Commentaire de la première épître de saint Paul à Timothée

SAINT THOMAS D’AQUIN

Docteur de l'Eglise catholique

 

 

Edition Louis Vivès, 1869,

Traduction par l'Abbé Bralé

 

 

Revue entièrement par Charles Duyck, mars 2006

Édition numérique, 2004, http://docteurangelique.free.fr, 2008

Les œuvres complètes de saint Thomas d'Aquin

 

 

PROLOGUE aux épîtres à Timothée et Tite 2

CHAPITRE 1 — La charité, supérieure à tout 3

Leçon 1 — 1 Timothée, I, 1-2 : Salutations 3

Leçon 2 — 1 Timothée I, 3-5 : Pratiquer d'abord la charité_ 5

Leçon 3 — 1 Timothée, I, 6-14 : Les vertus 9

Leçon 4 — 1 Timothée I, 15-20 et dernier : Dieu source de toute grâce_ 16

CHAPITRE 2 — La tenue dans les assemblées 22

Leçon 1 — 1 Timothée II, 1 à 6 : La prière à l'amour de Dieu_ 22

Leçon 2 — 1 Timothée II, 6-10 : La tenue des femmes et des hommes. 29

Leçon 3 — 1 Timothée, II, 11-15 et dernier : La tenue des femmes 34

CHAPITRE 3 — Les règles des ministres de l'Evangile 39

Leçon 1 — 1 Timothée III, 1-3 : Le ministère ordonné –Le célibat 39

Leçon 2 — 1 Timothée III, 4-11 : Les qualités des clercs 45

Leçon 3 — 1 Timothée III, 12-16 : Règles pour les diacres 51

CHAPITRE 4 — Diverses règles sur des aspects extérieurs du ministère 57

Leçon 1 — 1 Timothée IV, 1-5 : L'apostasie à venir 57

Leçon 2 — 1 Timothée IV, 6-10 : La piété, le devoir d'enseignement 62

Leçon 3 — 1 Timothée IV, 11-18 : L'évêque : un modèle et une miséricorde_ 69

CHAPITRE 5 — Les veuves et ceux qui enseignent 75

Leçon 1 — 1 Timothée V, 1-6 : Les veuves 75

Leçon 2 — 1 Timothée V, 7-14 : Le rôle pastoral des veuves 79

Leçon 3 — 1 Timothée V, 15-23 : le choix des candidats au sacerdoce_ 85

CHAPITRE 6 — Attitude de l'Eglise face à d'autres personnes 92

Leçon 1 — 1 Timothée VI, 1-8 : L'attitude des serviteurs 92

Leçon 2 — 1 Timothée VI, 9-14 : cupidité, racine de tous les maux_ 100

Leçon 3 — 1 Timothée VI, 15-16 : La parousie_ 106

Leçon 4 — 1 Timothée VI, 17-21 et dernier : La vraie richesse, éternelle. 110

 

 

Textum Taurini 1953 editum ac automato translatum a Roberto Busa SJ in taenias magneticas denuo recognovit Enrique Alarcón atque instruxit

Traduction par l'Abbé Bralé (Edition Louis Vivès, 1870), Revue entièrement par Charles Duyck, mars 2006

 

 

Prooemium

PROLOGUE aux épîtres à Timothée et Tite

 [87878] Super 1 Tm pr. In manu Dei potestas terrae, et execrabilis omnis iniquitas gentium, et utilem rectorem suscitabit in tempore super illam. Eccli. X, 4.

Haec verba materiae huius epistolae conveniunt. Prius enim instruxit Ecclesiam in his, quae ad eius unitatem pertinent, hic instruit ipsos rectores Ecclesiae, qui sunt quasi principalia membra eius. Circa quod videnda est ista instructio et utilitas.

Instructio est in Deo, quia in manu Dei, et cetera. Et hoc tripliciter, quia ab ipso exoritur. Rom. XIII, 1 : non est potestas nisi a Deo. Item quod secundum Deum debet regulari. Prov. VIII, 15 : per me reges regnant, et conditores legum iusta decernunt. Item quia secundum Dei dispositionem, eorum potestas fundatur. Dan. II, 21 : et ipse mutat tempora et aetates, transfert regna atque constituit.

Item utilitas eorum ostenditur, quia est ad cohibendam nequitiam hominum, quia execrabilis omnis iniquitas gentium. Iusto non est lex posita. Rectores legis tripliciter debent se habere ad mala. Primo ut ea corde odio habeant. II Mach. III, 1 : animo odio habentes mala, et cetera. Secundo ut prohibeant ea ne fiant. Prov. XX, 8 : rex qui sedet in solio iudicii dissipat omne malum. Tertio ut facta puniant. Rom. XIII, 4 : minister enim Dei est, vindex in iram eius qui male agit. Quarto videnda est utilitas, ibi utilem rectorem, et cetera. Et ad tria est utilis rector, quae notantur Eccli. XLIX, 15 : Ioseph princeps fratrum, ut gentem sustentet per potentiam. Is. XIX, 4 : et rex fortis dominabitur eorum, et cetera. Rector fratrum, dirigendo per sapientiam. Is. XXXII, 8 : princeps ea quae sunt digna principe cogitabit, et cetera. Eccli. X, 24 : in medio fratrum rector illorum. Stabilimentum populi, ut cohibeat ab iniustis per iustitiam, Ps. XVII, 28 : tu populum humilem salvum facies, et oculos superborum humiliabis, et cetera.

Et sic patet materia harum epistolarum, quia est ad instructionem rectorum populi fidelis, in quo quidam praeferuntur in spiritualibus, sicut praelati Ecclesiarum, quos primo instruit; quidam vero in temporalibus, quos secundo monet; et hoc in epistola ad Philemonem. Circa primum tres sunt epistolae, secundum tria quae competunt praelato, quorum primum est ut gubernet populum; secundum, ut pro populo subdito patiatur; tertium, ut malos coerceat. Primum in prima ad Timotheum; secundum in secunda, ubi agit de martyrio; tertium in epistola ad Titum, ubi agit ac docet quomodo vitet haereticos, ut etiam patet in argumentis epistolarum.

Le pouvoir souverain sur un pays est dans la main de Dieu. Toute iniquité des nations est exécrable, et c’est Dieu qui y suscitera en son temps un prince pour gouverner utilement. (Ecclésiastique X, 4 et 7)

Ces paroles conviennent à la matière de cette Epître. L’Apôtre a instruit l’Eglise de ce qui concerne son unité; il instruit ici les pasteurs même de l'Eglise lesquels en sont comme les membres principaux. Il faut donc considérer cette institution même et son utilité.

L’institution est en Dieu, car elle est dans la main de Dieu lui-même, et cela de trois manières Premièrement, parce qu’elle émane de lui (Rm XIII, 1) : "Il n'y a pas de pouvoir qui ne vienne de Dieu." Ensuite, parce qu’elle doit être réglée selon Dieu ; (Prov., VIII, 15) : "Les rois règnent par moi, et c’est par moi que les législateurs ordonnent ce qui est juste." Enfin, parce que leur puissance est établie suivant la disposition de Dieu ; (Daniel II, 21) : "C’est lui qui change les temps et les siècles, qui renverse et établit les royaumes."

On en reconnaît l’utilité, en ce qu’elle a pour fin de comprimer la méchanceté des hommes; car "toute iniquité des nations est exécrable" (ci-après, I, 9) : "Reconnaissant que la loi n’est pas pour le juste." Or, ceux qui font les lois doivent être dans une triple disposition à l’égard du mal. Ils doivent d’abord le haïr de cœur ; (II Maccabées III, 1) : "Ayant dans le coeur de la haine contre tout mal, etc." Ensuite, défendre de le commettre ; (Prov., XX, 6) : "Le roi qui est assis sur son trône pour rendre justice, dissipe tout le mal [par son seul regard]." Enfin le punir, lorsqu’il est commis ; (Rm XIII, 4) : "Il est le ministre de Dieu, pour exécuter sa vengeance, en punissant celui qui fait de mauvaises actions."En quatrième lieu, il faut considérer l’utilité, à ces mots (verset 4) : "[Il y suscitera en son temps] un prince pour le gouverner utilement." Celui qui gouverne est utile pour les trois fins suivantes : Il est comme Joseph ; (Ecclésiastique, XLIX, 15) : "Le prince de ses frères" afin de soutenir sa nation par sa puissance ; (Isaïe XIX, 4) : "Un roi puissant les dominera, etc.". Le gouverneur de ses frères, en les dirigeant par sa sagesse ; (Isaïe XXXII, 8) : "Le prince aura des pensées dignes d’un prince, etc.;" (Ecclésiastique, X, 24) : "Celui qui conduit ses frères est parmi eux en honneur. Le ferme appui de son peuple," afin de réprimer les injustes par la justice ; (Psaume XVII, 28) : "Vous sauverez le peuple qui est humble, et vous humilierez les yeux des superbes, etc.."

Ainsi l’on voit la matière de ces épîtres destinées à l’institution des conducteurs du peuple fidèle. Les uns sont chargés des choses spirituelles, ce sont les chefs des Eglises auxquels l’Apôtre s’adresse d’abord. Les autres s’occupent des choses temporelles. Paul leur fait ses recommandations dans l'Epître à Philémon. Les trois autres épîtres concernent les premières, et répondent aux trois devoirs de la charge des chefs : le premier, de gouverner le peuple; le second, de souffrir pour le peuple qui leur est confié; le troisième, de réprimer les méchants. Il traite du premier dans la première Epître à Timothée; du second dans la seconde Epître, aussi à Timothée, où il parle du martyre; du troisième dans l’Epître à Tite, où il enseigne et explique comment le pasteur doit éviter les hérétiques. Tout ceci se vérifiera dans l’exposition de ces Epîtres.

 

 

Caput 1

CHAPITRE 1 — La charité, supérieure à tout

Lectio 1

Leçon 1 — 1 Timothée, I, 1-2 : Salutations

 

SOMMAIRE : Paul souhaite à son cher Timothée la grâce, la miséricorde et la paix; ce qu’il n’a pas fait ailleurs, parce que les chefs spirituels ont besoin de plus de grâces.

[1] Paulus apostolus Christi Iesu secundum imperium Dei salvatoris nostri et Christi Iesu spei nostrae

[2] Timotheo dilecto filio in fide gratia misericordia pax a Deo Patre et Christo Iesu Domino nostro

1. Paul, apôtre de Jésus-Christ par l'ordre de Dieu, notre Sauveur, et du Christ Jésus notre espérance.

2. A Timothée, son cher fils dans la foi. Que Dieu notre Père et le Christ Jésus Notre Seigneur vous donne la grâce, la miséricorde et la paix.

[87879] Super 1 Tm cap. 1 l. 1 Dividitur haec epistola in salutationem et epistolarem narrationem, ibi sicut rogavi. Circa primum tria facit, quia primo ponitur persona salutans, secundo persona salutata; tertio bona optata.

Describit autem personam salutantem, primo ex nomine Paulus, quod convenit auctoritati propter duo. In apostolatu enim duo sunt, scilicet altitudo potestatis, ad quam exaltantur humiles. I Reg. XV, 17 : cum esses parvulus in oculis tuis, caput in tribubus Israel factus es. Et Paulus dicitur modicus. Item claritas sapientiae, et hanc dominus praebet parvulis. Matth. XI, 25 : revelasti ea parvulis, et cetera.

Secundo ex auctoritate, quia apostolus, id est, missus. Io. XX, 21 : sicut misit me pater. I Cor. IX, 2 : signaculum apostolatus mei vos estis in domino.

Tertio ex origine huius auctoritatis, unde dicit Iesu Christi secundum imperium Dei, et cetera. Act. XIII, 2 : segregate mihi Barnabam et Saulum in opus ad quod assumpsi eos. I Reg. XIII, 14 : quaesivit sibi dominus virum iuxta cor suum, et cetera. Ex quo patet quod praelati ex necessitate praecepti tenentur ad ea quae sunt proprii officii. I Cor. c. IX, 16 : vae mihi enim est, si non evangelizavero. Et Christi Iesu spei nostrae, qui est spes nostra, ut ad eum veniamus. Phil. I, 23 : desiderium habens dissolvi, et esse cum Christo, et cetera. Vel spei nostrae, quia per ipsum speramus adipisci bona aeterna. I Petr. I, 3 : regeneravit nos in spem vivam, et cetera. Rom. XV, 4 : per consolationem Scripturarum spem habeamus.

Personam salutatam describit tripliciter.

Primo ex nomine, cum dicit Timotheo, de quo Act. XVI. Item ex affectione, dicens dilecto. Phil. II, 20 : neminem habeo tam unanimem, et cetera. Item ex filiatione, dicens filio in fide, scilicet a se converso. I Cor. c. IV, 17 : misi ad vos Timotheum filium meum charissimum, et fidelem in domino, et cetera.

Tunc autem primo ponit bona optata, et deinde ostendit a quo sunt. Sciendum est autem quod in aliis epistolis duo ponuntur, hic tria, quia praelati pluribus indigent. Et ideo dicit gratia et misericordia, primo sibi, et deinde aliis.

Et sumitur hic misericordia pro remissione peccatorum, quia haec est ex Dei misericordia : gratia vero pro munere gratiarum, quo indigent praelati. Vel gratia, sicut in aliis, pro gratia iustificante, sed misericordia pro munere divino in spiritualibus charismatibus exaltante. Sap. IV, 15 : gratia Dei et misericordia in sanctos eius, et respectus in electos illius. Et pax, scilicet tecum, et per te aliis. Ps. LXXI, 3 : suscipiant montes pacem. Sed unde? A Deo, ut dent populo. Iac. c. I, 17 : omne datum optimum, et omne donum perfectum desursum est, descendens a patre luminum. Et Christo Iesu domino nostro, scilicet per quem maxima nobis et pretiosa promissa donavit, II Petr. I, 4.

Cette Epître se divise en salutation, et en traité épistolaire (verset 3) : "Je vous prie, comme je l’ai déjà fait, etc." Dans la salutation, Paul indique premièrement la personne qui salue; secondement, celle à laquelle s’adresse la salutation; troisièmement, les biens qu’il souhaite.

La personne qui salue est désignée.

I. Premièrement, par son nom (verset 4) : "Paul." Ce nom convient bien à l’autorité de l’Apôtre pour une double raison. Il y a, en effet, dans l’apostolat deux choses, à savoir, la grandeur du pouvoir à laquelle sont élevés les humbles ; (I Rois, XV, 17) : "Lorsque vous étiez petit à vos yeux, n’êtes-vous pas devenu le chef de toutes les tribus d’Israël ?" Or, le mot Paul veut dire petit. Ensuite l'éclat de la sagesse; or, Dieu la donne aux petits ; (Matthieu, XI, 25) : "Vous avez révélé ces mystères aux petits."

I.                                                  Secondement, Paul se désigne par son autorité, (verset 4) : "Apôtre," c’est-à-dire envoyé ; (Jean, XX, 21) : "Comme mon père m’a envoyé, [je vous envoie]" ; (l Co IX, 2) : "Vous êtes le sceau de mon apostolat, en Notre Seigneur."

II.                                              Troisièmement, à raison de l’origine de cette autorité (verset 1) : "[Apôtre] de Jésus-Christ par l’ordre de Dieu, etc." ; (Actes XIII, 2) : "Séparez-moi Saul et Barnabé, pour l’oeuvre à laquelle je les ai destinés"; (I Rois, XIII, 14) : "Le Seigneur s’est pourvu d’un homme selon son coeur." On voit par là que les supérieurs spirituels sont tenus, de nécessité de précepte, aux devoirs propres à leur charge ; (1 Co IX, 16) : "Malheur à moi, si je ne prêche pas l’Evangile" (verset 4) ; "et de Jésus-Christ notre espérance," en qui nous mettons notre espérance pour venir à lui ; (Philip., I, 23) : "Car je désire d’être dégagé des liens du corps, et d’être avec Jésus-Christ, etc." Ou encore : "notre espérance," parce que nous espérons obtenir par lui les biens éternels ; (l Pierre, I, 3) : "Il nous a régénérés pour nous donner une vive espérance, etc."; (Rm XV, 4) : "Par la consolation que nous donnent les saintes Ecritures."

II° L’Apôtre désigne ensuite la personne à qui s’adresse la salutation. D’abord par son nom, quand il dit (2) : "A Timothée," dont il est parlé au ch. XVI, 1, des Actes. Ensuite par son affection, en disant (verset 2) : "Notre bien-aimé" ; (Philipp., II, 20) : "Car je n’ai personne qui soit autant que lui uni avec moi [d’esprit et de cœur]." Enfin par sa filiation, quand il dit (verset 2) : "Fils dans la foi," c’est-à-dire converti par moi ; (I Co. IV, 17) : "Je vous ai envoyé Timothée, qui est mon fils très cher, et fidèle en Notre Seigneur, etc."

III° Paul indique ensuite les dons qu’il souhaite, et explique ensuite de qui ils procèdent. Remarquez que dans les autres Epîtres, ces biens sont de deux sortes; ils sont ici de trois sortes, parce que les supérieurs spirituels ont besoin d’être aidés davantage. L’Apôtre dit donc (verset 2) : "Que la grâce et la miséricorde," d’abord pour lui-même, et ensuite pour les autres. La miséricorde est prise ici pour la rémission des péchés, parce que cette rémission est l’effet de la miséricorde de Dieu; et la grâce est prise pour le don des grâces, nécessaires aux supérieurs spirituels. Ou bien "la grâce," est celle que tous les autres reçoivent, c’est-à-dire, la grâce sanctifiante, et la miséricorde est le don de Dieu qui agit dans toutes les faveurs spirituelles ; (Sagesse, IV, 15) : "La grâce de Dieu et sa miséricorde est sur ses saints, et ses regards favorables sont sur ses élus." (verset 2) : "Et la paix," pour vous d’abord, et ensuite par vous aux autres ; (Psaume LXXI, 3) : "Que les montagnes reçoivent la paix." Mais d’où vient cette paix? (verset 2) : "De Dieu," afin qu’ils la donnent au peuple ; (Jacques I, 17) : "Toute grâce excellente et tout don parfait vient d’en haut, et descend du Père des Lumières." (verset 2) "Et, de Notre Seigneur Jésus-Christ," c’est-à-dire de celui par lequel il nous a communiqué les grandes et précieuses grâces qu’il avait promises (II Pierre, I, 4).

 

 

Lectio 2

Leçon 2 — 1 Timothée I, 3-5 : Pratiquer d'abord la charité

 

SOMMAIRE : L’Apôtre recommande de ne pas perdre son temps aux fables des Hébreux, et à d’interminables généalogies; de pratiquer au contraire et préférablement la charité.

[3] sicut rogavi te ut remaneres Ephesi cum irem in Macedoniam ut denuntiares quibusdam ne aliter docerent

[4] neque intenderent fabulis et genealogiis interminatis quae quaestiones praestant magis quam aedificationem Dei quae est in fide

[5] finis autem praecepti est caritas de corde puro et conscientia bona et fide non ficta

3. Je vous prie, comme je l’ai fait en partant pour la Macédoine, de demeurer à Ephèse, et d’avertir quelques-uns de ne pas enseigner une doctrine différente de la nôtre,

4. Et de ne pas s’amuser à des tables et d des généalogies sans fin, qui serrent plus à exciter des disputes qu’à fonder par la foi l’édifice de Dieu.

5. Car la fin des commandements, c’est la charité qui naît d’un coeur pur, d’une bonne conscience et d’une foi sincère.

[87880] Super 1 Tm cap. 1 l. 2 Hic incipit epistolaris narratio. Et est haec epistola quasi pastoralis regula, quam apostolus tradit Timotheo, instruens de omnibus, quae spectant ad regimen praelatorum, et eo ordine quo debet esse intentio. Primo ergo instruit eum de spiritualibus ministrandis, secundo de temporalibus, in IV cap., ibi spiritus autem. Item ad praelatum pertinet primo quod doceat de forma fidei, ne fides subditorum corrumpatur. Lc. XXII, 32 : ego rogavi pro te, ut non deficiat fides tua, et tu aliquando conversus confirma fratres tuos.

Secundo ut instruat eos de pertinentibus ad cultum Dei, quod non potest esse, nisi fides sit recta. Ideo primo instruit de fide; secundo de cultu Dei, II cap., ibi obsecro igitur; tertio agit de institutione officiorum, in III cap., ibi fidelis sermo. Sciendum est autem quod in primitiva Ecclesia error fuit periculosus quorumdam dicentium, legalia debere servari simul cum Evangelio, quod apostolus excludit primo ostendens legis conditionem; secundo probat per experimentum in seipso, ibi gratias ago. Circa primum tria facit, quia primo ostendit quid de lege sit repudiandum; secundo quid in ea acceptandum, ibi finis autem praecepti; tertio concludit legis conditionem, ibi scimus autem quia.

Repudiandum est autem in lege quod alii male addiderunt, non quod a Deo est datum, nisi iam secundum carnalem intellectum, et primo docet falsas fabulas et traditiones esse repudiandas; secundo rationem assignat, ibi quae quaestiones.

Dicit ergo : dico quod debes facere sicut rogavi te, cum tamen possem imperare. Eccli. XXXII, 1 : rectorem te posuerunt? Noli extolli, esto in illis quasi unus ex illis. Ut denuntiares quibusdam. Vel aliter : duo pertinent ad praelatum, ut cohibeat docentes falsa. Et ideo dicit ne aliter docerent. Gal. I, 9 : si quis vobis evangelizaverit praeter id quod accepistis, anathema sit. Deut. IV, 2 : non addetis ad verbum quod ego loquor vobis, neque auferetis ex eo.

Secundo, ut si contingat quod aliqui falsa docerent, prohibeat populum ne eis intendant; unde dicit neque intenderent fabulis et genealogiis interminatis. Fuerunt autem quidam haeretici, qui detestantes vetus testamentum, exponebant quod apostolus ipsum repudiabat, deridendo historias eius, dicens fabulis et genealogiis interminatis, et cetera. Contra quod dicit Augustinus quod apostolus utitur historiis et genealogiis veteris testamenti. Gal. IV, 22 : Abraham duos filios habuit, et cetera. Si ergo reprobaret, non eis uteretur. Dicit ergo fabulas, non datam legem in scriptis, sed in ore, scilicet Thalmuth : non quae Moyses ore tradidit, sed quae alii addiderunt, ut sunt stultae fabulae, scilicet quod Adam habuit aliam uxorem, ex qua dicunt natos Daemones. Matth. XV, 6 : irritum fecistis mandatum Dei propter traditionem vestram. II Tim. IV, 4 : ad fabulas autem convertentur.

Ratio huius est, quia praestant quaestiones, id est, contentiones. II Tim. II, v. 14 : noli verbis contendere. Prov. XX, 3 : honor est homini qui se separat a contentionibus. Magis quam aedificationem Dei, quae est in fide, quando scilicet aliquis est confirmatus in veritate fidei, ad quod debet omnis doctrina tendere.

Deinde cum dicit finis autem, ostendit quid de lege sit tenendum. Et circa hoc duo facit, quia primo ostendit hoc; secundo quod periculum est his qui hoc non tenent, ibi a quibusdam, et cetera. Circa primum sciendum est quod lex vetus dicitur lex mandatorum, quia mandatis et praeceptis continetur. Eph. II, 15 : legem mandatorum, decretis evacuans. Illud ergo ad quod ordinantur omnia mandata legis est praecipue tenendum; hoc autem est charitas. Matth. XXII, 37 : diliges Deum tuum ex toto corde tuo, et cetera. Et paulo post : in his duobus mandatis universa lex pendet et prophetae.

Sed quomodo charitas est finis praecepti? Ad hoc sciendum, duo sunt consideranda : primo quod omnia praecepta legis sunt de actibus virtutum, et quod per omnes actus virtutum ordinatur homo unus ad alium. Secundo quod obiectum unius virtutis est finis alterius, quia quandocumque una potentia est circa aliquem finem, ad illam ordinantur omnia quae sunt eiusdem, sicut ad finem; sicut fraenifactiva est ad equestrem, quia officium equestris est eius finis, haec autem ad ducem. Virtutes autem theologicae ultimum finem habent pro obiecto. Aliae autem sunt circa ea quae sunt ad finem. Virtutes ergo omnes respiciunt theologicas sicut finem. Inter theologicas vero illa plus habet de ratione finis, quae propinquius se habet ad ultimum finem.

Fides autem ostendit eum, spes facit tendere in eum, charitas unit. Ergo omnes ordinantur ad charitatem, et sic dicitur charitas finis praeceptorum. Sed cum ea quae sunt ad finem, disponunt ad finem, praecepta autem sunt ad charitatem, ideo disponunt ad eam. Ideo dicit de corde puro.

Ad hoc enim quod cor sit purum, dantur praecepta virtutum, quarum quaedam ordinantur ad modum rectificandi passiones, quarum, scilicet virtutum, materiae sunt passiones, sicut temperantia quae ordinat concupiscentiam, mansuetudo iras, fortitudo timores et audacias. Per has autem passiones turbatur puritas cordis. Et ideo istae virtutes faciunt cor purum.

Sed numquid hoc requiritur ad charitatem? Respondeo. Dicendum est quod sic, quia impossibile est quod cor impurum sit promptum ad charitatem, quia unicuique est diligibile quod sibi est conforme. Cor impurum diligit illud, quod competit ei secundum passionem; ergo necesse est quod sit expeditum a passionibus. Cant. I, 3 : recti diligunt te. Aliae virtutes sunt quae rectificant hominem ad proximum, et ex hoc sequitur quod habeat conscientiam bonam, quia non facit alteri quod sibi non vult fieri. Matth. c. VII, 12 : omnia ergo quaecumque vultis ut faciant vobis homines, et vos facite illis.

Et ideo quae contra proximum sunt, sunt contra conscientiam. Unde dicit et conscientia bona. Qui ergo non habuerit conscientiam bonam, non potest Deum pure diligere, quia qui non habet conscientiam bonam, timet poenam. Timor autem non est in charitate, sed fugit Deum, et non unitur ei. Et ideo praecepta, quae conscientiam rectificant, bene disponunt ad charitatem. Aliae sunt virtutes ad habendam veram fidem, scilicet virtutes quibus Deum colimus, scilicet latriae et huiusmodi, quae sunt ordinata ad removendum errores, et ad confirmandum in cordibus fidei firmitatem de Deo. Qui enim non habent veram fidem, non possunt Deum diligere; quia qui falso credit de Deo, iam non diligit Deum. Non enim diligit qui non credit, quia non figitur affectus, nisi in illo quod ostendit intellectus. Et ideo quae faciunt fidem veram, ordinantur ad charitatem. Et ideo dicit de corde puro, quia faciunt hoc. Matth. V, 8 : beati mundo corde, quoniam ipsi Deum videbunt. Et conscientia bona. II Cor. I, 12 : gloria nostra haec est, testimonium conscientiae nostrae. Et fide non ficta, id est, vera. Et ideo virtutes et praecepta ordinantur ad finem qui est charitas, quae sumitur secundum ista tria, et cetera.

Ici commence le traité épistolaire. Cette Epître est comme la règle des pasteurs, donnée par Paul à Timothée. Il l’instruit de tout ce qui regarde la conduite des supérieurs spirituels, et dans l’ordre même selon lequel ils doivent diriger leur intention. Il l’instruit donc de la manière d’administrer d’abord les affaires spirituelles, ensuite les affaires temporelles (ci-après, IV, 1) : "Or, l’Esprit [dit expressément], etc." De plus, le supérieur spirituel doit premièrement enseigner la forme de la foi, afin que la foi de ceux qui lui sont soumis, ne se corrompe en aucune manière ; (Luc, XXII, 32) : "J’ai prié pour vous, afin que votre foi ne défaille pas. Lors donc que vous aurez été converti, ayez soin d’affermir vos frères." ; secondement, les instruire de ce qui regarde le culte de Dieu, lequel ne peut exister, si la foi n’est pas droite. Paul traite donc, en premier lieu, de la foi; secondement, du culte de Dieu (ci-après, II, 1) : "Je vous conjure donc, etc."; troisièmement, de l’institution des offices (ci-après, III, 1) : "C’est une vérité certaine, etc." Il faut ici se rappeler que dans la primitive Eglise, quelques-uns émirent une erreur dangereuse. Ils prétendaient qu’il fallait garder, simultanément avec l’Evangile, les observances légales de la loi de Moïse. L’Apôtre condamna cette erreur, d’abord en établissant la condition de la Loi; ensuite en prouvant sa proposition, par son propre exemple (verset 12) : "Je rends grâces, etc." Sur le premier de ces points, il établit, premièrement, ce qu’il faut rejeter dans la Loi; secondement, ce qu’il faut en accepter (verset 5) : "Car la fin des commandements, etc." Enfin, il en déduit la condition de la Loi, (verset 8) : "Or, nous savons que [la Loi est bonne], etc."

Il faut rejeter de la Loi ce que certains y ont ajouté à tort, et non pas ce qui vient de Dieu, partie qu’on ne doit pas entendre dans un sens charnel. L’Apôtre enseigne donc d’abord qu’il faut repousser les fables inventées à plaisir et les fausses traditions; en second lieu, il en donne la raison (verset 4) : "Qui [servent plutôt à exciter] des disputes, etc."

I. Il dit donc : Vous devez faire, "ce dont je vous ai prié," quand pourtant je pouvais vous le commander (Exode XXXII, 1) : "Vous a-t-on établi pour gouverner les autres? Ne vous élevez pas; soyez parmi eux comme l’un d’eux." (verset 3) : "c’est d’en avertir quelques-uns." Ou bien encore, le supérieur a deux devoirs à remplir : Le premier c’est de réprimer ceux qui enseignent l’erreur, Paul dit donc (verset 3) : "De ne pas enseigner une doctrine différente de la nôtre" ; (Galates I, 9) : "Si quelqu’un vous annonce un Evangile différent de celui que vous avez reçu, qu’il soit anathème"; (Deut., IV, 2) : "Vous n’ajouterez rien ni n’ôterez rien aux paroles que je vous dis." Le second, est que s’il arrive que quelques-uns enseignent l’erreur, il défend au peuple d’y prêter l’oreille (verset 4) : "Et de ne pas s’amuser à fables et à des généalogies sans fin." Il s’est rencontré quelques hérétiques, qui par haine pour l’Ancien Testament, prétendaient que Paul le rejetait et tournait en dérision les histoires qu’il contient, par ces paroles : "des fables et des généalogies sans fin, etc." Mais Augustin leur répond que l’Apôtre se sert des histoires et des généalogies de l’Ancien Testament même ; (Galat., IV, 22 : "Il est écrit qu’Abraham eut deux fils, etc." Si donc il réprouvait ces histoires, il ne s’en servirait pas. L’Apôtre appelle donc des fables, non pas la Loi écrite, mais la tradition orale, c’est-à-dire, le Talmud[1], non pas ce que Moïse a dit de vive voix, mais ce que d’autres y ont ajouté, par exemple, ces fables pleines d’inepties, qu’Adam eut une autre femme, de laquelle, prétendent-ils, seraient nés les démons ; (Mt XV, 6) : "Vous avez réduit à néant la parole de Dieu par votre tradition"; (II Timoth., IV, 4) : "[Et fermant l’oreille à la vérité], ils l’ouvriront à des fables."

II. La raison de la recommandation de l’Apôtre, est que (verset 4), de pareils discours "servent plutôt à soulever des difficultés," c’est-à-dire des disputes ; (II Timoth., II, 14) : "Ne vous amusez pas à de vaines disputes de paroles"; (Prov., XX, 3) : "C’est une gloire à l’homme de se séparer des contentions " (verset 4) : "Plutôt qu’à fonder par la foi l’édifice de Dieu," c’est-à-dire, qu’à confirmer les fidèles dans la vérité de la foi, ce qui doit être le but de tout enseignement.

II° Quand Paul dit ensuite (verset 5) : "Car la fin [des commandements, c’est la charité]," il instruit de ce qu’il faut garder dans la Loi. D’abord il établit ce qu’il faut garder; ensuite, il fait voir à quel danger s’exposent ceux qui ne le gardent pas (verset 6) : "Donc quelques-uns se détournant, etc." Sur le premier de ces points, il faut se souvenir que la loi ancienne est appelée la loi des préceptes, parce qu’elle est renfermée dans les commandements et les préceptes ; (Eph., II, 15) : "Par sa doctrine il a aboli la loi des préceptes." Il faut donc principalement garder ce à quoi se rapportent tous les préceptes de la Loi, or c’est la charité ; (Matth. XXII, 37) : "Vous aimerez le Seigneur votre Dieu de tout votre coeur, etc." ; et un peu après (verset 10) : "Toute la Loi et les prophéties sont renfermées dans ces deux commandements." Or, comment la charité est-elle la fin des préceptes? Pour comprendre ceci, il faut observer deux choses. La première, que tous les préceptes de la Loi ont pour objet les actes de vertu, et que c’est par les différents actes de vertu que se règlent les rapports des hommes entre eux. La seconde, que l’objet d’une vertu est la fin d’une autre vertu, parce la puissance une fois donnée pour une fin, tout ce qui appartient à cette puissance s’y rapporte également comme à sa fin. C’est ainsi que le frein est en rapport avec le cavalier, parce que la fonction de celui-ci est sa fin; et que celle-ci se rapporte au chef. Or, les vertus théologiques ont pour objet notre fin dernière, mais les autres vertus sont en rapport avec ce qui tient à cette fin. Toutes les vertus se rapportent donc aux vertus théologiques, comme à leur fin ; et parmi ces dernières, celle-là a le plus du caractère de la fin, qui est en rapport plus prochain avec cette fin même. Or, la foi la montre, l’espérance fait tendre vers elle, mais la charité unit à elle. Toutes les vertus se rapportent donc à la charité, et c’est dans ce sens que la charité est appelée la fin des préceptes. Mais comme tout ce qui est en rapport avec la fin dispose aussi à atteindre cette fin, et que les préceptes sont en rapport avec la charité, l’Apôtre dit (verset 5) : "Qui naît d’un coeur pur." Car pour que le coeur soit pur, nous avons reçu les préceptes des vertus, dont quelques-unes se rapportent à la manière de remettre dans le droit chemin les passions, à savoir, celles de ces vertus, dont l’objet est la passion même, par exemple, la tempérance qui modère la concupiscence, la douceur qui soumet la colère, la force qui règle la crainte et l’audace. Or, ces passions troublent la pureté du coeur; ces vertus donc contribuent à le maintenir pur.

Toutefois cela est-il nécessaire pour la charité?

Il faut répondre qu’il en est ainsi, parce qu’il est impossible que le coeur qui n’est pas pur, soit prompt à pratiquer la charité; car l’objet de notre affection est ce qui est en conformité avec nous-même. Le coeur qui n’est pas pur, aime ce qui lui convient à raison de sa passion. Il est donc nécessaire que ce coeur soit libre de toute passion. (Cant., I, 3) : "Ceux qui ont le coeur pur vous aiment." Il est d’autres vertus qui dirigent l’homme vers le bien du prochain. Leur effet est de lui procurer une bonne conscience, car alors l'homme ne fait pas à autrui, ce qu’il ne voudrait pas qu’on lui fît à lui-même. (Mt VII, 12) : "Faites aux hommes tout ce que vous voulez qu’ils vous fassent." Tout ce qui est contre le prochain est donc contre la conscience. C’est ce qui fait dire à Paul (verset 5) : "Et d’une bonne conscience." Celui donc qui n’a pas une bonne conscience, ne peut pas aimer Dieu purement, parce qu’on craint le châtiment, quand on n’a pas cette bonne conscience. Or, la crainte ne procède pas de la charité; elle fuit Dieu, et ne lui est pas unie. Les préceptes qui redressent la conscience, disposent donc à la charité. D’autres vertus servent à acquérir la foi véritable. Ce sont les vertus au moyen desquelles nous honorons Dieu, par exemple, celle de latrie, et autres semblables, qui ont pour fin d’éloigner l’erreur, et de fortifier dans les coeurs la fermeté de la foi à Dieu. Car celui qui n’a pas la vraie foi ne peut pas aimer Dieu, puisque celui qui croit quelque chose de faux sur Dieu, n’aime déjà plus Dieu. Celui là, en effet, n’aime pas, qui ne croit pas, parce que l’affection ne s'arrête que sur ce qui lui est montré par l’intellect, par conséquent, ce qui assure la vérité de la foi, se rapporte à la charité. C’est pourquoi Paul dit (verset 5) : "Et un coeur pur," parce que le coeur pur arrive à la foi ; (Mt V, 8) : "Bienheureux ceux qui ont le coeur pur, parce qu’ils verront Dieu"; "et d’une bonne conscience" (2 Co I, 42) : "Ce qui fait notre gloire, c’est ce témoignage de notre conscience," "et d’une foi sincère," c’est-à-dire véritable. Les vertus et les préceptes se rapportent donc à une fin, et cette fin est la charité; et cette charité se forme par ces trois dispositions, etc.

 

 

Lectio 3

Leçon 3 — 1 Timothée, I, 6-14 : Les vertus

 

SOMMAIRE : L’Apôtre explique qu’il ne faut pas s’écarter des vertus, parce qu’il y a danger imminent de tomber dans l’erreur.

[6] a quibus quidam aberrantes conversi sunt in vaniloquium

[7] volentes esse legis doctores non intellegentes neque quae loquuntur neque de quibus adfirmant

[8] scimus autem quia bona est lex si quis ea legitime utatur

[9] sciens hoc quia iusto lex non est posita sed iniustis et non subditis impiis et peccatoribus sceleratis et contaminatis patricidis et matricidis homicidis

[10] fornicariis masculorum concubitoribus plagiariis mendacibus periuris et si quid aliud sanae doctrinae adversatur

[11] quae est secundum evangelium gloriae beati Dei quod creditum est mihi

[12] gratias ago ei qui me confortavit Christo Iesu Domino nostro quia fidelem me existimavit ponens in ministerio

[13] qui prius fui blasphemus et persecutor et contumeliosus sed misericordiam consecutus sum quia ignorans feci in incredulitate

[14] superabundavit autem gratia Domini nostri cum fide et dilectione quae est in Christo Iesu

6. Desquelles quelques-uns se détournant, se sont égarés en de vains discours,

7. Voulant dire les docteurs de la loi, et ne sachant ni ce qu’ils disent, ni ce qu’ils assurent.

8. Or, nous savons que la loi est bonne, si on en use selon l’esprit de la loi,

9. En reconnaissant que la loi n’est pas pour le juste, mais pour les méchants et les esprits rebelles, pour les impies et les pécheurs, pour les scélérats et les profanes, pour les meurtriers de leur père et de leur mère, pour les homicides,

10. Pour les fornicateurs, les abominables, les voleurs d’esclaves, les menteurs, les parjures et tout ce qu’il y a de contraire à la saine doctrine,

11. Qui est selon l’Evangile de la gloire de Dieu souverainement heureux, dont la dispensation m’a été confiée.

12. Je rends grâces à notre Seigneur Jésus-Christ, qui m'a fortifié de ce qu’il m’a jugé fidèle, en m’établissant dans son ministère;

13. Moi qui étais auparavant un blasphémateur, un persécuteur et un persécuteur mais j’ai obtenu miséricorde de Dieu, parce que j’ai fait tous ces maux dans l’ignorance, n’ayant pas la foi.

14. Mais la grâce de Notre Seigneur s’est répandue sur moi avec abondance, en me remplissant de la foi et de la charité qui est dans le Christ Jésus.

[87881] Super 1 Tm cap. 1 l. 3 Supra ostendit virtutum dignitatem et utilitatem, hic declarat harum necessitatem, quia quicumque ab his discedit, in periculum falsae doctrinae cadit. Et circa hoc duo facit, quia primo ponitur falsitas doctrinae in quam incidunt; secundo conditio falsa docentium, ibi volentes esse.

Dicit ergo : finis praecepti, etc. et haec sunt principalia legis, a quibus quidam discedunt. Ps. XI, 2 : vana locuti sunt, et cetera. Et nota quod recessus a charitate causa est falsae doctrinae, quia qui non amant charitatem, cadunt in mendacium. II Thess. II, v. 11 : qui non crediderunt veritati, sed consenserunt iniquitati. Similiter qui dimittunt cordis puritatem. Habentes enim cor infectum passionibus, iudicant secundum affectum earum, et non secundum Deum. I Cor. c. II, 14 : animalis homo non percipit quae Dei sunt, et cetera.

Similiter habentes conscientiam malam, quia non possunt quiescere in veritate. Et inde est quod quaerunt falsa, ut in eis quiescant. Infra eodem : habens fidem et conscientiam bonam. Similiter qui habet fiduciam fictam. Is. XXI, 2 : qui incredulus est, infideliter agit.

Deinde cum dicit volentes, etc., ponitur conditio falsa docentium, et primo inordinata ambitio; secundo defectus eorum. Quantum ad primum dicit volentes esse, et cetera. Matth. XXIII, 6 : amant primos recubitus in coenis, et vocari ab hominibus, Rabbi, et cetera. Iac. III, 1 : nolite plures magistri fieri, et cetera. Quantum ad secundum dicit non intelligentes. Ps. LXXXI, 5 : nescierunt, neque intellexerunt, in tenebris ambulant. Sap. V, 6 : sol intelligentiae non est ortus nobis. Neque quae loquuntur per auctoritates, quas non intelligunt, neque de quibus affirmant, scilicet concludendo.

Deinde cum dicit scimus autem, etc., ponit legis conditionem quantum ad duo. Primo quantum ad bonitatem legis; secundo quantum ad finem et intentionem legislatoris, ibi scientes. Dicit ergo scimus, scilicet per certitudinem, quod lex bona est, non mala, ut haeretici dicunt. Ps. XVIII, 8 : lex domini immaculata, et cetera. Rom. VII, 12 : lex quidem sancta est, et mandatum sanctum, et iustum, et bonum. Sed contingit, quod aliquis bono utatur male. Cum ergo lex sit bona, requiritur quod homo ea bene utatur. Et ideo dicit si quis recte ea utatur. Alias fit ei mors, ut dicitur Rom. VIII.

In lege enim sunt quaedam moralia, et quaedam caeremonialia. Caeremonialia quidem in figura Christi et Ecclesiae sunt data, sed indigent, ut intelligantur non solum carnaliter, sed etiam spiritualiter; et in figura futurorum, et ut scias quod non sunt perpetuo servanda, sed cessant veritate veniente. Ier. XXXI, 31 : et feriam domui Israel et domui Iuda foedus novum, non secundum pactum quod pepigi cum patribus vestris, et cetera. Et sic exponit Glossa. Sed apostolus videtur loqui de moralibus, quia subdit quod lex posita est propter peccata, et haec sunt praecepta moralia. Horum legitimus usus est, ut homo non attribuat eis plus quam quod in eis continetur. Data est lex ut cognoscatur peccatum. Rom. VII, 7 : quia nisi lex diceret : non concupisces, concupiscentiam nesciebam, etc.; quod dicitur in Decalogo. Non est ergo in eis spes iustificationis, sed in sola fide. Rom. III, 28 : arbitramur iustificari hominem per fidem sine operibus legis.

Deinde cum dicit scientes, ostendit conditionem legis quantum ad legislatoris intentionem; et primo ponit existimatam; secundo ponit veram intentionem, ibi sed iniustis.

Existimata intentio excluditur, cum dicit iusto, et cetera. Ubi posset esse duplex falsus intellectus. Unus quod iustus legem non servat, quod falsum est, quia nisi servaret eam quantum ad moralia, iustus non esset. Unde et Christus factus est sub lege. Alius quod iustus non obligatur ad praecepta legis, et non peccaret si faceret contra ea. Sed verus est sequens sensus, supponendo, quia quod imponitur alicui, imponitur sicut onus; lex enim iustis non imponitur sicut onus, quia habitus eorum interior inclinat eos ad hoc, ad quod lex, et ideo non est onus eis. Rom. II, 14 : ipsi sibi sunt lex.

Vel aliter : lex non est posita pro iustis, sed pro iniustis; quasi dicat : si omnes essent iusti, nulla necessitas esset dandi legem, quia omnes essent sibi lex. Intentio bonorum debet esse, ut alios inducant ad virtutes. Quidam autem per se sunt bene dispositi ad virtutes; alii habent mentem bene dispositam, sed per alium, et de istis sufficit paterna monitio, non coactiva; alii autem nec per se, nec per alium bene disponuntur; ideo eis omnino est necessaria lex, ut patet in Ethicis.

Deinde cum dicit sed iniustis, etc., ponit veram intentionem; et primo describit eos in generali, quibus necessaria est lex; secundo in speciali, ibi patricidis.

Sciendum est autem, quod, sicut I Io. III, 4 dicitur omne peccatum est iniquitas, et ideo repugnat alicui iuri. Cum autem sit duplex ius, scilicet naturale et positivum, naturali repugnat quod secundum se est malum, positivo autem repugnat quod est malum quia prohibitum. Quantum ad primum dicit sed iniustis, qui scilicet agunt contra ius naturale. Is. c. XXIV, 5 : transgressi sunt leges, mutaverunt ius, dissipaverunt foedus sempiternum, et cetera. Quantum ad secundum dicit non subditis, scilicet praecepto humano. Rom. I, 30 : parentibus non obedientes. Et haec duo respiciunt rationem peccati. Ponit autem alia, quae sumuntur per comparationem ad illud, et hoc est vel contra Deum, vel contra proximum, vel in seipsum. In Deum dicitur impietas, quia pietas importat cultum Dei; ideo dicit impiis. In proximum, sic dicit peccatoribus. Ps. I, 5 : non resurgent impii in iudicio, et cetera. Gal. II, 15 : nos enim natura Iudaei, et non ex gentibus peccatores. Sed secundum Augustinum, de Doctr. Christ. peccata distinguuntur in duo, scilicet in spiritualia, quae dicuntur facinora, et in carnalia, et haec dicuntur flagitia; et ideo dicit sceleratis, quantum ad spiritualia. Prov. c. XVII, 9 : qui abscondit scelera, et cetera. Quantum ad carnalia dicit contaminatis. Mal. II, v. 11 : contaminavit Iudas sanctificationem domini, et cetera.

Deinde connumerat peccata in speciali. Et primo nominat quaedam in speciali; secundo colligit alia in generali, ibi et si quid aliud, et cetera. Primo ponit peccata operis; secundo peccata oris, ibi mendacibus, et cetera. Circa primum primo ponit quantum ad facinora; secundo quantum ad flagitia. Facinora dicuntur quae sunt in nocumentum proximi. Et quanto est proximus coniunctior, tanto est eorum peccatum gravius, quia plus eis tenemur. Et ideo primo dicit de patre, secundo de matre. Ex. XX, 12 : honora patrem tuum et matrem tuam, etc., et postea XXI, 15 : qui percusserit patrem suum aut matrem, morte moriatur; deinde prosequitur de aliis proximorum homicidiis, dicens; Ex. XXI, 14 : si quis per industriam occiderit proximum suum, et cetera. Deinde ponit flagitia, et primo quae secundum naturam sunt, cum dicit fornicariis. Hebr. ult. : fornicatores et adulteros iudicabit Deus. Secundo contra naturam, dicens masculorum concubitoribus. I Cor. VI, 10 : neque masculorum concubitores regnum Dei possidebunt.

Deinde ponit nocumenta oris, et primo quantum ad simplex mendacium, dicens mendacibus. Eph. IV, 25 : deponentes mendacium, loquimini veritatem, et cetera. Secundo quantum ad iuramentum, dicens periuris. Et tunc colligit alia in generali, dicens et si quid aliud sanae doctrinae, et cetera. Iob VI, 30 : non invenietis in lingua mea iniquitatem, nec in faucibus meis stultitia personabit, et cetera. Tit. II, 1 : loquere quae decent sanam doctrinam.

Deinde cum dicit quae est secundum Evangelium, ostendit quod Evangelium communicat sanam doctrinam, quod tripliciter describit. Et primo a fine, cum dicit gloriae, scilicet quam annuntiat, Ps. XCV, 3 : annuntiate inter gentes gloriam eius. Secundo ab auctore gloriae, cum dicit beati Dei. Infra ult. : quem suis temporibus ostendet beatus, et solus potens rex regum, et cetera. Tertio a ministro, cum dicit quod creditum est mihi. Gal. II, 7 : cum vidissent quod creditum est mihi Evangelium praeputii, et cetera.

Deinde cum dicit gratias ago, probat per experimentum in seipso, quid fuerit ipse tempore legis et quid consecutus sit tempore gratiae. Et primo ostendit, quid circa se utroque tempore sit actum; secundo inducit Timotheum ad imitandum se, ibi hoc praeceptum.

Circa primum duo facit, quia primo ostendit quid sibi datum fuit in lege, et quid sibi sit datum in Evangelio; secundo rationem assignat, ibi fidelis sermo. Item prima pars dividitur in tres particulas, quia primo ponit dignitatem, quam consecutus est in Evangelio; secundo peccata quibus subiacuit in statu legis, ibi qui prius fui; tertio quomodo liberatus fuit, ibi sed misericordiam, et cetera.

Sed ad hoc quod aliquis sit minister Evangelii, tria requiruntur. Primo quod sibi committatur. Rom. X, 15 : quomodo praedicabunt, nisi mittantur, et cetera. Secundo idoneitas, id est, ut sit fidelis. I Cor. IV, 2 : hic iam quaeritur inter dispensatores, ut fidelis quis inveniatur. Item ut sit fortis ad prosequendum. Et haec tria ponit ordine retrogrado, et primo tertium, dicens qui me confortavit, etc., scilicet ad prosequendum officium iniunctum. Ez. III, 14 : manus domini erat mecum confortans me. Secundum ponit ibi quia fidelem me, et cetera. Matth. XXIV, 45 : fidelis servus et prudens, quem constituit dominus super familiam suam. Et hoc quia quaerebat solum quae Dei erant. Primum vero ostendit, cum dicit in ministerio, id est, committens mihi ministerium hoc. Act. XIII, 2 : segregate mihi Barnabam et Saulum in opus ad quod assumpsi eos. II Cor. XI, 23 : ministri Christi sunt? Et ego.

Sed qualis erat in statu legis? Peccator. Et primo in Deum, cum dicit qui prius fui blasphemus, scilicet nominis Christi. Lev. XXIV, 14 : educ blasphemum extra castra, et ponant omnes qui audierunt manus suas super caput eius, et lapidet eum populus universus. Unde sibi illud competebat. Item in proximum, cum dicit et persecutor. I Cor. XV, 9 : non sum dignus vocari apostolus, quoniam persecutus sum Ecclesiam Dei. Item et contumeliosus, verbis et factis. Ier. XX, 10 : audivi contumelias multorum, et cetera.

Deinde cum dicit sed misericordiam Dei, ostendit quomodo fuit liberatus per Christum. Et circa hoc duo facit, quia primo ponit misericordiam liberantem; secundo ostendit quod superabundanter in bonis repletur, ibi superabundavit autem. Quantum ad primum dicit sed misericordiam Dei consecutus sum. Thren. III, v. 22 : misericordiae domini quod non sumus consumpti. Rom. IX, 18 : cuius vult miseretur, et quem vult indurat.

Sed ex parte mea aliqua est excusatio peccati, quia ignorans feci. Minus dicit, plus significat, quia aliud est ignoranter agere, aliud per ignorantiam; quia ignoranter facit aliquid qui nescit quod facit, tamen si sciret, etiam faceret illud, sicut credens se interficere feram, occidit inimicum suum, quem tamen occidisset etiam libentius, si novisset eum. Sed per ignorantiam facit, qui facit aliquid quod non faceret, si nosset, sicut occidens patrem, quem si sciret, non occideret eum, quem tamen occidit, quia eum credit inimicum. Sed Paulus fecit per ignorantiam, quia si scivisset quod Christus esset filius Dei, hoc non fecisset. Sed Iudaei per ignorantiam non occiderunt Christum, sed ignoranter, quia si scivissent ipsum esse Christum, libentius occidissent eum. Lc. XII, 47 : servus qui cognovit voluntatem domini sui, et non se praeparavit, nec fecit secundum voluntatem eius, vapulabit multis, et cetera.

Quantum vero ad secundum dicit superabundavit, et cetera. Rom. V, 20 : ubi abundavit delictum, superabundavit et gratia. Cum fide et dilectione. Nam fecit ibi effectum fidei per dilectionem operantem, quae est in Christo Iesu. Gal. III, 14 : in Christo Iesu, ut pollicitationem spiritus accipiamus per fidem.

Paul, après avoir traité plus haut de la dignité et de l’utilité des vertus, en établit ici la nécessité, puisque quiconque s’en écarte, s’expose au danger de recevoir une doctrine fausse. L’Apôtre montre donc, premièrement, la fausseté de la doctrine dans laquelle ils tombent; secondement la condition de ceux qui enseignent cette fausse doctrine (verset 7) : "Voulant être [les docteurs de la Loi], etc."

I. Il dit donc (verset I) : "La fin des commandements [est donc la charité]." C’est là le point essentiel de la Loi, dont quelques-uns s’écartent ; (Psaume XI, 2) : "Chacun dit des choses vaines [à son prochain], etc." Remarquez que s’éloigner de la charité est une cause d’erreur en fait de doctrine, parce que celui qui n’aime pas la charité, tombe dans le mensonge ; (II Thessal., II, 11) : "Ils n’ont pas cru à la vérité; ils ont consenti à l’iniquité." Il en est de même de ceux qui s’écartent de la pureté du coeur, car ayant le coeur infecté de passions, ils jugent d’après les sentiments qu’inspirent ces passions, et non pas selon Dieu ; (I Co. II, 14) : "L’homme animal ne conçoit pas les choses qui sont de l’Esprit de Dieu, etc." Il en est de même de ceux qui ont une conscience mauvaise, car ils ne peuvent se reposer dans la vérité. De là vient qu’ils se mettent à la poursuite de choses fausses, afin de pouvoir s’y reposer (ci-après, I, 19) : "Conservant la foi et la bonne conscience." De même aussi pour ceux qui affectent une fausse confiance ; (Isaïe, XXI, 2) : "L’incrédule agit toujours en incrédule,"

II. Quand Paul ajoute (verset 7) : "Voulant [être les docteurs de la Loi]," il montre la condition de ceux qui enseignent l’erreur. Et, d’abord leur ambition désordonnée; ensuite leurs défauts. De la première il dit (verset 7) : "Voulant être les docteurs de la Loi, etc." ; (Matthieu XXIII, 6) : "Ils aiment les premières places dans les festins… et à être appelés Rabbi par les hommes, etc." ; (Jacques III, 1) : "Mes Frères, gardez-vous [de l’ambition qui fait que] plusieurs veulent devenir maîtres." Des seconds (verset 7) : "Ne sachant, etc." ; (Psaume LXXXI, 5) : "Ils sont dans l’ignorance, ils ne comprennent pas, ils marchent dans les ténèbres, etc." ; (Sagesse, V, 6) : "Le soleil de l’intelligence ne s’est pas levé sur nous." ; (verset 7) : "ni ce qu’ils disent," en citant des autorités, qu’ils ne comprennent pas, "ni ce qu’ils assurent, " à savoir, dans leurs déduction.

II° Quand l’Apôtre dit ensuite (verset 8) : "Or, nous savons [que la loi est bonne,] etc.," il établit la condition de la loi sur deux points : d’abord, quant à la bonté de la loi même; ensuite, quant au but et à l’intention du législateur (verset 9) : "En reconnaissant, etc.". Il dit donc : "Or, nous savons, avec certitude, que la loi est bonne, et non mauvaise," comme les hérétiques le prétendent. (Psaume XVIII, 8) : "La loi du Seigneur est sans tache, etc." ; (Rm VII, 12) : "La loi est véritablement sainte, et le commandement est saint, juste et bon." Mais on use quelquefois mal d’une chose qui est bonne. La Loi donc étant bonne, il faut que l’homme en use bien. C’est pourquoi l'Apôtre dit (verset 8) : "Si on en use selon l’esprit de la loi," autrement elle est une cause de mort, comme il est dit au ch. VIII, 6, de l’Epître aux Romains. Or, il y a dans la loi des préceptes moraux et d’autres cérémoniels. Les préceptes cérémoniels ont été donnés à l'Eglise pour figurer Jésus-Christ, mais il est nécessaire de les expliquer, non pas seulement selon la chair, mais selon l’esprit et comme figure de ce qui doit arriver, et pour que l’on sache qu’ils ne doivent pas être gardés pour toujours, mais qu’ils prennent fin quand la vérité est donnée. (Jérémie XXXI, 31) : "Je conclurai une nouvelle alliance avec la maison d’Israël et la maison de Juda, non selon l’alliance que j’ai faite avec leurs pères, etc." C’est ainsi que la Glose explique ce passage. Toutefois l’Apôtre semble parler des préceptes moraux, puisqu’il ajoute que la loi a été donnée à cause du péché. Or, tel est l’objet des préceptes moraux, dont l’usage légitime exige qu’on ne leur attribue pas plus qu’ils ne renferment. La loi a été donnée pour faire connaître le péché ; (Rm VII, 7) : "Je n’aurais pas connu la concupiscence, si la loi n’avait dit : "Vous n’aurez pas de mauvais désirs, etc." ce qui est une loi du Décalogue. L’espérance de la justification n’est donc pas dans ces préceptes, mais dans la foi seule ; (Rm III, 28) : "Nous devons reconnaître que l’homme est justifié par la foi[2], sans les oeuvres de la loi."

II. (verset 9) : "En reconnaissant [que la loi n’est pas pour le juste], etc.," l’Apôtre établit ici la condition de la loi, par rapport à l’intention du législateur. D’abord il rappelle l’intention supposée, ensuite il explique quelle est l’intention véritable (verset 9) : "Mais pour les méchants, etc."

Il condamne donc d’abord l’intention supposée, lorsqu’il dit : "[La loi n’est pas] pour le juste." Il pourrait y avoir ici une double interprétation erronée. La première, que le juste ne garde pas la loi, ce qui est faux; car s’il ne l’observait pas, quant aux préceptes moraux, il ne serait pas juste. Aussi Jésus-Christ s’est-il soumis lui-même à la loi. La seconde, que le juste n’est pas obligé par les préceptes de la loi, et qu’il ne pécherait pas s’il agissait contre ces préceptes. Le sens vrai est celui-ci, à savoir de supposer que qui est imposé à quelqu’un, est imposé comme un fardeau. En effet la loi n’est plus imposée aux justes comme un fardeau, parce que leur disposition intérieure habituelle les incline à ce que la loi exige, et par conséquent, la loi n’est plus un fardeau pour eux ; (Rm II, 14) : "Ils sont pour eux-mêmes une loi." Ou bien encore : La loi n’est pas pour le juste, mais pour celui qui ne l’est pas; en d’autres termes, si tous étaient justes, il n’y aurait aucune nécessité de donner une loi, car tous se tiendraient à eux-mêmes lieu de loi : l’intention de ceux qui sont bons doit être de porter les autres à la vertu. Mais les uns sont par eux- mêmes bien disposés à la vertu; les autres, y ont l’âme bien disposée, mais il leur faut le secours d’autrui; à ceux-là il suffit d’une admonition paternelle, sans qu’il faille recourir aux châtiments. Il en est d’autres qui ne sont bien disposés ni par eux-mêmes, ni avec le secours des autres; pour ceux-là, la loi est indispensable, comme on le voit dans l’Ethique.

Quand l’Apôtre dit (verset 9) : "Mais pour les méchants, etc." il explique l’intention véritable du législateur. Il désigne d’abord en général ceux à qui la loi est nécessaire; il les désigne ensuite en particulier (verset 9) : "Aux meurtriers de leur père, etc."

1. Il faut ici se souvenir de cette parole (l Jean, II, 4) : "Tout péché est une transgression [de la loi de Dieu]," par conséquent, tout péché est opposé à un droit. Or, il y a deux sortes de droit : le droit naturel et le droit positif. Ce qui est mal en soi répugne au droit naturel; ce qui est mal en raison d’une défense, répugne au droit positif. Par rapport au premier, l’Apôtre dit (verset 9) : "Mais pour les méchants," c’est-à-dire, ceux qui agissent contre le droit naturel ; (Isaïe, XXIV, 5) : "Ils ont transgressé la loi, changé le droit, rompu l’alliance éternelle, etc." Par rapport au second, Paul dit (verset 9) : "Aux esprits rebelles ", comprenez : rebelles au droit humain. (Rm I, 3.) : "Désobéissant à leurs pères et mères." Ces deux caractères touchent à l’essence du péché. L’Apôtre en indique d’autres, par comparaison avec ce qu’il vient de dire, car le péché peut être ou contre Dieu, ou contre le prochain, ou contre le pécheur lui-même. Contre Dieu, c’est l’impiété, car la piété suppose le culte de Dieu. L’Apôtre dit donc (verset 9) : "Pour les impies." Contre le prochain : "Pour les pécheurs" ; (Ps I, 5) : "C’est pourquoi les impies ne lèveront pas la tête au jugement." ; (Galates II, 15) : "Nous sommes Juifs par notre naissance, et non pas du nombre des Gentils qui sont pécheurs." Or, suivant Augustin (« Livre de la Doctrine chrétienne »), les péchés se distinguent en deux catégories : en péchés de l’esprit qui portent le nom de crimes, et en péchés charnels, qui reçoivent le nom de débauches. Paul dit donc (verset 9) : "Pour les scélérats," par rapport aux péchés spirituels ; (Prov., XVII, 9) : "Celui qui cache ses crimes, etc." Par rapport aux péchés charnels (verset 9) : "Pour ceux qui se souillent" ; (Malach., II, 11) : "Juda a souillé le peuple consacré au Seigneur, etc."

2. L’Apôtre énumère ensuite les péchés en particulier. Et d’abord il en désigne quelques-uns d’une manière spéciale; ensuite il résume les autres, pour les désigner d’une manière générale. (verset 10) : "Et s’il y a quelque’autre chose d’opposé, etc." A) Il nomme donc premièrement les péchés d’action, ensuite les péchés de parole ; (verset 10) : "Aux menteurs, etc." Par ceux de la première espèce, il indique d’abord les crimes, et ensuite les débauches. On donne le nom de crimes aux méchancetés qui causent un dommage au prochain; et plus le prochain nous est intime, plus le péché a de gravité, parce qu’alors on est tenu de faire davantage pour lui. C’est pourquoi l’Apôtre désigne d’abord le père, puis la mère (Exode, XX, 12) : "Honorez votre père et votre mère, etc.," et au chapitre suivant (Exode, XXI, 15) : "Celui qui aura frappé son père ou sa mère sera puni de mort." Viennent ensuite les homicides (verset 9) : "Pour les homicides" ; (Exode, XXI, 14) : "Si quelqu’un tue son prochain par ruse, etc." Paul parle ensuite des débauches, et d’abord de celles qui ne sont pas contre nature (verset 10) : "Pour les fornicateurs," (Hébr., XIII, 4) : "Dieu condamnera les fornicateurs et les adultères" ; ensuite celles qui sont contre nature (verset 10) : "Les abominables" ; (l Co. VI, 40) : "Ni les abominables ne seront pas héritiers du royaume des cieux." Puis Paul nomme les manquements par paroles, et d’abord le mensonge simple (verset 10) : "Pour les menteurs" ; (Ephés., IV, 25) : "C’est pourquoi, en vous éloignant de tout mensonge, dites la vérité". Secondement le mensonge accompagné de serment, (verset 10) : "les parjures." Enfin, il rassemble tous les autres manquements d’une manière générale, quand il dit (verset 10) : "S’il y a quelque autre chose qui soit opposé à la saine doctrine, etc." ; (Job, VI, 30) : "Vous ne trouverez pas d’iniquité sur ma langue, ni de folie dans ma bouche, etc." ; (Tite II, 1) : "Vous instruirez d’une manière qui soit digne de la saine doctrine, etc."

III° (verset 14) : "Doctrine qui est selon l'Evangile, etc." Paul établit ici que l’Evangile communique la saine doctrine. Il l’explique de trois manières. D’abord à raison de la fin [de cette doctrine], quand il dit (verset 11) : "De la gloire," que cet évangile annonce ; (Psaume XCV, 3) : "Annoncez sa gloire parmi les nations." Ensuite à raison de l’auteur même de la gloire (verset 11) : " De notre Dieu, souverainement heureux" ; (ci-après, VI, 15) : "[jusqu’à l’avènement de Jésus-Christ], qui doit faire paraître en son temps le bienheureux et seul puissant, le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs." Enfin, à raison de son ministère, (verset 11) : "dont la dispensation m’a été confiée" ; (Galat., II, 7) : "Ayant reconnu que la charge de prêcher l’évangile aux incirconcis m’avait été confiée, etc."

IV° (verset 12) : "Je rends grâces [à Notre Seigneur Jésus-Christ qui m’a fortifié], etc." L’Apôtre prouve ici par une expérience tirée de sa propre personne, ce qu’il a été du temps de la loi et ce qu’il a acquis au temps de la grâce. Et d’abord il rappelle ce qui s’est passé à son égard dans l’un et l’autre de ces temps; ensuite il engage Timothée à suivre son exemple. (verset 18) : "Ce que je vous recommande donc, etc." Sur le premier de ces points, il établit en premier lieu ce qui lui a été donné sous la Loi; en second lieu, ce qu’il a reçu sous l’Evangile ; il en donne ensuite l’explication ; (verset 15) : "C’est une vérité certaine, etc." La première partie se subdivise en trois : L’Apôtre rappelle d’abord la dignité qu’il a obtenue sous l’Evangile; ensuite les péchés dont il a été l’esclave sous l’empire de la loi ; (verset 13) : "Moi qui étais auparavant un blasphémateur;" enfin, comment il en a été délivré, (verset 13) : "Mais j’ai obtenu de Dieu miséricorde, etc."

