de leurs frères] peuvent licitement s’enquérir de l’état de leur conscience ; (Proverbes XXVII, 23) : "Examinez avec soin l’état de vos brebis et faites attention à vos troupeaux."

B) A ces mots (verset 6) : "Et ils traînent après eux captives des femmes, etc." Paul révèle deux astuces : a) Et d’abord il fait ressortir leur malice, en ce qu’ils détournent de la liberté et de l’état de grâce ; (Jacques I, 25) : "Celui qui considère exactement la loi parfaite, la loi de la liberté, etc.," et conduisent à l’état de servitude, qui est l’état du péché ; (Psaume CXXV, 1) : "Lorsque le Seigneur a fait revenir ceux de Sion qui étaient captifs, etc." Car cet état mérite bien le nom de captivité ; (Isaïe, V, 13) : "Si mon peuple a été emmené captif, c’est qu’il n’a pas eu d’intelligence, etc." b) Secondement, l’Apôtre fait connaître sur quelles personnes ils exercent leur malice. Il les dépeint d’abord par la fragilité de leur sexe; ensuite par la malignité de leur manière de vivre ; enfin par la frivolité de leurs affections et leur défaut de discernement. De la première de ces marques, il dit (verset 6) : "Des femmelettes," qui ont peu de discernement, et sont du sexe le plus fragile. Il dit : "Des femmelettes," parce que les « grandes dames » ont quelques personnes qui les conseillent et ainsi ne peuvent être séduites; mais celles-ci sont privées de ce secours ; (Mt XX, 14) : "[Malheur à vous,] qui dévorez les maisons des veuves;" (1 Mac I, 34) : "Ils emmenèrent des femmes captives, etc." De la seconde : "Chargées de péchés." Le péché est un fardeau, parce qu’il ne laisse ni marcher librement, ni se tenir droit ou debout, car il fait courber la tête ; (Psaume XXXVII, 5) : "Mes iniquités se sont appesanties sur moi, comme un fardeau insupportable." Voilà pourquoi ce sont elles qu’ils trompent particulièrement, c’est que le péché prépare les voies à la séduction. De plus, parce qu’elles sont mauvaises, elles craignent de résister, de peur d’être perdues. De la troisième il dit (verset 6) : "Et possédées de diverses passions," c’est-à-dire elles sont toutes disposées à être séduites, par suite des passions diverses, qui sont en elles ; (Jacques I, 8) : "L’homme qui a l’âme partagée est inconstant dans toutes ses voies." Aussi la première femme fut-elle séduite parce qu’elle ne s’en tint pas avec fermeté à la parole du Seigneur, et qu’elle répondit : de peur que nous mourrions ; (Ecclésiastique, IX, 3) : "Ne regardez pas la femme volage [dans ses désirs]." De la quatrième enfin (verset 7) : "Lesquelles apprennent toujours et n’arrivent jamais…" La curiosité se fatigue à chercher des choses nouvelles; elle ne veut pas se maintenir [dans les routes battues]. C’est ce qui fait dire à Paul : "Lesquelles apprennent toujours" ; (Proverbes IX, 13) : "La femme criarde, etc. Cependant ces paroles : "Apprenant sans cesse," peuvent aussi se rapporter à ceux qui pénètrent dans les maisons.

2. Quand l’Apôtre ajoute (verset 8) : "Car comme [Jannès et Mambrès résistèrent à Moïse,] etc.," il montre le dommage que ces hommes pervers causent aux supérieurs spirituels, et la nécessité de résister à leur doctrine[3]. Il prend dans l’Exode l’exemple des magiciens de Pharaon qui résistèrent à Moïse, car dès le commencement du monde, il y a eu lutte entre l’erreur et la vérité ; (II Pierre, II, 1) : "Or, comme il y a eu de faux prophètes parmi le peuple, il y aura parmi vous…" Cependant dans l’Exode ces magiciens ne sont pas nommés; Paul les nomme ici. Peut-être avait-il appris leurs noms par la tradition juive. (verset 8) : "De même ceux-ci résistent à la vérité," à savoir, à celle que nous annonçons ; (Job, XXIV, 13) : "Ils ont été rebelles à la lumière;" (Actes, VII, 51) : «Vous résistez toujours à l’Esprit-Saint. »

Quand il dit ensuite (verset 8) : "Ce sont des hommes, etc…" Paul fait voir ce qu’ils ont perdu dans la foi et dans les œuvres. Dans les oeuvres, « ils sont réprouvés ». « Dans les oeuvres, c’est-à-dire par leurs oeuvres, explique la Glose, ils se conduisent en réprouvés » ; (Jérémie, VI, 30) : "Appelez-les «argent de rebut » [parce que le Seigneur les a rejetés]." Dans la foi, ils sont « corrompus dans leur intelligence », c’est-à-dire dans leur puissance de raisonnement, car on appelle corrompu ce qui perd de sa vertu propre, or la perfection propre de l’intelligence est la connaissance de la vérité. C’est dans ce sens que l’on dit corrompu dans son intelligence, celui qui perd la connaissance des choses de la foi.

A ces mots qui suivent (verset 9) : "[Mais le progrès qu’ils feront] aura ses bornes," l’Apôtre explique comment ils sont retenus. D’abord il fait voir qu’on doit s’opposer à eux; ensuite il enseigne la manière dont on doit s’y opposer (verset 9) : "Car leur folie…"

Il faut observer sur la première partie, que dans l’homme la volonté de nuire vient de lui-même, mais la puissance de nuire vient de Dieu qui le permet. Or Dieu ne permet pas au méchant de nuire autant qu’il le voudrait, il lui impose un terme ; (Job, XXXVIII, 11) : "vous briserez ici l’orgueil de vos flots." C’est ainsi que Satan n’a pu frapper Job que dans la mesure où Dieu l’avait permis. C’est encore ainsi qu’Arius ne nuisit à l’Eglise qu’autant que Dieu le permit ; (Ap VII, 3) : l’ange dit : "Ne frappez pas la terre, ni la mer, ni les arbres, jusqu’à ce que nous ayons marqué au front les serviteurs de notre Dieu, etc…" aussi Paul dit (verset 9) : "Mais au delà," à savoir de ce que Dieu a permis, « ils n’avanceront plus ». Le moyen de les arrêter, c’est d’arracher le manteau [dont ils se couvrent], de dévoiler leur cachette. On doit le faire parce qu’ils font du mal ; (Job, XLI, 4) : "Qui découvrira le bord de son vêtement, etc…" C’est pourquoi Paul dit (verset 9) : "Car leur folie sera connue de tout le monde," Dieu la manifestant," quand il éclairera de sa lumière ce qui est caché dans les ténèbres, etc…" comme il est dit dans la 1° Epître aux Corinthiens (IV, 5). "Ainsi que le fut alors celle de ces hommes," c’est-à-dire des magiciens de Pharaon ; or la manifestation fut éclatante, car ils ne purent faire aucun prodige.

II° A ces mots (verset 10) : "Vous savez, vous, [quelle est ma doctrine], etc.," il rend témoignage à la capacité de Timothée pour résister à de semblables dangers. Il le montre tel d’abord, en raison de l’instruction qu’il a reçue de l’Apôtre lui-même; en second lieu, en raison de la science qu’il avait acquise des Ecritures (verset 15) : "[Et que vous avez été nourri] dès votre enfance [dans les lettres saintes], etc." De plus il fait voir, premièrement, qu’il avait déjà été suffisamment instruit par l’Apôtre; secondement, qu’il pouvait l’être par d’autres d’une manière plus générale : "Tous ceux qui, etc." Sur le premier de ces points, Paul explique comment son disciple a été instruit d’abord par la parole; ensuite par l’exemple (verset 10) : "mes desseins"

Or, il faut savoir qu’on peut par la parole instruire de deux manières : l’une de la vérité à connaître; l’autre de la justice à pratiquer. De la première, il dit (verset 10) : "Quant à vous, vous savez quelle est ma doctrine," c’est-à-dire, vous avez été instruit dans la foi catholique, vous pouvez donc vous en garder. De la seconde, il dit (verset 10) : "Quelle est ma manière de vivre." La règle de conduite est une instruction donnée sur certains devoirs qui dépendent des actes de l’homme ; (Philipp., IV, 12) : "Partout et en tout, j’ai appris…"

II. L’Apôtre fait voir comment Timothée avait été instruit par l’exemple, d’abord quant aux bonnes œuvres à faire, ensuite quant aux maux à supporter (verset 10) : "Ma patience."

Sur le bien à pratiquer, l’Apôtre indique deux conditions. Premièrement, l’intention d’une fin droite. De cette condition, il dit (verset 10) : "mes desseins", et cela concerne la foi ; (Sagesse, VIII, 9) : "J’ai résolu de la prendre (la sagesse) pour être la compagne de ma vie." Or on atteint ce but par les bonnes oeuvres qui découlent de trois vertus, à savoir, la foi, l’espérance et la charité. L’Apôtre désigne donc d’abord la foi, quand il dit (verset 10) : "Quelle est ma foi" ; (Hébr., XI, 6) : "Il est impossible de plaire à Dieu sans la foi." En second lieu l’espérance, quand il dit (verset 10) : "Ma longanimité," qui ne se rebute pas d’attendre ; (II Corinth, VI, 6) : "par la longanimité…" Troisièmement la charité, quand il dit (verset 10) : "Ma charité," ; (l Jean, III, 14) : "Celui qui n’aime pas, demeure dans la mort."

Paul instruit enfin Timothée à supporter les maux, en lui rappelant trois choses à la mémoire : la patience qu’il a lui-même pratiquée ; les maux qu’il a supportés ; le secours divin qui lui est venu en aide. Il rappelle premièrement "la patience" qui doit être "parfaite dans les oeuvres" (Jacques, I, 4). Il indique le premier objet de la patience ; (verset 11) : "Les persécutions," d’abord générales : (Mt X, 23) : "Lorsqu’ils vous persécuteront dans une ville, fuyez dans une autre;" ensuite spéciales : "Les afflictions," c’est-à-dire les souffrances endurées dans son propre corps ; (2 Co XI, 25) : "Trois fois j’ai été battu de verges, etc." enfin particulières lorsqu’il dit (verset 11) : "Qui me sont arrivées, comme celles d’Antioche, etc…" (Actes, XVI, 22 et XVII, 8). Les juifs persécutèrent Paul en présence de Timothée même. Mais le secours divin lui vint en aide, et c’est ce qui lui fait dire (verset 11) : "Et le Seigneur m’a tiré de toutes" ; (2 Co I, 4) : "Il nous console dans tous nos maux."

 

 

Lectio 3

 

Leçon 3 — 2 Timothée III, 12-17 : La persécution

 

SOMMAIRE : C’est une chose commune aux saints de souffrir persécution; aux méchants, d’avancer toujours dans le mal. Paul recommande donc à Timothée de persévérer dans ce qui lui a été enseigné, et déclare de quelle utilité sont les Ecritures.

[12] et omnes qui volunt pie vivere in Christo Iesu persecutionem patientur

[13] mali autem homines et seductores proficient in peius errantes et in errorem mittentes

[14] tu vero permane in his quae didicisti et credita sunt tibi sciens a quo didiceris

[15] et quia ab infantia sacras litteras nosti quae te possint instruere ad salutem per fidem quae est in Christo Iesu

[16] omnis scriptura divinitus inspirata et utilis ad docendum ad arguendum ad corrigendum ad erudiendum in iustitia

[17] ut perfectus sit homo Dei ad omne opus bonum instructus

12. Ainsi tous ceux qui veulent vivre avec piété dans le Christ Jésus seront persécutés.

13. Mais les hommes méchants et les imposteurs se fortifieront de plus on plus dans le mal, étant eux-mêmes dans l’erreur, et y faisant tomber les autres.

14. Quant à vous, demeurez ferme dans les choses que vous avez apprises, et qui vous ont été confiées, sachant de qui vous les avez apprises

15. Et considérant que vous avez été nourris dés votre enfance dans les lettres saintes, qui peuvent vous instruire pour le salut; par la foi qui est en Jésus-Christ.

16. Toute écriture qui est inspirée de Dieu, est utile pour instruire, pour reprendre, pour corriger et pour conduire à la justice;

17. Afin que l’homme de Dieu soit parfait et disposé à toutes sortes de bonnes oeuvres.

[87910] Super II Tim., cap. 3 l. 3 Supra, proposuit Timotheo in exemplum persecutiones quas ipse passus fuit. Et ne videatur ipse solus per huiusmodi passiones transisse, ostendit eas esse communes sanctis. Et primo docet quomodo sancti patiuntur hic defectus poenales; secundo quomodo mali proficiunt per defectum culpae, ibi mali autem homines.

Dicit ergo : persecutiones sustinui, et non solum ego, sed et omnes. Pie sumitur dupliciter, quandoque pro virtute pietatis ad cultum divinum, supra eodem habentes speciem pietatis, quandoque pro misericordia ad proximum, I Tim. IV, 8 : pietas ad omnia valet. Omnes ergo qui pie volunt vivere in Christo, etc., id est, volunt observare cultum religionis Christianae. Tit. II, 12 : sobrie, et iuste, et pie vivamus in hoc saeculo, et cetera. Et tales persecutionem patientur, et maxime in primitiva Ecclesia, quando Christus undique impugnabatur a Iudaeis et gentibus.

Et ideo Io. XVI, 2 : venit hora ut omnis qui interficit vos, arbitretur obsequium se praestare Deo. Matth. XXIV, 9 : eritis odio omnibus gentibus propter nomen meum.

Item omnes qui pie volunt, etc., id est, volunt per fidem Christi servare misericordiam ad proximum, necesse est eos persecutionem pati, et si non ab extra, tamen ab intus, quando scilicet compatiuntur defectibus proximorum, quorum culpas et poenalitates vident. II Cor. XI, 29 : quis scandalizatur, et ego non uror ? et cetera. II Petr. II, 8 : habitans apud eos, qui de die in diem animam iustam iniquis operibus cruciabant. Ps. CXVIII, v. 158 : vidi praevaricantes, et tabescebam, et cetera.

Item sunt aliae persecutiones, quae sanctis omnibus deesse non possunt, scilicet carnis, mundi, et Daemonis : quia, ut habetur Gal. c. V, 17, caro concupiscit adversus spiritum. Rom. VII, 24 : infelix ego homo, quis me liberabit de corpore mortis huius ? Ps. XXXIII, v. 2 : multae tribulationes iustorum.

