Thomas
de Vio Cajetan
Commentaire de la Somme de théologie
Traduction
libre d’après le texte latin de l’éd. Léonine, t. IV-XII, Rome, 1888-1906
© Edition numérique :
Nouvelle traduction pour le projet Docteur Angélique par Louis Leboucher, 2025, leboucherlouis@yahoo.fr
Mise à disposition sur site des œuvres complètes de saint Thomas d'Aquin https://www.i-docteurangelique.fr (© 2025) |
Première partie (Ia Pars)
Note
sur la présente traduction
Question
1 : LA DOCTRINE SACRÉE. QU’EST-ELLE ? A QUOI S’ÉTEND-ELLE ?
Article 1 : UNE TELLE DOCTRINE EST-ELLE
NECESSAIRE ?
Article 2 : LA DOCTRINE SACREE EST-ELLE UNE
SCIENCE ?
Article 3 : LA DOCTRINE SACREE EST-ELLE UNE
OU MULTIPLE ?
Article 4 : LA DOCTRINE SACREE EST-ELLE
SPECULATIVE OU PRATIQUE ?.
Article 5 : LA DOCTRINE SACREE EST-ELLE
SUPERIEURE AUX AUTRES SCIENCES ?
Article 6 : CETTE DOCTRINE EST-ELLE UNE
SAGESSE ?
Article 7 : DIEU EST-IL LE SUJET DE CETTE
SCIENCE ?
Article 8 : CETTE DOCTRINE
ARGUMENTE-T-ELLE ?
Article 9 : LA DOCTRINE SACREE DOIT-ELLE
USER DE METAPHORES ?
Article 10 : EST-CE QUE LA
« LETTRE » DE L'ECRITURE SAINTE PEUT REVETIR PLUSIEURS SENS ?
Question
2 : L’EXISTENCE DE DIEU
Article
1 : L’EXISTENCE DE DIEU EST-ELLE ÉVIDENTE PAR ELLE-MÊME ?
Article
2 : L’EXISTENCE DE DIEU EST-ELLE DÉMONTRABLE ?
Article
3 : DIEU EXISTE-T-IL ?
Question
3 : LA SIMPLICITÉ DE DIEU..
Article
2 : Y A-T-IL EN DIEU COMPOSITION DE MATIÈRE ET DE FORME ?
Article
3 : Y A-T-IL EN DIEU COMPOSITION D’ESSENCE OU DE NATURE, ET DE
SUJET ?
Article
4 : Y A-T-IL EN DIEU COMPOSITION DE L’ESSENCE ET DE L’EXISTENCE ?
Article
5 : Y A-T-IL EN DIEU COMPOSITION DE GENRE ET DE DIFFÉRENCE ?
Article
6 : Y A-T-IL EN DIEU COMPOSITION DE SUJET ET D’ACCIDENT ?
Article
7 : DIEU EST-IL COMPOSÉ DE QUELQUE MANIÈRE, OU ABSOLUMENT SIMPLE ?
Article
8 : DIEU ENTRE-T-IL EN COMPOSITION AVEC LES AUTRES ÊTRES ?
Question
4 : LA PERFECTION DE DIEU..
Article
1 : DIEU EST-IL PARFAIT ?
Article
2 : DIEU EST-IL UNIVERSELLEMENT PARFAIT, CONTENANT EN LUI LES PERFECTIONS
DE TOUTE CHOSE ?
Article
3 : PEUT-ON DIRE QUE LES CRÉATURES RESSEMBLENT À DIEU ?
Question
5 : LA BONTÉ EN GÉNÉRAL
Article
1 : LE BON ET L’ÉTANT SONT-ILS IDENTIQUES DANS LA RÉALITÉ ?
Article
3 : PUISQUE L’ÊTRE EST PREMIER, TOUT ÉTANT EST-IL BON ?
Article
4 : DANS QUEL GENRE DE CAUSE LA BONTÉ RENTRE-T-ELLE ?
Article
5 — LA BONTÉ CONSISTE-T-ELLE DANS LE MODE, L’ESPÈCE ET L’ORDRE ?
Article
6 : LA DIVISION DU BIEN EN HONNÊTE, UTILE ET DÉLECTABLE
Article
1 : PEUT-ON DIRE DE DIEU QU’IL EST BON ?
Article
2 : DIEU EST-IL SUPRÊMEMENT BON ?
Article
3 : DIEU SEUL EST-IL BON PAR ESSENCE ?
Article
4 : TOUTES CHOSES SONT-ELLES BONNES DE LA BONTÉ DIVINE ?
Question
7 : L’INFINITÉ DE DIEU
Article
1 : DIEU EST-IL INFINI ?
Article
2 : Y A-T-IL, EN DEHORS DE DIEU, UN ÊTRE QUI SOIT INFINI EN SON
ESSENCE ?
Article
3 : QUELQUE CHOSE PEUT-IL ÊTRE INFINI EN ÉTENDUE ?
Article
4 : PEUT-IL Y AVOIR DANS LES CHOSES UNE MULTITUDE INFINIE ?
Question
8 : L'EXISTENCE DE DIEU DANS LES CHOSES
Article
1 : DIEU EST-IL EN TOUTES CHOSES ?
Article
2 : DIEU EST-IL PARTOUT ?
Article
3 : DIEU EST-IL PARTOUT PAR L'ESSENCE, LA PUISSANCE ET LA PRESENCE ?
Article
4 : ETRE PARTOUT EST-IL PROPRE A DIEU ?
Question
9 : L'IMMUTABILITE DE DIEU..
Article
1 : DIEU EST-IL ABSOLUMENT IMMUABLE ?
Article
2 : ETRE IMMUABLE EST-IL PROPRE A DIEU ?
Question
10 : L'ETERNITE DE DIEU
Article
1 : QU'EST-CE QUE L'ETERNITE ?
Article 2 : DIEU EST-IL ETERNEL ?
Article 3 : EST-IL PROPRE A DIEU D'ETRE
ETERNEL ?
Article 4 : L'ETRENITE DIFFERE-T-ELLE DU
TEMPS ?
Article 5 : LA DIFFERENCE ENTRE L'AEVUM ET
LE TEMPS
Article 6 : Y A-T-IL UN SEUL AEVUM, COMME IL
Y A UN SEUL TEMPS ET UNE SEULE ETERNITE ?
Nous reproduisons le découpage classique en grands paragraphes (numérotation en chiffres romains). Nous ajoutons une numérotation continue pour les sous paragraphes de l’éditeur léonin. Pour un index du commentaire, voir : S. Thomas d'Aquin, Opera omnia. Indices..., Rome, éd. Léonine, t. XVI, 1948, XXVI-648 p.
Pour la
première question (I, q. 1, a. 1-10), nous reproduisons (en cours) — avec l'aimable
autorisation de l'auteur et de l'éditeur — la traduction de l'abbé Jean-Michel
Gleize : Thomas de Vio Cajetan, La théologie selon saint Thomas d'Aquin.
Commentaire de la "Somme théologique", première question de la prima
pars, Suresnes, Clovis, 2018, 237 p.
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Prologue |
<1> Intentio divi Thomae in hoc Prooemio, manifestata et ex parte officii doctoris et ex parte novitiorum, adversari videtur prima fronte intentioni meae, dum textus novitiis constructus, a me doctorum subtilitatibus replendus creditur. Verum si Auctoris rationes hic redditas diligentius discusserimus, aberrasse meum propositum non videbitur. Novitiis namque opus hoc convenire dicitur, non ratione facilitatis, aut superficialis aut epilogalis aut introductorii tractatus ; sed ratione sectarum superfluitatum omissae repetitionis, et pulcherrimi ordinis ab ipso inventi ut enim in processu apparet, omnes theologales difficultates, et ex propriis, hic distincte tractantur. Et quoniam quandoque minus perspicaces ac impares opus hoc sortitur interpretes, multosque habuit impugnatores, et sectatores multo plures pareret si perspicuum fieret ; necessarium fore duxi profecturis in theologia exponere opus hoc ; et non maiora, sed posteriora, et modernis minus nota apponere, iuxta mei vires ingenii ; id omnes monens, ut dictorum tantum rationes videant atque examinent, et sic acquiescant vel refutent. Non enim tanti sum nec sic arrogans, ut meam proponam auctoritatem : sed eatenus dico hic et ubique, quatenus reddita ratio testatur. Propterea, ubi defecero, correctori ut adiutori gratias ago. Verba quoque erroris, falsitatis, deceptionis, ignorantiae, et aliorum huiusmodi, non contra personas, sed contra opiniones, et hoc etiam quatenus minus solidae sunt vel apparent, inter pretanda esse volo : quoniam personis nullo pacto, opinionibus vero non nisi ut dissonant, adversari intendo. |
<1> L'intention de
saint Thomas dans ce Prologue, qui se manifeste à la fois partant du devoir
du docteur et de celui à l'endroit des novices, semble à première vue s'opposer
à mon intention, en ce que le texte est présenté à l'intention des novices,
comme ne relevant pas de mes subtilités de docteur. Cependant, si nous
examinons plus attentivement les présentes motivations de l'Auteur, mon
propos ne semblera pas s'en être écarté. En effet, cette œuvre est dite
convenir aux novices, non pas en raison de sa facilité, ou d'un traitement
superficiel, <comme simplement> conclusif ou introductif ; mais en
raison de l'omission d'inutiles répétitions, et du fait de l'admirable ordre
qu'il présente, comme cela apparaît dans la structure, toutes les difficultés
théologiques bénéficient ici en propre d'un traitement particulier. Et
puisque parfois ce travail est laissé à des interprètes moins pénétrants et
d'inégal valeur, ayant eu d’innombrables adversaires, <et qu'>
il engendrerait davantage de défenseurs
s'il devenait clair ; j'ai jugé nécessaire d'entreprendre ce travail
en avant des théologiens ; et je n'ajoute point des choses plus grandes, mais
un prolongement qui est moins évident pour les modernes, selon mes capacités
intellectuelles ; et en avertissant, de ne considérer et d'examiner les
arguments que dans la mesure où ils sont proposés <dans le texte>,
et ainsi d'y acquiescer ou de les réfuter. Assurément, je ne suis pas si important
ni si arrogant que je puisse proposer mon autorité propre : mais je dis le
commun accord, dans la mesure où ces arguments sont attestés ici et là. C'est
pourquoi, lorsque je faillirai, je remercie le correcteur comme conseil. Les
mots d'erreur, de falsification, de tromperie, d'ignorance,
et autres de cet ordre, doivent s’entendre non contre les individualités,
mais contre les opinions, et cela dans la mesure où elles sont moins fondés
ou manifestes, je ne m'attache à aucune individualité car j'ai l'intention de
m'opposer aux opinions des adversaires, mais seulement lorsqu'elles sont
dissonantes. |
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LA THÉOLOGIE COMME SCIENCE |
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Question 1 : LA DOCTRINE SACRÉE. QU’EST-ELLE ? A QUOI S’ÉTEND-ELLE ? |
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Article 1 : UNE TELLE DOCTRINE EST-ELLE NECESSAIRE ?