I. Pour être ministre de l’Evangile, il faut trois choses : D’abord que cet Evangile vous soit confié ; (Rm X, 15) : "Comment prêcheront-ils, s’ils ne sont envoyés, etc." Ensuite l’aptitude; il faut que le ministre soit fidèle ; (I Corinthiens IV, 2) : "Or, ce qui est à désirer parmi les dispensateurs, c’est qu’ils soient trouvés fidèles." Enfin la force pour accomplir la mission. Or, l’Apôtre énonce ces trois conditions dans un ordre rétrograde. Il place en premier lieu la troisième condition (verset 12) : "[Je rends grâces à Notre Seigneur Jésus-Christ] qui m’a fortifié," pour que je mène à bien la charge qu’il m’a imposée. (Ezéch., III, 14) : "La main du Seigneur était avec moi qui me fortifiait." Ensuite la seconde, (verset 12) : "de ce qu’il m’a jugé fidèle, etc.," ; (Mt XXIV, 45) : "Le serviteur fidèle et prudent, que son maître a établi sur ses domestiques, etc." Et ce dernier point parce que l’Apôtre ne cherchait que les intérêts de Dieu. Enfin il rappelle la première lorsqu’il dit (verset 12) : "En m’établissant dans son ministère, etc." c’est-à-dire, en me le confiant. (Actes XIII, 2) : "Mettez-moi à part Paul et Barnabé pour l’oeuvre à laquelle je les ai destinés" ; (2 Co XI, 23) : "Sont-ils ministres de Jésus-Christ ? [J’ose dire que] je le suis [encore plus qu’eux]."

II. Mais qu’était Paul, sous l’empire de la Loi ? Il était pécheur. D’abord à l’égard de Dieu; et il le dit (verset 13) : "Moi qui étais auparavant un blasphémateur," à savoir, du nom de Jésus-Christ (Lévit., XX, 14) : "Faites sortir hors du camp ce blasphémateur; que tous ceux qui ont entendu, lui mettent les mains sur la tête, et qu’il soit lapidé par tout le peuple." Il méritait donc ce châtiment. A l’égard du prochain, il était (verset 13) : "Un persécuteur" ; (1 Co XV, 9) : "Je ne suis pas digne d’être appelé Apôtre, parce que j’ai persécuté l’Église de Dieu." De plus (verset 13) : "Un insolent," en paroles et en actions ; (Jérémie, XX, 10) : "J’ai en tendu les propos méchants d’un grand nombre de personnes, etc."

III. Quand il ajoute (verset 13) : "Mais j’ai obtenu de Dieu miséricorde," Paul fait voir comment il a été délivré par Jésus-Christ. Sur ce sujet, il subdivise :

Il montre donc en premier lieu la miséricorde qui le délivre; secondement qu’il a été surabondamment rempli de grâces (verset 14) : "Mais la grâce a surabondé." Sur le premier de ces points, il dit (verset 13) : "Mais j’ai obtenu la miséricorde de Dieu" ; (Lam. III, 22) : "Si nous n’avons pas été perdus entièrement, c’est l’effet de la miséricorde du Seigneur" ; (Romains IX, 18) : "Il fait miséricorde à qui il lui plaît et il endurcit qui il veut." Cependant il y a, de mon côté, une sorte d’excuse à mon péché, (verset 13) : "parce que j’ai fait tous ces maux par ignorance." Il dit moins pour donner à entendre davantage. Car autre chose est de faire quelque chose dans l’état d’ignorance, autre chose de le faire par ignorance. On agit dans l’état d’ignorance, quand on ne sait pas ce que l’on fait, tout en étant disposé, d’ailleurs, à le faire encore, quand même on saurait ce que l’on fait. Ainsi, par exemple, on croit tuer une bête sauvage, et l’on tue son ennemi, que l’on tuerait également et même plus volontiers, si l’on savait qu’il fût là présent. Mais on agit par ignorance quand on fait une chose que l’on ne ferait pas si on était instruit; comme celui qui tue son père, qu’il ne tuerait pas, s’il le reconnaissait. Il l’a tué, parce qu’il croyait que c’était son ennemi. Or, Paul a agi par ignorance, car s’il avait su que le Christ était le Fils de Dieu, il ne se fût pas conduit comme il l’a fait. Mais ce n’est pas par ignorance que les Juifs ont mis à mort Jésus-Christ; ils l’ont fait dans l’état d’ignorance, car s’ils eussent su qu’il était le Fils de Dieu, ils l’eussent mis à mort plus volontiers encore ; (Luc, XII, 47) : "Le serviteur qui aura su la volonté de son maître, et qui ne se sera pas tenu prêt et n’aura pas agi selon ses ordres, sera battu de plusieurs coups, etc."

Sur le second point, il dit (verset 14) : "[Et la grâce de Notre Seigneur Jésus-Christ] s’est répandue sur moi avec abondance" ; (Rm V, 20) : "Où il y eu abondance de péché, il y a eu surabondance de grâce" ; (verset 14) : "en me remplissant de la foi et de la charité," car il a fait produire à la foi ses effets par la charité qui opère (verset 14), "laquelle est en Notre Seigneur Jésus-Christ" ; (Galat., III, 14) : "…en Jésus-Christ afin que nous recevions par la foi le Saint-Esprit qui nous avait été promis."

 

 

Lectio 4

 

Leçon 4 — 1 Timothée I, 15-20 et dernier : Dieu source de toute grâce

 

SOMMAIRE : L’Apôtre reconnaît que c’est de la miséricorde de Dieu que procèdent tous les biens qu’il a reçus lui-même, et pour lesquels il lui rend d’abondantes actions de grâces.

[15] fidelis sermo et omni acceptione dignus quia Christus Iesus venit in mundum peccatores salvos facere quorum primus ego sum

[16] sed ideo misericordiam consecutus sum ut in me primo ostenderet Christus Iesus omnem patientiam ad deformationem eorum qui credituri sunt illi in vitam aeternam

[17] regi autem saeculorum inmortali invisibili soli Deo honor et gloria in saecula saeculorum amen

[18] hoc praeceptum commendo tibi fili Timothee secundum praecedentes in te prophetias ut milites in illis bonam militiam

[19] habens fidem et bonam conscientiam quam quidam repellentes circa fidem naufragaverunt

[20] ex quibus est Hymeneus et Alexander quos tradidi Satanae ut discant non blasphemare

15. C’est une vérité certaine et digne d’être reçue avec une parfaite soumission, que le Christ Jésus est venu dans le monde saurer les pêcheurs entre lesquels je suis le premier.

16. Mais aussi j’ai reçu miséricorde, afin que je fusse le premier en qui le Christ Jésus fit éclater son extrême patience et que j’en devinsse comme un modèle et un exemple à ceux qui croiront en lui pour la vie éternelle.

17. Au Roi des siècles, immortel, invisible, à l’unique Dieu, soit donc honneur et gloire dans les siècles des siècles. Amen.

18. Ce que je vous recommande, mon fils Timothée, c’est qu’accomplissant les prophéties qu’on a faites autrefois de vous, vous vous acquittiez de tous les devoirs de la milice sainte,

19. Concernant la foi et la bonne conscience, à laquelle quelques-uns ayant renoncé ont fait naufrage en la foi.

20. De ce nombre sont Hyménée et Alexandre, que j’ai livrés à Satan, afin qu’ils apprennent à ne plus blasphémer.

[87882] Super 1 Tm cap. 1 l. 4 Supra ostendit conditionem suam, et quantum ad peccata sub lege, et quantum ad bona tempore gratiae, hic ostendit rationem horum beneficiorum, quae sumitur ex divina miseratione. Et primo proponit divinam miserationem in communi; secundo aptat ad se, ibi quorum primus; tertio ponit gratiarum actionem, ibi regi autem saeculorum. Circa primum duo facit, quia primo commendat veritatem proponendam; secundo proponit divinam miserationem, ibi quia Christus Iesus. Quantum ad primum dicit fidelis sermo, et cetera. Duo autem sunt in sermone commendanda, scilicet quod sit verus et quod sit acceptabilis. Aliquando enim sermo verus est durus, et odia concitans. Gal. IV, v. 16 : inimicus factus sum vobis, verum dicens vobis. Sed hic sermo primo quidem habet veritatem; unde dicit fidelis sermo. Apoc. c. ult. : haec verba fidelissima et vera sunt. Item acceptabilis est, quia de salute nostra; ideo dicit et omni acceptione dignus. Zac. I, 13 : et respondit dominus Angelo qui loquebatur, et cetera.

Alia littera habet : humanus sermo, quia de susceptione hominum. Tit. III, 4 : apparuit benignitas et humanitas salvatoris nostri, et cetera.

Et hic sermo est talis, quia Christus venit, et cetera. Quod in mundum venit, exprimit duplicem naturam, scilicet divinitatis, in qua erat antequam in mundo appareret. Io. XVI, 28 : exivi a patre, et veni in mundum, et cetera. Et humanitatis, in qua apparuit. Et quia Deus est, caelum et terram implet, Ier. XXIII, 24, ideo non competit ei secundum divinam naturam in aliquo loco esse, sed competit ei secundum humanam naturam. Io. I, 10 : in mundo erat, et mundus et cetera. In propria venit, et cetera. Sed ad quid venit? Peccatores salvos facere, id est, propter salutem populorum. Io. c. III, 17 : non enim misit Deus filium in mundum, ut iudicet mundum, sed ut mundus salvetur per ipsum. Io. XII, 47 : non enim veni ut iudicem mundum.

Sed si nullus fuisset peccator, numquid incarnatus non fuisset? Videtur quod non, quia venit peccatores salvos facere. Non ergo fuisset necessaria incarnatio. Item Glossa : tolle morbum, et medicinae non opus erit. Respondeo. Dicendum est quod ex verbis sanctorum satis hoc patet. Sed haec quaestio non est magnae auctoritatis, quia Deus ordinavit fienda secundum quod res fiendae erant. Et nescimus quid ordinasset, si non praescivisset peccatum; nihilominus tamen auctoritates videntur expresse sonare quod non fuisset incarnatus, si non peccasset homo, in quam partem ego magis declino.

Deinde cum dicit quorum primus, adaptat hoc ad se. Primo confitens se peccatorem; secundo dicit se salvatum, ibi sed misericordiam.

Dicit ergo quorum primus ego sum. Hic dicit haereticus, quod anima Adae fuit in Paulo, et transivit de corpore in corpus. Quasi dicat : ego primus peccator, quia anima Adae est anima mea; sed hoc est contra apostolum, Rom. IX, 11 : cum nondum nati essent, et cetera. Ergo anima non est ante corpus. Primus ergo, non tempore sed peccatorum magnitudine. Et hoc dicit ex humilitate. Prov. XVIII, 17 : iustus prior est accusator sui. Prov. XXX, 2 : stultissimus sum virorum, et cetera. Sed numquid fuit apostolus maximus peccator? Et videtur quod Iudas fuit maior. Sed quidam dicunt quod peccatum Pauli generalius fuit, quia contra totam Ecclesiam. Sed hoc nihil est, quia Paulus in incredulitate, et multi Iudaei persequebantur ex malitia. Dicendum est ergo quod est primus, non quod inter peccatores maximus qui tunc erant, sed maximus inter peccatores salvatos; quasi dicat : venit peccatores salvos facere, quorum, scilicet peccatorum salvatorum, ego sum primus; quod est de illis intelligendum qui praecesserant apostolum, quia prius etiam multi alii sunt Ecclesiam persecuti.

Et hoc dicit ut ostenderet quod omnia quae Deus facit, facit ad ostensionem bonitatis suae. Prov. XVI, 4 : universa propter semetipsum operatus est dominus. Eccli. : gloria domini plenum est opus eius. Item propter utilitatem; et ideo dicit ideo salvavit me. Primo propter gloriam suam. Unde exponitur primum tempore, vel primum, id est, potissime. Omnem patientiam, id est, perfectam, quia provocatus non punivit, sed potius adversarium exaltavit, et hoc ad utilitatem nostram; unde dicit ad exemplum, id est, informationem et eruditionem; quasi dicat : ut non diffidant peccantes ad eum accedere. I Petr. c. ult. : forma facti gregis.

Deinde cum dicit regi, etc., ponit gratiarum actionem, et circa hoc duo facit, quia primo commendat eum cui gratias agit; secundo gratias refert, ibi honor. Commendat autem eum primo ex potestate; secundo ex naturae proprietate.

Quantum ad primum dicit regi. Dominium suum est maximum, quia solus dominatur, et habet liberam potestatem, non secundum statuta, ut politicus. Deus autem unus est dominus omnium. Et ideo dicit Deo. Apoc. XIX, 16 : rex regum et dominus dominantium. Ps. XLVI, 7 : quoniam rex omnis terrae Deus. Item alicuius regis potestas, ut plurimum, non ultra quam quinquaginta annis durat, sed iste est omnium saeculorum. Ps. CXLIV, 13 : regnum tuum omnium saeculorum, et cetera. Eccli. X, 4 : in manu Dei potestas terrae.

Cui etiam convenit proprietas naturae Dei. Circa quod sciendum est quod in rebus prima differentia rerum naturalium est corruptibile, et incorruptibile. Et incorruptibilium quaedam visibilia et corporalia, ut corpora terrestria; quaedam autem invisibilia et spiritualia, ut Angeli. Et haec dividuntur secundum Platonicos in deos, qui per naturam supremi sunt, et in intellectus qui non sunt dii, sed divini, et in animas; sed apud nos est unus solus Deus. Deut. VI, 4 : audi, Israel, dominus Deus tuus. Dicit ergo primo immortali, ut distinguat a corruptibilibus, invisibili, ut ad invisibilem ostendat pertinere, et ut distinguat ab aliis visibilibus.

Dicit soli Deo, et non soli immortali, vel invisibili, quia solus est Deus per naturam, licet posset dici solus immortalis, et solus invisibilis, id est, specialis prae aliis. Infra ult. : qui solus habet immortalitatem.

Deinde cum dicit honor et gloria, agit gratias; quasi dicat : exhibendus est ei honor ex subiectione totius creaturae, et in manifestationem excellentissimae ipsius bonitatis, claritatis et gloriae. Apoc. VII, 12 : benedictio, et claritas, et sapientia, et gratiarum actio, honor, virtus et fortitudo Deo nostro. In saecula saeculorum, quia saeculum aliorum est modico tempore. Is. XL, v. 6 : omnis caro foenum, et omnis gloria eius ut flos foeni.

Deinde cum dicit hoc praeceptum, etc., instruit Timotheum permanere in his quae dicuntur. Primo commemorat quid sit ei commissum; secundo monet ad debitum usum; et tertio docet utendi modum.

Dicit ergo hoc praeceptum, ut scilicet tu custodias finem legis, id est, charitatem conserves semper, non autem fabulas Iudaeorum, commendo tibi, sicut fidele depositum, quia tibi ideo est commissum.

Et quomodo? Secundum praecedentes, etc., id est, quia hoc Evangelium non discordat a prophetiis quas ante didicerat, quia fuit filius mulieris Iudaeae. II Petr. I, v. 19 : habemus firmiorem propheticum sermonem, cui benefacitis attendentes, quasi lucernae ardenti in caliginoso loco, et cetera. I Thessal. ult. : prophetias nolite spernere, et cetera. Vel secundum praecedentes, id est, secundum quod ego et alii sancti de te per spiritum prophetiae cognoverunt tradendum esse tibi. Ut in illis milites, scilicet prophetiis, bonam militiam.

Militia est duplex, quaedam spiritualis, quaedam carnalis. II Cor. X, 4 : arma militiae nostrae non sunt carnalia, sed potentia Deo, et cetera. In bona militia requiruntur duo ex parte militis, scilicet ut nihil agat contrarium disciplinae militari, ut non marcescat otio. I Cor. IX, 25 : omnis qui in agone contendit, ab omnibus se abstinet, et cetera. Item ex parte militiae duo requiruntur, scilicet ut expugnet contrarios reipublicae, et ut subiiciat eos qui debent esse subiecti. Sic et in militia spirituali est, quia ordinatur ad destruendum omnes extollentes se, et ad subiiciendum omnem intellectum in obsequium Christi, ut dicitur II Cor. X. Et haec vera militia, de qua dicit milites, et cetera.

Ubi etiam primo modus utendi ponitur, et secundo eius necessitas, ibi quam quidam. Dicit ergo milites, etc., quasi dicat : potes quidem facere bonam militiam, primo per fidem bonam quam habes. I Io. ult. : haec est victoria, quae vincit mundum, fides, et cetera. Item per conscientiam bonam, quia de facili homo recedit ab eo quod mordet eum; unde remorsus conscientiae est sicut quidam stimulus, qui habentem malam conscientiam pungit, et ideo cito a peccatis per bonam conscientiam et rectam fidem recedit. Act. c. XXIII, 1 : ego omni conscientia bona conversatus sum ante Deum usque in hodiernam diem. II Cor. I, 12 : gloria nostra haec est, testimonium conscientiae nostrae.

Necessitas bonae conscientiae consequenter ostenditur, cum dicit quam quidam, etc.; ubi primo ponit culpam; secundo poenam; tertio fructum poenae.

Culpam, ibi quam, scilicet conscientiam bonam, quidam repellentes, circa fidem naufragaverunt. Qui enim contra fidem errat, perdit omnia quae habet. Hebr. XI, 6 : sine fide impossibile est placere Deo. Item moritur, quia « iustus meus ex fide vivit », (Abac. II, v. 4) et Rom. XI, 17 : ex quibus est Alexander et Hymenaeus. II Tim. IV, 14 : Alexander aerarius multa mala mihi ostendit, et cetera.

Deinde ponitur eorum poena, cum dicit quos tradidi, etc., quia excommunicavit eos, ut fideles vitent eos ne coinquinent ipsos. Fuit autem excommunicatio apostoli tantae virtutis quod excommunicati mox corripiebantur a Diabolo, et corporaliter vexabantur. I Cor. V, 4 s. : congregatis vobis et meo spiritu in virtute domini Iesu, tradere huiusmodi hominem Satanae in interitum carnis, ut spiritus salvus fiat. Tamen etiam modo traduntur ad vexandum spiritualiter, quia amittunt suffragia Ecclesiae, quae multum iuvant contra Diabolum. Et tradidi sicut Deus tradidit in reprobum sensum Rom. I, 28, quasi subtrahendo suum auxilium, et communionem Ecclesiae, et suffragia.

Et hoc non ex odio, sed ex charitate ad profectum eorum. I Cor. V, 5 : ut spiritus salvus fiat. Unde dicit ut discant, saltem per poenam, non blasphemare. Discit autem quis recedere a peccato tripliciter, quandoque scilicet ex poena, quando corporaliter vexatur; item ex confusione excommunicationis; item ex hoc quod cum Ecclesia tradit aliquem Satanae, ruit in peccata manifesta, unde confusus humiliatur, et abstinet etiam ab occultis, quae prius non cognoscebat se habere.

Dans ce qui précède, l’Apôtre a rappelé l’état dans lequel il était, soit par rapport au péché sous la Loi, soit par rapport au bien, au temps de la grâce ; il indique ici la cause de ces bienfaits, qui est la miséricorde de Dieu. Et d’abord il expose d’une manière générale ce qu’est la miséricorde divine; ensuite il s’en fait à lui-même l’application, (verset 15) : "Entre lesquels je suis le premier, etc." Enfin il rend son action de grâces (verset 17) : "Au roi des siècles immortels, etc."

I. Dans le premier de ces points, premièrement il relève la vérité qu’il va proposer; secondement, il explique ce que fait la miséricorde divine (verset 15) : "Que Jésus-Christ, etc."

Il dit donc d’abord, sur la première partie (verset 15) : "C’est une vérité certaine, etc." En effet, dans un discours deux choses sont à recommander. La première, qu’il renferme la vérité; la seconde qu’il soit acceptable; car quelquefois la proposition est vraie, mais elle est dure, et provoque des haines ; (Galat., IV, 16) : "Suis-je donc devenu votre ennemi, parce que je vous ai dit la vérité ?" Ici la parole de l’Apôtre renferme d’abord la vérité. C’est ce qui lui fait dire (verset 15) : "C’est une vérité certaine" ; (Apoc., XXII, 6) : "Ces paroles sont très certaines et très véritables." Ensuite elle est acceptable, puisqu’elle traite de notre salut; c’est pourquoi il ajoute (verset 15) : "Et digne d’être reçue avec une entière déférence" (Zachar., I, 13) : "Alors le Seigneur s’adressant à l’ange, qui parlait en moi, etc." Une autre version porte : c’est une vérité « humaine », parce qu’elle a été reçue par les hommes ; (Tite III, 4) : "Mais depuis que la bonté de Dieu notre Sauveur et son amour pour les hommes a paru, etc."

Or, cette vérité (verset 15) : "est que Jésus-Christ est venu dans le monde, etc." En disant qu’il est venu dans le monde, Paul exprime les deux natures en Jésus-Christ : sa divinité, qu’il possédait avant de se manifester au monde ; (Jean, XVI, 28) : "Je suis sorti de mon Père, et je suis venu dans le monde, etc." et son humanité, avec laquelle il s’est manifesté. En effet, parce qu’il est Dieu, il remplit le ciel et la terre ; (Jérémie XXIII, 24) : On ne peut donc dire qu’il occupe tel ou tel lieu, en parlant de sa nature divine, mais seulement en parlant de sa nature humaine ; (Jean, I, 10) : "Il était dans le monde, et le monde, etc." A quelle fin est-il venu? (verset 15) : "Pour sauver les pécheurs," c’est-à-dire, pour le salut des nations ; (Jean, III, 17) : "Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour condamner le monde, mais afin que le monde soit sauvé par lui" ; (Jean, XII, 47) : "Je ne suis pas venu pour juger le monde, mais pour sauver le monde."

Le Verbe se serait-il incarné, s’il n’y avait eu aucun pécheur?

Il semble que non, puisqu’il est venu pour sauver les pécheurs. L’incarnation n’eût donc pas été nécessaire. Otez la maladie, dit aussi la Glose, il n’est plus besoin de remède. Je réponds : Il faut avouer, en effet, que cela ressort avec assez d’évidence des paroles des saints. Mais cette question n’a pas grande importance, car Dieu a réglé les moyens qu’il devait prendre en fonction de ce qui devait advenir. Or, nous ne savons pas ce qu’il aurait déterminé, s’il n’avait pas eu la prescience du péché. Toutefois les auteurs avertis semblent indiquer d’une manière expresse que le Fils de Dieu ne se fût pas incarné, si l’homme n’eût pas péché. J’incline plus volontiers pour cette opinion.

II. Quand Paul ajoute (verset 15) : "Et parmi ces pécheurs, je suis le premier," il s’applique ce qu’il vient de dire. D’abord il reconnaît qu’il était pécheur; secondement il proclame qu’il a été sauvé (verset 16) : "Mais j’ai reçu miséricorde."

Il dit donc (verset 15) : "Entre ces pécheurs, je suis le premier." A propos de ces paroles, un hérétique prétend que l’âme d’Adam était dans Paul, et qu’elle passa d’un corps à un autre; comme si l’Apôtre disait je suis le premier pécheur, parce que l’âme d’Adam est mon âme. Mais cette assertion est contraire à la pensée de l’Apôtre ; (Rm IX, 11) : "Car avant qu’ils fussent nés, etc." L’âme n’existe donc pas avant le corps. Paul est le premier pécheur, non pas quant à la chronologie, mais quant à la grandeur de ses fautes. Il parle ainsi par humilité ; (Proverbes XVIII, 17) : "Le juste s’accuse lui-même le premier" ; (Proverbes XXX, 2) : "Je suis le plus insensé de tous les hommes, etc." L’Apôtre fut-il donc le plus grand de tous les pécheurs? Il semble que Judas fut plus coupable que lui. Quelques auteurs ont répondu que le péché de Paul fut plus grand, parce qu’il s’attaquait à l’Église tout entière. Mais cette réponse ne vaut pas, car Paul commit son péché étant encore dans l’infidélité, tandis que la plupart des Juifs se faisaient persécuteurs par malice. II faut donc dire qu’il est le premier, non pas qu’il fut le plus grand des pécheurs parmi ceux qui l’étaient alors, mais le plus grand parmi les pécheurs qui furent sauvés. Comme s’il disait : Jésus-Christ est venu sauver les pécheurs, parmi lesquels, c’est-à-dire, parmi les pécheurs qui sont sauvés, je suis le premier. Il faut entendre ce passage de ceux qui précédèrent l’Apôtre, parce que même avant lui, beaucoup d’autres persécutèrent l’Église.

Paul s’exprime donc ainsi, pour montrer que (verset 16) tout ce que Dieu fait, il le fait pour manifester sa bonté ; (Proverbes XVI, 4) : "Le Seigneur a tout fait pour lui," ; (Ecclésiastique, XLII, 16) : "La gloire du Seigneur éclate dans ses oeuvres." Il le fait aussi pour notre utilité; c’est ce qui fait dire à Paul (verset 16) : "J’ai donc reçu miséricorde" ; pour la gloire de Dieu, c’est ce qui fait expliquer le mot "premier" soit sous le rapport du temps, soit "premier" sous le rapport de l’excellence. (verset 16) : "[En qui Jésus-Christ fit éclater] toute sa patience," c’est-à-dire la perfection de sa patience, car quoique provoqué, il n’a pas puni, mais plutôt il a exalté celui qui s’était fait son ennemi. Et cela pour notre avantage ; (verset 16) : "Et de servir à former," c’est-à-dire il en a fait un enseignement et un modèle, [" ceux qui croiront en lui pour la vie éternelle;"] en d’autres termes, afin que ceux qui pèchent n’hésitent pas à s’approcher de lui ; (Pierre V, 3) : "En vous rendant les modèles du troupeau."

III. Quand l’Apôtre dit (verset 17) : "Au roi des siècles, etc.," il éclate en actions de grâces. D’abord il exalte celui à qui il rend grâces; ensuite il lui rend ses actions de grâces (verset 17) : "Soit honneur et gloire, etc."

Il exalte Dieu, premièrement, à raison de sa puissance; secondement, à raison de l’excellence de sa nature.

1. De la première il dit (verset 17) : "Au roi." Le domaine de Dieu est le plus grand, parce qu’il est le seul dominateur, et que sa puissance est sans limites, non pas réglée par des constitutions, comme celle d’un chef politique. Dieu est l’unique et le seul Seigneur de tous. C’est pourquoi Paul dit (verset 16) : "Au Dieu unique" ; (Apoc., XIX, 16) : "Il porte [écrit sur son vêtement et sur sa cuisse] : "Roi des Rois et Seigneur des Seigneurs" ; (Psaume XLVI, 8) : "Notre Dieu est le roi de toute la terre." De plus, la puissance d’un roi, le plus souvent, ne s’étend pas au-delà de cinquante années; mais notre Dieu est le roi de tous les siècles ; (Psaume XLIV, 13) : "Votre règne est un règne qui s’étend dans tous les siècles" ; (Ecclésiastique, X, 4) : "Le pouvoir souverain sur un pays, est dans la main de Dieu."

2. Jésus-Christ possède également les propriétés de la nature divine. Il faut ici se rappeler que dans les êtres, ce qui distingue premièrement les natures, c’est la corruptibilité et l’incorruptibilité. Parmi les êtres incorruptibles, quelques-uns sont visibles et corporels, comme les corps terrestres, les autres invisibles et spirituels, comme les anges. Ces êtres, suivant les Platoniciens, se divisent 1) en dieux, qui par leur nature, tiennent le rang suprême, 2) en intelligences, qui ne sont pas des dieux, mais divines et 3) en âmes. Pour nous il n’y a qu’un seul Dieu ; (Deutéronome V, 4) : "Ecoutez Israël, le Seigneur notre Dieu est le seul et unique Seigneur." L’Apôtre dit donc, (verset 11) : "Au roi des siècles immortel," pour le distinguer des êtres corruptibles, et « invisible » pour montrer qu’il appartient aux êtres invisibles et le distinguer de tout être visible.

Mais il dit : "Au Dieu unique," et non pas à l’unique immortel, parce qu’il est le Dieu unique par sa nature, bien qu’il puisse aussi être appelé l’unique immortel, et l’unique invisible, c’est-à-dire possédant spécialement ces attributs, parmi tous les autres ; (ci-après, VI, 16) : "Qui seul possède l’immortalité."

En ajoutant (verset 17) : "Soit honneur et gloire, etc.," Paul rend grâce, comme s’il disait : il faut lui rendre honneur par la soumission de toute créature, afin de manifester la suprême excellence de sa bonté, de sa lumière et de sa gloire ; (Apoc., VII, 12) : "Bénédiction, gloire, sagesse, actions de grâces, honneur, puissance et force à notre Dieu." (verset 17) : "Dans les siècles des siècles. Amen," parce que le siècle des autres n’embrasse qu’un temps bien court ; (Isaïe XL, 6) : "Toute chair n’est que de l’herbe, et toute sa gloire est comme la fleur des champs."

II° (verset 18) : "Ce que je vous recommande [donc, mon fils Timothée], etc." Paul donne ses instructions à Timothée afin qu’il ne s’écarte pas des enseignements précédents. Premièrement, il lui rappelle quel ministère lui a été confié; secondement, il l’excite à en faire bon usage; troisièmement, il lui enseigne la manière de s’en servir.

I. Il dit donc (verset 18) : "Ce précepte donc," à savoir, de ne pas vous écarter de la fin de la loi, en gardant toujours la charité, sans vous arrêter aux vaines fables des Juifs, "je vous le recommande," comme un fidèle dépôt, car il vous a été confié pour que vous le gardiez.

II. Et comment le garder ? (verset 18) : "En accomplissant les prophéties dont vous eûtes connaissance autrefois," c’est-à-dire, que cet Evangile ne diffère pas des Prophéties qu’il avait auparavant apprises, de sa mère qui était juive. (II Pierre, I, 10) : "Ainsi a été confirmée pour nous l’Écriture prophétique, à laquelle vous faites bien de prêter attention, comme à une lampe qui brille dans un lieu obscur, etc." ; (I Thessaloniciens V, 20.) : "Ne méprisez pas les prophéties, etc." ou bien encore : "en accomplissant les prophéties," c’est-à-dire, ce que les autres fidèles et moi nous avons su, par l’esprit de prophétie, comme devant vous être confié (verset 18) : "afin que vous vous acquittiez en elles," c’est-à-dire, suivant ces prophéties, "de tous les devoirs de la milice sainte." Il y a deux sortes de milices : l’une est spirituelle, l’autre charnelle ; (2 Co X, 4) : "Les armes de notre milice ne sont pas charnelles, mais elles sont puissantes en Dieu, etc." Or, dans une armée bien organisée, on exige du soldat deux choses : d’abord qu’il ne fasse rien contre la discipline militaire, et ensuite qu’il ne s’énerve pas dans l’oisiveté. (1 Co IX, 25) : "Or quiconque veut lutter s’abstient de tout, etc." On demande également à l’armée deux choses : de réprimer tout ce qui est contraire à la chose publique, et de tenir soumis tout ce qui doit l’être. Ainsi en est-il aussi dans la milice spirituelle, parce qu’elle est instituée pour abaisser tout ce qui s’élève, et pour soumettre "toute intelligence à l’obéissance de Jésus-Christ." (2 Co X, 5). C’est là la milice véritable dont l’Apôtre dit ici (verset 18) : "[Afin que vous vous acquittiez de tous les devoirs] de la milice sainte, etc."

III. Ces paroles indiquent d’abord la manière de s’acquitter de ces devoirs; ensuite la nécessité de le faire (verset 19) : "A laquelle quelques-uns [ayant renoncé], etc."

Paul dit donc (verset 18) : "Afin que vous vous acquittiez, etc." comme s’il disait : Vous pouvez certainement réaliser cette sainte milice, d’abord par la foi véritable que vous avez (verset 19) : "Conservant la foi" ; (I Jean, V, 4) : "Cette victoire, par laquelle le monde est vaincu, c’est notre foi, etc.Ensuite (verset 19) : "par la bonne conscience," parce que l’homme se retire plus facilement de ce qui lui fait sentir des remords. Le remords de conscience est comme un aiguillon qui déchire celui dont la conscience est mauvaise; voilà pourquoi le fidèle s’éloigne vite du péché par la bonne conscience et par la foi véritable. (Actes. XXIII, 1) : "Mes frères, jusqu’à cette heure, je me suis conduit devant Dieu avec toute la droiture d’une bonne conscience." (2 Co I, 12) : "Nous avons cette gloire, et notre conscience nous rend ce témoignage."

L’Apôtre fait ensuite sentir la nécessité d’une bonne conscience lorsqu’il dit (verset 19) : "A laquelle quelques-uns [ayant renoncé], etc." Il montre premièrement la faute; secondement, le châtiment; troisièmement, le fruit à retirer du châtiment.

1. La faute (verset 19) : "A laquelle," c’est-à-dire, à laquelle bonne conscience "quelques-uns ayant renoncé, ont fait naufrage dans la foi." Car celui qui erre dans la foi perd tout ce qu’il possède. (Hébr., XI, 6) : "Sans la foi, il est impossible de plaire à Dieu." De plus, il meurt, "car mon juste vit de la foi," dit il Habacuc (II, 4) et (Romains I, 17). (verset 20) : "De ce nombre sont Hyménée et Alexandre." (2 Timothée IV, 14.) : "Alexandre, l’ouvrier en cuivre, m’a fait beaucoup de mal, etc."

2. L’Apôtre fait ensuite connaître leur châtiment, quand il dit (verset 20) : "Et je les ai livrés à Satan, etc.," parce qu’il les a excommuniés, afin que les fidèles les évitent, de peur qu’ils ne se souillent eux-mêmes. Or la sentence d’excommunication de Paul eut tant de puissance que Satan s’était emparé aussitôt des excommuniés, et que ceux-ci étaient frappés, même corporellement. (2 Co V, 4) : "Au nom de Notre Seigneur Jésus-Christ, vous tous réunis et moi en esprit au milieu de vous, que celui qui est coupable de ce crime, soit, par la puissance de Notre Seigneur Jésus, livré à Satan, pour mortifier sa chair, afin que son âme soit sauvée." Ils sont cependant livrés aussi [à Satan] pour subir un châtiment quant à l’âme, puisqu’ils perdent les suffrages de l’Eglise qui sont d’un grand secours contre le démon. "Je l’ai livré, comme Dieu l’a livré lui-même, à son sens réprouvé" (Rm I, 28), en lui retirant en quelque sorte son aide, la communion de l’Église et ses suffrages.

3. Je n’agis pas ainsi par un sentiment de haine, mais par un sentiment de charité et pour leur propre amendement. (1 Co V, 5) : "Afin que son âme soit sauvée." C’est ce qui fait dire à Paul (verset 20) : "Afin qu’ils apprennent," au moins par leur châtiment, "à ne plus blasphémer." Or on apprend à se retirer de l’état du péché de trois manières : d’abord par le châtiment, quand le corps subit une peine; ensuite par la confusion que produit l’excommunication; enfin, quand l’Église livrant le pécheur à Satan, ce pécheur se précipite dans des fautes scandaleuses, qui le couvrent de confusion et l’humilient, en sorte qu’il s’abstient même de péchés secrets, dont auparavant il ne se croyait pas coupable.

 

 

Caput 2

CHAPITRE 2 — La tenue dans les assemblées

Lectio 1

Leçon 1 — 1 Timothée II, 1 à 6 : La prière à l'amour de Dieu

 

SOMMAIRE : Paul explique avec quelle pureté de coeur il faut prier, pour que nos prières aient accès auprès de Dieu. Il dit ensuite quel est l’amour de Dieu pour les hommes.

[1] obsecro igitur primo omnium fieri obsecrationes orationes postulationes gratiarum actiones pro omnibus hominibus

[2] pro regibus et omnibus qui in sublimitate sunt ut quietam et tranquillam vitam agamus in omni pietate et castitate

[3] hoc enim bonum est et acceptum coram salutari nostro Deo

[4] qui omnes homines vult salvos fieri et ad agnitionem veritatis venire

[5] unus enim Deus unus et mediator Dei et hominum homo Christus Iesus

[6] qui dedit redemptionem semet ipsum pro omnibus testimonium temporibus suis

1. Je vous conjure donc avant toutes choses, que l’on fasse des supplications, des prières, des demandes et des actions de grâces pour tous les hommes,

2. Pour les rois et pour ceux qui sont élevés en dignité, afin que nous menions une vie paisible et tranquille dans toute sorte de piété et d’honnêteté.

3. Car cela est bon et agréable à Dieu notre Sauveur,

4. Qui veut que tous les hommes soient sauvés, et qu’ils viennent à la connaissance de la vérité.

5. Car il n’y a qu’un Dieu et qu’un médiateur entre Dieu et les hommes. Jésus-Christ homme,

6. Qui s’est livré lui-même pour la rédemption de tous.

[87883] Super 1 Tm cap. 2 l. 1 Supra docuit Timotheum quomodo reducat populum ad formam verae fidei, hic agit de pertinentibus ad cultum fidei, scilicet orationibus et obsequiis; et primo ponit doctrinam orationis in communi; secundo descendit ad determinatas conditiones hominum, ibi volo ergo.

Item primo distinguit diversos modos orationis; secundo ostendit pro quibus sit orandum, ibi pro omnibus; tertio assignat rationem, ibi hoc enim bonum.

Dicit ergo. Quia ita est quod Christus venit peccatores salvos facere, igitur primum omnium obsecro, et cetera. In quo aperte ostendit quod inter omnia necessaria ad vitam Christianam praecipua est oratio, quae valet contra pericula tentationis et ad proficiendum in bono. Iac. ult. : multum valet oratio iusti assidua.

Distinguit ergo orationem in quatuor, scilicet obsecrationes, orationes, postulationes, et gratiarum actiones, quorum tria pertinent ad beneficia impetranda, ultimum ad beneficia accepta. In impetrandis autem beneficiis tria requiruntur. Primo, ut scilicet impetrans assignet causam quare debet ei concedi; secundo oportet quod ostendat causam esse rationalem; tertio concludit petitionem. Et sicut rhetores faciunt, sic et nos in orando debemus facere. Primo excogitare causam quare sit concedendum, et hoc non merita nostra, sed miserationem divinam. Dan. IX, 18 : non in iustificationibus nostris prosternimus preces ante faciem tuam, sed in miserationibus tuis multis, et cetera. Et ad hoc est obsecratio, quae est attestatio per sacra, sicut : per passionem et crucem tuam libera nos, domine.

Hac causa excogitata, necesse est quod meditemur quod hoc sacrum est causa salutis. Et ideo requiritur oratio, quae est ascensus mentis in Deum. Ps. LXVIII, 14 : ego vero orationem meam ad te, domine, et cetera. Dicitur autem oratio quasi oris ratio. Persuasiones enim rhetorum dicuntur orationes, quia persuadent; sed aliter ibi, aliter in nostra ad Deum, quia non intendimus quod animum Dei flectamus, qui semper ad bonum est paratus, sed ut nostrum cor sit in oratione ad Deum elevatum. Tertio, postulatio. Iac. I, 6 : postulet autem in fide nihil haesitans. Item de acceptis donis gratiarum actiones. I Thess. ult. : in omnibus gratias agite. Phil. IV, 6 : in omni oratione et obsecratione, cum gratiarum actione petitiones vestrae innotescant ante Deum.

Unde iste modus orandi est in Ecclesia Dei : omnipotens sempiterne Deus, ecce ascensus mentis, qui est oratio, qui dedisti Ecclesiae tale beneficium, ecce gratiarum actio, praesta, quaesumus, ecce postulatio, per dominum, ecce obsecratio. Similiter in Missa est obsecratio usque ad consecrationem corporis et sanguinis, quia in eis est commemoratio sacrorum ex quibus est fiducia impetrandi. In mysterio consecrationis est oratio, quia meditatio eorum quae Christus egit. In aliis vero usque ad communionem est postulatio pro vivis et mortuis, et pro se. In fine autem est gratiarum actio.

Vel haec quatuor referuntur ad quatuor, quae nos volumus in oratione obtinere, ut obsecratio referatur ad difficilia impetranda, ut ad impiorum conversionem; oratio, quando iam conversis imploramus gratiam ut proficiant; postulatio, ut praemia pro meritis retribuantur; et pro beneficiis iam acceptis, est gratiarum actio.

Deinde cum dicit pro omnibus, ostendit pro quibus est orandum. Et circa hoc duo facit, quia primo ostendit orandum esse pro omnibus; secundo assignat fructum orationis, ibi ut quietam.

Circa primum ergo dicit esse orandum pro omnibus hominibus. Cuius ratio est, quia oratio est interpres desiderii nostri. Orando enim petimus quod desideramus. Charitas autem requirit quod desideremus bonum omnibus ad quos se extendit. Iac. c. ult., 16 : orate pro invicem ut salvemini, et cetera. Sed pro quibus specialiter? Pro regibus, et cetera. Bar. I, 11 : orate pro vita Nabuchodonosor regis Babyloniae, et pro vita Balthasar filii eius. Et apostolus dicit Rom. XIII, 1 : omnis anima potestatibus sublimioribus subdita sit. I Petr. II, 13 : subiecti estote omni humanae creaturae propter Deum, sive regi quasi praecellenti, sive ducibus tamquam ab eo missis. Subiecti quippe oportet quod impendant dominis suis de suis officiis.

Utilitas autem est, quia per hoc etiam procuramus bonum nostrum. In pace enim eorum est pax nostra. Unde dicit ut quietam et tranquillam, et cetera. In his duobus est pax mundi. Ecclesia siquidem habet pacem propriam, in qua non est mundus, quia non est pax impiis. Sed quaedam est pax communis utrisque, et hac indiget Ecclesia. Ier. XXIX, 7 : quaerite pacem civitatis ad quam transmigrare vos feci. Pax terrena quandoque perturbatur ab interiori, quandoque ab exteriori. II Cor. VII, v. 5 : foris pugnae, intus timores.

Quantum ad primum dicit ut quietam; quantum ad secundum dicit et tranquillam vitam. Et licet pax terrena communis sit bonis et malis, tamen diversimode utrique illa utuntur. Mali enim tunc ad duo ea utebantur, scilicet ad cultum Daemonum; quia illam prosperitatem falsis diis attribuebant. Item ad lasciviam; quia tempore pacis vitia carnalia abundabant. Sap. XIV, 22 : in magno viventes inscientiae bello, tot et tam magna mala pacem appellant.

Sed sancti e converso ea utuntur, quia in cultu veri Dei et in castitate. Et ideo dicit in omni pietate et castitate. Tit. II, 12 : sobrie, et iuste, et pie vivamus in hoc saeculo.

Deinde cum dicit hoc enim bonum, ponitur ratio orationis. Et circa hoc duo facit, quia primo ponit rationes; secundo probat quoddam propositum, ibi unus enim Deus.

Item primo assignat rationem ex specie operis; secundo ex parte Dei, ibi et acceptum.

Ponit ergo rationem ex operis specie, quia quando aliquid est secundum se bonum, illud debemus facere; sed pro aliis orare est huiusmodi, quia est actus charitatis. Et ideo dicit hoc enim bonum est. Ps. LI, 11 : quoniam bonum est in conspectu sanctorum tuorum.

Item ex parte Dei, quia est et acceptum coram Deo. Ps. L, 21 : tunc acceptabis sacrificium, et cetera. Et hoc non nisi in charitate fuerit oblatum. Et dicit salvatore, quia solus Deus salvat. Is. XLIII, 11 : non est absque me salvator. Et probat quod sit acceptum, ibi qui vult, et cetera. II Petr. III, 9 : nolens aliquos perire, sed omnes ad poenitentiam reverti.

Sed contra : omnia quaecumque voluit fecit, ergo omnes salvat. Sed si dicis quod non, quia homo non vult, videtur inconveniens quod omnipotens impediatur per voluntatem non omnipotentis.

Respondeo. Velle ponitur quandoque pro voluntate beneplaciti, quandoque pro voluntate signi. Pro voluntate signi vult salvare omnes, quia omnibus proposuit salutis praecepta, consilia et remedia. Pro voluntate beneplaciti, sic exponi potest quatuor modis. Uno modo ut sit locutio causalis, sicut Deus dicitur aliquid facere, quia facit alios illud facere, sicut Rom. c. VIII, 26 : spiritus postulat, id est, postulare nos facit. Sic ergo Deus vult, quia scilicet facit suos sanctos velle quod omnes salvi fiant. Hoc velle enim debet esse in sanctis, quia nesciunt qui sunt praedestinati, et qui non.

Alio modo ut sit distributio accommoda, id est omnes qui salvabuntur, quia nullus salvatur nisi per voluntatem eius, sicut in una schola magister docet omnes pueros huius civitatis, quia nullus docetur nisi ab eo.

Alio modo ut sit distributio pro generibus singulorum, non pro singulis generum, id est, nullum genus hominum excipit a salute, quia olim tantum Iudaeis, sed modo omnibus praebetur. Et hoc magis facit ad intentionem apostoli.

Alio vero modo, secundum Damascenum, ut intelligatur de voluntate antecedente, non consequente. In voluntate enim Dei licet non sit prius et posterius, dicitur tamen voluntas antecedens et consequens. Item secundum ordinem volitorum, secundum quod voluntas potest dupliciter considerari, scilicet in universali vel absolute, et secundum aliquas circumstantias et in particulari. Et prius est absoluta consideratio et in universali, quam in particulari et comparata.

Et ideo voluntas absoluta est quasi antecedens, et voluntas alicuius rei in particulari est quasi consequens. Exemplum de mercatore qui vult omnes merces suas salvare absolute, et hoc voluntate antecedente. Sed si consideret salutem, non vult omnes merces per comparationem ad alia salvare, scilicet quando cum salute sequitur submersio navis. Et haec voluntas est consequens. Sic in Deo salus omnium hominum in se considerata habet rationem ut sit volibilis. Et apostolus hic ita loquitur, et sic eius voluntas est antecedens. Sed si consideretur bonum iustitiae, et quod peccata puniantur, sic non vult. Et haec est voluntas consequens. Et subdit ad agnitionem veritatis, quia salus non est nisi per agnitionem veritatis. Io. VIII, 32 : agnoscetis veritatem, et veritas liberabit vos.

Deinde cum dicit unus, etc., probat quod dixerat per rationem, et sunt tres probationes. Una ex parte Dei, alia ex parte hominis Christi, tertia ex parte testium Christi.

Dicit ergo quod Deus velit omnes, et cetera. Patet, quia unus est Deus omnium, qui salvat. Rom. III, 29 : an Iudaeorum Deus tantum? An non et gentium? Imo et gentium, quoniam quidem unus Deus, et cetera.

Tunc ponitur ratio ex parte hominis Christi, ibi unus et mediator, et cetera. Ubi primo probat intentum, secundo inducit signum, ibi qui dedit. Dicit ergo : homo Christus Iesus est mediator Dei et hominum, non quorumdam, sed inter Deum et omnes homines, et hoc non fuisset nisi vellet omnes salvare.

Et potest dici quod Christus mediator est similis utrique extremo, scilicet Deo et homini inquantum Deus et inquantum homo, quia medium debet habere aliquid de utroque extremorum. Et haec sunt homo et Deus. Sed quia medium est distinctum ab utroque extremorum, et filius non est alius Deus a patre, ideo melius est dicendum quod mediator est secundum quod homo. Sic enim communicat cum utroque extremorum. In Deo enim sunt duo, scilicet iustitia et immortalitas; in hominibus vero est iniustitia et mortalitas. Media ergo sunt duo : unum in quo est iustitia et mortalitas. Aliud in quo est immortalitas et iniustitia. Et utrumque est medium, sed primum medium convenit Christo, secundum vero Diabolo. Et ideo Diabolus est medium disiungens, quia per iniustitiam suam disiungit nos a divina iustitia; sed Christus est medium coniungens, quia est iustus et mortalis, et per suam mortem coniungit nos Dei iustitiae. I Io. II, 2 : ipse est propitiatio pro peccatis nostris, pro aliquibus efficaciter, sed pro omnibus sufficienter, quia pretium sanguinis eius est sufficiens ad salutem omnium : sed non habet efficaciam nisi in electis propter impedimentum.

L’Apôtre, dans ce qui précède, a donné à Timothée des règles pour ramener le peuple à la forme de la foi véritable; il traite ici de ce qui regarde le culte de la foi elle-même, c’est-à-dire, des prières et des supplications. Et d’abord il établit d’une manière générale sa doctrine de la prière; ensuite il descend spécialement à certaines conditions humaines (verset 8) : "Je veux donc [que les hommes prient en tout lieu], etc." Paul désigne en premier lieu les divers modes de la prière; en second lieu, il désigne ceux pour lesquels on doit prier (verset 1) : "Pour tous les hommes;" en troisième lieu, il en assigne la raison (verset 3) : "Car cela est bon et agréable, etc."

Il dit donc : Puisqu’il est un fait que Jésus-Christ est venu pour sauver les pécheurs, (verset 1) : "Je vous conjure donc, avant toutes choses, [que l’on fasse des supplications], etc." Paul montre ainsi ouvertement que parmi tout ce qui est nécessaire à la vie chrétienne, la chose principale est la prière qui est puissante contre les dangers des tentations, et pour l’avancement dans le bien. (Jacques, V, 16) : "La prière assidue du juste peut beaucoup." L’Apôtre distingue quatre sortes de prières, à savoir, la supplication, la prière, la demande et l’action de grâce. Les trois premières se rapportent aux bienfaits à recevoir, la quatrième, aux bienfaits reçus. A l’égard des bienfaits à recevoir, on requiert trois choses : d’abord, que celui qui sollicite exprime le motif pour lequel on doit lui accorder [le bienfait]; ensuite qu’il montre que ce motif est raisonnable; enfin, qu’il conclue sa demande. Nous devons donc dans la prière imiter ce que fait un rhéteur. D’abord penser au motif pour lequel on doit nous exaucer, et reconnaître que ce motif n’est pas nos mérites, mais la miséricorde divine. (Daniel, X, 18) : "Ce n’est pas à cause de notre propre justice que nous déposons devant vous nos supplications, en nous prosternant devant vous, mais c’est à cause de la multitude de vos miséricordes, etc." A cette condition se rapporte la supplication, qui est un appel à quelque chose de sacré, comme quand on dit : "Par votre passion et votre croix, délivrez-nous, Seigneur." Après avoir reconnu cette cause, nous devons méditer sur le fait que ce quelque chose de sacré est la source de notre salut. De là la prière, qui est l’élévation de l’âme vers Dieu. (Psaume LXVIII, 14) : "Pour moi, Seigneur, je vous offrirai ma prière." Le mot prière signifie la raison exprimée par le langage. Les discours persuasifs des rhéteurs prennent le nom d’oraisons, parce qu’ils s’appliquent à persuader. Toutefois, le sens est tout autre que dans la prière que nous adressons à Dieu, car nous ne nous proposons pas de fléchir le coeur de Dieu, qui toujours est porté à faire du bien, mais d’élever ainsi par cette prière notre coeur vers lui. La troisième espèce est la demande ; (Jacques I, 6) : "Qu’il demande avec la foi, sans hésiter". Enfin, la quatrième, pour les dons reçus, est l’action de grâces ; (I Thessaloniciens V, 18) : "Rendez grâces à Dieu en toutes choses" ; (Philipp., IV, 6) : "Présentez à Dieu vos demandes par des supplications et des prières accompagnées d’actions de grâces." De cette doctrine de Paul est venu dans l’Eglise de Dieu ce mode de prier : "Seigneur, Dieu tout-puissant et éternel", - voilà l’élévation de l’âme qui constitue la prière - : "Vous qui avez accordé à l’Église ce bienfait," - c’est l’action de grâces - : "Accordez-nous, nous vous en prions," - voici la demande : "par Notre Seigneur Jésus-Christ," – c’est la supplication. De même, à la sainte Messe, la supplication se fait jusqu’à la Consécration du corps et du sang, parce qu’on y fait mémoire des mystères sacrés sur les quels s’appuie la confiance pour obtenir; dans le mystère de la consécration se trouve la prière, parce qu’on y réfléchit à ce que Jésus-Christ a fait lui-même. Dans les autres parties jusqu’à la communion, on fait la demande pour les vivants, pour les morts et pour soi-même. La fin de la Messe est l’action de grâce.

Ou bien encore, les quatre espèces de prières se rapportent aux quatre choses que nous voulons obtenir en priant, en sorte que la supplication embrasse celles qui sont plus difficiles à obtenir, par exemple, la conversion des impies; la prière implore la grâce en faveur de ceux qui sont déjà convertis, afin qu’ils avancent dans le bien; la demande appelle comme rétribution la récompense pour les mérites, et l’action de grâces se rend pour les dons déjà reçus.

II° Quand Paul dit (verset 1) : "Pour tous les hommes," il désigne ceux pour lesquels il faut prier. D’abord il montre qu’il le faut faire pour tous; ensuite il indique le fruit de la prière (verset 2) : "Afin que nous menions une vie paisible et tranquille."

I. Sur le premier de ces points, il dit donc qu’il faut prier (verset I) : "Pour tous les hommes." La raison en est que la prière est l’ interprète de notre désir. Nous demandons, en effet, par la prière ce que nous désirons; or la charité exige que nous désirions la possession du bien pour tous ceux auxquels il peut s’étendre ; (Jacques V, 16) : "Priez les uns pour les autres, afin que vous soyez sauvés, etc." Mais pour qui faut-il spécialement prier? (verset 2) : "Pour les rois, etc." ; (Baruch, I, 11) : "Et pour la vie de Nabuchodonosor, roi de Babylone, et pour la vie de Balthazar, son fils." Paul dit lui-même (Rm XIII, I) : "Que tout le monde se soumette aux puissances supérieures" ; (I Pierre, II, 13) : "Soyez donc soumis, pour Dieu, à tout homme, soit au roi comme au souverain, soit aux gouverneurs comme à ceux qui sont envoyés de sa part." Il est, en effet, nécessaire que les inférieurs rendent à ceux qui sont revêtus de la puissance le tribut de leur service.

II. De plus, il y va de notre intérêt, car par là nous procurons notre propre bien-être, puisque la paix dont jouissent les princes est notre paix. C’est ce qui fait dire à Paul (verset 2) : "Afin que nous menions une vie paisible et tranquille." C’est dans ces deux conditions que se trouve la paix du monde. L’Eglise sans doute a sa paix particulière, que le monde ne saurait goûter, car il n’est pas de paix pour l’impie; mais il y a une paix qui est commune à tous, et 1’Eglise a besoin de cette paix (Jérémie, XXIX, 7) : "Recherchez la paix de la ville dans laquelle je vous ai transférés". La paix de la terre est troublée par des mouvements venant parfois de l’intérieur, parfois de l’extérieur ; (II Corinth, VII, 5) : "Combats au dehors, frayeurs au dedans." Quant au premier, Paul dit (verset 2) : "[Afin que nous menions] une vie paisible" ; quant au second "une vie tranquille." Et bien que la paix de la terre soit commune aux bons et aux méchants, cependant les uns et les autres en usent diversement. Car les méchants, au temps de l’Apôtre, en usaient pour deux sortes de désordres, à savoir, pour le culte des démons, puisqu’ils attribuaient aux fausses divinités la prospérité dont ils jouissaient; et pour la débauche, puisque dans ces temps de paix, les vices de la chair abondaient ; (Sagesse XIV, 22) : "Vivant dans une grande violence causée par l’ignorance, ils donnent le nom de paix à des maux si grands et en si grand nombre." Les saints usent de la paix d’une manière toute contraire, car ils s’en servent pour le culte du Dieu véritable et pour garder la chasteté. C’est pourquoi Paul dit (verset 2) : "Dans toute sorte de piété et d’honnêteté" ; (Tite II, 12) : "Vivons dans le siècle présent, avec tempérance, avec justice et avec piété."

III° Quand l’Apôtre ajoute (verset 3) : "Car cela est bon, etc.," il donne la raison de la prière. A cet effet, premièrement, il énonce cette raison; secondement, il prouve une proposition qu’il a avancée (verset 5) : "Car il n’y a qu’un Dieu, etc."

I. Paul assigne donc la raison de la prière, d’abord d’après la nature même de la prière; ensuite en la considérant du côté de Dieu (verset 3) : "Et agréable [à Dieu notre Sauveur]."

D’abord la raison tirée de la nature de la prière. Lorsqu’une oeuvre est bonne en soi, nous devons la pratiquer; or prier pour les autres est une oeuvre de ce genre, puisque c’est un acte de charité; l’Apôtre dit donc (verset 3) : "Car cela est bon" ; (Psaume LI, 11) : "[j’attendrai l’assistance de votre nom], parce qu’il est rempli de bonté devant les yeux de vos saints."

Du côté de Dieu, car (verset 3) : "Cela est agréable à Dieu notre Sauveur" (Psaume L, 21) : "C’est alors que vous agréerez le sacrifice, etc.". Mais la prière ne peut être agréable à Dieu que quand on l’offre dans un sentiment de charité. L’Apôtre dit (verset 3) : "Notre Sauveur," parce que c’est Dieu seul qui sauve ; (Isaïe, XLIII, 11) : "Il n’y a pas d’autre sauveur que moi" ; Et il prouve ce qu’il a avancé : (verset 4) : "Puisqu’il veut [que tous les hommes soient sauvés, etc.]" ; (II Pierre, III, 9) : "Ne voulant pas qu’aucun pécheur périsse, mais que tous reviennent par la pénitence."

On objecte : "Tout ce que Dieu a voulu, il l’a fait;" il sauve donc tous les hommes. Si vous dites qu’il n’en est pas ainsi, parce que l’homme ne le veut pas, il semble qu’il y ait contradiction à ce que le Tout-puissant soit empêché par la volonté d’un autre qui n’est pas tout-puissant.

Nous répondons que le terme « vouloir » est pris tantôt pour la volonté de bienveillance, tantôt pour la volonté de signe. Dieu veut, de cette volonté de signe, le salut de tous, car il a donné à tous les préceptes, les conseils, les remèdes nécessaires au salut. Quant à la volonté de bon plaisir, on peut l’entendre de quatre manières. D’abord comme une façon de parler indiquant la causalité. Ainsi on dit de Dieu qu’il fait une chose, parce qu’il donne à d’autres le pouvoir de la faire. C’est ainsi qu’il est dit (Rm VIII, 26) : "Le Saint-Esprit lui-même intercède…", c'est-à-dire fait en sorte que nous intercédions. C’est donc ainsi que Dieu veut, parce qu’il fait en sorte que tous les saints veuillent que tous les hommes soient sauvés. Cette volonté doit être dans les saints, parce qu’ils ignorent quels sont ceux qui sont ou ne sont pas prédestinés. En second lieu, on peut prendre ce terme dans un sens accommodatif et divisé, à savoir, tous ceux qui seront sauvés, parce que nul n’est sauvé si ce n’est par sa volonté, comme on dit d’une école : ce maître enseigne tous les enfants de cette cité, parce qu’il n’y a aucun enfant qui ne soit enseigné par lui. Troisièmement, en prenant le sens divisé pour l’appliquer aux genres qui renferment les individualités, et non aux individualités contenues dans les genres : Dieu n’excepte du salut, parmi les hommes, aucune race, puisqu’il l’a offert autrefois aux Juifs, et que maintenant il l’offre à tous. Cette interprétation paraît répondre mieux que les précédentes à la pensée de Paul. Enfin, on peut l’expliquer, avec Jean Damascène, de la volonté antécédente, et non de la volonté conséquente. Car bien que, dans la volonté de Dieu, il n’y ait ni avant ni après, néanmoins on distingue en lui la volonté antécédente et la volonté conséquente. De plus, dans l’ordre des choses voulues, on peut considérer la volonté de deux façons : en rapport avec ce qui est universel ou absolu, et en rapport avec ce qui est particulier et soumis à certaines circonstances. Or, la considération absolue et générale a comme une priorité sur la considération particulière et comparative. La volonté absolue est donc comme antécédente, et la volonté d’une chose en particulier comme conséquente. C’est ainsi qu’un marchand qui veut sauver, dans un sens absolu, toutes ses marchandises, le veut d’une volonté antécédente. Mais s’il vient à considérer sa propre conservation et la compare à celle de ses marchandises, il ne veut plus sauver celles-ci, si avec sa personne il devait encore perdre son navire. Voilà la volonté conséquente. De même en Dieu, le salut de tous les hommes, considéré en lui-même, a pour caractère d’être l’objet de la volonté divine, et l’Apôtre en parle ici dans ce sens. Comme telle, cette volonté divine est antécédente. Mais si l’on considère le bien de la justice divine et la nécessité de punir le péché, Dieu ne veut plus; c’est la volonté conséquente, que l’Apôtre indique en ajoutant (verset 4) : "Et qu’ils viennent à la connaissance de la vérité," parce que le salut ne peut s’opérer que par cette connaissance. (Jean, VIII, 32) : "Et vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres."

II. Quand Paul dit ensuite (verset 5) : "Car il n’y a qu’un Dieu," il prouve ce qu’il vient de dire, par le raisonnement. Il en donne trois preuves : la première prise du côté de Dieu, la seconde du côté de Jésus-Christ fait homme, la troisième du côté des témoins de Jésus-Christ.

Il dit donc : que Dieu veuille le salut de tous les hommes, c’est une vérité évidente (verset 5) : "Car il n’y a qu’un Dieu," Dieu de tous, qui nous sauve tous ; (Rm III, 29) : "Dieu est-il seulement le Dieu des Juifs ? Ne l’est-il pas aussi des Gentils ? Oui, certes, il l’est aussi des Gentils, puisqu’il n'y a qu’un seul Dieu, etc."

L’Apôtre donne ensuite une preuve, déduite de Jésus-Christ fait homme (verset 5) : "Et un médiateur, etc." Premièrement, il démontre sa proposition; secondement, il donne une preuve sensible de ce qu’il avance (verset 6) : "Qui s’est livré lui-même [pour la rédemption], etc." Il dit donc : Jésus-Christ homme est médiateur entre Dieu et les hommes, non pas seulement pour quelques hommes, mais entre Dieu et tous les hommes, ce qui n’eût pas été si Jésus-Christ n’eût pas voulu les sauver tous. L’on peut dire que Jésus-Christ est médiateur semblable à chaque extrême c’est-à-dire Dieu et l’homme, en tant qu’il est Dieu et en tant qu’il est homme; car le terme moyen doit tenir quelque chose de chacun des deux extrêmes. Or les deux extrêmes sont Dieu et l’homme. Mais comme le moyen est distinct des deux extrêmes, et comme le Fils n’est pas un Dieu différent du Père, il est mieux de dire que c’est en tant qu’il est homme que Jésus-Christ est médiateur, car de cette manière il communique avec les deux extrêmes. Il y a en effet en Dieu deux attributs, la justice et l’immortalité, et dans les hommes l’injustice et la mortalité. Il y a donc aussi deux termes moyens; l’un dans lequel sont la justice et la mortalité; l’autre dans lequel sont l’immortalité et l’injustice. L’un et l’autre sont moyens, mais le premier convient à Jésus-Christ, le second à Satan. Satan donc est un moyen qui divise, car par son injustice il nous sépare de la divine justice; mais Jésus-Christ est un moyen qui réunit, parce qu’il est juste et mortel, et qu’il nous réunit par sa mort à la justice de Dieu ; (1 Jean, II, 2) : "Jésus-Christ est la victime de propitiation pour nos péchés," pour un certain nombre efficacement, mais pour tous suffisamment. Car le prix de son sang a une valeur suffisante pour le salut de tous, il n’a toute son efficacité que dans les élus en qui il ne rencontre pas d’obstacle.

 

 

 

Lectio 2

 

Leçon 2 — 1 Timothée II, 6-10 : La tenue des femmes et des hommes.

 

SOMMAIRE : Paul règle ce qui a rapport aux ornements des femmes; il exhorte les hommes à lever vers le ciel, dans la prière, des mains pures.

[6] qui dedit redemptionem semet ipsum pro omnibus testimonium temporibus suis

[7] in quo positus sum ego praedicator et apostolus veritatem dico non mentior doctor gentium in fide et veritate

[8] volo ergo viros orare in omni loco levantes puras manus sine ira et disceptatione

[9] similiter et mulieres in habitu ornato cum verecundia et sobrietate ornantes se non in tortis crinibus aut auro aut margaritis vel veste pretiosa

[10] sed quod decet mulieres promittentes pietatem per opera bona

6. Rendant ainsi témoignage à la vérité au temps qui avait été marqué.

7. C’est pour cela que j’ai été établi moi-même prédicateur et Apôtre (je dis la vérité et je ne mens pas), j’ai été établi le docteur des nations dans la foi et dans la vérité.

8. Je veux donc que les hommes prient en tout lieu, élevant des mains pures, sans colère et sans contention.

9. Que les femmes aussi prient, étant vêtues comme l’honnêteté le demande; qu’elles se parent de modestie et de chasteté, et non avec des cheveux frisés, ni des ornements d’or, ni des perles, ni des habits somptueux,

10. Mais avec de bonnes oeuvres, comme doivent le faire des femmes qui font profession de piété.

[87884] Super 1 Tm cap. 2 l. 2 Supra dixit quod Deus vult omnes salvos fieri, et probavit hoc ex parte Dei, qui est unus omnium, et ex parte Christi, qui est unus mediator omnium; hic probat idem ex parte testimonii. Et primo inducit alios testes; secundo suum testimonium, ibi in quo positus sum.

Dicit ergo : dedit se pro omnibus. Sed numquid subito Deo in mentem venit, ut qui elegerat salvare Iudaeos solum, vellet salvare totum mundum? Hoc excludens dicit cuius testimonium temporibus suis; quasi dicat : haec lex non est subita, sed antiquitus attestata per legem, et per prophetas. Is. XLIV, 8 : vos estis testes mei. Act. X, 43 : huic omnes prophetae testimonium perhibent, et cetera. Confirmatum est, scilicet impletione et ostensione signorum, et praedicatione apostolorum. Temporibus suis, scilicet quibus praedeterminatum erat fieri. Eccle. III, 1 : omnia tempus habent. Vel testimonium apostolorum confirmatum est temporibus determinatis. Act. I, 8 : eritis mihi testes in Ierusalem, et in omni Iudaea, et Samaria, et usque ad ultimum terrae, et cetera.

Deinde cum dicit in quo positus sum, ponit testimonium suum. Et primo ostendit suum officium; secundo officii sui usum, ibi veritatem.

Dicit ergo in quo, scilicet officio testandi, positus sum, scilicet a Deo. Io. XV, v. 16 : posui vos ut eatis et fructum afferatis, et fructus vester maneat. Ego praedicator, quia ad hoc me posuit, ut praedicarem. Mc. ult. : euntes in mundum universum, praedicate Evangelium omni creaturae. Sed in quolibet artificio sunt duo : quidam ministerialiter operantes, quidam qui disponunt de aliis, scilicet architectores; sed in officio Ecclesiae disponentes sunt apostoli; et ideo dicit apostolus, quasi cum auctoritate. I Cor. IX, 2 : signaculum apostolatus mei vos estis in domino.