Deinde cum dicit mali autem homines, ostendit quod mali incidunt in peiora mala, scilicet culpae. Dicit mali in se, scilicet inquantum peccatis inhaerent. Matth. XXI, v. 41 : malos male perdet, et cetera. Et seductores, scilicet in proximorum nocumentum, inquantum seorsum ducunt eos a via veritatis, quae communis est. Rom. ult. : per dulces sermones et benedictiones seducunt corda innocentium.

Sed isti non contenti malis quae fecerunt, proficient in peius. Apoc. c. ult. : qui sordidus est, sordescat adhuc.

Sed contra supra eodem : ultra non proficient. Dicendum est, quod qui proficiunt in peius, sunt permissi a Deo, vel sic quod proficiunt in peius ex intentione malitiae eorum, quae semper est ad malum; sed secundum providentiam divinam prohibentur, ne possint implere quod coeperunt. Proficiunt autem in peius mali in seipsis, inquantum errant circa veritatem. Matth. XXII, 29 : erratis nescientes Scripturas, neque virtutem Dei.

Item opere errant, et hoc modo omnes mali errant. Prov. XIV, 22 : errant omnes qui operantur malum. Item in proximis, quia seductores, unde dicit in errorem mittentes, suadendo scilicet quod possint per prosperitates venire ad regnum caelorum, contra illud, supra III, 12 : qui pie volunt, et cetera. Et Is. III, 12 : popule meus, qui beatum te dicunt, ipsi te decipiunt.

Deinde cum dicit tu vero, monet eum, ut maneat in sua institutione. Et hortatur eum tripliciter, scilicet ex parte doctoris, ex parte ipsius Timothei, et ex parte eorum quae accepit.

Dicit ergo : assecutus es meam doctrinam, etc., ut supra III, 10 : ergo permane in his; Eccli. X, 4 : si spiritus potestatem habentis ascenderit super te, locum tuum ne dimiseris. I Cor. XV, 58 : stabiles estote, et immobiles. Dicit ergo quae didicisti, et credita sunt tibi, quia quilibet Christianus discit quae fidei sunt; et haec est doctrina salutaris.

Io. VI, v. 45 : omnis qui audivit a patre meo, et didicit, venit ad me, et cetera. Sed specialiter documenta fidei sunt credita praelatis, inquantum debent aliis ea dispensare. Gal. II, 7 : cum vidissent quod creditum est mihi Evangelium praeputii. Et quare oportet permanere ? Quia ego a magistro scientiae habui, qui errare non potuit. II Cor. XIII, 3 : in me loquitur Christus. Et ideo in his firmiter permane, sciens a quo didiceris, quia a Paulo, qui non ab homine, neque per hominem didicit, etc., Gal. II.

Secundo ex propria conditione. Turpe enim est homini nutrito in bono a pueritia, in senectute deficere. Eccli. XXVI, 27 : qui transgreditur a iustitia ad peccatum, Deus paravit eum ad rompheam. Timotheus autem sic fuit nutritus. Prov. XXII, 6 : adolescens iuxta viam suam, etiam cum senuerit, non recedet ab ea. Unde dicit et quia ab infantia sacras litteras nosti, quae sunt litterae veteris testamenti, quas didicit ab infantia, quia filius mulieris Iudaeae, Act. XVI, 1. Unde mater sua fecit eum erudiri in eis.

Quod est contra Manichaeum, quia apostolus vetus testamentum hic nominat sacras litteras, quae non possunt intelligi de novo testamento, quia ab infantia sua non erat edoctus litteras novi testamenti.

Tertio ex parte eorum quae accepit, et est tertia ratio. Nam si aliquis habet aliquam scientiam in qua non est utilitas, deserit eam, et transit ad aliam. Sed si scientia est valde utilis, stultum est eam dimittere. Et primo facit rationem; secundo manifestat eam, ibi omnis Scriptura.

Dicit ergo : dico quod accepisti litteras sacras, quae non sunt contemnendae, quia sunt utiles. Is. XLVIII, 17 : ego dominus Deus tuus, docens te utilia. Unde subdit dicens quae te possunt instruere. Io. VI, v. 69 : domine, ad quem ibimus ? Verba vitae aeternae habes. Io. V, 39 : scrutamini Scripturas, in quibus putatis vitam aeternam habere, illae sunt quae testimonium perhibent de me. Et hae litterae te possunt instruere ad salutem; sed non nisi per fidem quae in Christo Iesu. Rom. X, 4 : finis enim legis est Christus ad iustitiam omni credenti. Hebr. XI, v. 6 : sine fide enim impossibile est placere Deo.

Rationem autem manifestat, dicens omnis. Ubi ostendit quod sacrae litterae sunt via ad salutem. Et tria ponit. Nam commendat Scripturas ratione principii, ratione effectus utilis, et ratione ultimi fructus et profectus.

Si enim consideres eius principium, habet privilegium super omnes, quia aliae sunt traditae per rationem humanam, sacra autem Scriptura est divina; ideo dicit Scriptura divinitus inspirata. II Petr. I, 21 : non enim voluntate humana allata est aliquando prophetia, sed spiritu sancto inspirati locuti sunt sancti Dei homines. Iob XXXII, 7 : inspiratio omnipotentis dat intelligentiam.

Sed dices : quomodo non alia omnis Scriptura divinitus inspiratur, cum secundum Ambrosium, omne verum, a quocumque dicatur, a spiritu sancto est ? Dicendum est quod Deus dupliciter aliquid operatur, scilicet immediate, ut proprium opus, sicut miracula; aliquid mediantibus causis inferioribus, ut opera naturalia, Iob X, 8 : manus tuae, domine, fecerunt me, etc. quae tamen fiunt operatione naturae. Et sic in homine instruit intellectum et immediate per sacras litteras, et mediate per alias Scripturas.

Effectus huius Scripturae est duplex, scilicet quia docet cognoscere veritatem, et suadet operari iustitiam. Io. XIV, 26 : Paracletus autem spiritus sanctus docebit, scilicet cognoscenda, et suggeret operanda.

Et ideo utilis est ad cognoscendam veritatem, et utilis est ad dirigendum in operatione. Est enim ratio speculativa, et est etiam ratio practica. Et in utroque sunt duo necessaria, scilicet quod veritatem cognoscat, et errorem refellat.

Hoc enim opus est opus sapientis, scilicet non mentiri, et mentientem refellere. Quantum ad primum dicit utilis est ad docendum, scilicet veritatem. Ps. CXVIII, v. 66 : bonitatem et disciplinam et scientiam doce me.

Quantum ad secundum subdit ad arguendum. Tit. I, 9 : ut sis potens exhortari in doctrina sana, et eos qui contradicunt arguere.

Item quantum ad practicam sunt duo necessaria, scilicet ut reducat a malo, et ad bonum inducat. Ps. XXXIII, 15 : declina a malo, et fac bonum.

Quantum ad primum dicit ad corripiendum, quod est corripere a malo. Matth. XVIII, 15 : si peccaverit in te frater tuus, vade, et corripe eum inter te et ipsum solum. Iob V, 17 : beatus homo qui corripitur a domino.

Quantum ad secundum dicit ad erudiendum in iustitia. Et haec omnia sacra Scriptura facit. Is. VIII, 11 : in manu forti erudivit me, et cetera. Sic ergo quadruplex est effectus sacrae Scripturae, scilicet docere veritatem, arguere falsitatem : quantum ad speculativam; eripere a malo, et inducere ad bonum : quantum ad practicam.

Ultimus eius effectus est, ut perducat homines ad perfectum. Non enim qualitercumque bonum facit, sed perficit. Hebr. c. VI, 1 : ad perfectionem feramur. Et ideo dicit ut perfectus sit homo Dei, quia non potest homo esse perfectus, nisi sit homo Dei. Perfectum enim est, cui nihil deest. Tunc ergo homo est perfectus, quando est instructus, id est, paratus, ad omne opus bonum, non solum ad ea quae sunt de necessitate salutis, sed etiam ad ea quae sunt supererogationis. Gal. cap. ult. : bonum autem facientes, non deficiamus.

 

Après avoir proposé en exemple à Timothée les persécutions qu’il a lui-même souffertes, pour ne pas paraître avoir été seul à passer par ces épreuves, l’Apôtre lui rappelle que c’est là le partage commun des saints. Et d’abord il lui explique comment les saints sont appelés à souffrir ici-bas ces défaillances propres à la peine; en second lieu comment les méchants avancent [dans le mal] par les défaillances dues à la faute même (verset 13) : "Mais les hommes méchants…"

I. Il dit donc : "J’ai souffert des persécutions, non pas moi seul, car" tous seront persécutés, etc." Le mot "piété" peut se prendre en deux sens : ou pour la vertu de piété qui se rapporte au culte divin (ci-dessus, même chap. 5) : "Ils auront une apparence de piété;" ou, parfois, pour la miséricorde à l’égard du prochain (I Tim IV, 8) : "La piété est utile à tout." "Tous ceux donc qui veulent vivre avec piété en Jésus-Christ, etc… " c’est-à-dire qui veulent pratiquer le culte de la religion chrétienne ; (Tite II, 12) : "Nous devons vivre dans le siècle présent avec tempérance, avec justice, avec piété," ceux donc qui seront tels, "seront persécutés," et surtout dans la primitive Église, quand Jésus-Christ était persécuté en tous lieux par les Juifs et par les Gentils. C’est pourquoi il est dit (Jean, XVI, 2) : "Le temps vient où quiconque vous fera mourir croira faire un sacrifice agréable à Dieu;" (Mt XXIV, 9) : "Vous serez haïs de toutes les nations à cause de mon nom." De même : "Tous ceux aussi qui veulent vivre avec piété," c’est-à-dire qui par la foi qu’ils ont en Jésus-Christ, veulent pratiquer la miséricorde à l’égard du prochain, doivent souffrir nécessairement persécution, si ce n’est pas extérieurement, du moins intérieurement, en compatissant aux misères du prochain, dont ils voient les fautes et les châtiments à venir ; (2 Co XI, 29) : " Qui est scandalisé sans que je brûle ?" ; (II Pierre, II, 8) : "(Lot), continuant à habiter au milieu d’eux, étant tous les jours tourmenté dans son âme juste, par leurs actions détestables;" (Psaume CXVIII, 158) : "J’ai vu les prévaricateurs et je séchais de douleur, etc…" Il est encore d’autres persécutions qui ne peuvent manquer à tous les saints, ce sont celles qui viennent de la chair, du monde et du démon, car (Gal., V, 17) : "La chair a des désirs contraires à ceux de l’esprit;" (Rom., VII, 24) : "Malheureux homme que je suis! Qui me délivrera de ce corps de mort ?" ; (Psaume XXXIII, 20) : "Les justes sont exposés à beaucoup d’affliction "

II. Quand l’Apôtre dit (verset 13) : "Mais les hommes méchants," il établit que les méchants tombent dans des maux encore plus grands, à savoir, ceux qui sont liées à leur faute. Il dit : "méchants," en soi, c’est-à-dire en tant qu’ils s’attachent au péché ; (Mt XXI, 41) : "Il fera périr misérablement ces misérables, etc …" (verset 13) : "et les imposteurs," c'est-à-dire ceux qui cherchent la perte du prochain, en les conduisant à part, en dehors de la voie de la vérité qui est commune à tous ; (Rom., XVI, 18) : "Par des paroles douces et flatteuses, ils séduisent les âmes simples." Ces hommes, non contents encore des maux qu’ils ont causés (verset 13) "se fortifieront de plus en plus dans le mal." (Ap XXII, 11) : "Que celui qui est souillé se souille encore."

On objecte qu’il est dit plus haut, dans ce chapitre même (verset 9) : "Le progrès qu’ils feront aura ses bornes." Il faut répondre que ceux qui se fortifient ainsi dans le mal y sont autorisés par Dieu. Ou bien encore que ceux-là ne se fortifient dans le mal que par leur intention pleine de malice, qui est toujours dirigée vers le mal ; mais la Providence divine empêche qu’ils puissent accomplir ce qu’ils ont commencé. Si donc les méchant se fortifient dans le mal, c’est en eux-mêmes, parce qu’ils s’écartent de la vérité ; (Mt XXII, 29) : "Vous êtes dans l’erreur, parce que vous ne comprenez ni les Écritures ni la puissance de Dieu." Ils s’égarent aussi dans leurs oeuvres, et dans ce sens tous les pécheurs s’égarent ; (Proverbes XIV, 22) : "Ceux qui s’appliquent à faire le mal se trompent." Enfin ils s’égarent par rapport au prochain, parce que ce sont des séducteurs. C’est ce qui fait dire à Paul (verset 13) : "Etant dans l’erreur et y faisant tomber les autres," en leur persuadant par exemple qu’ils peuvent par la voie de la prospérité, arriver au royaume des cieux, contre ce qui est dit plus haut : "Tous ceux qui veulent vivre avec piété, etc.;" et (Isaïe III, 12) : "Mon peuple, ceux qui vous disent bienheureux vous séduisent,"

II° A ces mots (verset 14) : "Quant à vous, [demeurez ferme dans les choses que vous avez apprises]," Paul recommande à Timothée de se maintenir dans la règle de conduite qu’il lui a tracée. Il l’exhorte par trois motifs, pris du côté du maître, du côté de Timothée lui-même, et du côté des dons qu’il a reçus.

I. Il dit donc : "Quant à vous, vous savez quelle est ma doctrine, etc.," comme il a été dit plus haut (III, 10) : "Demeurez donc ferme dans les choses [que vous avez apprises];" (Ecclésiastique X, 4) : "Si l’Esprit de celui qui a la puissance s’élève sur vous, ne quittez pas votre place;" (1 Co XV, 58) : "Demeurez fermes et inébranlables," l’Apôtre dit donc : "Demeurez fermes dans les choses que vous avez apprises, et qui vous ont été confiées," car tout chrétien apprend ce qui est de foi; et telle est la doctrine du salut ; (Jean, VI, 45) : "Quiconque a écouté le Père, et a appris, vient à moi, etc." Mais les enseignements de la foi sont spécialement confiés aux évêques, par la raison qu’ils doivent les transmettre aux autres ; (Galates, II, 7) : "Ayant reconnu que la charge de prêcher l’Evangile aux incirconcis m’avait été donnée." Et pourquoi Timothée doit-il demeurer ferme dans la foi qu’il a reçue ? C’est que moi, Paul, je tenais ces vérités du Maître de la science, qui n’a pu errer ; (2 Co XIII, 3) : "Jésus-Christ parle en moi." Demeurez donc courageusement ferme dans ce que vous avez appris (verset 14), "sachant de qui vous l’avez appris," car c’est de moi, Paul, qui ne l’ai appris ni d’aucun homme, ni par le ministère d’aucun homme, etc. (Gal., I, 12).