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<1> I. Le titre de ce premier article comporte trois
termes, qui doivent retenir notre attention. Le premier terme est nécessaire.
En effet, dans le cinquième livre de la Métaphysique [V, 5] ce mot se
prend en deux sens, car on peut parler de ce qui est nécessaire à tous égards
et de ce qui l'est relativement à une fin. Ici, ce terme doit s'entendre au
second sens. Le second terme est matières physiques de l'enseignement,
car on peut dire qu'une science est d'ordre physique ou (ce qui revient au
même) dans la ligne de la nature, en deux sens. D'abord au sens d'un objet et
il s'agit alors d'une partie de la science distincte [cf. Métaphys.
VI, 1] de la mathématique et de la métaphysique. Ensuite, au sens d'un effet
produit, car la science ainsi entendue est en tant que telle le résultat d'un
principe de connaissance d'ordre naturel, c'est à dire de la lumière de
l'intellect agent. En ce deuxième sens, physique se contre-distingue
de surnaturel. Et c'est ainsi qu'on doit l'entendre ici : on
parle des matières physiques de l'enseignement pour désigner toutes les
connaissances qui peuvent être acquises à la lumière de l'intelligence
naturelle. Le troisième terme est un autre enseignement. Saint Thomas
ne parle ni de science, ni de foi et, lorsque nous exposerons les difficultés
à résoudre, nous comprendrons que cette expression doit garder toute son
importance. |
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<2> II. Le corps de l'article comporte deux conclusions
qui répondent à la question par l'affirmative. La première est que le salut
de l'homme rend nécessaire un enseignement révélé portant sur de nombreuses
vérités qui dépassent la raison humaine. La seconde est que le salut de
l'homme rend nécessaire un enseignement révélé portant sur les vérités
concernant Dieu et qui restent accessibles à la raison humaine. |
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<3> III. Avant de donner la preuve de chacune de ces
conclusions, nous devons montrer que leur distinction est suffisamment
établie. Pour cela, prenons en compte deux distinctions. La première est
reprise de la Somme contre les Gentils, au chapitre troisième. Il y a
deux genres de vérités que l'on peut connaître au sujet de Dieu et qui sont
autant de principes : des vérités démontrables par la raison et des vérités
que l'on ne peut connaître que par une révélation. Relèvent de ce second
genre la Trinité des Personnes, le bonheur qui nous est promis, les mystères
de l'Incarnation et de la Rédemption. Relèvent du premier genre, l'existence
et l'unicité de Dieu, son immortalité et autres vérités semblables. La
première conclusion porte uniquement sur les vérités connaissables par la
révélation, tandis que la deuxième porte sur celles qui peuvent être
démontrées par la raison. La deuxième distinction est reprise du cinquième
livre de la Métaphysique. Ce qui est nécessaire relativement à une fin
peut s'étendre en deux sens : ad esse, ou pour que l'obtention de la
fin soit possible ; ad bene esse ou pour que l'obtention de la fin
soit meilleure. |
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<4> IV. Forts de ces
précisions, nous pouvons donner la preuve de la première conclusion telle que
l'exprime la lettre du texte. Si une créature est ordonnée à Dieu comme à une
fin que sa raison naturelle ne peut lui faire connaître et qu'elle doit
pourtant atteindre en la voulant et en l'accomplissant par ses propres actes,
elle a besoin de recevoir un enseignement d'ordre surnaturel, pour pouvoir
connaître cette fin et y diriger ses opérations. Or l'homme est tel. Donc. La
prémisse mineure se prouve à partir du chapitre soixante-quatrième du livre
d'Isaïe, au verset quatrième. |
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<5> V. Cette conclusion soulève tout de suite une
difficulté, car on ne voit pas bien ce qu'il faut entendre ici par
« doctrine sacrée » ou enseignement d'ordre surnaturel. En effet,
ce terme peut désigner soit la foi soit la théologie. S'il s'agit de la foi,
cette interprétation présente deux inconvénients. Premièrement, le docteur
Angélique reviendrait à deux reprises sur la même question, puisque dans la
IIa-IIae à l'article troisième de la question seconde, il se demande s'il est
nécessaire au salut de croire à quelques vérités d'ordre surnaturel.
Deuxièmement, la doctrine sacrée prendrait une signification équivoque, entre
ce premier article de la question une et les suivants, où il est évident que
cette expression ne désigne pas la foi. S'il s'agit de la théologie, il
s'ensuivrait alors que la foi seule, sans la théologie, ne suffirait pas pour
que l'homme soit sauvé, ce qui est faux. La conséquence est manifeste, car la
lettre du texte dit bien que cette doctrine est nécessaire au salut de
l'homme. Quant à la fausseté du conséquent, elle est visible par elle-même et
elle découle nécessairement de l'argument que fait valoir le texte, lorsqu'il
est dit que la connaissance de la foi rend l'homme capable de diriger ses
intentions et ses actions vers la fin surnaturelle. |
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<6> VI. Pour résoudre cette
difficulté, disons que la doctrine sacrée ne doit pas s'entendre ici, au sens
où il s'agirait de la foi distincte de la théologie, ni de la théologie
distincte de la foi. Cette expression doit s'entendre plutôt de toute
connaissance révélée par Dieu, formellement où virtuellement, et telle
qu'elle fait l'objet d'un enseignement donné et reçu, abstraction faite de ce
qu'il soit objet de foi ou de science. En effet, la connaissance dont nous
avons besoin pour être sauvée, si nous l'envisageons telle que nous la
recevons de Dieu par voie d'enseignement, est une doctrine à la fois donnée
et reçue, conformément à ce que dit saint Jean : « Quiconque a entendu
la parole du Père et l'a reçue par voie d'enseignement vient à moi » [Jn
6, 45]. Et c'est de la connaissance entendue en ce sens dont parle notre
conclusion, lorsqu'elle dit qu'elle est nécessaire au salut. Or, prise en ce
sens et en tant qu'elle est un enseignement reçu par révélation, la
connaissance fait abstraction du fait qu'elle soit objet de foi ou de
sciences, et aussi du fait qu'elle soit formellement révélée, c'est-à-dire en
elle même, ou virtuellement, c'est-à-dire dans ses principes. C'est pourquoi
dans cet article où l'on se demande si il existe un
enseignement révélé indépendamment de l'enseignement acquis à la lumière de
l'intelligence naturelle, on peut se passer de rentrer dans le détail, pour
savoir si l'on a précisément à faire à l'objet de l'un ou l'autre type. |
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<7> De la sorte, la
question envisagée ici est formellement autre que celle qui sera traitée plus
loin dans la IIa IIæ. En effet, on se pose i la
question de l'enseignement tel qu'il est donné par révélation tan- dis qu'on
se posera plus tard la question de l'enseignement tel qu'il est reçu par un
acte de foi. Et l'expression de « doctrine sacrée » est prise dans
cet article et dans le suivant dans un même sens univoque. Il ne s'ensuit pas
que la théologie, telle que distincte de la foi, soit nécessaire. Il en
résulte seulement que la théologie, telle qu'elle fait abstraction de la foi
et de la science, est nécessaire au salut et il est certain que cela est
vrai, si l'on tient compte de la raison avancée dans le texte. L'on ne
saurait conclure validement en disant : la foi est suffisante et c'est
pourquoi la théologie n'est pas requise. D'une part en effet la théologie
telle que l'entend ici notre article est incluse dans la foi, comme l'animal
dans l'homme. D'autre part, saint Augustin affirme dans son traité De la
Trinité [XIV, I, n. 3, PL XLII 1037] que cette science non seulement
nourrit, défend et conforte la foi, mais l'engendre déjà. Cette remarque est
vraie si on l'entend en parlant de l'objet à croire, car la foi, même si elle
provient de Dieu qui donne l'inclination à croire, provient aussi de l'ouïe
et de la parole du Christ, qui indique l'objet à croire. Saint Paul, cité
ici, l'affirme au chapitre X de l'Épître aux Romains [v. 17] et saint Thomas
le dit également dans le commentaire qu'il donne à ce passage [lec. 2, n.