Usus autem officii est praedicare veritatem, et hoc est officium praedicatorum, ut veritatem dicant. Prov. VIII, 7 : veritatem meditabitur guttur meum. Eph. IV, 25 : loquimini veritatem. Sed non est aliqua doctrina, quae non habeat aliquam veritatem; sed in hoc damnatur aliqua doctrina, quia miscet veritati falsitatem. Et ideo dicit veritatem dico, non mentior. Prov. VIII, 8 : recti sunt omnes sermones mei. Iob VI, 30 : non invenietis in lingua mea iniquitatem. Et hic est usus officii, scilicet veritatem sine mendacio praedicare, qui competit meo officio, qui sum doctor gentium. Doctor autem generat scientiam in anima discipuli. Scientia autem non est de falso; unde docens falsum non est doctor.

Sed contra, Matth. XXIII, 8 : nolite vocari Rabbi. Respondeo. Non prohibet ministerium doctrinae, sed ambitionem officii. Act. IX, 15 : vas electionis est mihi iste, ut portet nomen meum, et cetera. Is. XLIX, 6 : dedi te in lucem gentium, et cetera. Et debeo eas docere in fide et veritate, quia debet docere fidem et bonos mores. Et dicit in fide, id est, de his quae pertinent ad statum praesentem, in quo secundum fidem vivimus, et in veritate quantum ad statum gloriae.

Deinde cum dicit volo, descendit ad speciales gradus hominum. Et circa hoc duo facit, quia primo monet viros de oratione, secundo mulieres, ibi similiter et mulieres.

Dicit ergo volo, et cetera. Tria exigit a viris in orando : primo quod oratio sit assidua; secundo pura; tertio quieta.

Assidua, ut in omni tempore et in omni loco. Et dicit volo, quia bonum est quod homo oret, et ego doctor volo viros orare in omni loco, non in Ierusalem tantum, ut Iudaei, nec in monte Garizim, ut Samaritani Io. IV, 21. In omni loco potest homo spiritualiter et mentaliter orare. Soph. II, 11 : adorabunt eum viri de loco suo; omnes insulae gentium, et cetera.

Sed quomodo dominus reprehendit Pharisaeos stantes in angulis, Matth. VI, 5 ? Respondeo. Oratio mentalis ubique potest fieri, sed signa orationis exterius non debent fieri in omni loco, quia homo non debet singularis apparere in exterioribus, quia propter hoc posset haberi inanis gloria. Sed quare nunc sunt factae Ecclesiae? Respondeo. Non quod locus sit de necessitate orationi, sed ad bene esse ei; quia oratio requirit solitudinem et quietem.

Item pura. Ideo dicit levantes puras manus. Augustinus : quod exterius orando agimus, facimus ut affectus noster interius excitetur. Genuflexiones enim et huiusmodi non sunt per se acceptae Deo, sed quia per haec tamquam per humilitatis signa homo interius humiliatur, sicut elevatio manus significat elevationem cordis. Thren. III, v. 41 : levemus corda nostra cum manibus ad dominum in caelo. Levantes, etc., id est, orantes cum devotione cordis. Iob VIII, v. 5 s. : si diluculo consurrexeris ad Deum, et omnipotentem fueris deprecatus, si mundus et rectus incesseris, statim evigilabit ad te, et pacatum reddet habitaculum iustitiae tuae.

Item quieta. Ideo dicit sine ira et disceptatione. Et ponit duo. Primo, ut scilicet mens sit sine ira, quae animum inquietat ad inferendum nocumentum proximo, a qua oportet liberum esse animum orantis. Eccli. XXVIII, 3 : homo homini servat iram, et a Deo quaerit medelam. Item liber debet esse homo a disceptatione, quod potest intelligi dupliciter. Uno modo, secundum Glossam, ut non disceptemus contra Deum increduli verbis eius, et murmurando contra eius ordinationem. Rom. IX, v. 20 : o homo, tu quis es qui respondeas Deo, et cetera. Item contra proximum, ut non rumpamus pacem cum eo, quod fit per disceptationem. Pax enim est necessaria oranti. Matth. XVIII, 19 : si duo ex vobis consenserint super terram, de omni re quam petierint, fiet illis a patre meo.

Deinde cum dicit similiter et mulieres, ordinat mulieres, et primo quantum ad orationem, secundo quantum ad doctrinam, ibi mulieres in silentio. Item primo ostendit quid requiratur a muliere orante; secundo exponit quae dixerat, ibi non in tortis.

Circa primum sciendum est quod omnia quae requiruntur ad virum orantem, requiruntur et ad mulieres. Et ideo dicit similiter et mulieres; quasi dicat : omnia servent quae dicta sunt. Sed addit duo, scilicet ornamenta et verecundiam, dicens in habitu ornato cum verecundia, cuius ratio est, quia naturale est quod sicut mulieres sunt mollioris corporis quam viri, ita et debilioris rationis. Rationis autem est ordinare actus, et effectus uniuscuiusque rei. Ornatus vero consistit in debita ordinatione et dispositione. Sic in interiori decore nisi sint omnia ordinata ex dispositione per rationem, non habent pulchritudinem spiritualem. Et ideo quia mulieres deficiunt a ratione, requirit ab eis ornatum. Item verecundia est de turpi actu, et ideo est laudabilis in illis qui facile solent declinare in actus turpes, cuiusmodi sunt iuvenes et mulieres, et ideo hoc in eis laudatur, non autem senes et perfecti. Eccli. XXVI, 19 : gratia super gratiam mulier sancta et pudorata.

Item sobrietatem requirit; unde sequitur et sobrietate. Quia enim in mulieribus ratio est debilis, sobrietas autem conservat virtutem rationis, ideo in mulieribus maxime reprehenditur ebrietas. Unde antiquitus apud Romanos eis non dabatur vinum. Non in tortis crinibus, et auro, et cetera. Exponit quod dixerat, et primo de ornatu, secundo de verecundia, ibi sed quod decet. Circa primum, primo excludit ornatum corporalem; secundo ponit spiritualem, ibi sed quod decet. Circa primum dicit : quod dixi de habitu ornato, non intelligo de exteriori, quia non in tortis crinibus, id est, non ornato capite vel toto corpore.

Sed praecipue mulieres ornant caput, quod est naturale mulieri, ut dicitur I Cor. XI, 15. Et ideo ornamenta in capite habent. In capite vero est duplex velamentum. Unum est naturale, scilicet capilli, ut dicitur I Cor. XI, 5, item artificiale, et in utrisque se ornant, quia capillos torquent. Unde dicit non in tortis, id est, in crispatis. Is. III, 24 : erit pro crispanti crine calvitium. Item artificialia prohibet, cum dicit aut auro, aut margaritis. I Petr. III, 3 : non extrinsecus capillatura, aut circumdatio auri, aut indumenti, aut vestimentorum cultus, et cetera. Vel non in tortis crinibus, et auro, id est, non habentes crines tortos auro, vel margaritis. Quantum vero ad totum corpus dicit vel veste pretiosa, hoc enim damnat apostolus hic, et Is. III, 17.

Sed numquid hoc est peccatum? Respondeo. Dicendum est quod secundum Augustinum duo sunt consideranda in ornatu mulierum, scilicet simplex ornatus et fucatus. Simplex ornatus, puta in veste, et in auro, et huiusmodi, quod potest fieri cum peccato tribus modis : scilicet ex prava intentione, ut si intendant commotionem concupiscentiae, ostentationem, vel inanem gloriam. Prov. VII, 10 : praeparata ad capiendas animas. Secundo si fiat praeter consuetudinem patriae, quod fit diversimode. Quod enim excedit modum consuetum patriae, hoc ex levitate animi est. Tertio si conditionem sui status excedit. Sed servata recta intentione, consuetudine patriae, et conditione status, non est peccatum. De fucato autem semper est peccatum. Mulieribus enim non permittitur ornari nisi propter viros, et viri nolunt decipi, ut fucatae eis appareant.

Sit ergo non talis ornatus, sed qualis decet mulieres, promittentes pietatem. Exteriora enim opera hominis sunt quasi quaedam professio interioris hominis, sicut religiosi ad hoc habent habitum, et clerici similiter. Unde nisi concordet interior cum exteriori, est fictio. Ita etiam de aliis operibus interioribus. Interius enim debemus colere pietatem, id est, cultum Dei habere, exterius vero promittere et praestare per bona opera, quae concordant pietati; et similiter habere interius, sicut ostendimus exterius.

Vel, dico, quod debent se ornare non exterius, sed secundum quod decet eas promittentes, id est, quae promittere debent, pietatem per opera bona. Eccli. XIX, 27 : amictus corporis, et risus dentium, et ingressus hominis annuntiant de illo.

L’Apôtre a établi, dans ce qui précède, que Dieu veut le salut de tous; et il l’a prouvé, du côté de Dieu, qui est le Dieu unique pour tous, et du côté de Jésus-Christ qui est le seul médiateur de tous. Il confirme ici sa preuve par le témoignage. D’abord il cite des témoins, ensuite il donne son propre témoignage (verset 7) : "C’est pour cela que j’ai été établi moi-même [prédicateur et apôtre], etc."

 Il dit donc (verset 6) : "Qui s’est livré lui-même pour la rédemption de tous." Serait-il donc venu subitement à la pensée de Dieu, après avoir résolu d’abord de sauver seulement les Juifs, de vouloir sauver le monde entier ? L’Apôtre, repoussant cette objection, dit (verset 6) : "Rendant témoignage dans le temps marqué par son père." Comme s’il disait : La loi de grâce n’est pas venue soudainement, mais elle a eu dans les siècles passés, des témoins qui sont la loi [de Moïse] et les prophètes ; (Isaïe, XLIV, 8) : "Vous êtes mes témoins" ; (Actes X, 43) : "Tous les prophètes lui rendent ce témoignage, etc." Ce témoignage [de Jésus-Christ] a été confirmé, à savoir, par l’accomplissement et la manifestation de signes et par la prédication des apôtres; "dans son temps," c’est-à-dire, dans le temps marqué pour ces événements ; (Ecclésiastique III, 1) : "Toutes choses ont leur temps." Ou encore : Le témoignage des Apôtres a reçu sa confirmation au temps marqué. (Actes I, 8) : "Vous me rendrez témoignage dans Jérusalem, et dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre, etc."

II. Quand Paul ajoute (verset 7) : "C’est pour cela que j’ai été établi moi-même, etc." il apporte son propre témoignage. D’abord il déclare quel est son ministère; ensuite quel usage il en fait (verset 7) : "Je dis la vérité, etc."

Il dit donc : "C’est pour cela," c’est-à-dire, pour remplir cet office de témoin "que j’ai été établi," par Dieu lui-même. (Jean, XV, 16) : "Je vous ai établis afin que vous alliez" [annoncer l’Evangile], "et que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure." « J’ai donc été établi (verset 7) : moi-même prédicateur," car Dieu m’a établi pour prêcher l’Évangile. (Marc, XVI, 15) : "Allez partout le monde, prêchez l’Évangile à toute créature." Or, dans tout ouvrage, il y a deux ordres de travailleurs ceux qui travaillent comme exécutants, et ceux qui mettent les ouvriers en oeuvre, les architectes, par exemple. Dans le travail de l’Église, ceux qui dirigent, ce sont les Apôtres, et voilà pourquoi Paul dit (verset 7) : "Et Apôtres," c’est-à-dire agissant avec une autorité particulière. (1 Co IX, 2) : "Vous êtes le sceau de mon apostolat en Notre Seigneur."

L’usage que l’Apôtre fait de son ministère, c’est de prêcher la vérité. L’office de ceux qui prêchent est donc de dire la vérité. (Proverbes VIII, 7) : "Ma bouche publiera la vérité" ; (Eph. IV, 25) : "Que chacun parle à son prochain selon la vérité." Mais comme il n’est pas de doctrine qui ne possède quelque vérité, et qu’elle est condamnable par cela seul qu’elle mêle l’erreur à la vérité, Paul ajoute (verset 7) : "Je dis la vérité, et je ne mens pas." (Prov., VIII, 8) : "Tous mes discours sont justes;" (Job, VI, 30) : "Vous ne trouverez pas d’iniquité sur ma langue." Prêcher la vérité sans mensonge, tel est l’usage du ministère que j’ai reçu, moi qui suis le docteur des nations. Le docteur fait naître la science dans l’esprit de son disciple; or la science n’a pas pour objet l’erreur; celui qui enseigne l’erreur n’est donc pas docteur.

On objecte ce qui est dit en Matthieu (VIII, 8) : "Pour vous, ne vous faites pas appeler Rabbi."

Nous répondons que l’Apôtre ne défend pas d’exercer le ministère, mais de convoiter sa charge par ambition ; (Actes IX, 15) : "Cet homme est un instrument que j’ai choisi pour porter mon nom [devant les gentils]" ; (Isaïe XLIX, 6) : "Je vous ai établi pour être la lumière des nations, etc.". Je dois instruire les nations (verset 7) : "dans la foi et dans la vérité," parce qu’il doit enseigner la foi et les bonnes mœurs. Il dit : "dans la foi," c’est-à-dire de ce qui regarde l’état présent, dans lequel nous vivons suivant la foi, et "dans la vérité", quant à l’état de gloire.

II° Quand Paul ajoute (verset 8) : "Je veux donc [que les hommes prient en tout lieu], etc.," il descend aux diverses conditions humaines. Il instruit d’abord les hommes de la prière; ensuite les femmes (verset 9) : "Que les femmes aussi prient, etc."

I. Il dit donc : "Je veux [que les hommes], etc." L’Apôtre exige des hommes, quand ils prient, trois dispositions, à savoir que la prière soit d’abord assidue; secondement qu’elle soit pure; troisièmement, qu’elle soit empreinte de paix.

Assidue, en sorte qu’elle se fasse en tout temps et en tout lieu. Il dit : "Je veux," parce qu’il est bon que l’homme prie, et que je suis celui qui doit [les] instruire. "Je veux donc (verset 8) que les hommes prient en tout lieu," et non pas à Jérusalem seulement, comme faisaient les Juifs, ni sur le mont Garizim, comme faisaient les Samaritains (Jean, IV, 21) ; Car l’homme peut partout prier et spirituellement et moralement ; (Sophonie, II, 11) : "Il sera adoré par chaque homme, dans chaque pays, et par toutes les îles des nations, etc.".

Comment se fait-il donc que le Sauveur reprenne les Pharisiens qui priaient dans des endroits écartés (Mt VI, 5) ? Nous répondons que l’oraison mentale peut se pratiquer partout, mais les marques de la prière ne doivent pas être données partout extérieurement, parce que l’on ne doit pas paraître se singulariser dans les choses extérieures, ce qui pourrait devenir une occasion de vaine gloire. Pourquoi donc alors élever des églises? Nous répondons que le lieu n’est pas une condition essentielle à la prière, mais qu’il peut lui servir; car la prière demande la solitude et la tranquillité.

La prière doit être pure. Paul dit donc (verset 8) : "Levant des mains pures [vers le ciel]." Ce que nous pratiquons extérieurement dans la prière, dit Augustin, nous le faisons pour exciter en nous le sentiment intérieur. Les génuflexions et les autres actes de cette nature, ne sont pas par eux-mêmes agréables à Dieu, mais seulement parce qu’ils sont comme autant de marques d’humilité, qui engagent l’homme à s’humilier intérieurement C’est ainsi encore que l’élévation des mains témoigne de l’élévation du coeur. (Lament., III, 41) : "Elevons au ciel nos coeurs avec nos mains vers le Seigneur." - "Levant [des mains pures vers le ciel]," c’est-à-dire, priant avec la dévotion du cœur ; (Job, VIII, 5) : "Pour vous, si vous vous empressez d’aller à Dieu et de conjurer par vos prières le Tout-puissant, si vous marchez devant lui avec un coeur pur et droit, il se lèvera aussitôt pour vous secourir, et il récompensera votre justice par la paix qu’il fera régner dans votre maison."

Enfin, la prière doit être empreinte de paix (verset 8) : "Avec un esprit éloigné de la colère et de la contention." Ici l’Apôtre demande deux choses : d’abord que l’esprit soit éloigné de la colère, qui trouble l’âme et nous porte à causer du dommage au prochain. Il faut donc que l’esprit soit libre de cette passion, quand on prie. (Ecclésiastique, XXVIII, 3) : "L’homme garde sa colère contre un homme, et il ose demander à Dieu qu’il le guérisse." Il faut aussi qu’il soit éloigné de toute contention, ce qui peut être entendu de deux manières. D’abord avec la Glose, en ce sens que nous ne disputerons pas contre Dieu, par une sorte d’incrédulité à l’égard de sa parole, et par des murmures contre ce qu’il a arrêté ; (Rm IX, 20) : "O homme! Qui êtes-vous, pour disputer avec Dieu, etc.?" Ensuite, contre le prochain, en sorte que nous ne brisions pas la paix avec lui, ce qui a lieu par la contention. Car la paix est nécessaire à celui qui prie. (Matthieu XVIII, 19) : "Si deux d’entre vous s’unissent ensemble sur la terre, quelque chose qu’ils demandent, elle leur sera accordée par mon Père qui est dans les cieux."

II. Quand l’Apôtre dit ensuite (verset 9) : "Que les femmes aussi prient, etc." il règle ce qui a rapport aux femmes. Et d’abord quant à la prière; ensuite, quant au pouvoir d’enseigner (verset 11) : "Que les femmes se tiennent en silence, etc." De plus il indique, premièrement, ce qu’on exige de la femme qui prie; secondement, il explique ce qu’il a dit (verset 9) : "Non avec des cheveux frisés, etc."

Sur le premier point, il faut se rappeler que tout ce qui est exigé de l’homme qui prie, est également exigé de la femme. C’est ce qui fait dire à l’Apôtre (verset 9) : "De même aussi, que les femmes, etc." en d’autres termes : qu’elles observent tout ce qui a été recommandé. Mais Paul ajoute deux choses, à savoir, les règles des ornements et de la modestie, en disant (verset 9) : "Etant vêtues comme l’honnêteté le demande, etc." La raison en est, que les femmes étant naturellement d’une complexion plus délicate que les hommes, en elles le jugement est aussi plus faible. Or, c’est au jugement à déterminer, par rapport à chaque chose, les actes et les effets. L’honnêteté consiste dans l’arrangement et la disposition fixée par la règle. Donc, s’il s’agit de beauté intérieure, quand tout n’est pas réglé avec ordre par la raison, il n'y a pas de beauté spirituelle. Ainsi les femmes se trouvant moins partagées du côté de la raison, l'Apôtre leur impose l’obligation de se vêtir d’une manière correcte. La modestie préserve de tout acte qui fait rougir; elle est donc louable dans ceux qui se laisseraient aller facilement à des actes semblables, les femmes, par exemple, et les jeunes gens ; conséquemment on loue en eux cette vertu ; les vieillards et les parfaits [en ont moins besoin] ; (Ecclésiastique, XXVI, 15) : "La femme sainte et pleine de pudeur est une grâce qui passe toute grâce." L’Apôtre leur demande ensuite (verset 9) : "la sobriété", car dans les femmes la raison est faible, et la sobriété la conserve dans sa force. L’ivresse est donc grandement répréhensible chez elles; c’est de là qu’autrefois chez les Romains, on ne leur permettait pas le vin.

(verset 9) : "Et non avec des cheveux frisés et des ornements d’or, etc." L’Apôtre explique ce qu’il vient de dire, d’abord des ornements, ensuite de la modestie (verset 10) : "Comme doivent le faire, etc." Quant aux premiers, il interdit premièrement les ornements du corps; secondement, il demande la parure spirituelle (verset 10) : "Ainsi qu’il convient, etc.,". Il dit donc, quant aux ornements du corps : "ce que j’ai dit concernant une parure honnête, je ne l’entends pas de la parure extérieure, car "les femmes ne doivent pas se parer (verset 9) avec des cheveux frisés," c’est-à-dire en prodiguant la parure à la tête ou au corps entier. C’est qu’en effet, les femmes ornent principalement leur tête, soin qui, pour elles, est une chose naturelle, comme il est dit dans 1 Co XI, 15. Voilà pourquoi elles se parent la tête. Or il y a pour la tête deux sortes de voiles, l’un qui est naturel, la chevelure (1 Co XI, 15), l’autre est artificiel. Les femmes emploient l’un et l’autre, quand elles tourmentent leurs cheveux. C’est ce qui fait dire à Paul : "Non pas avec des cheveux torturés " ou frisés ; (Isaïe, III, 24) : "A la place de leurs cheveux frisés, il y aura une tête chauve." L’Apôtre proscrit également tout artifice, quand il dit (verset 9) : "Ni avec des ornements d’or, et des perles " ; (l Pierre, III, 3) : "Que votre parure ne soit pas celle du dehors : la frisure des cheveux, les enrichissements d’or et la beauté des habits, etc." Ou encore : "Non avec des cheveux frisés et des ornements d’or," c’est-à-dire en ne portant pas des cheveux frisés, entremêlés d’or et de perles. Par rapport à tout le corps, il ajoute (verset 9) : "Ni des habits somptueux," ce qu’il condamne ici avec Isaïe (III, 17).

Est-ce donc un péché de se parer?

Nous répondrons avec Augustin, qu’il y a deux choses à considérer dans les parures des femmes, à savoir, l’ornement simple et l’ornement affecté.

1. Le premier consiste dans les vêtements, l’or, ou autres choses semblables. On peut y pécher de trois manières. D’abord par intention mauvaise, comme quand on se propose de provoquer les mauvais désirs, ou quand on le fait par ostentation et vaine gloire ; (Proverbes VII, 10) : "Elle est préparée pour surprendre les âmes." Ensuite si on se pare en s’écartant de la coutume de son pays, ce qui peut avoir lieu de plus d’une manière. Car ce qui est en dehors des habitudes du pays procède de légèreté d’esprit. Enfin si on excède les exigences de son état. Par contre, en gardant une intention droite, la coutume de son pays et les convenances de sa condition, il n’y a pas de péché à se parer. Dans la parure affectée, il y a toujours péché. On ne permet, en effet, aux femmes de se parer qu’en fonction de l’homme; or celui-ci ne veut pas qu’on le trompe, en paraissant à ses yeux avec une parure affectée.

2. Que l’ornement des femmes ne soit donc pas affecté, (verset 10) : "mais tel qu’il convient à des femmes qui font profession de piété." Car les oeuvres extérieures sont comme la manifestation de ce qui est intérieurement dans l’homme; c’est dans ce but que le religieux porte l’habit de son ordre. Il en est de même du clerc. Si donc il n’y a pas accord entre l’intérieur et l’extérieur, c’est une tromperie. Ainsi en est-il des autres oeuvres intérieures, car nous sommes obligés à. pratiquer intérieurement la piété, c’est-à-dire de rendre à Dieu son culte, à en faire extérieurement profession et manifestation par les bonnes oeuvres qui concordent avec la piété; comme aussi à avoir intérieurement les sentiments que nous faisons extérieurement paraître. Ou bien encore "je dis que les femmes doivent se vêtir," non pour ce qui est extérieur, mais comme il convient "à des femmes qui professent la piété," c’est-à-dire qui doivent faire profession "de piété", en vaquant aux bonnes œuvres ; (Ecclésiastique, XIX, 27) : "Le vêtement du corps, le rire des dents et la démarche de l’homme font connaître quel il est."

 

 

 

Lectio 3

 

Leçon 3 — 1 Timothée, II, 11-15 et dernier : La tenue des femmes

 

 

SOMMAIRE : L’Apôtre ordonne aux femmes d’apprendre à garder le silence. Il ne veut pas qu’elles enseignent, ni qu’elles tyrannisent leurs maris; mais qu’elles leur soient soumises, parce que c’est là ce qui est convenable pour elles, d’après la Loi naturelle.

[11] mulier in silentio discat cum omni subiectione

[12] docere autem mulieri non permitto neque dominari in virum sed esse in silentio

[13] Adam enim primus formatus est deinde Eva

[14] et Adam non est seductus mulier autem seducta in praevaricatione fuit

[15] salvabitur autem per filiorum generationem si permanserint in fide et dilectione et sanctificatione cum sobrietate

11. Que les femmes se tiennent en silence et dans une entière soumission lorsqu’on les instruit.

12. Je ne permets pas aux femmes d’enseigner, ni de prendre autorité sur leurs maris; mais je leur ordonne de demeurer dans le silence.

13. Car Adam a été formé le premier et Eve ensuite.

14. Et Adam n’a pas été séduit, mais la femme ayant été séduite est tombée dans la désobéissance.

15. Elle se sauvera néanmoins par les enfants qu’elle mettra au monde, pourvu qu’elle persévère dans la foi, dans la charité, dans la sainteté et dans une vie bien réglée.

[87885] Super 1 Tm cap. 2 l. 3 Superius apostolus ordinavit mulieres quo ad orationem, hic ordinat eas quantum ad doctrinam, et primo ponit suam ordinationem circa earum doctrinam; secundo rationem ordinationis assignat, ibi Adam enim primus; tertio respondet tacitae quaestioni, ibi salvabitur autem.

Item primo ostendit quid mulieribus conveniat; secundo quid eis non competat, ibi docere autem.

Circa primum tria ponit eis competere, scilicet taciturnitatem, disciplinam, et subiectionem, quae tria ex una ratione procedunt, scilicet ex defectu rationis in eis, quibus primo indicit silentium, dicens mulier in silentio discat, et cetera. Iac. III, 2 : si quis in verbo non offendit, hic perfectus est vir; et I Cor. XIV, 34 : mulieres in Ecclesiis taceant, non enim permittitur eis loqui, et cetera. Nam verba mulieris sunt inflammantia. Eccli. IX, 11 : colloquium illius quasi ignis exardescit.

Secundo ut discant, quia eorum qui deficiunt ratione proprium est addiscere. I Cor. c. XIV, 35 : si quid autem volunt discere, domi viros suos interrogent, et cetera. Viris autem datur quod doceant.

Tertio indicit subiectionem, quia naturale est quod anima dominetur corpori, et ratio viribus inferioribus. Et ideo, sicut philosophus docet, quandocumque aliqua duo ad invicem sic se habent, sicut anima ad corpus, et ratio ad sensualitatem, naturale dominium est eius qui abundat ratione, et illud est principans, aliud autem est subditum, quod scilicet deficit ratione. Gen. III, 16 : sub viri potestate eris.

Item excludit ea, quae eis non competunt, dicens docere autem, et cetera. Et sunt duo, scilicet ut non doceant. Sed contra, Prov. ult. : erudivit eum mater sua, et cetera. Respondeo. Dicendum est quod doctrina alia est publica, et haec non competit mulieri, et ideo dicit, in Ecclesia, alia est privata, et hac mater erudit filium. Sed contra Iud. V Debbora erudivit populum Israel. Respondeo. Illa eruditio est per spiritum prophetiae, et gratia spiritus sancti non discernit inter virum et mulierem; non tamen publice praedicabat, sed instinctu spiritus sancti consilia dabat.

Secundo, interdicitur eis dominium in virum. Eccle. XXV, 30 : mulier si primatum habeat, contraria est viro suo. Et philosophus dicit, quod dominium mulierum est corruptio familiae, sicut tyranni in regno. Et sic prohibet duo contra duo, quae competunt eis, sed primum repetit, scilicet sed esse in silentio.

Deinde cum dicit Adam enim, assignat rationem eius quod dixerat, et primo ex ordine creationis; secundo ex ordine culpae, ibi et Adam non est seductus.

Circa primum sciendum est, quod in ordine rerum perfectum et imperfectum diversimode ordinantur, quia in uno et eodem imperfectum praecedit tempore, et perfectum praecedit natura, quia natura tendit ad perfectum; sed in diversis perfectum est prius tempore et natura, quia natura semper incipit a perfectis. Et hunc ordinem agit hic, quia vir perfectus est in natura humana, mulier vir occasionatus. Unde primo formatus est Adam. Gen. II, 7 : formavit Deus hominem de limo terrae, secundario mulier, sicut quoddam imperfectum a perfecto originatum, scilicet de costa. I Cor. XI, 8 : non enim vir ex muliere, sed mulier ex viro est. Et inde est quod homo non dicitur factus propter mulierem, sed ad similitudinem Dei. Gen. I, 26 : faciamus hominem ad imaginem et similitudinem nostram. Mulier autem propter virum, ideo vir debet praeesse.

Item ex parte culpae. Ordo enim generationis et corruptionis est contrarius, quia quod est primum in generatione, est ultimum in corruptione. Peccatum autem est corruptio naturae, et ideo generatio incipit primo ab Adam, sed corruptio a muliere. Unde dicit Adam non est seductus, scilicet primo, quia fortior erat, sed tentator incepit a debiliori, ut facilius seduceretur fortior.

Alludit autem hic verbis Adae Gen. III, 12. Cum enim dominus reprehendit Adam, dixit : mulier quam dedisti mihi sociam, dedit mihi, et cetera. Et ideo dicit Adam non est seductus, sed mulier. Seductio autem duplex est, scilicet in universali, et in particulari eligibili, quae est ignorantia electionis. Quicumque ergo peccat, seducitur ignorantia electionis in particulari eligibili. Mulier autem fuit seducta, ignorantia in universali, quando scilicet credidit quod serpens dixit; sed vir non credidit hoc, sed deceptus fuit in particulari, scilicet quod gerendus esset mos uxori, et cum ea comedere deberet, et inexpertus divinae severitatis credidit quod facile ei remitteretur.

Sed contra. Ignorantia est poena peccati, ergo poena praecessit culpam. Respondeo. Dicendum est quod non praecessit, quia statim ad verba serpentis fuit elata, eo quod alius esset de ea sollicitus, et ex illa elatione seducta est, unde elatio praecessit.

Deinde cum dicit salvabitur autem, respondet cuidam tacitae quaestioni; quia diceret quis, quod si mulier non est propter virum, et ex ea est initium peccati, ergo viro est nociva; sed si aliquid non est propter aliud, sed est ei nocivum, debet tolli; ergo mulier non debet salvari. Dicendum est ergo, quod duplex est salus, scilicet temporalis, et haec est communis etiam brutis; alia est aeterna, et haec est propria hominum. Is. LI, 8 : salus autem mea in sempiternum erit. Utramque autem salutem mulier non amisit. Non temporalem, quia statim non privatur sexu muliebri propter generationem prolis. Nec aeternam, quia secundum animam capax est gratiae et gloriae. Et ideo quantum ad primum dicitur salvabitur, id est, non extirpabitur, et hoc per generationem filiorum, ad quam est a Deo ordinata. Quantum ad secundum dicit si permanserit.

Sed quia si importat causam, numquid quae non permansit non salvabitur, cum apostolus dicat, quod mulier melius facit si non nubat?

Respondeo. Uno modo potest esse locutio figurativa, et sic per virum ratio superior intelligitur, ratio inferior est mulier, opera bona sunt filii inferioris rationis, et charitas quam per virum concipit, et per haec salvabitur. Alia est expositio litteralis, ut si per non dicat causam, sed repugnantiam. Et est sensus : mulier salvabitur, etiam si incedat per generationem, scilicet si nubat et non sit virgo. Et tunc si per dicit augmentationem salutis, quasi per generationem filiorum ad cultum Dei, magis salvabitur. Eccli. VII, v. 25 : filii tibi sunt? Erudi illos, et incurva illos a pueritia illorum.

Quo ad salutem aeternam consequendam tria ponit. Primo aliquid quo ad intellectum; secundo quo ad affectum; tertio quo ad exteriorem actum. In intellectu est fides, per quam intellectus Christo subiicitur; unde dicit in fide. Hebr. c. XI, 6 : sine fide impossibile est placere Deo. Et quia fides nihil valet sine dilectione, ideo quoad affectum statim subiungit, dicens et dilectione. I Cor. XIII, 2 : si habuero omnem fidem, ita ut montes transferam, charitatem autem non habuero, nihil sum, et cetera.

In exteriori autem ponit duo contra lasciviam, quae consistit in duobus, scilicet, in luxuria; et quantum ad hoc dicit in sanctificatione, id est, in castitate. I Thess. c. IV, 3 : haec est voluntas Dei sanctificatio vestra, et cetera. Item in crapula, contra quod dicit cum sobrietate. Tit. II, 12 : sobrie, et pie, et iuste vivamus in hoc saeculo.

Dans ce qui précède, Paul a réglé ce que les femmes ont à faire par rapport à la prière, il règle ici ce qu’elles ont à faire par rapport à la doctrine. Premièrement il fait connaître ce qu’il prescrit par rapport à leur enseignement; secondement, il rend raison de la règle qu’il donne, (verset 13) : "Car Adam a été formé le premier;" troisièmement, il répond à une question tacite (verset 15) : "Elles se sauveront néanmoins [par les enfants], etc."

L’Apôtre fait voir d’abord ce qui est convenable pour les femmes; ensuite, ce qui ne l’est pas (verset 12) : "[Je ne permets pas aux femmes] d’enseigner, etc."

I. Sur le premier de ces points, il établit que trois choses sont convenables pour elles, le silence, la retenue et la soumission, devoirs qui tous trois sont la conséquence d’une même cause, à sa voir, de la faiblesse de la raison chez la femme.

Il leur prescrit donc d’abord le silence, en disant (verset 11) : "Que la femme, quand on l’instruit, se tienne en silence, etc." ; (Jacques III, 2) : "Si quelqu’un ne fait pas de fautes en parlant, c’est un homme parfait…" ; (1 Co XIV, 34) : "Que les femmes se taisent dans les églises, parce qu’il ne leur est pas permis d’y parler, etc." C’est que la parole de la femme est un feu qui embrase (Ecclésiastique, IX, 11) : "La conversation de la femme brûle comme le feu."

Ensuite elles doivent écouter, car ceux dont la raison peut faillir doivent apprendre ; (I Corinth XIV, 35) : "Si elles veulent s’instruire de quelque chose, qu’elles le demandent à leurs maris, lorsqu’elles seront dans leurs maisons," Au contraire, on permet aux hommes d’enseigner.

Enfin Paul exige d’elles la soumission, parce que l’ordre naturel exige que l’âme commande au corps et la raison aux puissances inférieures. Donc, dit le philosophe, quand deux êtres ont entre eux un rapport identique à celui de l’âme avec le corps, et de la raison avec les sens, la domination appartient naturellement à ce lui des deux en qui prédomine la raison; c’est à lui de commander et à l’autre de se soumettre, parce qu’en ce dernier la raison est plus faible. (Gen., III, 16) : "Vous serez sous la puissance de votre mari,"

II. L’Apôtre leur interdit ensuite ce qui n’est pas convenable pour elles, en disant (verset 12) : "[Car je ne permets pas aux femmes] d’enseigner, etc." Sa défense porte sur deux points :

Qu’elles n’enseignent pas. On objecte (Proverbes XXXI, 1) : "sa mère l’a instruit." Il faut répondre qu’il y a un enseignement public; cet enseignement n’appartient pas aux femmes, voilà pourquoi l’Apôtre dit : "dans l’Eglise" ; et un enseignement privé : c’est celui-ci que la mère donne à son fils. On objecte encore (Juges, V, 1) : "Déborah instruit le peuple d’Israël." Nous répondons que cet enseignement fut donné par l’esprit de prophétie; or la grâce du Saint-Esprit ne distingue pas entre l’homme et la femme. Encore Déborah n’enseignait-elle pas publiquement; elle donnait des conseils par l’inspiration du Saint-Esprit.

En second lieu, l’Apôtre leur interdit l’esprit de domination sur leurs maris ; (Ecclésiastique, XXV, 30) : "Si la femme a la principale autorité, elle s’élève contre son mari." Le philosophe, de son côté, dit que la prééminence de la femme la destruction de la famille, ce qu’est la tyrannie dans un royaume. Paul oppose donc deux défenses aux deux choses qui conviennent aux femmes. Il répète la première (verset 1) : "Mais qu’elles demeurent dans le silence."

II° En disant ensuite (verset 13) : "Car Adam [a été formé le premier, et Eve après lui]," l’Apôtre donne la raison de ce qu’il vient de dire. Il la déduit premièrement de l’ordre de la création, secondement de l’ordre de la faute (verset 14) : "Et Adam n’a pas été séduit, etc."

I. Sur la première déduction, il faut se souvenir que dans l’ordre des choses, ce qui est parfait et ce qui est imparfait, sont diversement en rapport. Dans un seul et même sujet, l’imparfait a la priorité quant au temps, le parfait la priorité quant à la nature, car la nature tend à la perfection. Par contre, dans des sujets divers, le parfait a la priorité de nature et de temps, parce la nature commence toujours par ce qui est parfait. L’Apôtre raisonne ici d’après cet ordre, parce que dans la nature humaine l’homme est un tout parfait; la femme; relativement à l’homme, quelque chose d’imparfait (verset 13) : Aussi Adam a-t-il été formé le premier ; (Gen., II, 7) : "Le Seigneur Dieu forma d’abord l’homme du limon de la terre," et secondairement la femme, comme quelque chose d’imparfait, la tirant de quelque chose de parfait, à savoir, d’une côte d’Adam ; (1 Co XI, 8) : "Car l’homme n’a pas été tiré de la femme, mais la femme a été tirée de l’homme." De là on ne dit pas que l’homme a été créé pour la femme, mais à la ressemblance de Dieu ; (Gen., I, 26) : "Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance." La femme, elle (I Corinth. XI, 9) : "a été créée pour l’homme." L’homme doit donc avoir l’autorité.

Paul raisonne ensuite d’après l’ordre de la faute. L’ordre de la génération et celui de la corruption sont opposés, car ce qui vient le premier dans la génération, vient le dernier dans la corruption. Or, le péché est la corruption de la nature. La génération commence donc d’abord en Adam, tandis que la corruption vient de la femme. C’est delà que Paul dit (verset 14) : "Et Adam n’a pas été séduit," c’est-à-dire le premier, parce qu’il était plus fort. Le séducteur commença par l’être le plus faible, afin de séduire plus facilement le plus fort. L’Apôtre fait allusion à ces paroles d’Adam (Gen., III, 12) au Seigneur qui le réprimandait : "La femme que vous m’avez donnée, m’a présenté [du fruit de cet arbre, et j’en ai mangé]." Ce qui fait dire à Paul (verset 14) : "Adam n’a pas été séduit, mais la femme." Or, il y a deux sortes de séduction : l’une est produite [par les objets vus] d’une manière générale, l’autre [par l’objet choisi] d’une manière déterminée, ce qui est l’ignorance du choix. Quiconque pèche, est donc séduit par l’ignorance du choix, à l’égard d’un objet particulier pour lequel il se détermine (verset 14) : La femme fut donc séduite," par l’ignorance, d’une manière générale, quand elle ajouta foi à ce que le serpent lui dit, ce que ne fit pas Adam. Adam fut trompé sur un objet particulier, à savoir en ceci, qu’il devait cette complaisance à sa femme, et manger de ce fruit avec elle. Sans expérience encore à l’égard de la sévérité de Dieu, il s’imagina que sa faute lui serait facilement remise.

On objecte : l’ignorance est le châtiment du péché; le châtiment aurait donc précédé la faute ? Il faut répondre que l’ignorance n’a pas précédé la faute, car la femme, à la première parole du serpent, conçut de l’orgueil, en pensant qu’un autre s’inquiétait d’elle. Cet orgueil fut ce qui la séduisit. L’orgueil a donc précédé l’ignorance.

III° Quand Paul ajoute (verset 15) : "Elles se sauveront néanmoins, etc.," il répond à une sorte de question tacite. On pouvait dire, en effet, que si la femme n’a pas été créée pour l’homme, et si néanmoins c’est d’elle que vient le péché, elle donc nuisible à l’homme. Si un être n’a pas été créé pour un autre, mais lui est au contraire nuisible, il n’y a plus qu’à le détruire. La femme donc ne doit pas être sauvée. Il faut répondre qu’il y a deux sortes de salut. L’un pour le temps; et celui-là nous est commun avec les bêtes brutes même. L’autre pour l’éternité, et c’est le salut propre de l’homme ; (Isaïe, LI, 8) : "Le salut que je donnerai sera éternel." Or, la femme n’a perdu ni l’un ni l’autre ; ni le salut pour le temps, puisqu’elle ne perd pas son sexe, pour engendrer des enfants, ni le salut pour l’éternité, puisqu’elle est capable, quant à l’âme, de recevoir la grâce et la gloire. Quant au premier salut, Paul dit (verset 15) : "Elles se sauveront néanmoins," c’est-à-dire elles ne seront pas détruites; elles se sauveront" par les enfants qu’elles mettent au monde," car c’est à cet office que Dieu les a réservées. Quant au second, l’Apôtre dit (verset 15) : " Elles demeurent dans la foi, etc."

Mais comme la conjonction "Si" suppose la cause, la femme qui ne demeurera pas dans ces dispositions ne sera donc sauvée, puisque Paul dit ailleurs, que la femme fait mieux de ne pas se marier ?

Nous répondons d’abord il y a peut-être ici une locution figurative, et dans ce sens par « le mari » on peut entendre « la raison supérieure », par « la femme » « la raison inférieure ». Les bonnes oeuvres sont comme les fils de la raison inférieure. Mais la femme reçoit la charité par son époux, et c’est par là qu’elle sera sauvée. On donne une autre explication littérale, dans laquelle la conjonction "si," n’indiquerait pas la cause, mais l’opposition. Et alors le sens serait : La femme sera néanmoins sauvée, même quand elle se trouverait concourir à la génération, c’est-à-dire, quand elle se marierait et cesserait d’être vierge. Dans ce sens, l’expression "par" indiquerait une augmentation de salut, comme si la génération de ses enfants pour le culte de Dieu, lui assurait plus certainement le salut ; (Ecclésiastique, VII, 25) : "Avez-vous des fils? Instruisez-les bien, et accoutumez-les au joug dès leur enfance." Quant à obtenir le salut éternel, l’Apôtre indique trois choses qui ont rapport d’abord avec l’intelligence, ensuite avec le sentiment, enfin avec les actes extérieurs. Dans l’intelligence réside la foi, par laquelle cette intelligence se soumet à Jésus-Christ. L’Apôtre dit donc (verset 15) : "Dans la foi" ; (Héb., X, 6) : "Sans la foi il est impossible de plaire à Dieu." Et parce que la foi n’est d’aucune valeur sans l’amour, Paul ajoute immédiatement ce qui a rapport à l’affection, en disant (verset 15) : "Dans la charité" ; (1 Co XIII, 2) : "Et quand j’aurais toute la foi, capable de transporter les montagnes, si je n’avais pas la charité, je ne serais rien, etc." Quant aux actes extérieurs, l’Apôtre indique contre l’intempérance, deux dispositions, car l’intempérance comprend d’abord la luxure, au sujet de laquelle il dit (verset 15) : "Dans la sainteté," c’est-à-dire dans la chasteté ; (I Thess. XV, 3) : "Car la volonté de Dieu est que vous soyez sanctifiés, etc." Elle comprend en second lieu la débauche, contre laquelle il dit (verset 15) : "Et dans la sobriété". (Tite II, l) : "Nous devons vivre dans le siècle présent avec tempérance, avec justice et avec piété."

 

 

Caput 3

CHAPITRE 3 — Les règles des ministres de l'Evangile

Lectio 1

Leçon 1 — 1 Timothée III, 1-3 : Le ministère ordonné –Le célibat

 

SOMMAIRE : L’Apôtre énumère les conditions de l’Episcopat et du sacerdoce.

 [1] fidelis sermo si quis episcopatum desiderat bonum opus desiderat

[2] oportet ergo episcopum inreprehensibilem esse unius uxoris virum sobrium prudentem ornatum hospitalem doctorem

[3] non vinolentum non percussorem sed modestum non litigiosum non cupidum

1. C’est une vérité certaine, que si quelqu’un souhaite l’épiscopat, il désire une fonction et une oeuvre sainte.

2. Il faut donc que l’ soit irrépréhensible, qu’il ne soit époux que d’une femme, qu’il soit sobre, prudent, grave et modeste, chaste, aimant l’hospitalité, capable d’instruire.

3. Qu’il ne soit ni sujet au vin, ni violent et prompt à frapper, mais équitable et modéré, éloigné des contestations, désintéressé.

[87886] Super 1 Tm cap. 3 l. 1 Supra instruxit Timotheum de pertinentibus ad fidem rectam et cultum Dei, hic agit de instructione officiorum ecclesiasticorum. Et primo ponitur institutio, secundo suae institutionis occasio seu necessitas, ibi haec tibi scribo. Item primo instruit de pertinentibus ad episcopum, secundo quo ad diaconos, ibi diaconos similiter. Sed cum secundum Dionysium tres sint ordines, scilicet episcoporum, qui praeficiunt, presbyterorum, qui illuminant, diaconorum, qui purgant : quare non facit mentionem de presbyteris? Respondeo. Dicendum est quod presbyteri intelliguntur cum episcopis : non quod sit indistinctio inter ordines quantum ad rem, sed quantum ad nomina; quia presbyter idem est quod senior, et episcopus superintendens. Et ideo presbyteri et episcopi quantum ad nomen vocabantur et episcopi et presbyteri. Circa hoc ergo primo agit de desiderio perveniendi ad episcopatum; secundo describit conditionem episcopi, ibi oportet autem.

Praemittit ergo suae institutionis assertionem, dicens fidelis sermo, scilicet quem dicam, vel dixi. Apoc. ult. : haec verba fidelissima et vera sunt. Si quis episcopatum desiderat, et cetera. Ex hoc sumpserunt aliqui occasionem ambitionis episcopatus et praelationis, sed non recte intelligunt quod hic dicitur. Apostolus enim hic voluit ostendere quid pertineat ad episcopum. Episcopus est nomen Graecum, scopos enim idem est quod intendens, epi, id est, supra; episcopus ergo dicitur quasi superintendens. Duo ergo sunt consideranda in episcopo, scilicet gradus superior, et actio plebi utilis.

Aliqui enim proiiciunt forte oculum ad ea quae circumstant eum, scilicet quod qui praeest honoratur, et quod habet potestatem. Et qui propter ista desiderat episcopatum, nescit quid sit episcopus. Et ideo dicit apostolus, quid sit episcopus, et quid desideret qui episcopatum desiderat, quia bonum opus. Non dicit bonum desiderium habet, sed bonum opus, scilicet utilitatem plebis.

Sed numquid licet ipsum desiderare? Augustinus dicit quod non. Glossa : locus superior, sine quo regi non potest populus, et si teneatur et administretur decenter, tamen indecenter appetitur. Et idem dicit XIX de civitate Dei. Cuius ratio est quod nullus debet appetere aliquid supra vires suas non sibi proportionatum, alias esset stultus. Horatius : ludere qui nescit campestribus abstinet armis. Ille ergo bene episcopatum desiderare posset, cuius facultas episcopatui esset proportionata. Ad hoc autem nullus est idoneus, quia praelatus secundum gradum et convenientiam debet omnes alios excedere in conversatione et contemplatione, ita ut in respectu sui alii sint grex.

Et hanc idoneitatem de se praesumere est maximae superbiae. Aut ergo appetit circumstantias, et tunc nescit quid appetat, quia non est hic episcopatus; vel ipsum opus, et hoc est superbiae. Et ideo non est accipiendum nisi impositum. Glossa : si dicis : status episcoporum est perfectior statu religiosorum, hunc autem licet appetere, igitur. Respondeo. Perfectio aliter se habet in hoc et in illo, quia status episcoporum praesupponit perfectionem, et ideo nullus appetere debet nisi habeat eam; sed status religiosorum est via, et ideo non requiritur perfectio iam habita, sed quod teneatur acquirere eam nisi habeat.

Et hoc patet Io. ult., ubi dominus Simoni non dicit : si vis perfectus esse, pasce, etc. et iuveni dicit : si vis perfectus esse, et cetera. Sic ergo intelligendum est in nomine episcopatus bonum opus. I Petr. V, 3 : non ut dominantes in cleris, sed forma facti gregis, et cetera. Quasi dicat : si tu episcopatum desideras, hoc est quod desideras, quia bonum opus.

Sed qualis debeat esse episcopus, ostendit, cum subdit oportet episcopum, etc., quem primo instruit in generali; secundo in speciali, ibi unius uxoris.

Dicit ergo : dico quod bonum opus desiderat, sed ad hoc non omnis est idoneus, sed oportet quod sit talis, primo irreprehensibilis. Unde de Zacharia dicitur Lc. I, v. 6 quod incedebat in omnibus mandatis et iustificationibus sine querela. Lev. XXI, 17 : qui habuerit maculam non offeret panes Deo suo, nec accedet ad ministerium eius.

Nec intelligendum est, quod omnino sit sine peccato, quia dicitur I Io. I, 8 : si dixerimus, et cetera. Nec est dicendum, sicut aliqui dixerunt, quod quicumque peccavit mortaliter post Baptismum, non est idoneus, quia pauci essent tales, sed irreprehensibilis, id est, non subiectus alicui peccato, unde ab aliis reprehendi posset, quia indecens est si reprehensibilis sit reprehensor. Matth. VII, 5 : eiice primum trabem, et cetera.

Deinde cum dicit unius uxoris, etc., instruit eum in speciali, et primo quantum ad se, secundo quantum ad multitudinem, ibi filios habentem. Iterum prima in duas, quia primo ostendit quibus virtutibus ornetur; secundo a quo mens debet esse immunis, ibi non vinolentum.

Omnis autem moralis virtus est primo circa passiones; et sunt duo quae faciunt sanctitatem, scilicet castitas et sobrietas, quia per delectationem vel delectabilia carnis, maxime inquietatur anima.

Et ideo primo ponit quod pertinet ad castitatem, dicens unius uxoris virum. Simile Tit. I, 6. In hoc autem discordia videtur esse inter Augustinum et Hieronymum. Hieronymus enim dicit quod hoc intelligitur post Baptismum, quia si ante Baptismum duas habuit uxores, vel unam primo, et aliam postea, non impeditur ab ordinatione, quia per Baptismum omnia delentur. Augustinus et Ambrosius contrarium dicunt, quia sive ante, sive post, si duas habuit, non ordinatur.

Et numquid Baptismus omnia delet ? Respondeo, sic quo ad peccata, non autem quo ad irregularitatem, quae interdum etiam sine peccato incurritur ex sola ecclesiastica institutione; sed matrimonium non est peccatum etiam in Paganis. Sed quae est causa huius institutionis? Numquid non magis impeditur qui multas concubinas habet? Respondeo. Dicendum quod hoc fit non propter incontinentiam tantum, sed propter repraesentationem sacramenti, quia sponsus Ecclesiae est Christus, et una est Ecclesia. Cant. V : una est columba mea.

Secundo agit de sobrietate, dicens sobrium. Tit. II, 12 : sobrie et pie et iuste vivamus in hoc saeculo, et cetera. Hic enim docet episcopum qui dicitur superintendens, ut vigilet. Lc. II, 8 : pastores autem erant, et cetera. Et ebrietas obstat vigiliis. I Petr. ult. : sobrii estote, et cetera.

Tertio ordinat rationem, dicens prudentem, quia haec est regitiva omnium virtutum, et episcopus eligitur ut alios regat. Matth. X, 16 : estote prudentes. Matth. c. XXIV, 45 : quis, putas, est fidelis servus et prudens, et cetera.

Consequenter ponit virtutes, quae ordinant actiones exteriores. Primo quantum ad se, secundo quantum ad alios.

Quantum ad se dicit ornatum, pudicum. Ornatus est quando bene componitur in actibus et dictis. Ornatus enim importat pulchritudinem quae consistit in proportione. Unde tunc est ornatus, quando agit et loquitur ut decet. Eccli. XLIV, 6 : homines divites in virtute, pulchritudinis studium habentes.

Hoc requiritur in episcopo, quia per exteriora iudicamus de interioribus. Eccli. XIX, v. 27 : amictus corporis, et risus dentium, et ingressus hominis, enuntiant de illo. Quia praelatus ponitur in aspectu hominum, oportet quod sit ornatus. Unde dicitur de Ambrosio, quod quosdam ordinare nolebat, quia dissolute incedebant. Item quandoque contingit quod occurrunt alicui aliqua turpia in aliis vel agentibus vel dicentibus, et ad haec debet habere pudicitiam, ut verecundetur si videat vel audiat. Augustinus : impudicus oculus impudici cordis est nuntius. Eccli. c. VII, 21 : gratia enim verecundiae illius super aurum.

Deinde cum dicit hospitalem, etc., agit de episcopo in comparatione ad alios. Imponitur autem episcopo ut pascat oves. Io. ult. et I Petr. ult. Et duplex est eleemosyna, scilicet corporalis et spiritualis. Ergo debet in utraque pascere. Quantum ad primum dicit hospitalem, scilicet peregrinorum et hospitum. Rom. c. XII, 3 : hospitalitatem sectantes. Hebr. ult. : hospitalitatem nolite oblivisci, et cetera. Iob XXXI, 32 : ostium meum viatori patuit, et cetera. Quantum ad secundum dicit doctorem. Eph. IV, 11 : alios pastores et doctores, et cetera. Et hoc est officium proprium praelati. Ier. c. III, 15 : dabo vobis pastores iuxta cor meum, et pascent vos scientia et doctrina, et cetera.

Consequenter cum dicit non vinolentum, etc., removet vitia opposita. Tria autem removet : unum quod pertinet ad concupiscentiam carnis, aliud ad iram, aliud ad cupiditatem.

Quantum ad primum dicit non vinolentum. Minus dicit, et plus significat. Eph. V, 18 : nolite inebriari vino, in quo est luxuria. Quasi dicat : non gulosum, non luxuriosum.

Quantum ad iram duo ponit; primo quantum ad actum dicit non percussorem. Decenter prohibet hoc post vina, quia ebrii de facili percutiunt. Sed modestum, id est, patientem. Phil. IV, 5 : modestia vestra nota sit omnibus hominibus. Ps. XCII, 15 : bene patientes erunt ut annuntient. Christus passus non percutiebat.

Secundo quantum ad verba, cum dicit non litigiosum. II Tim. II, v. 24 : servum Dei non oportet litigare. I Cor. XI, 16 : si quis autem videtur contentiosus esse, nos talem consuetudinem non habemus, neque Ecclesia Dei. Et hoc quia episcopi sunt successores apostolorum, quos Christus instruxit ut pacem annuntiarent. Item in passione sua Christus dixit : pacem meam do vobis, pacem relinquo vobis.

Quantum ad res temporales dicit non cupidum, quia ponitur iudex et ordinator Ecclesiae, qui, si sit cupidus, de facili declinat a iustitia. Ex. XXIII, 8 : ne accipias munera, quae excaecant etiam prudentes et subvertunt verba iustorum. Sed heu. Ier. VI, 13 : a maiore usque ad minorem omnes avaritiae student.

Paul, après avoir instruit plus haut Timothée de ce qui appartient à la foi véritable et au culte de Dieu, traite ici des règles des ministères ecclésiastiques. Premièrement, il expose ces règles, secondement, l’occasion ou la nécessité où il se trouve de les donner (verset 4) : "Je vous écris ceci, etc." Il l’instruit en premier lieu de ce qui concerne l’Evêque; en second lieu, de ce qui concerne les diacres (verset 8) : "Que les diacres de même [soient honnêtes], etc." Mais comme selon Denys, il y a trois ordres, à savoir, celui des évêques qui président, celui des prêtres qui éclairent et celui des diacres qui purifient, pourquoi l’Apôtre ne fait-il pas mention des prêtres ? Il faut répondre que les prêtres sont compris avec les évêques, non pas qu’il n’y ait aucune distinction entre ces ordres, quant au fond, mais parce qu’il n’y en a pas quant aux noms, puisque le mot : Prêtre a la même signification que plus ancien, et celui d’évêque : celui qui a la surveillance. Aussi les prêtres et les évêques étaient-ils appelés indifféremment évêques et prêtres. Ceci posé, l’Apôtre traite, premièrement, du désir de parvenir à l’épiscopat; secondement, il décrit les qualités que doit avoir l’évêque (verset 2) : "Il faut donc que l’évêque, etc."

Avant tout, il donne aux règles qu’il va poser l’autorité de son affirmation, en disant (verset 4) : "C’est une vérité certaine," c’est-à-dire ce que je vais dire, ou ce que j’ai dit ; (Apoc., XX v. 6) : "Ces paroles sont très certaines et très véritables" ; (verset 4) : "Si quelqu’un souhaite l’épiscopat, etc." Quelques-uns ont vu, à partir de ces paroles, l’occasion d’un désir ambitieux de l’épiscopat et des dignités de l’Eglise. Mais ils n’ont pas compris le véritable sens de ce que dit ici Paul. Il a voulu établir ici les qualités requises pour l’Episcopat. Evêque est un mot grec, « skopos » qui signifie intendant et « epi » "au-dessus". Evêque a donc la même signification qu’intendant suprême. Il y a donc à considérer dans l’évêque deux choses, l'élévation de sa dignité et l’utilité de son action pour le peuple. Quelques-uns peut-être jettent les yeux sur ce qui entoure l’évêque, c’est-à-dire, sur l’honneur qui revient à celui qui préside, et sur le pouvoir dont il jouit. Celui qui désire l’épiscopat pour ces avantages, ne sait pas ce que c’est qu’un évêque. C’est pourquoi Paul le fait connaître, et dit que le désir de celui qui brigue l’épiscopat, a pour objet une oeuvre sainte. Il ne dit pas que son désir est saint, mais que l’oeuvre, à savoir, l’utilité du peuple, est quelque chose de saint.

Est-il donc licite de désirer l’épiscopat ? Augustin répond que non. Voyez la Glose : Cette dignité supérieure, sans laquelle le Peuple ne saurait être gouverné, quand bien même on l’occuperait et la remplirait comme il convient, n’est pas sans inconvenance l’objet de nos désirs. Ce saint docteur donne la même réponse au liv. XIX de la « Cité de Dieu ». La raison en est, que nul ne doit désirer une chose au-dessus de ses forces et sans proportion avec elles, autrement il fait preuve de folie. "Celui qui n’est pas fait aux exercices, dit Horace, (« de arte poetica », 379) "s’abstient du Champ de Mars". Si donc quelqu'un pouvait à bon droit désirer l’épiscopat, ce serait celui dont les facultés seraient en proportion avec une semblable charge. Or, nul n’est assez capable de l’épiscopat ; car ce prélat, à raison de son élévation même et par convenance, est tenu de surpasser tous les autres dans les habitudes de la vie, et dans la science contemplative, en sorte que par rapport à celui qui est revêtu de cette dignité, les autres ne soient que « le troupeau ». Présumer de soi une telle capacité, est donc un très grand orgueil. Ou bien on désire ce qui environne l’épiscopat et alors on ne sait pas ce que l’on désire, puisque ce n’est pas l’épiscopat lui-même que l’on souhaite. Ou l’on désire l’oeuvre elle-même, et c’est le fait de l’orgueil. La conséquence, c’est qu’il ne faut accepter l’épiscopat, que quand on l’impose. La Glose : Que si vous m’objectez que la condition des évêques est plus parfaite que l’état religieux, et que pouvant désirer ce dernier état, on peut aussi désirer le premier, je réponds que la perfection n’est pas la même dans ces deux états, car la condition des évêques suppose la perfection, par conséquent nul ne doit la désirer qu’il n’ait déjà cette perfection; tandis que l’état religieux est la voie de la perfection; d’où il suit que pour ce dernier état il n’est pas requis d’avoir déjà la perfection, mais qu’on est tenu de l’acquérir, si on ne l’a pas encore. Ceci devient évident par ce qu’on lit en Jean (XX, 45). Le Sauveur ne dit pas à Simon : "Si vous voulez être parfait, paissez, etc.", tandis qu’il a dit au jeune homme de l’Évangile : "Si vous voulez être parfait, etc." Il faut donc entendre par épiscopat une oeuvre sainte ; (I Pierre, V, 3) : "non en dominateurs des Églises, mais en vous rendant les modèles du troupeau, etc." Comme si l’Apôtre disait : si vous désirez l’épiscopat, sachez que ce que vous désirez, c’est une oeuvre sainte.

II° L’Apôtre explique ensuite ce que doit être l’évêque, lorsqu’il dit (verset 2) : "il faut donc que l'évêque [soit irrépréhensible]." Et d'abord il l'explique de manière générale. Ensuite il entre dans les détails (verset 2) : "[il faut qu'il n'ait épousé] qu'une seule femme."

I. Il dit donc : [En désirant l’épiscopat], on désire une oeuvre sainte, mais tous ne sont pas aptes à cette oeuvre. Il faut à l’évêque les qualités suivantes. D’abord (verset 2) : "être irrépréhensible; c’est pourquoi il est dit de Zacharie (Luc, I, 6) qu’il marchait dans la voie de tous les commandements, et de toutes les ordonnances du Seigneur, "d’une manière irrépréhensible" ; (Lévitiq., XXI, 17) : "Tout homme [de la race du prêtre Aaron], qui aura quelque tache, ne s’approchera pas pour offrir des pains à son Dieu; il ne s’approchera pas pour remplir son ministère à l’autel." Toutefois, il ne faut pas entendre par là que le candidat à l’épiscopat soit absolument exempt de faute, car il est dit (I Jean, I, 8) : "Si nous disons, etc." ni dire comme quelques uns[3] l’ont fait, que quiconque a péché mortellement après le baptême, n’est plus apte [à cette dignité], car bien peu le seraient. Etre irrépréhensible, veut dire, n’être pas esclave de quelque péché dont on pourrait être repris par les autres, car il est inconvenant que celui qui doit reprendre soit lui-même répréhensible ; (Mt VII, 5) : "Otez premièrement la poutre de votre oeil, etc."

II. Quand Paul ajoute (verset 2) : "[Qu’il n’ait épousé] qu’une femme, etc.," il vient aux instructions spéciales. Et d’abord pour l’évêque lui-même; en second lieu pour le peuple, (verset 4) : "Qu’il maintienne ses enfants [dans l’obéissance], etc." La première partie se subdivise. Paul énumère premièrement les vertus dont il faut que l’évêque soit orné; secondement, les vices dont son âme doit être exempte (verset 3) : "Qu’il ne soit ni sujet au vin, etc."

Toute vertu morale s’exerce :

1. en premier lieu, contre les passions. Or, il en est deux qui constituent la sainteté, à savoir, la chasteté et la sobriété, parce que c’est surtout par la délectation et les convoitises de la chair que l’âme est troublée.

A) L’Apôtre indique donc d’abord ce qui appartient à la chasteté, lorsqu’il dit (verset 2) : "Qu’il n’ait épousé qu’une femme." On trouve un passage semblable dans l’Epître à Tite (I, 6). Augustin et Jérôme ne semblent pas d’accord sur ce point. Jérôme dit que cette règle doit s’entendre du temps passé depuis le baptême, en sorte que si avant de recevoir ce sacrement, le futur évêque avait eu deux femmes, ou l’une avant et l’autre après, il n’y a pas empêchement à l’ordination, parce que tout est effacé par le baptême. Mais Augustin et Ambroise soutiennent l’opinion contraire, et disent que si le candidat à l’épiscopat a eu deux femmes, soit avant, soit après son baptême, il ne doit pas être ordonné. Mais le baptême n’efface-t-il pas tout ? Nous répondons qu’il en est effectivement ainsi pour ce qui est du péché, mais non de l’irrégularité que l’on encourt quelquefois, sans qu’il y ait péché et par la seule défense de l’Église. Cependant, puisque le mariage n’est pas un péché, même chez les païens, quel est le motif de cette défense ? N’est-ce pas un empêchement bien plus grave d’avoir eu un commerce illégitime avec plusieurs personnes ? Il faut répondre que la défense n’est pas portée à cause de l’incontinence seulement, mais en raison de ce que représente le sacrement, à savoir que Jésus-Christ est l’époux de l’Eglise et que l’Eglise est une, (Cantiq., VI, 9) : "Unique est ma colombe."

B) Paul traite ensuite de la sobriété quand il dit (verset 2) : "Qu’il soit sobre" ; (Tite II, 12) : "Nous devons vivre dans le siècle avec tempérance, avec justice et avec piété." Il apprend ici à l’évêque, qui porte le nom d’intendant suprême, qu’il se doit de veiller ; (Luc, II, 8) : "Il y avait là aux environs des bergers [qui veillaient], etc." Or, l’ivresse ne permet pas de veiller ; (I Pierre, V, 8) : "Soyez sobres, etc."

C) Troisièmement, l’Apôtre indique la qualité que doit avoir la raison du futur évêque en disant (verset 2) : "Qu’il soit prudent." C’est que cette vertu est la régulatrice de toutes les autres, et que l’évêque est choisi pour diriger les autres ; (Mt X, 16) : "Soyez prudents" et (Mt XXIV, 45) : "Quel est à votre avis, le serviteur fidèle et prudent, etc."

2. Paul place à la suite les vertus qui règlent les actes extérieurs. D’abord par rapport à l’évêque lui-même; ensuite par rapport aux autres.

A) Par rapport à l’évêque lui-même, il dit; (verset 2) : "Qu’il soit modeste et chaste." On est modeste, quand tout est bien réglé dans les actes et dans les paroles. Car cette expression suppose la beauté qui résulte de la proportion. On a donc cette sorte de beauté, quand on parle et agit comme il convient (Ecclésiastique, XLIV, 6) : "Ces hommes ont été riches en vertu; ils ont aimé avec ardeur la véritable beauté." Or, on demande de l’évêque qu’il soit modeste, parce que nous jugeons de l’intérieur par l’extérieur ; (Ecclésiastique, XIX, 27) : "Le vêtement du corps, le rire des dents et la démarche de l’homme font connaître ce qu’il est." Le supérieur spirituel étant donc exposé aux regards, il est nécessaire que tout, en lui soit bien réglé. Aussi, a-t-on remarqué, saint Ambroise ne voulait pas ordonner certains candidats, parce qu’ils avaient quelque chose de déréglé dans la démarche. De plus, il peut arriver qu’on rencontre, soit dans les paroles, soit dans les actes des autres, des choses qui font rougir; il faut pour cette raison que le futur évêque ait la pudeur, afin qu’elle se manifeste dès qu’il voit ou entend. "L’oeil sans modestie, dit Augustin, est l’annonce d’un coeur impudique" ; (Ecclésiastique, VII, 21) : "La grâce de sa modestie est plus précieuse que l’or."