II. Secondement, l’Apôtre exhorte Timothée, par sa propre condition. En effet, il est honteux pour celui qui a été élevé dans le bien depuis son enfance, de s’en écarter dans sa vieillesse (Ecclésiastique, XXVI, 27) : "Celui qui passe de la justice au péché, Dieu le réserve au tranchant de l’épée." Or, Timothée fut ainsi élevé ; (Proverbes XXII, 6) : "Le jeune homme suit sa première voie, dans sa vieillesse même il ne la quittera pas." C’est ce qui fait dire à Paul (verset 15) : "Et considérant que vous avez été nourri dès votre enfance dans les saintes lettres," ; ce sont les Ecritures de l’Ancien Testament que Timothée avait apprises dans son enfance, car il était fils d’une mère juive (Actes, XVI, 1), et sa mère le fit instruire dans ces Ecritures. Ce passage condamne les Manichéens, puisque l’Apôtre appelle ici l’Ancien Testament Saintes lettres, et que ses paroles ne peuvent s’entendre du Nouveau, Timothée n’ayant pas été instruit dès son enfance dans les Ecritures du Nouveau Testament.

III. Troisièmement, l’Apôtre exhorte Timothée à raison des dons qu’il a reçus, et c’est la troisième raison. Quand, en effet, l’on possède une science qui ne présente aucune utilité, on la laisse et l’on passe à une autre. Mais si cette science est très utile, c’est se conduire en insensé que de l’abandonner. Paul fait donc d’abord un raisonnement, ensuite il le développe (verset 16) : "Toute Ecriture, etc…"

Il dit donc : Vous avez été nourri dans les saintes Lettres, qui ne sont pas à mépriser, car elles sont utiles ; (Isaïe XLVIII, 17) : "Je suis le Seigneur votre Dieu qui vous enseigne ce qui vous est utile." C’est pourquoi il ajoute (verset 15) : "qui peuvent vous instruire [pour le salut]." (Jean, VI, 69) : "A qui irions-nous, Seigneur ? Vous avez les paroles de la vie éternelle." (Jean, V, 39) : "Lisez avec soin les Ecritures, puisque vous croyez y trouver la vie éternelle : ce sont elles qui rendront témoignage de moi." Or, les Ecritures peuvent vous instruire pour le salut, mais ce n’est que (verset 15) : "par la foi qui est en Jésus-Christ." (Rom., X, 4) : "Jésus-Christ est la fin de la loi; il donne la justice à tous ceux qui croient;" (Hébreux XI, 6) : "Il est impossible de plaire à Dieu sans la foi."

L’Apôtre développe ensuite son raisonnement, en disant (verset 16) : "Toute Ecriture,…" Il prouve que les saintes Ecritures sont la voie du salut, et en donne trois motifs : à raison de leur principe, de l’utilité de leurs effets, et enfin du fruit et de l’avancement qu’on en peut retirer.

Si, en effet, vous considérez la source des saintes Ecritures, elle est excellente entre toutes, car toutes les autres sciences nous ont été transmises par la raison humaine; mais la sainte Ecriture est divine. C’est pourquoi Paul dit (verset 16) : "Toute Ecriture qui est inspirée de Dieu." (Pierre, 21) : "Ce n’a pas été par la volonté des hommes que les prophéties nous ont été anciennement apportées, mais ç’a été par l’inspiration du Saint-Esprit que les saints hommes de Dieu ont parlé;" (Job, XXXII, 8) : "C’est l’inspiration du Tout-puissant qui donne l’intelligence."

On dit : comment toute autre écriture n’est-elle pas inspirée par Dieu, puisque, suivant Ambroise, tout ce qui est vrai, quel que soit celui qui le profère, vient de l’Esprit-Saint ? Il faut répondre que Dieu opère de deux manières, à savoir immédiatement et comme son œuvre propre, par exemple, les miracles ; ou bien par l’intermédiaire des causes secondes, comme dans les oeuvres naturelles ; (Job, X, 8) : "Ce sont vos mains qui m’ont formé, Seigneur…". Néanmoins la formation du corps se fait par l’opération de la nature. Ainsi, dans l’homme, Dieu forme l’intelligence immédiatement par les saintes Lettres et médiatement par les autres écritures.

L’effet des saintes Ecritures est de deux sortes. Elles apprennent à connaître la vérité, et elles persuadent de pratiquer la justice ; (Jean, XIV, 26) : "Mais le Consolateur, qui est le Saint-Esprit, vous enseignera," à savoir ce que vous devez savoir, "et vous suggérera" ce que vous devez faire. La sainte Ecriture est donc utile pour connaître la vérité; utile encore pour diriger dans l’accomplissement des œuvres. Il y a, en effet, la raison spéculative et la raison pratique, mais à l’une et à l’autre deux choses sont nécessaires, à savoir, connaître la vérité et repousser l’erreur. Car c’est l’oeuvre du sage de ne pas se tromper et de réfuter celui qui se trompe. De la première disposition, l’Apôtre dit (verset 16) : "Toute écriture est bonne pour instruire," à savoir de la vérité ; (Psaume CXVIII, 66) : "Enseignez-moi, Seigneur, la bonté, la discipline et la science." De la seconde, il ajoute (verset 16) : "Pour reprendre" ; (Tite I, 9) : "Afin qu’il soit capable (l'évêque) d’exhorter selon la saine doctrine et de convaincre ceux qui s’y opposent." Deux choses aussi sont nécessaires, quant à la raison pratique, à savoir, ramener du mal et conduire au bien ; (Psaume XXXIII, 15) : "Détournez-vous du mal et faites le bien." Du premier devoir Paul dit (verset 16) : "Pour corriger," ce qui est reprendre quelqu’un du mal qu’il a ; (Mt XVIII, 15) : "Si votre frère a péché contre vous, allez lui représenter sa faute en particulier entre vous et lui;" (.Job, V, 17) : "heureux l’homme que Dieu corrige lui-même." Du second (verset 16) : "Pour conduire à la justice." Or, la sainte Ecriture produit tous ces effets (Isaïe VIII, 11) : "Le Seigneur m’a comme guidé de sa main puissante, etc…" Ainsi donc, la sainte Ecriture produit un quadruple effet : elle enseigne la vérité, réfute l’erreur, voilà pour la raison spéculative; elle corrige du mal et conduit au bien, voilà pour la raison pratique.

Son effet ultime est de conduire l’homme à la perfection, car elle ne fait pas le bien de quelque manière que ce soit, elle le perfectionne ; (Hébr., VI, 1) : "Élevons-nous à ce qui est plus parfait," c’est ce qui fait dire à Paul (verset 17) : "Afin que l’homme de Dieu soit parfait," car l’homme ne saurait être partait, s’il n’est l’homme de Dieu. Ce qui est parfait est ce à quoi il ne manque rien. L’homme est donc parfait, quand il est (verset 17) : "instruit," c’est-à-dire disposé "à toutes sortes de bonnes oeuvres," non seulement à celles qui sont de nécessité de salut, mais même à celles qui sont de surérogation. "Ne nous lassons donc pas de faire le bien, " (Galat., VI, 9).

 

 

Caput 4

CHAPITRE 4 Comment résister aux périls des derniers temps ?

Lectio 1

Leçon 1 — 2 Timothée IV, 1-5 : L'urgence apostolique

 

SOMMAIRE : Paul conjure Timothée devant Dieu de se livrer avec toute la force dont il est capable à la prédication de l’Evangile qui lui a été confié, car il lui prédit l’approche des temps de malice, pendant lesquels la vérité sera enveloppée des nuages de l’erreur.

[1] testificor coram Deo et Christo Iesu qui iudicaturus est vivos ac mortuos et adventum ipsius et regnum eius

[2] praedica verbum insta oportune inportune argue obsecra increpa in omni patientia et doctrina

[3] erit enim tempus cum sanam doctrinam non sustinebunt sed ad sua desideria coacervabunt sibi magistros prurientes auribus

[4] et a veritate quidem auditum avertent ad fabulas autem convertentur

[5] tu vero vigila in omnibus labora opus fac evangelistae ministerium tuum imple

 

1. Je vous conjure donc devant Dieu et devant le Christ qui jugera les vivants et les morts à son avènement glorieux, et dans l’établissement de son signe,

2. D’annoncer la parole. Pressez les hommes à temps et à contretemps; reprenez, suppliez, menacez, sans vous lasser jamais de les tolérer et de les instruire

3. Car il viendra un temps où les hommes ne pourront plus souffrir la saine doctrine; au contraire, au gré de leurs désirs, ils auront recours à une foule de docteurs propres à satisfaire leurs désirs.

4. Et fermant l’oreille à la vérité, ils l’ouvriront à des fables.

5. Mais pour vous, veillez; souffrez constamment toutes sortes de travaux; faites la charge d’un évangéliste; remplissez tous les devoirs de votre ministère; soyez sobre.

[87911] Super II Tim., cap. 4 l. 1 Praemissis periculis temporum novissimorum, et idoneitate Timothei ad resistendum, hic ostendit quomodo resistat. Et primo ponitur monitio; secundo eius necessitas, ibi erit enim.

Item, primo ponitur eius contestatio; secundo admonitio, ibi praedica verbum. In contestatione sunt duo consideranda, scilicet coram quibus contestetur, et per quem. Contestatur autem coram duobus, scilicet coram eo qui est nostra beatitudo, et coram eo qui nos in beatitudinem introducit.

Beatitudo autem nostra Deus est. Ps. XXXII, 12 : beata gens cuius est dominus Deus eius. Et ideo dicit testificor coram Deo, id est, testem invoco Deum quod hanc monitionem faciam. Hic enim testis non decipitur. II Cor. c. I, 23 : ego autem Deum testem invoco in animam meam. Et Christo, cuius est introducere in beatitudinem. Rom. V, 2 : per quem et accessum habemus per fidem in gratiam istam.

Vel aliter introducit quidem, quia ipse iudicaturus est vivos et mortuos. Et tunc vivos dicit illos, qui vivi reperientur in adventu eius, qui morientur quidem, sed quia in modico tempore resurgent, dicuntur vivi. I Thess. IV, 15 : nos qui vivimus, qui residui sumus in adventu domini, non praeveniemus eos qui dormierunt.

Vel vivos dicit bonos, scilicet qui vivunt vita gratiae, et mortuos, malos. I Io. c. III, 14 : qui non diligit, manet in morte. Et hos etiam iudicat. Act. X, 10 : ipse est qui constitutus est a Deo iudex vivorum et mortuorum.

Sed cum Christus sit Deus, quomodo utitur hic hac copula coram Deo et Christo ? Respondeo. Potest dici quod dicitur coram Deo, scilicet patre, et Christo, id est filio. Pater enim est fons divinitatis.

Deinde cum dicit et per adventum, etc., contestatur per duo desiderabilia sanctis : primum est adventus Christi. Lc. XII, v. 36 : similes hominibus expectantibus dominum suum quando revertatur a nuptiis. Apoc. ult. : veni, domine Iesu.

Secundum est regnum eius. Matth. VI, 10 : adveniat regnum tuum. Regnat quidem secundum potestatem generalem super omnem creaturam. Matth. ult. : data est mihi omnis potestas in caelo et in terra.

Sed specialiter et spiritualiter in sanctis regnat in praesenti per gratiam, et in futuro per gloriam. Qui sancti non sunt de hoc mundo. Io. XVIII, 36 : regnum meum non est de hoc mundo. Sed hoc regnum hic inchoatur, et in futuro consummabitur, quando omnia regna ei subiicientur et volentia, et nolentia. Ps. CIX, 1 : donec ponam inimicos tuos, et cetera.

Consequenter cum dicit praedica verbum, ponitur monitio, et hoc ut instet doctrinae, quae est duplex. Una ad omnes, quam ponit primo; alia ad aliquos, et hanc ponit secundo, ibi argue.

Item, primo monet eum ad generalem doctrinam exequendam; secundo docet modum exequendi.

Dicit ergo praedica verbum, scilicet Evangelii. Mc. ult. : euntes in mundum universum, praedicate Evangelium omni creaturae. In praedicatione duo sunt, scilicet denunciatio veritatis, et instructio ad mores. Et haec duo debet praedicator facere. Lc. ult. : incipiens a Moyse, et omnibus prophetis, interpretabatur illis in omnibus Scripturis, et cetera.

Modus est instantia et continuatio, unde dicit insta opportune, importune. II Cor. XI, 28 : instantia mea quotidiana, et cetera.

Sed dicit importune. Contra, Eccli. XX, 22 : ex ore fatui reprobabitur parabola; non enim dicit illam in tempore suo. Item, Prov. XV, v. 23 : sermo opportunus optimus est.

Dicendum est quod praedicator secundum veritatem, semper debet praedicare opportune, sed secundum existimationem falsam audientium, debet praedicare importune, quia praedicator veritatis semper est bonis opportunus, et malis importunus semper. Io. VIII, v. 47 : qui ex Deo est, verba Dei audit, propterea vos non auditis, quia ex Deo non estis. Eccli. VI, 21 : quam aspera est nimium sapientia indoctis hominibus.

Si homo enim vellet hanc servare opportunitatem, ut solum diceret his qui volunt audire, prodesset tantum iustis; sed oportet quod aliquando etiam praedicet malis ut convertantur. Et ad hoc additur importune. Is. LVIII, 1 : clama, ne cesses, et cetera.

Consequenter cum dicit argue, ponitur doctrina in speciali, quam primo ponit; secundo modum, ibi in omni patientia.

Instituens autem aliquem, specialiter potest eum instituere, vel de pertinentibus ad fidem; puta ut doceat veritatem, et removeat errorem; et quantum ad hoc primum dicit argue, scilicet errores. Tit. II, 15 : argue cum omni imperio. Vel de pertinentibus ad bonos mores, et ad hoc debet inducere aliquando bonum, et superiorem, et tunc debet placide et benigne monere; unde dicit obsecra. I Tim. V, 1 : seniorem ne increpaveris, sed obsecra ut patrem. Gal. VI, v. 1 : vos qui spirituales estis, huiusmodi instruite in spiritu lenitatis, et specialiter si non peccat ex malitia. Si autem instruat vel instituat malum, debet eum increpare; ideo dicit increpa. Tit. I, 13 : ob quam causam increpa illos dure, ut sani sint in fide. Iob V, v. 17 : increpationem domini ne reprobes.

Sed quis modus ? In omni patientia, ne iratus appareas, et ex ira instruas, sed tranquille. Prov. XIX, 11 : doctrina viri per patientiam noscitur. Ps. XCI, 14 : bene patientes erunt ut annuntient.