844]. En ce sens, la théologie est incluse dans la foi, comme ce qui
l'engendre. Et si l'on en déduit que donc tout fidèle adulte qui pose un
acte de foi explicite est théologien, il faut préciser que cette inférence doit
s'entendre non pas de manière absolue, mais au sens où le fidèle possède
quelque chose de la théologie, c'est-à-dire dans la mesure où celle-ci lui
donne des principes. |
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<8> VII. Toujours à propos de cette
première conclusion, remarquons que Scot, dans la première question de son
prologue au premier livre des Sentences [cf. Ord., prol., pars prima, quest. unica], ne s'oppose à saint
Thomas ni sur la réponse qu'il donne ni sur l'argument qu'il utilise pour la
justifier. Le désaccord survient seulement lorsqu'il s'agit d'expliquer
pourquoi la fin dernière échappe à la connaissance naturelle de l'homme. Pour
nous en effet, cette fin est naturellement inconnue de l'homme, parce qu'elle
relève d'un ordre surnaturel, qui dépasse les facultés de son âme. Et donc,
même à supposer que nous ayons la connaissance parfaite de la nature de notre
âme et de la fin dernière à laquelle elle est destinée naturellement, nous ne
saurions connaître son ordination à cette autre fin d'ordre surnaturel. En
effet, le fait qu'il existe cette fin d'ordre surnaturel et le fait que notre
âme y soit destinée sont des objets de connaissance qui sont absolument en
dehors du domaine auquel s'étend notre connaissance naturelle. Pour Scot, en
revanche, cette fin dernière est la fin naturelle de notre âme, même si nous
ne pouvons l'atteindre que de manière surnaturelle. Cependant, elle nous
demeure naturellement inconnaissable parce que, du moins dans l'état où nous
nous trouvons actuellement, nous ne pouvons pas avoir la connaissance du fait
propre et spécifique que notre âme y est destinée. |
|
<9> VIII. Et Scot recourt à trois
arguments pour prouver que cette fin est d'ordre naturel. Premièrement, il
s'appuie sur l'autorité de saint Augustin, dans son livre Sur la
prédestination des saints [V, n. 10, PL XLIV 968] ; « Le
pouvoir d'avoir la foi, comme celui d'avoir la charité, appartient à la
nature de tous les hommes ; mais avoir la foi, comme aussi avoir la charité,
c'est là une grâce réservée aux fidèles. » Le deuxième argument se tire
de l'appétit. L'homme désire naturellement cette fin dont on dit qu'elle est
surnaturelle et c'est pourquoi elle lui est naturelle. Le troisième argument
se tire de ce qui fait que la nature est ce qu'elle est. Si on la prend par
rapport à son acte, une puissance lui est ordonnée de façon naturelle,
violente ou neutre, et il ne saurait y avoir place pour un rapport d'ordre
surnaturel. C'est pourquoi l'intellect – ou l'âme - est ordonné de façon
naturelle à la vision ou à la jouissance de Dieu. La première partie de
l'antécédent, qui affirme les trois possibilités, s'explique du fait qu'une
puissance ou bien incline à son acte, ou bien y répugne ou bien y est neutre.
Dans le premier cas, elle lui est ordonnée naturellement ; dans le second,
elle lui est ordonnée de manière violente ; dans le troisième, elle lui est
ordonnée d'une manière qui n'est ni naturelle ni violente. La deuxième partie
de l'antécédent, qui nie la possibilité d'une ordination surnaturelle,
s'explique si l'on tient compte de la raison pour laquelle le naturel se
distingue du surnaturel. Cette distinction a lieu dans la mesure où une
puissance se tient différemment à l'égard d'un agent, selon que celui-ci lui
communique une motion de manière naturelle ou surnaturelle. Et donc, si l'on
compare la puissance à l'acte, il ne saurait y avoir aucune ordination
surnaturelle de celle-là à celui-ci. La preuve de cette conséquence nous est
donnée par le fait que l'âme incline à tout ce qui constitue sa perfection,
surtout lorsqu'il s'agit de sa perfection suprême, qui est l'acte moyennant
lequel elle jouit de Dieu, etc. |
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<10> IX. Pour
y voir clair dans cette difficulté, n'oublions pas que chez l'homme une
puissance peut être ordonnée de manière naturelle, violente ou obédientielle,
et ce, aussi bien par rapport à un acte que par rapport à un agent. Il ne
saurait y avoir dans la réalité aucune puissance indifférente à toute
ordination, sauf dans les êtres artificiels, ainsi qu'il est dit dans la
première question du traité Sur la puissance neutre [tract. 3], où
l'on fait référence au présent article. On parle de puissance obédientielle
pour désigner l'aptitude d'une chose à ce que se produise en elle tout ce que
Dieu prévu d'y produire. Et quand on dit que notre âme est en puissance à la
béatitude promise pour l'au-delà, à la fin d'ordre surnaturel, et ainsi de
suite, on veut parler d'une telle puissance obédientielle |
|
<11> X. Voilà pourquoi, pour répondre
au premier argument de Scot [cf. n. VIII], nous disons que saint Augustin
n'affirme pas qu'avoir la foi est quelque chose de naturel à l'homme; il veut
seulement dire que c'est là quelque chose qui s'inscrit dans la nature de
l'homme. Car il y a une différence entre dire qu'une puissance s'inscrit dans
la nature et dire qu'elle est naturelle. Dans le premier cas, on désigne le
sujet de cette puissance, tandis que dans le second on désigne la manière
dont elle est ordonnée à son acte. Et donc, l'affirmation citée de saint
Augustin est vraie si on la prend au premier sens, mais elle est fausse si on
la prend au second. En effet, cette puissance obédientielle, ordonnée à la
foi et à la charité, se trouve dans la nature de l'homme, du fait que
celle-ci est douée d'un intellect, alors qu'elle ne se trouve pas dans la
nature du lion, du fait que celle-ci lui répugne. C'est cela que voulait dire
saint Augustin. Pour répondre au second argument, nous nions l'antécédent.
Pour répondre au troisième, nous nions le présupposé de l'antécédent en ce
qu'il affirme la troisième possibilité d'une puissance neutre et nous le
nions encore en ce qu'il nie la possibilité d'une ordination surnaturelle.
Car le rapport d'une puissance à son acte peut correspondre à quelque chose
de surnaturel, puisqu'il existe des actes qui sont absolument surnaturels de
par leur genre, comme la grâce, la gloire et d'autres encore. Nous
l'établissons dans la seconde question du traité déjà cité. |
|
<12> XI. Voici
la preuve de la deuxième conclusion [cf. n. II]. Est nécessaire aux hommes
l'enseignement grâce auquel ceux-ci parviennent plus communément, plus vite
et plus sûrement à la connaissance des réalités divines démontrables par la
raison ; or, l'enseignement reçu par voie de révélation est tel ; donc. Tous
les éléments de cette démonstration apparaissent clairement dans la lettre du
texte ; et ils sont présentés plus en détail dans la Somme contre les
Gentils, au chapitre quatrième du premier livre. |
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<13> XII. Dans
la réponse au deuxième argument, n'oublions pas quel était le raisonnement de
l'objectant : tout être est connaissable par le moyen de l'enseignement
accessible à l'intelligence naturelle; donc, il ne reste rien qui puisse être
connu par le moyen d'un enseignement révélé et par conséquent celui-ci n'est
pas nécessaire. La première conséquence se prouve du fait que seul le vrai
est objet de connaissance et que ce qui est vrai équivaut à ce qui est.
L'antécédent est évident d'après ce que dit le sixième livre de la Métaphysique
[VI, 1] et se vérifie aussi par induction. |
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<14> L'on peut donner deux réponses à cet argument, car
il est possible de faire deux sortes de distinctions au niveau de
l'antécédent. La première distinction est la suivante. Lorsque l'on dit que
« tout être est connaissable par le moyen de l'enseignement accessible à
l'intelligence naturelle », on peut entendre par là soit tout être avec
tout ce qu'il comporte de connaissable, soit tout être non pas avec tout ce
qu'il comporte de connaissable, mais seulement avec ce que l'on peut en
connaître par abstraction d'avec le sensible. Cette proposition est fausse au
premier sens, vraie au second. La deuxième distinction est la suivante. Dans
la même proposition, on peut entendre soit tout être connaissable de
n'importe quelle manière soit tout être tel qu'il peut être connu par la
lumière d'un intellect agent. Cette proposition est fausse au premier sens,
vraie au second. Sans doute, chacune de ces deux réponses à de quoi s’opposer
efficacement à l'argument. Cependant,
saint Thomas a préféré recourir à la deuxième, sans expliciter la première.