B) Quand Paul ajoute (verset 2) : "[Qu’il aime à donner] l’hospitalité, etc.," il considère l’évêque dans ses rapports avec les autres. Or, l’évêque doit paître ses brebis (Jean, XXI, 17) et (I Pierre, V, 2). Il y a deux sortes d’aumônes, à savoir, l’aumône corporelle et l’aumône spirituelle. L’évêque doit procurer l’une et l'autre à son troupeau. Quant au premier devoir, l’Apôtre dit : "Qu’il aime à donner l’hospitalité," à savoir, aux étrangers et aux voyageurs ; (Rm XII, 13) : "Prompts à exercer l’hospitalité" ; (Hébr., X, 2) : "Ne négligez pas d’exercer l’hospitalité, etc." ; (Job, XXXI, 32) : "Ma porte a été ouverte au voyageur, etc." Quant au second, il dit (verset 2) : "[Qu’il soit] capable d’instruire" ; (Eph., IV, 11) : "Il a fait les uns pasteurs et les autres docteurs, etc." C’est là la charge spéciale des chefs des églises ; (Jérémie, III, 15) : "Je vous donnerai des pasteurs selon mon coeur, qui vous nourriront de la doctrine et de la science, etc."

Quand Paul dit à la suite (verset 3) : "Qu’il ne soit ni sujet au vin, etc.," il repousse les vices opposés, trois entre autres qui appartiennent : le premier, à la concupiscence de la chair, le second, à la colère, et le troisième, à la cupidité.

1. Du premier, il dit (verset 3) : "Ni sujet au vin." Il dit moins pour exprimer davantage ; (Eph., V, 18) : "Et ne vous laissez pas aller aux excès du vin, d’où naît la débauche." Comme s’il disait : que le futur évêque ne soit pas adonné aux excès de la bouche, ni porté à la luxure.

2. Sur le second, qui est la colère, il donne deux règles. L’une pour les actes (verset 3) : "Ni prompt à frapper." C’est avec raison qu’il fait cette défense, après celle de l’excès du vin, car ceux qui se livrent à l’ivrognerie se laissent facilement aller à frapper; (verset 3) : "Mais qu’il soit retenu," c’est-à-dire patient. (Philipp., IV, 5) : "Que votre modestie soit connue de tous les hommes" ; (Psaume XCII, 15) : "Ils seront remplis de patience pour annoncer, etc." Jésus-Christ, dans sa Passion, ne s’emportait pas à frapper. La seconde règle est pour les paroles, (verset 3) : "Qu’il soit éloigné de toutes contestations." (2 Timothée II, 24) : "Il ne faut pas que le serviteur du Seigneur s’amuse à contester" ; (1 Co XI, 16) : "Si quelqu’un veut contester, ce n’est pas là notre coutume ni celle de l’Église de Dieu." L’évêque doit être pacifique, parce qu’il est successeur des Apôtres que Jésus-Christ a établis pour annoncer la paix. C’est à eux également que, dans sa Passion, il a dit : "Je vous donne ma paix; je vous laisse ma paix."

3. A l’égard des richesses temporelles, l’Apôtre dit (verset 3) : "Qu’il soit désintéressé," parce qu’il est établi comme juge et régulateur dans l’Église, et que, si l’on n’est pas désintéressé, on peut facilement s’écarter de la justice ; (Ex XXIII, 8) : "Vous ne recevrez pas de présents, parce qu’ils aveuglent même les sages et qu’ils corrompent les jugements." Mais, hélas! (Jérémie., V, 13) : "depuis le plus petit jusqu’au plus grand, tous se livrent à l’avarice."

 

 

Lectio 2

Leçon 2 — 1 Timothée III, 4-11 : Les qualités des clercs

 

SOMMAIRE : Paul continue le même sujet, par rapport aux membres de la famille; puis il recommande les membres de l’Eglise. Il instruit ensuite les diacres de la manière de se conduire, soit par rapport à eux-mêmes, soit à l’égard de leurs propres épouses.

 [4] suae domui bene praepositum filios habentem subditos cum omni castitate

[5] si quis autem domui suae praeesse nescit quomodo ecclesiae Dei diligentiam habebit

[6] non neophytum ne in superbia elatus in iudicium incidat diaboli

[7] oportet autem illum et testimonium habere bonum ab his qui foris sunt ut non in obprobrium incidat et laqueum diaboli

[8] diaconos similiter pudicos non bilingues non multo vino deditos non turpe lucrum sectantes

[9] habentes mysterium fidei in conscientia pura

[10] et hii autem probentur primum et sic ministrent nullum crimen habentes

[11] mulieres similiter pudicas non detrahentes sobrias fideles in omnibus

4. Qu’il gouverne bien sa propre famille, et qu’il maintienne ses enfants dans l’obéissance et dans toute sorte d’honnêteté.

5. Que si quelqu’un ne sait pas gouverner sa propre famille, comment pourra-t-il gouverner l’Eglise de Dieu ?

6. Que ce ne soit pas un néophyte, de peur que s'élevant d’orgueil, il ne tombe dans la même condamnation que le diable.

7. Il faut encore qu’il ait bon témoignage de ceux qui sont hors de l’Eglise, de peur qu’il ne tombe dans l’opprobre et le piége du démon.

8. Que les diacres, de même, soient honnêtes et bien réglés qu’ils ne soient pas doubles dans leurs paroles, ni sujets à boire beaucoup de vin; qu’ils ne cherchent pas de gain honteux.

9. Mais qu’ils conservent le mystère de la foi avec une conscience pure.

10. Ils doivent aussi être éprouvés auparavant, puis admis au sacré ministère, s’ils ne se trouvent coupables d’aucun crime.

11. Que les femmes de même soient chastes et bien réglées, exemptes de médisances, sobres, fidèles en toutes choses.

[87887] Super 1 Tm cap. 3 l. 2 Supra ostendit apostolus qualis debet esse episcopus secundum se, hic ostendit qualis debet esse in comparatione ad multitudinem. Et primo quo ad multitudinem domesticae familiae; secundo quo ad multitudinem Ecclesiae, ibi non neophytum; tertio quo ad multitudinem infidelium, ibi oportet autem.

Item primo ostendit qualis debet esse in comparatione ad familiam domesticam; secundo rationem huius assignat, ibi si quis autem.

Item primo ostendit quod ab episcopo requiritur gubernatio debita familiae; secundo bona instructio filiorum, ibi filios habentem.

Dicit ergo : oportet episcopum bene praeesse domui, id est, familiae suae, ut eam bene gubernet. Bona autem gubernatio non solum est acquisitio divitiarum, quia hae non sunt finis oeconomiae, sed instrumenta; sed finis eius est recta vita. Eccli. c. XLIV, 6 : pacificantes in domibus suis.

Specialiter autem in domestica familia praecipui sunt filii. Et ideo dicit de eis specialiter filios habentem subditos, id est, quod suis filiis dominetur non emollitus ex teneritudine amoris, quam quandoque extendit ad filios.

Inter alia autem, quae requiruntur in filiis episcoporum, quos habuerunt antequam essent episcopi, requiritur quod sint casti. Ideo subditur cum omni castitate, quia mala eorum vita esset testimonium contra parentem et praelatum. Eccli. X, 2 : secundum iudicem populi, sic et ministri eius, et qualis rector civitatis, tales et habitantes in ea. Sap. IV, 6 : ex iniquis enim omnes filii qui nascuntur testes sunt nequitiae adversus parentes in interrogatione sua.

Secunda ratio est, quia ad domum episcopi concurrit populus, ideo oportet eos esse castos. Contra illud I Reg. II, v. 22, ubi filii Heli non casti corrumpebant mulieres venientes ad templum. Unde et Heli a domino est punitus.

Deinde cum dicit si quis autem, dicti sui rationem assignat. Posset enim dici : quid ad episcopum quod bene regat familiam, cui imminet cura communis? Et ideo dicit si quis autem domui suae, etc., propriae familiae. Lc. XVI, 10 : qui fidelis est in minimo, et in maiore fidelis est.

Contingit tamen frequenter quod aliqui non sunt bene regitivi in parvis domesticis, qui tamen bene regunt in maioribus. Sed quod dicit nescit, haec nescientia refertur ad negligentiam. Nam qui parva negligit, de facili magna negligit, licet qui non curat de parvis, aliquando bene se habeat in maioribus.

Consequenter ostendit qualiter se habeat ad multitudinem Ecclesiae, in qua non debet esse novitius in fide, sed antiquus. Unde dicit non neophytum, id est, novam fidem habentem. Act. I, 21 : oportet eligere unum ex his qui nobiscum, et cetera. Item Num. XI, 16 : congrega mihi septuaginta viros de senioribus, quos tu nosti quod senes sint populi ac magistri et duces, et cetera.

Sed, sicut dicitur Sap. c. IV, 8, senectus venerabilis est, non diuturna, neque numero annorum computata. Contingit enim quandoque quod in aliquibus novis superabundet gratia, et habent simul cum aetate iuvenili morum senectutem, qui dispensative promoventur, sicut Ambrosius divina inspiratione. Unde hoc quod dicit hic, ad eos pertinet qui non solum aetate neophyti, sed et qui neophyti sunt perfectione. Et huius est ratio ne in superbiam, et cetera. Quando enim aliquis de novo veniens ad fidem et ad conditionem aliquam promovetur, reputat se aliis meliorem et valde necessarium, quasi nisi ipse esset, non haberent unde provideretur Ecclesiae. Et dicit Diaboli, quia ipse condemnatus fuit propter peccatum superbiae.

Deinde cum dicit oportet autem illum, etc., ostendit qualiter se habeat ad multitudinem infidelium, et ponit documenta. Primo ut sit bonae famae. Col. IV, 5 : in sapientia ambulate ad eos qui foris sunt. I Petr. II, 12 : conversationem vestram inter gentes habentes bonam. Et hoc necessarium est praelato, quia conversatio totius congregationis iudicatur ex praelato.

Sed contra, II Cor. VI, 8 : per infamiam et bonam famam. Respondeo. Infamia insurgit quandoque ex culpa eius qui infamatur, et hanc prohibet hic; quandoque ex malitia detrahentium et in hac oportet habere patientiam, et de hac loquitur apostolus ibi. Sed hic loquitur de assumendo in episcopum, qui et si sit bonus, et infamatur falso, debet patienter ferre.

Secundo assignat rationem; unde subdit ut non in opprobrium, et cetera. Ubi tangit duplex periculum, scilicet ne fiat opprobriosus, et per hoc eius auctoritas minuatur, et per consequens auferatur audacia corrigendi. Matth. VII, 5 : eiice primum trabem, et cetera. Secundo ne incidat in laqueum Diaboli, quandoque scilicet impatienter sustinendo, per quod infamis concitetur ad odia, et desperet, et huiusmodi.

Et quod praelatus sit odiosus laicis, contingit, si negligit cultum divinae laudis. Mal. II, 8 s. : irritum fecistis pactum levi, dicit dominus exercituum, propter quod dedi vos contemptibiles et humiles omnibus populis.

Deinde cum dicit diaconos, etc., ostendit pertinentia ad diaconos, quod in Graeco idem est quod ministri. In primitiva enim Ecclesia solum erant tres ordines, ut dicit Dionysius, scilicet episcoporum, presbyterorum et ministrorum; et non dividebantur per diversos gradus, sed omnia erant in uno ordine propter paucitatem ministrorum et propter novitatem Ecclesiae. Primo ergo ostendit quales debent esse secundum se; secundo quantum ad alios, ibi mulieres.

Item, primo ostendit quales debent esse; secundo quomodo examinandi sunt, ibi et hi.

Item, primo ostendit quales debent esse quantum ad eorum proprium corpus; secundo quantum ad res exteriores, ibi non turpe; tertio quantum ad alia, ibi habentes, et cetera. Item quantum ad corpus, primo ostendit quo ad totius corporis qualitates; secundo quantum ad oris refrenationem. Dicit ergo : dico quod episcopi debent esse pudici, similiter oportet diaconos esse, quia contrarium pudicitiae facit ineptum ad spiritualia, quia denegat animum a spiritualibus, quem necesse est tales habere elevatum. Is. LII, 11 : mundamini, qui fertis vasa domini. Lc. XII, 35 : sint lumbi vestri praecincti.

Deinde ostendit quales debent esse in ore. Os servit locutioni et gustui. Quantum ad primum dicit non bilingues. Eccli. XXVIII, v. 14 : lingua tertia multos commovit, et dispersit illos a gente in gentem. Bilinguis est habens duas linguas. Non erunt tales diaconi ministri pacis.

Quantum ad secundum dicit non multo. Prov. XXIII, 29 s. : cui vae? Cuius patri vae? Cui rixae? Cui foveae? Cui sine causa vulnera? Cui suffossio oculorum? Nonne his qui commorantur in vino et student calicibus epotandis? Is. V, 22 : vae qui potentes estis ad bibendum vinum, et viri fortes ad miscendam ebrietatem.

Deinde cum dicit non turpe lucrum sectantes, ostendit quomodo se habeant ad res exteriores. Non solum enim divertuntur a iustitia quandoque propter cupiditatem lucri, sed etiam a veritate, dicentes quae non oportet. Et ideo prohibetur eis temporale lucrum, in quo intelligitur omne lucrum inhonestum.

Sed quantum ad affectionem dicit habentes, etc., et instruit eos, primo, quantum ad fidem, secundo quantum ad conscientiae puritatem. Unde dicit mysterium fidei, non fidem, id est, non tantum fidem simplicem, sed intelligentiam eius quod in fide occultum est. Mysterium enim idem est quod occultum, quia ministri debent scire non tantum ea de fide quae et populus intelligit, sed et mysteria, quia debent alios instruere. I Petr. III, v. 15 : parati semper ad satisfactionem omni poscenti vos rationem de ea, quae in vobis est fide et spe, et cetera.

Item conscientiam puram, quia impura facit in fide errare. Supra I, 5 : finis autem praecepti est charitas de corde puro, et conscientia bona, et fide non ficta.

Deinde cum dicit et hi probentur primum, et sic, etc., ostendit quomodo examinentur. Posset enim dicere aliquis : puto omnes bonos. Hoc enim debet esse in tua reputatione, sed quantum ad eorum promotionem omnes sunt examinandi. Unde etiam ipsi examinantur; unde dicit et hi, et cetera. Nullum crimen, id est, peccatum mortale; non autem intendit de peccato veniali, quia, ut dicitur I Io. I, 8, si dixerimus quia peccatum non habemus, ipsi nos seducimus, et veritas in nobis non est. Nec dicit, qui habuerunt, sed habentes, id est, qui sunt notabiles et habent infamiae crimen. Alioquin hoc esset derogare clavibus Ecclesiae.

Deinde cum dicit mulieres, etc., ostendit qualiter se habeant ad alios. Et primo ponit suam instructionem; secundo rationem, ibi qui enim bene. Circa primum duo facit, quia primo ostendit qualiter se habeant ad uxores, quas habebant in primitiva Ecclesia, et loquitur pro statu illo. Secundo quomodo ad filios, ibi qui filiis. Iterum prima in duas, quia primo ostendit quales debent esse eorum uxores; secundo qualiter ipsi habeant se ad illas, ibi diaconi.

In uxoribus eorum requirit quatuor, scilicet pudicitiam, modestiam, sobrietatem et fidelitatem. Dicit ergo : similiter sicut dixi de diaconibus dico de mulieribus, quia oportet eas esse pudicas. Eccli. XXVI, 19 : gratia super gratiam mulier sancta et pudorata. Item modestas in lingua, non detrahentes. Eccli. X, v. 11 : quomodo si serpens mordeat in silentio, nihil eo minus habet qui detrahit. Item sobrias, quae est maximum ornamentum mulierum. Supra II, 9 : similiter et mulieres in habitu ornato cum verecundia et sobrietate. Item fideles, vel Deo quantum ad veram fidem, vel viris suis.

Sed quae culpa est diaconi, si eius uxor est mala? Respondeo. Aliquis a ministerio repellitur non solum propter culpam, sed etiam propter aliquod impedimentum ministerii. Et ideo si praeter culpam eorum possent mulieres esse malae, tamen praestant impedimentum dupliciter : primo quia cum malae sunt, indigent maiori cura, et per hoc earum viri minus vacarent ecclesiasticis ministeriis; secundo quia viri depravantur ex uxoribus.

Item esset in periculum, quia ministrorum Ecclesiae multi frequentant domos. Dixerunt autem Cathaphrigae, quod ex quo inter diaconos agitur de mulieribus, mulieres possunt ordinari ad sacros ordines. Sed sciendum est quod in iure aliquae mulieres aliquando vocantur diaconissae, non quia habeant huiusmodi ordinem, sed propter aliquod ministerium Ecclesiae, sicut in Graeco dicitur diaconus quilibet minister.

 

L’Apôtre a expliqué plus haut quel doit être l’évêque quant à sa propre personne; il établit ici quel il doit être par rapport aux autres. Et d’abord par rapport aux membres qui composent sa famille particulière; ensuite par rapport à la multitude qui forme l’Église (verset 6) : "Que ce ne soit pas un néophyte, etc.;" enfin, quant à la foule des infidèles, (verset 7) : "Il faut encore[ qu’il ait bon témoignage], etc."

I. Premièrement donc, il dit quel doit être l’évêque par rapport à sa propre maison; secondement, il en assigne la raison, (verset 5) : "Car si quelqu’un [ne sait pas gouverner sa propre famille], etc.

Sur la première partie, il établit qu’il est requis de l’évêque qu’il gouverne cette famille comme il convient; secondement, qu’il instruise bien ses enfants, (verset 4) : "Qu’il tienne ses enfants dans l’obéissance, etc."

1. Il dit donc : Il est nécessaire que l’évêque préside bien à sa maison, c’est-à-dire à sa famille, afin de la bien gouverner. Or, bien gouverner, ce n’est pas seulement acquérir des richesses, parce que les richesses ne sont pas la fin, mais l’instrument du bon gouvernement; la fin d’un bon gouvernement, c’est la rectitude de la vie. (Ecclésiastique, XLIV, 6) : "Ils ont gouverné leur maison en paix, etc."

2. Dans la famille particulière, les fils occupent un rang spécial, la place principale. C’est pourquoi Paul dit d’eux spécialement (verset 4) : "Et qu’il maintienne ses fils dans l’obéissance," c’est-à-dire, qu’il conserve son autorité sur ses fils, sans se laisser amollir par la tendresse de l’amour, à laquelle on se laisse quelquefois gagner à l’égard de ses enfants. Or, parmi les vertus qu’on exige particulièrement des fils que les évêques ont eus avant d’être promus à l’épiscopat, il faut placer la chasteté. L’Apôtre ajoute donc (verset 4) : "et dans une entière honnêteté", parce que une mauvaise conduite de leur part porterait témoignage contre leur évêque et père ; (Ecclésiastique, X, 2) : "Tel qu’est le juge du peuple, tels sont les ministres ; et tel est le premier de la ville, tels sont aussi les habitants" ; (Sag., IV, 6) : "car les enfants nés d’une couche illégitime, lorsqu'on s’informe de ce qu’ils sont, deviennent des témoins qui déposent contre le crime de leur père et mère." Une seconde raison, c’est que le peuple vient fréquemment à la maison de l’évêque. Il est donc nécessaire que ses enfants soient chastes ; exemple contraire : les enfants d’Héli (I Rois, II, 22), qui, n’étant pas chastes, corrompaient les femmes qui venaient au temple, ce qui fut cause du châtiment dont Héli fut frappé par le Seigneur.

3. Quand Paul dit ensuite (verset 5) : "Car si quelqu’un [ne sait pas gouverner sa propre maison]," il donne la raison de ce qu’il vient de dire. On pourrait en effet objecter : Qu’importe-t-il à l’évêque de bien gouverner sa maison, puisqu’il est chargé du soin de tous ? Paul répond : "Car si quelqu’un ne sait pas gouverner sa maison, etc." c’est-à-dire, sa propre famille : (Luc, XVI, 10) : "Celui qui est fidèle dans les petites choses sera fidèle aussi dans les grandes." Toutefois, il arrive fréquemment que tel qui ne sait pas gouverner dans les petits choses domestiques, s’acquitte cependant bien de son devoir dans les grandes. Mais quand Paul dit : "Ne sait pas," ce manque de science s’applique à la négligence; car celui qui se montre négligent dans les petites choses, néglige facilement les grandes, quoique celui qui ne s’occupe pas de ce qui a peu d’importance, se conduise bien quelquefois à l’égard de ce qui en a davantage.

II. Paul explique ensuite comment l’évêque doit se conduire par rapport à la multitude des fidèles, dans l’Eglise. Il ne doit pas être novice dans la foi, mais ancien déjà; c’est pourquoi l’Apôtre dit (verset 6) : "Que ce ne soit pas un néophyte," c’est-à-dire ne faisant que venir à la foi. (Actes I, 21) : "Il faut qu’on choisisse un disciple entre ceux qui ont été en notre compagnie, etc." On trouve quelque chose de semblable (Nombres., XI, 16) : "Assemblez- moi soixante-dix hommes des anciens d’Israël, que vous saurez être des anciens du peuple et les plus propres à gouverner, etc." Mais il est dit (Sagesse, IV, 8) : "Ce qui rend la vieillesse vénérable, ce n’est pas la durée de la vie, ni le nombre des années." Il arrive, en effet, quelquefois, que dans quelques jeunes gens, la grâce surabonde, et qu’on trouve en eux, avec la jeunesse de l’âge, l’âge mûr des moeurs, en sorte qu’ils sont promus par dispense, comme Ambroise, [qui fut promu à l’épiscopat] par une inspiration d’en haut. Ce que l’Apôtre dit ici s’applique donc à ceux qui sont néophytes non seulement à raison de l'âge mais encore à raison de la perfection. La raison de cette prescription est (verset 6) la crainte "que s’élevant d’orgueil, etc." Quand, en effet, celui qui vient seulement de se présenter à l’Église est admis à la foi, et promu à quelque dignité, il se juge meilleur que les autres, et se regarde comme très nécessaire; comme si, sans lui, on n’eût pu trouver de quoi pourvoir l’Église d’un ministre. Paul dit : "du diable," parce que le diable fut condamné par un péché d’orgueil.

III. En ajoutant (verset 7) : "Il faut encore qu’il ait [un bon témoignage de ceux du dehors]", Paul explique ce que doit être l’évêque par rapport à la multitude des infidèles. Voici ce qu’il exige : D’abord, qu’il soit de bonne réputation; (Coloss., IV, 5) : "Conduisez-vous avec sagesse envers ceux qui sont hors de l’Église" ; (I Pierre, II, 12) : "Conduisez-vous parmi les Gentils d’une manière excellente." Cette sainteté de vie est nécessaire au chef spirituel, parce que la conduite de tout le troupeau se juge d’après celle du pasteur.

On objecte (2 Co VI, 8) : "Parmi la bonne et la mauvaise réputation, etc." Nous répondons que la mauvaise réputation naît quelquefois de la faute de celui qui est mal famé; or, c’est cette mauvaise réputation que Paul condamne dans ce passage. Quelquefois elle vient de la malice de ceux qui se diffament. Dans ce cas, il faut avoir de la patience. C’est de cette dernière que parle l’Apôtre, à l’endroit précité [de l’Épître aux Corinthiens]. Ici Paul parle de celui qui doit être choisi pour l’épiscopat : même s’il est bon et s’il est néanmoins diffamé à tort, il doit le supporter avec patience.

Paul donne maintenant la raison de ce qu’il a dit : (verset 7) : "De peur qu’il ne tombe dans l’opprobre, etc." L’Apôtre indique ici un double danger, à sa voir, celui de tomber dans l’opprobre, de compromettre ainsi son autorité, et, par conséquent, de ne plus oser reprendre les autres ; (Mt VII, 5) : "Otez premièrement la poutre de votre oeil, etc." Autre danger, celui de tomber dans le piège du démon, en perdant quelquefois la patience dans l’épreuve, et en se portant ainsi à la haine, au désespoir, ou à d’autres excès semblables. Il arrive encore que le chef de l’Église devienne odieux aux laïcs, s’il vient à négliger le culte de la louange due à Dieu, (Malach., II, 8) : "Vous avez rendu nulle l’alliance que j’avais faite avec Lévi, dit le Seigneur des armées. C’est pourquoi je vous ai rendus vils et méprisables aux yeux de tous les peuples."

II° Quand l’Apôtre dit ensuite (verset 8) : "Que les diacres [de même soient honnêtes], etc.," il donne des règles qui concernent les diacres, dont le nom en grec signifie ministres. Dans la primitive Église, en effet, comme le remarque Denys, il n’y avait que trois ordres, à savoir les évêques, les prêtres et les ministres. Ceux-ci n’étaient pas distingués par des degrés différents, mais tous ne formaient qu’un ordre unique, à cause du petit nombre des ministres et de la jeunesse de l’Église. Paul explique donc d’abord ce que les diacres doivent être, d’abord par rapport à eux-mêmes, ensuite par rapport aux autres; (verset 14) : "Que leurs femmes, etc."

I. Sur le premier de ces points, il établit premièrement ce qu’ils doivent être; secondement, comment il faut procéder à leur examen; (verset 10) : "Ils doivent aussi être[éprouvés auparavant], etc."

Il explique d’abord comment ils doivent se conduire, quant à leur propre corps; ensuite, quant aux choses extérieures (verset 8) : "[Qu’ils ne cherchent] pas un gain honteux" ; enfin, quant à tout le reste (verset 9) : "Mais qu’ils conservent, etc."

1. Sur les devoirs par rapport au corps, il donne d’abord des règles quant aux qualités du corps tout entier; ensuite, quant au frein à imposer à la langue.

A) Il dit donc : J’ai prouvé que les évêques doivent être chastes, il faut de même que les diacres gardent cette vertu, car le vice qui lui est contraire rend l’âme incapable des choses spirituelles, dont il la détourne, tandis que ceux [qui sont honorés de ces ministères] doivent la tenir élevée ; (Isaïe LII, 11) : "Purifiez-vous, vous qui portez les vases du Seigneur" ; (Luc, XII, 35) : "Que vos reins soient ceints, etc."

B) L’Apôtre explique ensuite comment ils doivent se comporter par rapport à la bouche. La bouche sert à la parole et au goût.

A) Quant à la première, il dit (verset 8) : "Qu’ils ne soient pas doubles dans leurs paroles" ; (Ecclésiastique, XXVIII, 14) : "La langue d’un tiers en a renvoyé plusieurs, et elle les a dispersés de peuple en peuple." L’homme double est celui qui a deux langues. Les diacres, ministres de paix, ne seront pas tels.

B) Quant au second, Paul dit (verset 8) : "Sujets à boire beaucoup de vin" ; (Proverbes XXIII, 29) : "A qui dira-t-on : Hélas ? Au père de qui dira-t-on : hélas ? Pour qui seront les querelles ? Pour qui les murmures ? Pour qui les blessures sans sujet ? Pour qui la rougeur des yeux, sinon pour ceux qui passent le temps à boire du vin, et qui mettent leur plaisir à vider des coupes ?" ; (Isaïe, V, 22) : "Malheur à vous qui êtes des héros pour boire le vin, et des vaillants pour mêler les liqueurs fortes."

II. Quand Paul ajoute (verset 8) : "Qu’ils ne cherchent pas de gain honteux," il détermine comment ils doivent se conduire à l’égard des choses extérieures. Car non seulement on se détourne quelquefois de la justice par l’amour du lucre, mais on se détourne même de la vérité, de manière à dire ce qui ne convient pas. Voilà pourquoi Paul interdit aux diacres le gain temporel, dans lequel il comprend tout gain peu honnête.

III. Par rapport aux affections du coeur, l’Apôtre dit (verset 9) : "mais qu’ils conservent, etc." Il les instruit d’abord quant à la foi, ensuite quant à la pureté de la conscience.

A) Il dit donc : "Le mystère de la foi" et non pas « la foi », c’est-à-dire non pas seulement la foi dans sa simplicité, mais l’intelligence de ce qui est caché dans la foi, car mystère a la même signification que chose cachée; et les ministres doivent non seulement connaître les vérités de foi que le peuple connaît, mais encore les mystères, parce qu’ils doivent en instruire les autres. (1 Pierre, III, 15) : "Soyez toujours prêts à répondre à ceux qui vous demanderont raison de la foi et de l’espérance que vous avez, etc."

B) Il ajoute (verset 9) : "Dans ma conscience pure," parce que celle qui ne l’est pas fait errer dans la foi, (ci-dessus, I, 5) : "Car la fin des commandements, c’est la charité qui naît d’un coeur pur, d’une bonne conscience et d’une foi sincère."

III° Quand il dit ensuite (verset 10) : "Et ils doivent aussi être éprouvés auparavant," Paul donne des règles pour les examiner. On pourrait dire en effet : Je les considère tous comme bons, et telle doit être votre appréciation. Mais quant à leur promotion, tous doivent être examinés. Il faut donc que les diacres le soient également. C’est ce qui lui fait dire (verset 10) : "Ils doivent aussi, etc.; [s’ils ne se trouvent] coupables d’aucun crime," c’est-à-dire de péché mortel, car Paul n’entend pas parler de faute vénielle, car, comme il est dit en (I Jean, I, 8) : "Si nous disons que nous sommes sans péché, nous nous séduisons nous-mêmes et la vérité n’est pas en nous." Il ne dit pas non plus, « s’ils n’ont pas eu », mais « s’ils n’ont pas », c’est-à-dire, s’ils ne sont pas publiquement notés du crime d’infamie, autrement ce serait déroger aux clefs de l’Eglise.

I. Quand l’Apôtre ajoute (verset 11) : "Que leurs femmes [de même soient honnêtes]," il explique comment ils doivent se conduire à l’égard des autres. Et d’abord il donne son instruction; en second lieu, la raison de cette recommandation ; (verset 13) : "Car le bon usage etc." Sur le premier de ces points, il établit premièrement, comment ils doivent se conduire à l’égard des femmes qu’ils avaient dans la primitive Eglise ; et il parle de leur état ; secondement à l’égard de leurs enfants (verset 12) : "Qu’ils gouvernent bien leurs enfants." La première de ces parties se subdivise encore. Paul dit d’abord ce que doivent être leurs femmes; ensuite comment ils doivent se conduire envers elles (verset 12) : "Qu’on prenne pour diacres, etc." L’Apôtre exige des femmes des diacres, quatre vertus : la pureté, la modestie, la sobriété et la fidélité. Il dit donc : Ce que j’ai dit des diacres je le dis de leurs femmes. Il faut qu’elles soient "Chastes" ; (Ecclésiastique XXVI, 19) : "La femme sainte et pleine de pudeur est une grâce qui surpasse toute grâce." Retenues dans leur langage ; (verset 11) : "Exemptes de médisance" ; (Ecclésiastique, X, 11) : "Celui qui médit en secret est comme un serpent qui mord sans bruit." (Verset 11) : "Sobres," car cette vertu est le plus bel ornement d’une femme ; (ci-dessus, II, 9) : "Que les femmes aussi, vêtues comme l’honnêteté le demande, se parent de modestie et de sobriété." Enfin (verset 14) : "Fidélité" à Dieu, par rapport à sa foi véritable, et à leurs maris.

Quelle faute y a-t-il pour un diacre si sa femme est mauvaise ? Nous répondons qu’on peut être rejeté du ministère, non seulement en raison d’une faute, mais encore pour quelque empêchement à ce ministère. Et donc si sans qu’il y ait faute de leur part les femmes de diacres étaient mauvaises, elles deviendraient la cause d’un double empêchement, d’abord, parce qu’à raison de leur méchanceté, elles auraient besoin d’une plus grande sollicitude, et par là leurs maris s’occuperaient moins du ministère de l’Eglise. Ensuite parce que les femmes sont une occasion de dépravation pour leurs maris. De plus, il y aurait danger parce que la maison des ministres de l’Eglise est fréquentée par un grand nombre de fidèles.

Les hérétiques cataphrygiens[4], du fait que Paul en parlant des diacres a fait mention des femmes, en ont déduit que les femmes peuvent être promues aux ordres sacrés. Il faut se rappeler ici que si dans le droit Canon quelques femmes prennent le nom de diaconesses, non pas qu’elles aient reçu le diaconat mais en raison de quelque ministère qu’elles remplissaient dans l’Eglise, c’est parce que dans le grec tous les ministres portent le nom de diacre.

 

 

Lectio 3

Leçon 3 — 1 Timothée III, 12-16 : Règles pour les diacres

 

SOMMAIRE : Paul dit à Timothée qu’il lui transmet ces règles par écrit, afin que si le voyage qu’il devait faire pour l’aller trouver tardait, il sût comment il devait agir dans l’Eglise.

[12] diacones sint unius uxoris viri qui filiis suis bene praesunt et suis domibus

[13] qui enim bene ministraverint gradum sibi bonum adquirent et multam fiduciam in fide quae est in Christo Iesu

[14] haec tibi scribo sperans venire ad te cito

[15] si autem tardavero ut scias quomodo oporteat te in domo Dei conversari quae est ecclesia Dei vivi columna et firmamentum veritatis

[16] et manifeste magnum est pietatis sacramentum quod manifestatum est in carne iustificatum est in spiritu apparuit angelis praedicatum est gentibus creditum est in mundo adsumptum est in gloria

12. Qu’on prenne pour diacres ceux qui n’auront épousé qu’une femme, qui gouvernent bien leurs enfants et leurs propres familles.

13. Car le bon usage qu’ils feront de leur ministère, leur sera un degré légitime pour monter plus haut, et leur donnera une grande confiance dans la foi qui est en Jésus-Christ.

14. Je vous écris ceci, quoique j’espère aller bien vite vous voir.

15. Afin que si je tardais plus longtemps, vous sachiez comment vous conduire dans la maison de Dieu, qui est l’Église du Dieu vivant, la colonne et la base de la vérité.

16. Et sans doute, c’est quelque chose de grand que ce mystère d’amour qui s’est fait voir dans la chair, qui a été justifié par l’Esprit, qui a été manifesté aux anges, prêché aux nations, cru dans le monde, reçu dans la gloire.

[87888] Super 1 Tm cap. 3 l. 3 Supra ostendit apostolus, quales debent esse diaconi et eorum uxores, hic ostendit quomodo diaconi se habeant ad uxores et ad filios et familiam. Et primo ponit documentum, secundo eius rationem, ibi qui enim bene. Dicit ergo : dixi quod mulieres diaconorum sint pudicae. Etsi in uxoribus est pudicitia habenda propter eos, amplius in ipsis est necessaria, ut sint omnino a contactu mulierum immunes. Sed quia secundum hoc pauci essent ministri, concedit quod saltem sint unius uxoris viri, quia habuisse plures, est signum incontinentiae et contra significationem sacramenti. Et inde est quod dominus instituit matrimonium unius ad unum. Unde et prima uxor benedicitur, non secunda.

Deinde monet qualiter se habeant ad filios, dicens qui filiis suis bene praesint, scilicet bene erudiendo in disciplina bona et vita. Eccli. VII, 25 : filii tibi sunt? Erudi illos, et cetera. Consequenter hortatur eos bene praeesse toti domui, id est, familiae, scilicet cum mansuetudine. Eccli. IV, 30 : noli esse sicut leo in domo tua, et cetera.

Et huius ponit rationem, dicens qui enim bene ministraverint, etc.; quasi diceret : quod requiris ab episcopis rationabile est; quia ipsi sunt praelati.

Sed quare a diacono qui est minister? Respondet dicens qui enim, et cetera. Et primo ostendit quod bonus usus huius ministerii est via ad maiorem dignitatem; secundo etiam quod est via ad vitam aeternam.

Quantum ad primum dicit qui enim bene ministraverint, exercendo officium diaconi quod enim est in Graeco diaconus, in Latino dicitur minister, gradum bonum sibi acquirent, id est, promoveri merentur ad gradum altiorem. Matth. XXV, 21 : quia in pauca fuisti fidelis, supra multa te constituam, et cetera. Et dicit bonum, quia supra eodem : qui episcopatum desiderat, bonum opus desiderat.

Nec tamen in hoc est eorum finis, sed cum hoc remunerationem habent a Deo. Io. XII, 26 : volo ut ubi ego sum, illic sit et minister meus. Et ideo dicit multam fiduciam, scilicet auxilii gratiae in praesenti, et gloriae in futuro; et hoc in fide, etc., id est, per fidem Christi. II Cor. III, 4 : fiduciam talem habemus, et cetera. Is. XII, 2 : fiducialiter agam, et non timebo.

Deinde cum dicit haec tibi scribo, ponit rationem omnium praedictarum monitionum. Et primo excludit causam opinatam; secundo astruit veram, ibi si autem; tertio assignat rationem, ibi quae est Ecclesia.

Circa primum sciendum est, quod posset Timotheus credere quod ex quo scripsit, de caetero eum non visurus esset, alias superfluum videretur eum litteris monere. Et ideo dicit haec tibi scribo, fili. Et nominat eum filium, quia sibi charissimus erat. I Cor. IV, 17 : ideo misi ad vos Timotheum, qui est filius meus charissimus. Et dicit sperans, quasi non certus. II Io. I, 12 : plura habens vobis scribere, nolui per chartam et atramentum; spero enim me futurum apud vos, et os ad os loqui.

Scribo igitur, licet spem habeam, quia spes in longum protrahi potest. Prov. XVI, 1 : hominis est praeparare animum, et domini linguam gubernare. Et ideo dicit si autem tardavero, et cetera. I Thess. II, 18 : sed Satanas impedivit nos. Ego igitur scribo, si tardavero, ut scias, quomodo oporteat te in domo Dei conversari. Ps. LXVII, 6 : habitare facit unius moris in domo, et cetera.

Deinde cum dicit quae est Ecclesia, assignat rationem quare sit sic conversandum in ea. Et assignat rationem huius causae, quae est duplex : primo commendando ipsam Ecclesiam; secundo unitatem Ecclesiae, ibi et manifeste. Circa primum duo facit, quia primo commendat Ecclesiam ex parte eius, cuius est Ecclesia; secundo ex veritate ipsius Ecclesiae, ibi columna. Ex parte eius cuius est Ecclesia, quia est Dei vivi. Ecclesia dicitur quasi adunatio, quia in Ecclesia est adunatio fidelium. Rom. VIII, 30 : quos vocavit, et cetera. Et adunantur in Deum. Io. XVII, 21 : ut et ipsi in nobis sint unum, et cetera. Et ideo dicit quae est Dei. Et addit vivi, ad distinctionem aliorum deorum, ad quos congregantur gentes. Nam hi sunt mortui, sed Deus Ecclesiae est vivus. Io. V, 26 : sicut pater habet vitam in semetipso, et cetera. Est ergo sic in ea conversandum, ut spiritualiter vivamus. Ps. XCII, 7 : domum tuam, domine, decet sanctitudo, et cetera.

Secunda ratio est ex veritate Ecclesiae. Naturale est enim homini ut desideret cognitionem veritatis, cum sit perfectio intellectus. Unde Augustinus dicit, quod beatitudo est finis hominis, quae nihil aliud est quam gaudium de veritate. Hoc innotuit philosophis per creaturas Rom. I, 19. Sed in hoc vacillabant, quia non habebant certitudinem veritatis, tum quia erant corrupti erroribus, tum quia vix invenitur apud eos, quod in veritate concordent. Sed in Ecclesia est firma cognitio et veritas. Unde dicit columna. Eccli. XXIV, 7 : thronus meus in columna nubis, et cetera. Eccli. XXVI, 23 : columnae aureae, et cetera. Et dicitur aurea, quia in se sancta. Et firmamentum, scilicet quantum ad alios, quia non possunt firmari in veritate, nisi per Ecclesiae sacramenta. Lc. XXII, 32 : tu aliquando conversus confirma, et cetera. Ps. LXXIV, 3 : ego confirmavi columnas eius. Quia igitur Ecclesia congregat in Deo et dat cognitionem veritatis, debemus esse in ea.

Deinde cum dicit et manifeste, commendat veritatem Ecclesiae. Et primo Christum, ad cuius manifestationem apparuit; secundo de eius exaltatione agit, ibi assumptum. Commendat autem Christum dupliciter. Primo quantum ad naturam divinam; secundo quantum ad humanam, ibi quod manifestum est. Dicit ergo et manifeste, et cetera. Quia sacramentum idem est quod sacrum secretum. Nihil autem tam secretum, quam id quod in corde gerimus. Multo ergo magis quod in corde Dei, et secretum est et sacrum. I Cor. II, 11 : quae sunt Dei nemo novit nisi spiritus Dei, et cetera. Is. XXIV, 16 : secretum meum mihi. Is. XLV, 15 : tu es Deus absconditus. Et hoc est verbum Dei in corde patris. Ps. XLIV, 2 : eructavit cor meum verbum bonum. Hoc siquidem secretum est sacramentum pietatis; secretum autem hominis aliquando est vanum. Ps. XCIII, 11 : dominus scit cogitationes hominum, quoniam vanae sunt. Inquantum ergo est restaurativum mundi, est pietatis. Item magnum, quia est verus Deus, cuius magnitudinis non est finis. Hoc ergo secretum quod latet in corde patris factum est homo.

Et ideo describit ipsum, secundo, quantum ad naturam humanam. Et primo quantum ad carnem, secundo quantum ad animam. Quantum ad primum dicit quod manifestatum est in carne. Sicut verbum quod latet in corde manifestatur verbo sensibili, ita verbum Dei in corde Dei latebat, sed in carne est manifestatum. Io. I, 14 : verbum caro factum est, et cetera. Quantum ad animam dicit iustificatum est in spiritu. Hoc dupliciter exponitur. Primo, ne credatur quod caro prius sit concepta, dicit quod non, quia in spiritu, id est, per spiritum sanctum conceptus est. Matth. I, v. 20 : quod enim ex ea natum est, de spiritu sancto est. Et Lc. I, 35 : quod enim ex te nascetur vocabitur filius Dei; et hoc quia spiritus sanctus superveniet in te, et cetera. Vel in spiritu sancto humano, de quo Io. XIX, v. 30 : emisit spiritum. Et sic est manifestatum in carne, quod tamen est cum spiritu.

Et dico spiritu iustificato, scilicet quia iustus est, absque omni macula. Deinde cum dicit apparuit, ostendit eius manifestationem, et primo factam Angelis, secundo hominibus, ibi praedicatum. Dicit ergo sacramentum illud quod apparuit Angelis, et excedit etiam cognitionem Angelorum. Illud autem dicitur apparere quod in potestate sua habet videri et non videri, et non subest potestati videntis. Unde non dicitur : lapis apparet mihi, sed video lapidem. Si ergo Angelus in sua natura vel potestate haberet quod videret verbum, non diceretur verbum apparere sibi, sed quod ipse videret cum vellet. Et ideo dicit apostolus quod apparuit Angelis, quia non in sua natura viderunt ipsum. Et verum est quod a principio apparuit Angelis, quando ex conversione ad se aedificavit ipsos; sed quando est incarnatum, multa mysteria innotuerunt Angelis, quae non cognoverant antea. Et ideo dicit Beda, quod in nativitate apparuit Angelis claritas, quae non antea in veritate visa est hominibus.

Et hoc dupliciter : primo quantum ad ministerium apostolorum; secundo quantum ad cognitionem populorum quibus manifestatur. Olim siquidem solis Iudaeis manifestabatur, sed nunc in gentibus. Et ideo dicit praedicatum est gentibus. Matth. ult. : euntes ergo docete omnes gentes, et cetera. Ps. XCV, 3 : annuntiate inter gentes gloriam eius. Et hoc efficaciter, quia creditum est in mundo. Et hoc dominus orabat Io. XVII, 18. Et hoc maxime mirum est quod per simplices pauperes et impotentes, totus mundus est conversus. I Cor. I, 26 : non multi sapientes, etc.; et hoc ut non glorietur omnis caro, et cetera.

Secundo manifestat quod sola veritas Dei hoc facit, quia assumptum est in gloria, Christus scilicet, quia manifestatus assumptus est in caelis. Matth. ult. : dominus quidem Iesus postquam locutus est eis, assumptus est in caelum. Phil. c. II, 11 : et omnis lingua confiteatur, quia dominus noster Iesus Christus in gloria est Dei patris.

 

L’Apôtre a réglé plus haut ce que devaient être les diacres et leurs femmes, il explique ici comment ces femmes, leurs enfants et leurs familles doivent être traités par les diacres eux-mêmes. Et d’abord il expose la règle; ensuite il en donne la raison (verset 13) : "Car le bon usage, etc."

Il dit donc : "J’ai donné pour règle que les femmes des diacres devaient être chastes." Si donc à cause des diacres on doit exiger de leurs femmes la chasteté, combien est-il plus nécessaire qu’ils se tiennent tout à fait éloignés de la fréquentation des femmes. Mais parce que, selon cette règle, les ministres seraient peu nombreux, l’Apôtre accorde qu’au moins ils n’aient été mariés qu’une seule fois, parce que l’avoir été plus d’une fois, est une marque d’incontinence opposée à ce que représente le sacrement. De là vient, en effet, que le Sauveur a voulu que le sacrement fût limité à un homme et à une femme. C’est de là encore qu’on donne la bénédiction à la première épouse, et non à la seconde. L’Apôtre les instruit ensuite de la manière de se conduire à l’égard de leurs enfants, en disant (verset 12) : "Qu’ils gouvernent bien leurs enfants, " en les dressant par une discipline sage à une bonne vie. (Ecclésiastique, VII, 25) : "Avez-vous des fils, instruisez-les bien, etc." L’Apôtre recommande ensuite "qu’ils gouvernent bien leur maison tout entière," à savoir leurs propres familles, c’est-à-dire qu’ils la régissent avec douceur. (Ecclésiastique, IV, 30 : "Ne soyez pas comme un lion dans votre maison, etc."

II° En voici la raison (verset 13) : "Car le bon usage qu’ils auront fait de leur ministère [leur sera un degré légitime pour monter plus haut.]" Comme s’il disait : Ce que vous exigez des évêques est raisonnable, car ils sont les chefs des Eglises.

Mais pourquoi l’exiger d’un diacre qui n’est qu’un ministre? L’Apôtre répond en disant (verset 13) : "C’est que le bon usage, etc." Il propose d’abord que le bon usage de ce ministère est une voie pour parvenir à une plus haute dignité; ensuite que c’est le moyen d’arriver à la vie éternelle.

1. Quant à la première proposition il dit (verset 13) : "Car ceux qui auront fait un bon usage de leur ministère," en exerçant l’office de diacre, - le mot grec diacre signifie ministre en latin, "Car ceux-là," dis-je, "auront gagné un degré légitime," c’est-à-dire, méritent d’être promus à un degré plus élevé. (Mt XXV, 21) : "Parce que vous avez été fidèles dans les petites choses, je vous établirai sur de beaucoup plus grandes, etc." Il. dit : "Un degré légitime," comme il a dit plus haut (même chap., 4) : "Si quelqu’un souhaite l’épiscopat, il désire une oeuvre sainte."

2. Toutefois ce n’est pas en cela qu’est placée leur fin, mais c’est avec cela qu’ils reçoivent leur récompense de Dieu ; (Jean, XII, 26) : "Là où je serai, sera aussi mon serviteur." C’est ce qui lui faisait dire (verset 13) : "Et une grande con fiance," à savoir, du secours de la grâce dans la vie présente, et de la gloire dans la vie future. Et cela (verset 13) : "Dans la foi de Jésus-Christ," c’est-à-dire par cette foi. (2 Co III 4) : "C’est [par Jésus-Christ] que nous avons une si grande confiance [en Dieu]." (Isaïe, XII, 2) : "J’agirai avec confiance et je ne craindrai pas, etc."

II° Quand Paul ajoute (verset 14) : "Je vous écris ceci, etc." il donne la raison de tous les avertissements qui précèdent. Premièrement il écarte un prétexte supposé; secondement il fait connaître le motif véritable (verset 15) : "Afin que si je tardais plus longtemps" ; troisièmement, il en assignea la raison (verset 15) : "Qui est l’Eglise du Dieu vivant."

I. Sur la première proposition, il faut savoir que Timothée pouvait croire de ce qui précède qu’il ne devait pas espérer voir l’Apôtre dans l’avenir, car sinon il serait superflu de lui faire par lettre ses recommandations. Mais Paul lui dit (verset 14) : "Je vous écris ceci, Timothée mon fils." Il l’appelle son fils, parce qu’il avait pour ce disciple une tendre affection ; (1 Co IV, 47) : "C’est pour cette raison que je vous ai envoyé Timothée, qui est mon très cher fils." Il ajoute (verset 14) : "Quoique j’espère [aller bientôt vous voir]," parce qu’il n’en est pas certain. (II Jean, I, 12) : "Quoique j’eusse plus d’une chose à vous écrire, je n’ai pas voulu le faire sur du papier et avec de l’encre, espérant aller vous voir et vous entretenir de vive voix."

II. Je vous écris donc, bien que j’aie cette espérance, parce que la réalisation de cette espérance peut tirer en longueur. (Prov. XVI, 1) : "C’est à l’homme à préparer son âme, et au Seigneur à gouverner sa langue." C’est pourquoi il dit (verset 15) : "si je viens à tarder, etc." ; (I Thess., II, 18) : "[Nous avons voulu aller vous trouver], mais Satan nous en a empêchés." Je vous écris donc (verset 15) : "Afin que si je viens à tarder plus longtemps, vous sachiez par ce moyen comment vous devez vous conduire dans la maison de Dieu." (Ps., LXVII, 7) : "Il fait habiter dans sa maison ceux que les mêmes moeurs rassemblent, etc."

III. En disant à la suite (verset 15) : "Qui est l’Eglise [du Dieu vivant]," Paul assigne la raison qui oblige à se conduire de cette manière dans l’Eglise. Il en donne une double raison : D’abord l’excellence de l’Eglise; ensuite son unité (verset 16) : "Et sans doute [c’est quelque chose de grand], etc."

Dans la première partie il exalte 1’Eglise d’abord en disant à qui elle appartient; ensuite en montrant qu’elle possède la vérité (verset 16) : "La colonne, etc."

A) Premièrement, celui à qui elle appartient, c'est-à-dire le Dieu vivant. Eglise veut dire réunion, parce que c’est dans l’Eglise que se fait la réunion des fidèles ; (Rm VIII, 30) : "Ceux qu’il a appelés, etc." Or cette dernière réunion se fait en Dieu. (Jean, XVII, 21) : "Afin qu’ils soient eux aussi un en nous, etc." C’est ce qui fait dire à Paul (verset 16) : "Qui est l’Eglise du Dieu." Il ajoute : "Vivant" pour le distinguer des faux dieux, aux pieds desquels s’assemblent les nations, car ces dieux sont morts, mais le Dieu de l’Eglise est vivant ; (Jean, V, 26) : "Car comme mon Père a la vie en lui-même, etc.. " C’est donc ainsi qu’il faut vivre dans l’Eglise, si nous voulons vivre spirituellement. (Psaume XCII, 6) : "La sainteté, Seigneur, doit être l’ornement de votre maison,, etc. "

B) La seconde raison est déduite de la vérité de l’Eglise. Il est naturel à l’homme, en effet, de désirer la connaissance de la vérité, puisque c’est pour lui la perfection de l’intelligence. C’est ce qui a fait dire à Augustin, que la béatitude est la fin de l’homme, et qu’elle n’est autre chose que la joie de posséder la vérité. Les philosophes en ont eu connaissance "au moyen des créatures" (Rm I, 19), mais ils étaient hésitants, car ils ne possédaient pas la certitude de la vérité, soit parce que l’erreur les avait corrompus, soit parce qu’on trouve à peine parmi eux un point sur lequel ils soient d’accord. Mais dans l’Eglise, il y a et la vérité, et la connaissance assurée de la vérité. C’est pourquoi Paul dit (verset 15) : "La colonne" ; (Ecclésiastique, XXIV, 7) : "Mon trône est dans une colonne de nuée, etc." ; (Ecclésiastique, XXVI, 23) : "Comme des colonnes d’or, etc." On dit qu’elles sont d’or, parce que l’Eglise possède la sainteté (verset 15) et la base de la vérité, à savoir pour les autres, parce qu’elles ne peuvent être affermies dans la vérité, que par les sacrements de l’Eglise. (Luc, XXII, 32) : "Lorsque vous aurez été vous-même converti, ayez soin d’affermir vos frères, etc. " ; (Psaume LXXIV, 3) : "que j’ai affermi ses colonnes." L’Eglise donc, nous unissant en Dieu, et nous donnant la connaissance de la vérité, nous devons demeurer en elle.

Quand Paul ajoute (verset 16) : "Et sans doute, etc." il exalte la vérité que l’Eglise possède.

A) Et d’abord Jésus-Christ, dont la manifestation lui a donné naissance; ensuite, il traite de l’exaltation de Jésus-Christ lui-même (verset 16) : "Qui a été reçu dans la gloire." a) Il exalte Jésus-Christ, premièrement, en raison de sa nature divine; secondement, à raison de sa nature humaine (verset 16) : "Qui est que Dieu s’est fait voir dans la chair, etc." Il dit donc (verset 16) : "Et sans doute [c’est quelque chose de grand que ce mystère d’amour], etc." Qui dit mystère, dit un secret sacré. Or, il n’y a rien de si secret que ce que nous portons dans le coeur; combien donc davantage ce qui est dans le coeur de Dieu est-il secret et sacré. (1 Co II, 11) : "Nul ne connaît ce qui est en Dieu, que l’Esprit de Dieu, etc." ; (Isaïe, XXIV, 16) : "Mon secret est pour moi." (Isaïe XLV, 15) : "Oui, Seigneur, vous êtes vraiment le Dieu caché." Ce mystère sacré, c’est le Verbe de Dieu dans le coeur de son Père ; (Psaume XLIV, 2) : "Mon coeur a énoncé une parole excellente." En effet, ce secret est un mystère d’amour, tandis que le secret de l’homme, est quelquefois une chose vaine ; (Psaume XCIV. 11) : "Le Seigneur connaît les pensées des hommes, elles sont vaines." Considéré comme la restauration du monde, c’est donc un mystère d’amour; mais c’est aussi un mystère de grandeur, parce qu’il renferme le vrai Dieu, dont la grandeur est infinie. Ce secret donc, jusque-là caché dans le coeur du Père, s’est fait homme. b) L’Apôtre nous le fait connaître, deuxièmement, quant à la nature humaine. Premièrement, quant à la chair; secondement, quant à l’âme. D’abord quant à la chair, Paul dit (verset 16) : "Mystère qui consiste en ce que Dieu s’est fait voir dans la chair." De même que la parole cachée dans le coeur se manifeste par la parole sensible, le Verbe de Dieu était renfermé dans le coeur de Dieu, mais il s’est manifesté dans la chair ; (Jean, I, 14) : "Et le Verbe s’est fait chair, etc. " Quant à l’âme, il dit (verset 16) : "Il a été justifié par l’Esprit." Or, ceci peut s’expliquer de deux manières : Premièrement, de peur qu’on ne croie que la chair a été conçue la première, Paul dit qu’il n’en est pas ainsi, puisque c’est dans "l’Esprit," c’est-à-dire par le Saint-Esprit, qu’il a été conçu ; (Mt I, 20) : "Ce qui est né en elle, est l’oeuvre du Saint- Esprit" et (Luc, I, 35) : "C’est pourquoi le saint qui naîtra de vous sera appelé le Fils de Dieu ! Il en sera ainsi, parce que le Saint-Esprit surviendra en vous, etc." Secondement, dans l’Esprit-Saint donné à l’homme, et dont il est dit, au chapitre dix- neuvième de Jean (verset 30) : "Il rendit l’Esprit." Ainsi donc ce mystère "a été manifesté dans la chair," mais "par l’Esprit." Et je dis : "Justifié par l’Esprit," parce qu’il est juste, et sans aucune tache. En disant (verset 16) : "Il a été manifesté aux anges," Paul rappelle la manifestation de ce mystère; d’abord celle qui a été faite aux anges; ensuite celle qui a été faite aux hommes (verset 16) : "Prêché aux nations." Il dit donc : ce mystère qui a apparu aux anges, et qui excède même la connaissance des anges. On dit apparaître, de ce qui peut être ou n’être pas vu, et n’est pas dépendant de la puissance de celui qui voit. On ne pourrait donc pas dire : cette pierre m’apparaît; il faut dire : je vois cette pierre. Si donc un ange avait ou dans sa nature, ou dans sa puissance, la faculté de voir le Verbe, on ne dirait pas que le Verbe lui apparaît, mais qu’il voit le Verbe, quand le Verbe le veut. Voilà pourquoi l’Apôtre dit que ce mystère "apparut aux anges," parce que ce ne fut pas par la puissance de leur nature qu’ils le virent. Et c’est une vérité que dès le commencement le Verbe apparut aux anges, quand se tournant vers eux, il les éleva jusqu’à lui. Mais au moment de son incarnation, ils reçurent la révélation d’un grand nombre de mystères, dont ils n’avaient pas eu auparavant la connaissance. C’est ce qui fait dire à Bède, qu’à la naissance du Verbe, il apparut aux anges une clarté, qui jusque-là n’avait jamais été vue par les hommes dans sa vérité. Cela eut lieu de deux manières : d’abord par le ministère des apôtres; ensuite par la connaissance que reçurent les peuples de ce mystère. En effet, dans les temps qui avaient précédé, la vérité était manifestée seulement aux Juifs, mais alors elle brilla aussi pour les Gentils. C’est pourquoi Paul dit (verset 16) : "Qui a été prêché aux nations" ; (Mt XXVIII, 19) : "Allez donc, et instruisez tous les peuples, etc. " ; (Psaume XCV, 3) : "Annoncez sa gloire parmi les pécheurs,". Et avec une grande efficacité, puisque (verset 16) : "Il a été cru dans le monde." C’est aussi ce que le Sauveur demandait dans sa prière (Jean. XVII, 4). Mais ce qui est surtout merveilleux, c’est que tout l’univers a été converti par ces hommes simples, pauvres et impuissants. (1 Co I, 26) : "Il y en a peu de sages, etc. " Et cela (l Co 29) : "afin que nul homme ne se glorifiât devant lui, etc. "

B) En second lieu, Paul fait connaître que c’est la seule vérité de Dieu qui opère ces merveilles, puisque (verset 16) : "Il a été reçu dans la gloire," c’est Jésus-Christ qui, après s’être manifesté, s’est élevé dans les cieux ; (Marc, XVI, 49) : "Le Seigneur Jésus, après leur avoir ainsi parlé, fut élevé dans le ciel." (Pilipp., II, 11) : "Et que toute langue confesse que le Seigneur Jésus-Christ est dans la gloire de Dieu son Père."

 

 

Caput 4

CHAPITRE 4 — Diverses règles sur des aspects extérieurs du ministère

Lectio 1

Leçon 1 — 1 Timothée IV, 1-5 : L'apostasie à venir

 

SOMMAIRE : L’apostasie de la Foi est prédite; ainsi que l’erreur hypocrite de ceux qui condamneront le mariage, et, enseigneront à s’abstenir de certains aliments, comme mauvais de leur nature.

[1] Spiritus autem manifeste dicit quia in novissimis temporibus discedent quidam a fide adtendentes spiritibus erroris et doctrinis daemoniorum

[2] in hypocrisi loquentium mendacium et cauteriatam habentium suam conscientiam

[3] prohibentium nubere abstinere a cibis quos Deus creavit ad percipiendum cum gratiarum actione fidelibus et his qui cognoverunt veritatem

[4] quia omnis creatura Dei bona et nihil reiciendum quod cum gratiarum actione percipitur

[5] sanctificatur enim per verbum Dei et orationem

1. Or l’Esprit dit expressément que, dans les temps à venir, quelques-uns abandonneront la foi, en suivant des esprits d’erreur et des doctrines diaboliques,

2. Enseignées par des imposteurs pleins d’hypocrisie, dont la conscience est noircie de crimes,

3. Qui interdiront le mariage et l’usage des viandes, que Dieu a crées pour être reçues avec action de grâces par les fidèles, et par ceux qui connaissent la vérité.

4. Car, tout ce que Dieu a créé est bon, et on ne doit rien rejeter de ce qui se mange avec action de grâces,

5. Parce qu’il est sanctifié par la parole de Dieu et par la prière.

[87889] Super 1 Tm cap. 4 l. 1 Superius instruxit Timotheum de pertinentibus ad ordinationem Ecclesiae in spiritualibus; secundo quantum ad documentum fidei, cultum Dei, et dispositionem ministeriorum, hic instruit eum de ordinatione Ecclesiae quantum ad exteriora. Et primo quantum ad cibos; secundo quantum ad status hominum et divitias, ibi quicumque sub iugo. Item primo agit de usu ciborum, secundo de dispensatione ciborum, cap. V, ibi viduas honora. Item, primo excludit superstitiosam abstinentiam; secundo praefert pietatem abstinentiae licitae, ibi exerce te. Item, primo praenuntiat falsam doctrinam de illicita abstinentia; secundo instruit eum haec proponere fratribus, ibi haec proponens. Item primo, errorem manifestat; secundo excludit ipsum, ibi quos Deus. Item, primo praenuntiat errorem futurum ex parte deceptorum; secundo ex parte decipientium, ibi in hypocrisi.

Item ponit actorem denuntiationis; secundo fidei defectum, ibi quia in novissimis; tertio causam defectus, ibi attendentes.

Dicit ergo : magnum est pietatis sacramentum quod iustificatum est in spiritu, sed supra hoc sacramentum spiritus sanctus aliquid praenuntiat futurum. Ad eum enim pertinet revelare mysteria. II Cor. XV, v. 2 [?] et Io. XVI, 13 : quae ventura sunt, annuntiabit vobis. Spiritus ergo praenuntiat prius secreta in corde patris futura. Sed olim loquebatur in similitudinibus. Num. XII, v. 6 : si quis fuerit inter vos propheta domini, in visione apparebo ei, vel per somnium loquar ad illum. Os. XII, 10 : ego visionem multiplicavi, et in manu prophetarum assimilatus sum. Sed in novo testamento spiritus sanctus manifeste dicit. Io. XVI, 25 : et palam de patre meo annuntiabo vobis.

Et praenuntiat defectum fidei futurum; unde dicit in novissimis temporibus, et cetera. Novissimum tempus dicitur ultima aetas, quia nos sumus in quos fines saeculorum devenerunt. Tamen in hoc tempore amplius novissimum est, quanto magis propinquum novissimae diei. Et sicut in primitiva Ecclesia, propter propinquitatem ad Christum et sacramenta recenter instituta, fuit ferventissima fides, sic in novissimis temporibus, in comparatione ad tempus apostolorum, discedent quidam a fide, quia carnales erunt, sed magis in fine abundabunt errores. Gen. XLIX, 1 : congregamini, ut annuntiem quae ventura sunt vobis novissimis diebus, et cetera. Causa defectus est duplex : una ex parte Diaboli seducentis. II Cor. XI, 3 : timeo ne sicut serpens Evam seduxit astutia sua, et cetera. Et ideo dicit attendentes spiritibus erroris, scilicet Daemonibus, quorum est officium in errorem mittere. Io. VIII, 44 : mendax est, et pater eius. III Reg. ult. : egrediar, et ero spiritus mendax, et cetera. Et dicit spiritibus, quia Daemon maior multos habet ministros. Sed quomodo attendent eis? Numquid eos videbunt? Non, sed loquentur in eis. Et ideo addit secundam causam, scilicet falsam doctrinam. Et secundum Glossam dicit hic falsos doctores, Daemones, nec immerito. Sicut enim boni homines interdum dicuntur Angeli, sic isti propter excellentem malitiam Daemones dicuntur. Io. VI, 71 : nonne ego duodecim vos elegi? Et unus est ex vobis Diabolus.

Ex parte decipientium est duplex causa : una, eorum falsitas; alia, perversitas conscientiae eorum. Quantum ad primum dicit Daemoniorum, id est, hominum a Daemone possessorum, et horum dico loquentium mendacium. Ier. c. XXIII, 26 : usquequo istud est in corde prophetarum vaticinantium mendacium, et prophetantium seductiones cordis sui?

Et nota quod per mendacium simplex absque pallio apparentiae, non posset aliquis decipere quempiam. Et ita hi neminem possent fallere, nisi praetenderent aliquod pallium, vel bonae intentionis, vel simulationis, vel falsae auctoritatis. I Cor. III, 18 : nemo vos seducat, et cetera. II Tim. III, 5 : habentes quidem speciem pietatis, id est, fictam pietatem. Et Daemoniorum, dico, habentium conscientiam cauteriatam. Cauterium est corruptio in carne per ignem, ex qua egreditur continue putredo. Ita ex igne perversae voluntatis, irae, odii, concupiscentiae, ulceratur conscientia, et Daemoniorum egreditur falsa doctrina. Tit. I, v. 15 : coinquinatae sunt eorum mentes.

Deinde ostendit quae sit ista falsa doctrina, et tangit haeresim Manichaeorum, qui damnant matrimonium, contra illud Matth. XIX, 6 : quos Deus coniunxit, homo non separet; I Cor. VII, 36 : mulier non peccat si nubat. Item Manichaei prohibent usum ciborum, id est, mandant abstinere a cibis. Abstinere autem a cibis potest quis licite intentione domandi carnem, sicut Timotheus abstinebat a vino, vel propter scandalum, sicut dicit apostolus I Cor. VIII, 13 : si esca scandalizat fratrem meum, non manducabo carnes in aeternum. Item illicite : uno modo propter legis praeceptum, quasi legalia adhuc essent servanda, contra quod loquitur ad Gal. II. Alio modo secundum haeresim Manichaeorum, non quia prohibitum lege (quam damnant), sed quia dicunt quod in carnibus, ovis, et vino, et huiusmodi, id est, in aliqua talium particula, divina natura est commixta, quod non potest de Deo putari.

Non videtur autem hoc dicere de cibis legalibus, quia dicit in novissimis diebus, sed de prohibitis a Manichaeis. Et istos Manichaeos Daemones vocat, quia inter omnes haereses plus dant Diabolo de honore, quia ponunt eum principium ex aequo cum Deo bono, ponentes eum principium visibilium.