Et doctrina, scilicet de his quae ad fidem, et in his quae ad mores. Ier. III, 15 : pascent vos scientia et doctrina.

Deinde cum dicit erit enim, ostendit necessitatem monitionis praemissae. Est autem triplex necessitas praedictorum. Et prima ex parte audientium; secunda ex parte Timothei, ibi tu vero; tertia ex parte apostoli, ibi ego enim iam.

Circa primum duo facit, quia primo proponit necessitatem; secundo exponit dictum suum, ibi et a veritate.

Necessitas prima est auditorum perversitas in audiendo, ut utilia nolint audire, sed curiosa.

Dicit ergo quantum ad primum : insta, dum nolunt audire sanam doctrinam, erit enim tempus cum sanam doctrinam, etc., quando erunt mali doctores. Act. XX, 29 : ego scio quoniam lupi rapaces intrabunt in vos post discessionem meam. Unde dicit non sustinebunt, id est, erit eis odiosa vestra doctrina, scilicet Christi. Prov. VIII, v. 8 : iusti sunt omnes sermones mei, non est in eis pravum quid, neque perversum.

Alia perversitas, quia volunt inordinate audire curiosa et noxia. Prov. I, 22 : usquequo, parvuli, diligitis infantiam, et stulti ea quae sunt sibi noxia cupient, et imprudentes odibunt scientiam ?

Ideo dicit sed ad sua desideria coacervabunt, id est, multiplicabunt, et cetera. Contra quos dicitur Iac. III, 1 : nolite plures magistri fieri, fratres mei, scientes quoniam maius iudicium sumitis.

Et est coacervatio quando indigni et insufficientes multiplicantur, et magis coacervatio est, si fiant quatuor indigni, quam si centum boni; quia, ut habetur Sap. VI, 26, multitudo sapientium, sanitas est orbis terrarum. Is. XXX, 10 : loquimini nobis placentia.

Et hoc est secundum sua desideria, quia unus vult audire unum, alius alium, et sic quaerunt diversos magistros. Et dicit magistros prurientes auribus, scilicet auditores. Pruritum dicitur habere in pedibus, qui non vult quiescere. In auribus vero, qui semper audire vult nova, inaudita, et curiosa, et quandoque noxia. Act. XVII, 21, « Athenienses ad nihil aliud vacabant, nisi aut discere, aut audire aliquid novi. »

Et ideo multiplicatur doctrina haeretica. Prov. IX, 17 : aquae furtivae dulciores sunt, et panis absconditus suavior, et cetera.

Consequenter cum dicit et a veritate exponit dictum : et primo ponit quod dixerat, quod sanam doctrinam non sustinent, cum dicit a veritate auditum avertent.

Sana doctrina est quando non habet admixtam falsitatem, ergo sanam doctrinam non sustinent, dum veritatem nolunt audire. Os. c. IV, 1 : non est veritas, et non est misericordia, et non est scientia Dei in terra. Io. c. VIII, 45 : si veritatem dico vobis, quare non creditis mihi ?

Secundo quod dixerat : coacervabunt, etc., exponit cum dicit ad fabulas autem convertentur. Fabula est composita ex miris in quibus deficit veritas. Et talia homines habentes in auribus pruritum, volunt audire. I Tim. c. IV, 7 : ineptas et inanes fabulas devita.

Deinde cum dicit tu vero, ponitur necessitas ex parte Timothei, cui erat officium commissum; et ideo necessarium erat quod praedicaret. Et primo monet eum ad sollicitudinem; secundo inducit eum ad laborem; tertio moderatur laborem.

Dicit ergo tu vero vigila. Quasi dicat : isti sic faciunt, tu vero, et cetera. Matth. c. XXIV, 42 : vigilate, quia nescitis qua hora dominus vester venturus sit. Lc. II, 8 : et pastores erant in regione eadem vigilantes, et custodientes vigilias noctis supra gregem suum. Rom. XII, 8 : qui praeest in sollicitudine.

Sed quia sollicitudo sine labore, inanis est, ideo primo inducit ad universaliter laborandum; secundo determinat in quo est laborandum; tertio laborandi necessitatem.

Dicit ergo : vigila, sed sic, quod aliquid facias; et ideo labora. Sap. III, 15 : bonorum laborum gloriosus est fructus. Et hoc in omnibus, id est, in omni genere hominum. Is. XXXII, 20 : beati qui seminatis super omnes aquas. Mc. ult. : praedicate Evangelium omni creaturae.

Unde mox determinat in quo est laborandum, dicens opus fac Evangelistae, id est, evangeliza. Hoc enim est nobile opus; quia ad hoc Christus est missus. Lc. IV, 43 : aliis civitatibus oportet me evangelizare, quia ideo missus sum. Is. XLI, 27 : primus ad Sion dicet : ecce adsum, et Ierusalem Evangelistam dabo.

Evangelista autem dicitur aliquando qui scripsit Evangelium, et sic sunt quatuor; quandoque qui praedicat ipsum, et sic dicitur hic et Eph. IV, 11.

Necessitas autem huius laboris, quia est ministerium tuum, tibi commissum. Et ideo imple, scilicet praedicando. Col. IV, 17 : dicite Archippo : vide ministerium quod accepisti in domino, ut illud impleas. Ille autem implet officium Evangelistae, qui verbo praedicat, et opere implet. Act. I, 1 : coepit Iesus facere et docere.

Consequenter inducit ad moderantiam, dicens sobrius esto, vel sobrietati corporali, quae decet praedicatorem. Ebrietas enim est inimica sapientiae. Eccle. II, 3 : cogitavi abstrahere a vino carnem meam. Vel potius sobrietas ponitur hic pro discretione. Act. XXVI, 25 : verba sobrietatis, et veritatis eloquor. I Petr. V, 8 : sobrii estote, et cetera.

 

Après avoir annoncé d’abord les périls des derniers temps et montré que Timothée pouvait y résister, l’Apôtre explique ici comment résister. Il fait une recommandation; II° il en fait voir la nécessité (verset 3) : "Car il viendra un temps, etc."

Il fait I. l’appel de ses témoins; II. Sa recommandation (verset 2) : "Annoncez la parole [de Dieu], etc."

I. Dans l’appel des témoins, il y a deux choses à considérer, ceux devant qui et ceux par qui il adresse sa recommandation.

L’Apôtre fait sa recommandation devant deux témoins, à savoir devant celui qui est notre béatitude et devant celui qui nous introduit dans cette béatitude. Or, notre béatitude est Dieu (Psaume XXXII, 12) : "Bienheureux le peuple qui a le Seigneur pour son Dieu." Il dit donc (verset 1) : "Je vous conjure devant Dieu," c’est-à-dire j’invoque comme témoin Dieu que je vous fais cette recommandation. On ne trompe pas ce témoin ; (2 Co I, 23) : "Je prends Dieu à témoin sur mon âme." (verset 1) : "Et devant Jésus-Christ," à qui il appartient de nous introduire dans la béatitude ; (Rom., V, 2) : "Par Lui (J.-C.) nous avons entrée par la foi à cette grâce,…" Ou bien encore il nous introduit dans la béatitude, parce que (verset 1) : "C’est lui qui doit juger les vivants et les morts." L’Apôtre appelle vivants ceux qui seront trouvés vivants au moment de son avènement; ils mourront néanmoins, mais parce qu’ils ressusciteront après un court intervalle, il les appelle vivants (Thess., IV, 15) : "Pour nous autres, qui sommes vivants et qui seront demeurés pour l’avènement du Seigneur, nous ne devancerons pas ceux qui sont déjà dans le sommeil." Ou bien encore Paul appelle vivants les bons, c’est-à-dire ceux qui vivent de la vie de la grâce, et morts les méchants ; (I Jean, III, 14) : "Celui qui n’aime pas demeure dans la mort." Jésus est ainsi leur juge (Actes I, 42) : "C’est Lui qui a été établi par Dieu pour être le juge des vivants et des mort "

Mais puisque Jésus-Christ est Dieu, pourquoi Paul se sert-il ici de la particule conjonctive : "Devant Dieu et devant le Christ ?" On peut dire que l’Apôtre veut dire : "Devant Dieu," à savoir le Père, "et Jésus-Christ" c’est-à-dire Dieu le Fils, car Dieu le Père est le principe de la divinité.

A ces mots (verset 1) : "à son avènement, etc.," l’Apôtre supplie Timothée par deux choses qui doivent être l’objet des désirs des saints. La première est l’avènement de Jésus-Christ (Luc, X, 36) : "[Il faut que vous soyez] semblables à ceux qui attendent que leur maître revienne des noces, etc.;" (Apo XX, 20) : "Venez, Seigneur Jésus" La seconde est son règne ; (Mt VI, 10) : "Que votre règne arrive," Jésus-Christ règne d’abord par sa puissance générale sur toutes les créatures ; (Matthieu XVIII, 18) : "Toute puissance m’a été donnée dans le ciel et sur la terre." Mais Jésus-Christ règne spécialement et spirituellement sur les saints, dans la vie présente par la grâce et dans la Vie future par la gloire; or ces saints ne sont pas de ce monde ; (Jean, XVIII, 36) : "Mon royaume n’est pas de ce monde;" toutefois ce royaume commence ici-bas et s’achèvera dans la vie à venir, quand tous les royaumes, qu’ils le veuillent ou non, lui seront soumis (Psaume CIX, 1) : "Jusqu’à ce que je réduise vos ennemis, etc…"

II. Lorsqu’il dit ensuite (verset 2) : "Annoncez la parole," Paul fait sa recommandation. Son but est que Timothée s’applique surtout à l’enseignement de la doctrine, lequel est de deux sortes : l’un qui s’adresse à tous, l’Apôtre en parle d’abord : l’autre regarde quelques-uns seulement, il en parle ensuite (verset 2) : "Reprenez, etc."

Dans sa recommandation, il l’avertit premièrement de donner ses soins à l’enseignement général; secondement, il l’instruit de la manière de le faire.

1. Il dit donc (verset 2) : "Annoncez la parole," à savoir de l’Evangile (Marc, XVI, 15) : "Allez par le monde entier : prêchez l’Evangile à toute créature." Or, la prédication a deux fins : annoncer la vérité et régler les mœurs. Ce sont les deux choses que doit faire le prédicateur ; (Luc, XXIV, 27) : "Ensuite, commençant par Moïse et parcourant tous les prophètes, il leur expliquait [tout ce qui avait été dit de Lui] dans les saintes Ecritures, etc…"

2. Le mode de l’enseignement, c’est l’assiduité et la persévérance. L’Apôtre dit donc (verset 2) : "Pressez les hommes, à temps et à contretemps" ; (2 Co I, 28) : "Outre ces soucis de chaque jour, etc…"

L’Apôtre dit : "A contretemps," mais on objecte ce qui est dit (Ecclésiastique, XX, 22) : "Une parole sage sera mal reçue de la bouche de l’insensé, parce qu’il l’a dite à contretemps;" et (Prov. XV, 23) : "Ce qu’on doit estimer est la parole dite à propos."

Il faut répondre que celui qui prêche en fonction de la vérité doit toujours parler d’une manière opportune, mais, en fonction de la fausse appréciation de ceux qui l’entendent, il doit le faire même d’une manière inopportune, par la raison que le prédicateur de la vérité est pour les bons toujours opportun et toujours importun pour les méchants ; (Jean, VIII, 47) : "Celui qui est de Dieu écoute les paroles de Dieu. Ce qui fait que vous ne les écoutez pas, c’est que vous n’êtes pas de Dieu;" (Ecclésiastique VI, 21) : "Que la sagesse est amère aux personnes indociles." Si, en effet, ou voulait chercher cette opportunité, de ne parler qu’à ceux qui veulent entendre, on ne serait utile qu’aux justes. Or, il faut aussi s’adresser quelquefois aux méchants, afin qu’ils se convertissent. Voilà pourquoi l’Apôtre ajoute : "A contretemps" ; (Isaïe LVIII, 1) : "Criez sans cesse; etc…"

Quand Paul dit à la suite (verset 2) : "Reprenez, etc.," il passe à l’enseignement en particulier. D’abord il l’expose; ensuite il en détermine le mode (verset 2) : "Sans vous lasser jamais, etc."

1. Or, celui qui instruit quelqu’un peut lui apprendre d’une manière spéciale soit ce qui appartient à la foi; dans le but, par exemple, de lui faire connaître la vérité et de l’éloigner de l’erreur. De ce premier but l’Apôtre dit : "Reprenez," à savoir les erreurs ; (Tite II, 45) : "Reprenez avec une pleine autorité." Soit ce qui appartient aux bonnes mœurs ; et sur ce point il doit y porter quelquefois celui qui est bon, et même celui qui est meilleur, il doit alors avertir avec retenue et bienveillance. L’Apôtre dit donc (verset 2) : "Suppliez" ; (I Tim V, I) : "Ne reprenez pas le vieillard avec rudesse, avertissez-le comme votre père;" (Galat., VI, 1) : "Vous autres, qui êtes spirituels, relevez celui qui est tombé, en y mettant un esprit de douceur, etc.;" particulièrement, s’il ne pêche pas par malice, mais s’il prépare le mal ou s’il s’y incruste, on doit le reprendre. C’est pourquoi Paul dit (verset 2) : "Menacez" ; (Tite I, 13) : "C’est pourquoi reprenez-les fortement, afin qu’ils conservent la pureté de la foi " (Job, V, 17) : "Ne rejetez pas le châtiment du Seigneur."

2. Comment faut il reprendre ? (verset 2) : "En toute patience," pour ne pas paraître sous l’empire de la colère en voulant instruire, mais pour rester maître de soi ; (Proverbes XIX, 11) : "La science d’un homme se connaît par sa patience;" (Psaume XCI, 15) : "Ils seront remplis de patience pour annoncer, etc." (verset 2). Et en toute doctrine, à savoir, à l’égard de ce qui tient à la foi et de ce qui concerne aux mœurs ; (Jérémie., III 15) : "ils vous nourriront de la doctrine et de la science."

II° A ces mots (verset 3) : "Car il viendra un temps, etc.," l’Apôtre explique la nécessité de la recommandation qu’il vient de faire. Or, il y avait une triple nécessité de donner cet avertissement : la première du côté des auditeurs; la seconde du côté de Timothée lui-même (verset 5) : "Mais pour vous, veillez, etc.;" la troisième du côté de l’Apôtre lui-même (verset 6) : "Car pour moi je suis, etc."