D'une part, en effet, il a voulu ainsi résoudre les difficultés contraires à
sa conclusion en s'appuyant sur les données propres à son article, c'est-à-dire
en faisant état de la lumière de la révélation divine. D'autre part, la
première réponse est déjà incluse dans le corps de l'article, à l'appui de la
première conclusion. |
|
<15> XIII. Néanmoins, Scot, toujours dans
la première question de son prologue au premier livre des Sentences, à
l'endroit où il donne la solution au second argument avancé en faveur des
philosophes [loc. cit.], trouve à redire à cette réponse, car elle ne
permettrait pas de maintenir en principe la nécessité de la théologie, que
l'argument voulait attaquer. Et il en donne la preuve suivante. Cette réponse
prouve seulement que les mêmes vérités sont connues à la fois par la
théologie et les autres sciences, quoique de manières différentes. Il en va
ainsi de même lorsque l'astronomie et la physique donnent l'une et l'autre la
connaissance de ce fait que la terre est ronde. De la sorte, on maintient en
principe non pas la nécessité de la théologie mais le fait qu'elle soit
distincte des autres sciences. La conséquence s'autorise de la similitude des
deux situations, que l'on vient de signaler. En effet, dans la mesure où
cette conclusion : la terre est ronde est connue par le moyen d'une première
science, une deuxième science n'est pas nécessaire, en plus de cette
première, pour avoir la connaissance de la même conclusion, même s'il reste
vrai que les deux soient distinctes. |
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<16> XIV. Nous répondons à cet argument
que la différence des moyens de connaître va de pair avec la différence des
objets formellement pris, c'est-à-dire avec celle des raisons formelles de
l'objet (même s'il reste parfois possible que la conclusion soit la même,
d'une manière ou d'une autre), du moment que la raison formelle correspond
adéquatement au moyen de connaître. Ou du moins va-t-elle de pair avec la différence
des vérités qui sont objet de science, lorsque la raison formelle n'est pas
adéquate au moyen de connaître, ainsi que nous le verrons plus loin, dans
notre commentaire de l'article trois [cf. n. IX-X]. Et donc, les mêmes
réalités, si on prend selon les différents points de vue auxquels il est
possible de les connaître, vont correspondre à différents objets de
connaissance. Voilà pourquoi, lorsqu'il affirme que le point de vue auquel on
se place pour avoir connaissance n'est pas le même, saint Thomas laisse
entendre que l'objet de connaissance n'est pas non plus le même, et c'est
justement ce qu'il avait dit explicitement dans la première conclusion. Cela
nous autorise alors à nier l'antécédent, car, même si elle prouve
explicitement ni plus ni moins que la distinction des moyens de connaître,
cette réponse à la deuxième objection prouve quand même aussi implicitement
la distinction des objets de connaissance. |
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<17>
Quant à l'exemple où Scot compare l'astronomie et la
physique, certes, oui, la force d'un exemple n'exige pas que les éléments
comparés soient semblables en tous points; mais malgré tout, si nous suivons
l'exemple allégué ici, il y a parité de situation entre l'astrologie et la
théologie. En effet, la première considère les choses sous une autre lumière
que la physique, et aboutit parfois, mais non toujours, à la même conclusion
qu'elle. Semblablement, la théologie considère les mêmes choses que les autres
sciences, mais sous une autre lumière et elle établit tantôt les mêmes
vérités qu'elles, tantôt d'autres vérités différentes. De la sorte, même si,
une fois ou l'autre, l'astrologie établit une conclusion qui relève
matériellement du domaine de la physique, elle y parvient en usant d'une
autre lumière qu'elle et considère donc aussi des vérités autres que celles
de la physique et c'est pourquoi, elle est non seulement différente, mais
encore nécessaire. Il en va semblablement de la théologie, qui est une science
distincte des autres et en même temps nécessaire. |
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Article 2 : LA DOCTRINE SACREE EST-ELLE UNE
SCIENCE ?
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Transcription en cours. |
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Article 3 : LA DOCTRINE SACREE EST-ELLE UNE
OU MULTIPLE ?
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Transcription en cours. |
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Article 4 : LA DOCTRINE SACREE EST-ELLE
SPECULATIVE OU PRATIQUE ?
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Transcription en cours. |
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Article 5 : LA DOCTRINE SACREE EST-ELLE
SUPERIEURE AUX AUTRES SCIENCES ?
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Transcription en cours. |
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Article 6 : CETTE DOCTRINE EST-ELLE UNE
SAGESSE ?
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Transcription en cours. |
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Article 7 : DIEU EST-IL LE SUJET DE CETTE
SCIENCE ?
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Transcription en cours. |
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Article 8 : CETTE DOCTRINE
ARGUMENTE-T-ELLE ?
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Transcription
en cours. |
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Article 9 : LA DOCTRINE SACREE DOIT-ELLE
USER DE METAPHORES ?
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Transcription
en cours. |
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Article 10 : EST-CE QUE LA
« LETTRE » DE L'ECRITURE SAINTE PEUT REVETIR PLUSIEURS SENS ?
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Transcription
en cours. |
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LE
DIEU UNIQUE
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Question 2 : L’EXISTENCE DE DIEU |
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Article 1 : L’EXISTENCE DE DIEU EST-ELLE ÉVIDENTE PAR ELLE-MÊME ? |
<1> I. In titulo huius primi articuli, ly per se, non per alium medium terminum : ly notum, notitia evidenti. Propositio enim per se nota dicitur, quae ex solis propriis terminis est nota evidentia certa et infallibili, ut patet I Poster. Est ergo sensus tituli : Utrum haec propositio, Deus est, sit per se nota. |
<1> I. Dans le titre de ce premier article, c’est par elle-même, et non par un quelconque moyen terme : évidente manifeste <l’immédiate> incontestabilité. Car nous disons qu'une proposition est connue par elle-même, lorsqu’à partir du sens de ses seuls termes, elle est connue comme évidemment certaine et infaillible, ainsi que l’indiquent les Seconds Analytiques, au premier livre [cf. c. III, n. 4]. C’est là donc le sens du titre : Si la proposition, Dieu est, est connue par elle-même [?]. |
<2> II. In corpore duo fiunt : primo distinguitur propositio per se nota ; secundo respondetur quaesito [cf. § V]. Quoad primum, distinctio est : propositionis per se notae, alia secundum se tantum ; alia secundum se et quoad nos : et haec, aut quoad nos omnes, aut quoad sapientes tantum. Et sic fiunt tria membra in littera. |
<2> II. Dans le corps <de l’article>, deux choses sont faites : premièrement, une distinction est opérée au sein des propositions connues par elles-mêmes ; deuxièmement, la question trouve sa réponse [cf. § V]. Quant à la première <chose>, la distinction est <la suivante> : d’une part les propositions connues par elles-mêmes, d’autre part <celles qui le sont> pour nous : et ces dernières, ou pour nous tous, ou pour les hommes de sagesse seulement. Et ainsi trois membres sont distingués dans le texte. |
<3> Declaratur distinctio, cum suis membris, ex una radice propositionis per se notae in communi. Propositio per se nota est, cuius praedicatum clauditur in ratione subiecti. Ergo propositio per se nota secundum se et quoad nos est, cuius praedicatum est in ratione subiecti, et nobis est nota ratio subiecti et praedicati, ut quodlibet est aut non est, etc. Secundum se autem tantum, cuius praedicatum est in ratione subiecti, sed rationes terminorum nos latent. Ergo secundum se et quoad sapientes, cuius praedicatum est in ratione subiecti, et rationes terminorum clarent apud sapientes, ut incorporalia non esse in loco. Et confirmatur hoc membrum auctoritate Boetii. |
<3> La distinction est opérée, avec ses membres, partant uniquement de la simple base de la proposition connue par elle-même et en commun. Une proposition est connue par elle-même lorsque son prédicat relève de la raison du sujet. Donc une proposition est connue par elle-même et <cela> par tous, lorsque le prédicat relève de la raison du sujet, et la raison du sujet et le prédicat nous sont connus, comme lorsqu’une chose quelconque est ou n’est pas, etc. En revanche <une proposition est connue> par elle-même seulement, lorsque le prédicat relève de la raison du sujet, mais que les significations des termes nous sont cachées. Enfin, <une proposition est connue> par elle-même et pour les hommes de sagesse, lorsque le prédicat relève de la raison du sujet, et que la signification des termes est évidente pour les hommes de sagesse <seulement>, comme <dans la proposition> l’incorporel n’est pas dans un lieu. Et ce membre est confirmé par l'autorité de Boèce. |