Improbat autem apostolus hanc erroneam doctrinam dupliciter, scilicet ex intentione Dei creantis cibos; secundo ex conditione creaturae, ibi omnis creatura. Dicit ergo quod prohibent abstinere, et hoc contra intentionem Dei, qui creavit eos ad percipiendum. Gen. IX, 3 : sicut olera virentia dedi vobis omnia, et cetera.

Sed dicis : numquid plantae propter animalia, et animalia propter homines? Respondeo. Dicendum est quod sic, secundum etiam philosophum in I Polit., quia imperfectum ordinatur ad perfectius. Et ideo sicut in generatione est multiplex perfectio : primo scilicet plantarum, deinde animalium, et ultimo humana, ita in usu rerum. Et ideo ad percipiendum, sed cum gratiarum actione. I Thess. ult. : in omnibus gratias agite; quia scilicet concessa sunt vobis a Deo. Ps. XXI, 26 : edent pauperes, et cetera. Et subdit fidelibus, quia illi qui percipiunt cum gratiarum actione, sunt fideles. Nullus enim potest gratias agere Deo in eo quod illicitum est. Stultus enim est qui agit gratias de fornicatione Deo, quia Deus non est actor malorum. Ergo ille gratias agit qui habet hoc, quod usus ciborum sit licitus. Et hoc quidem innotescit per fidem solam. Et ex ista ratione dicit fidelibus.

Deinde cum dicit qui cognoverunt veritatem, quia omnis, etc., improbat errorem ex conditione creaturae. Et primo proponit creaturam esse bonam secundum se; secundo quantum ad usum. Dicit ergo omnis creatura est bona, scilicet in sua natura. Gen. I, 31 : vidit Deus cuncta quae fecerat, et erant valde bona. A bono etiam actore nihil est nisi bonum.

Sed quia multa sunt in se bona, quorum tamen usus non est bonus, ideo probat omnem creaturam esse bonam non solum in se sed et quantum ad usum. Et primo ponit intentum, secundo probat, ibi sanctificatur enim.

Dicit ergo nihil reiiciendum est, scilicet ex debito divinae legis, quamvis ex alia causa : sicut venenum comedere, inquantum cibus non est peccatum, sed reiiciendum est inquantum est mortiferum. Similiter nec alii cibi, inquantum res tales sunt, non sunt reiiciendi, sed inquantum incitant ad lasciviam. Ergo secundum discretionem rationis, et ordinationem charitatis, non sunt reiiciendi. Matth. XV, 11 : omne quod intrat in os, non coinquinat hominem, et cetera.

Quare ergo aliqui cibi in veteri lege sunt prohibiti? Augustinus ponit rationem contra Faustum, quia in illo statu, non solum per verba, sed etiam per acta praefiguratus est Christus. Et ideo in cibis, vestibus et sacrificiis fuerunt figurae futuri status. Non ergo prohibentur secundum se, sed quia immundorum figurae sunt, sicut porcus est signum immundae vitae. Et ideo prohibitio carnis eius est signum quod in lege Christi est prohibita omnis immunditia. Et est exemplum Augustini. Hoc nomen fatuus potest considerari secundum quod est vox composita ex litteris, et sic est bona, vel inquantum signum et significativa talis rei, et sic mala est et prohibita. Omnis ergo creaturae usus secundum se est bonus.

Cuius ratio est, quia si esset malus, hoc non posset esse nisi inquantum Diabolus, post peccatum hominis, accepisset potestatem super eos : quia ex quo homo peccavit, accepit in hominem potestatem, et in ea quae sunt eius. Sed per Christum est ablata haec potestas, et haec vocatur sanctificatio. Unde omnia quaecumque benedicimus exorcizantur primo, et ibi est oratio expellens Diabolum. Et ideo dicit sanctificatur enim per verbum Dei, id est, per Christum, qui omnes sanctificat, Io. XVII, 9, et per orationem fidelium. Iac. : multum valet deprecatio iusti assidua.

Paul a instruit plus haut Timothée des règles concernant l’ordination ecclésiastique, par rapport aux choses spirituelles, et ensuite de l’enseignement de la foi, du culte de Dieu, et des dispositions requises pour les ministères. Il l’instruit ici des règles qui se rapportent aux choses extérieures. Et d’abord aux aliments; ensuite aux états divers et à l’emploi des richesses, (ci-dessus, IV, I) : "Que tous les serviteurs qui sont sous le joug,, etc." Il traite donc premièrement de l’usage des aliments; secondement, de leur distribution (ci-après, V, 3) : "Honorez les veuves, etc." Sur le premier de ces points, il condamne d’abord une abstinence superstitieuse; il établit ensuite la prééminence de la piété sur l’abstinence même licite (verset 7) : "Exercez vous à la piété, etc." Il expose donc en premier lieu la doctrine erronée de l’abstinence condamnable; en second lieu, il charge Timothée de développer ces enseignements aux frères (verset 6) : "Enseignant ceci à nos frères." Il fait donc, premièrement, connaître l’erreur; secondement, il la condamne (verset 3) : "[Des viandes] que Dieu a créées, etc. "

Il annonce l’erreur qui doit venir, la considérant d’abord du côté de ceux qui seront trompés; ensuite du côté des séducteurs, (verset 2) : "[Enseignées par des imposteurs] pleins d’hypocrisie.

Il fait connaître, premièrement, celui qui dénonce ces erreurs; secondement, l’abandon de la foi (verset.1) : "Que dans les derniers temps, etc." troisièmement, la cause de cet abandon, (verset 1) : "Suivant des esprits d’erreur, etc."

Il dit donc (ci-dessus, III 16) : Et sans doute c’est quelque chose de grand que ce mystère d’amour, qui a été justifié par le Saint-Esprit, mais l’Esprit- Saint lui-même nous annonce des choses qui doivent arriver à l’occasion de ce mystère même. Car c’est à lui qu’il appartient de révéler les mystères. (1 Co XV, 28) et (Jean, XVI, 13) : "Il vous annoncera les choses à venir." Le Saint-Esprit révèle donc les choses à venir, cachées d’abord dans le coeur du Père. Mais il parlait autrefois par similitudes ; (Nombres, XII, 6) : "S’il se trouve parmi vous un prophète du Seigneur, je lui apparaîtrai en vision, et je lui parlerai en songe" ; (Osée, XII, 10) : "C’est moi qui ai parlé aux prophètes par un grand nombre de visions; et, par l’intermédiaire des prophètes, j’ai parlé en paraboles." Mais dans le Nouveau Testament (verset 1) : "L’Esprit de Dieu manifeste clairement". (Jean, XVI, 25) : "Je vous parlerai ouvertement de mon Père."

Il annonce pour l’avenir la défection de la foi. L’Apôtre dit donc (verset 4) : "Dans les derniers temps, etc." On appelle derniers temps le dernier âge, parce que nous nous trouvons, nous, à la fin des temps. Toutefois, dans ce temps, celui-là est d’autant plus le dernier, qu’il est plus proche du dernier jour. Et de même que dans la primitive Eglise, en raison de la proximité de Jésus-Christ dans le temps, et de la récente institution des sacrements, la foi était pleine de ferveur, ainsi dans les derniers temps, par comparaison avec celui des apôtres, « quelques-uns abandonneront la foi », parce qu’ils deviendront charnels. Mais à la fin surtout, l’erreur se multipliera ; (Gen., XLIX, 1) : "Assemblez-vous, afin que je vous annonce ce qui doit vous arriver dans les derniers temps, etc." Or, il y a deux causes à cette défection. L’une venant du démon qui séduit (II Corint XI, 3) : "J’appréhende qu’ainsi que le serpent séduisit Éve par ses artifices, etc." L’Apôtre dit donc (verset 1) : "Suivant les esprits d’erreur," c'est-à-dire les démons dont l’office est de précipiter dans l’erreur ; (Jean, VIII, 44) : "Il est menteur, et le père du mensonge" ; (III Rois XXII, 22) : "J’irai et je serai un esprit menteur dans la bouche de tous ses prophètes, etc. " Paul dit : "Des esprits," parce que le chef des démons a sous ses ordres des ministres nombreux. Mais comment suivront-ils ces esprits ? Les verront-ils ? Nullement. Mais les démons parleront en eux. Voilà pourquoi l’Apôtre indique la seconde cause, à savoir, la fausse doctrine ; et suivant la Glose, il donne aux faux docteurs le nom de démons, et ce n’est pas à tort. Car de même qu’on donne quelquefois aux hommes de bien le nom d’anges, ceux-ci, à raison de leur profonde malice, sont appelés démons ; (Jean, VI, 71) : "Ne vous ai-je pas choisis, vous les douze; et néanmoins un de vous est un démon!"

II. Du côté des séducteurs, il y a aussi deux causes. La première est leur duplicité; la seconde, la perversité de leur conscience. De la première de ces causes, l’Apôtre dit (verset 11) : "Les doctrines des démons," c’est-à-dire d’hommes possédés par les démons. De ces doctrines je dis (verset 2) : "[Qu’elles sont enseignées par] des imposteurs pleins d’hypocrisie" ; (Jérémie, XXIII, 26) : "Jusqu’à quand cette imagination sera-t-elle dans le coeur des prophètes qui prophétisent le mensonge en mon nom, et dont les prophéties ne sont que les séductions de leur cœur ?" Remarquez que par le mensonge simple, dépouillé du manteau de l’ apparence qui le couvre, on ne parviendrait à séduire personne. Ces faux docteurs ne viendraient pas à bout de tromper s’ils n’étendaient pour ainsi dire sur leur doctrine, le voile de la bonne intention, ou de la dissimulation, ou de quelque autorité prétendue. (1 Co III, 18) : "Que personne ne vous séduise, etc." ; (II Timoth., III, 5) : "Ils auront une apparence de piété," c'est-à-dire une piété feinte. Je dis de ces démons (verset 2) : "Que leur conscience est cautérisée." On appelle cautère une altération produite par le feu dans la chair, et d’où sort continuellement une sorte de pourriture. Ainsi par le feu de la volonté perverse, de la colère, de la haine, de la convoitise, la conscience s’ulcère, et on en voit sortir la doctrine mensongère des démons. (Tite I, 15) : "Leur intelligence et leur conscience sont impures." Paul explique ensuite quelle est cette doctrine de mensonge, et touche en passant l’hérésie des manichéens[5] qui condamnent le mariage, contrairement à ce qui est dit en Matthieu (XIX, 6) : "Que l’homme ne sépare pas ceux que Dieu a unis" ; (l Co VII, 36) : "La femme ne pèche pas si elle se marie." Les Manichéens condamnent aussi l’usage des viandes, c’est-à-dire ordonnent de s’en abstenir. On peut sans doute s’abstenir licitement de l’usage des viandes, avec l’intention de mortifier la chair, ainsi que Timothée le pratiquait, à l’égard du vin, ou pour éviter de scandaliser comme le dit l’Apôtre lui-même (1 Co VIII, 13) : "Si ce que je mange scandalise mon frère, je ne mangerai plutôt jamais de chair." On peut aussi s’en abstenir illicitement. D’abord par obéissance à la Loi, comme si les observances légales étaient encore obligatoires, malgré tout ce qui est dit dans l’Epître aux Galates, ch. 2; ensuite, en adoptant l’hérésie des Manichéens, c’est-à-dire en s’en abstenant non parce que l’usage en est défendu par la Loi, puisque ces hérétiques condamnent la Loi, mais parce que, disent-ils, dans la chair, les oeufs, le vin et toute autre nourriture de ce genre, la nourriture divine se trouve mêlée à quelque partie de ces aliments; ce qu’on ne saurait penser de Dieu. Il ne semble pas que l’Apôtre ait en vue les viandes prohibées par la Loi, puisqu’il dit : "dans les derniers temps," mais des aliments interdits par les Manichéens. Il donne à ces hérétiques le nom de Démons, parce que de tous les hérétiques, ce sont eux qui accordent au démon le plus d’honneur, car le reconnaissant comme principe, sur pied d’égalité avec Dieu, le bon principe, ils regardent Satan comme le principe des choses visibles.

II° L’Apôtre condamne cette doctrine erronée par deux raisons, prises l’une du côté de Dieu qui a créé ces aliments, l’autre du côté de la condition de la créature (verset 4) : "Car tout ce que Dieu a créé est bon."

I. Il dit donc qu’ils interdisent l’usage de ces aliments, et que cette défense est contre l’intention de Dieu, qui « a créé ces aliments afin qu’on pût en user » ; (Gen., I, 21 et IX, 3) : "[Je vous ai abandonné toutes ces choses pour être votre nourriture], comme les légumes et les herbes de la campagne, etc. "

On objecte : les plantes sont-elles donc pour les animaux, et les animaux pour l’homme ? Nous répondons qu'il en est ainsi, même suivant le philosophe (« I Politique »), par la raison que ce qui est imparfait est ordonné à ce qui est plus parfait. De même donc que dans la génération, il y a plusieurs degrés de perfection, d’abord celle des plantes, ensuite celle des animaux, et enfin celle de l’homme, ainsi il en est de même de l’usage des choses ; voilà pourquoi Paul dit que Dieu les a créés « pour être reçus » (verset 3) : "mais avec actions de grâces" ; (I Thessal., V, 18) : "Rendez grâces à Dieu en toutes choses," parce que toutes choses vous ont été données par Dieu ; (Psaume XXI, 27) : "Les pauvres mangeront, etc." L’Apôtre ajoute (verset 3) : "Car les fidèles," parce que ceux qui en usent avec action de grâces, sont fidèles. Nul, en effet, ne peut rendre à Dieu des actions de grâces pour ce qui est illicite. Car c’est être insensé de rendre grâces de sa fornication, parce que Dieu n’est pas l’auteur du mal. Celui-là donc rend grâces qui croit que l’usage de ces aliments est licite. Or, la foi seule donne cette assurance, et c’est pour cette raison que l’Apôtre dit (verset 3) : "Car les fidèles."

II. Quand il ajoute (verset 3) : "Et par ceux qui connaissent la vérité, car (verset 4) tout [ce que Dieu a créé est bon]," il condamne l’erreur par une raison tirée de la condition même de la créature. Et d’abord il établit en principe que la créature est bonne en soi; ensuite qu’elle est bonne quant à l’usage qu’on en fait.

Il dit donc (verset 4) : "Tout ce que Dieu a créé est bon, à savoir, dans sa propre nature ; (Gen., I, 31) : "Dieu vit toutes les choses qu’il avait faites, et elles étaient très bonnes." Car d’un bon auteur il ne peut rien sortir que de bon.

Mais comme beaucoup de choses sont bonnes en elles-mêmes mais que leur usage n’est pas bon, Paul prouve que toute créature est bonne non seulement en soi, mais encore quant à l’usage. Il énonce donc d’abord ce qu’il veut établir; ensuite il le prouve (verset 5) : "Parce qu’il est sanctifié [par la parole de Dieu.]"

1. Il dit donc (verset 4) : "On ne doit donc rien rejeter, etc. " c’est-à-dire à raison de ce qu’on doit à la loi divine, bien qu’on puisse le faire pour un autre motif. Avaler, par exemple, du poison, en tant que ce poison est un aliment, ce n’est pas un péché, mais on doit le repousser en tant qu’aliment mortel. De même, les autres aliments, en tant qu’aliments, ne doivent pas être rejetés, mais en tant qu’ils conduisent à des excès. Donc, soit en raison du discernement qu’en fait la raison, soit en raison de l’ordre de la charité, ils ne doivent pas être repoussés ; (Mt XV, 11) : "Tout ce qui entre dans la bouche, ne souille pas l’homme, etc. "

Pourquoi donc certains aliments étaient-ils défendus dans la loi ancienne ? Augustin, argumentant contre Faustus, en donne la raison. C’est que dans cet état, non seulement les paroles, mais les actions étaient la figure de Jésus-Christ. Il y avait, dans les aliments, les vêtements, les sacrifices, des figures de l’état à venir. Ces viandes ne sont donc pas interdites en soi, mais parce qu’elles sont la figure de choses immondes, comme le porc, par exemple, est le signe d’une   vie corrompue. L’interdiction de la chair de cet animal annonçait donc que dans la loi de Jésus-Christ toute impureté est défendue. C’est l’exemple qu’apporte Augustin. Ce terme : « insensé » (fatuus) peut être considéré comme un mot composé de lettres : dans ce sens il est bon, ou comme signe et expression de telle chose : dans cet autre sens il est mauvais et interdit. Tout usage de la créature, en soi, est donc bon.

2. La raison en est, que si tel aliment était mauvais, ce ne pourrait être qu’autant que le démon, après le péché de l’homme, aurait reçu pouvoir sur cet aliment, en ce sens que depuis le péché de l’homme, il a reçu pouvoir sur l’homme et sur tout ce qui appartient à l’homme. Mais Jésus-Christ a brisé sa puissance, et c’est ce qu’on appelle sanctification. Voilà pourquoi tout ce que nous bénissons est exorcisé d’abord, et pourquoi nous récitons d’abord une prière pour chasser le démon. C’est ce qui fait dire à Paul (verset 6) : "Car ce qui est sanctifié par la parole de Dieu," c’est-à-dire par Jésus-Christ qui sanctifie tout ; (Jean, XVII, 19) : "Et par la prière" des fidèles ; (Jacques V, 16) : "Car la prière du juste peut beaucoup quand elle est assidue."

 

 

Lectio 2

Leçon 2 — 1 Timothée IV, 6-10 : La piété, le devoir d'enseignement

 

SOMMAIRE : L’Apôtre recommande à Timothée la piété, comme devant être pratiquée partout. Il lui confie, à raison de sa charge, le soin d’enseigner ce qu’il vient d’écrire.

[6] haec proponens fratribus bonus eris minister Christi Iesu enutritus verbis fidei et bonae doctrinae quam adsecutus es

[7] ineptas autem et aniles fabulas devita exerce te ipsum ad pietatem

[8] nam corporalis exercitatio ad modicum utilis est pietas autem ad omnia utilis est promissionem habens vitae quae nunc est et futurae

[9] fidelis sermo et omni acceptione dignus

[10] in hoc enim laboramus et maledicimur quia speravimus in Deum vivum qui est salvator omnium hominum maxime fidelium

6. Enseignant ceci aux frères, vous serez un bon ministre du Christ, vous nourrissant des paroles de la foi et de la bonne doctrine que vous avez apprise.

7. Fuyez les fables impertinentes et puériles, et exercez-vous à la piété.

8. Car les exercices corporels servent à peu de chose; mais la piété est utile à tout, et c’est à elle que les biens de la vie présente et ceux de la vie future ont été promis.

9. Ce que je vous dis est une vérité certaine, et digne d’être reçue avec une entière soumission.

10. Car ce qui nous porte à souffrir tous les maux et toutes les malédictions dont on nous charge, c’est que nous espérons au Dieu vivant, qui est le sauveur de tous les hommes et principalement des fidèles.

[87890] Super 1 Tm cap. 4 l. 2 Supra reprobavit superstitiosam ciborum abstinentiam, hic mandat Timotheo ut doctrinam praemissam proponat fidelibus, et primo ostendit quid debet proponere; secundo quid debet vitare, ibi ineptas autem.

Proponit ergo duas rationes quare debet proponere praemissa : unam ex commisso sibi officio; secundam ex eius educatione.

Dicit ergo haec, quae dixi supra, scilicet quod omnis creatura est bona et quod nihil reiiciendum, etc., proponens, et cetera. Timotheus enim constitutus erat in officio ministerii Christi, quia omnes habentes officium praedicandi et regendi constituuntur ministri Christi. I Cor. IV, 1 : sic nos existimet homo ut ministros Christi, et cetera. Ille autem est bonus minister qui sequitur intentionem domini sui. Christus autem hoc docuit : Matth. c. XV, 11 : nihil quod intrat in os coinquinat. Et ideo hoc officium requirit illud docere. Item ipsa educatio hoc requirit. Prov. XXII, 6 : adolescens iuxta viam suam, etiam cum senuerit, non recedet ab ea. Et ideo inconveniens est quod aliqui nutriti veritate doctrinae recedant ab ea. Unde recedens a doctrina, qua Ecclesia suos parvulos instruit, non est bonus minister Christi. Et ideo dicit enutritus verbis fidei, et cetera. Verbum enim Dei est spirituale nutrimentum quo sustentatur anima, sicut corpus per cibum. Matth. IV, 4 : non in solo pane vivit homo, sed in omni verbo quod procedit de ore Dei. Hoc verbum fidei instruit primo circa credenda, et sic dicit enutritus verbis fidei, secundo circa agenda, et sic subiungit et bonae doctrinae. Vel fidei verbum, quod et simplices habent, et bonae doctrinae, quam spirituales magistri.

Deinde cum dicit ineptas, etc., ostendit quid vitandum sit, quia fabulae ineptae et inanes. Fabula enim secundum philosophum est composita ex miris, et fuerunt in principio inventae ut dicit philosophus in poetria, quia intentio hominum erat ut inducerent ad acquirendum virtutes, et vitandum vitia. Simplices autem melius inducuntur repraesentationibus quam rationibus. Unde in miro bene repraesentato videtur delectatio, quia ratio delectatur in collatione. Et sicut repraesentatio in factis est delectabilis, ita repraesentatio in verbis : et hoc est fabula, scilicet dictum aliquod repraesentans, et repraesentando movens ad aliquid. Antiqui enim habebant aliquas fabulas accommodatas aliquibus veris, qui veritatem occultabant in fabulis. Duo ergo sunt in fabula, quod scilicet contineat verum sensum, et repraesentet aliquid utile. Item quod conveniat illi veritati. Si ergo proponatur fabula, quae non potest repraesentare aliquam veritatem, est inanis; sed quae non proprie repraesentat, est inepta, sicut fabulae de Thalmuth.

Deinde cum dicit exerce, etc., exclusa superstitiosa abstinentia, hic comparat abstinentiam virtuosam aliis virtutibus. Et sciendum est quod Timotheus erat homo valde abstinens. Unde dicit infra V, 23, quod modico vino utatur, et forte ut sit sollicitus de his quae ad misericordiam pertinent, quia qui non parcunt sibi, frequenter nec aliis parcunt. Et ideo inducit eum ut pietatem praeferat abstinentiae. Et primo inducit eum ad pietatem; secundo praefert eam abstinentiae, ibi nam corporalis; tertio confirmat quoddam dictum, ibi promissionem; quarto dat formam docendi pietatem, ibi praecipe haec.

Dicit ergo exerce teipsum ad pietatem. Pietas est, per quam parentibus patriaeque benevolentiae officium impedimus, sicut religio, per quam cultum debitum Deo exhibemus. Pietas enim importat quamdam affectionem ad suum principium. Principium autem generationis est pater et patria. Et ideo oportet quod homo circa eos sit benevolus. Pater autem omnium est Deus. Mal. c. I, 6 : si ego pater, ubi est honor meus? Et ideo nomen pietatis est derivatum ad cultum Dei, ut dicit Augustinus IV de Civ. Dei. Unde eusebia est idem quod pietas. Iob c. XXVIII, 28 : ecce pietas ipsa est sapientia, secundum aliam translationem, ubi nostra sic habet : ecce timor domini ipsa est sapientia. Tit. I, 1 : in agnitione veritatis, quae est secundum pietatem. Sed quantum ad terrenam pietatem, competit pietati ut homo sit benevolus compatriotis; sed quantum ad Christianam pietatem requiritur, ut homo omnibus hominibus sit benevolus, quia omnes sumus eiusdem patriae. Et ideo pietas sumitur pro misericordia. Cum ergo dicit exerce teipsum ad pietatem, potest accipi secundum quod pertinet ad cultum Dei, et ad opera misericordiae exhibenda. Glossa : ad pietatem, id est, ad cultum omnipotentis Dei, et opera misericordiae. Et dicit exerce, non fac, quia exercitium dicit promptitudinem; et hoc ideo, quia exercitatus facit levius, delectabilius, et stabilius. Prov. XXIV, 27 : diligenter exerce agrum tuum.

Deinde cum dicit nam corporalis exercitatio ad modicum utilis est, praefert eam abstinentiae. Et primo ostendit ad quid valet exercitatio corporalis; secundo ad quid pietas, ibi pietas autem. Corporalis exercitatio ieiunii et huiusmodi in sua natura non sunt bona, sed poenalia, et si homo non peccasset, nihil horum fuisset, sed sunt bona medicinalia. Sicut enim reubarbarum est bonum inquantum relevat a colera, sic et ista inquantum comprimunt concupiscentias; ergo ad istud modicum sunt utilia. I Cor. IX, 27 : castigo corpus meum et in servitutem redigo, et cetera. Col. III, v. 5 : mortificate membra vestra, quae sunt super terram. Et ideo si homo esset in statu, in quo non posset peccare, non indigeret ieiunio et huiusmodi. Unde Chrysostomus super illud Matth. XVI : venit Iesus, etc., dicit : Ioannes purus homo indigebat medicina ieiunii : Christus Deus erat et non purus homo, et ideo huiusmodi non indigebat.

Ergo ad modicum utilis est, quia tantum ad morbum peccati carnalis, non spiritualis, quia aliquando propter abstinentiam homo iracundiam, inanem gloriam, et huiusmodi incurrit.

Deinde cum dicit pietas autem, praefert abstinentiae pietatem, et accipitur hic utroque modo, scilicet pro cultu Dei, et misericordia. Et est ad omnia utilis, quia ad omnia peccata delenda. Eccli. III, 33 : ignem ardentem extinguit aqua, et eleemosyna resistit peccatis. Item ad bona promovenda. Eccli. XVII, 18 : eleemosyna hominis quasi sacculus, et cetera. Item promeretur specialem Dei misericordiam. Matth. V, 7 : beati misericordes, quoniam ipsi misericordiam consequentur. Et ideo ad hoc designandum dominus Matth. XXV, 34, specialiter commemorat opera misericordiae.

Quod probat subdens promissionem habens.

In praeceptis enim Decalogi unum solum invenitur, quod pertinet ad pietatem, scilicet honorare patrem et matrem, et sub illo continentur omnia praecepta, ad quodcumque beneficium impendendum proximo; et hoc est solum praeceptum, inter ea quae sunt ad proximum, habens promissionem, scilicet ut sis longaevus, etc., Ex. XX, v. 12. Et apostolus hic interpretatur longaevus secundum vitam praesentem, et futuram; unde dicit vitae quae nunc est et futurae. Prov. III, 16 : longitudo dierum in dextra eius.

Sed tunc est quaestio, quia aliquando invenitur aliquis pietatem sequens, qui tamen non est longaevus. Respondeo. Sicut dicit philosophus, haec bona temporalia intantum sunt bona, inquantum utilia ad felicitatem. Unde si quis haberet tantum de temporalibus quod propter ipsa impediretur a bono virtutis et felicitatis, hoc non esset sibi ad bonam fortunam, sed ad malam, ut dicitur X Ethic. Et longitudo vitae est unum de temporalibus, intantum bonum, inquantum coadiuvat ad virtutem. Aliquando autem est occasio ad peccandum, et ideo Deus aliquando subtrahit eam homini, non quia deficiat a promissione, sed quia dat quod melius est. Sap. IV, 11 : raptus est, ne malitia immutaret intellectum eius.

Alia est quaestio, quia apostolus praefert pietatem corporali exercitationi, quia habet spem vitae praesentis et futurae. Sed numquid corporalis exercitatio non habet spem? Alias ieiunans non mereretur vitam aeternam. Respondeo. Quando duae virtutes sunt et una continet aliam, illud quod est superioris virtutis per se, competit per accidens inferiori; virtus autem cui competit per se mereri vitam aeternam, est charitas, cuius proprius et immediatus effectus est pietas. Et ideo secundum propriam rationem attingit ad merendam vitam aeternam. Abstinentia autem non, nisi inquantum ordinatur ad charitatem et pietatem, quia si ieiunans non refert hoc ad dilectionem Dei, non meretur vitam aeternam.

Tertia quaestio est, quia dicit hic Ambrosius in Glossa : omnis summa disciplinae Christianae in misericordia et pietate est, quam aliquis sequens, si lubricum carnis patiatur, sine dubio vapulabit, non tamen peribit. Ubi primo est dubium de prima eius parte, quia misericordia et pietas immediate ordinantur ad charitatem, in qua est summa Christianae religionis.

Respondeo. Quorumdam fuit opinio, sicut Augustinus dicit X de Civ. Dei, quod exercentes pietatis opera, quantumcumque faciant peccata carnalia, finaliter non pereunt aeternaliter. Et ad hoc est auctoritas ista. Item quod habetur Matth. XXV, 41, ubi damnandis solum improperat defectum misericordiae; ergo debetur poena aeterna solum immisericordibus. Augustinus autem dicit contrarium, quia apostolus dicit : quia talia agunt, regnum Dei, et cetera. Quantumcumque enim exercitetur quis in misericordia, si in morte est in peccato mortali, non intrabit in regnum. Ad opposita dicendum est, quod non est misericors qui sibi non miseretur, secundum illud Eccli. XXX, 24 : miserere animae tuae placens Deo; et hoc fit si homo coniungatur Deo per amorem, alias non est misericors. Ad illud Evangelii respondet Augustinus quod non quicumque peccat detruditur in Infernum statim, quia remanet ei locus poenitentiae; sed ille detruditur, qui finaliter moritur in peccato, et pertinet poenitentia ad misericordiam.

Sed quid dicit : si lubricum, et cetera? Respondeo. Dicendum est, quod loquitur de lubrico mortali. Et quod dicit : non peribit, licet hoc non sit ex condigno, tamen est ex congruo, inquantum disponitur animus ad bonum; unde dominus post lapsum hominem reparat. Et hoc praecipue videtur esse in pietate, quia homo benefaciendo aliis, inducit alios ad orandum pro se : et dominus donat aliquando veniam peccatoribus precibus sanctorum, inquantum impetratur eis venia peccatorum et donum gratiae, quia homo potest mereri ex congruo alteri primam gratiam, alias pro nihilo oraret Ecclesia pro peccatoribus.

Deinde cum dicit fidelis sermo, ostendit quod promittitur nobis futura vita, et primo ostendit hoc ex labore sanctorum; secundo ex eorum spe, ibi quia speramus; tertio ex benignitate Dei, ibi qui est.

Dicit ergo sermo, quod scilicet pietas habet promissionem, est fidelis. Quod supra expositum est. Et quare? In hoc enim, id est, propter hoc, ut consequamur vitam aeternam, laboramus. II Tim. II, 6 : laborantem agricolam oportet primum de fructibus percipere. Item ut benefaciamus, licet mala sustineamus; unde dicit benedicimus et maledicimur. Iac. I, 4 : patientia opus perfectum habet; et Rom. V, v. 3 : patientia probationem operatur, et cetera.

Et sustinemus propter spem vitae, quia speramus in Deum vivum, qui est salvator vitae praesentis et futurae. Item ex officio Dei, cuius est salvare. Is. c. XLIII, 11 : non est absque me salvator. Et ideo incarnatus est Deus, et vocatus est Iesus. Matth. I, 21 : ipse enim salvum faciet populum suum a peccatis eorum. Et Iesus idem est quod salvator, quia salvat, salute corporali, quo ad omnes; et ideo dicit omnium hominum. Item spirituali quo ad bonos; et ideo dicit et maxime fidelium.

L’Apôtre après avoir réprouvé, dans ce qui vient d’être dit, toute abstinence superstitieuse des aliments, recommande ici à Timothée d’enseigner aux fidèles la doctrine qui a été exposée. Il rappelle d’abord ce qu’il doit enseigner; ensuite ce qu’il doit éviter (verset 7) : "Fuyez les fables impertinentes."

I. Il lui propose donc deux raisons qui l’obligent à enseigner ce qui a été expliqué. La première est la charge qui lui est confiée; la seconde, son éducation.

Il dit donc : "Ces enseignements" que je vous ai donnés plus haut, à savoir, que « tout ce que Dieu a créé est bon », et qu’ on « ne doit rien rejeter, etc. » (verset 6) : "en les proposant, etc. " Timothée avait, en effet, reçu l’office de ministre de Jésus-Christ parce que tous ceux qui sont chargés d’annoncer l'Evangile et de conduire les fidèles, sont par là établis ministres de Jésus-Christ ; (1 Co IV, 1) : "Que les hommes nous considèrent comme les ministres de Jésus-Christ, etc." Or, un bon ministre suit l’intention de son maître; et c’est là ce que Jésus-Christ a enseigné : (Mt XV, 11) : "Rien de ce qui entre dans la bouche ne souille l’homme." Le ministère qui vous a été confié exige donc que vous enseigniez la même doctrine. Votre éducation l’exige aussi ; (Prov., XXII, 6) : "Le jeune homme suit sa première voie; dans sa vieillesse même il ne la quittera pas." II est inconvenant, en effet, qu’après avoir été nourri de la vérité d’une doctrine, on s’en écarte ensuite. Celui qui le fait et s’écarte de celle dont l’Eglise nourrit ses enfants, n’est plus un bon ministre de Jésus-Christ. C’est ce qui fait dire à Paul (verset 6) : "Nourri vous-même des paroles de la foi, etc." Car la parole de Dieu est comme un aliment spirituel qui sustente l’âme, ainsi que la nourriture soutient le corps ; (Mt IV, 4) : "L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu." Or, cette parole de la foi instruit d’abord de ce qu’il faut croire; c’est pourquoi l’Apôtre dit (verset 6) : "Nourri des paroles de la foi" ; ensuite de ce qu’il faut faire, et il ajoute : (verset 6) : "Et de la bonne doctrine [que vous avez apprise]." Ou bien encore "la parole de la foi" que les simples eux-mêmes possèdent, et "la bonne doctrine", réservée aux maîtres spirituels.

II. Quand Paul dit (verset 7) : "[Fuyez les fables] impertinentes et puériles," il enseigne ce qu’il faut éviter, car les fables sont impertinentes et vaines. La fable, suivant le philosophe, est un composé de récits merveilleux. A l’origine, remarque le même philosophe dans sa « Poétique », les fables furent imaginées dans l’intention de porter les hommes à acquérir la vertu et à éviter le vice, car les âmes simples se laissent plus facilement déterminer par ce qui parle à leurs sens que par les raisons. Aussi prend-on plaisir au merveilleux, quand il est bien représenté, parce que la raison se laisse charmer par les comparaisons. Et de même que la représentation est plaisante quand elle porte sur des faits, on la goûte aussi quand elle porte sur des paroles. Telle est donc la fable, un récit qui représente une action, et par là conduit à vouloir quelque chose. L’antiquité avait des fables accommodées à quelque vérité, qu’ils cachaient ainsi sous la fiction. La fable contient donc deux choses : un sens vrai, et la représentation d’une chose utile, en rapport avec la vérité qu’elle renferme. Si donc on propose une fable qui ne puisse représenter aucune vérité, elle est vaine; celle qui ne la représente pas avec justesse, est impertinente. Telles sont les fables du Talmud.

II° Quand l’Apôtre ajoute (verset 7) : "Et exercez-vous, etc." après avoir condamné l’abstinence superstitieuse, il compare l’abstinence véritable et méritoire aux autres vertus. Il faut ici savoir que Timothée était un homme d’une grande mortification. C’est ainsi que l’Apôtre (ci-après, V, 23) dit à son disciple : "Qu’il doit user d’un peu de vin", peut-être lui fait-il cette recommandation afin qu’il n’oublie pas les devoirs de la miséricorde, car ceux qui sont durs pour eux-mêmes, le sont souvent envers les autres. Paul engage donc Timothée à préférer sa piété à l’abstinence. Premièrement, il l’exhorte à la piété; secondement, il élève la piété au-dessus de l’abstinence (verset 8) : "Par les exercices corporels, etc." ; troisièmement, il confirme ce qu’il vient de dire (verset 8) : "Elle est la promesse, etc." ; quatrièmement, il indique la manière de porter les fidèles à la piété (verset 11) : "Annoncez ces choses, etc."

I. Il dit donc (verset 7) : "Exercez-vous donc à la piété." Cette vertu consiste à rendre à ses parents et à sa patrie les devoirs de bienveillance, comme la religion consiste à rendre à Dieu le culte qui lui est dû. Car la piété suppose un sentiment d’affection pour son principe; or le principe de la génération, c’est le père et la patrie; l’homme est donc tenu à un sentiment de bienveillance à leur égard. Mais le père de tous les êtres, c’est Dieu. (Malachie I, 6) : "Si donc je suis votre Père, où est l’honneur que vous me rendez ?" De là, dit Augustin, le nom de piété, de son sens général, a été appliqué au culte de Dieu (« de Civitate Dei », lib. IV); de là encore l’Eusebie (bonne vénération) a la même signification que piété ; (Job., XXVIII, 28) : "La piété c’est la sagesse même" suivant une autre version, là où la nôtre dit : "La sagesse, c’est la crainte du Seigneur" ; (Tite I, 1) : "Dans la connaissance de la vérité, qui est selon la piété." Quand on restreint la piété aux affections terrestres, elle suppose la bienveillance de l’homme à l’égard de ses compatriotes, mais la piété chrétienne exige que ce sentiment s’étende à tous les hommes, car nous sommes tous de la même patrie. Voilà pourquoi la piété est prise pour la miséricorde. Quand donc l’Apôtre dit : "Exercez-vous à la piété," on peut l’entendre du culte de Dieu et des oeuvres de miséricorde que nous avons à pratiquer. S’exercer à la piété, dit la Glose, c’est s’exercer au culte du Dieu Tout-puissant et aux oeuvres de miséricorde. Paul dit : "Exercez-vous," et non pas « pratiquez », parce que l’exercice indique la promptitude, dans ce sens que celui qui est exercé s’acquitte avec plus de plaisir, avec moins de peine et avec une persévérance plus soutenue [que tout autre]. (Proverbes XXIV, 27) : "Remuez votre champ avec grand soin."

II. En ajoutant (verset 8) : "Car les exercices corporels servent à peu de chose," l’Apôtre élève la piété au-dessus de l’abstinence. Et d’abord il explique à quoi peuvent servir les exercices corporels; en second lieu, à quoi peut-être utile la piété (verset 8) : "Mais la piété [est utile à tout]."

Les exercices corporels du jeûne, ou tout autre semblable, de par leur nature, ne sont pas bons, mais ordonnés par pénitence. Si l’homme n’eût pas péché, aucune pénitence n’eût été ordonnée; ces exercices corporels sont des peines médicinales. Car de même que la rhubarbe est bonne, parce qu’elle sert à se débarrasser d’un surcroît d’humeurs, ainsi en est-il de ces pratiques, en tant qu’elles compriment les convoitises; leur usage est donc restreint à ce genre d’effet. (I Corinth. IX, 27) : "Je traite rudement mon corps et je le réduis en servitude, etc." ; (Coloss., III, 5) : "Faites donc mourir les membres de l’homme terrestre qui est en vous". Si l’homme était dans une situation où il ne pourrait pécher, il n’aurait besoin ni du jeûne, ni d’aucune pratique semblable. C’est ce qui a fait dire à Jean Chrysostome, sur ce passage du ch. XVI, 13, de Matthieu : "Jésus est venu, etc." « Jean, qui n’était qu’un homme, avait besoin du jeûne comme remède, mais Jésus-Christ était Dieu, et non pas homme seulement; il n’avait donc pas besoin de remède ». Concluons que l’utilité de l’abstinence est restreinte puisqu’elle ne sert que comme remède contre le péché de la chair, et non contre les vices spirituels. Car à cause de l’abstinence même, on tombe quelquefois dans la colère, dans la vaine gloire ou dans d’autres péchés de ce genre.

Quand Paul dit ensuite (verset 8) : "Mais la piété [est utile à tout]," il élève la piété au-dessus de l’abstinence. Il prend le terme de piété dans ses deux sens, à savoir pour le culte de Dieu et pour la miséricorde (verset 8) : "La piété, dit-il, est utile à tout," car elle peut servir à la destruction de tous leurs péchés ; (Ecclésiastique, III, 33) : "L’eau éteint le feu, lorsqu’il est le plus ardent, et l’aumône résiste au péché", et donc à augmenter le bien ; (Ecclésiastique, XVII, 18) : "L’aumône devant Dieu est comme un sceau, etc." La piété mérite aussi spécialement la miséricorde de Dieu. (Mt V, 7) : "Bienheureux ceux qui sont miséricordieux, ils obtiendront eux-mêmes miséricorde," Pour en donner une marque, le Seigneur (Mt XXV, 35-45) désigne nommément les oeuvres de miséricorde.

III. L’Apôtre prouve ce qu’il vient d’avancer, quand il dit (verset 8) : "à elle qu’ont été promis, etc." Parmi les principes du Décalogue, en effet, nous n’en trouvons qu’un seul qui appartienne à la piété, c’est celui d’honorer son père et sa mère. Et dans ce précepte sont renfermés tous les autres qui ont rapport au bien qu’on doit faire au prochain. Or, ce précepte aussi, parmi tous les autres qui concernent le prochain, "a sa promesse" spéciale, "afin que vous viviez longtemps, etc." (Ex XX, 12). Or, l’Apôtre interprète ici cette expression "viviez longtemps" en fonction de la vie présente et de la vie future. C’est pourquoi il dit (verset 8) : "[C’est à elle que les biens] de la vie présente et ceux de la vie future [ont été promis]." (Prov. III, 16) : "Elle a (la sagesse) la longueur des jours dans sa droite."

On fait ici une difficulté. On rencontre certaines personnes qui pratiquent la piété, et qui néanmoins n’obtiennent pas une longue vie. Nous répondons comme l’a dit le philosophe, les biens du temps ne sont des biens qu’autant qu’ils sont utiles à la félicité. Si donc il arrivait que quelqu’un possédât ces biens temporels en si grande quantité qu’ils devinssent par eux-mêmes un empêchement au bien de la vertu et de la félicité, ces biens ne seraient plus pour lui une bonne fortune, mais une mauvaise (livre X de « l’Ethique »); or la longueur de la vie est un de ces biens temporels. C’est un bien seulement au- tant qu’il peut aider à la vertu. Quelquefois aussi c’est une occasion de péché; et Dieu, pour ce motif, la retire à l’homme, non pas qu’il revienne sur ses promesses, mais parce qu’il donne ce qui est meilleur ; (Sagesse IV, 11) : "Dieu l’a enlevé de peur que son esprit ne fût corrompu par la malice."

On fait une autre difficulté, Paul donne à la piété la préférence sur les exercices corporels, parce qu’elle a l’espérance de la vie présente et de la vie future. Les exercices corporels n’auraient ils donc aucune espérance ? S’il en était ainsi, celui qui jeûne ne mériterait pas la vie éternelle. Nous répondons que quand, de deux vertus, l’une contient l’autre, ce qui appartient à la vertu de l’ordre le plus élevé, par sa propre nature, appartient par accident à la vertu du degré inférieur. Or la vertu qui, de sa nature, permet de mériter la Vie éternelle, c’est la charité dont la piété est l’effet propre et immédiat. La piété permet donc, en raison de son caractère spécial, d’atteindre la récompense éternelle. Mais il n’en est pas ainsi de l’abstinence à moins qu’elle ne soit en rapport avec la charité et la piété; si, en effet, celui qui jeûne ne rapporte pas ce jeûne à l’amour de Dieu, il ne mérite pas la vie éternelle.

Troisième difficulté. Ambroise cité par la Glose, dit sur ce passage : Toute la discipline chrétienne se résume dans la miséricorde et dans la piété, et celui qui pratique ces deux vertus, éprouvât-il quelque faiblesse dans sa chair, sera châtié, mais il ne périra pas. La première partie de la difficulté porte sur le commencement de la citation de saint Ambroise, car la miséricorde et la piété se rapportent immédiatement à la charité, dans laquelle vient se résumer la religion chrétienne. Nous répondons que dans l’opinion de quelques Pères, comme saint Augustin le remarque (livre X de « la Cité de Dieu »), ceux qui pratiquent les oeuvres de la piété, quelques graves que soient les péchés de la chair qu’ils puissent commettre, finalement ne périront pas pour l’éternité. Et la preuve, c’est d’abord l’autorité que nous avons citée, et ensuite ce qu’on lit en Matthieu (XXV, 41) : le Sauveur ne reproche aux réprouvés que d’avoir manqué de miséricorde. La peine éternelle n’est donc encourue que par ceux qui n’auront pas été miséricordieux. Augustin enseigne le contraire, se fondant sur ce que dit l’Apôtre que "ceux qui se rendent coupables de ces crimes, [ne posséderont pas] le royaume de Dieu." Quelles que soient, en effet, les oeuvres de miséricorde qu’on ait pratiquées, si au moment; de la mort on est en état de péché mortel, on n’entrera pas dans le royaume des cieux. On objecte dans un sens opposé, que celui-là n’est pas miséricordieux qui ne l’est pas envers lui-même, suivant cette parole (Ecclésiastique, XXX, 24) : "Ayez pitié de votre âme en vous rendant agréable à Dieu." Mais on ne peut suivre ce conseil qu’autant que l’homme est uni à Dieu par la charité, autrement il n’est pas miséricordieux. Au passage tiré de l’Evangile, Augustin répond que celui qui pèche n’est pas aussitôt précipité dans l’enfer, puisqu’il lui reste l’occasion de faire pénitence. Celui-là seul y est précipité, qui meurt finalement dans l’état de péché; or la pénitence appartient à la miséricorde.

Cependant; que dit Amboise ? "S’il ressent quelque faiblesse dans la chair, etc." Il faut répondre qu’il parle d’une faiblesse qui a le caractère de péché mortel. Quand il dit : "Il ne périra pas," il admet que ce ne sera pas par suite d’un mérite tout à fait digne, mais par un mérite de congruité, en tant que l’âme est disposée au bien. C’est ainsi que le Seigneur restaure l’homme après sa chute. Mais on remarque surtout cet effet dans la piété, car l'homme, en faisant du bien aux autres, les engage à prier pour lui; or le Seigneur accorde quelquefois aux prières des saints le pardon des pécheurs, en ce sens qu’ils obtiennent pour eux la rémission de leurs péchés, et le don de la grâce; car on peut mériter pour un autre, d’un mérite de congruité, la première grâce. Autrement ce serait en vain que l’Eglise prierait pour les pécheurs.

IV. Quand l’Apôtre dit enfin (verset 9) : "[Ce que je vous dis] est une vérité certaine," il montre que la vie future nous est promise. La première preuve est déduite des oeuvres des saints; la seconde de leur espérance (verset 10) : "C’est que nous espérons [au Dieu vivant]" ; la troisième de la bonté de Dieu (verset 10) : "Qui est le Sauveur, etc."

Il dit donc (verset 9) : "Ce que je vous dis," à savoir, que la piété a ses promesses, "est une vérité certaine". Nous l’avons expliqué plus haut. Mais quelle en est la preuve ? C’est que (verset 10) : "C’est pour cela," c’est-à-dire pour obtenir la vie éternelle, "que nous supportons toutes les fatigues." (2 Tm II, 6) : "Un laboureur qui a travaillé, doit avoir la première part dans la récolte des fruits." C’est aussi pour cela que nous faisons du bien, quoi que nous ayons à supporter du mal, ce qui fait dire à Paul (verset 10) : "Tandis que nous bénissons, on nous rend des malédictions." (Jacques I, 4) : "La patience doit être accompagnée d’œuvres parfaites" ; et (Rm V, 3) : "L’épreuve engendre la patience, etc."

Nous acceptons tout, à cause de l’espérance de la vie (verset 10) : "parce que nous espérons dans le Dieu vivant," qui est le Sauveur de la vie présente et de la vie future.

Nous l’espérons aussi de l’office même de Dieu, à qui il appartient de sauver ; (Isaïe, XLIII, 11) : "Hors moi, il n’y a pas de sauveur." Car c’est pour cette fin que Dieu s’est fait homme, et qu’il a reçu le nom de Jésus ; (Mt I, 21) : "Ce sera lui qui sauvera son peuple, en le délivrant de ses péchés." Aussi Jésus signifie-t-il Sauveur, parce qu’il sauve, du salut corporel, tous les hommes. Voilà pourquoi l’Apôtre dit "De tous les hommes," et du salut spirituel tous les bons; c’est ce qui lui fait ajouter : "et principalement des fidèles."

 

 

Lectio 3

Leçon 3 — 1 Timothée IV, 11-18 : L'évêque : un modèle et une miséricorde

 

SOMMAIRE : Paul recommande à Timothée de se montrer en tout le modèle accompli des vertus; de tenir compte aussi des conditions diverses, pour y proportionner sa manière d’instruire.

[11] praecipe haec et doce

[12] nemo adulescentiam tuam contemnat sed exemplum esto fidelium in verbo in conversatione in caritate in fide in castitate

[13] dum venio adtende lectioni exhortationi doctrinae

[14] noli neglegere gratiam quae in te est quae data est tibi per prophetiam cum inpositione manuum presbyterii

[15] haec meditare in his esto ut profectus tuus manifestus sit omnibus

[16] adtende tibi et doctrinae insta in illis hoc enim faciens et te ipsum salvum facies et qui te audiunt

[1] seniorem ne increpaveris sed obsecra ut patrem iuvenes ut fratres

[2] anus ut matres iuvenculas ut sorores in omni castitate

11. Annoncez ces choses et enseignez-les.

12. Que personne ne vous méprise à cause de votre jeunesse; mais rendez-vous l’exemple et le modèle des fidèles dans les entretiens, dans la manière d’agir avec le prochain, dans la charité, dans la foi, dans la chasteté.

13. En attendant que je vienne, appliquez-vous à la lecture, à l’exhortation et à l’instruction.

14 Ne négligez pas la grâce qui est en vous, qui vous a été donnée, suivant une révélation prophétique, par l’imposition des mains du prêtre.

15. Méditez ces choses, soyez toujours occupé, afin que votre avancement soit connu de tous.

16. Veillez sur vous-même et sur l’instruction des autres : demeurez ferme dans ces exercices; car agissant de la sorte, voue vous sauverez vous-même et ceux qui vous écoutent.

17. Ne reprenez pas les vieillards avec rudesse; mais avertissez-les comme vos pères; les jeunes hommes comme vos frères,

18. les femmes âgées comme vos mères, les jeunes comme vos soeurs, avec toute sorte de pureté.

[87891] Super 1 Tm cap. 4 l. 3 Superius apostolus hortatus est Timotheum ad pietatem, hic dat ei formam docendi pietatem; cui primo iniungit ut pietatem doceat; secundo quomodo sit idoneus ad docendum, ibi nemo; tertio quomodo diversos diversimode doceat, ibi seniorem.

Doctrina vero pietatis in duobus consistit, scilicet in agendis et credendis. Agenda autem non solum debent instruere si sunt auctoritatem habentes, sed etiam praecipere. Et ideo dicit praecipe haec. Tit. II, v. 15 : argue cum omni imperio. Quantum ad credenda dicit et doce. Matth. ult. docete omnes gentes. Iob IV, 3 : ecce docuisti plurimos.

Deinde cum dicit nemo, ostendit quomodo possit esse idoneus ad praedicta, et primo ad praecipiendum; secundo quomodo ad docendum, ibi dum venio.

Circa primum duo facit, quia primo docet quomodo debet excludere contemptum; secundo manifestat per quid excludendum sit, ibi sed exemplum.

Praeceptum efficaciam non habet nisi per auctoritatem praecipientis, et ideo quando auctoritas contemnitur, praeceptum frustratur, quod maxime fit in adolescentia, quia tales non creduntur prudentes esse. Unde secundum philosophum, nemo iuvenes elegit duces. Et ideo dicit nemo, etc., quasi dicat : licet sis iuvenis, mores tamen repraesentent senectutem. Tob. I, 4 : cum esset iunior.

Deinde ostendit quomodo excluditur contemptus, dicens sed esto, etc., ut scilicet talem exhibeas te ut sis exemplum faciendi quod verbo doces. Et notandum, quod in his in quibus praelatus est exemplum, est multiplex differentia. Quaedam enim ordinantur ad proximum, quaedam ad Deum, quaedam ad se.

Quantum ad proximum dicit exemplum esto fidelium, ut scilicet quod verbo praecipis, impleas opere. I Petr. ult., 3 : forma facti gregis, et cetera. Et hoc in locutione; unde dicit in verbo, scilicet ponderato, ordinato, et circumspecto. Col. c. IV, 6 : sermo vester semper in gratia sale sit conditus. I Petr. IV, 11 : si quis loquitur, quasi sermones Dei. Item in conversatione exteriori, ut sicut excellit loco et dignitate, ita et honesta conversatione. I Petr. II, 12 : conversationem vestram inter gentes habentes bonam, et cetera. Matth. V, 16 : videant opera vestra bona, et glorificent patrem vestrum qui in caelis est.

Quantum ad Deum ordinatur charitate, quae perficit affectum; unde dicit in charitate. I Cor. XIII, 1 : si linguis hominum loquar, et cetera. Col. III, 14 : super omnia charitatem habentes. Item per fidem, quae illuminat intellectum; unde dicit in fide. Hebr. c. XI, 6 : sine fide impossibile est placere Deo. Quod specialiter competit praelatis, qui sunt custodes fidei. Unde Lc. XXII, 32 specialiter dominus orat pro fide Petri, dicens : ego pro te rogavi, Petre, ut non deficiat fides tua.

Quantum ad se, vitam et mentem ordinat castitas, quia indecens est nimis, ut vita ministrorum discordet a vita domini. Eccli. X, v. 2 : secundum iudicem populi, sic et ministri eius. Christus autem sic castitatem dilexit, ut de virgine vellet nasci, et ipse eam servavit, ideo sequitur in castitate.

Deinde cum dicit dum venio, etc., ostendit quomodo sit idoneus ad docendum, et primo facit hoc; secundo assignat rationem praemissae monitionis, ibi noli negligere.

Per duo autem est idoneus ad docendum, scilicet per lectionem, in qua acquirit scientiam, et per exercitium, in quo efficitur promptus. Et ideo dicit dum venio, attende lectioni, scilicet librorum sanctorum. I Mac. XII, 9 : habentes solatio libros sanctos. Io. V, 39 : scrutamini Scripturas. Et hoc significatur Ex. XXV, 12 s., ubi dicitur, quod semper in arca domini debebant esse vectes in circulis, et circuli in angulis : quasi semper parati ad portandum.

Ad exercitium autem necessaria est exhortatio nostra quantum ad agenda, doctrina quantum ad cognoscenda. Ideo addit exhortationi et doctrinae. Ier. III, 15 : dabo vobis pastores iuxta cor meum, et pascent vos scientia et doctrina.

Deinde cum dicit noli, ponit rationem monitionis praemissae; et primo ponit causam ex dono suscepto; secundo causam ex praemio expectato, ibi attende tibi.

Item, primo ponit rationem; secundo ostendit quomodo quod in ratione continetur impleri potest, ibi haec meditare.

Dicit ergo noli, etc.; quasi dicat : imo attende, quia qui recipit gratiam non debet in ea negligens esse, sed ex ea fructificare debet. Servus abscondens in terra pecuniam, punitur propter negligentiam. Matth. c. XXV, 24 s. Noli ergo negligere gratiam, et cetera. Per hoc intellige, vel dignitatem episcopalem, vel donum scientiae, vel prophetiae, vel miraculorum, quorum nihil debet negligi. II Cor. VI, 1 : ne in vanum gratiam Dei recipiatis. Dico gratiam, quae data est tibi per prophetiam, id est, per divinam inspirationem.

Nam in primitiva Ecclesia, ubi pure et propter Deum electiones fiebant, nullus assumebatur ad episcopatum nisi per electionem divinam, sicut electus est Ambrosius et Nicolaus. Et hanc inspirationem vocat hic prophetiam. Unde Glossa dicit, id est, per sanctorum electionem, quia sancti non eligebant quem a Deo non sciebant electum. Item apostolus praevidebat hunc profuturum esse populo. Prov. XXIX, 18 : cum prophetia defecerit, id est, talis modus electionis, dissipabitur populus. Et quomodo? Cum impositione manus presbyteri. Alia littera habet manuum presbyterii. Et, sicut dictum est, nomina presbyteri, vel episcopi sunt promiscua, quia sacerdotes et presbyteri, id est, episcopi, erant, qui recipiebantur cum manus impositione. Num. XXVII, 18 : voca Iosue, et impone manum tuam super eum, et cetera. Dominus etiam imposuit manum pueris, ut dicitur Matthaei XIX, 15. Item apostoli septem diaconibus, Act. VI, 6. Et ideo ordinandis in episcopum imponuntur manus.

Sed quaestio est, cum episcopus debeat ordinari a tribus, quare hic dicitur singulari numero presbyteri? Respondeo. Hoc ideo dicit, quia etsi conveniant multi, tamen unus est principalis et alii coassistentes. Tamen potest dici, quod tunc haec constitutio nondum erat, et tunc pauci erant episcopi, qui non poterant congregari. Alia littera habet presbyterii, id est, illorum qui sibi imposuerunt manus non inquantum homines, sed inquantum presbyteri. Et haec impositio significat collationem gratiae, non quod ministri dent gratiam, sed quod significant gratiam datam a Christo. Unde illorum est solum, qui sunt ministri Christi. Et ideo dicit presbyterii, vel presbyteri, quia manus impositio, alia est quae fit a diaconibus, et alia quae fit a presbyteris.

Deinde cum dicit haec meditare, ostendit quomodo impleatur quod dictum est, ut scilicet continue meditetur ea quae spectant ad officium suum. Hebr. ult. : ipsi enim pervigilant quasi rationem pro animabus vestris reddituri.

Haec ergo meditare, id est frequenter cogita, quae sunt ad curam gregis tui. In his esto, id est, tota virtus tua sit ad hoc. Et quare? Ut profectus tuus manifestus sit omnibus. Matth. V, 15 : nemo accendit lucernam, et in abscondito ponit, et cetera. Phil. IV, 5 : modestia vestra nota sit omnibus hominibus.

Et haec debet servare propter praemium expectatum, propter quod subdit, dicens attende tibi et doctrinae. Aliqui sic attendunt doctrinae, quod sui curam negligunt; sed apostolus dicit quod primo attendat sibi, et postea doctrinae. Eccli. XXX, 24 : miserere animae tuae placens Deo. Unde Iesus coepit facere et docere. Insta in illis, id est, instanter exerce. II Tim. IV, 2 : insta opportune. Et fructus erit ex hoc copiosus, quia hoc enim faciens, et teipsum, et cetera. Et hoc est magnum. Iac. V, 20 : qui converti fecerit peccatorem ab errore vitae suae, salvabit animam suam a morte. Dan. XII, 3 : qui ad iustitiam erudiunt multos, quasi stellae, et cetera. Unde doctoribus debetur praemium aureolae.

Deinde cum dicit seniorem, etc., ostendit quomodo diversimode diversis suam doctrinam debet tradere, et ponit duas diversitates. Unam secundum aetatem; aliam secundum sexum. Secundum aetatem : primo quantum ad viros, secundo quantum ad foeminas, ibi anus, et cetera. Dicit ergo seniorem, etc., sed obsecra ut patrem, Lev. XIX, 32 : honora personam senis. Et ideo non sunt mordaciter increpandi, sed obsecrandi. I Petr. V, 1 : seniores qui in vobis sunt, obsecro consenior. Et si Petrus senior hoc faciebat, quanto magis iuvenis hoc debet?

Sed contra Is. LXV, 20 : puer centum annorum morietur, et peccator centum annorum maledictus erit. Respondeo. Dicendum est, quod senex propter excedentem malitiam perdit honorem senectutis, et tunc increpandus. Iuvenes, ut fratres. Matth. XXIII, 8 : omnes vos fratres estis. Ez. XXXIV, 4 : cum austeritate imperabitis eis. Ex parte foeminarum est differentia aetatum, quia anus ut matres, maxime quae non sunt iuvenes infra V, 3 : viduas honora. Iuvenculas, ut sorores, ex amore charitatis. Et hoc, in omni castitate. Quia amor spiritualis ad mulieres, nisi cautus sit, degenerat in carnalem, ideo in his, quae ad iuvenculas pertinent, adhibenda est castitas : et ideo apostolus addit hoc. Unde Papa scribens eis dicit : dilectis in Christo. Sed viris simpliciter dicit : dilectis filiis.

 

L’Apôtre, dans ce qui précède, a exhorté Timothée à la piété, il lui enseigne ici la manière d’en instruire les fidèles. Premièrement, il lui enjoint de donner cette instruction; secondement, il lui apprend comment il deviendra apte à le faire (verset 12) : "Que personne, etc." Troisièmement, il lui dit comment il doit proportionner aux conditions diverses l’instruction qui leur convient (ci-après, V, 1) : "Ne reprenez pas les vieillards, etc."

L’enseignement de la piété comprend deux choses, ce qu’il faut faire et ce qu’il faut croire. Pour ce qu’il faut faire, non seulement on doit instruire, quand on a pour cela l’autorité, mais encore commander. Voilà pourquoi Paul dit (verset 11) : "Commandez ces choses." ; (Tite II, 15) : "Reprenez avec une pleine autorité." Pour ce qu’il faut croire, il dit (verset 14) : "Et enseignez-les." ; (Matthieu, XXVIII, 19) : "Enseignez tous les peuples" ; (Job, IV, 3) : "N’est-ce pas vous qui en avez autrefois instruit plusieurs ? "

II° Quand l’Apôtre dit ensuite (verset 12) : "Que personne ne vous méprise," il apprend à Timothée comment il peut se rendre apte à ce qu’il lui recommande. Et d’abord à commander, ensuite à enseigner (verset 13) : "En attendant que je vienne, etc."

I. Sur le premier de ces points, premièrement, il lui apprend comment il doit prévenir le mépris; secondement, il lui explique la méthode pour le prévenir (verset 12) : "Mais soyez l’exemple, etc."

Un commandement n’a d’efficacité que par l’autorité de celui qui l’impose; quand donc l’autorité est méprisée, le précepte n’atteint plus son but; or, ceci arrive surtout à l’occasion des jeunes gens, parce qu’on ne les croit guères prudents. De là, dit le philosophe, qu’on ne choisit pas des jeunes gens comme chefs. C’est pourquoi Paul dit aussi (verset 12) : "Que personne ne vous méprise," en d’autres termes : bien que vous soyez jeune, que votre conduite représente la vieillesse ; (Tobie, I, 4) : "Quoiqu’il fût le plus jeune [de toute la tribu de Nephtali]"

L’Apôtre apprend ensuite à son disciple comment on se met à l’abri du mépris (verset 12) : "Mais soyez, etc." c’est-à-dire, il faut vous montrer comme l’exemple des vertus que votre parole enseigne à pratiquer. Remarquons ici que dans les devoirs où le chef spirituel est un exemple, il y a une grande diversité, car ces devoirs se rapportent soit au prochain, soit à Dieu, soit au chef lui-même.

1. Pour ce qui regarde le prochain, Paul dit (verset 12) : "Soyez l’exemple des fidèles," en sorte que ce que vous prescrivez par la parole, vous l’accomplissiez dans vos œuvres ; (I Pierre, V, 3) : "Vous rendant, [du fond du cœur], les modèles du troupeau, etc." Et cela dans les conversations (verset 12) : "Dans les entretiens", à savoir, en les rendant graves, mesurés, pleins de circonspection ; (Coloss., IV, 6) : "Que votre entretien soit toujours accompagné d’une douceur édifiante" ; (I Pierre, IV, 14) : "Si quelqu’un parle, que ce soit selon les oracles de Dieu." Ensuite (verset 12) : "dans la manière d’agir extérieure," c’est-à-dire que, de même que le chef spirituel l’emporte sur les autres quant à la place qu’il occupe et quant à la dignité, il l’emporte aussi par la décence de sa vie ; (I Pierre, II, 12) : "Conduisez-vous parmi les Gentils d’une manière pure et sainte, etc. " ; (Mt V, 16) : "Que voyant vos bonnes oeuvres, ils glorifient votre Père qui est dans le ciel."

2. Pour ce qui regarde Dieu, on s’unit à lui d’abord par la charité, qui perfectionne les affections. C’est pourquoi l’Apôtre dit (verset 12) : "Dans la charité" ; (2 Co XIII, 1) : "Quand je parlerais toutes les langues des hommes, etc. " ; (Coloss., III, 14) : "Mais surtout revêtez-vous de la charité." Ensuite par la foi, qui éclaire l’intelligence. C’est ce qui fait dire à Paul (verset 12) : "Dans la foi" ; (Hébr., XI, 6) : "Sans la foi, il est impossible de plaire à Dieu." Cette disposition est spécialement obligatoire aux chefs des églises, qui sont les gardiens de la foi. Aussi (Luc, XXII, 32). Le Sauveur prie-t-il particulièrement pour la foi de Simon Pierre, en disant : "Pierre, j’ai prié pour vous, afin que votre foi ne défaille pas."

3. Par rapport à lui-même, la vie et l’âme doivent être réglées par la chasteté; car il y aurait par trop d’inconvenance que la vie du ministre fût en désaccord avec celle du maître ; (Ecclésiastique, X, 2) : "Tel est le juge du peuple, tels sont ses ministres." Or, Jésus-Christ a tellement aimé la chasteté, qu’il a voulu naître d’une vierge et qu’il a gardé lui-même cette vertu. Son ministre doit donc l’imiter en pratiquant cette vertu.

II. Quand Paul ajoute (verset 13) : "En attendant que je vienne, etc.," il instruit son disciple de la manière de se rendre apte à enseigner. C’est ce qu’il fait d’abord; ensuite il donne la raison de la recommandation qu’il vient de lui adresser (verset 14) : "Ne négligez pas [la grâce qui est en vous], etc."

On devient capable d’enseigner par deux moyens : par la lecture, qui est le moyen d’acquérir la science, et ensuite par l’exercice, au moyen duquel on obtient la facilité d’enseigner. C’est pourquoi l’Apôtre dit (verset 13) : "En attendant que je vienne, appliquez-vous à la lecture, à savoir, des livres saints ; (I Macchab., XII, 9) : "Ayant pour consolation les livres saints, qui sont entre vos mains" ; (Jean, V, 39) : "Parcourez les Ecritures." Nous avons la figure de ceci au livre de l’Exode (XXV, 12), où il est dit, qu’il devait y avoir toujours aux quatre coins de l’arche des anneaux d’or, et des leviers dans les anneaux, afin qu’on fût pour ainsi dire toujours en mesure de la transporter. Quant à l’exercice, il faut employer l’exhortation afin de porter les fidèles à remplir leurs devoirs, et l’enseignement afin de les leur faire connaître. C’est pourquoi Paul ajoute (verset 13) : "A l’exhortation et à l’instruction" ; (Jérémie, III, 15) : "Je vous donnerai des pasteurs selon mon coeur, qui vous nourriront de la doctrine et de la science."