I. A l’égard de la première, Paul expose d’abord cette nécessité; il développe ensuite ce qu’il a dit (verset 4) : "Et [fermant l’oreille] à la vérité."

La première nécessité est la perversité même des auditeurs, alors que recevant l’enseignement, ils ne veulent pas entendre des choses utiles, mais des choses qui piquent leur curiosité.

L’Apôtre dit donc quant aux premières : "insistez;" quand un ne veut pas entendre la saine doctrine, car (verset 3) : "Il viendra un temps où les hommes ne pourront plus la souffrir, etc."

1. Quand il y aura des docteurs du mal ; (Actes, XX, 29) : "Je sais qu’après mon départ il entrera parmi vous des loups rapaces." C'est ce qui fait dire à Paul (verset 3) : "Ils ne pourront souffrir [la saine doctrine]," c’est-à-dire votre doctrine, celle de Jésus-Christ qui leur sera odieuse ; (Prov., VIII, 8) : "Tous mes discours sont justes, ils n’ont rien de mauvais ni de corrompu."

2. Il est encore une autre perversité, c’est quand, dans le dérèglement de leur esprit, ils veulent entendre des choses curieuses et dangereuses ; (Proverbes I, 22) : "O enfants, jusqu’à quand aimerez-vous l’enfance ? Jusqu’à quand les insensés désireront-ils ce qui leur est pernicieux, et les imprudents haïront-ils la science ?" C’est pour quoi l’Apôtre dit (verset 3) : "Au gré de leurs désirs, ils auront recours," c’est-à-dire, ils multiplieront, etc. C’est contre eux qu’il est dit (Jacques III, 1) : "Mes frères, qu’ils n’y en ait pas tant parmi vous qui veuillent devenir des maîtres, sachant que cette charge vous expose à un jugement plus sévère." Ce recours se passe quand les docteurs indignes et incapables se multiplient, et dans ce cas, quatre indignes font une troupe plus forte que cent docteurs qui seraient dignes, car (Sagesse, VI, 26) : "La multitude des sages est le salut du monde;" (Isaïe, XXX, 10) : "Dites-nous des choses qui nous agréent." Alors tout se passe selon leurs désirs, car celui-ci veut entendre un maître, celui-là en veut un autre, et chacun cherche des maîtres différents. L’Apôtre dit : "[Ils auront recours] à une foule de docteurs, propres à satisfaire leurs désirs," c’est-à-dire, à eux, les auditeurs. On dit de celui qui ne sait pas demeurer en repos : il a des démangeaisons dans les pieds ; en avoir dans les oreilles c’est vouloir entendre toujours des choses nouvelles, extraordinaires, curieuses, nuisibles quelquefois ; (Actes, XVII, 21) : "Les Athéniens ne passaient tout leur temps qu’à dire ou entendre quelque chose de nouveau." Ainsi se propage la doctrine hérétique. (Prov., IX, 17) : "Les eaux dérobées sont plus douces, et le pain pris en cachette, est le plus agréable, etc…"

Quand l’Apôtre dit ensuite (verset 4) : "[Et fermant l’oreille] à la vérité," il explique ce qu’il vient de dire.

1. Et d’abord il rappelle ce qu’il avait dit : qu’ils ne supporteront pas la saine doctrine, lorsqu’il dit (verset 4) : "Et fermant l’oreille à la vérité." La doctrine saine est celle qui n’admet le mélange d’aucune erreur. Ils ne supportent donc pas la saine doctrine, quand ils ne veulent pas entendre la vérité (Osée, IV, 1) : "Il n’y a pas de vérité, il n’y a pas de miséricorde, il n’y a pas de connaissance de Dieu sur la terre;" (Jean, VIII, 45) : "Si je vous dis la vérité pourquoi ne me croyez-vous pas ?"

2. Ensuite il explique cette autre parole qu’il avait dite (verset 3) : "Ils auront recours, etc.," quand il ajoute (verset 4) : "Ils l’ouvriront à des fables." La fable est composée de récits merveilleux, dépourvus de vérité. Ce sont de tels récits, que ces hommes à qui les oreilles démangent veulent entendre (l Tim., IV, 7) : "Fuyez les fables impertinentes et puériles,"

II. Quand il ajoute (verset 5) : "Mais pour vous, [veillez], etc.," Paul exprime la même nécessité du côté de Timothée qui avait reçu la charge [de prêcher] et devait par conséquent l’exercer. D’abord il lui recommande la sollicitude; ensuite il l’exhorte au travail; enfin il tempère cette notion de travail.

Il dit donc (verset 5) : "Mais pour vous, veillez;" en d’autres termes : Si ceux dont je vous ai parlé agissent de la sorte," pour vous, veillez, etc…" ; (Mt XXIV, 42) : "Veillez donc parce que vous ne savez pas à quelle heure votre Seigneur doit venir;" (Luc, II, 8) : "Il y avait là aux environs des bergers qui passaient la nuit dans les champs, veillant tour à tour à la garde de leur troupeau;" (Rom., XII, 8) : "Que celui qui est chargé de la conduite de ses frères,…"

Mais comme la vigilance sans travail, manque son but, l’Apôtre engage Timothée, d’abord en termes généraux, à travailler ; en second lieu, il détermine quel doit être l’objet de ce travail; enfin la nécessité de s’en acquitter.

1. Il dit donc : "Veillez," mais de manière à faire quelque chose; par conséquent : "Souffrez les travaux" (Sagesse, III, 15) : "Le fruit des justes travaux est plein de gloire." Et cela : "En toutes circonstances," c’est-à-dire à l’égard de toutes les catégories d’hommes ; (Isaïe, XXXII, 20) : "Vous serez heureux vous qui semez près de toutes les eaux;" (Marc, XVI, 15) : "Prêchez l’Evangile à toute créature."

2. Paul détermine immédiatement, après ce premier point, quel doit être ce travail, quand il dit (verset 5) : "Faites la charge d’un évangéliste," c’est-à-dire annoncez l’Evangile. C’est là, en effet, un noble ouvrage, car c’est pour lui que Jésus Christ a été envoyé ; (Luc, IV, 43) : "Il faut aussi que j’annonce aux autres villes l’Evangile du royaume de Dieu, car c’est pour cela que j’ai été envoyé;" (Isaïe XLI, 27) : "C’est lui qui dira le premier à Sion : Voici mes paroles, et je vais donner à Sion un messager de bonne nouvelle." On donne quelquefois le nom d’évangéliste à celui qui a écrit un évangile; or ces évangélistes sont au nombre de quatre. Quelquefois aussi à celui qui prêche l’Evangile même; c’est dans ce sens que ce terme est pris ici et au chap. IV, 41 de l'Epître aux Ephésiens.

3. La nécessité de ce travail, c’est que tel est "le ministère" qui vous a été confié (verset 5) : « Remplissez-en donc les devoirs », à savoir, en prêchant l’Evangile. (Coloss., IV, 17) : "Dites à Archippe : veillez à bien accomplir le ministère que vous avez reçu du Seigneur." Or, pour remplir les fonctions d’évangéliste, il faut prêcher la parole et accomplir les oeuvres (Actes, I, 1) : "…que Jésus commença à faire et à enseigner, etc."

L’Apôtre engage ensuite son disciple à éviter tout excès, quand il dit (verset 5) : "Soyez sobre," ou de cette sobriété corporelle qui convient à celui qui prêche [la vérité], car l’ivresse est l’ennemie de la sagesse (Ecclésiastique, II, 3) : "J’ai pris en moi-même la résolution de refuser à ma chair l’usage du vin;" ou plutôt de la sobriété qu’on appelle discrétion ; (Actes, XXVI, 25) : "Les paroles que je viens de dire sont des paroles de vérité et de bon sens;" (1 Pierre, V, 8) : "Soyez sobres, etc…"

Lectio 2

 

Leçon 2 — 2 Timothée IV, 6-8 : La mort et la gloire à venir

 

SOMMAIRE : Paul prédit la dissolution prochaine do son corps et dit qu’il est assuré de la couronne céleste.

[6] ego enim iam delibor et tempus meae resolutionis instat

[7] bonum certamen certavi cursum consummavi fidem servavi

[8] in reliquo reposita est mihi iustitiae corona quam reddet mihi Dominus in illa die iustus iudex non solum autem mihi sed et his qui diligunt adventum eius

 

6. Car pour moi je suis comme une victime qui a déjà reçu l’aspersion pour être sacrifiée, et le temps de ma mort s’approche.

7. J’ai bien combattu, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi.

8. Il ne me reste qu’à attendre la couronne de justice qui m’est réservée, que le Seigneur comme un juste juge me rendra en ce grand Jour; et non seulement à moi, mais encore à tous ceux qui aiment son avènement.

[87912] Super II Tim., cap. 4 l. 2 Supra monuit eum, ut instaret doctrinae, et hoc propter audientes, et propter ipsum Timotheum, hic inducit tertiam necessitatem, scilicet ex parte apostoli, et est, quia in brevi erat subtrahendus de mundo. Et primo praenuntiat suam mortem imminere; secundo mandat quod visitet eum, ibi festina.

Circa primum duo facit : primo designatur instantia mortis eius; secundo securitas morientis, ibi bonum certamen.

Circa primum duo facit, quia primo nuntiat passiones quas patiebatur; secundo praedicit mortem quae expectabatur, ibi et tempus meae. Quantum ad primum dicit : ego enim iam delibor, quasi dicat : statim ego delibor. Sanctorum autem passio dicitur immolatio. Phil. II, 17 : sed et si immolor super sacrificium, et obsequium fidei vestrae gaudeo. Ps. CXV, 17 : tibi sacrificabo hostiam laudis, scilicet pro te patiendo.

Antiquitus in sacrificiis, quae ex humidis offerebantur, quaedam fiebant praegustationes; et hae vocabantur delibationes. Rom. XI, 16 : quod si delibatio sancta est, et massa, et cetera. Et ideo vocat passiones imminentes delibationes.

Et quamvis iamdiu eas sim expertus, tempus tamen meae resolutionis instat. Est autem duplex resolutio, scilicet animae a corpore. Eccle. ult. : et revertatur pulvis in terram suam, unde erat : et spiritus redeat ad Deum qui dedit illum. Item est resolutio corporis in pulverem. Gen. III, 19 : pulvis es, et in pulverem reverteris.

Deinde cum dicit bonum, ostendit securitatem suae mortis. Sed sciendum est, quod est differentia inter mortem iusti et peccatoris quia, ut dicitur Prov. XI, 7, mortuo homine impio, nulla erit ultra spes.

Quia enim spem habet in istis rebus transitoriis, ideo spem non habet in aeternis. Sed iustus habet spem in aeternis, et non in terrenis. Primo ergo ponit meritum suae securitatis; secundo securitatem de praemio, ibi in reliquo.

Meritum huius vitae est in tribus, scilicet in resistendo malis, in proficiendo in bonis, et in bene utendo Dei donis.

Primum dicitur quoddam certamen; unde hic dicit bonum certamen certavi. Sed certamen dicitur bonum, primo, si sit pro bonis; puta si sit pro fide et iustitia, sicut apostoli. Iud. I, 3 : de communi vestra salute necesse habui scribere vobis, deprecans supercertari semel traditae sanctae fidei. Eccli. c. IV, 33 : pro iustitia agonizare pro anima tua, et usque ad mortem certa pro iustitia.

Secundo, propter modum certaminis, si scilicet sollicite et legitime certetur. Supra II, v. 5 : non coronabitur, nisi qui legitime certaverit. I Cor. IX, 26 : sic pugno, non quasi aerem verberans, sed castigo corpus meum, et cetera.

Tertio, propter difficultatem certaminis. Sap. X, 12 : et certamen forte dedit illi, ut vinceret.

Secundum quod est profectus in bonis dicitur cursus, unde sequitur cursum consummavi. I Cor. IX, 24 : sic currite, ut comprehendatis.

Et dicitur cursus profectus sanctorum, quia cum festinatione currunt, ut meliorantes consumment, agitati stimulis charitatis. Hebr. IV, 11 : festinemus ergo ingredi in illam requiem. Ps. CXVIII, 32 : viam mandatorum tuorum cucurri.

Sed adhuc certamen et cursus mortis restabat : ergo non consummaverat cursum, nec certaverat. Dicendum est quod sicut homo qui bene incipit et intendit finire, habet opus perfecte, sic et apostolus : iam enim incoeperat, et finire intendebat.

Bonus usus donorum Dei est duplex, scilicet conservatio fidei et ideo dicit fidem servavi, quod facit qui utitur donis Dei ad gloriam Dei et salutem proximorum. Matth. XXIV, v. 45 : quis, putas, est fidelis servus et prudens, quem constituit dominus super familiam suam ? I Tim. I, 12 : fidelem me existimavit ponens in ministerio. Vel servavi in me virtutem fidei. Rom. XIV, 23 : omne quod non est ex fide, peccatum est. Propter quod Matth. X, 16 : estote prudentes sicut serpentes, id est, custodite fidem, tamquam caput et fundamentum virtutum.

Deinde cum dicit in reliquo, ponitur spes de praemio, quod primo ponit; secundo ostendit datorem eius, ibi quam reddet; tertio ponit participes praemii, ibi qui diligunt.

Dicit ergo : ex quo pugnavi et cursum consummavi, nihil restat nisi quod coroner. Corona iustitiae dicitur quam Deus ex sua iustitia reddet. Sed contra : quia vita aeterna ex gratia datur. Rom. VI, 23 : gratia Dei vita aeterna, et cap. VIII, 18 : non sunt condignae passiones huius temporis ad futuram gloriam; non ergo ex iustitia. Respondeo. Dicendum est, quod est tibi gratia quantum ad radicem merendi; iustitia quantum ad actum, qui procedit ex voluntate.

Vel corona iustitiae est, quae datur ex iustitia, quia datur iustis secundum opera iusta. Is. III, 10 : dicite iusto, quoniam bene fructum adinventionum suarum comedet, et cetera.

Haec corona duplex est : quaedam principalis, quaedam secundaria. Prima est praemium essentiale, quae nihil est aliud quam gaudium de veritate. Is. XXVIII, 5 : in illo die erit dominus exercituum corona gloriae, et sertum exultationis residuo populi sui. Deus est ergo corona nostra. Secunda est corona, quae debetur specialibus operibus, et haec est aureola, et una debetur martyribus. Supra II, 5 : non coronabitur, nisi qui legitime certaverit. Et ad hoc est quod dicit bonum certamen certavi. Alia debetur virginibus. Sap. IV, 2 : in perpetuum coronata triumphat, incoinquinatorum certaminum praemium vincens. Et ad hoc est cursum consummavi. Apoc. XIV, 4 : hi sequuntur agnum, et cetera.