<4> III. Circa hanc partem, adverte quod propositio per se nota ideo dicitur per se, idest non per alium medium terminum, nota, quia excludit ly per se quemcumque alium medium terminum, et consequenter quamcumque praemissam, ad notificandum eam. Et cum propositio aliqua possit notificari a priori et a posteriori, oportet quod ly per se distinguatur : an excludat medium terminum a priori tantum ; an a priori et a posteriori simul. Si enim omnis propositio per se nota, est habens praedicatum in ratione subiecti, oportet ut semper ly per se excludat medium a priori : sed quoniam contingit quod inter ea inter quae nullum est secundum se medium, ut sunt cognita nobis sit medium, ideo non semper excludit medium a posteriori. Et propterea in littera distincta est propositio per se nota, ex differentia inter terminos notos et ignotos, idest ex differentia inter extrema propositionum ut sunt nobis nota. Illae enim quarum extrema, non secundum se tantum, sed ut nota nobis, sunt immediata, sunt omnibus per se notae. Illae vero quarum extrema, licet secundum se, non tamen ut nota nobis, sunt immediata, sunt secundum se tantum per se notae, non nobis. Et similiter, quarum extrema ut nota sapientibus, sunt immediata, sunt eis per se notae. |
<4> III. Relativement à cette partie, signalons qu'une proposition connue par elle-même, où nous disons par elle-même, c'est-à-dire sans recourir à un autre terme, est connue parce qu'elle exclut d’elle-même le recours à un moyen terme, et conséquemment à toute prémisse, en vue de sa signification. Et puisque toute proposition peut être connue antérieurement (a priori) et postérieurement (a posteriori), il importe de distinguer ce par elle-même : <à savoir> ou à l’exclusion du moyen terme seulement a priori ; ou <à l’exclusion du moyen terme> à la fois a priori et a posteriori. Car si toute proposition connue par elle-même a un prédicat qui relève de la raison du sujet, il importe de toujours exclure, puisqu’il est dit par elle-même, le recours à l’a priori : mais comme il arrive qu'il y ait un intermédiaire entre ces choses dans lesquelles il n'y en a de soi nullement, telles qu’elles sont connues de nous, on ne peut jamais exclure le recours a l’a posteriori. Et c'est pourquoi dans le texte la proposition connue par elle-même est distinguée, selon la différence entre les termes connus et inconnus, c'est-à-dire la différence entre les extrêmes d’une proposition selon la connaissance que nous en avons. Mais assurément ces extrêmes, non selon ce qu’ils sont en eux-mêmes seulement, mais tels qu’ils sont connus de nous, sont immédiatement et par eux-mêmes connus de tous. Mais la vérité de ces extrêmes, possiblement <connaissable> en eux-mêmes, non selon leur évidence pour nous, ne sont que par eux-mêmes immédiatement évidents, et non par nous. Et pareillement, ces extrêmes dont les sages ont l’évidence, <ne> sont connus <que> d’eux, par eux-mêmes et immédiatement. |
<5> IV. Circa hanc partem, sunt multa dubia et argumenta Scoti, Aureoli et Gregorii': sed quoniam haec ad librum Posteriorum spectant, ubi in capite III diffuse hanc materiam tractavi, idcirco, absque eorum repetitione, videndae sunt ibi solutiones argumentorum, cum toto processu. — Id tantum hic notato, quod in littera non definitur propositio per se nota, dicendo quod est cuius praedicatum ponitur in ratione subiecti : sed ponitur causalis, scilicet quod ex hoc quod praedicatum ponitur in ratione subiecti, fit propositio per se nota ; quae est convertens respectu illius. Et hoc ideo dico, quia bene verum est apud s. Thomam, quod omnis propositio cuius praedicatum cadit in ratione subiecti, est per se nota, sed non e converso : quoniam cum unum generalissimum negatur de alio, et cum prima passio praedicatur de primo subiecto, fiunt propositiones immediatae secundum se, et consequenter secundum se per se notae. Si tamen alicubi sic definita reperitur, glossetur ly esse in ratione subiecti « formaliter, vel virtualiter proxime.» Non tamen extendatur talis locutio, quia minus propria est. |
<5> IV. Relativement à cette partie, nombreux sont les doutes et arguments de <Duns> Scot, <Pierre> Auriol et Grégoire : mais comme ces derniers se réfèrent au livre des Seconds Analytiques, où au troisième chapitre j'ai analysé le contenu de cette question, aussi, sans répéter mes propos, les solutions de ces objections, et l’ensemble de la démonstration y sont visibles. — Il faut encore noter ici que, dans le texte la définition d’une proposition évidente par elle-même n’a pas été donnée, nous disons que c’est le fait de poser une prédication <qui se tire du> sujet : mais cela est comme causalement posé, c’est à dire que de ce que le prédicat est posé <à partir> de la raison du sujet, la proposition devient évidente par elle-même ; que de là elle est convertie. Et nous disons en effet cela, car il est bien vrai en accord avec s. Thomas, que toute proposition dont le prédicat relève de la raison du sujet est connue par elle-même, mais non l'inverse : car si, d’un tiers, nous nions une <entité> plus générale, et quand d’une passion première un premier sujet est attribué, les propositions <le> deviennent immédiatement d’elles-mêmes, et aboutissent à une évidence par elles-mêmes. Si toutefois cette définition est relevée en quelque endroit, on la glose comme être de l’essence du sujet, d’une « proximité formelle ou virtuelle ». Ne nous devons néanmoins pas étendre cette expression, car elle est moins appropriée. |
<6> V. Quoad secundum [cf. § II], conclusio responsiva est : Haec propositio, Deus est, est per se nota secundum se, non nobis. — Probatur prima pars, quia praedicatum est idem subiecto : secunda autem, quia nos nescimus quid subiecti. — Et ex hoc sequitur corollarium : Ergo ista eget manifestari per medium quoad nos, idest a posteriori effectu. Patet sequela : quia nobis non est evidens, et a priori caret medio. |
<6> V. Quant au second <point> [cf. § II], la conclusion répond comme suit : Cette proposition, Dieu est, est évidente par elle-même, mais non pour nous. — La première partie est prouvée, parce que le prédicat est identique au sujet : et la seconde <partie>, parce que nous ignorons ce qu'est le sujet. — Et de cela suit le corollaire : Donc ces choses nous sont manifestées par un intermédiaire, c'est-à-dire postérieurement (a posteriori). L’enchaînement est clair : qu’elle n’est pas évidente pour nous, et que la médiation antérieure (a priori) est manquante. |
<7> VI. In responsione ad secundum, adverte quod contra secundam responsionem ibi datam satis moleste quidam instant, quasi roborando argumentum, sic. Excedens omne cogitabile non est, per tuam responsionem : ergo non est excellens omne cogitabile, quod est oppositum quid nominis ipsius Dei. Probatur consequentia : quia non excedit cogitabile existens ; et si ipsum esset, cogitaretur maius quam cogitatum non esset. |
<7> VI. En réponse au second point, considère qu’il en est certains qui ici, contre cette deuxième réponse, insistent lourdement, comme pour renforcer par là l'argument. Ce qui excède tout intelligible n’a pas <nécessairement> l’existence, pour répondre à cela : donc ce "tel que rien de plus excellent ne peut être pensé" n’a pas <nécessairement> l’existence, ce qui est en opposition à ce qu’est le nom de Dieu lui-même [cf. Ex 3, 14]. La conséquence est prouvée : que n’a pas <nécessairement> l’existence ce qui excède l’intelligible ; et <même> s’il était par lui-même, nous intelligerions davantage que ce qui peut être intelligé. |
<8> VII. Sed haec obiectio non est alia ab obiectione facta in littera : et ideo eadem responsione solvitur, distinguendo consequens, quod excedere omne cogitabile contingit dupliciter : uno modo, quod excellat in rerum natura ; alio modo, secundum esse cogitatum. Et intendo, non quod esse in rerum natura aut obiective, sit ratio excessus : sed utimur eis in proposito, ut conditione rerum cogitatarum. Verbi gratia, conditiones perfecti oratoris cogitatae possunt excedere omnem oratorem dupliciter : uno modo, quod ille excessus sit in rerum natura ; alio modo, quod sit in esse obiectivo. Primo modo, oporteret ponere oratorem perfectum existere : secundo modo non, sed sufficit ipsum habere esse obiectivum. Rationem autem excedendi attendi dicimus penes nobilitatem conditionum cogitatarum in se. |