En disant (verset 14) : "Ne négligez pas [la grâce qui est en vous]," Paul donne la raison de la recommandation qu’il a faite. Et d’abord il la déduit des dons reçus; ensuite, des récompenses attendues (verset 16) : "Veillez sur vous-mêmes."

1. Il donne donc, premièrement, la raison de sa recommandation; secondement, il explique comment peut être accompli ce qu’implique cette raison (verset 15) : "Méditez ces choses, etc."

A) L’Apôtre dit donc : "Ne négligez pas, etc." comme s’il disait : Bien plus, veillez, car celui qui reçoit la grâce, ne doit rien en négliger, mais la faire fructifier. En Matthieu (XXV, 24), le serviteur qui a caché dans la terre le talent qui lui a été confié est puni pour sa négligence. – "Ne négligez donc pas la grâce, etc." Entendez par là, ou la dignité épiscopale, ou le don de science et de prophétie, ou celui des miracles, à l’égard desquels rien ne doit être négligé ; (2 Co VI, 1) : "[Nous vous exhortons] à ne pas recevoir en vain la grâce de Dieu." Cette grâce dont je parle, est celle (verset 14) : "qui vous a été donnée par une révélation prophétique" c’est-à-dire par une inspiration de Dieu. Car dans la primitive Eglise, où le choix des ministres se faisait avec piété et en vue de Dieu, nul n’était promu à la dignité d’évêque, que par l’élection divine. C’est ainsi que furent élus saint Ambroise et saint Nicolas. L’Apôtre appelle ici cette inspiration prophétie, ce qui fait dire à la Glose : c’est-à-dire, par l’élection des saints, parce que les saints ne choisissaient pas celui qu’ils ne reconnaissaient pas comme choisi de Dieu. De plus, l’Apôtre prévoyait que ce choix serait utile au peuple ; (Proverbes XXIX, 18) : "Quand il n’y aura plus de prophétie," c’est-à-dire, quand ce mode d’élection sera délaissé, "le peuple se dissipera." Mais comment a été communiquée cette grâce? (verset 14) : "Par l’imposition de la main du prêtre." Une autre version porte "Des mains du prêtre." Ainsi qu’il a été expliqué, les noms de prêtre et d’évêque se prennent indifféremment l’un pour l’autre, parce que les prêtres et les anciens, c’est-à-dire les évêques, étaient également ordonnés avec l’imposition des mains ; (Nombres, XXVII, 18) : "Prenez Josué,… et imposez-lui les mains, etc." Le Sauveur imposa ainsi les mains aux petits enfants, comme il est dit en (Mt XIX, 15), et les apôtres aux sept diacres (Actes VI, 6); de là l’usage d’imposer les mains à ceux qui doivent être sacrés évêques.

Ici se présente une difficulté. L’évêque devant être sacré par trois autres, comment se fait-il que l’Apôtre se sert ici du mot prêtre, au singulier ? Nous répondons : Paul parle ainsi, par la raison que, bien que plusieurs apportent leur concours [au sacre d’un évêque], il n’y a cependant qu’un ministre principal dont les autres sont les assistants. On peut dire aussi qu’à cette époque, cette règle n’était pas encore établie, et qu’il n’y avait qu’un petit nombre d’évêques, qui ne pouvaient se rassembler. Une autre version porte "du presbyterium," c’est-à-dire, de ceux qui lui imposèrent les mains, non en tant qu’hommes, mais comme prêtres. Cette imposition des mains marque ici le don de la grâce, non pas que les ministres confèrent cette grâce, mais parce qu’ils expriment qu’elle est donnée par Jésus-christ. Aussi l’imposition est-elle faite par ceux-là seulement qui sont les ministres de Jésus-Christ. C’est pourquoi l’Apôtre dit : "du presbyterium," ou du prêtre, car il y a une imposition des mains qui se fait par les diacres, et une autre qui se fait par les prêtres.

B) Quand Paul dit ensuite (verset 15) : "Méditez ces choses," il explique comment pourra s’accomplir ce qu’il vient de recommander : c’est en méditant sans cesse les devoirs de sa charge ; (Hébr., XIII, 17) : "Ils veillent sur vos âmes comme devant en rendre compte à Dieu."

C) "Méditez donc toutes ces choses," c’est-à-dire pensez fréquemment aux soins que réclame de vous votre troupeau ; (verset 15) : "Soyez-en toujours occupé," c’est-à-dire, tournez tous vos efforts vers ce but. Et pourquoi ? (verset 15) : "Afin que votre avancement soit connu de tous." (Mt V, 15) : "On n’allume pas une lampe pour la mettre dans un lieu caché, etc. " ; (Philipp., IV, 5) : "Que votre modestie soit connue de tous."

Timothée doit observer ces recommandations, afin d’obtenir la récompense qu’il attend. C’est ce que Paul ajoute en disant (verset 16) : "Veillez sur vous-même et sur l’instruction des autres." Il en est qui veillent sur l’instruction des autres, de telle sorte qu’ils négligent le soin d’eux-mêmes; mais Paul recommande à son disciple de veiller d’abord sur lui-même et ensuite sur l’instruction des autres. (Ecclésiastique XXX, 24) : "Ayez pitié de votre âme, en vous rendant agréable à Dieu." C’est ainsi que le Sauveur commença par pratiquer, puis il enseigna. (verset 16) : "Demeurez fermes dans ces exercices," c’est-à-dire, exercez-vous instamment à les pratiquer. (2 Timothée IV, 2) : "Pressez les hommes à temps, à contre temps." Le fruit que vous en tirerez sera d’autant plus abondant. Car "en agissant ainsi, vous vous sauverez vous-même, etc. ". Or c’est là quelque chose de grand. (Jacques V, 20) : "Celui qui convertira un pécheur et le retirera de l’iniquité de ses voies, sauvera son âme de la mort" ; (Daniel, X V. 3) : "Ceux qui auront enseigné à plusieurs la voie de la justice, luiront comme des étoiles, etc." Aussi les Docteurs ont-ils droit à la récompense de l’auréole.

III° Quand Paul dit enfin (ch. V, 1) : "[Ne repoussez pas] les vieillards [avec rudesse]," il explique à Timothée comment il doit proportionner sa manière d’enseigner à la diversité des conditions. Il les établit en deux catégories basées, l’une sur l’âge, l’autre sur le sexe. Dans celle de l’âge, il distingue d’abord ce qui convient aux hommes; ensuite ce qui convient aux femmes (verset 2) : "Les femmes âgées, etc." Il dit donc (verset 1) : "[Ne reprenez pas les vieillards], mais avertissez-les comme vos pères." (Lévitique., XIX, 32) : "Honorez la personne du vieillard." Il ne faut donc pas les repousser avec aigreur, mais les supplier. (I Petr., V, 1) : "J’exhorte les anciens qui sont parmi vous, étant ancien comme vous." Si Pierre dans sa vieillesse, agissait de la sorte, à combien plus forte raison un jeune homme doit-il le faire !

On objecte (Isaïe, LXV, 20) : "L’enfant, fut-il de cent années, mourra, et le pécheur de cent ans sera maudit!" Nous répondons que le vieillard perd par l’excès de sa malice l’honneur de sa vieillesse; alors on doit le reprendre. (verset 1) : "Reprenez les jeunes hommes comme vos frères" ; (Mt XXIII, 8) : "Vous êtes tous frères" ; (Ezéchiel, XXXIV, 4) : "Vous les dominerez avec une rigueur sévère." Du côté des femmes, il fait la différence de celles qui sont âgées, car (verset 2) : "[Il faut traiter] les femmes âgées comme vos mères," surtout celles qui ne sont plus jeunes ; (ci-après, V, 3) : "Honorez les veuves," (verset 2) : "Les jeunes comme vos soeurs," avec un amour plein de charité, et cela (verset 2) : "en toute pureté". Parce que l’affection spirituelle à l’égard des femmes, si elle n’est pas pleine de vigilance, dégénère en affection charnelle. Dans tout ce qui concerne les plus jeunes, il faut donc observer la chasteté, et c’est pour cette raison que l’Apôtre en fait la recommandation. Aussi quand le Pape leur écrit, il dit : "A nos chères filles en Jésus-Christ," et quand il écrit aux hommes, il dit simplement : "A nos chers fils."

 

 

Caput 5

CHAPITRE 5 — Les veuves et ceux qui enseignent

Lectio 1

Leçon 1 — 1 Timothée V, 1-6 : Les veuves

 

SOMMAIRE : Paul recommande d’honorer les veuves; il explique quelles sont les véritables veuves, et quelles sont celles qu’on doit secourir.

[3] viduas honora quae vere viduae sunt

[4] si qua autem vidua filios aut nepotes habet discant primum domum suam regere et mutuam vicem reddere parentibus hoc enim acceptum est coram Deo

[5] quae autem vere vidua est et desolata speravit in Deum et instat obsecrationibus et orationibus nocte ac die

[6] nam quae in deliciis est vivens mortua est

[7] et hoc praecipe ut inreprehensibiles sint

[8] si quis autem suorum et maxime domesticorum curam non habet fidem negavit et est infideli deterior

1. honorez les veuves, qui sont vraiment veuves.

2. Que si quelque veuve a des fils ou des petits-fils, qu’ils apprennent premièrement à exercer leur piété envers leur propre famille, et à rendre à leur pères et à leurs mères ce qu’ils ont reçu d’eux, car c’est une chose agréable à Dieu.

3. Mais que la veuve qui est vraiment veuve et abandonnée espère en Dieu et persévère jour et nuit dans les prières et les oraisons.

4. Car pour celle qui vit dans les délices, elle est morte, quoiqu’elle paraisse vivante.

5. Faites leur donc entendre ceci, afin qu’elles se conduisent d’une manière irrépréhensible.

6. Que si quelqu’un n’a pas soin des siens, et particulièrement de ceux de sa maison, il a renoncé à la foi et est pire qu’un infidèle.

[87892] Super 1 Tm cap. 5 l. 1 Supra instruxit Timotheum de usu ciborum et de abstinentia, hic instruit eum de dispensatione ciborum, quae fit spiritualibus personis, scilicet quae dispensabantur viduis et doctoribus. Primo ergo instruit eum de viduis; secundo de doctoribus, ibi et qui bene praesunt. Circa primum, primo ostendit quomodo viduis et doctoribus sunt ministranda alimenta per Ecclesiam; secundo qualis vidua sit eligenda, ibi vidua eligatur.

Item, primo ostendit qualibus viduis sit subveniendum; secundo manifestat quod dixit, ibi si qua autem; tertio ostendit rationem dictorum, ibi si quis.

Dicit ergo viduas honora, non solum reverentiam exhibendo, sed necessaria tribuendo. Haec enim duo intelliguntur in verbo honoris. Unde in praecepto honorandi parentes intelligitur etiam de subventione; quasi dicat : in necessariis provide. Et hoc inchoatum est a principio Ecclesiae. Act. VI, v. 1 : factum est murmur Graecorum adversus Hebraeos, eo quod despicerentur in ministerio quotidiano viduae eorum. II Mac. III, v. 10 : in templo pecunia posita erat ad alimoniam viduarum et pupillorum. Sed quas viduas? Illas quae vere sunt viduae. Vidua dicitur quasi a viro idua, id est, divisa. Nam vidua vere est illa, quae non habet alias personas a quibus sustentetur, et huic necessaria dabantur de eleemosynis fidelium.

Deinde cum dicit si qua autem, exponit quae sunt vere viduae; et primo ostendit, quae non sunt vere; secundo quae sunt vere, ibi quae autem.

Circa primum, primo agit de institutione earum, quae sunt vere viduae; secundo rationem assignat, ibi hoc enim.

Instruit ergo huiusmodi, quod discant domum suam regere. Tob. X, 13 : docuerunt filiam suam regere familiam. Et dicit primum, quia vidua quae assumitur ad provisionem sibi ab Ecclesia fiendam, debet esse cum honestate vigilans. Et hoc est quod dicit discat. Item debet suis parentibus servire, et ideo dicit mutuam, etc., quasi dicat : sicut parentes eam nutrierunt, ita et ipsa eos si habet.

Et huius ratio assignatur, cum subiungit, dicens hoc enim est acceptum, et cetera. Quia haec non solum hominibus fiunt, sed Deo. Et hoc patet, quia dominus de hoc speciale mandatum dedit, Ex. XX, 12. Quod etiam dominus Iesus in Evangelio noluit praetermitti. Item hoc natura docet, ut homo recompenset beneficia impendentibus. At nulli tantum impenderunt quantum parentes.

Deinde cum dicit quae autem vere, tractat de veris viduis. Primo ostendens quae vere sint viduae; secundo qualiter instruendae sunt, ibi speret in Deum. Dicit ergo quae autem vere vidua est et desolata, id est, quae non habet consolationem humanam, scilicet filios, vel parentes, et talis quae non habet aliud confugium, speret in Deum, etiam quantum ad temporalia subsidia per Ecclesiam sustentata. Et debet instrui primo, ut exercitetur in bonis; secundo ut caveat a malis, ibi et hoc praecipe.

Circa primum duo facit, quia primo ostendit quibus debet occupari haec vidua; secundo rationem assignat, ibi nam vidua. Dicit ergo speret in Deum, et actum spei convenientem exerceat, quod fit per orationem et obsecrationem, per quas obtinetur quod speratur. Oratio enim elevatio est mentis in Deum; obsecratio est postulatio per aliqua sacra. Et ideo subiungit et instet obsecrationibus et orationibus. Et dicit die ac nocte, quia impossibile est, quod animus hominis sit sine aliqua cura. Et ideo, ex quo vidua nihil habet in quo occupetur, debet vacare semper Deo. Lc. II, 37 : Anna non discedebat de templo, et cetera. Iudith c. VIII, 5 : fecit cubiculum in superiori ad orandum.

Deinde cum dicit nam quae, reddit rationem quare debet semper vacare orationi, scilicet quia impossibile est, quod animus non occupetur circa aliquam delectationem. Et cum animus otiosi non occupatur utilibus, oportet quod occupetur carnalibus. Et ideo dicit quod vidua sic desolata vacet orationi, quia si non habet hanc occupationem, dat se deliciis, et sic mortua est morte peccati. Apoc. III, 1 : nomen habes, quod vivas, et mortuus es. Is. XXXVIII, 19 : vivens, scilicet interius, vivens, scilicet exterius, confitebitur tibi. Et licet deliciae sint omnibus hominibus occasio mortis, specialiter tamen mulieribus, quia ex sui natura habent animi mollitiem. Cum ergo deliciae emolliant animum, necesse est quod mulieres multo plus emolliantur. Ier. XXXI, 22 : usquequo deliciis dissolveris, filia vaga? Apoc. XVIII, 7 : quantum glorificavit se et in deliciis fuit, tantum date illi tormentum et luctum.

Deinde cum dicit et hoc praecipe, ostendit quod instruendi debent cavere se a malis. Et ideo dicit, quod etiam prohibeant hoc, praecipiens quod mulieres, quae ab Ecclesia sustentantur, sint irreprehensibiles. Ps. XCII, 5 : domum tuam, domine, decet sanctitudo.

Deinde cum dicit si quis autem, assignat rationem huius quod dicit : discat primum, etc., dicens quod oportet quod circa hoc instruatur vidua, quia hoc est de necessitate. Et ideo dicit suorum, quorum scilicet cura ei incumbit, et maxime domesticorum. Cant. II, 4 : ordinavit in me charitatem.

Et sicut Augustinus dicit, possumus omnibus bene velle, sed illi qui sunt nobis coniuncti aestimantur quasi quaedam sors, et ideo magis diligendi. Ambrosius in libro de Offic. dicit, quod ratio huius est quia forte his quibus non est verecundum suscipere a suis, esset verecundum suscipere ab aliis. Fidem negavit, per opera, quia si non servat fidem his quos sibi natura copulavit, consequens est, quod nec aliis. Tit. I, 16 : confitentur se nosse Deum, factis autem negant. Sed numquid est hoc verum? Et est infideli deterior. Cuius contrarium videtur per Augustinum Io. XV : si non venissem, et cetera. Quia super hoc dicit quod ibi loquitur de peccato infidelitatis, quod est gravius caeteris peccatis, quia peccata in Deum sunt graviora, quam quae in proximum.

Respondeo, quod status fidelis ab infideli potest dupliciter considerari. Primo quantum ad statum peccati, et sic infideles sunt in peiori statu, quia nihil agunt Deo acceptum. Secundo quantum ad unum peccatum, et tunc e contra; fidelis enim et infidelis si moechentur, plus peccat fidelis, quia facit iniuriam fidei. Et sic dicit, quod si fidelis contemnit curam parentum, gravius peccat, quam si hoc faceret infidelis. II Petr. II, 21 : melius erat eis non cognoscere viam iustitiae, quam post agnitionem retrorsum converti, et cetera.

L’Apôtre dans ce qui précède, a donné à Timothée ses instructions sur l’usage et l’abstinence des viandes; il les lui continue ici au sujet de la dispensation des aliments à faire aux personnes spirituelles, c’est-à-dire des aumônes qu’on donnait aux veuves et à ceux qui enseignaient. Il l’instruit d’abord de ce qui concerne les veuves; ensuite de ce qui concerne ceux qui enseignent, (verset 17) : "Que les prêtres qui gouvernent bien [soient doublement honorés], etc." Sur la première question, Paul explique en premier lieu comment l’Eglise doit fournir des aliments aux veuves et à ceux qui enseignent; en second lieu, quelles doivent être les veuves que l’on choisit (verset 9) : "Que la veuve qui sera choisie, etc." Premièrement, il détermine quelles veuves on doit secourir; secondement, il développe ce qu’il vient de dire (verset 4) : "Mais si quelque veuve [a des fils ou des petits-fils], etc." troisièmement, il donne la raison de ce qui précède (verset 8) : "Que si quelqu’un [n’a pas soin des siens], etc."

Il dit donc (verset 3) : "Honorez les veuves," non seulement en leur témoignant du respect, mais encore en pourvoyant à leurs besoins. Car l’un et l’autre devoir est compris sous l’expression "honorer". C’est ainsi que dans le précepte d’honorer les parents, est comprise l’obligation de subvenir à leurs besoins, comme si l’Apôtre disait : "Pourvoyez à leurs nécessités". Ainsi fit-on dès les premiers jours de l'Eglise. (Actes VI, 1) : "Il s’éleva un murmure des Grecs contre les Juifs hébreux, parce que leurs veuves étaient méprisées dans le ministère quotidien." (II Macchab., III, 10) : "De l’argent était en dépôt dans le temple, pour la subsistance des veuves et des orphelins." Quelles sont donc les veuves qu’on doit secourir ? Celles (verset 3) : "Qui sont vraiment veuves." On appelle veuve celle qui est comme vide, c’est-à-dire, séparée de son mari. Une veuve est véritablement telle, qui n’a pas d'autres personnes par qui elle soit sustentée; à ces veuves on donnait le nécessaire en puisant dans les aumônes des fidèles.

II° Quand Paul ajoute (verset 4) : "Que si quelque veuve [a des fils ou des petits-fils]," il explique quelles sont les veuves véritables. Et d’abord quelles sont celles qui ne sont pas telles; ensuite quelles sont celles qui le sont (verset 5) : "La veuve qui est vraiment veuve, etc."

I. Sur la première partie de la question, il traite premièrement de l’instruction à leur donner ; secondement il en assigne la raison (verset 4) : "Car cela [est agréable à Dieu]."

L’instruction qu’il donne (verset 4) c’est "que les veuves d’abord apprennent à gouverner leur maison." (Tobie, X, 13) : "Ils avertirent leur fille de régler sa famille." L’Apôtre dit : "d’abord," parce que la veuve choisie par l’Eglise pour être secourue par elle doit elle-même être vigilante en toute honnêteté. C’est ce qui fait dire à Paul : "Qu’elle apprenne." Elle doit de plus être au service de ses parents. C’est pourquoi l’Apôtre dit (verset 4) : "[Qu’elle rende ses père et mère] ce qu’elle a reçu d’eux, etc. " comme s’il disait : "De même que ses parents l’ont nourrie; qu’elle en fasse autant à leur égard si elle les a encore."

Il en donne la raison quand il ajoute (verset 4) : "Car cela est agréable à Dieu, etc. " car c‘est là agir non pas seulement pour les hommes, mais pour Dieu. La chose est évidente, puisque Dieu en a fait un précepte spécial (Exode, XX, 12), et Notre Seigneur Jésus-Christ n’a eu garde de l’omettre dans son Evangile. La nature même nous apprend à rendre la pareille à ceux dont nous avons reçu des bienfaits; or, nul ne nous en a prodigué plus que nos parents.

II. Quand Paul dit (verset 5) : "Que la veuve qui est vraiment veuve, etc.", il explique quelles sont les véritables veuves. Il dit d’abord quelles elles sont; ensuite comment on doit les instruire (verset 5) : "Qu’elle espère en Dieu, etc." Il dit donc : "Que la veuve qui est vraiment veuve, et abandonnée," c’est-à-dire, sans aucune consolation humaine, soit de ses fils, soit de ses parents, Si elle n’a pas d’autre refuge, "qu’elle espère en Dieu," même pour les secours temporels accordés par l’Eglise. Elle doit donc être instruite d’abord pour qu’elle s’exerce dans le bien, ensuite pour qu’elle évite le mal (verset 7) : "Faites-leur donc entendre ceci."

Sur le premier point, il fait connaître à quelle occupations doit se livrer cette veuve, et il en donne la raison (verset 6) : "Car pour celle [qui est dans les délices], etc."

A) il dit donc : "Qu’elle espère en Dieu," et qu’elle accomplisse, comme il convient, des actes en rapport avec cette espérance, par la prière et la supplication, qui font obtenir ce qu’on espère. Car la prière est l’élévation de l’âme vers Dieu; la supplication, la demande qu’on lui fait par quelque objet sacré. C’est pourquoi l’Apôtre ajoute (verset 5) : "Et qu’elle persévère dans les prières et les oraisons." Il dit (verset 5) : "Jour et nuit," parce qu’il est impossible que l’esprit humain soit à l’abri de quelque souci. Voilà pourquoi, la veuve n’ayant rien qui puisse l’occuper, doit vaquer sans cesse au service de Dieu. (Luc, II, 37) : "Anne ne sortait pas du temple, etc." ; (Judith, VIII, 5) : "Elle s’était fait, au haut de sa maison, une chambre secrète pour prier."

B) En ajoutant (verset 6) : "Car pour celle [qui vit dans les délices], etc.," l’Apôtre assigne la raison pour laquelle la veuve doit vaquer continuellement à la prière : sinon, il est impossible que son coeur ne se laisse pas aller à quelque attache ; car lorsque l’âme de l’oisif n’est pas occupée à quelque chose d’utile, nécessairement elle se laissera préoccuper de quelque affection charnelle. Voilà pourquoi Paul dit que la veuve qui est ainsi abandonnée, doit vaquer à la prière, parce que si elle n’a pas cette occupation, elle se livre aux délices, et ainsi elle est morte, de la mort du péché. (Apoc., III, 1) : "Vous avez la réputation d’être vivant, et vous êtes mort" ; (Isaïe XXXVIII, 19) : "Ce sont les vivants, ô mon Dieu," c’est-à-dire intérieurement, "ce sont les vivants," c’est-à-dire extérieurement "qui publieront vos louanges." Et bien qu’une vie de délices soit pour tous les humains une occasion de mort, elle l’est spécialement pour les femmes, parce que de leur nature, elles ont l’âme molle. La vie de délices amollissant l’âme, à plus forte raison amollit-elle l’âme de la femme. (Jérémie., XXXI, 22) : "Jusqu’à quand serez-vous dans les délices, fille vagabonde ?" ; (Apoc., XVIII, 7) : "Multipliez ses tourments et ses douleurs, à proportion qu’elle s’est élevée dans son orgueil, et de ce qu’elle s’est plongée dans les délices. "

II. Quand Paul dit ensuite (verset 7) : "Faites-leur donc entendre ceci, etc.," il montre que la veuve doit être instruite de manière à se garder du mal. Voilà pourquoi il recommande de défendre aux veuves de s’y laisser entraîner, en leur faisant entendre (verset 7) que les femmes sustentées par l’Église, "doivent se conduire d’une manière irréprochable" ; (Psaume XC, 5) : "La sainteté, Seigneur, doit être l’ornement de votre maison."

III° En ajoutant (verset 8) : "Que si quelqu’un [n’a pas soin des siens], etc.," il donne la raison de ce qu’il a dit plus haut (verset 4) : "Qu’elle apprenne d’abord, etc.", rappelant ici qu’il est nécessaire que la veuve soit instruite sur ce point, parce que c’est de toute nécessité. Voilà pourquoi il dit : "des siens," c’est-à-dire de ceux dont elle est tenue de prendre soin (verset 8), "et particulièrement de ceux de la maison" ; (Cant., II, 4) : "Il a réglé en moi l’amour." Nous pouvons donc, comme le remarque Augustin, vouloir du bien à tous, mais ceux qui nous sont unis, nous étant comme une sorte d’héritage, nous devons les aimer davantage. Saint Ambroise, dans son « livre des Offices » dit que la raison de ceci est que, peut-être, on rougirait de recevoir des étrangers, tandis qu’il n’y a pas de honte à recevoir des siens (verset 8) : "Il a nié la foi," sous le rapport des oeuvres, parce que s’il ne la pratique pas à l’égard de ceux que la nature lui associe, à plus forte raison ne le fera-t-il pas à l’égard des autres ; (Tite, I, 16) : "Ils font profession de connaître Dieu, mais ils le renient par leurs oeuvres."

L’Apôtre ajoute : (verset 8) : "Et il est pire qu’un infidèle ?" Cela est-il donc vrai ? Saint Augustin semble enseigner le contraire sur le chap. XV, 22 de Jean : "Si je n’étais pas venu, etc." Il dit que le Sauveur parle en cet endroit du péché d’infidélité, qu’il signale comme plus grave que les autres, parce que les péchés contre Dieu sont plus grands que ceux que l’on commet contre le prochain.

Nous répondons que l’état du fidèle par rapport à l’état de l’infidèle, peut être envisagé de deux manières. D’abord quant à l’état du péché, et à ce point de vue les infidèles sont dans un état pire, car ils ne font rien d’agréable à Dieu; ensuite, quant à tel ou tel péché, et alors c’est tout le contraire. Car si le fidèle et l’infidèle commettent, par exemple, un péché d’impureté, le fidèle est plus coupable, parce qu’il fait injure à sa foi; c’est dans ce sens que Paul dit que si le fidèle méconnaît l’obligation de prendre soin de ses parents, il commet un péché plus grave que l’infidèle qui agirait de la même manière ; (II Pierre, II, 21) : "Il leur eût été meilleur de n’avoir pas connu la voie de la justice, que de retourner en arrière après l’avoir connue, etc. "

 

 

Lectio 2

Leçon 2 — 1 Timothée V, 7-14 : Le rôle pastoral des veuves

 

SOMMAIRE : L’Apôtre explique quelles veuves on doit choisir pour présider les autres. Il recommande d’éviter la fréquentation des plus jeunes.

[9] vidua eligatur non minus sexaginta annorum quae fuerit unius viri uxor

[10] in operibus bonis testimonium habens si filios educavit si hospitio recepit si sanctorum pedes lavit si tribulationem patientibus subministravit si omne opus bonum subsecuta est

[11] adulescentiores autem viduas devita cum enim luxuriatae fuerint in Christo nubere volunt

[12] habentes damnationem quia primam fidem irritam fecerunt

[13] simul autem et otiosae discunt circumire domos non solum otiosae sed et verbosae et curiosae loquentes quae non oportet

[14] volo ergo iuveniores nubere filios procreare matres familias esse nullam occasionem dare adversario maledicti gratia

[15] iam enim quaedam conversae sunt retro Satanan

[16] si qua fidelis habet viduas subministret illis et non gravetur ecclesia ut his quae vere viduae sunt sufficiat

7. Que la veuve qui sera choisie," pas moins de 60 ans; qu’elle n’ait eu qu’un mari,

8. Et qu’on puisse rendre témoignage de ses bonnes oeuvres : si elle a bien élevé ses enfants, si elle a exercé l’hospitalité, si elle a lavé les pieds des saints, si elle a secouru les affligés, si elle s’est appliquée à toutes sortes de bonnes oeuvres.

9. Mais n’admettez pas en ce nombre les jeunes veuves, parce que la mollesse de leur vie les portant à secouer le joug du Christ, elles veulent se remarier.

10. S’engageant ainsi dans la condamnation, par le violement de la foi qu’elles lui avaient donnée auparavant.

11. Mais de plus, elles deviennent fainéantes et s’accoutument à courir par les maisons; et elles ne sont pas seulement fainéantes, mais encore causeuses et curieuses, s’entretenant de choses dont elles ne devraient pas parler.

12. J’aime donc mieux que les jeunes veuves se marient; qu’elles aient des enfants, qu’elles gouvernent leur ménage et qu’elles ne donnent aucun sujet aux ennemis de notre religion de nous faire des reproches.

13. Car déjà quelques-unes se sont égarées pour suivre Satan.

14 Que si quelqu’un des fidèles a des veuves, qu’il leur donne ce qui leur est nécessaire, et que l’Eglise n’en soit pas chargée, afin qu’elle puisse entretenir celles qui sont vraiment veuves.

[87893] Super 1 Tm cap. 5 l. 2 Supra ostendit viduas ab Ecclesia esse sustentandas, hic ostendit quales sunt sustentandae. Et primo ostendit qualis sit eligenda, secundo qualis vitanda, ibi adolescentiores.

Circa primum tria facit, quia primo ostendit esse eligendam ex tempore; secundo ex castitate; tertio ex bonorum operum exercitio.

Ex tempore, quia sexaginta annorum. Sed de qua electione agit? Ad hoc potest responderi dupliciter. Uno modo, quod loquitur de electione, qua eligitur ad praesidendum gubernationi aliarum viduarum, quae ab Ecclesia nutriebantur, quae sic antiqua praeficiatur, ut de continentia eius nullus suspicetur. Num. IV, 3 : a triginta annis et supra usque ad annos quinquaginta, et cetera. Sed contra videtur, quia Ecclesia facit contrarium, quia abbatissae iuniores fiunt. Respondeo. Dicendum est, quod inordinatum est, quod nimis iuvenculae fiant, sed tamen non est tanta diligentia Ecclesiae in eis quae sunt inclusae, ut in eis quae sunt liberae. Alio modo, quod loquatur de electione, qua eligitur ad hoc, quod sustentetur stipendiis Ecclesiae, et talis eligatur non minus quam annorum sexaginta, quia iuvenes possunt laborare manibus, sicut et apostolus, qui licet posset de Evangelio vivere, tamen laborabat, sed vetulae quiescunt.

Ex castitate etiam eligenda est vidua, ideo dicit quae fuerit unius viri uxor. Sicut enim requiritur in episcopo, quod sit vir unius uxoris, ita in vetula, quod sit viri unius uxor. Glossa : hoc dicit propter praedictum sacramentum. Haec Glossa est magistralis et parum valet. Non enim videtur ratio sumi ex aliquo sacramento, quia mulieres non suscipiunt aliqua sacramenta ministranda.

Sed hoc dicit propter firmitatem, ut scilicet habeant continuum propositum servandae viduitatis. Sed Hieronymus in epistola ad Geruntiam, alias ad Esiciam, aliam rationem assignat, scilicet quod apud gentiles mos erat, quod in sacris deorum nulla praeerat, quae haberet duos viros. Et ideo apostolus voluit, ut quae alimentis Ecclesiae nutriebantur, non minus essent castae. Iudith XV, 11 : eo quod castitatem amaveris, et post virum tuum, alterum nescieris et cetera. Lc. II, 36 : vixit annis septem cum viro suo a virginitate sua. Et ideo est quasi laudabile signum castitatis, quod unius viri fuit uxor.

Deinde cum dicit in operibus bonis, etc., ostendit viduam esse eligendam ex exercitatione bonorum operum, et primo in generali; secundo in speciali, ibi si filios; tertio dat idem intelligere de omnibus bonis operibus, ibi si omne opus.

Quantum ad primum dicit in operibus bonis. Prov. ult. 31 : laudent eam in portis opera eius. Et dicit testimonium habens. Io. V, 36 : opera quae dedit mihi pater, ut perficiam ipsa opera, quae ego facio, testimonium perhibent de me. Exteriora enim opera ostendunt interiorem fidem. Iac. II, 18 : ostende mihi fidem tuam sine operibus, et ego ostendam tibi ex operibus fidem meam.

Sed quae opera? Primo ad suos, secundo ad alios. Ad suos dicit si filios educavit, scilicet in timore Dei, et castitate. Eccli. VII, 25 : filii tibi sunt? Erudi illos.

Quantum ad alios, tangit tria opera pietatis. Primo ad misericordiam, quia mulieres habentes cor molle sunt naturaliter misericordes. Primo ergo docet hospitalitatem, ibi si hospitio receperit. Rom. XII, 13 : hospitalitatem sectantes. Secundo cum hoc simul ponit humilitatem, dicens si sanctorum lavit pedes; sic enim sunt sancti recipiendi et honorifice tractandi. Lc. X, 40 : Martha autem satagebat circa frequens ministerium. Sic Christus, Io. XIII, v. 14 : si ergo ego lavi pedes vestros, dominus et magister, et vos debetis alter alterius lavare pedes. Glossa Augustini super Ioannem : faciunt hoc sibi invicem fratres etiam in ipso opere visibili, et quod manu non faciunt, corde non faciunt. Multo autem melius est, ut etiam manibus fiat, nec dedignetur id quod fecit Christus facere Christianus. Qui enim ad pedes fratris inclinatur, ei in corde humilitas excitatur, vel si iam inerat, confirmatur humilitatis effectus. Tertio fortitudinem et constantiam, ut scilicet tribulatis assistat; unde dicit si tribulationem patientibus subministravit. Hebr. X, v. 34 : vinctis compassi estis.

Deinde cum dicit si omne opus, concludit in quibus debet esse bona, dicens si omne opus bonum subsecuta est, id est, prosecuta est. Gal. VI, 10 : dum tempus habemus, operemur bonum ad omnes.

Deinde cum dicit adolescentiores, etc., ostendit quae sint vitandae. Et primo hoc ostendit; secundo assignat rationem, ibi cum enim luxuriatae. Dicit ergo : eligantur viduae talis aetatis, sed devita adolescentiores viduas, id est, passim non recipias ad sustentationem in Ecclesia, praecipue infames et dissolutas. Vel devita eas, quantum ad consortium et familiaritatem. Eccli. XLII, 14 : melior est iniquitas viri, id est, securior ad commorandum, quam mulier bene faciens; unde ibi subditur : et mulier confundens in opprobrium. Prima expositio est litteralis.

Deinde cum dicit cum enim luxuriatae fuerint, etc., assignatur duplex ratio ex duplici periculo, quod imminet.

Circa primum duo facit, quia primo proponit primum, secundo respondet quaestioni, ibi habentes damnationem.

Si enim adolescentes assumantur ad sustentationem Ecclesiae, sunt duo consequentia, scilicet quod habeant sufficientiam, et quod non cogantur manibus operari. Ex utroque autem imminet periculum. Ex primo, periculum castitatis, unde dicit cum enim luxuriatae fuerint. Luxuria quandoque sumitur pro superfluitate actus venerei, et sic est unum de septem vitiis capitalibus; quandoque vero sumitur pro omni superfluitate rerum corporalium, et sic sumitur hic; quasi dicat : cum habuerint superabundantiam in Christo, id est, per suffragium Christi, tunc nubere volunt. Ex. XXXII, 6 : sedit populus manducare et bibere, et surrexerunt ludere. Valerius dicit, quod a Cerere, id est, cibo et Libero patre, propinquus est locus ad Venerem. Os. IV, 10 : comedent, et non saturabuntur, fornicati sunt, et non cessaverunt, et cetera.

Deinde cum dicit habentes, etc., respondet tacitae quaestioni. Posset enim aliquis dicere : quid enim mali est si nubant? Tu enim dicis I Cor. VII, v. 28 : mulier non peccat si nubat. Ideo dicit : in hoc habent damnationem, quia primam fidem, etc., scilicet castitatis, quam voverunt. Alias enim non fuissent assumptae ad alimoniam. Unde dicit Augustinus hic, quod ex solo proposito quis incurrit damnationem. Verum est si sit ad determinatum et cum consensu. Eccli. V, 3 : si quid vovisti Deo, ne moreris reddere. Lc. IX, 62 : nemo mittens manum in aratrum et aspiciens retro, aptus est regno Dei.

Ex secundo, scilicet quod non laborant, tria mala incurrunt. Primum malum est otiositas. Eccli. XXXIII, 29 : multam malitiam docuit otiositas. Ez. XVI, 49 : haec fuit iniquitas Sodomae sororis tuae, superbia, saturitas panis, et abundantia, et otium. Prov. c. XII, 11 : qui sectatur otium stultissimus est. Ex otiositate sequuntur haec mala. Cor mulieris non est firmum sicut viri, et propter hoc ad diversa movetur. Si ergo non adstringatur ad operandum, oportet ferri ad diversa. Et ideo est periculum, quod mulieres sint otiosae, unde antiqui occupabant eas.

Item efficiuntur instabiles quantum ad locum, quia discunt circumire domos. Prov. c. VII, 12 : nunc foris, nunc in plateis, nunc iuxta angulos insidians. Ier. XIV, 10 : dilexit movere pedes suos, et non quievit, et domino non placuit.

Quantum ad verba dicit verbosae. Ex quo enim non occupantur, multum vacant nugis. Prov. VII, 10 : garrula, vaga, quietis impatiens. Quantum ad cor curiosae, quia ex quo non occupantur in suis, intromittunt se de alienis, et ideo loquuntur quae non oportet, quia omnium facta diiudicant. Eccli. IX, 11 : colloquium eius quasi ignis exardescit.

Deinde cum dicit volo ergo, etc., ostendit cui operi sint applicandae, scilicet ut nubant. Et proponit primo documentum, secundo assignat rationem, ibi iam enim.

Dicit ergo volo iuniores, scilicet viduas, nubere. Contra I Cor. VII, 8 : bonum est eis si sic permaneant; ergo debet melius dicere : volo continere. Respondeo. Hieronymus dicit, quod illud I Cor. VII, 7, volebat ex principali intentione, sed unusquisque habet proprium donum a Deo. Et ideo subdit : melius est nubere quam uri.

Et ideo in quo casu loquitur, videndum est, quia in hoc, ne primam fidem faciant irritam, et ideo quod hic dicit volo, intelligitur non ex principali intentione. Filios procreare, et non eos occulte occidere per abortum. Supra II, 15 : salvabitur autem per filiorum generationem, si permanserit in fide. Matresfamilias esse, ut scilicet sint occupatae, nec verbosae discurrant per domos. Et etiam hoc volo, ut nullam occasionem dent adversario, id est, vel Diabolo, vel gentili, maledicti gratia, id est, ut possit maledicere Ecclesiis Dei.

In quo sic concludit vitam viduarum, ut sic vivant, quod in nullo alios provocent ad lasciviam. I Petr. II, 15 : si est voluntas Dei, ut bene facientes, obmutescere faciatis imprudentium hominum ignorantiam. Et est eius haec ratio, quia quaedam voventes castitatem, conversae sunt retro, votum irritantes. Et tales vadunt post Satanam, per imitationem, quia apostatavit de societate Angelorum.

Deinde cum dicit si quis, ostendit quae viduae sunt nutriendae a privatis personis; et primo ponit documentum, secundo rationem, ibi ut non gravetur.

Dicit ergo, quod quae est vidua vere, speret in Deo, sed iam quod si qua habet fratres, vel parentes, sustentetur ab illis. Et ideo dicit si quis fidelis, etc., quia hoc est opus pietatis.

Et hoc ut Ecclesia non gravetur, et cetera. Et hoc necessarium est, quia tunc Ecclesia non habuit possessiones, sed modo habet possessiones deputatas ad hoc. I Thess. II, 9 : nocte et die operantes, ne quem vestrum gravaremus.

Paul a établi plus haut que les veuves doivent être sustentées par l’Église. Il désigne ici quelles sont les veuves que l’on doit sustenter. Et d’abord il enseigne quelles sont les veuves qu’il faut choisir; en second lieu, quelles sont celles qu’il faut éviter (verset 11) : "Mais n’admettez pas de trop jeunes veuves, etc."

Sur la première partie, il explique que le choix doit se régler d’après trois conditions : premièrement, l’âge; secondement, la chasteté; troisièmement, la pratique des bonnes œuvres.

I. L’âge d’abord (verset 9) : "[Que la veuve qui sera choisie, n’ait pas] moins de soixante ans." De quelle élection parle ici Paul ? On peut répondre de deux manières. D’abord, qu’il s’agit de l’élection de celle qui sera designée pour présider au gouvernement des autres veuves, nourries par l’Église. Il fallait, en effet, que celle qui était ainsi préposée fût fort âgée pour que personne ne pût concevoir de soupçon sur sa continence ; (Nombres IV, 3) : "Depuis trente ans et au-dessus, jusqu’à cinquante ans; etc." Ceci n’est-il point contredit par ce que fait l’Église, puisqu’on peut élire une abbesse d’un âge moins avancé ? Il faut répondre qu’il est contre l’ordre d’élire des abbesses trop jeunes encore, bien que pourtant l’Eglise n’ait pas à veiller avec autant de soin sur celles qui vivent cloîtrées, que sur celles qui vivent libres. Le second sens est que l’Apôtre parle de l’élection de la veuve qui est choisie pour être sustentée par l’Église. Elle doit, pour cette raison, n’avoir "pas moins de soixante ans," par le motif que les jeunes veuves peuvent travailler de leurs mains, ainsi que le pratiquait l’Apôtre lui-même, qui pouvant vivre de la prédication de l’Evangile, néanmoins travaillait; mais celles qui sont âgées se reposent.

II. Une seconde condition est la chasteté. C’est pourquoi l’Apôtre dit (verset 9) : "Qu’elle n’ait eu qu’un mari." De même, en effet, qu’on exige de l’évêque, qu’il n’ait été marié qu’une fois, ainsi l’on demande de la veuve qu’elle n’ait eu qu’un mari. La Glose dit qu’il doit en être ainsi à cause du sacrement dont il a été parlé, mais ici la Glose n’a que sa propre autorité, et n’est pas, par conséquent, d’un grand poids. On ne voit pas, en effet, qu’on puisse déduire de quelque sacrement une sorte de raison, puisque les femmes ne sont pas appelées pour administrer les sacrements. L’Apôtre parle ainsi pour marquer leur persévérance; il veut qu’elles aient la résolution de demeurer continuellement dans l’état de viduité. Saint Jérôme, cependant, dans son « Epître à Gérontia », autrement à Esitia, apporte une autre raison : "Parmi les Gentils, c’était un usage que dans les rites sacrés nulle femme ne présidât, si elle avait deux maris." L’Apôtre voulait donc que les veuves, nourries aux frais de l’Eglise ne fussent pas d’une chasteté moindre [que les femmes païennes]. (Judith, XV, 11) : "Parce que vous avez aimé la chasteté, et qu’après avoir perdu votre mari, vous n’avez pas voulu en épouser d’autres, etc. " ; (Luc II, 36) : "Elle n’avait vécu que sept ans avec son mari, depuis qu’elle l’avait épousé étant vierge." C’est donc comme une marque recommandable de chasteté de n’avoir été mariée qu’une seule fois.

III. Quand Paul dit (verset 10) : "[Et qu’on puisse rendre témoignage] de ses bonnes oeuvres," il pose que la veuve doit être choisie d’après la pratique des bonnes oeuvres; d’abord en général, ensuite d’une manière spéciale (verset 10) : "Si elle a élevé ses enfants, etc.", enfin il le donne à entendre de toutes les bonnes oeuvres, (verset.10) : "Si [elle s’est appliquée] à toutes sortes d’exercices de piété."

De la première de ces conditions, il dit (verset 10) : "[Et qu’on puisse rendre témoignage] de ses bonnes oeuvres" ; (Prov., XXXI, 31) : "Que ses propres oeuvres la louent aux portes de la ville." Il dit : "Qu’on puisse rendre témoignage" ; (Jean, V, 36) : "Les oeuvres que mon Père m’a donné à faire, ces oeuvres que je fais, rendent témoignage de moi, etc." Les oeuvres extérieures sont, en effet, la preuve de la foi intérieure ; (Jacques II, 18) : "Montrez- moi votre foi, qui est sans oeuvres, et moi je vous montrerai ma foi par mes oeuvres."

Or, quelles oeuvres doit-elle pratiquer ?

1. D’abord à l’égard des siens; ensuite à l’égard des autres. Des premières, l’Apôtre dit (verset 10) : "Si elle a bien élevé ses enfants," c'est-à-dire dans la crainte de Dieu et dans la chasteté ; (Ecclésiastique, VII, 25) : "Avez- vous des fils? Instruisez-les bien."

2. Quant aux secondes, Paul indique trois genres d’oeuvres de piété. Les premières ont rapport à la miséricorde, parce que les femmes, en raison de la sensibilité de leur coeur, sont naturellement miséricordieuses. Il recommande donc d’abord l’hospitalité (verset 10) : "Si elle a exercé l’hospitalité" ; (Rm XII, 13) : "Prompts à exercer l’hospitalité." A cette vertu il joint en même temps l’humilité, en disant (verset 10) : "Si elle a lavé les pieds des saints." Car c’est avec honneur qu’on doit recevoir et traiter les saints (Luc, X, 40) : "Mais Marthe était fort occupée à maint service." C’est aussi l’exemple donné par le Sauveur (Jean, XIII, 14) : "Si donc je vous ai lavé les pieds, moi qui suis Seigneur et Maître, vous devez aussi vous laver les pieds les uns aux autres." La Glose cite ici Augustin sur Jean : Les Frères agissent ainsi les uns envers les autres même quant à l’oeuvre extérieure, et ce qu’ils n’opèrent pas des mains, ils ne le font pas de coeur. Il serait beaucoup mieux qu’on pratiquât aussi des mains, et qu’un chrétien ne dédaignât pas d’imiter ce qu’a fait Jésus-Christ. Car celui qui s’incline aux pieds de son frère sent l’humilité naître dans son coeur, ou si elle y habite déjà, elle y produit son effet, avec plus de puissance. Enfin, il demande la force et la constance; il veut que la veuve assiste ceux qui sont dans la tribulation ; aussi dit-il (verset 10) : "Si elle a secouru les affligés" ; (Hébr., X, 34) : "Vous avez compatis à ceux qui étaient dans les chaînes, etc."

En ajoutant (verset 10) : "Si [elle s’est appliquée] à toutes sortes d’exercices de piété, etc.", Paul résume en quoi doit consister sa bonté. "Si elle s’est appliquée aux diverses sortes d’exercices de piété," c’est-à-dire si elle s’y est livrée avec empressement ; (Galat., VI, 10) : "Pendant que nous en avons le temps, faisons du bien à tous, etc."

II° (verset 11) : "Quant aux veuves trop jeunes, [ne les admettez pas]." L’Apôtre indique ici quelles sont les veuves qu’il faut éviter. Il s’explique d’abord; ensuite il en donne la raison (verset 11) : "Parce que la mollesse de leur vie, etc." Il dit donc, que les veuves qui sont choisies, soient de l’âge que j’ai déterminé; mais ne recevez pas celles qui sont trop jeunes, c’est-à-dire ne les admettez pas sans distinction aux secours de l’Église, surtout celles dont la réputation est atteinte, et la vie dissolue. Ou encore évitez leur compagnie et leur familiarité ; (Ecclésiastique, XLII, 14) : "L’homme qui vous fait du mal vaut mieux," c’est-à-dire donne plus de sécurité pour demeurer avec lui, "que la femme qui vous fait du bien." L’Esprit-Saint ajoute : « et qui devient pour vous un sujet de confusion et de honte ». La première explication est littérale.

II. En ajoutant à la suite (verset 14) : "Parce que la mollesse de leur vie, etc.", l’Apôtre assigne à ce qu’il a dit une double raison, tirée d’un double danger.

A l’égard du premier, d’abord il l’indique; ensuite il répond à une question (verset 12) : "S’engageant ainsi dans la condamnation, etc."

1. Si, en effet, des veuves jeunes encore sont choisies pour être entretenues par l’Église, il s’ensuivra ces deux conséquences, qu’elles auront ce qui leur suffit, et qu’elles ne seront pas forcées de travailler des mains. Or, il résulte de l’une et de l’autre condition un danger imminent. De la première, un péril pour la chasteté, ce qui fait dire à l’Apôtre (verset 11) : "Parce que la mollesse de leur vie, etc." La luxure est prise quelquefois pour les dérèglements des passions voluptueuses, et dans ce sens, elle est un des sept péchés capitaux; quelquefois aussi pour tout excès dans les choses corporelles. C’est dans ce sens que Paul l’entend ici, comme s’il disait : lorsqu’elles possèdent du superflu, "en Jésus-Christ," c’est-à-dire par son appui, "elles veulent alors se remarier" ; (Exode, XXXII, 6) : "Tout le peuple s’assit pour manger et pour boire, et ils se levèrent ensuite pour jouer." Valère dit : "De Cérès, c’est-à-dire du manger, et du dieu Bacchus, le père de la Joie, à Vénus il n’y a pas loin" ; (Osée, IV, 10) : "Ils mangeront et ils ne seront pas rassasiés : ils sont tombés dans la fornication, et ils ne se sont pas mis en peine de s’en retirer, etc."

2. (verset 12) : "S’engageant ainsi [dans la condamnation], etc." L’Apôtre répond ici à une question tacite. On pouvait, en effet, lui dire : Quel mal donc y aurait-il de la part de ces veuves à se remarier ? Ne dites-vous pas vous-même (2 Co VII, 28) : "La femme ne pèche pas, si elle se marie" ? L’Apôtre dit donc (verset 12) : "Elles s’engagent ainsi dans la condamnation, par la violation qu’elles font de la foi auparavant donnée, etc." c’est-à-dire de la chasteté à laquelle elles se sont engagées par vœu ; car sans cette condition, elles n’eussent pas été admises aux secours de l’Église. C’est ce qui fait dire à saint Augustin, sur ce passage, qu’il suffit de la seule résolution pour encourir la condamnation. Et cela est vrai, s’il y a eu détermination et consentement ; (Ecclésiastique, V, 3) : "Si vous avez fait un voeu à Dieu, ne différez pas de vous en acquitter" ; (Luc, IX, 62) : "Quiconque ayant mis la main à la charrue, regarde derrière soi, n’est pas propre au royaume de Dieu."

Le second danger, c’est que ne travaillant pas, elles s’exposent à trois grands maux.

1. Le premier, c’est l’oisiveté ; (Ecclésiastique, XXXIII, 29) : "L’oisiveté a enseigné beaucoup de mal" ; (Ezéc., XVI, 49) : "Voici quelle a été l’iniquité de Sodome, votre sœur : l’orgueil, l’excès de nourriture, l’abondance et l’oisiveté [où elle vivait] " ; (Proverbes XII, 11) : "Celui qui aime à ne rien faire est très insensé." Tels sont donc les maux qui naissent de l’oisiveté. Le coeur de la femme n’est pas ferme comme celui de l’homme; il suit de là qu’il change facilement d’objet. Si donc la femme n’est pas astreinte au travail, nécessairement elle est emportée d’une chose à une autre, et ainsi il y a danger pour elle de n’être pas occupée. Voilà pourquoi dans l’antiquité on tenait les femmes au travail.

2. De plus, elles ne peuvent demeurer stables dans un même lieu, alors elles apprennent à aller de maison en maison ; (Prov., VII, 12) : "Elle tend ses piéges au dehors, ou dans les places publiques, ou dans un coin de rue" ; (Jérémie, XIV, 10) : "Ce peuple qui aime à remuer ses pieds, qui ne demeure pas en repos, et qui n’est pas agréable à Dieu."

3. Quant aux conversations, l’Apôtre dit (verset 13) : "Elles deviennent bavardes." Car du moment où elles ne sont pas occupées, elles se livrent tout entières à des bagatelles ; (Proverbes VII, 10) : "Causeuse et coureuse, inquiète, ses pieds ne peuvent se reposer." Et quant au coeur, Paul ajoute (verset 13) : "Curieuses," car n’étant pas occupées de leurs propres affaires, elles s’ingèrent dans les affaires des autres, et par suite (verset 13) : "[S’entretiennent] de choses dont elles ne devraient pas parler" ; (Ecclésiastique, IX, 11) : "L’entretien de ces femmes est un feu qui dévore."

III° Quand l’Apôtre dit (verset 14) : "J’aime donc mieux [que les jeunes se remarient], etc.," il explique ce à quoi il faut les occuper, à savoir les remarier. Et d’abord il donne la règle; ensuite il en assigne la raison (verset 15) : "Car déjà [quelques-unes se sont égarées]."

Il dit donc (verset 14) : "Je veux que les jeunes [veuves] se remarient." On objecte ce qu’a dit Paul (1 Co VII, 8) : "[Je leur déclare qu’] il leur est bon de demeurer dans cet état." Il devrait donc dire plutôt : Je veux qu’elles gardent la continence. Nous répondons que Jérôme dit que la principale intention de l’Apôtre était ce qu’il recommande dans l’Epître aux Corinthiens (VII, 7), mais que chacun a reçu son don particulier de Dieu. C’est pourquoi il ajoute (1 Co VII, 8) : "Il vaut mieux se marier que de brûler." Il faut donc tenir compte de la circonstance signalée par l’Apôtre : c’est dans la crainte que les jeunes veuves ne violent la foi donnée à Dieu précédemment, qu’il dit donc : "Je veux," cet ordre doit donc être pris comme étant en dehors de son intention principale. (verset 14) : "Qu’elles aient des enfants," et qu’elles ne les fassent pas secrètement périr par l’avortement ; (ci-dessus, II, 15) : "Elles se sauveront néanmoins par les enfants qu’elles mettent au monde, en demeurant dans la foi, etc." (verset 14) : "Qu’elles gouvernent leur ménage," c’est-à-dire en se tenant occupées, sans courir, bavardes, de maison en maison. Et je le veux ainsi, (verset 14) : "afin qu’elles ne donnent aucun sujet à notre adversaire," c'est-à-dire soit Satan, soit le monde païen, "de nous faire des reproches," c’est-à-dire de pouvoir dire du mal des Églises de Dieu. C’est ainsi que l’Apôtre résume les règles de la vie des veuves : il veut qu’en se conduisant de la sorte, elles ne provoquent en quoi que ce soit les autres à l’impudicité ; (I Pierre, II, 15) : "La volonté de Dieu est que par votre bonne conduite, vous fermiez la bouche aux hommes ignorants et insensés." En voici la raison, c’est que quelques-unes, après avoir fait voeu de chasteté, (verset 15) "se sont égarées," en violant leur engagement. Et en se conduisant ainsi (verset 15), "elles se mettent à la suite de Satan," et imitent celui qui a apostasié de la société des anges.

IV° Quand Paul ajoute (verset 16) : "Si quelqu’un [d’entre les fidèles a des veuves]," il explique quelles sont les veuves que les particuliers doivent nourrir. Et d’abord il donne la règle; ensuite il en assigne la raison (verset 16) : "Et que l’Eglise n’en soit pas chargée."

I. Il dit donc que celle qui est vraiment veuve, doit mettre son espérance en Dieu. Cependant s’il reste à l’une d’elles des frères ou des parents, c’est par eux qu’elle doit être secourue. Voilà pourquoi il dit (verset 16) : "Que si quelqu’un d’entre les fidèles [a des veuves], etc.." : c’est là une œuvre de piété.

II. Et cela (verset 16) : "Afin que l’Eglise n’en soit pas chargée, etc." Cette mesure était alors nécessaire, parce que l’Eglise ne possédait aucun bien; maintenant elle a des ressources affectées à ses œuvres ; (I Thess., II, 9) : "[Nous vous avons prêché l’Evangile de Dieu], en travaillant jour et nuit, pour n’être à charge à aucun de vous."

 

 

 

Lectio 3

Leçon 3 — 1 Timothée V, 15-23 : le choix des candidats au sacerdoce

 

SOMMAIRE : Parmi les nombreux devoirs des évêques, ils doivent surtout veiller à n’imposer légèrement les mains à personne. Paul dit qu’il faut subvenir aux besoins de ceux qui sont occupés à prêcher l’Evangile.

[17] qui bene praesunt presbyteri duplici honore digni habeantur maxime qui laborant in verbo et doctrina

[18] dicit enim scriptura non infrenabis os bovi trituranti et dignus operarius mercede sua

[19] adversus presbyterum accusationem noli recipere nisi sub duobus et tribus testibus

[20] peccantes coram omnibus argue ut et ceteri timorem habeant

[21] testor coram Deo et Christo Iesu et electis angelis ut haec custodias sine praeiudicio nihil faciens in aliam partem declinando

[22] manus cito nemini inposueris neque communicaveris peccatis alienis te ipsum castum custodi

[23] noli adhuc aquam bibere sed vino modico utere propter stomachum tuum et frequentes tuas infirmitates

[24] quorundam hominum peccata manifesta sunt praecedentia ad iudicium quosdam autem et subsequuntur

[25] similiter et facta bona manifesta sunt et quae aliter se habent abscondi non possunt

15. Que les prêtres qui gouvernent bien soient doublement honorés, principalement ceux qui travaillent à la prédication de la parole et à l’instruction.

16. Car l’Ecriture dit : "Vous ne lierez pas la bouche au boeuf qui foule le grain;" et : "Celui qui travaille est digne du prix de son travail."

17. Ne recevez pas d’accusation contre un prêtre, que sur la déposition de deux ou trois témoins.

18. Reprenez devant tout le monde les pécheurs scandaleux, afin que les autres aient de la crainte.

19. Je vous conjure devant Dieu, et devant le Christ, et les anges élus, d’observer ces choses, sans préjugé, ne faisant rien par des inclinations particulières.

20. N’imposez légèrement les mains à personne, et ne vous rendez pas participant des péchés d’autrui. Conservez-vous pur vous-même.

21. Ne continuez plus à ne boire que de l’eau; mais usez d’un peu de vin à cause de votre estomac et de vos fréquentes maladies.

22. Il y a des personnes dont les péchés sont connus avant le jugement. Il y en a d’autres qui ne se découvrent qu’après cet examen.

23. Il y en a de même dont les bonnes oeuvres sont d’avance visibles; et si elles ne le sont pas encore, elles ne demeureront pas longtemps cachées.

[87894] Super 1 Tm cap. 5 l. 3 Superius egit de viduis honorandis, quae stipendiis Ecclesiae sustentabantur, hic agit de honoratione presbyterorum; et primo instituit Timotheum qualiter se habeat ad eos; secundo ostendit quomodo quaedam dicta sunt intelligenda, ibi quorumdam hominum.

Item primo ostendit, quod presbyteri sunt honorandi; secundo confirmat per auctoritatem, ibi dicit enim Scriptura. Circa primum duo facit, quia primo ostendit quod sunt honorandi; secundo ostendit qua ratione debetur eis honor, ibi maxime qui. Dicit ergo qui bene praesunt presbyteri. Presbyter idem est quod senior, et sicut senes aetate consueverunt habere prudentiam Iob XII, 12 : in multo tempore prudentia ita qui sumitur ad regimen Ecclesiae, debet prudens esse, Lc. XII, v. 42 : fidelis servus et prudens, et cetera. Et ideo praelati Ecclesiae, scilicet episcopi et sacerdotes, vocantur presbyteri. Et ideo dicit qui praesunt, et cetera. Nec hoc tantum, sed oportet quod bene praesint, scilicet ad Dei honorem, et non ad propriam commoditatem. Ez. c. XXXIV, 2 : vae pastoribus Israel, qui pascebant semetipsos. Item prudens sit, ut unicuique det tempore suo. I Cor. IV, 2 : hic iam quaeritur inter dispensatores, ut fidelis quis inveniatur. Isti duplici digni sunt honore, quorum unus est in ministratione necessariorum. Tob. I, v. 16 : ex his quibus honoratus fuerat a rege, habuisset decem talenta argenti, et cetera. Prov. III, v. 9 : honora dominum de tua substantia. Item alius in exhibitione reverentiae. Eccli. IV, v. 7 : presbytero humilia animam tuam. Hebr. c. XIII, 17 : obedite praepositis vestris. Prov. c. ult. omnes domestici eius vestiti sunt duplicibus. Is. LXI, 7 : in terra sua duplicia possidebunt.

Sed maxime praecipue hic honor est illis exhibendus, qui hoc merentur suo labore, scilicet qui laborant in verbo praedicationis. Phil. II, 15 : inter quos lucetis sicut luminaria in mundo, verbum vitae continentes. Col. III, 16 : verbum Christi habitet in vobis abundanter, in omni sapientia docentes. Item in doctrina, id est, in eruditione. Ier. III, 15 : dabo vobis pastores iuxta cor meum, et pascent vos scientia et doctrina. Et Eph. IV, 11 iungit pastores et doctores, quia hoc est officium episcopi.

Deinde cum dicit dicit enim, probat per duplicem auctoritatem, et unam introducit secundum sensum mysticum, aliam secundum litteralem, ibi dignus est.

Dicit ergo dicit enim Scriptura, scilicet Deut. XXV, 4 : non alligabis os bovi trituranti. I Cor. IX, 8 probat apostolus hoc esse intelligendum de doctoribus, quia Deo non est cura de bobus, non quin subsint divinae providentiae, sed quia Deo non est cura qualiter homines tractent boves, qui possunt eis uti ut volunt. Unde illa lex non est de bobus, sed per similitudinem dicitur. Quasi dicat : homini laboranti in officio praedicationis et regiminis non prohibeas quin vivat de illo officio. Per boves enim intelliguntur docentes. Prov. XIV, 4 : ubi plurimae segetes, ibi manifesta est fortitudo bovis. Per messes, fideles. Matth. IX, 37 : messis quidem multa, et cetera. Ergo non sunt prohibendi praedicatores et doctores quin sumptus habeant.

Alia auctoritas est dignus est operarius cibo suo, Matth. X, 10. Vel potius in veteri testamento est, licet non sic scripta sit. Nec consuevit apostolus de Evangelio adducere auctoritatem, nisi cum expressione dicentis; sed sumitur haec de Lev. XIX, 13 : non morabitur apud te merces mercenarii tui usque mane. Sed numquid isti sumptus sunt merces? Dicit Augustinus in Glossa quod sic : non tamen venale est Evangelium, ut pro istis praedicetur. Merces enim quandoque dicitur, quod homini redditur pro praemio finali, et sic absit quod praedicatorum merces sint huiusmodi sumptus; quandoque dicitur merces solum, quo quis fit dignus laborando, et hoc modo large hic dicitur merces. Et ideo dicit Augustinus : accipiant ergo, et cetera.

Deinde cum dicit adversus presbyterum, agit de correctione presbyteri, dicens quod presbyteri qui bene praesunt, duplici honore sunt honorandi, sed mali sunt corrigendi. Circa quod tria facit. Primo dicit, quod faciliter eorum accusatio non admittatur; secundo quod culpabiles sunt publice corrigendi, ibi peccantes; tertio quod non damnentur temere, ibi sine praeiudicio.

Dicit ergo : tu maior presbyter, noli adversus presbyterum accusationem, et cetera. Duo sufficiunt si boni sunt. Cuius dicti ratio est in Glossa, quia non est facile accusanda tam alti ordinis persona, quae sit vice Christi. Sed hoc non videtur sufficere quia aliorum accusatio non nisi sub duobus vel tribus testibus admittitur. Deut. XVII, 6 : in ore duorum aut trium testium peribit, qui occidetur. Unde notandum quod aliud est accipere accusationem, et aliud condemnare accusatum; secundum non debet iudex, nisi cum testibus convictus fuerit damnandus, et hoc in hominibus vulgi; sed in sacerdotem non debet accusationem recipere, nisi sit evidens.

Deinde cum dicit peccantes, etc., ostendit quomodo puniatur si sibi probetur; et primo ostendit, quod publice corrigat eum; secundo adiurat eum, quod observet ista, ibi testor coram.

Dicit ergo peccantes, tam presbyteros, quam quoscumque, coram omnibus argue. Et quare? Ut caeteri timorem habeant. Proceditur tamen aliter in correctione fraterna, aliter in iudiciaria, quia iudex gerit personam publicam, et ideo debet intendere bonum commune, quod laeditur per peccatum publicum, quia multi scandalizantur. Et ideo iudex ecclesiasticus sic debet publice punire, ut alii aedificentur. Eccle. VIII, 11 : quia non cito profertur contra malos sententia, absque ullo timore filii hominum perpetrant mala. Prov. XIX, 25 : pestilente flagellato, stultus sapientior erit. Nota quod dicit coram omnibus.

Sed contra Matth. XVIII, 15 : si peccaverit in te frater tuus, corripe eum inter te et ipsum solum, et cetera. Respondet Augustinus in Glossa : distingue tempora et peccatum, quia aliud est occultum aliud publicum. Sed primum indiget occulto remedio, id est, occulte est arguendum, et de hoc loquitur dominus. Unde dicit in te, scilicet solo, quasi occulte. Sed apostolus loquitur de peccato publico, quod publica poena indiget. Et hoc significatur in mortuis quos dominus suscitavit. Matth. IX, v. 25, puellam suscitavit intra domum, per quod occultum peccatum intelligitur, unde et tunc eiecit turbam; sed Lc. VII, 12, filium viduae extra portam, coram omnibus, per quod ostenditur publicum peccatum publice puniendum.

Deinde dicit testor, etc., quia iudex ecclesiasticus maxime gerit in iudicando personam Dei, ideo per Deum attestandus est, quod iuste iudicet. Sic enim debet arguere coram omnibus, quod non despiciat iudicium Dei. Ubi tria ostendit. Primum est auctoritas divina, quia Deus pater auctoritate iudicabit; ideo dicit coram Deo. Gen. XVIII, 25 : iudicas omnem terram. Item Christus homo sicut in iudicio comparens. Io. V, 27 : potestatem dedit ei iudicium facere, quia filius hominis est. Et ideo dicit et Christo Iesu. Item Angeli sicut ministri. Matth. XXV, 31 : cum venerit filius hominis in maiestate sua, et omnes Angeli cum eo, tunc sedebit super sedem maiestatis suae. Ideo addit coram Angelis. Iob X, v. 17 : instauras testes tuos contra me.