Tertia est doctorum. Prov. IV, 9 : dabit capiti tuo augmenta gratiarum, et corona inclyta proteget te. Et ad hoc dicit fidem servavi. Et dicit reposita, id est, secundum aeternam praedestinationem reservata. Supra I, v. 12 : scio cui credidi, et certus sum quia potens est depositum meum servare in illum diem.

Dator huius est Deus, ideo dicit quam reddet mihi dominus, scilicet per suam iustitiam, in illa die. Nam haec est corona gloriae, et haec duplex, scilicet animae; et haec redditur sanctis in illa die, scilicet in morte. Unde hic dicit tempus meae resolutionis instat. II Cor. V, 1 : si terrestris domus nostra huius habitationis dissolvatur, aedificationem habemus ex Deo.

Alia est corporis, et haec reddetur in illa die, scilicet iudicii. I Cor. XV, 43 : seminatur in ignobilitate, et cetera.

Participes huius sunt omnes sancti, unde dicit non solum autem mihi, scilicet reponitur. Apoc. ult., 20 : veni, domine Iesu. Cant. V, 1 : veniat dilectus meus in hortum suum, ut comedat fructum pomorum suorum. Qui non diligunt Deum, nihil habent ut diligant adventum eius. Amos V, 18 : vae desiderantibus diem domini. Quia corona solum charitati debetur. Io. XIV, 21 : qui diligit me, diligetur a patre meo, et ego diligam eum, et manifestabo ei meipsum.

 

L’Apôtre, dans ce qui précède, a averti Timothée de s’occuper instamment de la doctrine, et ce dans l’intérêt de ceux qui la reçoivent, et dans le sien propre ; il en apporte ici une troisième raison, prise du côté de Paul Lui-même. C’est que bientôt il devait être retiré de cette vie. Et d’abord il lui annonce que sa mort n’est pas éloignée; en second lieu, il lui mande de venir le visiter (verset 9) : "Hâtez-vous [de venir me trouver au plus tôt]." Sur le premier de ces points, l’Apôtre révèle sa mort prochaine; II° il dit sa sécurité aux approches de sa mort (verset 7) : "J’ai bien combattu, etc."

Dans la première division, il rend compte des souffrances qu’il a endurées ; II° il prédit la mort qu’il attend (verset 6) : "Le temps de ma mort approche."

De ses souffrances, il dit (verset 6) : "Car pour moi, je suis comme une victime…;" en d’autres termes : Je suis comme déjà effleuré par la mort. La mort des saints s’appelle immolation (Philipp., II, 17) : "Mais si je devais être immolé dans le sacrifice et dans le service de votre foi, je m’en réjouirais;" (Psaume CXV, 17) : "Je vous offrirai un sacrifice de louanges," à savoir, en souffrant pour vous. Autrefois, dans les sacrifices qui consistaient en corps liquides, on prenait d’abord les prémices, ce qui s’appelait faire des libations ; (Rom., XI, 16) : « Si les prémices sont saintes, la masse l’est aussi. » Voilà pourquoi l’Apôtre appelle ses souffrances imminentes des libations.

II. Et bien qu’il les endure depuis longtemps, il dit (verset 6) : "Et le temps de ma mort approche." Or, il y a deux sortes de mort, l’une qui sépare l’âme d’avec le corps ; (Ecclésiastique, XII, 7) : "Et que la poussière rentre dans la terre d’où elle avait été tirée, et que l’esprit revienne à Dieu qui l’a donné;" l’autre, qui réduit le corps en poussière ; (Gen., III, 19) : "Vous êtes poussière, et vous retournerez en poussière."

II° Quand l’Apôtre dit ensuite (verset 7) : "J’ai bien combattu," il exprime sa sécurité à l’approche de la mort. Il faut observer quelle est la différence entre la mort du juste et celle du pécheur, car, ainsi qu’il est dit au livre des Proverbes (XI, 7) : "A la mort du méchant il ne lui restera plus d’espérance." Il a mis, en effet, ses espérances dans les choses qui passent, il n’en a pas dans celles qui sont éternelles. Le juste, au contraire, a placé ses espérances dans les choses éternelles et non dans celles d’ici-bas. Paul exprime donc I. le mérite qui fait sa sécurité. II. son assurance de la récompense (verset 8) : "Il me reste [la couronne de justice], etc."

I. Le mérite de cette vie consiste en trois choses, à savoir résister au mal, avancer dans le bien et user comme on le doit des dons de Dieu.

Le premier de ces mérites suppose une sorte de combat, c’est pour cela que Paul dit (verset 7) : "J’ai bien combattu." Or, pour que ce combat soit bon, il faut d’abord qu’on le livre pour le bien, par exemple pour la foi et la justice, comme ont fait les apôtres ; (Jude, I, 3) : "Ayant souhaité avec une grande ardeur de vous écrire touchant le salut qui nous est commun, je m’y trouve maintenant obligé, pour vous exhorter à combattre pour une foi qui a été une foi laissée par tradition aux saints;" (Ecclésiastique, IV, 33) : "Prenez la défense de la justice pour sauver votre âme, et combattez pour la justice jusqu’à la mort." Ensuite il faut observer la manière de combattre, c’est-à-dire, combattre avec vigilance et selon la loi (ci-dessus, II, 5) : "[Celui qui combat dans les jeux publics] ne sera couronné qu’après avoir combattu selon la loi;" (1 Co X, 26) : "Je combats, mais pas comme si je donnais des coups en l’air; mais je traite rudement mon corps, etc." Enfin, la difficulté du combat ; (Sag., X, 12) : "Elle (la sagesse) l’a engagé dans un rude combat, afin qu’il demeurât victorieux."

La seconde condition du mérite est l’avancement dans le bien; on l’appelle ici course. L’Apôtre dit donc à la suite (verset 7) : "J’ai achevé ma course." (1 Co IX, 24) : "Courez de telle sorte que vous remportiez le prix." L’avancement des saints dans le bien est appelé une course, parce qu’ils courent avec empressement afin que, poussés par l’aiguillon de la charité, ils dépassent même ceux qui sont les premiers ; (Hébr., IV, 11) : "Efforçons-nous d’entrer dans ce repos;" (Psaume CXVIII, 32) : "J’ai couru dans la voie de vos commandements."

Cependant puisqu’il lui restait encore et le combat et la course de la mort, l’Apôtre n’avait donc ni terminé sa course, ni fini son combat. Il faut dire que, de même que celui qui a bien commencé et se propose de finir de même est dans la perfection de son oeuvre, ainsi en était-il de Paul ; car déjà il avait bien commencé et il se proposait de bien finir.

Le bon usage des dons de Dieu comprend deux choses : la conservation de la foi ; Paul dit donc (verset 7) : "J’ai gardé la foi." C’est ce que fait celui qui se sert des dons de Dieu, pour la gloire de Dieu et le salut du prochain ; (Mt XXIV, 45) : "Quel est à votre avis, le serviteur fidèle et prudent que son maître a établi sur ses domestiques ?" ; (I Timothée 1, 12) : "Il m’a jugé fidèle en m’établissant dans son ministère." Ou bien encore il a conservé en moi la vertu de foi ; (Rom., XIV, 23) : "Tout ce qui ne se fait pas selon la foi, est péché." C’est pourquoi il est dit en Matthieu (X, 16) : "Soyez prudents comme des serpents," c’est-à-dire gardez la foi, comme la tête et le fondement de toutes les vertus.

II. Quand l’Apôtre dit ensuite (verset 8) : "Il me reste [la couronne de justice]," il exprime son espérance à l’égard de la récompense. Et d’abord il dit quelle est cette récompense; en second lieu, il précise qui la lui donnera (verset 8) : "Que [le Seigneur qui est un juste juge] me rendra, etc.;" enfin avec qui il doit la partager (verset 8) : "Et encore à tous ceux qui attendent son avènement."

Il dit donc : Dès lors que j’ai combattu et que j’ai achevé ma course, ce qui reste, c’est que je reçoive ma couronne, la couronne de justice que Dieu rendra dans sa justice.

On objecte que la vie éternelle est gratuitement donnée ; (Rom., VI, 23) : "La grâce de Dieu, c’est la vie éternelle, [en Jésus-Christ];" et (Rom., VIII, 18) : "Les souffrances de la vie présente, n’ont pas de proportion avec cette gloire qui sera un jour révélée en nous", et non de par la justice de Dieu. Il faut dire que le terme "Grâce" est employé ici pour indiquer la source du mérite, et celui de "Juste" pour l’acte qui émane de la volonté. Ou encore, la couronne de justice est celle qui est décernée d’après la règle de la justice, parce qu’elle est accordée aux justes pour les oeuvres accomplies dans la justice ; (Isaïe, III, 10) : "Dites au juste qu’il [est heureux], parce qu’il recueillera le fruit de ses œuvres. "

Or, cette couronne est double : l’une principale, l’autre secondaire. La première est la récompense essentielle, qui n’est autre chose que la joie issue de la vérité ; (Isaïe, XXVIII, 5) : "En ces jours là, le Seigneur des armées sera une couronne de gloire, et comme un bouquet pour le reste de son peuple." Dieu est donc notre couronne. La seconde est la couronne qui est due pour des oeuvres spéciales; c’est l’auréole, dont une est destinée aux martyrs (ci-dessus, II, 5) : "Nul n’est couronné qu’après avoir combattu selon la Loi;" et c’est pour cela que Paul dit : « j’ai bien combattu » ; une autre est due aux vierges ; (Sag., IV, 2) : "[La race injuste] est couronnée pour jamais comme victorieuse, après avoir remporté le prix dans les combats sans souillure." C’est pourquoi l’Apôtre dit : "J’ai achevé ma course" ; (Ap XIV, 4) : "Ceux-là suivent l’Agneau [partout où il va], etc…" La troisième est celle des docteurs ; (Prov., IV, 9) : "Elle (la sagesse) mettra sur votre tête un accroissement de grâce et elle vous couvrira d’une éclatante protection." C’est ce qui fait dire à Paul : "J’ai gardé la foi." II ajoute (verset 8) : "Qui m’est réservée," à savoir selon la prédestination éternelle (ci-dessus, I, 12) : "Je sais à qui je me suis confié et je suis persuadé qu’il est assez puissant pour me garder mon dépôt jusqu’à ce jour."

Celui qui donne cette couronne, c’est Dieu. C’est ce qui fait dire à Paul (verset 8) : "Que le Seigneur me rendra, par sa justice," en ce jour." Car c’est là cette couronne de gloire. Elle est double, à savoir, d’abord pour l’âme, et elle est décernée aux saints, "en ce jour," c'est-à-dire à la mort. Il dit donc ici : "Le temps de ma mort approche" ; (2 Co V, 1) : "Si cette maison de terre où nous habitons vient à se dissoudre, Dieu nous donnera [dans le ciel] une autre maison." Ensuite pour le corps, et elle sera décernée "en ce jour," c’est-à-dire au jugement ; (1 Co XV, 43) : "Il est mis en terre tout difforme, etc."

Tous les saints la reçoivent, c’est pourquoi l’Apôtre dit (verset 8) : "Et non seulement à moi " elle est réservée ; (Ap XX, 20) : "Venez Seigneur Jésus;" (Cant., V, 1) : "Que mon bien-aimé vienne donc dans son jardin, et qu’il mange du fruit de ses arbres." Quant à ceux qui n’aiment pas Dieu, ils n’ont pas de motif pour aimer son avènement ; (Amos V, 18 : "Malheur à ceux qui désirent le jour du Seigneur," car la couronne n’est due qu’a la charité seule ; (Jean, XIV, 21) : "Celui qui m’aime sera aimé de mon Père, et je l’aimerai aussi et je me découvrirai à lui."

 

 

Lectio 3

 

Leçon 3 — 2 Timothée IV, 8-22 : Appel à Timothée

 

SOMMAIRE : L’Apôtre mande vers lui Timothée, parce que sa mort est proche et que déjà tous l’avaient abandonné. Il lui fait ses souhaits, et en particulier celui de la grâce de Dieu.

[9] festina venire ad me cito

[10] Demas enim me dereliquit diligens hoc saeculum et abiit Thessalonicam Crescens in Galliam Titus in Dalmatiam

[11] Lucas est mecum solus Marcum adsume et adduc tecum est enim mihi utilis in ministerium

[12] Tychicum autem misi Ephesum

[13] paenulam quam reliqui Troade apud Carpum veniens adfers et libros maxime autem membranas

[14] Alexander aerarius multa mala mihi ostendit reddat ei Dominus secundum opera eius

[15] quem et tu devita valde enim restitit verbis nostris

[16] in prima mea defensione nemo mihi adfuit sed omnes me dereliquerunt non illis reputetur

[17] Dominus autem mihi adstitit et confortavit me ut per me praedicatio impleatur et audiant omnes gentes et liberatus sum de ore leonis

[18] liberabit me Dominus ab omni opere malo et salvum faciet in regnum suum caeleste cui gloria in saecula saeculorum amen

[19] saluta Priscam et Aquilam et Onesifori domum

[20] Erastus remansit Corinthi Trophimum autem reliqui infirmum Mileti

[21] festina ante hiemem venire salutat te Eubulus et Pudens et Linus et Claudia et fratres omnes

[22] Dominus Iesus cum spiritu tuo gratia nobiscum amen

 

8. Hâtez-vous de me venir trouver au plus tôt.

9. Car Démas m’a abandonné, s’étant laissé emporter à l’amour du siècle, et il s’en est allé à Thessalonique;

10. Crescent en Galatie, Tite en Dalmatie.

11. Luc est seul avec moi. Prenez Marc avec vous et amenez-le : car il peut beaucoup me servir pour le ministère de l’Evangile.

12. J’ai aussi envoyé à Tychique, à Ephèse.

13. Apportez-moi en venant le manteau que j’ai laissé à Troade, chez Carpus, et mes livres, surtout mes papiers.

14. Alexandre, l’ouvrier en cuivre, m’a fait beaucoup de mal; le Seigneur lui rendra selon ses oeuvres.

15. Gardez-vous de lui, parce qu’il a fortement combattu la doctrine que nous enseignons.

16. La première fois que j’ai défendu ma cause, personne ne m’a assisté, et tous m’ont abandonné. Je prie Dieu de ne le leur pas imputer.

17. Mais le Seigneur m’a assisté et m’a fortifié, afin que j’achevasse la prédication de l’Evangile, et que toutes les nations l’entendissent; et j’ai été délivré de ta gueule du lion.