<8> VII. Mais cette objection ne diffère pas de l'objection faite dans le texte : et c'est pourquoi nous opposons la même réponse, en distinguant la conséquence, que ce qui excède tout intelligible s’entend de deux manières : d'une part, de ce qu’elle excelle dans la nature des choses ; d'autre part, <de ce qu’elle excelle> selon la nature de l’intelligible. Et j’explicite, non selon ce qui est dans la nature des choses, ou objectivement, ce qui excède la raison : mais à la façon dont nous usons de ladite proposition, sous la condition de l’intelligibilité de la chose. Par exemple, les déterminations de la perfection d’un tribun peuvent excéder tout tribun doublement : d'une part, de ce qu’elles excèdent dans la nature de la chose ; d'autre part, de ce qui relève de l’être objectif. Dans le premier cas, il faudrait poser l’existence d'un parfait tribun : non dans le second cas, <où> il a l’être objectif de lui-même suffisant. Mais nous disons cependant que ce qui excède la raison relève des conditions d’évidences de l’intelligible en soi. |
<9> In proposito ergo dicitur, quod ex illo antecedente excedens omne cogitabile non est, optime sequitur, ergo non est excedens in rerum natura omne cogitabile : imo non est sic excedens formicam, aut quodcumque minimum existens. Sed non valet, ergo non est excedens in se, secundum esse obiectivum, omne cogitabile : imo sic excedit omne cogitabile. — Et cum dicitur maius cogitabile esset si esset in rerum natura, negatur hoc. Ista enim replica procedit aut ex ignorantia propriae vocis, dum credunt isti quod responsio data, acceptans quid nominis assignatum Dei, intendat quod, cum significatur hoc, scilicet maius omni cogitabili, significatur aliquid plenum omni perfectione, abstrahendo ab existentia (et ideo instant : « significetur plenum omni perfectione, inclusa existentia in rerum natura ; et sic significabitur maius ») : aut ex ignorantia inter actum signatum et exercitum. Convenimus namque in quid nominis, et non dissentimus. Nihil excipimus in ratione excedendi, seu in actu signato : quamvis ab existere in actu exercito, abstrahere opus sit. Unde conceditur quod significatur et cogitatur maius omni cogitabili, cum omni perfectione, etiam existentiae in rerum natura : in actu tamen signato. Sed a significari et cogitari ad esse non valet argumentum. Et ideo in littera dicitur quod haec ratio nihil concludit : quia ab adversariis non conceditur maius omni cogitabili esse in natura rerum ; licet concedatur quod maius omni cogitabih significatur, et cogitatur esse in rerum natura. Non ergo significatur maius, significatum ut existens : sed etsi existeret, non esset maius, sed esset quod non est nisi in cogitatione. |
<9> Nous disons donc, que de cette proposition antécédente ce qui excède tout intelligible n’existe pas <nécessairement>, nous tirons le strict corollaire, donc ce qui excède tout intelligible dans la nature des choses n’existe pas <nécessairement> : non pas ce qui excède une chose comme la fourmi, en ce qu’elle existe de la plus petite des façons. Mais n'est pas valable <cette proposition>, donc ce qui excède en soi, selon l’être objectif, tout intelligible n’existe pas : mais bien plutôt ce qui excède tout intelligible. — Et quand il est dit si il était dans la nature de la chose, il serait le plus grand intelligible, nous le nions. Cette réplique en effet procède comme de l'ignorance de son propre discours, alors que ceux-ci adhérent à ce que la réponse avance, en acceptant le donné de ce qu’est le nom de Dieu, c’est ce que nous signifions par là, c'est-à-dire le plus excellent que nous puissions penser, nous signifions cet autre dans la plénitude de toute perfection, abstraction faite de l'existence (c'est pourquoi ils insistent <ainsi> : « nous signifions la plénitude de toute perfection, incluant l’existence dans la nature des choses ; et ainsi nous signifierons le plus grand ») : ou de l'ignorance entre les actes signifiés et exercés. Nous convenons néanmoins de ce qu’est le nom, et nous n’y dissentons pas. Nous ne retirons rien de ce qui excède la raison, ou dans l'acte signifié : néanmoins de l’existence de l’acte exercé, il en est abstrait. Nous concédons donc de là que nous signifions et intelligeons ce "tel que rien de plus excellent ne peut être pensé" : avec toute perfection, même l'existence dans la nature des choses : mais <seulement> dans l'acte signifié. Mais de ce qui est signifié et intelligé à partir de l’être n’a pas de valeur comme argument. Et ainsi il est dit dans le texte que cet argument est non concluant : nous ne concédons pas à nos adversaires l’être du plus grand intelligible dans la nature des choses ; il est cependant concédé que ce plus grand intelligible est signifié, et, l’être, intelligé dans la nature des choses. Ce plus grand n'est donc pas signifié comme existant : mais même s'il existait, il ne serait pas plus grand, mais serait ce qui ne peut exister si ce n’est dans la pensée. |
<10> Exemplum simile in speciali habetur, si fingamus latere nos nobilissimum animalium esse, et vellemus probare illud esse ex terminis, scilicet : nobilissimum animalium est, quia si non est, ergo non est nobilissimum animalium. Hic enim manifestius liquet quod ratio excessus est nobilitas rei significatae in se, conditiones vero excedentis sunt esse obiectivum et esse in rerum natura : et qualiter argumentum non valeat, ut patet exercenti. |
<10> Un exemple comparable est donné à cet effet, si nous nous imaginons l’être du plus noble des animaux, et nous voulons prouver son existence à partir des termes, c’est-à-dire : le plus noble des animaux existe, car s'il n’en était pas ainsi, alors il ne serait pas le plus noble des animaux. Il est en effet clairement manifesté que ce qui excède la raison est la noblesse de la chose signifiée en soi, mais les conditions de vérité excédent <à la fois> l'être objectif et l’être dans la nature des choses : et la qualité de cet argument est sans valeur, comme l’illustre clairement cette mise en pratique. |
<11> VIII. Logice autem his molestiis unico verbo silentium impones, dicens quod maius omni cogitabili importare existentiam in rerum natura, contingit dupliciter, scilicet in actu exercito, vel signato : et quod secundo modo conceditur in proposito, primo modo non. Et quod si primo modo acceptaretur, sine dubio illa esset per se nota, maius omni cogitabili, est, sicut ista, quod est, est. — Ratio autem quare non clauditur existere in actu exercito, sed ut conceptum tantum, est quia nominibus res significantur ut conceptae, verbis autem ut exercitae. Unde ista enuntiatio, existentia non est, non implicat contradictoria : ista autem, quod existit, non est, implicat contradictoria. |
<11> VIII. Cependant en toute logique, il est possible en peu de mots d’imposer le silence à ces railleries, en disant que l'existence de ce "tel que rien de plus excellent ne peut être pensé" est exigée, ce qui s’entend doublement, c’est-à-dire ou d’une actualité effective ou selon ce qui sera signifié : et nous concédons <la validité de> cette seconde alternative, mais non <de> la première. Et que si recevons cette première alternative, elle serait assurément évidente par elle-même, ce "tel que rien de plus excellent ne peut être pensé" existe, de la même façon que, ce qui est, est. — La raison cependant pour laquelle l'existence n’est pas effectivement renfermée en acte, mais seulement comme concept, c'est que les noms des choses signifiées le sont comme concepts, mais par des verbes comme exercées. De là cette affirmation : l'existence n'est pas, n'implique aucune contradiction ; mais celle-ci : ce qui existe n'est pas, contient une contradiction. |
<12> IX. In responsione ad tertium, advertendum quod, dum littera respondendo concedit veritatem esse in communi esse per se notum, consequentiam factara arguendo acceptare videtur, illam scilicet, nulla veritas est, ergo verum est nullam veritatem esse. Scotus tamen, in Primo, dist. II, qu. 11, in responsione ad 3, reprehendit hanc consequentiam, dicens eam peccare fallacia consequentis, a pluribus causis veritatis ad unam illarum. Tum quia, licet valeat, nulla veritas est, ergo non est verum aliquam veritatem esse ; non tamen valet, ergo est verum nullam veritatem esse, illa enim est negativa, ista affirmativa. Tum quia veritas aut sumitur fundamentaliter, aut formaliter si nulla veritas est, neutro modo verum est illam esse : non fundamentaliter, quia nulla res fundans remanet ; non formaliter, quia nullus intellectus restare poneretur. Ergo affirmativa non sequitur, sed negativa, ut dictum est. |
<12> IX. En réponse au troisième point, considérons que, même si le texte, en réponse, concède la réalité en générale de la vérité de l’être, évidente par elle-même, il semble accepter la conclusion de l'objection, à savoir que <celui qui dit> il n'y a pas de vérité, <dit> donc <qu’>il est vrai qu’il n'y a pas de vérité. Cependant <Duns> Scot, dans la première partie <de son commentaire des Sentences [de Pierre Lombard]>, à la deuxième distinction, article onzième, en réponse au troisième point, conteste cette implication, en expliquant qu'il pèche par un raisonnement fallacieux, de [la réduction de] plusieurs causes de vérité à l'une d'elles. Alors qu’il est permis de faire valoir <cette proposition>, il n’y a pas de vérité, il n’est donc pas vrai qu’il y ait une autre vérité [que celle-ci] ; cela ne vaut cependant pas, donc il est vrai qu'il n'existe nulle vérité, en effet la première est négative, la seconde affirmative. Dans la mesure où la vérité est prise soit fondamentalement, soit formellement, s'il n'y a pas de vérité, elle n'est donc vraie d’aucune façon : ni fondamentalement, car nul fondement des choses ne demeure ; ni formellement, car l’intelligence ne peut s’arrêter à rien d’assumé. L’affirmative ne suit donc pas, mais plutôt la négative, comme nous l’avons dit. |