Deinde cum dicit sine praeiudicio, removet temerarium iudicium, dicens sine praeiudicio, ut scilicet non temere procedas, sed cum deliberatione, nihil faciens, scilicet declinando ad aliquam partem. Vel sine praeiudicio, id est, sine praecedenti discussione. Eccli. XXXIII, 30 : sine iudicio nihil facias grave. Iob XXIX, 16 : causam quam nesciebam diligentissime investigabam, alioquin non esses medius inter partes. Ex. XXIII, 6 : non declinabis in iudicio pauperes.

Deinde cum dicit manus cito nemini imposueris, agit de promotione, et hoc videtur esse ratio primi. Sicut enim non debet cito punire, ita nec cito promovere, id est, ordinare de facili ad sacros ordines. Supra III, 10 : et hi probentur primum, et cetera. Num. XI, 16 : congrega ad me septuaginta viros de senioribus Israel, quos tu nosti, quod senes sint populi ac magistri, quasi dicat : illos quos tibi constat idoneos esse. Et quare? Neque communicaveris peccatis alienis, quia si inordinate promoveas, et ex hoc contingat peccatum eis, vel in plebe, hoc tibi imputabitur. Vel communicat alienis, quia non corripit cum potest. Rom. I, 32 : digni sunt morte non solum qui faciunt ea, sed etiam qui consentiunt facientibus. Is. LII, v. 11 : pollutum noli tangere.

Deinde cum dicit teipsum, etc., ostendit quomodo habeat se ad seipsum. Et hoc satis rationabiliter, quia contingit quod aliquis ita fertur ad alios quod se negligit, unde primo hortatur eum ad castitatem; secundo ex hoc reprimit immoderatam eius abstinentiam, ibi noli adhuc, et cetera.

Dicit ergo : tu, qui alios debes corrigere, teipsum castum, et cetera. I Cor. IX, 27 : castigo corpus meum, et in servitutem redigo, ne cum aliis praedicavero, ipse reprobus efficiar. Iste siquidem Timotheus erat nimiae abstinentiae, et ad vitandum carnis peccata corpus macerabat. Eccle. II, 3 : cogitans in corde meo abstrahere a vino carnem meam, et cetera.

Et quia propter hoc fuit infirmus totaliter, ideo dicit noli adhuc, postquam es infirmus, aquam bibere. Et quare? Quia Lev. c. II, 13 : quicquid obtuleris sacrificii, sale, scilicet discretionis, condies. Rom. XII, 1 : rationabile obsequium vestrum. Et ideo dicit utere vino, sed modico. Non ad ebrietatem. Eccli. XXXI, 36 : exultatio animae et cordis, vinum moderate potatum. Propter stomachum tuum, et frequentes infirmitates tuas, scilicet quae tibi ex abstinentia provenerunt. Glossa : laborandum enim est, ut si fieri potest coeptum officium gradatim promoveatur, potius quam per inconsiderationem diminuatur. Sed notandum est, quod sanabat Paulus infirmos, et mortuos suscitabat, et tamen Timotheum curat consilio medicinae; per quod datur intelligi, quod non ad omnes utebatur miraculis, sed quando expediebat propter fidem.

Deinde cum dicit quorumdam, etc., ostendit qualiter intelligenda sunt duo quae dixit, scilicet sine praeiudicio nihil in condemnationibus fiendum; item manus cito, et cetera. Et primo primum, secundo secundum.

Quantum ad primum dicit quorumdam enim peccata, etc., quasi dicat : superius dixi sine praeiudicio, etc., tamen debes adhibere considerationem, quia quaedam peccata sunt notoria, et haec non indigent examinatione; quaedam occulta, et haec indigent. Unde in istis vere intelligitur sine praeiudicio, et non in primis, quia illa praecedunt iudicium, ista vero subsequuntur, scilicet manifestatio per discussionem non tunc publicandam. Prov. XXVII, 19 : quomodo in aquis resplendent vultus prospicientium, sic corda hominum manifesta sunt prudentibus.

Secundo dixit : manus cito, etc., quod dicit esse intelligendum in non manifeste bonis, quia similiter facta bona quorumdam manifesta sunt. Matth. V, v. 16 : videant opera vestra bona, et glorificent patrem vestrum. Io. III, 21 : qui autem facit veritatem, venit ad lucem, ut manifestentur eius opera. Quae aliter se habent, id est quae non sunt manifesta, abscondi non possunt, quia Matth. X, 26 : nihil opertum quod non reveletur, et occultum quod non sciatur, quia vel in futuro, vel etiam hic omnis iniquitas manifestatur. Et in his non est facilis impositio.

L’Apôtre, dans ce qui précède, a traité de l’honneur à rendre aux veuves nourries aux frais de l’Eglise; il traite ici de l’honneur à rendre aux prêtres. Et d’abord il instruit Timothée de la manière dont il doit se conduire à leur égard; il explique ensuite le sens que l’on doit donner à certaines paroles qu’il avait dites (verset 24) : "Il y a des personnes, etc. "

Il établit donc premièrement qu’il faut honorer les prêtres; secondement il confirme ce qu’il dit par une autorité (V, 8) : "Car l’Ecriture dit, etc."

Sur la première partie, il prouve d’abord que les prêtres doivent être honorés; ensuite il montre pour quelle raison cet honneur leur est dû (verset 17) : "Principale ment ceux qui [travaillent], etc."

I. Il dit donc (verset 17) : "Il faut que les prêtres qui gouvernent bien, etc." Prêtre signifie « âgé »; et de même que l’âge apporte d’ordinaire la prudence aux vieillards (Job, XII, 12) : "La prudence est le fruit de la longue vie," celui qui est choisi pour gouverner une Eglise, doit posséder cette vertu. (Luc, XII, 42) : "[Quel est l’intendant fidèle et prudent [que le maître], etc." C’est pour cette raison que les chefs spirituels, dans l’Eglise, à savoir, les évêques et les prêtres, sont appelés anciens. C’est ce qui fait dire à Paul (verset 17) : "[Il faut que les prêtres] qui gouvernent." Mais ce n’est pas assez de gouverner, il faut que les prêtres gouvernent bien, c’est-à-dire, pour la gloire de Dieu et non pour leur avantage personnel ; (Ezéch., XXXIV, 2) : "Malheur aux pasteurs d’Israël qui se paissaient eux-mêmes," Il faut de plus que le prêtre soit prudent, pour donner à chacun en son temps ce qui lui convient. (1 Co IV, 2) : "Ce qui est à désirer dans les dispensateurs, c’est que chacun soit trouvé fidèle." Or, ceux qui sont tels, il faut les honorer doublement. Le premier de ces honneurs consiste à leur procurer le nécessaire ; (Tobie, I, 16) : "Ayant dix talents d’argent qui provenaient des dons qu’il avait reçus du roi" ; (Proverbes III, 9) : "Honorez le Seigneur de votre bien, etc." Le second consiste dans les témoignages de respect. (Ecclésiastique IV, 7) : "Humiliez votre âme devant un ancien" ; (Hébr., XIII, 17) : "Obéissez à vos conducteurs, etc." ; (Proverbes XXXI, 21) : "Tous ses serviteurs ont un double vêtement" ; (Isaïe, LXI, 7) : "Ils posséderont dans leur terre une double récompense."

II. Mais cet honneur est dû "principalement" à ceux qui le méritent par leur travail, c’est-à-dire "à ceux qui travaillent à la prédication" de l’Evangile ; (Philipp., II, 15) : "Brillez, parmi cette nation corrompue, ainsi que des astres dans le monde, portant en vous la parole de vie" ; (Coloss., III 16) : "Que la parole de Dieu habite en vous avec plénitude, et vous comble de sagesse, etc." Et (verset 17) : "à l’instruction," c’est-à-dire à acquérir la doctrine. (Jérémie III, 15) : "Je vous donnerai des pasteurs selon mon coeur, et ils vous nourriront de la doctrine et de la science" et (Eph., IV, 11-14) l’Apôtre réunit "les pasteurs et les docteurs", parce que les évêques sont l’un et l’autre.

II° (verset 18) : "Car l’Ecriture dit." Paul prouve ici par une double autorité ce qui précède. Il en cite une dans le sens mystique, l’autre dans le sens littéral (verset 18) : "[Celui qui travaille] est digne, etc."

I. Il dit donc : "Car l’Ecriture dit," à savoir (Deuter., XXV, 4) : "Vous ne lierez pas la bouche du boeuf qui foule vos grains." Dans la première Epître aux Corinthiens (IX, 8) (verset 9) l’Apôtre prouve que ce passage doit être entendu des docteurs, parce que Dieu ne s’occupe pas des boeufs, non qu’ils ne soient soumis à sa Providence, mais parce qu’il n’a pas souci comment ils sont traités par les hommes qui peuvent s’en servir comme ils l’entendent. Cette loi n’est donc pas portée en faveur des boeufs, mais par une sorte d’analogie ; comme si l’on disait : A celui qui travaille dans l’office de la prédication et du gouvernement, ne défendez pas de vivre de cet office. Par le bœuf, on entend celui qui enseigne (Proverbes XXV, 4) : "La force du boeuf se manifeste là où l’on recueille beaucoup de blé." Par la moisson, on désigne les fidèles ; (Matthieu IX, 37) : "La moisson est grande, etc." On ne doit donc pas interdire à ceux qui prêchent et qui enseignent de recevoir le nécessaire.

II. Seconde autorité (verset 18) : "Celui qui travaille est digne d’un salaire," se trouve en Matthieu (X, 10) ou plutôt dans l’Ancien Testament, bien que ce ne soit pas dans les mêmes termes. Car l’Apôtre a l’habitude de ne tirer autorité de l’Évangile qu’avec l’indication de celui qui parle; mais ce texte est tiré du Lévitique (XIX, 13) : "Le prix du mercenaire qui vous donne son travail ne demeurera pas chez vous jusqu’au matin." Ce qui est donné à ce titre est-il un salaire ? Saint Augustin, cité par la Glose, répond affirmativement : « Cependant l’Evangile n’est pas chose vénale, en sorte qu’on le prêche pour une telle fin. » On appelle parfois aussi salaire ce qui revient à l’homme pour sa récompense finale; mais loin s’en faut que le salaire de celui qui prêche soit cette sorte de secours. On dit encore parfois salaire sans autre qualification, ce que chacun mérite en travaillant. On peut prendre dans un sens large, cette expression employée ici; c’est ce qui fait dire à Augustin " Qu’ils reçoivent donc, etc."

III. Quand Paul ajoute (verset 19) : "[Ne recevez pas d’accusation] contre un prêtre," il traite de la correction des prêtres, en disant que ceux qui gouvernent bien doivent être doublement honorés, mais qu’il faut corriger les mauvais. Sur cette question, il subdivise : il enseigne premièrement, qu’il ne faut pas recevoir facilement d’accusation contre eux; secondement que les coupables doivent être corrigés publiquement (verset 20) : "[Reprenez devant tous] ceux qui pèchent" ; troisièmement, qu’on ne les condamne pas à la légère (verset 21) : "[Observez ces recommandations] sans préjugé, etc."

Il dit donc : Vous qui êtes le premier prêtre, « ne recevez d’accusation contre un prêtre, etc.» Deux suffisent s’ils sont bons. La raison que donne la Glose de cette règle, c’est qu’on ne doit pas accuser facilement celui qui est d’un rang aussi élevé et qui tient la place de Jésus-Christ. Cette explication ne paraît pas suffisante, puisqu’on n’admet d’accusation contre d’autres, que lorsqu’elle a la garantie de deux ou trois témoin ; (Deut. XVII, 6) : "Celui qui sera puni de mort sera condamné sur la déposition de deux ou trois témoins." Il faut donc remarquer qu’une chose est de recevoir une accusation, et une autre de condamner un accusé. Un juge ne doit pas condamner un accusé de condition inférieure, avant que l’accusé ne soit convaincu par les témoins, et cela dans le cas d’un homme du commun; mais s’il s’agit d’un prêtre, l’accusation ne doit pas être reçue, à moins qu’il n’y ait évidence.

Quand l’Apôtre ajoute (verset 20) : "[Reprenez devant tout le monde] les pécheurs, etc. ", il indique comment on doit punir, si la faute est prouvée. D’abord il dit à Timothée qu’il doit corriger publiquement le coupable; ensuite, il le conjure d’observer ce qu’il lui prescrit (verset 21) : "Je vous conjure devant Dieu, etc."

1. Il dit donc (verset 20) : "Quant à ceux qui font le mal," soit prêtres, soit tout autre," Reprenez-les devant tout le monde." Pourquoi ? "Afin que les autres aient de la crainte." La manière de procéder dans la correction fraternelle n’est pas la même que dans la correction judiciaire, car dans ce dernier cas le juge remplit une fonction publique, par conséquent il doit avoir en vue le bien général, qui est lésé par la faute publique, cause du scandale pour un grand nombre de personnes. Le juge ecclésiastique doit donc infliger un châtiment public, de telle sorte que les autres soient édifiés ; (Ecclésiastique VIII, 11) : "Parce que la sentence ne se prononce pas tout aussitôt contre les méchants, les enfants des hommes commettent le crime sans aucune crainte" ; (Prov., XIX, 25) : "Quand l’homme corrompu sera châtié, l’insensé deviendra plus sage." Remarquez ce que dit Paul : "En présence de tout le monde."

On objecte ce qu’on lit en Matthieu (XVIII, 15) : "Si donc votre frère a péché contre vous, allez lui représenter ses fautes entre vous et lui, etc." Saint Augustin répond dans la Glose : « Faites la distinction des circonstances et du péché. L’une est caché, l’autre public; le premier demande un remède secret, c’est-à-dire une réprimande secrète [adressée au pécheur]. Le Sauveur parle de ce genre de faute, aussi dit-il : "Entre vous," c’est-à-dire vous seul, comme en secret. » Mais l’Apôtre parle, lui, d’une faute publique, qui nécessite une réparation publique. Ceci est marqué par les différents morts que Notre Seigneur ressuscita. Il ressuscite une jeune fille (Mt IX, 25) dans l’intérieur de la maison : c’est la figure du péché secret, aussi le Sauveur a-t-il fait sortir tout le monde. Mais il ressuscite à la porte de la ville, en présence de la foule, le fils d’une veuve (Luc, VII, 12) figure de la faute publique, qui doit avoir sa réparation publique.

2. Saint Paul ajoute (verset 21) : "Je vous conjure, etc." Comme le juge ecclésiastique représente surtout, quand il rend ses jugements, la personne même de Dieu, il y a lieu de le conjurer, au nom de Dieu lui-même, de juger selon la justice. En effet, il doit ainsi manifester devant tous qu’il ne méprise pas le jugement de Dieu. Ici l’Apôtre fait ressortir d’abord l’autorité divine, car Dieu le Père jugera avec autorité, c’est pourquoi il dit (verset 21) : "Devant Dieu" ; (Gen., XVIII, 25) : "Vous êtes le juge de toute la terre." Ensuite le Christ fait homme qui viendra pour le jugement ; (Jean, V, 27) : "Le Père lui a donné le pouvoir de juger, parce qu’il est le Fils de l’homme." Paul dit donc (verset 21) : "Et devant Jésus-Christ." Enfin les anges comme ministres, (Mt XXV, 31) : "Quand le Fils de l’homme viendra dans sa majesté, accompagné de tous les anges, alors il s’assoira sur le trône de sa gloire." C’est pourquoi l’Apôtre ajoute (verset 21) : "Et devant les anges." (Job, X, 17) : "Vous produisez vos témoins contre moi."

Quand il dit (verset 21) : "[D’observer ces choses] sans préjugé," il repousse le jugement téméraire, disant : "sans préjugé," c’est-à-dire de sorte que vous ne procédiez pas avec témérité, et que vous ne fassiez rien sans mûre délibération, en inclinant de l’un des côtés. Ou " sans préjugé," c’est-à-dire sans une discussion qui précède ; (Ecclésiastique, XXXIII, 30) : "Ne faites rien d’important sans y avoir bien pensé" ; (Job, XXIX, 16) : "Je m’instruisais, en y apportant tous mes soins, de la cause que je ne connaissais pas." Autrement vous ne seriez plus arbitre entre les parties : (Exode, XXIII, 6) : "Vous ne vous écarterez pas de la justice pour condamner le pauvre."

IV. En ajoutant à la suite (verset 22) : "N’imposez les mains à personne avec précipitation," il traite de la promotion [aux ordres]. Voici, semble-t-il, la raison de qu’il a dit d’abord, car de même qu’il ne doit pas punir avec précipitation, l’évêque doit se garder également de toute précipitation pour promouvoir, c’est-à-dire ne pas élever trop facilement au sacerdoce (ci-dessus, II, 10) : "Ils doivent aussi être éprouvés auparavant, etc." ; (Num., XI, 16) : "Assemblez- moi soixante-dix hommes des anciens d’Israël, que vous saurez être expérimentés et propres à gouverner." En d’autres termes : Ceux qui certainement vous paraissent capables. Et pourquoi ? "Pour ne pas vous rendre participant du péché d’autrui," car si vous venez à les promouvoir sans règle, et qu’il en résulte un péché pour eux, ou pour le peuple, ce péché vous sera imputé. Ou bien encore, il se rend participant des péchés d’autrui, parce qu’il ne reprend pas quand il le peut. (Rm I, 32) : "Sont dignes de la mort, non seulement ceux qui font ces choses, mais aussi ceux qui approuvent ceux qui les font" ; (Isaïe LII, 11) : "Ne touchez rien d’impur."

V. Quand l’Apôtre dit ensuite (verset 23) : "Ne continuez plus [à ne boire que de l’eau]," il lui trace les règles qu’il doit suivre pour sa propre personne, et c’est avec assez de raison, parce qu’on rencontre des hommes qui sont tellement portés vers les autres, qu’ils se négligent eux-mêmes ; Paul exhorte donc d’abord son disciple à la chasteté; en second lieu, à partir de là il réprime son abstinence immodérée (verset 23) : "Ne continuez plus à ne boire que de l’eau, etc."

Il dit donc : Vous qui devez reprendre les autres, (verset 2) : "Conservez-vous pour vous-même, etc. (1 Co IX, 27) : "Je traite rudement mon corps, et je le réduis en servitude, de peur qu’après avoir prêché aux autres, je ne sois moi-même réprouvé." Ce disciple de l’Apôtre pratiquait à l’excès l’abstinence, et pour éviter les péchés de la chair, il macérait son corps ; (Ecclésiaste II, 3) : "J’ai résolu en moi-même de refuser à ma chair l’usage du vin, etc."

Mais comme Timothée, par suite des privations, était devenu complètement infirme, Paul lui dit : "Ne continuez plus," puisque vous êtes infirme, "à ne boire que de l’eau." Et pourquoi ? Parce que (Lévit., II, 13) " tout ce que vous offrirez en sacrifice sera salé," à savoir, avec le sel de la discrétion ; (Rm XII, 1) : "Rendez à Dieu un culte raisonnable." Voilà pourquoi l’Apôtre lui dit (verset 23) : "Usez du vin," mais en petite quantité ; jamais en vous exposant à l’ivresse. (Ecclésiastique XXXI, 36) : "Le vin pris modérément est la joie de l’âme et du coeur." "Usez en," dis-je (verset 23), "à cause de votre estomac et de vos fréquentes infirmités," c’est-à-dire, celles qui proviennent de votre abstinence, car, dit la Glose, il faut faire ses efforts, pour que, s’il est possible, on monte successivement les degrés de la charge qu’on a prise, plutôt que de descendre par manque de discrétion. Remarquez que Paul guérissait les malades et qu’il ressuscitait les morts, et que néanmoins il donne ici à Timothée pour le guérir les indications de la science. On peut comprendre, par cette conduite, que les apôtres n’employaient pas les miracles indistinctement pour tous, mais seulement quand il y avait utilité pour la foi.

II° Quand Paul dit enfin (verset 24) : "Il y a des personnes [dont les péchés sont connus avant le jugement]," il explique dans quel sens on doit entendre deux choses qu’il a dites, à savoir, qu’il ne faut jamais avoir des préjugés quand il s’agit de condamnations, et qu’il ne faut imposer légèrement les mains à qui que ce soit, etc. D’abord il explique la première de ces paroles, la seconde ensuite.

I. il dit donc d’abord : "Il y a des personnes dont les péchés, etc." comme s’il disait : J’ai dit plus haut que leur jugement devait se faire sans préjugé, cependant il vous faut considérer que certains péchés sont notoires et que ceux-là n’ont pas besoin de discussion; d’autres sont secrets, et il faut les discuter. Si donc il s’agit des derniers, on les discerne véritablement sans préjugé, mais non pas les premiers, parce que ceux-ci précèdent, et ceux-là suivent le jugement, se trouvant manifestés par une discussion qui ne peut à ce moment être rendue publique. (Prov., XXVII, 19) : "Comme on voit reluire dans l’eau le visage de ceux qui s’y regardent, ainsi les coeurs des hommes sont découverts aux hommes prudents."

II. Il a dit en second lieu : "[N’imposez] légèrement les mains [à personne], etc." Il répète qu’il faut l’entendre de ceux qui ne sont pas manifestement bons, car (verset 25) : "il y en a de même dont les bonnes oeuvres sont visibles" ; (Mt V, 16) : "Que voyant vos bonnes oeuvres ils glorifient votre Père" ; (Jean, III, 21) : "Celui qui agit selon la vérité, s’approche de la lumière, afin que ses oeuvres soient découvertes." (verset 25) : "Et si ces oeuvres ne sont pas visibles," c’est-à-dire si elles ne sont pas manifestées, "elles ne demeureront pas longtemps cachées," car (Matth. X, 26) : "Il n’y a rien de caché qui ne doive être découvert ni de secret qui ne doive être connu." Dans l’avenir, en effet, ou même dans le présent toute iniquité se dévoile. Or, dans de telles circonstances il n’est pas facile d’agir.

 

 

Caput 6

CHAPITRE 6 — Attitude de l'Eglise face à d'autres personnes

Lectio 1

Leçon 1 — 1 Timothée VI, 1-8 : L'attitude des serviteurs

 

SOMMAIRE.- L’Apôtre recommande à Timothée d’apprendre aux serviteurs à honorer leurs maîtres, soit chrétiens, soit infidèles, afin qu’on ne blasphème pas le nom de Jésus-Christ, et d’éviter toute doctrine contraire.

[1] quicumque sunt sub iugo servi dominos suos omni honore dignos arbitrentur ne nomen Domini et doctrina blasphemetur

[2] qui autem fideles habent dominos non contemnant quia fratres sunt sed magis serviant quia fideles sunt et dilecti qui beneficii participes sunt haec doce et exhortare

[3] si quis aliter docet et non adquiescit sanis sermonibus Domini nostri Iesu Christi et ei quae secundum pietatem est doctrinae

[4] superbus nihil sciens sed languens circa quaestiones et pugnas verborum ex quibus oriuntur invidiae contentiones blasphemiae suspiciones malae

[5] conflictationes hominum mente corruptorum et qui veritate privati sunt existimantium quaestum esse pietatem

[6] est autem quaestus magnus pietas cum sufficientia

[7] nihil enim intulimus in mundum haut dubium quia nec auferre quid possumus

[8] habentes autem alimenta et quibus tegamur his contenti sumus

1. Que tous les serviteurs qui sont sous le joug, sachent qu’ils sont obligés de rendre toute sorte d’honneur à leurs maîtres, afin de n'être pas cause que le nom et la doctrine de Dieu soient exposés à la médisance des hommes.

2. Que ceux qui ont des maîtres fidèles ne lus méprisent pas, parce qu’ils sont leurs frères; mais qu’ils les serrent au contraire encore mieux, parce qu’ils sont fidèles et plus dignes d’être aimés, comme étant part de la même grâce. Voilà ce que vous devez enseigner, et à quoi vous devez exhorter.

3. Si quelqu’un enseigne une doctrine différente, et n’embrasse pas tes saintes instructions de Notre Seigneur Jésus-Christ et la doctrine qui est selon la piété,

4. Il est enflé d’orgueil, il ne sait rien; mais il est possédé d’une maladie d’esprit qui l’emporte en des questions et des combats de paroles, d’où naissent l’envie, les contestations, les médisances, les mauvais soupçons.

5. Les disputes pernicieuses de personnes qui ont l’esprit corrompu, qui sont privées de la vérité, et s’imaginent que la piété leur doit servir de moyen pour s’enrichir.

6. Il est vrai néanmoins que c’est une grande richesse que la piété qui se contente de ce qui suffit.

7. Car nous n’avons rien rapporté en ce monde; et il est sans doute que nous n’en pouvons aussi rien emporter.

8. Ayant donc de quoi nous nourrir et de quoi nous couvrir, nous devons être contents.

[87895] Super 1 Tm cap. 6 l. 1 Supra apostolus Timotheum instruxit de usu ciborum et de personis quibus Ecclesia ministrabat alimenta, hic agit de aliis personis ad populum Ecclesiae pertinentibus. Et primo de personis infimi status; secundo de personis maioris status ibi divitibus. Circa primum tria facit, quia primo ponit instructionem de servis; secundo arguit contrariam assertionem, ibi si quis aliter; tertio monet ut contraria vitet, et servet praedicta, ibi tu autem.

Item prima in duas, quia primo ostendit quid sit tenendum; secundo docet hoc esse docendum, ibi haec doce.

Item, primo ostendit qualiter se habeant servi ad dominos infideles; secundo qualiter se habeant ad fideles, ibi qui autem.

Dicit ergo quicumque servi sunt sub iugo, scilicet propter servilem conditionem, quae dicitur iugum similitudinarie; quia sicut boves continentur sub iugo, ut non liceat eis ire quo velint, ita servi sub domino, ut non liceat eis quod velint facere. Gal. V, v. 1 : nolite iterum sub iugo servitutis contineri. Omni honore, id est, debita reverentia. Eph. VI, 5 : servi, obedite dominis carnalibus cum omni timore et tremore, in simplicitate cordis vestri, sicut Christo.

Cuius ratio est ne nomen domini et doctrina blasphemetur. Si enim domini, infideles servos suos intuitu fidei rebelles sentirent, damnarent nomen Christi, et blasphemarent doctrinam nostram. Rom. II, 24 : nomen Christi per vos blasphematur. Qui ergo infideles habent dominos, illis obediant, ne nomen Dei, et cetera.

Sed quomodo fidelibus? Qui autem fideles habent dominos, non contemnant, quod quandoque contingit, quando familiaritas infimis exhibetur, scilicet quod erigantur in superbiam. Prov. XXX, 21 : per tria movetur terra, et quartum non potest sustinere, per servum, cum regnaverit. Et huius ratio est, secundum philosophum, quia homines in talibus paralogizant; quod si in uno vident se aequales, credunt quod sint in omnibus aequales, et nolunt illis in aliquo subdi, sicut in civilibus bellis, quia populus non est subiectus credunt quod sint totaliter aequales nobilibus. Et sic posset contingere, quod servi videntes se in aliquo, scilicet fide, aequales dominis, reputent se aequales simpliciter. Et ideo dicit non contemnant.

Et ponit tria. Primum est fidei donum. Unde dicit quia fideles sunt, et hoc valde magnum est, quia per fidem vivit iustus. Item per eam vincitur mundus. Secundum est dignitas divinae dilectionis; ideo dicit dilecti, scilicet excellentius aliis creaturis, quia adoptantur in filios Dei. I Io. III, 1 : videte qualem charitatem dedit nobis Deus pater, ut filii Dei nominemur et simus. Tertium est beneficium gratiae; ideo dicit quia beneficii participes sunt, scilicet quantum ad sacramentum domini. I Cor. X, 16 : panis quem frangimus nonne communicatio corporis domini est? Ps. CXVIII, 63 : particeps ego sum omnium timentium te.

Haec doce, scilicet nescientes, et exhortare, ut impleant scientes. Tit. II, 15 : haec loquere, et cetera.

Deinde cum dicit si quis, excludit contrariam assertionem. Et primo modum falsae doctrinae; secundo radicem, ibi superbus; tertio effectum eius, ibi ex quibus.

Si vis scire, quae doctrina sit erronea, hoc ostendit ex tribus. Primo si sit contra doctrinam ecclesiasticam. Et ideo dicit si quis aliter docet, scilicet quam ego et alii apostoli, quantum ad primum. Gal. I, 9 : si quis vobis evangelizaverit praeter id quod accepistis, anathema sit. Doctrina enim apostolorum et prophetarum dicitur canonica, quia est quasi regula intellectus nostri. Et ideo nullus aliter debet docere. Deut. IV, 2 : non addetis ad verbum quod loquor vobis, neque auferetis ex eo. Apoc. ult. : si quis apposuerit ad haec, apponet Deus super illum plagas scriptas in libro isto.

Quantum ad secundum dicit et non acquiescit, et cetera. Nam dominus Iesus venit, ut testimonium perhibeat veritati. Io. XVIII, 37 : in hoc natus sum, et ad hoc veni in mundum, ut testimonium perhibeam veritati. Et ideo missus est a patre sicut doctor et magister. I Mac. II, 65 : ipsum audite semper, et ipse erit vobis pater, et cetera. Et ideo erroneus est quicumque non acquiescit sermonibus eius. I Reg. XV, 23 : quasi peccatum ariolandi est repugnare, et quasi scelus idololatriae nolle acquiescere. Et dicit sanis, quia in Christi sermonibus nihil est corruptionis, nihil falsitatis, vel perversitatis, quia sunt sermones divinae sapientiae. Prov. VIII, 8 s. : iusti sunt sermones mei, non est in eis pravum quid neque perversum. Recti sunt intelligentibus, et aequi invenientibus scientiam.

Quantum ad tertium, Prov. VI, 20 : conserva, fili mi, praecepta patris tui, et ne dimittas legem matris tuae. Unde dicit et ei quae secundum pietatem est doctrinae, scilicet ecclesiasticae. Haec pietas est per cultum Dei. Tit. I, 1 : secundum agnitionem veritatis, quae est secundum pietatem.

Radix autem erroris est duplex, scilicet superbiae affectus, et defectus intellectus. Quantum ad primum dicit superbus. Dicitur autem superbia radix errorum dupliciter : primo quia superbi volunt se intromittere de his ad quae non attingunt, et ideo necesse est, quod errent et deficiant. Is. XVI, v. 6 : superbia eius, et arrogantia eius, et indignatio eius plus quam fortitudo eius, et cetera. Item quia nolunt intellectum alteri subiicere; sed innituntur suae prudentiae, et ideo nolunt obedire Scripturae sacrae. Contra hoc dicitur Prov. III, 5 : ne innitaris prudentiae tuae. Prov. XI, 2 : ubi humilitas, ibi sapientia.

Item defectus intellectus. Ubi sciendum est, quod sicut in corpore sanitas est quaedam aequalitas humorum, ita veritas est quaedam aequalitas in intellectu, quia veritas est adaequatio rei et intellectus. Unde sicut infirmus, quando non habet aequalitatem complexionis, ad modica contraria accidentia laeditur, sic in intellectu quando homo non fundatur in veritate, nec habet virtutem per quam possit iudicare veritatem, a qualibet quaestionis difficultate incidit in errorem. Unde dicit languens circa quaestiones, et cetera. Sap. c. IX, 5 : homo infirmus et exigui temporis, et minor ad intellectum iudicii et legum. Sicut dicit Boetius, ita se habet intellectus ad rationem, sicut circulus ad centrum. Ratio enim discurrit considerando actus ac defectus et habitudinem unius rei ad aliam. Et nisi resolvat usque ad intellectum veritatis, vana est ratio. Unde quando accipit veritatem rei, habet eam quasi centrum. Quidam autem discurrunt, et non attingunt. II Tim. c. III, 7 : semper discentes, et numquam ad scientiam veritatis pervenientes. Et ideo dicit circa quaestiones, id est, non pervenientes ad ipsum centrum. Et dicit quaestiones, etc., quia in aliquibus dubitatio fit ex parte rei, in aliquibus ex parte verborum et nominum. Et ideo dicit quaestiones, quantum ad primum, scilicet de rebus. Supra I, 4 : quae quaestiones praestant magis quam aedificationem Dei, quae est in fide.

Quantum ad secundum dicit pugnas verborum. Prov. XIX, 8 : qui tantum verba sectatur, nihil habebit. Et dicit pugnas verborum, quod intelligitur quando sit dissensio ex verbis tantum orta. Quia dominus dicit Io. VIII, 36 : si filius vos liberaverit, vere liberi eritis, et Matth. XVII, 25 : ergo liberi sunt filii, si ex hoc vellent aliqui inferre, quod omnes Catholici sicut sunt filii Dei, ita essent etiam liberi, esset pugna verborum, quia dominus loquitur ibi de libertate spirituali, non de carnali.

Deinde cum dicit ex quibus, etc., ponit effectum erroris. Et primo ponit ipsum effectum; secundo manifestat quaedam quae dixerat, ibi est autem quaestus.

Item, primo ostendit quae mala sequantur ex falsa doctrina, secundo in quibus, ibi hominum mente.

Inter mala vero quae ponit, quaedam sunt intus in corde, quaedam exterius. Interius sunt inordinati motus respectu boni, vel respectu mali. Respectu boni est invidia, quae est tristitia de bono alieno; unde dicit invidiae, quod potest intelligi, vel in proposito, vel universaliter, quia cum aliqui laborant non ad veritatem, sed solummodo ad verba, non vident aequo animo si aliquis praevalet. Iob V, 2 : parvulum occidit invidia. Item in proposito, quia si servi habentur ut liberi et non subditi, domini invidebunt et dolebunt servos sibi aequari. Ex invidia vero homo insurgit contra proximum cui invidet.

Et haec est contentio. Prov. XX, v. 3 : honor est homini qui se separat a contentionibus. Vel insurgit contra Deum, et hoc est blasphemia. II Petr. II, 12 : quae ignorant, blasphemantes, et cetera.

Respectu vero mali est suspicio, unde dicit suspiciones malae, scilicet dominorum adversus Christianos, quasi libertatem ad lucrum finxerimus, vel quod solum tota doctrina Christiana esset inventa, ut servi fierent liberi. Eccli. III, 26 : multos supplantavit suspicio illorum, et in vanitate detinuit sensus illorum. Et ex istis sequuntur conflictationes adversus fideles. Gen. XIII, 7 : facta est rixa inter pastores gregum Abraham et Loth.

Sed hoc non est in cordibus omnium, sed quorumdam. Et ponit tres eorum conditiones, quarum prima pertinet ad defectum luminis naturalis, secunda ad defectum cognitionis, tertia ad vitium inordinatae affectionis. Quantum ad primum dicit hominum mente corruptorum, id est, ratione etiam naturali, qui habent perversum iudicium. Ps. XIII, v. 1 : corrupti sunt, et abominabiles facti sunt. Quantum ad secundum dicit a veritate, scilicet cognitionis eius, privati sunt. Os. IV, 1 : non est veritas, et non est misericordia, et non est scientia Dei in terra. Quantum ad tertium dicit existimantium quaestum esse pietatem, id est, quod cultus Dei ordinetur ad quaestum et acquisitionem divitiarum. Sap. XV, 12 : existimaverunt lusum esse vitam nostram, et conversationem vitae compositam ad lucrum, et oportere undecumque etiam ex malo acquirere. Homines ergo huiusmodi, qui hoc credunt, de facili contemnunt et incidunt in mala praedicta.

Deinde cum dicit est autem, declarat ultimo dictum, scilicet quaestum esse pietatem. Et primo ostendit quomodo pietas habet se ad quaestum; secundo ostendit, quod non consistit in quaestu divitiarum exteriorum, ibi nam qui volunt. Item, primo ostendit primum; secundo rationem assignat, ibi nihil enim.

Dicit ergo : isti dicunt, quaestum esse pietatem; sed ego dico, quod pietas est quaestus; ideo addit cum sufficientia, sed illarum divitiarum, quae dant sufficientiam. Et hoc consistit in duobus. In uno principaliter, scilicet pietate, quae ordinat alia in Deum et proximum, et haec sunt virtutes et dona gratiae. Sap. VII, 14 : infinitus enim thesaurus est hominibus, quo qui usi sunt, participes facti sunt amicitiae Dei. Secundo in sustentatione vitae; unde dicit cum sufficientia, id est, in his, quae sunt necessaria ad vitam. Matth. VI, 33 : quaerite primum regnum Dei et iustitiam eius, et cetera. Supra IV, 8 : pietas ad omnia utilis est.

Deinde cum dicit nihil enim, etc., assignat rationem huius. Et primo ex humana conditione; secundo ex eius necessitate, ibi habentes.

Conditionem autem ponit quantum ad duo, scilicet quantum ad principium, quia nihil intulimus, etc.; quasi dicat : sufficit necessitas, non expedit superfluitas, quia nihil intulimus in hunc mundum. Iob I, 21 : nudus egressus sum de utero matris meae. Item quantum ad finem, quia nihil auferemus. Ps. LXXV, 5 : dormierunt somnum suum, et nihil invenerunt omnes viri divitiarum in manibus suis. Iob XXVII, 19 : dives cum dormierit, nihil secum auferet, aperiet oculos suos, et nihil inveniet. Eccle. V, 15 : quomodo venit, sic revertetur.

Quantum ad necessitatem dicit habentes alimenta, et quibus tegamur, quia bona sunt propter necessitatem, quibus indiget homo contra interiora consumentia, et haec sunt alimenta; vel contra exteriora corrumpentia, et sic indiget homo tegumentis vestium et domorum. Hebr. ult. : sint mores sine avaritia contenti praesentibus. Eccli. XXIX, 28 : initium vitae hominis aqua et panis, et vestimentum, et domus protegens turpitudinem.

 

Dans ce qui précède, Paul a instruit Timothée au sujet de l’usage des viandes et des personnes qui étaient nourries aux frais de l’Église, il traite ici de ce qui concerne les autres personnes appartenant en général à l’Église. Et d’abord des personnes d’une condition commune; ensuite des personnes d’une condition supérieure (verset 17) : "Ordonnez aux riches, etc." Dans la première partie, il instruit de ce qui regarde les serviteurs; II° il condamne l’assertion contraire (verset 3) : "Si quelqu’un enseigne une doctrine différente, etc.." III° il recommande à Timothée d’éviter toute doctrine contraire et d’observer ce qu’il a enseigné (verset 11) : "Mais pour vous, etc."

La première subdivision se partage en deux autres. L’Apôtre I. établit ce qu’il faut observer; II. il prescrit de l’enseigner (verset 2) : "C’est ce que vous devez leur enseigner, etc."

I. Sur le premier de ces points, il explique comment les serviteurs doivent se conduire d’abord à l’égard des maîtres infidèles; ensuite à l’égard des maîtres fidèles (verset 2) : "Que ceux qui [ont des maîtres fidèles], etc."

Il dit donc (verset 1) : "Que tous ceux qui sont sous le joug, etc.," à savoir, en raison de leur condition servile, laquelle, par une sorte de similitude, est appelée joug; parce que de même que les boeufs sont retenus sous le joug, afin qu’ils ne puissent aller où ils veulent, ainsi les serviteurs sont soumis à leurs maîtres et n’ont pas la liberté de faire ce qu’ils veulent ; (Galat., V, 1) : "Ne vous remettez pas de nouveau sous le joug de la servitude." (verset 1) : "[Sachant qu’ils sont obligés de rendre] toute sorte d’honneur [à leurs maîtres]," c’est-à-dire de les traiter avec le respect qui leur est dû ; (Eph., VI, 5) : "Vous serviteurs, obéissez à ceux qui sont vos maîtres selon la chair, avec crainte et respect, dans la simplicité de votre coeur, comme à Jésus-Christ." En voici la raison; (verset 1) : "Afin de n’être pas cause que le nom et la doctrine de Jésus-Christ soient blasphémés." Si, en effet, les maîtres infidèles s’apercevaient que, en raison de leur foi, leurs serviteurs sont indociles, ils condamneraient le nom de Jésus-Christ, et blasphémeraient notre doctrine ; (Rm II, 24) : "Car vous êtes cause que le nom du Christ est blasphémé." Que ceux donc qui ont des maîtres infidèles leur obéissent, "pour que le nom de Dieu, etc."

Comment doivent se conduire les serviteurs à l’égard des maîtres fidèles ? (verset 2) : "Que ceux qui ont des maîtres fidèles ne les méprisent pas." On méprise quand on donne des marques de familiarité aux inférieurs, parce que ceux-ci en prennent occasion de s’enorgueillir ; (Proverbes XXX, 21) : "La terre est troublée par trois choses, et elle ne peut supporter la quatrième, sous un esclave qui règne." La raison de ceci, suivant le Philosophe, est que quand il en est ainsi, les serviteurs font un paralogisme; en se voyant en un point sur le pied d’égalité, ils se persuadent qu’il en est de même de tous, et ne consentent plus à se soumettre même sous le moindre rapport ; de même que dans les troubles civils, parce que le peuple n’est plus soumis, il se croit l’égal en tout des nobles, ainsi il pourrait arriver que les serviteurs se voyant en un point, c’est-à-dire par la foi, les égaux de leurs maîtres, se regardent leurs égaux à tous égards et d’une manière absolue. Voilà pourquoi l’Apôtre dit (verset 2) : "Qu’ils ne méprisent pas [leurs maîtres]." Il en donne trois motifs, le premier, c’est le don de la foi. Il dit donc (verset 2) : "…, parce qu’ils sont fidèles." Or, ce motif est très puissant, car le juste vit de la foi, et c’est aussi par la foi que l’on triomphe du monde. Le second motif est la dignité de la divine dilection; ce qui fait dire à Paul (verset 2) : "Et dignes d’être aimés," à savoir, d’une manière plus éminente que toutes les autres créatures, parce qu’ils ont reçu l’adoption qui nous fait enfants de Dieu ; (I Jean, III, 1) : "Considérez quel amour le Père nous a témoigné, de vouloir que nous soyons appelés, et que nous soyons en effet, enfants de Dieu." La troisième raison est le bien fait de la grâce et Paul dit (verset 2) : "Comme étant participants de la même grâce," à savoir, quant au sacrement du Seigneur ; (I Cor., X, 16) : "Le pain quotidien que nous rompons, n’est-ce pas la communion du corps du Seigneur ?" ; (Psaume CXVIII, 63) : "Je me suis uni avec tous ceux qui vous craignent."

II. (verset 2) : "Voilà ce que vous devez enseigner," à ceux qui ne le savent pas, "voilà à quoi vous devez exhorter," afin que ceux qui le savent s’en acquittent fidèlement. (Tite, II, 15) : « Ainsi vous devez parler, etc.. »

II° Quand l’Apôtre dit ensuite (verset 3) : "Si quelqu’un [enseigne une doctrine différente], etc." il condamne toute assertion opposée à ce qu’il enseigne : I. Le mode de transmission de la fausse doctrine; II. Sa racine (verset 4) : "Il est enflé d’orgueil" III. Ses effets, (verset 4) : "D’où naissent, etc."

I. Si donc vous voulez connaître les marques d’une fausse doctrine, l’Apôtre vous en donne trois.

D’abord si elle est contraire à la doctrine de l’Église. C’est ce qui lui fait dire (verset 4) : "Si quelqu’un enseigne une doctrine différente," à savoir, de celle que les autres apôtres et moi-même, nous avons enseignée. Voilà pour la première marque ; (Galat., I, 9) : "Si quelqu’un vous annonce un évangile différent de celui que vous avez reçu, qu’il soit anathème." La doctrine des apôtres et des prophètes est, en effet, appelée canonique parce qu’elle est comme la règle de notre intelligence. Personne donc ne doit donner un enseignement différent ; (Deutéron., IV, 2) : "Vous n’ajouterez ni n’ôterez rien aux paroles que je vous dis" ; (Apoc., XXII, 18) : "Si quelqu’un ajoute quelque chose aux paroles de cette prophétie, Dieu le frappera des plaies qui sont écrites dans ce livre."

Quant à la seconde marque, l’Apôtre dit (verset 3) : "Et n’embrasse pas, etc." Car le Seigneur Jésus est venu pour rendre témoignage à la vérité ; (Jean, XVIII, 37) : "C’est pour cela que je suis né, et que je suis venu dans le monde, afin de rendre témoignage à la vérité." Voilà pourquoi son père l’a envoyé comme docteur et comme maître ; (1 Mach., II, 65) : "[Vous voyez ici, Simon, votre frère], écoutez-le toujours; et il vous tiendra lieu de père, etc." Celui-là donc est dans l’erreur, qui n’embrasse pas les instructions du Sauveur ; (I Rois XV, 23) : "C’est une espèce de divination de ne vouloir pas se soumettre, et ne pas se rendre à sa volonté, c’est le crime de l’idolâtrie." L’Apôtre dit : "Saintes," parce que dans les paroles de Jésus-Christ il n’y a ni corruption, ni fausseté, ni perversité et que ses paroles sont celles de la divine Sagesse ; (Prov., VIII, 8) : "Tous mes discours sont justes; ils n’ont rien de mauvais ni de corrompu. Ils sont pleins de droiture pour ceux qui sont intelligents, et ils sont équitables pour ceux qui ont trouvé la science."

Quant à la troisième marque (Proverbes VI, 20) : "Observez, mon fils, les préceptes de votre père, et n’abandonnez pas la loi de votre mère." C’est ce qui fait dire à Paul (verset 3) : "Et la doctrine qui est selon la piété", c’est-à-dire la doctrine de l’Église ; (Tite, I, 1) : "[Paul envoyé pour instruire] dans la connaissance de la vérité qui est selon la piété."

II. L’erreur a une double racine : un sentiment d’orgueil, et un défaut d’intelligence.

De la première, Paul dit (verset 4) : "Il est enflé d’orgueil." Or l’orgueil peut être regardé comme la racine des erreurs, pour deux raisons. La première, c’est que les orgueilleux veulent se mêler de sujets auxquels ils ne sauraient atteindre; il est donc par là inévitable qu’ils s’égarent et se perdent. (Isaïe, XVI, 6) : "[Nous connaissons l’orgueil de Moab] ; sa fierté, son insolence, et sa fureur sont plus grandes que son courage." La seconde, c’est qu’ils ne veulent pas soumettre leur intelligence à un autre, mais ne s’appuient que sur leur propre prudence, et refusent pour ce motif d’obéir aux saintes Ecritures, contre ce qui est dit (Proverbes III, 5) : "Ne vous appuyez pas sur votre prudence" et encore (Proverbes XI, 2) : "Là où est l’humilité, là est pareillement la sagesse."

C’est aussi, disons-nous, un défaut d’intelligence. Il faut remarquer que de même que dans le corps, ce qui fait la santé, c’est une certaine égalité d’humeurs, la vérité est une sorte d’égalité dans l’intelligence, parce que la vérité est l’adéquation de l’objet et de l’intellect. De même donc qu’un malade, quand il n’a pas d’équilibre de la complexion, souffre des moindres accidents contraires, ainsi l’intelligence tombe dans l’erreur sur n’importe quelle question un peu difficile, quand l’homme, n’étant pas solidement établi dans la vérité, manque de la force nécessaire pour en juger. C’est pourquoi Paul dit (verset 4) : "Mais il est possédé d’une maladie d’esprit qui l’emporte sur des questions, etc.". (Sag., IX, 5) : "L’homme est faible, il doit vivre peu, et il est peu capable d’entendre les lois et de bien juger." L’intellect remarque Boèce, est en rapport avec la raison, comme la circonférence avec le centre. Car la raison procède par la considération des actes, des défauts et du caractère d’un objet par rapport à un autre, et elle est vaine si elle ne vient pas se résoudre dans la compréhension de la vérité. Quand donc elle saisit la vérité d’une chose, elle possède celle-ci comme son centre. Or il en est qui procèdent et discourent sans atteindre. (II Tim. III, 7) : "Apprenant toujours et n’arrivant jamais jusqu’à la connaissance de la vérité." Voilà Pourquoi Paul dit (verset 4) : "sur des questions, etc." c'est-à-dire qui ne parviennent pas à leur centre ; car le doute se fait quelquefois du côté de l’objet, quelquefois de côté des paroles et des noms. L’Apôtre dit donc "des questions," quant au premier genre de doute, à savoir des questions dont il a été parlé au chap. I, 4 : "Et qui servent plutôt à exciter des disputes qu’à fonder par la foi l’édifice de Dieu dans les âmes." Quant au second doute, il dit (verset 4) : "Et des combats de paroles" ; (Proverbes XIX, 8) : "Celui qui ne cherche que des paroles n’aura rien." L’Apôtre dit : "des combats de paroles," ce qui s’entend d’une discussion soulevée à propos de paroles seulement. Le Sauveur ayant dit (Jean, VIII, 36) : "Si le Fils vous libère, vous serez véritablement libres" et (Mt XVII, 25) : "Les fils sont donc exempts du tribut," si certains en voulaient conclure que tous les catholiques, parce qu’ils sont enfants de Dieu, sont, en cette qualité, exempts [des impôts], ce serait une dispute de mots, parce que le Sauveur dans ces passages, parle de la liberté spirituelle, et non de celle qui est selon la chair.

III° Quand Paul ajoute (verset 4) : "D’où naissent, etc.," il indique les effets de l’erreur. Et d’abord il exprime ces effets; ensuite, il explique un point indiqué auparavant (verset 6) : "il est vrai néanmoins que c’est une grande richesse, etc."

I. Il indique premièrement quels maux sont la conséquence d’une fausse doctrine; secondement, en quoi ces maux consistent (verset 5) : "[Les disputes pernicieuses] de personnes qui ont l’esprit corrompu, etc."

Parmi les maux que l’Apôtre signale, les uns sont dans le coeur, à l’intérieur, les autres à l’extérieur. Les premiers sont les mouvements déréglés, soit par rapport au bien, soit par rapport au mal. Par rapport au bien, il y a l’envie, qui est la considération, empreinte de tristesse, du bien d’autrui ; il dit : "l’envie" que l’on peut entendre soit à l’égard du point en question, soit en général, car ceux qui travaillent non pour la vérité, mais seulement pour de vaines paroles, ne voient plus d'oeil tranquille ceux qui font mieux qu’eux. (Job V, 2) : "L’envie tue les petits." A l’égard du devoir que rappelle Paul, si l’on traite les serviteurs comme des hommes libres et non dépendants, les maîtres en seront jaloux et verront avec peine leurs serviteurs considérés comme leurs égaux. Or, l’effet de l’envie est de soulever l’homme contre le prochain dont il est jaloux. De là naissent "les contestations," (Prov. XX, 3) : "C’est une gloire pour l’homme de s’abstenir des contestations." Ou bien encore on s’élève contre Dieu lui-même et c’est "le blasphème" ; (II Pierre II, 12) : "Ils attaquent par leurs blasphèmes ce qu’ils ignorent".

Par rapport au mal, c’est d’abord le soupçon. L’Apôtre dit donc (verset 4) : "Les mauvais soupçons," à savoir des maîtres contre les chrétiens, comme si nous ne cherchions dans la liberté qu’une occasion de gain, ou comme si la doctrine chrétienne n'était inventée que pour rendre libres des serviteurs. (Ecclésiastique, III, 26) : "Plusieurs se sont laissés séduire à leurs fausses opinions, et l’illusion de leur esprit les a retenus dans la vanité." De là viennent des « attaques » contre les fidèles. (Gen., XIII, 7) : "Il s’éleva une querelle entre les pasteurs d’Abraham et ceux de Loth."

II. Toutefois, ces passions ne sont pas dans le coeur de tous mais de quelques-uns seulement. L’Apôtre les distingue en trois classes. La première concerne le manque de lumière naturelle; la seconde, le défaut de connaissance; la troisième enfin, le vice d’une affection déréglée. De la première il dit (verset 5) : "[Les disputes pernicieuses] de personnes qui ont l’esprit corrompu," c’est-à-dire qui, dans la raison même naturelle, ont le jugement perverti ; (Ps., XIII, 1) : "Ils se sont corrompus et sont devenus abominables." De la seconde il dit (verset 5) : "Qui sont privées de la vérité," c’est-à-dire de la connaissance. (Osée, IV, 1) : "Il n’y a pas de vérité, il n’y a pas de miséricorde, il n’y a pas de connaissance de Dieu sur la terre." De la troisième enfin, (verset 5) : "Qui s’imaginent que la piété doit leur servir de moyen pour s’enrichir," c’est-à-dire, que le culte de Dieu a pour fin le profit et l’acquisition des richesses. (Sagesse XV, 12) : "Ils se sont imaginé que notre vie n’est qu’un jeu, que l’unique occupation de la vie est d’amasser de l’argent, et qu’il faut acquérir du bien par toutes sortes de voies, même criminelles." Les hommes de cette sorte, qui s’imaginent cela, se laissent aller facilement au mépris de la vérité, et tombent dans les maux qui viennent d’être signalés.

III. Quand Paul ajoute (verset 6) : "Il est vrai néanmoins que c’est une grande richesse que la piété," il explique ce qu’il vient de dire. Et d’abord il établit le rapport qui peut exister entre la piété et le gain; en second lieu il fait voir que ce gain ne consiste pas dans l’acquisition des richesses extérieures ; (verset 9) : "Parce que ceux qui veulent, etc." Il traite donc d’abord la première proposition, secondement, il en donne la raison (verset 7) : "Car nous n’avons rien apporté, etc."

1. Il dit donc : Ils prétendent "que la piété est un gain"; pour moi je dis "qu’effectivement la piété est un gain," mais j’ajoute (verset 6) : "Avec la modération d’un esprit qui se contente de ce qui suffit," c’est-à-dire des richesses qui donnent le nécessaire. Or le suffisant consiste en deux choses. La principale est la piété qui règle notre conduite, à l’égard de Dieu et à l’égard du prochain : ce sont les vertus et les dons de la grâce. (Sag., VII, 14) : "Car elle est (la sagesse) un trésor infini pour les hommes, et ceux qui en ont usé sont devenus les amis de Dieu." La seconde est l’acquisition des choses nécessaires à la vie. C’est pourquoi Paul dit (verset 6) : "Avec ce qui suffit," c'est-à-dire dans les choses nécessaires à la vie ; (Matthieu VI, 33) : "Cherchez donc premièrement le royaume de Dieu et sa justice, etc." ; (ci-dessus, IV, 8) : "La piété est utile à tout."

2. En disant (verset 7) : "Car nous n’avons rien, etc." il donne la raison de ce qu’il vient de dire. Il la déduit d’abord de la condition humaine; ensuite de ses nécessités (verset 8) : "Ayant donc, etc."

A) Il considère la condition humaine sur deux plans, premièrement quant à son principe (verset 7) : "Nous n’avons rien apporté, etc." comme s’il disait : ce qui est nécessaire suffit, ce qui est superflu n’est pas utile, car "nous n’avons rien apporté en ce monde". (Job, I, 21) : "Je suis sorti nu du ventre de ma mère." Secondement quant à sa fin, (verset 7) : "nous n’en pouvons rien emporter." (Ps., LXXV, 5) : "Ils se sont endormis et ils n’ont rien trouvé dans leurs mains ces hommes [si fiers] de leurs richesses" ; (Job, XXVII, 19) : "Lorsque le riche s’endormira, il n’emportera rien avec lui, il ouvrira les yeux et il ne trouvera rien" ; (Ecclésiastique, V, 15) : "Il s’en retournera comme il est venu."

B) Des nécessités de la vie, l’Apôtre ajoute (verset 8) : "Ayant donc de quoi nous nourrir et de quoi nous couvrir," car les biens sont donnés à l’homme en raison de la nécessité qu’il éprouve, pour renouveler ce qu’il consomme à l’intérieur de lui-même, tels sont les aliments; ou pour compenser ce qui, à l’extérieur, se corrompt, et ainsi il a besoin d’être protégé par des vêtements et des maisons ; (Hébr., XIII, 5) : "Que votre vie soit exempte d’avarice, soyez contents de ce que vous avez" ; (Ecclésiastique, XXIX, 28) : "Le point de départ de la vie de l’homme, ce sont l’eau, le pain, le vêtement et une maison qui couvre ce que la pudeur veut qu’on cache."

 

 

 

Lectio 2

Leçon 2 — 1 Timothée VI, 9-14 : cupidité, racine de tous les maux

 

SOMMAIRE : Paul déclare que la cupidité est la racine de tous les maux; il recommande à Timothée de la fuir et l’exhorte à la pratique des vertus.

[9] nam qui volunt divites fieri incidunt in temptationem et laqueum et desideria multa inutilia et nociva quae mergunt homines in interitum et perditionem

[10] radix enim omnium malorum est cupiditas quam quidam appetentes erraverunt a fide et inseruerunt se doloribus multis

[11] tu autem o homo Dei haec fuge sectare vero iustitiam pietatem fidem caritatem patientiam mansuetudinem

[12] certa bonum certamen fidei adprehende vitam aeternam in qua vocatus es et confessus bonam confessionem coram multis testibus

[13] praecipio tibi coram Deo qui vivificat omnia et Christo Iesu qui testimonium reddidit sub Pontio Pilato bonam confessionem

[14] ut serves mandatum sine macula inreprehensibile usque in adventum Domini nostri Iesu Christi

9. Parce que ceux qui veulent devenir riches, tombent dans la tentation et dans le piège du diable, et en divers désirs inutiles et pernicieux, qui précipitent les hommes dans l'abîme de la perdition et de la damnation.

10. Car l’amour des richesses est la racine de tous les maux : et quelques-uns en étant possédés, se sont égarés de la foi, et se sont embarrassés en une infinité d’afflictions et de peines.

11. Mais pour vous, ô homme de Dieu, fuyez ces choses, et suivez en tout la justice, la piété, la foi, la charité, la patience, la douceur,

12. Soyez fort et courageux dans le saint combat de la foi : travaillez à remporter le prix de la vie éternelle, à laquelle vous avez été appelé, ayant si excellemment confessé la foi en présence de plusieurs témoins.

13. Je vous ordonne devant le Dieu qui fait vivre tout ce qui vit, et devant le Christ Jésus qui a rendu sous Ponce Pilate un si excellent témoignage,

14. De garder les préceptes que je vous donne, en vous conservant sans tache et sans reproche, jusqu’à l’avènement de Notre Seigneur Jésus-Christ.

[87896] Super 1 Tm cap. 6 l. 2 Supra ostendit apostolus quis sit quaestus Christianis expediens, quia pietas cum sufficientia, hic ostendit, quod quaerentes superfluum quaestum divitiarum incurrunt damna multa. Et primo ostendit mala quae sequuntur ex inordinato appetitu divitiarum; secundo assignat rationem, ibi radix enim. Mala autem, quae sequuntur, sunt duplicia : quaedam enim oriuntur ex hoste exteriori; quaedam vero a concupiscentia interiori, ibi desideria.

Dicit ergo : simus contenti alimentis, etc.; quia qui volunt divites fieri, non ad necessitatem, sed ad abundantiam divitiarum, incidunt, et cetera. Eccli. X, 10 : nihil est iniquius quam amare pecuniam. Eccle. V, 9 : qui amat divitias, fructum non capiet ex eis. Et ponit duo, scilicet tentationes, et laqueum, quia primo tentant, inquantum divitiae alliciunt, et inducunt ad aliqua peccata. I Thess. III, 5 : ne forte tentaverit vos qui tentat, et cetera. I Cor. X, 13 : tentatio vos non apprehendat nisi humana.

Et laqueo involvunt, quia divitiae sunt non habentibus ad tentationem, habentibus in laqueum, quia non libenter reddunt eas quas auferunt. Prov. XXI, 6 : qui congregat thesauros lingua mendacii, vanus et excors est.

Ex parte interiori ponit tria mala. Primo quod incidit in desideria multa. Perfectio enim hominis est quod cor eius congregetur in unum, quia quanto aliquid est magis unum, tanto est Deo similius, qui vere unus est. Ps. XXVI, 4 : unam petii a domino, et cetera. Sed contra hoc patitur quaerens divitias, quia cor eius trahitur ad diversa. Os. X, 2 : divisum est cor eorum, nunc interibunt. Et hoc ideo, quia Matth. VI, 21 ubi est thesaurus tuus, et cetera.

Item sunt inutilia huiusmodi desideria multipliciter. Primo, quia inutilia sunt spiritualiter, quia divitiae non ducunt ad beatitudinem. Sap. V, 8 : quid nobis profuit superbia? Aut quid divitiarum iactantia contulit nobis? et cetera. Eccle. V, 9 : qui amat divitias, fructum non capiet ex eis. Item temporaliter, quia non dant quod promittunt. Eccle. VI, 1 ss. : est aliud malum, quod vidi sub sole, et quidem frequens apud homines, vir cui dedit Deus divitias, et substantiam, et honorem, et nihil deest animae suae ex omnibus quae desiderat, nec tribuit ei potestatem Deus, ut comedat ex eo, sed extraneus homo devorabit illud, et cetera.

Tertio sunt nociva. Eccle. V, 12 : divitiae conservatae in malum domini sui. Et ostendit quomodo sunt nocivae, quia mergunt in interitum, scilicet in praesenti. Propter divitias multi perierunt. Item in futuro; unde dicit et perditionem. Act. VIII, 20 : pecunia tua tecum sit in perditionem. Vel utrumque refertur ad spirituale damnum. Interitum, id est, mortem aeternam. Rom. IX, 22 : sustinuit in multa patientia vasa irae apta in interitum, et cetera. Et perditionem, id est, poenam aeternam, quae dicitur perditio propter poenam damni, quia sunt quasi perditi damnati, dum non possunt redire in domum suam, scilicet aeternitatis. Iob XXI, 30 : in diem perditionis servabitur malus, et ad diem furoris ducetur.

Deinde cum dicit radix, etc., ostenditur ratio huius, et hoc ex duobus, scilicet ex natura cupiditatis, et experientia, ibi quam quidam, et cetera.

Dicit ergo : incidunt in tentationem, et cetera. Quare? Quia radix omnium malorum est cupiditas. Ubi notandum est, quod secundum quosdam cupiditas sumitur tripliciter. Quandoque pro avaritia, secundum quod est speciale peccatum, scilicet inordinatus amor habendi divitias. Quandoque prout est genus peccatorum omnium, secundum quod importat inordinatum appetitum rei temporalis, et hoc includitur in omni peccato, quia peccatum est conversio ad bonum commutabile. Sed sic non est radix, sed genus omnium. Tertio modo prout est quaedam inordinatio animi ad cupiendum bona temporalia inordinate, et haec est habituale tantum peccatum, et non in actu, sed est quaedam radix omnium peccatorum. Et dicitur cupiditas radix, et superbia initium. Eccli. X, 15 : initium omnis peccati est superbia, quia superbia dicit corruptionem animi ad recedendum a Deo. Arbor autem a radice habet alimentum, et sic peccatum a cupiditate ex parte conversionis ad bonum commutabile sumit nutrimentum. Sed credo quod loquitur de cupiditate, secundum quod est speciale peccatum, unde dicit : qui volunt divites fieri, et cetera. Et haec est inordinatus amor pecuniarum. Et ideo dico, quod avaritia est radix omnium. Omnia enim peccata consistunt in appetitu, et ideo origo peccatorum est secundum originem appetibilium. Origo enim appetibilium procedit ex fine. Et ideo quanto aliquod peccatum habet finem magis desiderabilem, tanto est peius.

Finis autem alicuius peccati est desiderabilis propter duo, scilicet propter seipsum, et haec est excellentia, quia ad hoc homo bonum illud vult, ut excellat. Et haec est superbia, et ideo superbia est initium omnium peccatorum. Item propter aliud, et hoc est quod ad omnia valet, et huiusmodi sunt divitiae, quia per hoc homines credunt se habere omnia. Ex ista parte avaritia est radix omnium malorum.

Deinde cum dicit quam quidam, ostendit idem per experientiam. Et dicit appetentes, quia quanto magis habentur divitiae, tanto magis desiderantur. Eccl. V, 9 : avarus non implebitur pecunia. Et incidunt primo in damnum spirituale. Unde dicit erraverunt a fide. Cuius ratio est, quia per sanam doctrinam fidei prohibentur multa illicita lucra, a quibus desistere nolunt, et inveniunt sibi aliam doctrinam, ubi eis sit spes salutis. Et hoc specialiter faciunt usurarii.

Secundo, quia inseruerunt se doloribus multis, etiam in praesenti, quia est sollicitudo in acquirendo, timor in possidendo, dolor in amittendo. Iob XX, 22 : cum satiatus fuerit divitiis, arctabitur, aestuabit, et omnis dolor irruet in eum. Et multo magis in futuro dolebunt.

Deinde cum dicit tu autem, monet ad sequendum sanam doctrinam, et vitandam malam. Et primo exponit viam quam sequatur, secundo alligat eum inductione praecepti, ibi praecipio. Item, primo hortatur ad vitandum peccata praedicta; secundo ostendit quid agat, ibi sectare vero.

Et quia servus debet imitari dominum suum, quia, ut dicitur Eccli. X, 2 : secundum iudicem populi, sic et ministri eius, ideo dicit : o homo Dei; quasi dicat : tu deditus servituti Dei. Ps. CXV, 6 : ego servus tuus. I Io. II, 6 : qui dicit se in illo manere, debet sicut ille ambulavit, et ipse ambulare. Si igitur tu es homo Dei, debes facere sicut Christus fecit, qui, ut habetur Io. VI, 15, fugit cum eum volebant facere regem. Hebr. c. XII, 2 : qui, proposito sibi gaudio, sustinuit crucem, confusione contempta. Ergo et tu haec fuge. Ps. LIV, 7 : elongavi fugiens, et mansi in solitudine.

Quid ergo faciet? Ad duo hortatur, primo scilicet ad sectandum arma spiritualia; secundo ad certandum in eis, ibi certa bonum. Arma autem spiritualia, aut sunt ad faciendum bonum, aut ad malum tolerandum.