18. Le Seigneur me délivrera de toute action mauvaise, et, me sauvant, me conduira dans son royaume céleste. A lui soit gloire dans les siècles des siècles Amen.

19. Saluez Prisque et Aquilas, et la famille d’Onésiphore.

20. Eraste est demeuré à Corinthe. J’ai laissé Trophime malade à Milet.

21. Hâtez-vous de venir avant l’hiver. Eubule, Pudent, Lin, Claudie et tous les frères vous saluent.

22. Que le Seigneur Jésus-Christ soit avec votre esprit. La grâce soit avec vous. Amen.

[87913] Super II Tim., cap. 4 l. 3 Rogat visitari, et primo vocat eum ad se; secundo significat suum statum, ibi Alexander; tertio concludit epistolarem salutationem, ibi salutant te.

Item primo mandat ut veniat : secundo assignat ei socium, ibi Marcum assume; tertio ostendit quid deferat, ibi penulam.

Circa primum duo facit, quia primo vocat eum; secundo causam vocationis assignat, ibi demas. Dicit ergo : quia in brevi sum recessurus de mundo, festina ad me venire cito.

Et hoc ut invicem consolarentur, et ut iuvarent eum in praedicatione Evangelii, pro quo erat sollicitus in vinculis existens. Prov. c. XVIII, 19 : frater qui adiuvatur a fratre, quasi civitas firma.

Causa vocationis est, quia societate debita erat destitutus. Et primo a quodam qui propter suam culpam recesserat; secundo, quia quosdam miserat ad praedicandum. Dicit ergo demas enim, etc., id est, praeposuit amorem huius saeculi, amori meo. I Io. II, 15 : si quis diligit mundum, non est charitas patris in eo. Crescens, quidam discipulus, abiit in Galatiam, missus ab apostolo. Titus etiam missus ab eo, abiit in Dalmatiam, ubi finaliter dicitur fuisse episcopus.

Iob XXXVIII, 35 : numquid mittes fulgura, et ibunt ? Lucas est mecum solus, hunc retinuit in praedicatione Evangelii, in qua fuit gratiosus. II Cor. VIII, 18 : cuius laus est in Evangelio per omnes Ecclesias.

Deinde cum dicit Marcum assume, et adduc, assignat ei socium; et circa hoc duo facit. Primo assignat ei socium; secundo huius rationem. Hic Marcus alio nomine dicitur Ioannes, et consobrinus Barnabae. Act. XV, 37 s. dicitur quod Barnabas volebat assumere Marcum, sed Paulus nolebat. Et propter hoc dissensio facta est inter eos, ita ut discederet ab eis. Col. ult. : Marcus consobrinus Barnabae. Ratio est, quia est mihi utilis, et cetera.

Deinde cum dicit penulam, etc., dicit quid portet. Carpus est sanctus quidam. Penula secundum Hieronymum erat volumen legis, quod habebant in charta per modum rotuli, et hoc vocat penulam. Vel penula dicitur vestis aliqua; sed, secundum Chrysostomum, erat vestis communis.

Et quia apostolus Romae erat pauper, non accipiens ab aliis, ideo voluit ut sibi vestis portaretur.

Haymo dicit, quod erat specialis vestis in signum nobilitatis. Unde Act. XXII, 25, Paulus dixit se civem Romanum. Pater enim Pauli serviebat Romanis in Tarso Ciliciae; et ex hoc factus fuit civis Romanus : et penula erat vestis in signum consulis.

Et forte pater suus erat ibi consul. Vel penula dicitur mantica ubi erant libri, quod videtur, quia sequitur et libros.

Sed quid apostolo de libris pleno spiritu sancto ? Item instabat sua resolutio. Respondeo. Dicendum est, quod propter duo. Primo ut in legendo haberet solatium. I Mac. XII, 9 : habentes solatio sanctos libros. In libris enim est remedium contra tribulationes.

Vel dicit hoc ne perderentur, sed remanerent fidelibus. Item quanto magis appropinquabat morti, tanto magis instabat servitio Scripturarum; sicut de Ambrosio dicitur quod usque ad ultimam aegritudinem non cessavit scribere; unde scribens illum Ps. XLVII, 2 : magnus dominus, et laudabilis nimis, etc., mortuus est.

Maxime autem membranas. Membranae sunt chartae non scriptae, vel schedulae, ubi scripserat epistolas, vel praedicationes suas.

Deinde cum dicit Alexander, etc., ostendit quae apud ipsum fuerunt, et quae apud ipsum sunt. Et primo ex parte hominum; secundo ex parte Dei, ibi dominus autem mihi astitit.

Iterum prima in duas; quia primo significat ei de quodam, qui ei adversabatur; secundo de negligentia eorum qui eum non iuvabant, ibi in prima mea defensione, et cetera.

Item, primo; praemittit culpam inique impugnantis; secundo ostendit poenam eius futuram, ibi reddet ei, etc.; tertio ostendit quomodo sit etiam secundum Ecclesiam puniendus, ibi quem et tu devita.

Videtur quod hic Alexander fuit artifex aeris, vel custos aerarii; et erat de his qui dixerunt legalia esse de necessitate salutis servanda. I Tim. I, 19 : circa fidem naufragaverunt, ex quibus est Hymenaeus et Alexander. Et dicunt quidam, quod iste est de quo dicitur Act. XIX, 24, quia concitavit seditionem in apostolum; sed nomen dissonat, quia ille Demetrius, hic Alexander, et Lucas; quia ille Ephesi, iste Romae fuit. Et subiungit multa mala mihi ostendit. Et nota quod non dicit fecit, sed quod ostendit, quia impii adversus iustos animum ostendere possunt, sed non semper explent, Ier. c. I, 19. Ier. XV, 20 : bellabunt adversum te, et non praevalebunt, quia ego tecum sum. Iob V, 12 : qui dissipat cogitationes malignorum, ne possint adimplere manus eorum quod coeperunt. Qui apprehendit sapientes in astutia eorum, et consilium pravorum dissipat.

Deinde cum dicit reddet illi dominus, etc., ponit poenam eius futuram. Sed nota quod non ponit verbum optativum, reddat, sed dicit, reddet; quia significatur poenam esse paratam a Deo, quod praevidebat apostolus ex eius pertinacia. Ps. LXI, 13 : quia tu reddes unicuique iuxta opera sua.

Tamen cum hoc quod reservatur ei poena in futurum, Ecclesia debet etiam eum punire excommunicando. Unde subiungit quem et tu devita, scilicet tamquam haereticum. Tit. III, 10 : haereticum hominem post unam et secundam correctionem devita. Cuius etiam dicti reddit rationem, dicens valde enim restitit verbis nostris. Act. VII, 51 : vos semper spiritui sancto restitistis.

Consequenter ponit negligentiam non iuvantium eum; et primo reprehendit eorum culpam; secundo petit eis veniam, ibi non illis imputetur.

Dicit ergo in prima mea, et cetera. Glossa dicit, quod apostolus saepe contra Alexandrum prave docentem pugnavit, et in persona nullus ei affuit. Sed hic non videtur esse sensus eius, quia iste Alexander non erat tantus, quod apostolus indigeret aliis ad disputandum cum eo. Sed dicendum est, quod, sicut dicitur Act. XXV, 21 : Paulus appellans missus est Romam, et ideo oportuit quod praesentaretur Caesari, ut discuteretur missionis suae causa, et Iudaei venerunt contra eum. Et hoc apostolus appellat suam primam defensionem. In qua discipuli defuerunt ei, timentes ne a crudeli Nerone punirentur.

Eccli. LI, 10 : respiciens eram ad adiutorium hominum, et non erat. Is. LXIII, v. 3 : torcular calcavi solus, et de gentibus non est vir mecum. Sed posset dici, quod hoc fuit, quia a principio nullus scivit. Sed hoc est falsum, immo ex quadam pusillanimitate recesserunt. Ps. LXXXVII, 19 : elongasti a me amicum, et proximum, et notos meos a miseria. Iob VI, v. 15 : fratres mei praeterierunt me, et cetera.

Sed quia fecerunt ex infirmitate, orat pro eis, et non excommunicat, dicens non illis imputetur. Lc. VI, 28 : orate pro calumniantibus vos. Deinde cum dicit dominus autem, ostendit quid agitur circa eum ex parte Dei, cuius auxilium primo ponit; secundo huius effectum, ibi et audiant.

Dicit ergo : omnes me dereliquerunt, sed ubi deest homo, offert se Deus. Ps. XXIV : quoniam pater meus et mater mea dereliquerunt me, dominus autem suscepit me. Unde dicit dominus mihi astitit, scilicet ad adiuvandum me. Ier. XX, 11 : dominus mecum est tamquam bellator fortis. Ps. XV, 8 : providebam dominum in conspectu meo semper, quoniam a dextris est mihi ne commovear.

Et quomodo ? Et confortavit me, fortitudinem animi dando, ut non stupescerem coram Caesare. Ez. III, 14 : manus domini erat mecum, me confortans.

Et hoc ut per me, etc. quod impletur quando ad plures diffunditur, et quando quod ore dicitur, opere impletur.

Act. IX, 15 : vas electionis, et cetera. Deinde cum dicit et audiant, ponitur effectus auxilii divini. Et primo quantum ad praeterita; secundo quantum ad futura; tertio agit gratias.

Sed duplex est beneficium circa praeterita, scilicet liberationis a culpa et a poena. Dicit ergo : dominus mihi astitit, et ideo in illa vocatione liberatus fui, quia non fui condemnatus a Caesare; sed permissum est mihi, quod irem quo vellem. Et ideo dicit et audiant omnes gentes, ut scilicet alii secum confortentur ad veniendum. Ps. XCV, 3 : annuntiate inter gentes gloriam eius. Et ut Iudaeorum insultatio deprimeretur. Et subdit liberatus sum de ore leonis, id est, de crudelitate Neronis. Prov. XIX, 12 : sicut fremitus leonum, ita ira regis. Prov. XXVIII, 15 : leo rugiens, et ursus esuriens princeps impius super populum pauperem.

Secundo liberatus fuit a culpa; unde dicit liberavit me dominus ab omni opere malo. Aliqui vero liberantur a poena, incidentes in culpam negationis a fide. Ps. XVII, 18 : eripuit me de inimicis meis fortissimis, et ab his qui oderunt me, et cetera. Et hoc per Deum. Sap. VIII, 21 : non possum esse continens nisi Deus det. In futuro salvum faciet. Is. XLV, 17 : Israel salvatus est in domino salute aeterna. Et dicit in regnum caeleste. Lc. XXII, 29 : ego dispono vobis sicut disposuit mihi pater meus regnum. Matth. V, 12 : merces vestra copiosa est in caelis.

Et ideo agit gratias, cui gloria. I Tim. I, v. 17 : regi saeculorum.

Deinde cum dicit saluta, etc., iniungit ei aliorum salutationem; secundo eum salutat ex parte aliorum; tertio ex parte sua.

Item circa primum primo iniungit aliorum salutationem; secundo determinat tempus veniendi. Dicit ergo saluta Priscam, scilicet quae est mulier, et aquilam, virum Priscae, quos praemittit, quia forte devotiores, et Onesiphori domum.

Sed quare non eum, sed domum ? Quia forte mortuus erat, et ideo salutat familiam; vel forte quia erat cum eo Romae. Determinans tempus veniendi, primo ostendit necessitatem; secundo prosequitur propositum. Necessitas est propter alios remanentes in aliis locis. Item propter turbationem maris.

Deinde ponit personas salutantes, ut patet. Et modo consueto, ne corrumpatur epistola scribit manu sua : gratia vobiscum. Amen.

 

Paul prie Timothée de venir le voir : il l’appelle près de lui; II° il lui fait connaître l’état où il se trouve (verset 14) : "Alexandre, etc…" ; III° enfin, il conclut par la solution usitée dans ses épîtres : « [tous les frères] vous saluent ».

Il lui mande donc I. de venir II. de prendre avec lui un compagnon (verset 11) : "Prenez Marc avec vous;" III. Il lui désigne un objet à apporter (verset 13) : "Apportez-moi, en venant, le manteau, etc."

I. Dans la première partie, il le mande d’abord ; ensuite il lui en donne le motif (verset 9) : "Car Démas m’a abandonné"

Il dit donc : Puisque bientôt je dois sortir de ce monde (verset 8) : "Hâtez- vous de venir me trouver, au plus tôt." C’était afin de se consoler mutuellement et pour que [les frères] l’aident dans la prédication de l’Evangile pour laquelle, même chargé de chaînes, il était plein de sollicitude ; (Proverbes XVII, 19) : "Le frère aidé par son frère, est comme une ville forte."

Le motif pour lequel l’Apôtre fait venir Timothée c’est parce qu’il était privé de la société de ceux qui devaient être avec lui. Et d’abord de celle d’un frère qui s’en était allé par sa propre faute; ensuite parce qu’il avait envoyé quelques-uns de ses disciples prêcher l’Evangile. Il dit donc (verset 9) : "Car Démas, etc…" c’est-à-dire a préféré l’amour du siècle à l’affection qu’il devait avoir pour moi ; (I Jean, II, 15) : "Si quelqu’un aime le monde, l’amour du Père n’est pas en lui." "Crescent," autre disciple, "s’est rendu en Galatie," par l’ordre de l’Apôtre; "Tite," aussi envoyé par Paul, "est allé en Dalmatie;" où l’on croit qu’il fut évêque dans la suite ; (Job, XXXVIII, 35) : "Commanderez-vous aux éclairs, pour qu’ils partent dans l’instant ?" ; (verset 11) : "Luc est seul avec moi." Paul l’avait retenu pour prêcher l’Evangile, et Luc le fit avec succès ; (2 Co VIII, 18) : "…, qui est devenu célèbre dans toutes les églises, par l’Evangile."

II. Quand l’Apôtre ajoute (verset 41) : "Prenez avec vous Marc, et l’amenez," il désigne à Timothée un compagnon. Il le lui nomme d’abord; ensuite il en donne la raison. Ce Marc est aussi appelé Jean; il était parent de Barnabé. Il est dit aux Actes (XV, 37) que Barnabé voulait prendre avec lui Marc, et que Paul ne voulait pas, et que pour cette raison, il se forma une contestation qui fut cause qu’ils se séparèrent ; (Coloss., IV, 10) : "Marc, le cousin de Barnabé." La raison de la demande de Paul, c’est (verset 11) que "Marc peut beaucoup me servir, etc…".