<13> X. Ad hoc breviter dicitur quod, cum secundum bonam logicam, a propositione vera de inesse ad suam modalem de vero, sit optima consequentia, et e converso, quia verum non est modus addens supra suam praeiacentera : miror quomodo arguens huic consequentiae se opposuit. Valet namque, Socrates currit, ergo Socratem currere est verum : et similiter, Socrates non currit, ergo Socratem non currere est verum : et patet in omnibus. Et sic in proposito, nulla veritas est : ergo nullam veritatem esse est verum. — Et confirmatur : quia ista, scilicet nulla veritas est, est quaedam enuntiatio : ergo significans verum vel falsum, ex I Periherm. [c. IV, n. 4]. Sed apud eos significat verum : ergo significat nullam veritatem esse, esse verum. |
<13> X. A ceci, nous répliquons en peu de mots que, suivant la droite logique, une proposition valable dans le domaine de l’être se tire selon sa modalité du vrai, et inversement suivant une parfaite implication, que la vérité ne relève nullement d’une simple addition à ses prémisses : nous nous étonnons du fait que, à cette conclusion, cet argument nous soit opposé par l’objectant. Il n’est pas moins vrai que <si> Socrate est en train de courir, donc il est vrai que Socrate court : et pareillement, Socrate n’est pas en train de courir, donc il est vrai que Socrate ne court pas : et tout cela est manifeste. Et ainsi dans la proposition, il n’y a pas de vérité : donc il est vrai qu’il n’y a pas de vérité. — Et c'est confirmé : que ceci, c’est à dire il n'y a pas de vérité, est une certaine énonciation : donc signifiant ou le vrai, ou le faux, suivant le premier livre du traité De l’interprétation [c. IV, n. 4]. Mais partant d’eux, cela signifie valablement : donc cela signifie qu’il n’existe nulle vérité, c’est la vérité. |
<14> XI. Ad primam ergo obiectionem [cf. § IX], dicitur quod nulla fallacia est : quia utraque illarum sequitur determinate ex illa. Et prius sequitur ista affirmativa de modo, ergo verum est nullam veritatem esse, quam illa negativa, ergo non est verum aliquam veritatem esse. Quoniam prima sequitur immediate, secunda autem mediante illa : quoniam prima pertinet ad consistentiam ipsius propositionis in seipsa secunda autem ad destructionem suae contradictoriae, scilicet aliqua veritas est. Et rursus, licet destructio contradictoriae ipsam statim sequeretur, dicendo nulla veritas est, ergo non aliqua veritas est : destructio tamen contradictoriae cum modo de vero, non sequitur nisi in virtute regulae dictae, scilicet quod propositio vera de inesse aequivalet modali de vero : ideo enim sequitur, nulla veritas est, ergo non est verum aliquam veritatem esse, quia aequivalet negationi illius contradictoriae, scilicet non aliqua veritas est. Et sic Scotus, negando consequentiam, concessit illam nesciens, dum concessit aliara super radice illius fundatam. |
<14> XI. A la première objection [cf. § IX], nous disons donc qu'il n'y a pas d'erreur : car ces deux termes suivent de cette détermination. Et du mode suit d’abord cette <proposition> affirmative, donc il est vrai qu'il n'y a pas de vérité, plutôt que celle qui est négative, donc il n'est pas vrai qu'il y ait une autre vérité. Car la première suit immédiatement, et la seconde médiatement : puisque la première en relève du fait de la consistance propre de la proposition et la seconde de la destruction de ses [constituants] contradictoires, c'est-à-dire qu'il y a une autre vérité. Et là contre, est permise la destruction du contradictoire de ce qui est fermement impliqué, en disant il n'y a pas de vérité, donc il n'est pas vrai qu'il y ait une autre vérité : cependant la destruction du contradictoire selon le mode du vrai ne suit qu’en convoquant la règle en question : à savoir qu’une proposition valable dans le domaine de l’être se tire selon sa modalité du vrai : il suit pareillement <pour la proposition> il n'y a pas de vérité, donc il n'est pas vrai qu'il y ait une autre vérité, car elle équivaut à la négation de cette contradiction, c’est-à-dire il n'y a pas de vérité. Et ainsi <Duns> Scot, niant la conséquence, l'accorde à son insu, tandis qu'il en concède d'autres sur la base de ces <mêmes> fondements. |
<15> Ad secundam vero obiectionem, dicitur quod veritas sumitur ad minus fundamentaliter : et cum dicitur quod nullum fundamentum remaneret, negatur. Dico enim quod ad remansionem veritatum negativarum fundamentaliter, non requiritur remansio rerum. Unde veritas istius, nihil est nihil, omni omnino re et intellectu secluso, remanet fundamentaliter : quia si intellectus esset, posset ei suam compositionem adaequare obiectaliter, componendo hanc, nihil est nihil : et haec remansio sufficit. Unde nec etiam modo ista propositio, nihil est nihil, habet fundamentum ex parte rei significatae, nisi modo dicto. Quod enim dicitur quod veritas fundamentaliter est entitas, verum est de veritate positiva, non autem negativa : fundamentum enim negativae veritatis est non esse, et non est esse, ut patet. |
<15> A la seconde objection, nous disons que la vérité est assumée du fondement le plus élémentaire ; et quant à dire que nulle fondement ne subsiste, nous le nions. Je dis en effet que ce qui demeure dans la vérité est fondé négativement, et n’est pas à rechercher dans les choses. D'où la vérité de ceci, le rien n'est rien, qui demeure fondamentalement prisonnier de toute réalité et intelligibilité : car s'il était [positivement] intelligible, sa composition épouserait son objectivité, en assemblant le rien n'est rien : et cette résistance est suffisante. C'est pourquoi cette proposition : le rien n'est rien, n'a de fondement ni partant de la chose signifiée, ni <partant> du mode d’énonciation. Car à l’évidence ce qui est dit du fondement de l’entité vraie est vrai d’une vérité positive, non <d’une vérité> négative : puisque le fondement d’une vérité négative est le non être, et non l’être, comme cela est manifeste. |
<16> Hunc articulum diffuse habes in Qu. de Veritate, qu. x, art. 12. |
<16> Vous avez cet article traité dans les questions disputées sur la Vérité, question 10, article douzième. |
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Article 2 : L’EXISTENCE DE DIEU EST-ELLE DÉMONTRABLE ? |
<1> I. Titulus clarus. — In corpore duo. Primo, distinguit demonstrationem in quia et propter quid, etc. Secundo, respondet quaesito affirmative unica conclusione : Deum esse est demonstrabile a posteriori, seu per effectum. |
<1> I. Le titre est clair. — Deux <choses sont faites> dans le corps <de l’article>. Premièrement, il clarifie la démonstration selon le pourquoi et le à cause de quoi, etc. Deuxièmement, il répond par l'affirmative à la question avec une unique conclusion : l'existence de Dieu est démontrable a posteriori, ou par les effets. |
<2>
Probatur. Effectus dependet a propria causa : ergo, posito effectu, necesse
est causam praeexistere : ergo ex quolibet effectu, dummodo sit nobis notior,
potest demonstrari propriam causam eius esse. Ergo Deum esse est
demonstrabile per effectus notiores nobis. — Omnia clara sunt, supponendo
quod Deus habet aliquos nobis notiores effectus: quod inferius patebit. |
<2>
C’est prouvé. Un effet dépend de sa cause propre : donc, une fois l'effet
posé, il faut nécessairement qu’une cause préexiste : donc à partir de
quelque effet que ce soit, partant du fait qu’il nous est connu, il est
possible d’établir sa cause propre. Donc <la proposition> Dieu existe
est démontrable par les effets dont nous avons connaissance. — Tout est
clair, si nous supposons que <le fait de l’existence de> Dieu a des
effets qui atteignent l’évidence pour nous. |
<3> II. In responsione ad primum, adverte quod nota de Deo naturali lumine, dupliciter sumuntur : uno modo, secundum se ; alio modo, ut nobis nota. Et similiter articuli fidei sumuntur secundum se, et ut crediti. Si sumantur utraque secundum se, sic non est verum quod illa sint praeambula ad propositiones quae sunt articuli fidei : sed quaedam praecedunt, ut Deum esse, Deum esse unum, bonum, et similia absoluta ; quaedam sequuntur, ut Deum esse primam causam rerum, et cetera huiusmodi. Nec propter hoc sequitur quod sint propositiones in theologia priores primis principiis : quamvis sequatur quod sunt aliquae priores illis principiis quae sunt articuli fidei. Quoniam praecedentes, secundum se, sunt inter principia : iam enim dictum est in 2 articulo [cf. q. 1, a. 2, n. III], quod articuli fidei secundum se, sunt per se principia theologiae ; ut crediti autem, per accidens. — Si vero sumantur utraque ut nota nobis, sic omnia huiusmodi naturaliter nota, sunt praeambula, propter rationem in littera positam : et hoc tantum littera intendit. Quare esto cautus. |