Primum autem est, vel in comparatione ad proximum, cui per duo ordinamur, scilicet per iustitiam et pietatem seu misericordiam, quia primum sine secundo est severitas; secundum sine primo est remissio. Quantum ad primum dicit sectare iustitiam, quae competit praelatis. Sap. I, 1 : diligite iustitiam, qui iudicatis terram. Item quantum ad secundum dicit pietatem, id est, misericordiam. Prov. XX, 28 : misericordia et iustitia custodiunt regem, et roboratur clementia thronus eius. In comparatione autem ad Deum, primum est quod perficit intellectum, fides. Hebr. XI, v. 6 : sine fide impossibile est placere Deo, et cetera. Secundum quod perficit affectum, est charitas. I Io. IV, 16 : qui manet in charitate, in Deo manet, et Deus in eo.

Ad sustinenda mala sunt duae virtutes, scilicet patientia et mansuetudo, quia homo in malo duas passiones inordinatas incurrit, scilicet tristitiam inordinatam, et iram quae est ex ea. Et ideo patientia est contra immoderatam tristitiam. Lc. XXI, 19 : in patientia vestra possidebitis animas vestras. Et mansuetudo est contra iram.

Deinde inducit eum ad debitum certamen. Et primo ostendit qualiter certet; secundo inducit rationem. Dicit ergo certa bonum certamen, scilicet exemplo militum, qui dupliciter pugnant, scilicet quandoque ad defendendum quod habent, quandoque ad acquirendum non habita; et hoc imminet sanctis. Primum ut custodiant habita, scilicet fidem et virtutes; et ideo dicit fidei, id est, pro fide custodienda. Eccli. IV, 33 : usque ad mortem certa pro iustitia, et cetera. Vel fidei, ut per fidem vites peccata. I Io. ult. : haec est victoria, quae vincit mundum, fides nostra. Vel fidei, id est, ut alios ad eam convertas. Et dicit bonum, id est, legitimum certamen. I Cor. c. IX, 25 : omnis qui in agone contendit, ab omnibus se abstinet. Tunc est bonum quando abstinet se ab omnibus impedimentis. II Tim. c. IV, 7 : bonum certamen certavi.

Secundo certant ad acquirendum quae non habent. Et haec est vita aeterna, quae acquiritur per pugnam. Matth. XI, 12 : regnum caelorum vim patitur, et violenti rapiunt illud. Et ideo dicit apprehende vitam aeternam, scilicet quasi tenens, tuo certamine vincas. Vel, certes certamen fidei. Et quo praemio? Ut apprehendas vitam aeternam. I Cor. c. IX, 25 : nos autem incorruptam, et cetera.

Deinde cum dicit in quam vocatus es, rationem ponit huius dicti, scilicet apprehende, et cetera.

Et primo respondet obiectioni, quasi dicat : dicis quod debeo apprehendere; vellem quidem, sed non possum. Immo potes, quia debetur tibi de iure, quia vocatus es in eam a Deo, et a rege illius regni. Et ideo debes conari potissime. I Petr. c. II, 9 : de tenebris vos vocavit in admirabile lumen suum.

Secundo proponit obligationem; quasi dicat : certa bonum certamen, quia dedisti iuramentum de hoc faciendo, et ideo non licet tibi repugnare. Unde dicit et confessus bonam confessionem coram multis testibus, id est, in consecratione bonum certamen professus es, quando ordinatus es in episcopum. I Cor. IX, 16 : nam si non evangelizavero, etc., usque dispensatio credita est mihi. Vel confessionem bonam, scilicet praedicando fidem, ut eam serves.

Deinde cum dicit praecipio, obligat eum ad praedicta ex praecepto, quod primo ponit, secundo manifestat quaedam dicta, ibi quem suis. In praecepto autem primo testes inducit, secundo commendat praeceptum, tertio ostendit, quamdiu servet praeceptum.

Testes inducit Deum patrem, et dominum nostrum Iesum Christum. Dicit ergo : te monui, sed ne credas quod liceat aliter facere, praecipio tibi, sicut tu debes praecipere subditis tuis, coram Deo. Ad duo induxerat, scilicet apprehende vitam, et confessus es, etc., et ideo inducit auctorem vitae, qui vivificat omnia. Dicit autem Deo, qui est tota Trinitas, qui est auctor vitae. Item hominem Christum inducit etiam, qui confessus est se esse filium Dei, quod est bona confessio fidei nostrae.

Item commendat mandatum, quia in se iustum, et rectum, et irreprehensibile ab aliis. Iob. VI, 30 : non invenietis in lingua mea iniquitatem. Et quamdiu est servandum? Usque in adventum domini. Si usque dicit finem intentionis, id est, ut per observantiam huius mandati ordines te ad adventum. Vel usque ad mortem tuam, quia qualis eris in illa, talis invenieris tunc. Matth. XXIV, 13 : qui perseveraverit usque in finem, et cetera.

L’Apôtre, dans ce qui précède, a expliqué quelle sorte de gain convient aux chrétiens : la piété et la modération d’un esprit qui se contente de ce qui suffit. Il établit ici que ceux qui cherchent le gain superflu des richesses, s’exposent à des périls sans nombre. Et d’abord il indique les maux qui naissent du désir immodéré des richesses; ensuite il en apporte la raison (verset 10) : "Car [l’amour des richesses est] la racine de tous les maux."

I. Les maux qui proviennent des richesses sont de deux sortes : les uns viennent de l’ennemi extérieur; les autres de la convoitise intérieure (verset 8) : "Et en divers désirs, etc."

Il dit donc : Soyons contents, quand nous avons de quoi nous nourrir, etc. parce que (verset 8) : "ceux qui veulent devenir riches" non pour subvenir à la nécessité, mais pour jouir de l’abondance des richesses, "tombent, etc." (Ecclésiastique, X, 40) : "Il n’y a rien de plus criminel que celui qui aime l’argent," ; (Ecclésiaste, V, 9) : "Celui qui aime les richesses, n’en recueillera pas de fruit." Paul indique deux de ces dangers, à savoir, les tentations et le piège du démon; car les richesses, parce qu’elles sont séduisantes, tentent d’abord et conduisent au péché ; (I Thessal., III, 5) : "De peur que le tentateur ne vienne à vous tenter, etc." ; (1 Co X, 13) : "Vous n’avez eu jusqu’ici que des tentations humaines." Ensuite elles enveloppent comme d’un lacet. En effet, les richesses sont pour ceux qui ne les ont pas une tentation, pour ceux qui les ont, un piége, car on ne rend pas volontiers ce qu’on nous enlève ; (Proverbes XXI, 6) : "Celui qui amasse des trésors avec une langue de mensonge est un homme vain et sans jugement."

A l’intérieur, l’Apôtre signale trois maux.

1. D’abord on tombe dans "des désirs sans nombre." Or, la perfection pour l’homme, consiste à concentrer les affections de son coeur, parce que plus il se rapproche de l’unité, plus il devient semblable à Dieu, qui est Un dans son essence ; (Psaume XXVI, 4) : "Je n’ai demandé qu’une chose au Seigneur, etc. " II arrive tout le contraire à celui qui cherche les richesses, car son coeur est tiré de tous côtés ; (Osée, X, 2) : "Leur coeur est divisé, ils périront." Il en est ainsi, parce que (Mt VI, 21) : "Où est votre trésor, là est aussi votre coeur."

2. De plus, les désirs de ce genre sont "inutiles" de plusieurs manières. D’abord ils le sont spirituellement, car les richesses ne conduisent pas à la béatitude ; (Sagesse, V, 8) : "De quoi nous a servi notre orgueil ? Qu’avons-nous tiré de la vaine ostentation de nos richesses ?" ; (Ecclésiaste, V, 9) : "Celui qui aime les richesses, n’en recueillera pas le fruit." De plus, ils sont inutiles même humainement, car ils ne donnent pas ce qu’ils font espérer ; (Ecclésiaste, VI, 1) : "Il y a encore un autre mal que j’ai vu sous le soleil, et qui est ordinaire parmi les hommes : Un homme à qui Dieu a donné des richesses, du bien, de l’honneur, et à qui il ne manque rien pour la vie de tout ce qu’il peut désirer ; et Dieu ne lui a pas donné le pouvoir d’en jouir. Un étranger dévorera tout, etc."

3. Enfin, ces désirs sont "nuisibles" (Ecclésiaste, V, 12) : "Des richesses conservées avec soin pour le malheur de celui qui les possède." L’Apôtre explique comment ces désirs sont nuisibles, c’est (verset 9) parce qu’ils "précipitent les hommes dans la ruine" c’est-à-dire pendant la vie présente ; car beaucoup ont péri à cause de leurs richesses. De plus, ils sont nuisibles pour la vie future, ce qui fait ajouter à Paul (verset 9) : "et de la damnation" ; (Actes VIII, 20) : "Que votre argent périsse avec vous, etc." Ou bien encore l’une et l’autre expression se rapportent à la perte spirituelle : "la damnation", c’est-à-dire la mort éternelle, (Rm IX, 22) : "Il souffre avec une patience extrême les vases de colère préparés pour la destruction, etc." et "la perdition", c’est-à-dire le châtiment éternel, qui est appelée perdition, à cause de la peine du dam, car les damnés sont comme perdus, dans la mesure où ils ne peuvent plus revenir à leur maison, à savoir, à la maison de l’éternité ; (Job, XXI, 30) : "Le méchant est réservé pour le jour de la perdition, et Dieu le conduira jusqu’au jour où il doit répandre sur lui sa fureur."

II. Quand l’Apôtre dit ensuite (verset 10) : "Car la racine, etc." il apporte la raison de ce qu’il vient de dire. Il la déduit, premièrement, de la nature de la cupidité; secondement de l’expérience (verset 10) : "Et quelques- uns en étant possédés, etc."

Il dit donc : ils tombent dans la tentation, etc." Pourquoi ? Parce que (verset 10) : "La racine de leurs maux, c’est la cupidité." Remarquez que selon quelques auteurs, le mot cupidité peut être pris dans un triple sens. Quelquefois pour l’avarice : dans ce sens, c’est un péché spécial, à savoir, l’amour désordonné de la richesse. Quelquefois comme le genre dont tous les péchés sont les espèces, en tant que la cupidité suppose un désir déréglé d’un bien temporel : dans ce sens, elle se trouve dans tout péché, parce que le péché, c’est l’attachement de l’âme à un bien périssable. Ainsi comprise, la cupidité n’est pas la racine, elle est le genre. Enfin, on l’entend d’une troisième manière, comme une sorte de dérèglement de l’âme entraînée par un désir désordonné vers les biens de ce monde. C’est là un péché, non pas actuel, mais habituel. Dans ce sens, la cupidité est la racine de tous les péchés. On appelle donc la cupidité la racine, et l’orgueil le commencement du péché (Ecclésiastique, X, 15) : "Le principe de tout péché c’est l’orgueil," parce que l’orgueil signifie la corruption de l’âme qui veut s’éloigner de Dieu. Or, l’arbre tire sa nourriture de sa racine; de même le péché s’alimente par la cupidité, en ce sens qu’elle entraîne l’âme vers l’objet périssable. Cependant je crois que l’Apôtre parle ici de la cupidité en tant que péché spécial. C’est pourquoi il dit : "Ceux qui veulent devenir riches, etc." C’est l’amour désordonné de la richesse. Voilà aussi pourquoi je dis que l’avarice est la racine de tout péché. Tout péché, en effet, consiste dans un désir déréglé. L’origine du péché est donc la même que l’origine des appétits concupiscibles. Or, l’origine [de ces appétits] procède de la fin; aussi plus la fin d’un péché est désirable, plus le péché est grave. Mais la fin d’un péché est l’objet du désir pour deux motifs : d’abord pour soi-même, c’est le désir de sa propre élévation, car l’homme se porte vers ce bien et le veut, pour y trouver de quoi s’élever ; tel est l’orgueil, et c’est ainsi que ce vice est le commencement de tout péché. On désire encore un bien pour un second motif, pour ce qu’il vaut relativement à tout le reste. Telles sont les richesses, parce qu’en les obtenant l’homme s’imagine qu’il possède tout. C’est sous ce rapport que l’avarice est "la racine de tous les maux".

Quand Paul ajoute (verset 10) : "Et quelques-uns, etc." il continue sa preuve par l’expérience. Il dit : "Quelques-uns en étant possédés," parce que plus on a de richesses, plus on les convoite ; (Ecclésiaste, V, 9) : "L’avare n’aura jamais assez d’argent." Ils vont d’abord à leur perte spirituelle. C’est ce qui fait dire à Paul (verset 10) : "Ils se sont éloignés de la foi." La raison en est que la saine doctrine de la foi proscrit un grand nombre de gains illicites, dont les cupides ne veulent pas s’abstenir, et par suite ils se mettent à la recherche d’une autre doctrine, à leur usage, où il y aurait pour eux quelque espérance de salut ; c’est là ce que font en particulier les usuriers. Secondement, "ils se sont embarrassés dans une infinité d’afflictions," même dans la vie présente, parce qu’ils s’inquiètent de les acquérir, craignent de les posséder et sont tristes de les perdre ; (Job, XX, 22) : "Après qu’il se sera bien rassasié de richesses, l'angoisse le saisira, la misère, de toute sa force, fondra sur lui". Mais dans la vie future, ils seront bien autrement dans la douleur.

II° Quand l’Apôtre dit (verset 11) : "Mais pour vous," il recommande de suivre la saine doctrine et d’éviter la mauvaise. Et d’abord il trace à son disciple la voie qu’il doit suivre; en second lieu il le lie par l’obligation d’un précepte (verset 13) : "Je vous ordonne, etc." I. Premièrement donc il l’exhorte à éviter les péchés qu’il a signalés; II. secondement, il lui indique ce qu’il doit faire (verset 11) : "Et suivez la justice,"

I. Comme le serviteur doit imiter son maître, car, comme le dit (Ecclésiastique, X, 2) : "Tel est le juge du peuple, tels sont ses ministres." Paul dit (verset 11) : "Mais pour vous, ô homme de Dieu;" en d’autres termes, vous qui vous êtes engagés au service de Dieu. (Psaume CXV, 6) : "Je suis votre serviteur" ; (I Jean, II, 6) : "Celui qui dit qu’il demeure en Jésus-Christ doit marcher lui-même comme Jésus-Christ a marché." Si donc vous êtes un homme de Dieu, vous devez faire ce qu’a fait Jésus-Christ, qui, ainsi qu’il est rapporté en Jean (VI, 15), s’enfuit, sachant que les Juifs voulaient le faire roi ; (Hébr., XII, 2) : "Et dans la vue de la joie qui lui étaient proposée, a souffert la croix, en méprisant la honte." Vous aussi, "fuyez donc ces choses" ; Psaume LIV, 8) : "Je me suis éloigné par la fuite, et j’ai demeuré dans la solitude."

II. Que fera donc Timothée ? L’Apôtre l’exhorte à deux choses; d’abord à se revêtir des armes spirituelles; en second lieu, à combattre avec elles (verset 12) : "Combattez le bon combat."

Or, parmi les armes spirituelles, les unes servent à faire le bien, les autres à supporter le mal. Faire le bien, cela concerne ou bien le prochain auquel nous nous unissons par deux vertus, à savoir, la justice et la piété ou miséricorde ; car la première sans la seconde est la sévérité, la seconde sans la première est l’indulgence ; de la première, l’Apôtre dit (verset 11) : "Suivez la justice," qui convient aux chefs des églises ; (Sag., I, 1) : "Aimez la justice, vous qui jugez la terre" ; de la seconde (verset 4) : "La piété," c’est-à-dire la miséricorde : (Proverbes XX, 28) : "La miséricorde et la justice conservent le roi, et la clémence affermit son trône." Faire le bien, cela concerne aussi Dieu, et, au premier rang, se trouve ce qui perfectionne notre intellect, "la foi" (Hébr., XI, 6) : "Il est impossible de plaire à Dieu sans la foi, etc.." ; au second, ce qui perfectionne l’affection, à savoir "la charité" ; (I Jean, IV, 16) : "Quiconque demeure dans l’amour, demeure en Dieu et Dieu en lui."

Deux vertus nous aident à supporter le mal, à savoir, "la patience et la douceur." Car l’homme, dans le mal, est exposé à deux passions désordonnées : la tristesse excessive et la colère qui en provient. La patience est donc opposée à la tristesse immodérée (Luc, XXI, 19) : "C’est par votre patience que vous gagnerez vos âmes;" et la douceur est opposée à la colère.

Paul engage ensuite son disciple à combattre comme il le doit. Et d’abord il l’instruit de la manière de combattre; en second lieu il en donne la raison. Il dit donc (verset 12) : "Combattez le bon combat" c’est-à-dire, suivez l’exemple des soldats qui combattent pour deux buts, à savoir, quelquefois pour défendre ce qu’ils ont, quelquefois pour acquérir ce qu’ils n’ont pas. C’est ce que doivent faire les saints ; d’abord pour conserver ce qu’ils possèdent, c’est-à-dire la foi et les vertus. C’est ce qui lui fait dire : "Le combat de la foi," en d’autres termes, pour garder sa foi ; (Ecclésiastique, IV, 33) : "Combattez jusqu’à la mort pour la justice, etc." Ou encore : "De la foi," afin que par la foi vous évitiez le péché ; (I Jean, V, 4) : "La victoire, par laquelle le monde est vaincu, c’est notre foi." Ou bien : "De la foi, c’est-à-dire afin d’y convertir les autres. L’Apôtre dit : "Un bon combat," c’est-à-dire, un combat légitime. (1 Co IX, 25) : "Tous ceux qui veulent lutter s’abstiennent de tout." Or le combat est « bon », quand on se dégage de tous les obstacles : (II Timoth., IV, 7) : "J’ai bien combattu."

Ensuite les saints combattent pour acquérir ce qu’ils ne possèdent pas encore, c’est-à-dire la vie éternelle, qui s’acquiert en combattant. (Mt XI, 12) : "Le royaume du ciel se prend par la violence et les violents l’emportent." Voilà pourquoi l’Apôtre dit (verset 12) : "Travaillez à saisir la vie éternelle," c’est-à-dire en vous y accrochant, pour ainsi dire, triomphez par votre combat. Ou bien encore, combattez le combat de la foi, et pour quelle récompense ? pour saisir la vie éternelle (I Corinth IX, 25) : "Pour nous, nous combattons pour une couronne incorruptible, etc."

Quand l’Apôtre ajoute (verset 12) : "[La vie éternelle] à laquelle vous êtes appelé," il donne la raison de ce qu’il vient de dire : "Travaillez à saisir la vie éternelle, etc."

A) D’abord il répond à une objection, comme s’il disait : Vous dites à quoi je dois m’accrocher, je le voudrais certainement, mais je ne le puis. Au contraire, répond l’Apôtre, vous le pouvez, car vous y avez droit, vous avez été appelé à le posséder par Dieu, qui est le maître de ce royaume. Vous devez donc redoubler d’efforts ; (I Pierre, II, 9) : "Il vous a appelé des ténèbres à son admirable lumière."

B) En second lieu il lui rappelle son propre engagement, comme s’il disait : "Combattez le bon combat," puisque vous vous y êtes engagé par serment. Il ne vous est donc pas permis d’hésiter. C’est pourquoi il dit (verset 12) : "Ayant si excellemment confessé sa foi devant tant de témoins", c’est-à-dire dans votre consécration vous vous êtes engagé à combattre avec courage, alors que vous avez été élevé à la dignité épiscopale. (1 Co IX, 16) : "Malheur à moi si je n’évangélise pas, etc." Ou bien encore : "Une confession pleine de gloire," c’est-à-dire en prêchant la foi et en la gardant.

III. En disant (verset 13) : "Je vous ordonne, etc." Paul fait à Timothée un précepte de ce qu’il lui a commandé. Et d’abord il expose ce précepte; ensuite il explique quelques points (verset 15) : "Que doit faire paraître en son temps, etc." Sur le précepte, premièrement, il invoque des témoins; secondement, il fait sentir la valeur du précepte; troisièmement, il indique pendant combien de temps Timothée doit l’observer.

Les témoins qu’il invoque, c’est Dieu le Père et Notre Seigneur Jésus-Christ. Il dit donc : Je vous ai averti, mais pour que vous ne croyiez pas qu’il vous est possible de faire autrement, "Je vous ordonne," ainsi que vous-même vous devez l’ordonner à ceux qui vous sont soumis "devant Dieu." Il l’avait exhorté à deux choses : "à saisir la vie éternelle", et "à garder son engagement, etc.". Il appelle donc en témoignage l’auteur de la vie "Dieu, qui fait vivre tout." Il dit : « Dieu », mot qui indique toute la sainte Trinité, et qui est l’auteur de la vie. Il invoque aussi Jésus-Christ fait homme, qui s’est proclamé Fils de Dieu, ce qui est la confession légitime de notre foi.

Ensuite il relève la valeur du précepte qu’il a donné; il le présente comme étant entre tous, juste, droit et irrépréhensible ; (Job, VI, 30) : "Vous ne trouverez pas d’iniquité sur ma langue." – Et jusqu’à quand doit-il être observé ? (verset 14) : "jusqu’à l’avènement de Notre Seigneur Jésus-Christ." L’expression "jusque" indique la fin qu’on doit se proposer, c’est-à-dire que c’est en observant ces préceptes que vous vous préparerez à l’avènement de Jésus-Christ. Ou encore, "jusque," c’est-à-dire, jusqu’à votre mort, parce que tel vous serez devant la mort, tel vous serez à cet avènement. (Mt XXIV, 13) : "…qui persévérera jusqu’à la fin."

 

 

 

Lectio 3

Leçon 3 — 1 Timothée VI, 15-16 : La parousie

 

SOMMAIRE : Paul prédit l’avènement de Jésus-Christ au jugement dernier, dont il ne détermine pas le temps, comme lui étant inconnu. Cependant il dit que le jugement sera public, et il en prend occasion de donner à Dieu les plus grandes louanges.

[15] quem suis temporibus ostendet beatus et solus potens rex regum et Dominus dominantium

[16] qui solus habet inmortalitatem lucem habitans inaccessibilem quem vidit nullus hominum sed nec videre potest cui honor et imperium sempiternum amen

15. Que doit faire paraître en son temps Celui qui est souverainement heureux, qui est le seul puissant, te Roi des rois et le Seigneur des seigneurs.

16. Qui seul possède l’immortalité qui habite une lumière inaccessible, que nul des hommes n’a vue et ne peut voir, à qui est l’honneur et l’empire dans l’éternité. Amen.

[87897] Super 1 Tm cap. 6 l. 3 Supra apostolus proponens praeceptum Timotheo, praecepit ut servet praedicta usque ad adventum Christi, et ideo agit hic de Christi adventu, de quo tria manifestat. Primo quod erit tempore congruo, secundo quod manifestus erit, tertio ostendit auctorem adventus. Quantum ad primum dicit quem suis temporibus ostendet. II Petr. ult. : venient in novissimis diebus in deceptione illusores, et cetera. Et ideo vult ostendere, quod etsi videatur adventus tardari, tamen suo tempore ostendetur. Eccle. III, 1 : omnia tempus habent. Eccle. VIII, 6 : omni negotio tempus est, et opportunitas. Congruum tempus est finis mundi, quia illud tempus est tempus messis, et collectionis fructus. Et ideo oportet, quod veniat in fine.

Quantum ad secundum dicit ostendet, id est, manifestabit. Licet enim sit visibilis quantum ad carnem, tamen virtus eius est abscondita; sed tunc etiam divinitas eius erit manifesta sanctis, reprobi vero solum videbunt gloriam carnis.

Sed quantum ad tertium dicit, quod ostendet eum Deus Trinitas. Et circa hoc duo facit, quia primo describit adventum Christi; secundo in eius commendationem prorumpens, laudat eum, ibi cui honor, et cetera. Item, circa primum tria facit. Primo actorem adventus describit ex perfecta operatione; secundo ex singulari potestate; tertio ex incomprehensibilitate naturae.

Primum cum dicit beatus. Beatitudo enim est operatio perfecta, quae est supremae virtutis operativae, optime dispositae. Et haec est beatitudo nostra. Dei autem beatitudo est qua cognoscit se. Si enim se non cognosceret, Deus non esset. Beatus Gregorius : Deus dum seipso perfruitur, perfecte gloriosus est. Et convenienter de actore huius adventus dicit quod beatus est, quia ad hoc est adventus Christi, ut nos deducat ad beatitudinem. Tob. XIII, 20 : beatus ero si fuerint reliquiae seminis mei ad videndum claritatem Ierusalem.

Quantum ad secundum dicit solus potens. Ps. LXXXVIII, 9 : potens es, domine, et cetera. Sed quare dicit solus? Numquid non omnia habent potentiam? Immo per participationem, sed solus Deus a se essentialiter. Unde dicit rex regum, et dominus dominantium. Ambrosius : dominus est nomen potestatis, et rex similiter. Qui ergo habet dominum et regem supra se, est subiectus potestati, et talis non est potens a se, sed ab alio. Si ergo Christus est rex regum, etc., necesse est, quod solus habeat potentiam non ab alio, sed omnes ab eo. Et designatur duplex potentia Dei, scilicet gubernativa mundi, cum dicit rex regum, quasi a regimine dicta. Prov. XX, 8 : rex qui sedet in solio iudicii dissipat omne malum intuitu suo. Item potentia creandi, cum dicit dominus dominantium. Ps. XCIX, 3 : scitote quoniam dominus ipse est Deus, ipse fecit nos. Apoc. XIX, 16 : et habebat in vestimento, et in femore suo scriptum : rex regum, et dominus dominantium.

Quantum ad tertium dicit qui solus habet immortalitatem, et lucem habitat inaccessibilem. Incomprehensibilitas Dei ex duobus patet. Primo quia transcendit quidquid in creaturis est comprehensibile; secundo quia hoc ipsum, quod Deus est, omnium comprehensionem excedit.

Primum, cum dicit solus. In qualibet enim mutatione est quaedam corruptio, quia omne quod mutatur, inquantum huiusmodi, desinit esse tale. Illud ergo proprie et vere est incorruptibile, quod penitus est immutabile. Quaelibet autem creatura in se considerata, habet aliquam mutationem, vel mutabilitatem : Deus autem est omnino immutabilis. Sed si aliqua creatura est immutabilis, hoc convenit ei ex dono gratiae. Et ex hoc ostendit, quod natura Dei transcendit omne quod est in natura creata. Supra I, 17 : regi saeculorum immortali, et cetera.

Quantum ad secundum dicit lucem, et cetera. Lux in sensibilibus est principium videndi; unde illud quo aliquid cognoscitur quocumque modo, dicitur lux. Unumquodque autem cognoscitur per suam formam, et secundum quod est actu. Unde quantum habet de forma et actu, tantum habet de luce. Res ergo, quae sunt actus quidam, sed non purus, lucentia sunt, sed non lux. Sed divina essentia, quae est actus purus, est ipsa lux. Io. I, v. 8 : non erat ille lux, et cetera. Deus autem habitat apud se, et haec lux est inaccessibilis, id est, non visibilis oculo carnis, sed intelligibilis. Et tamen nullus intellectus creatus potest ad eum accedere.

Notandum est tamen, quod dupliciter potest intellectus accedere ad cognitionem naturae alicuius, scilicet ut cognoscat et ut comprehendat. Ad comprehendendum autem Deum impossibile est intellectum pervenire, quia sic cognosceret Deum, ut cognoscibilis est : Deus autem perfecte cognoscibilis est, inquantum habet de entitate et luce; haec autem sunt infinita, ergo est infinite cognoscibilis. Virtus autem intellectus creati est finita. Et ideo etiam intellectus Christi non comprehendit Deum. Sed alius modus est cognoscendi Deum, scilicet attingendo Deum. Et secundum hoc nullus intellectus creatus per propria naturalia attingit ad cognoscendum id quod est Deus. Et ratio huius est, quia nulla potentia potest in aliquid altius suo obiecto, sicut visus ad altius cognoscere. Proprium autem obiectum intellectus est, quod quid est; unde quod superat quod quid est, excedit proportionem omnis intellectus. In Deo autem non est aliud esse, et quidditas eius. Quomodo ergo cognoscibilis est? Ergo accedamus ad eum cognoscendum, hic per gratiam, et in futuro per gloriam. Ps. XXXIII, 6 : accedite ad eum, et illuminamini.

Sed qualiter ergo Deus habitat lucem inaccessibilem? Et in Ps. XCVI, 2 : nubes et caligo in circuitu eius; Ex. XX, 21 : Moyses accessit ad caliginem, in qua erat Deus. Respondet Dionysius : omnis caligo est inaccessibile lumen. Est ergo idem quod hic lumen, et ibi caligo; sed caligo est inquantum non videtur, lumen vero inquantum videtur. Sed aliquid est invisibile dupliciter. Uno modo propter se, sicut opacum; alio modo propter excedentiam eius, sicut sol ab oculo noctuae. Sic quaedam sunt nobis non conspicua propter defectum sui esse, et quaedam propter excedentiam eius; et sic Deus nobis quodammodo inaccessibilis est. Quem nullus hominum vidit. Si intelligatur de comprehensione, sic absolute verum est, etiam de Angelis, quia solus Deus comprehendit se. Si autem de visione qua attingitur, sic intelligitur tripliciter. Uno modo, nemo vidit oculo corporali. Alio modo secundum essentiam oculo mentis vivens in carne, nisi Christus. Ex. XXXIII, 20 : non videbit me homo et vivet. Tertio modo nemo vidit quid est Deus per seipsum. Matth. XI, 27 : nemo novit patrem, et cetera. Matth. XVI, 17 : caro et sanguis non revelavit tibi.

Deinde prorumpit in laudem Dei, dicens cui honor. Et ponit duo. Primum pertinet ad reverentiae exhibitionem, dicens honor, qui est exhibitio reverentiae. Mal. I, 6 : si ego pater, ubi est honor meus, et cetera. Secundum ad gubernationem, cum dicit imperium sempiternum.

 

L’Apôtre en imposant plus haut un précepte à Timothée, lui prescrit d’observer ce qu’il lui a recommandé jusqu’à l’avènement de Jésus-Christ. Il traite donc ici de cet avènement, et en fait connaître trois circonstances. D’abord qu’il se fera au temps fixé; ensuite qu’il sera public; enfin il dit quel en sera l’auteur.

De la première de ces circonstances, il dit (verset 15) : "Que doit faire paraître en son temps, etc." (II Pierre, III, 3) : "Aux derniers temps, il viendra des imposteurs et des séducteurs, etc." Paul veut donc établir que, bien que cet avènement paraisse tarder, il se fera néanmoins en son temps (Ecclésiaste, III, 1) : "Toutes choses ont leur temps" ; (Ecclésiaste VIII, 6) : "Toutes choses ont leur temps et leurs moments favorables." Ce temps convenable est la fin du monde, parce que c’est le temps de la moisson et de la récolte des fruits. Il est donc nécessaire que le jugement se fasse à la fin du monde.

II° De la seconde circonstance, il dit (verset 15) : "Faire paraître," c’est-à-dire manifester, car bien que Jésus-Christ soit visible quant à la chair, cependant sa puissance est cachée, mais à ce moment-là sa divinité elle-même sera manifestée aux saints, tandis que les réprouvés ne verront que sa chair glorifiée.

III° Sur la troisième circonstance, l’Apôtre ajoute que Dieu-Trinité fera connaître le Christ. Sur ceci, I. saint Paul décrit l’avènement de Jésus-Christ; II. Il éclate en louanges pour exalter sa grandeur (verset 16) : "A qui est l’honneur, etc."

Au premier de ces points, l’Apôtre fait connaître l’auteur de cet avènement, par la perfection de ses actes; par sa puissance sans égale; par l’incompréhensibilité de sa nature.

Il désigne le premier de ces caractères, quand il dit (verset 15) : "Celui qui est heureux." La béatitude, en effet, est l’acte parfait, produit par la puissance suprême, dans la plus haute effusion de son amour : telle est notre béatitude. Car la béatitude de Dieu consiste pour lui dans la connaissance qu’il a de lui-même. Si, en effet, il ne se connaissait pas, il ne serait pas Dieu. "Par la jouissance qu’il a de lui-même", dit saint Grégoire, "Dieu est parfaitement glorieux". L’Apôtre a donc dit avec justesse, de celui qui opère l’avènement de Jésus-Christ, "Qu’il est heureux," parce que le but de cet avènement est de nous conduire nous-mêmes à la béatitude ; (Tobie, XIII, 20) : "Je serai heureux s’il reste encore quelqu’un de ma race pour voir la lumière et les splendeurs de Jérusalem."

Quant au second caractère, Paul dit (verset 15) : "Qui est le seul puissant" (Ps., LXXXVIII, 9) : "Vous êtes Seigneur, très puissant, etc." Mais pourquoi l’Apôtre dit-il : "le seul ?" Tous n’ont-ils pas [quelque degré de] puissance? Oui, mais par participation. Dieu seul la possède de lui-même, par essence. Aussi Paul dit-il (verset 15) : "Roi des rois et Seigneur des Seigneurs." "Le Seigneur", dit saint Ambroise, "c’est le nom de la puissance"; il en est de même du nom de roi. Quiconque donc a pour supérieur un seigneur et un roi, est dépendant d’un pouvoir, et celui qui est tel n’est pas puissant par lui-même, mais tient d’un autre sa puissance; si donc Jésus-Christ est "le Roi des rois", etc., il va de soi qu’il possède la puissance; il ne la reçoit pas d’un autre et tous la reçoivent de lui. L’Apôtre indique ici une double puissance de Dieu, à savoir, celle du gouvernement du monde, lorsqu’il dit (verset 15) : "Roi des rois," comme si ce titre lui venait de ce qu’il régit l’univers ; (Prov., XX, 8) : "Le roi qui est assis sur son trône, pour rendre justice, dissipe tout mal par son seul regard." Ensuite la puissance créatrice en appelant Dieu, "Seigneur des Seigneurs" ; (Ps., XCIX, 3) : "Sachez que le Seigneur est Dieu, que c’est lui qui nous a faits," ; (Apoc., XIX, 16) : "Et il porte écrit sur son vêtement et sur sa cuisse : Roi des rois et Seigneur des Seigneurs."

Du troisième caractère, Paul dit (verset 16) : "Qui seul possède l’immortalité et habite une lumière inaccessible." L’incompréhensibilité de Dieu paraît en deux points. Premièrement, parce qu’il dépasse tout ce qui, dans les créatures, est compréhensible ; secondement, parce qu’en cela même qu’il est Dieu, il dépasse toute compréhension.

1. L’Apôtre indique le premier, en disant (verset 16) : "Seul." Toute mutation, en effet, suppose une sorte d’altération, car tout ce qui subit un changement, quel qu’en soit le genre, cesse d’être ce qu’il était d’abord. Il n’y a donc véritablement et proprement d’incorruptible que ce qui est totalement immuable. Toute créature, considérée en soi, est déjà dans un état de changement, ou susceptible de mutabilité. Dieu seul est absolument immuable. Que si quelque créature peut l’être, ce n’est que par un don de la grâce. L’Apôtre montre par là que la nature divine transcende tout ce qui est dans la nature créée ; (ci-dessus, I, 17) : "Au roi des siècles immortel, Dieu immortel, etc."

2. Quant au second, il dit (verset 16) : "Qui habite une lumière inaccessible, etc.". La lumière, dans les choses qui tombent sous les sens, est le principe de la vue; c’est de là que le moyen par lequel on connaît, de quelque manière que ce soit, prend le nom de lumière ; et chaque objet est connu par sa forme, et en proportion de son existence actuelle. Il possède ainsi d’autant plus de lumière qu’il possède de forme et d’existence. Donc les choses qui sont des actes, mais non pas l’acte pur, ne sont pas la lumière; ils sont lumineux. Mais la divine essence qui est un acte pur, est la lumière même ; (Jean, I, 8) : "Il n’était pas lui-même la lumière, etc." Dieu habite en lui-même, et cette lumière est inaccessible, c’est-à-dire n’est pas visible à l’oeil charnel, mais elle est intelligible ; toutefois nul intellect créé ne peut l’atteindre.

Observez cependant que l’intellect peut parvenir à la connaissance d’une nature quelconque, de deux manières : Par la connaissance simple et par la connaissance composée. Il est impossible à tout intellect d’arriver à la compréhension de Dieu, parce qu’alors il connaîtrait Dieu, autant qu’il est objet de connaissance. Or la connaissance parfaite de Dieu, comprend tout ce qu’il possède et d’entité et de lumière. Ces attributs sont infinis; la connaissance de Dieu suppose donc l’infini dans son étendue. Par contre la puissance de l’intellect créé est finie, voilà pourquoi l’intellect de Jésus-Christ lui-même ne saurait arriver à la compréhension de Dieu. Une autre manière de connaître Dieu est de s’élever à Lui. Dans ce sens nul intellect créé ne saurait, par ses forces naturelles, arriver à connaître ce qu’est Dieu. La raison en est que nulle puissance ne peut atteindre quelque chose de plus élevé que son objet. Ainsi la vue, par exemple, ne peut dépasser sa portée. Or l’objet propre de l’intellect, c’est ce qui est; tout ce qui dépasse ce qui est, excède donc la proportion de tout intellect. Mais en Dieu l’être n’est pas différent de l’essence divine; comment donc serait-il accessible à la connaissance ? Nous ne pourrions accéder à cette connsaissance qu’ici-bas par la grâce et dans la vie future par la gloire. (Psaume XXXIII, 6) : "Approchez-vous, afin que vous soyez éclairés!"

Mais comment Dieu habite-t-il une lumière inaccessible ? (Psaume, XCVI, 2) : "Une nuit est autour de lui et l’obscurité l’environne" ; (Exode, XX, 21) : "Moïse s’approcha de l’obscurité où Dieu était." Denys répond : "Toute obscurité est une lumière inaccessible". Ce qui est appelé ici lumière et là obscurité, est une seule et même chose, obscurité en tant qu’on ne peut la voir, et lumière en tant qu’elle peut être vue. Or une chose peut être invisible de deux manières. D’abord en soi, comme tout ce qui est opaque; ensuite en raison de l’excès qu’elle comporte; c’est ainsi que le soleil ne peut être vu par l’oeil de l’oiseau de nuit. Ainsi certains objets ne sont pas visibles pour nous, les uns à cause de l’imperfection de leur nature, les autres à cause de l’excès de sa perfection. Voilà aussi comment Dieu, dans un certain sens, est pour nous inaccessible, et pourquoi (verset 16) : "Nul homme ne l’a vu." S’il s’agit de la compréhension, la proposition est vraie dans le sens absolu, même pour les anges, parce que Dieu seul peut lui-même se comprendre. S’il s’agit de la vision par laquelle on peut l’atteindre, il y a trois manières de l’entendre : D’abord personne ne l’a vu avec les yeux du corps; ensuite, quant à son essence, avec les yeux de l’intelligence, pendant la vie mortelle, à l’exception de Jésus-Christ (Exode, XXXIII, 20) : "nul homme ne me verra sans mourir." Enfin nul n’a vu ce qu’est Dieu en lui-même ; (Matthieu X, 27) : "Nul ne connaît le Père que le Fils, etc." et (Matthieu XVI, 17) : "Ce n’est ni la chair ni le sang qui vous ont révélé ceci."

II. L’Apôtre exalte Dieu par ses louanges, en disant (verset 16) : "A qui est l’honneur…" Il exprime ici deux sentiments : l’un se rapporte au respect que nous devons témoigner à Dieu, c’est "l’honneur," expression du respect ; (Malachie I, 6) : "Si je suis votre père, où est l’honneur que vous me rendez, etc. ?" Le second se rapporte au gouvernement du monde : "Et l’empire dans l’éternité, etc."

 

 

 

Lectio 4

Leçon 4 — 1 Timothée VI, 17-21 et dernier : La vraie richesse, éternelle.

 

SOMMAIRE : Paul avertit les riches de ne pas jeter l’ancre de leur espérance dans les richesses périssables de cette vie; il veut qu’ils s’appliquent de toutes leurs forces devenir riches en bonnes œuvres. Il fait ses souhaits à Timothée et l’exhorte à éviter le mal et pratiquer le bien.

[17] divitibus huius saeculi praecipe non sublime sapere neque sperare in incerto divitiarum sed in Deo qui praestat nobis omnia abunde ad fruendum

[18] bene agere divites fieri in operibus bonis facile tribuere communicare

[19] thesaurizare sibi fundamentum bonum in futurum ut adprehendant veram vitam

[20] o Timothee depositum custodi devitans profanas vocum novitates et oppositiones falsi nominis scientiae

[21] quam quidam promittentes circa fidem exciderunt gratia tecum

17. Ordonnez aux riches de ce monde de n’être pas orgueilleux, de ne mettre pas leur confiance dans les richesses incertaines, mais dans le Dieu vivant qui nous fournit avec abondance tant ce qui est nécessaire à la vie;

18. D’être bienfaisants, de se rendre riches en bonnes oeuvres, de donner l’aumône de bon coeur, de faire part de leurs biens,

19. De s’acquérir un trésor et de s’établir un fondement solide pour l’avenir, afin d’arriver à la véritable vie.

20. O Timothée, gardez le dépôt qui vous a été confié, fuyant les profanes nouveautés de paroles, et tout ce qu’oppose une doctrine qui porte faussement le nom de science;

21. Dont quelques-uns faisant profession se sont égarés de la foi. Que la grâce demeure avec toi. Amen.

[87898] Super 1 Tm cap. 6 l. 4 Supra egit de instructione personarum infimi status, hic redit ad materiam suam, et instruit eum ad instruendum divites. Et primo facit hoc; secundo agit de instructione Timothei, ibi o Timothee. Et semper quando instruit eum ad instructionem aliorum, monet ut non negligat se.

Et circa primum primo excludit vitia, quae solent in divitibus abundare; secundo inducit ad bona, ibi bene agere. Item circa primum primo proponit vitia, quae solent esse in divitibus; secundo excludit haec, reddendo rationem huius, ibi in incerto.

Dicit ergo divitibus. Divitiae abundantiam important. Est autem abundantia spiritualium, et hae sunt verae divitiae. Is. c. XXXIII, 6 : divitiae salutis sapientia et scientia, timor domini ipse est thesaurus eius. Quaedam corporales, et hae non sunt verae divitiae, quia non sufficiunt. Et ideo addit cum quadam diminutione huius saeculi. Bar. c. III, 18 : qui argentum thesaurizant, et aurum in quo confidunt homines. His ergo praecipe. Quando de servis egit, non posuit praeceptum, quia hoc est virtus, quod homo utatur auctoritate ad maiores, non ad minores. Et ideo dicit : non dimittas propter divitias et propter altum statum eorum, quin praecipias. Et quid debet praecipere? Non sublime sapere, id est, non sentire aliquid excelsum de se. Numquid hoc est malum? Respondeo. Potest reddi malum ex duobus. Primo si sublime sapit de se, propter ea quae non habent excellentiam veram. Et hoc est, si in rebus temporalibus; unde qui propter exteriorem excellentiam sublime sapit de se, inordinate sapit, et haec est superbia. Et tamen carnales non aliam sublimitatem curant nisi istam, et haec acquiri potest per divitias. Eccle. X, 19 : pecuniae obediunt omnia. Unde quia divites huius mundi haec habent, inaniter extolluntur.

Item alio modo, quia sunt quaedam, quae habent sublimitatem, sicut dona spiritualia. Eccli. XXV, 13 : quam magnus est, qui invenit sapientiam et scientiam, et cetera. In his enim aliquis potest inordinate sapere sublimitatem, non ex natura donorum, sed, vel attribuendo sibi quod non habet, vel non cognoscendo a Deo ea quae habet. Unde in primo est inordinatio propter defectum rerum; in secundo, propter inordinationem affectus.

Secundum vitium in divitibus est spes mundanorum. Unde dicit neque sperare. Iob XXXI, 24 : si putavi aurum robur meum, et obrizo dixi : fiducia mea. Prov. X, 15 : substantia divitis urbs fortitudinis eius.

Deinde cum dicit in incerto divitiarum, assignat rationem monitionis. In eo enim sperat aliquis, unde credit auxilium habere; sed auxilium habetur a forti, et divitiae sunt fragiles; ergo non est in eis sperandum. Matth. VI, 19 : nolite thesaurizare vobis thesauros in terra, ubi aerugo, ac tinea demolitur, et cetera. Sed in Deo vivo, ubi est vera spes ponenda. Ier. XVII, 7 : beatus vir qui confidit in domino, et erit dominus fiducia eius. Iac. c. I, 5 : dat omnibus affluenter. Sed hoc quod dicit abunde ad fruendum, dupliciter potest exponi : uno modo, ut fruitio sumatur pro gaudio, et hoc modo est etiam in corporalibus. Vel expone, id est, ut per haec perveniamus ad fruitionem Dei.

Deinde cum dicit bene agere, monet ad operandum bonum. Qui autem habent affectum ad divitias, primo nituntur ad acquirendum non habitas; secundo ut utantur habitis; tertio ut ad finem divitiarum perveniant : haec tria monet apostolus.

Primo ut acquirant spirituales divitias quas non habent. Et ideo dicit bene agere, et cetera. Is. I, 17 : discite benefacere.

Quantum ad secundum, sciendum est quod duplex est usus divitiarum. Unus est tenere et alius est dare, sed principalis est dare. Et ideo ista duo ponit; primo ut dent, unde dicit facile tribuere, id est, sine gravitate cordis interius. II Cor. IX, 7 : non ex tristitia, aut ex necessitate, et cetera. Et sine tarditate. Prov. III, v. 28 : ne dicas amico tuo : vade et revertere, et cras dabo tibi, cum statim possis dare. Iob XXXI, 16 : si oculos viduae expectare feci.

Secundo ut custodiat non quidem tantum ad suam utilitatem, sed ad quoddam commune; unde dicit communicare, id est, habere eas sicut communes. Rom. XII, 13 : necessitatibus sanctorum communicantes.

Quantum ad tertium, ut ad finem thesaurizandi perveniant, ideo dicit thesaurizate, et cetera. Thesaurus spiritualis est congregatio meritorum, quae sunt fundamentum futuri aedificii, quod nobis praeparatur in caelo, quia tota praeparatio futurae gloriae est per merita, quae acquirimus per gratiam, quae est principium merendi. Matth. VI, 20 : thesaurizate vobis thesauros in caelo, ubi neque tinea, et cetera. I Cor. IX, 24 : sic currite, ut comprehendatis.

Deinde cum dicit o Timothee, instruit ipsum Timotheum. Et primo ut bona conservet; secundo ut mala devitet, ibi devitans.

Dicit ergo : o Timothee, depositum custodi. Depositum hominis est omne bonum, quod habet quilibet, quod sibi commissum est a Deo, ut conservet et multiplicet. Eccli. XVII, 18 : gratiam hominis quasi pupillam conservabit. I Cor. XV, 10 : et gratia eius in me vacua non fuit, sed gratia eius semper in me manet. Et sic dicit ei, ut depositum custodiat, id est, ut se in gratia Dei conservet et multiplicet. Qui enim abscondit talentum, punitur. Matth. XXV, 28 : tollite ab eo talentum, et date ei qui habet decem talenta. Et inutilem servum eiicite in tenebras exteriores, et cetera. Et specialiter praelati habent depositum, scilicet curam proximorum et fidelium. Io. ult. : pasce oves meas. Hebr. c. ult. : ipsi pervigilant quasi rationem reddituri pro animabus vestris. II Tim. I, v. 14 : bonum depositum custodi.

Item quod mala vitet, praecipue illa quae sunt nata coinquinare fidem. Cuius ratio est, quia sicut princeps saecularis ponitur ad custodiendam unitatem regni, ita spiritualis ad servandam unitatem spiritualem. Pax autem regni consistit in iustitia, et ideo ille ordinatur ad iustitiam; sed unitas Ecclesiae est in fide, et ideo principaliter monet ad custodiam fidei. Lc. XXII, 32 : ego rogavi pro te, ut non deficiat fides tua, et tu conversus aliquando confirma fratres tuos, et cetera. Similiter autem posset corrumpi fides per fallaciam, sicut etiam quaelibet scientia. Sed, sicut dicitur I Elenc., fallacia quandoque fit ex voce, quandoque ex re. Unde est fallacia in dictione, et extra dictionem. Et sic fides aliquando corrumpitur per aliquas voces inordinatas, sicut dicit Hieronymus, quod ex verbis inordinate prolatis fit haeresis. Et ideo dicit devitans profanas vocum novitates. Quia non velle audire aliquid novi est oblatrare contra consuetudines. Sed nova profana non sunt audienda. Sed profana novitas est, quando inducitur aliquid contra fidem. Et dicitur novum per comparationem ad id quod est antiquum. Hoc fecit Nestorius, quando dixit de virgine Maria christotocos, ut inferret quod non esset mater Dei. Et ideo sancti patres in Ephesino Concilio instituerunt, quod diceretur theotocos. II Tim. I, 13 : formam habens sanorum verborum, quae a me audisti in fide, et dilectione in Christo Iesu. Et cap. II, 16 : profana et vaniloquia devita, et cetera. Quandoque vero corrumpitur per rationes reales sophisticas. Et illud vitandum est. Et dicit et oppositiones scientiae falsi nominis, quia non est vera scientia, sed apparens.

Scientia enim secundum propriam rationem non est nisi verorum. Impossibile autem est, quod verum sit vero contrarium, licet quandoque duo falsa sint sibi contraria; et ideo impossibile est quod illud quod repugnat veritati divinae, quae est summa veritas, sit verum. Col. II, 8 : videte ne quis vos decipiat per philosophiam et inanem fallaciam secundum traditionem hominum, secundum elementa mundi, et non secundum Christum. Promittentes, id est, dicentes se habere. Ier. c. X, 14 : stultus factus est omnis homo a scientia sua; quae non est Dei, quia qui loquitur mendacium, ex propriis loquitur, Io. c. VIII, 44. Ier. II, 16 : filii Mempheos et Taphnes constupraverunt te usque ad verticem. Is. XLVII, 10 : sapientia tua et scientia tua haec decepit te. Gratia Dei tecum. Amen.

Après avoir traité plus haut de l’instruction des personnes de condition inférieure, Paul revient ici à son sujet, et instruit Timothée pour que lui-même instruise les riches. C’est donc là ce qu’il fait d’abord; en second lieu, il passe à l’instruction de Timothée lui-même (verset 20) : "O Timothée, etc." Toujours, même en lui donnant ses instructions pour l’enseignement des autres, il lui recommande de ne pas se négliger lui-même.

Dans le premier point, il condamne d’abord les vices qui, d’ordinaire, abondent chez les riches; en second lieu, il les engage au bien (verset 18) : "D’être bienfaisant".

Dans la première partie, il indique les vices qui, d’habitude, se trouvent chez les riches; il proscrit ces vices, et en donne la raison (verset 17) : "…dans des richesses incertaines, etc."

Il dit donc (verset 17) : "Aux riches." Les riches supposent l’abondance. Or, il y a abondance de richesses spirituelles qui sont les richesses véritables ; (Isaïe XXXIII, 6) : "La sagesse et la science seront les richesses du salut, et la crainte du Seigneur en sera le trésor;" il y a aussi des richesses matérielles, et celles-là ne sont pas de véritables richesses, parce qu’elles ne suffisent pas. Aussi l’Apôtre ajoute par une sorte de restriction : "De ce monde" ; (Baruch, I, 18) : "[Où sont] ceux qui amassent dans leurs trésors l’argent et l’or, dans lequel les hommes mettent leur confiance ?" A ces riches donc (verset 17) : "Ordonnez." Quand il s’agissait des serviteurs, Paul n’a pas fait de précepte, parce que c’est une vertu de se servir de son autorité pour ceux qui sont plus élevés, et non pour ceux qui sont plus petits. C’est pourquoi il dit : Ne négligez pas, à raison de leurs richesses ou de l’élévation de leur état, de leur ordonner. Et que doit leur ordonner Timothée ? (verset 17) : "De n’être pas orgueilleux," c’est-à-dire de n’avoir pas des sentiments élevés de leur propre personne. Est-ce donc là un mal ? Nous répondons que ce peut être un mal de deux manières. D’abord si on a sur soi-même des sentiments de grandeur à l’occasion de choses qui n’ont pas d’excellence véritable; or ceci arrive, quand il s’agit de biens temporels. Celui-là donc qui en raison d’une excellence tout extérieure, a de lui-même ces sentiments d’élévation, est déréglé dans ses pensées, et c’est là de l’orgueil. Cependant les hommes charnels ne recherchent pas d’autre élévation que celle qu’on peut obtenir par les richesses ; (Ecclésiaste, X, 19) : "Tout obéit à l’argent;" et comme les riches du siècle possèdent cet argent, ils en prennent occasion de s’élever d’une manière insensée.

Ensuite, parce que certains avantages ont de l’élévation, les dons spirituels, par exemple (Ecclésiastique, XXV, 13) : "Combien est grand celui qui a trouvé la sagesse et la science, etc." Or, à l’occasion de ces avantages, on peut se laisser aller à un sentiment désordonné de sa propre excellence, non à raison de la nature des dons, mais en s’attribuant ce qu’on n’a pas, ou en ne reconnaissant pas comme venant de Dieu ce que l’on a. Dans la première supposition, il y a renversement de l’ordre, parce que le don même manque; dans la seconde, le renversement de l’ordre est dans le sentiment même.

Le second défaut des riches est qu’ils mettent leur espérance dans les choses du monde. C'est pourquoi l’Apôtre dit (verset 17) : "De ne pas mettre leur espoir, etc." ; (Job, XXXI, 24) " Si j’ai cru que l’or était ma force, et si j’ai dit à l’or le plus pur, vous êtes ma confiance” ; (Prov., X, 15) : "La fortune est pour les riches leur ville forte."

Quand saint Paul dit ensuite (verset 17) : "Dans des richesses qui sont incertaines, il apporte la raison de sa recommandation. On met son espérance en celui qui peut offrir quelque garantie de secours; or le secours, c’est le fort qui le donne; mais les richesses sont fragiles; ce n’est donc pas en elles qu’il faut espérer ; (Mat VI, 19) : "Ne vous faites pas de trésors sur la terre, où la rouille et les vers les consument, etc..""Mais dans le Dieu vivant," en qui nous devons mettre nos véritables espérances ; (Jér., XVII, 7) : "Heureux l’homme qui met sa confiance dans le Seigneur et dont le Seigneur est l’espérance" ; (Jacques I, 5) : "Dieu donne à tous libéralement." Ce qu’ajoute l’Apôtre (verset 17) : "[Qui nous fournit] avec abondance tout ce dont nous pouvons jouir," peut s’expliquer de deux manières. D’abord en prenant le terme de jouissance comme synonyme de joie; or cette joie se trouve même dans les choses corporelles. Ou bien encore : "Qui nous fournit abondamment." afin que par ce moyen nous arrivions à la jouissance de Dieu.

II. En ajoutant (verset 18) : "D’être bienfaisants," l’Apôtre recommande de faire le bien. Or, ceux qui mettent leur affection dans les richesses, s’efforcent d’abord d’acquérir celles qu’ils n’ont pas; ensuite d’user de celles qu’ils ont; enfin d’arriver au but que procurent ces richesses. Paul recommande donc de se conduire ainsi.

Il recommande aux riches d’acquérir les richesses spirituelles qu’ils n’ont pas. Il dit donc (verset 18) : "D’être bienfaisants, etc." (Isaïe, I, 17) : "Apprenez à faire le bien."

Il leur recommande d’en faire bon usage, car il faut observer qu’il y a un double usage des richesses : les garder et les donner; les donner est le principal. L’Apôtre rappelle donc ces deux usages différents, d’abord les donner. Il dit donc : "De donner facilement," c’est-à-dire sans que le coeur en éprouve intérieurement de la peine ; (2 Co IX, 7) : "[Que chacun donne ce qu’il aura résolu en lui-même], non avec tristesse, ni comme par force, etc." et sans retard ; (Prov., III, 28) : "Ne dites pas à votre ami : allez et revenez, je vous le donnerai demain, lorsque vous pouvez le lui donner tout de suite" ; (Job, XXXl, 16) : "Si j’ai fait attendre les yeux de la veuve". Ensuite de garder leurs richesses non seulement pour leur propre utilité, mais pour en faire comme un fonds commun ; ainsi il dit (verset 18) : "De faire part [de tous leurs biens]" c’est-à-dire de les regarder comme appartenant à tous ; (Rm XII, 13) : "Charitables pour soulager les nécessités des saints."

Enfin d’arriver au but pour lequel on peut thésauriser. Il dit donc (verset 19) : "De s’acquérir un trésor, etc." Le trésor spirituel, c’est la réunion des mérites qui sont le fondement de l’édifice spirituel futur, qui nous est disposé dans les cieux, car toute la préparation de la gloire future se fait par les mérites que nous amassons par la grâce, principe de nos mérites ; (Mt VI, 20) : "Amassez-vous des trésors dans le ciel, où ni la teigne, etc." ; (l Co IX, 24) : "Courez de telle sorte que vous remportiez le prix."

II° Quand enfin Paul dit (verset 20) : "O Timothée, etc." il avertit Timothée lui-même, d’abord de conserver ce qui est bien; ensuite d’éviter ce qui est mal ; (verset 20) : "Fuyant, etc."

I. Il dit donc (verset 20) : "O Timothée, gardez le dépôt! " Le dépôt confié à l’homme, c’est tout le bien que chacun possède, et que Dieu nous remet pour que nous le gardions et le multipliions ; (Ecclésiastique, XVII, 18) : "Il conservera le bienfait de l’homme charitable, comme la prunelle de l’oeil" ; (1 Co XV, 10) : "Et sa grâce n’a pas été stérile en moi, mais elle demeure toujours en moi." C’est dans ce sens qu’il dit à Timothée de garder le dépôt, c’est-à-dire, de se conserver dans la grâce de Dieu et d’en multiplier les œuvres. Car celui qui enfouit dans la terre le talent qu’il a reçu, est puni ; (Mt XXV, 28) : "Qu’on lui ôte le talent qu’il a, et qu’on le donne à celui qui a dix talents." – "Quant à ce serviteur inutile, qu’on le jette dans les ténèbres extérieures, etc." Les chefs de l’Église sont spécialement chargés du dépôt, c’est-à-dire de veiller à ce qui regarde le prochain et les fidèles ; (Jean, XXI, 17) : "Paissez mes brebis" ; (Hébr., X, 17) : "Ils veillent pour le bien de vos âmes, comme devant en rendre compte" ; (2 Tm I, 14) : "Gardez l’excellent dépôt qui vous a été confié."

II. En second lieu, il lui recommande d’éviter tout ce qui est mal, principalement ce qui est de nature à corrompre la foi. La raison en est que de même que le prince temporel est établi pour maintenir l’unité de l’Etat, le chef spirituel est préposé à la garde de l’unité spirituelle. Or, la paix d’un Etat consiste dans la justice; le prince doit donc maintenir la justice. Mais l’unité de l’Eglise repose sur la foi; voilà pourquoi l’Apôtre recommande particulièrement de garder la foi ; (Luc, XXII, 32) : "J’ai prié pour vous, afin que votre foi ne défaille pas; lors donc que vous aurez été converti, ayez soin d’affermir vos frères, etc." La foi pourrait aussi être corrompue par l’erreur, comme toute connaissance peut l’être. Or, comme il est dit (I Elench.), l'erreur quelquefois se produit dans les termes, quelquefois dans les choses. C’est de là qu’on distingue l’erreur dans le langage, et l’erreur en dehors du langage. Ainsi la foi est quelquefois altérée par des expressions mal mesurées, comme l’observe Jérôme, quand « des termes employés sans règles naît l’hérésie ». C’est ce qui fait dire à Paul (verset 20) : "Fuyant les profanes nouveautés de paroles." Ne rien vouloir entendre qui ait un caractère de nouveauté c’est s’élever contre la coutume. Mais on ne doit pas écouter les nouveautés profanes; or, c’est une profane nouveauté de dire quelque chose contre la foi. On dit nouveau par comparaison avec ce qui est ancien. C’est ce que fit Nestorius, quand il appela la vierge Marie « mère du Christ » pour en conclure qu’elle n’était pas mère de Dieu. Voilà pourquoi les Pères au concile d’Ephèse, définirent qu’on l’appellerait théotokos [mère de Dieu] ; (II Timoth., I, 13) : "Proposez-vous pour modèle les saines paroles que vous avez entendues de moi, touchant la foi et la charité qui est en Jésus-Christ" ; (II Timoth., II, 16) : "Fuyez les entretiens vains et profanes, etc." La foi se corrompt aussi quelquefois par les raisonnements sophistiques sur les choses. Il faut aussi les éviter. Paul dit donc (verset 20) : "Et les antithèses qui portent faussement le nom de science," parce que ce n’est pas une science véritable, elle n’est que l’apparence. La science, selon son caractère véritable, n’a pour objet que des choses vraies; or il est impossible que le vrai soit le contraire du vrai, bien que quelquefois le faux puisse être le contraire du faux. Il est donc impossible que ce qui est contradictoire à la vérité divine, c’est-à-dire la vérité suprême, soit vrai ; (Coloss., II, 8) : "Prenez garde que personne ne vous séduise par la philosophie et par des raisonnements vains et trompeurs, fondés sur les traditions des hommes, et sur les principes d’une science mondaine, et non sur Jésus-Christ." Quelques-uns (verset 21) : "la promettant," c’est-à-dire se vantant d’avoir cette science, ["se sont égarés loin de la foi"] ; (Jérémie, X, 14) : "Tout homme est devenu stupide, hors de sens." Cette science n’est pas selon Dieu, car (Jean, VII, 44) : "Celui qui profère le mensonge, parle de son propre fonds" ; (Jérémie, II, 16) : "Les enfants de Memphis et de Taphenés vous ont souillés jusqu’à la tête" ; (Isaïe XLVII, 10) : "Votre sagesse et votre science même vous ont séduite."

(verset 21) : "Que la grâce de Dieu soit avec vous. Amen."

 



[1] "Talmud," mot hébreu qui signifie "doctrine". Les Juifs actuels appellent de ce nom une compilation énorme des écrits de leurs docteurs.

 

[2] Au sens de "foi vivante par la charité." (Concile de Trente). La foi seule est une simple étape vers la justification.

[3] Les Vaudois, disciples de Pierre Valdo, lyonnais. Cette hérésie était récente encore au moment où notre docteur écrivait. Les Vaudois formèrent, vers l’an 1136, une secte à laquelle on donna le nom de Pauvres de Lyon, à cause de la pauvreté dont ses membres faisaient profession. Ils ne cessaient pas de professer la pauvreté, ils la prêchèrent et s’érigèrent en apôtres, inquiétant ceux qui en avaient reçu mission. L’Eglise de Lyon, sans condamner leur zèle, tenta de le renfermer dans de justes bornes. Les disciples de Valdo avaient d’eux-mêmes une trop haute idée pour déférer à l’autorité de leur Eglise. Ils prétendirent que tous les chrétiens devaient savoir l’Ecriture, que tous étaient prêtres, et obligés d’enseigner. Si l’Eglise leur imposait, silence, ils répondaient comme les Apôtres : "Faut-il obéir à Dieu ou aux hommes" Le pape les condamna avec les autres hérétiques qui inondaient la France. Ils attaquèrent le pouvoir qui les frappait, nièrent l’autorité de l’Eglise enseignante, anathématisèrent tontes ses pratiques et se proclamèrent la vraie Eglise. Ils renouvelèrent ainsi les erreurs de Vigilance sur les cérémonies de l’Eglise, le culte des saints; celles des Donatistes sur la nullité des sacrements conférés par de mauvais ministres, et sur la nature de l'Eglise, des Iconoclastes, ils y ajoutèrent que l'Eglise ne peut posséder de biens temporels.

 

[4] Les Montanistes condamnés au concile d’Hièraple, et chassés de l’Epire, s’organisèrent et se firent une hiérarchie. Leur chef-lieu était la ville le Pépuze, en Phrygie, ce qui leur fit donner le nom de Pépuziens, Phrygiens, Cataphryges, et Cataphrygiens. Les Cataphrygiens étaient donc une secte d’hérétiques qui avaient pour auteurs Montan et les deux prophétesses de cet hérésiarque, Prisca et Maximilla. Du temps de saint Augustin, ils avaient encore, en Phrygie, des partisans parmi le peuple. Ils prétendaient que le Saint Esprit, promis par le Sauveur Jésus, avait été en effet donné aux Apôtres, mais que le Paraclet, qu’il avait aussi promis, et qu’ils distinguaient du Saint-Esprit, leur avait été réservé. Ce Paraclet était Montan. Ils regardaient les secondes noces comme une fornication, et quand on leur objectait Paul, ils répondaient que si Paul avait permis ces noces, c’est qu’il ne savait et ne prophétisait que d’une manière imparfaite, ce qui est parfait n’étant pas encore venu (I Cor., XIII). Mais disaient follement quelques-uns d’entre eux, la promesse s’est réalisée dans Montan et ses prophétesses. On dit qu’ils regardaient les sacrements comme funestes, et simulaient par des inventions détestables celui de la Sainte Euharistie.

[5] Manès, né dans la Perse en 240, était mage d’origine. Il s’inspira des livres d’un Arabe nommé Scythien, et entreprit de réformer et de concilier tout à la fois, en s’appuyant sur les Ecritures dont il faussait le sens, la doctrine des mages et celle des chrétiens. Il ne fut donc pas l’inventeur du système des deux principes, autrement le Dualisme, remarque Augustin. Longtemps auparavant, la difficulté d’accorder l’existence du mal avec la bonté du Créateur avait, en effet, conduit les raisonneurs à poser deux principes éternels, dont l’un aurait produit le bien, l’autre aurait fait le mal. Cette doctrine impie a été suivie par la plupart des philosophes orientaux, surtout par ceux de Perse, que l’on a appelés du nom de mage. Cependant, parmi ces philosophes, il faut distinguer ceux qui ont admis deux principes coéternels, actifs, et ceux qui ont envisagé la matière éternelle comme un principe passif. Aux premiers appartient le dualisme. Manès et les siens poussèrent les conséquences de ces trop fécondes erreurs. De là leur enseignement sur le mariage. Suivant eux, les élues ou les esprits sont une émanation du bon principe, qu’ils regardaient comme une lumière incréée, et tous les corps ont été formés par le mauvais principe qu’ils nommaient Satan, ou la puissance des ténèbres, Or, dans les âmes, les portions de lumière se trouvent, suivant leur sentiment, plus étroitement unies à la matière qu’auparavant par la génération, Ils proscrivaient le mariage, parce que, disaient il n'aboutit qu’à perpétuer la captivité des âmes.