III. Par ces mots (verset 13) : "[Apportez-moi aussi, en venant], le manteau, etc…", il lui dit ce qu’il doit apporter. Carpus était un des fidèles. Ce « manteau » était, suivant Jérôme, un volume de la Loi, écrit sur un parchemin qu’on roulait. Paul l’appelle du nom équivalent à manteau. Ou bien, ce que Paul désigne par ce nom, était un certain vêtement, et même suivant saint Jean Chrysostome, un vêtement commun. Et parce que l’Apôtre, pendant son séjour à Rome, était pauvre, ne recevant rien de qui que ce soit, il souhaita qu’on le fournît de vêtements. Haymon prétend que c’était un vêtement spécial, en signe de noblesse, car Paul, au ch. XXII, 25, des Actes, se déclare citoyen romain. Le père de l’Apôtre était, en effet, au service des Romains, à Tarse en Cilicie, ce qui lui obtint le titre de citoyen romain. Or, ce manteau était un des signes de la dignité consulaire. Peut-être même le père de Paul était-il consul. Ou bien était-ce le sac où l’on serrait les livres; il le semblerait, puisque Paul ajoute (verset 14) : "Et mes livres."

Mais l’Apôtre, rempli de l’Esprit-Saint, qu’avait-il besoin de livres, surtout quand le moment de sa mort était proche ?

Il faut répondre qu’il avait besoin de livres pour deux raisons. D’abord pour se consoler dans la lecture ; (I Maccabées XII, 9) : "Ayant pour notre consolation les livres saints," car dans les livres se trouve le remède contre les tribulations. Ou bien encore Paul réclama ses livres pour qu’ils ne fussent pas perdus, mais qu’ils restassent aux fidèles. Ensuite plus le moment de la mort approchait, plus il se donnait au travail des Ecritures ; c’est ainsi qu’il est dit de Ambroise, que jusqu’au dernier moment de sa maladie il ne cessa pas d’écrire, de telle sorte qu’au moment où il écrivait le psaume XLVII, 2 : "Le Seigneur est digne de toute louange, etc…" il mourut[4]. (verset 13) : "Et surtout mes papiers." Ce devait être des feuilles non écrites, ou des petites feuilles sur lesquelles il avait écrit ses épîtres ou ses prédications.

II° Quand il dit (verset 14) : "Alexandre, etc…" il rend compte de ce qui s’est passé et de ce qui se passe encore à son égard. D’abord de la part des hommes; ensuite du côté de Dieu ; (verset 17) : "Mais le Seigneur m’a assisté et m’a fortifié."

I. La première partie se subdivise. L’Apôtre premièrement apprend à Timothée ce qui lui était arrivé de la part d’un homme qui lui était opposé; secondement, la négligence de ceux qui ne l’avaient pas aidé (verset 16) : "La première fois que j’ai défendu ma cause, etc."

II fait connaître d’abord le crime de celui qui le combattait d’une manière inique ; ensuite le châtiment qui attend cet adversaire dans l’avenir ; (verset 14) : "Le Seigneur lui rendra selon ses oeuvres;" enfin il déclare qu’il doit aussi être puni selon les lois de l’Eglise ; (verset 15) : "Gardez- vous de lui, etc."

On croit que cet "Alexandre" était un ouvrier en cuivre ou le gardien du Trésor ; qu’il était du nombre de ceux qui prétendirent qu’il fallait, de nécessité de salut, garder les observances légales ; (I Timothée., I, 20) : " (de ceux qui ont fait naufrage dans la foi) sont Hyménée et Alexandre". Quelques auteurs disent que cet Alexandre est celui dont il est dit, au ch. XIX, 24 des Actes, qu’il excita une sédition contre l’Apôtre. Mais le nom n’est plus le même : là c’est Demétrius, ici Alexandre; de plus Luc dit qu’alors ce fut à Ephèse, ici c’est à Rome. L’Apôtre ajoute (verset 14) : "Il m’a fait beaucoup de mal." Remarquez qu’il ne dit pas, il m’a fait, mais "il m’a fait voir," parce que les impies peuvent montrer leur mauvais vouloir contre les justes, mais ne peuvent pas toujours le satisfaire ; (Jérémie, I, 19, et XV, 20) : "Ils vous feront la guerre, et ils n’auront sur vous aucun avantage, parce que je suis avec vous " ; (Job, V, 12) : "Il dissipe les pensées des méchants, et il empêche leurs mains d’achever ce qu’ils avaient commencé; il surprend les faux sages dans leur propre ruse; il renverse les desseins des injustes."

A ces mots (verset 14) : "Le Seigneur lui rendra [selon ses œuvres]," il annonce le futur châtiment d’Alexandre. Observez qu’il n’emploie pas le mode optatif, « qu’il rende » ; il se sert du futur, "il lui rendra," donnant à entendre par là que le châtiment de Dieu est certain, ce que l’Apôtre prévoyait à raison de l’opiniâtreté du coupable ; (Psaume LXI, 13) : "C’est vous, Seigneur, qui rendez à chacun selon ses œuvres. "

Cependant, bien qu’un châtiment lui soit réservé dans l’avenir, l’Eglise doit encore le punir par l’excommunication ; c’est pourquoi Paul ajoute (verset 15) : "Gardez-vous de lui," comme d’un hérétique ; (Tite III, 10) : "Fuyez celui qui est hérétique, après l’avoir repris une et deux fois." L’Apôtre donne aussitôt la raison de cette parole, en disant (verset 15) : "Car il a fortement combattu la doctrine que nous enseignons." (Act., VII, 51) : "Vous résistez toujours au Saint-Esprit."

II. Paul fait ensuite connaître la négligence de ceux qui ne l’aident pas. Et d’abord il condamne leur faute; ensuite il demande pardon pour eux (verset 16) : "[Je prie Dieu] de ne le leur pas imputer."

Il dit donc (verset 16) : "La première fois que j’ai défendu ma cause, etc…" La Glose dit que l’Apôtre combattit souvent contre Alexandre qui enseignait l’erreur, et que nul ne l’assista personnellement. Mais il semble que ce n’est pas le véritable sens des paroles de Paul, car cet Alexandre n’était pas un personnage si important, que l’Apôtre eût besoin d’aides, pour discuter avec lui. Il faut dire, qu’ainsi qu’il est rapporté au ch. XXV, 21 des Actes, Paul, ayant appelé à César, fut envoyé à Rome ; il était donc nécessaire qu’il fût présenté à l’empereur, afin que la cause de sa mission fût discutée en présence des Juifs venus pour l’accuser. Voilà ce que l’Apôtre appelle sa première défense, dans laquelle il ne reçut aucun secours de la part des disciples, qui craignaient d’être punis par le cruel Néron ; (Ecclésiastique, LI, 10) : "J’attendais des hommes quelques secours, et il ne m’en venait pas;" (Isaïe LXIII, 3) : "J’ai été seul à fouler le vin, sans qu’aucun homme d’entre tous les peuples fût avec moi." On pourrait dire que s’il en fut ainsi, c’est parce que tout d’abord nul ne le sut, mais ceci est faux ; il y a plus, c’est que les disciples se retirèrent par je ne sais quelle pusillanimité ; (Psaume LXXXVII, 19) : "Vous avez éloigné de moi mes amis et mes proches, et vous avez fait que ceux qui me connaissent m’ont quitté à cause de ma misère;" (Job, VI, 15) : "Mes propres frères ont passé devant moi, etc…"

Mais parce qu’ils ont agi aussi par faiblesse, l’Apôtre prie pour eux, sans les excommunier, en disant (verset 17) : "[Que cette faute] ne leur soit pas imputée." (Luc, VI, 28) : "Priez pour ceux qui vous calomnient." Quand Paul ajoute (verset 17) : "Mais le Seigneur, etc…", il rend témoignage de ce qui s’est fait à son égard du côté de Dieu. Il fait connaître d’abord le secours qu’il en a reçu; ensuite l’effet que ce secours a produit (verset 17) : "Et que toutes les nations l’entendissent, etc."

Il dit donc : Tous m’ont délaissé, mais quand l’homme manque, Dieu s’offre ; (Psaume XXVI, 10) : "Mon frère et ma mère m’ont abandonné, mais le Seigneur m’a pris sous sa protection." C’est ce qui fait dire à l’Apôtre (verset 17) : "le Seigneur m’a assisté," à savoir pour me porter secours ; (Jérémie, XX, 11) : "Le Seigneur est avec moi comme un guerrier invincible;" (Psaume XV, 8) : "Je regardais le Seigneur, et je l’avais toujours devant mes yeux, parce qu’il est à ma droite, pour empêcher que je ne sois ébranlé." Et comment Dieu l’a-t-il assisté ? (verset 17) : "Et il m’a fortifié," en donnant à mon âme le courage, afin que je ne demeurasse pas interdit devant César ; (Ezéch., III, 14) "La main du Seigneur était avec moi qui me fortifiait." Le Seigneur a agi ainsi (verset 17) : "Afin que j’achevasse, etc…". Ce qui s’accomplit quand cette prédication s’étend à un plus grand nombre, et quand ce qu’on prêche de bouche, on l’accomplit dans les œuvres ; (Actes IX, 25) : "Cet honneur est un instrument, etc…"

II° En disant à la suite (verset 17) : "Et que toutes les nations l’entendissent," l’Apôtre exprime l’effet du secours divin. Et d’abord quant au passé ; en second lieu quant à l’avenir ; enfin il rend grâce.

I. Or il y a à l’égard du passé, un double bienfait : La délivrance de la faute et la délivrance de la peine. L’Apôtre dit donc : Le Seigneur m’a assisté, et grâce à ma vocation d’Apôtre "j’ai été délivré," car je n’ai pas été condamné par César, mais il m’a été permis d’aller où bon me semblait. C’est ce qui fait dire (verset 17) : "Afin que toutes les notions l’entendissent," c’est-à-dire en sorte que les apôtres fussent comme lui remplis de courage pour venir ; (Psaume XCV, 3) : "Annoncez sa gloire parmi les nations." Afin aussi que l’insolence des juifs fût réprimée : "J’ai été délivré," ajoute-t-il, "de la gueule du lion," c’est-à-dire de la cruauté de Néron. (Prov., XIX, 12) : "La colère du roi est comme le rugissement du lion;" (Prov., XXVIII, 15) : "Un méchant prince est pour le peuple pauvre un lion rugissant et un ours affamé."

II. En second lieu, il a été délivré de la faute. Il dit donc (verset 18) : "Le Seigneur me délivrera de toute action mauvaise." Il en est qui sont délivrés de la peine et qui tombent dans la faute, en niant la foi ; (Psaume XVII, 18) : "II m’a arraché des mains de mes puissants ennemis, et de ceux qui me haïssaient, etc…;" Ce fut là l’oeuvre de Dieu ; (Sagesse, VIII, 21) : "Comme je savais que je ne pouvais être continent si Dieu ne me donnait de l’être, etc." Dans l’avenir (verset 18) : "Il me sauvera" ; (Isaïe XLV, 17) : "Israël a reçu de Dieu un salut éternel." Il ajoute (verset 18) : "Il me conduira dans son royaume céleste ; (Luc, XXII, 29) : "Je vous prépare le royaume, comme mon Père me l’a préparé;" (Mt V, 12) : "Une grande récompense vous est réservée dans les cieux."

III. Et ainsi Paul rend grâces (verset 18) : "A lui donc soit gloire, etc…" (I Tim I, 17) : "Au roi des siècles, etc…"

III° A ces mots (verset 19) : "Saluez, etc.," Paul charge Timothée de saluer d’autres fidèles ; ensuite il le salue lui-même de la part d’autres personnes ; enfin de sa part à lui-même.

I. Il lui enjoint donc de saluer d’autres fidèles,

II. en second lieu il détermine le temps où il doit venir le trouver. Il dit (verset 19) : "Saluez Prisque;" c’était une dame chrétienne, "et Aquila, le mari de Prisque." Il les nomme les premiers, peut-être comme les plus pieux. "Et la famille d’Onésiphore." Pourquoi pas Onésiphore, mais sa famille ? C’est que peut-être Onésiphore était mort. Voilà pourquoi il salue sa famille; peut-être encore était-il avec l’Apôtre à Rome. En fixant ensuite à Timothée l’époque où il doit venir, il en explique d’abord la nécessité ; ensuite il poursuit sa pensée. La nécessité c’est à cause de la dispersion des autres disciples en divers lieux ; c’est aussi le danger de la navigation.

II. Ensuite il nomme les personnes qui saluent ; c’est clair.

III. Et suivant sa coutume, de peur qu’on n’altérât la lettre qu’il envoyait, il écrit de sa main : "La grâce soit avec vous."

 



[1] L’Apôtre exprime immédiatement quelle fut l’hérésie d’Hyménée et de Philète. Ce Philète vivait au premier siècle. Sans nier formellement la resurrection, il soutint qu’elle était déjà opérée, et qu’elle n’était que le passage de l’état, du péché à l’état de grâce. Il admettait que le Christ était ressuscité, mais il prétendait que les fidèles ne reprendraient pas leurs corps et qu’ils ressusciteraient spirituellement par le baptême, qui nous fait renaitre pour la vie nouvelle. Ainsi s’explique sur ce passage même le saint docteur. Hyménée fut converti par Paul en 65 de. J.-C. Il est inconnu.

 

[2] Il semble que le texte latin porte « eum » et non « Deum » ?

[3] Le sens du contexte impose de traduire « nocumentum » la première fois par « dommage » et la seconde fois par « nécessité » ; mais il y a là une anomalie…

[4] Quelques jours avant sa maladie, saint Ambroise avait prédit sa mort, annonçant en même temps qu’il vivrait jusqu’à Pâque il n’interrompit pas ses études ordinaires, et entreprit l’explication du psaume XVII. Le saint était déjà malade quand il la commença, puisque contre son habitude pour tous ses ouvrages il ne l’écrivit pas de sa propre main. Pendant qu’il dictait à Paulin, son secrétaire, celui-ci vit sur la tête du saint une flamme qui représentait un petit bouclier, et qui entrait peu à peu dans sa bouche. Son visage devint blanc comme la neige, et ce ne fut que quelque temps après qu'il parut dans son état ordinaire." Je fus, dit, Paulin, tellement effrayé, que je "restai sans mouvement," et qu’il ne me fut pas possible d’écrire ce qu’Ambroise me dictait, tant que dura la vision. Il répétait alors un passage de l’Ecriture que je me rappelle bien. Ce jour-là il cessa de lire et d'écrire, en sorte qu’il ne put finir d’expliquer le psaume." Nous avons encore cette explication. Saint Ambroise avait commenté quelques psaumes qui suivaient le psaume XLIII. Il était revenu à celui-ci.