<3> II. En réponse au premier point, considère que la connaissance de <l’existence de> Dieu par la lumière naturelle s'entend de deux façons : d'une part, par elle-même ; d'autre part, selon notre connaissance <humaine>. Et pareillement les articles de foi s’entendent ou par eux-mêmes ou selon ce qui est cru. Si l'on prend l'une et l'autre en elles-mêmes, il n'est pas exact <de dire> qu'elles sont des préambules à des propositions qui sont des articles de foi (praeambula fidei) : car certaines autres les précèdent, comme Dieu existe, Dieu est un, bon, et choses semblables absolument parlant ; il suit de là <une proposition comme> Dieu est la cause première des choses, et ainsi de suite de cette façon. Aussi, il ne s’ensuit nullement que les propositions en théologie soient antérieures aux premiers principes : il suit néanmoins que ces-dits premiers principes sont des articles de foi. Puisque les précédents, par eux-mêmes, intègrent ces principes : car il a déjà été exposé dans l’article deux [cf. q. 1, a. 2, n. III], que les propositions de foi en elles-mêmes, sont des principes premiers de la théologie ; <lesquels ont été> crus par accident. — Mais si ces deux <termes> sont assumés comme évidents pour nous, alors ces mêmes <termes> sont naturellement connus, ils sont comme introductifs, du fait des motifs posés dans le texte : et c'est ainsi que le texte s’entend. Tu seras donc prudent. |
<4> III. In responsione ad secundum, adverte quod haec doctrina de probatione quaestionis an est, vera est quoad nos : secundum talem namque ordinem, quaestio quid est, sequitur an est. Secundum se autem e converso, ut in II Poster. [vg. c. I, n. 3 ; c. VIII, n. 5] docetur. |
<4> III. En réponse au second point, considère que cette doctrine démonstrative à la question de savoir "si c'est" [?], est vraie pour nous : le fait est que selon un tel ordre, la question qu’est-ce ? suit la question est-ce ? D’elle-même également convertible, comme il est enseigné dans les Seconds Analytiques au deuxième livre [vg. c. I, n. 3 ; c. VIII, n. 5]. |
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Article 3 : DIEU EXISTE-T-IL ? |
<1> I. In titulo, dubium statim occurrit ex I Poster [vg. c. I, n. 4 ; c. X, n. 5]. Nulla scientia probat subiectum suum : et, ut dicit Averroes in II Physic., comment. XXVI, nec a priori nec a posteriori : sed supponit illud esse aut per se notum ad sensum vel intellectum, vel accipit aliunde. Sed in hac scientia subiectum est Deus, ut in prima quaestione dictum est [cf. a. 7]. Ergo non debet hic probari Deum esse. Contra artem ergo hic articulus movetur. |
<1> I. Dans le titre <de l’article>, est immédiatement levé ce doute à partir du premier livre des Seconds Analytiques [vg. c. I, n. 4 ; c. X, n. 5]. Aucune science ne prouve <d’elle même> son sujet : et, comme le dit Averroès dans son vingt-sixième commentaire au deuxième livre de la Physique, ni antérieurement (a priori), ni postérieurement (a posteriori) : mais il suppose qu'il est comme évident par lui-même à partir des sens ou de l'intelligence, ou reçu d'un <principe> tiers. Mais dans cette science le sujet est Dieu, comme il a été dit dans la première question [cf. Ia, q. 1, a. 7]. Il n’est donc pas nécessaire de prouver que Dieu existe ici. Cet article milite donc contre les défenseurs <de cette conclusion>. |
<2> Ad hoc dicitur, quod nulla scientia per se loquendo probat subiectum suum esse : per accidens autem non inconvenit scientiam aliquam probare suum subiectum esse. Sic autem est in proposito : quoniam occurrit hic duplex accidens, propter quod scientia haec probat Deum esse. Primum est imperfecta illius participatio in nobis. Si enim lumen divinum plene participaremus, constaret statim Deum esse. Secundum est conditio medii, scilicet quod est quasi extraneum. Licet enim nulla scientia ex simpliciter propriis probet subiectum suum, ex extraneis tamen appropriatis probare potest, si notiora nobis sunt extranea illa quam esse illius subiecti. Sic autem contingit in proposito : quoniam theologia, non ex propriis simpliciter, sed ex propriis ministerialiter, scilicet notis naturali lumine, quae absolute sunt extranea, ut diximus [cf. q. 1, a. 8, n. VI], probat Deum esse ; ut patet in decursu quaestionis. |
<2> Nous disons à ce propos, que nulle science ne prouve d’elle-même l’existence de son propre sujet : mais accidentellement néanmoins, il ne disconvient pas pour une quelconque science de prouver son sujet propre. Il est ainsi dit dans la proposition : que s’entend doublement l’acception accidentelle, par laquelle cette science prouve l’existence de Dieu. Premièrement, <que> sa participation en nous est imparfaite. Si néanmoins nous devions pleinement participer à la divine lumière, nous constaterions l’évidence de l’existence de Dieu. La seconde est condition médiate, c’est-à-dire de ce qui relève de l’extrinsèque. Il n’est en effet pas permis à une science de prouver son sujet simplement à partir de ses principes, <mais> extrinsèquement néanmoins, il peut l’être raisonnablement, si l’existence de ce sujet est pour nous extrinsèquement évidente. Il est ainsi dégagé l’axiome : que la théologie — non de ses simples principes, mais à partir de principes autorisés, c'est-à-dire <de> l’évidence de la lumière naturelle, lesquels sont absolument extrinsèques, comme nous l'avons dit [cf. q. 1, a. 8, n. VI] — prouve l’existence de Dieu ; comme cela est manifeste tout au long de la question. |
<3> II. In corpore est una conclusio, responsiva quaesito affirmative, scilicet : Deus est. — Et proponitur quinque viis probanda : quas non est opus formare, cum et hic, et in I Contra Gentiles, et in Qu. de Potentia, et in Qu. de Veritate, et in I Sententiarum habeantur |
<3> II. Il y a une conclusion dans le corps <de l’article>, laquelle répond affirmativement à la question, à savoir : Dieu existe. — Et il est proposé cinq voies pour en faire la démonstration : qui ne seront pas reproduites ici, puisqu’elles se trouvent dans le premier livre de la Somme contre les Gentils, dans les questions disputées Sur la Puissance, dans les questions disputées Sur la Vérité, et dans le premier livre du Commentaire sur les Sentences <de Pierre Lombard>. |
<4> III. Circa has rationes in communi, advertendum est diligenter quod possunt afferri ad duo. Primo, ad concludendum illud ens incorporeum, immateriale, aeternum summum, immutabile, primum, perfectissimum, etc, quod et quale Deum tenemus esse. Et sic istae rationes habent plurimum disputationis : eo quod prima via, ut in I Contra Gent., cap. XIII, dicitur, non ducit ad motorem magis immobilem quam sit anima intellectiva ; secunda autem, ut dicit Averroes [cf. I Cael. et Mun., comm. XXII ; XII Metaphys., comment. XLIV], non ducit nisi ad corpus caeleste et eius motorem ; reliquarum quoque nulla magis sursum ducere videtur. Et ad hoc intentum non afferuntur hoc in loco hae rationes, ut nunc nunc patebit. — Alio modo afferri possunt ad concludendum quaedam praedicata inveniri in rerum natura, quae secundum veritatem sunt propria Dei non curando quomodo vel qualiter sint, etc. Et ad hoc intentum hic afferuntur : et sunt nihil fere difficultatis habentes secundum philosophiam. |
<4> III. Relativement à ces raisons en général, considérons, avec méthode, qu’elles peuvent être ramenées à deux. Premièrement, de ce qui est conclut de cet être incorporel, immatériel, éternel, suprême, immuable, premier, très parfait, etc., c’est ainsi que nous entendons l’être de Dieu. Et de là toutes ces choses ont des contestations diverses : ainsi de la première voie, telle qu’elle apparaît dans le treizième chapitre du premier livre de la Somme Contre les Gentils, il est dit qu’elle conduit davantage à un moteur immobile plutôt qu’à une âme intellectuelle ; de même la seconde, comme le dit Averroès [cf. I Cael. et Mun., comment. XXII ; XII Métaphys., comment. XLIV], n’y conduit point si ce n’est à un corps céleste et à son moteur ; il appert que les autres <voies> ne nous mènent pas non plus vers ce sommet. Et c’est à cet effet que les raisons ne sont pas avancées ici, comme nous l’exposerons maintenant. — Selon une autre approche, nous pouvons extraire de cette conclusion que le prédicat se rencontre dans la nature de la chose, lequel à dire vrai est propre à Dieu indépendamment <de la question> de ce qu’il est ou du comment, etc. Et de là nous pouvons accéder à cette affirmation : vaines sont les difficultés qui sont avancées selon la philosophie. |
<5> Et ut melius intelligatur quod dicimus, singillatim explanando dicitur, quod primae viae, ex parte motus, sat est quod inferatur, ergo datur primum movens immobile, non curando utrum illud sit anima caeli aut mundi : hoc enim quaeretur in sequenti quaestione. Secundae quoque viae, ex parte efficientis, sat est quod ducat ad primum efficiens, non curando an illud sit corpus vel incorporeum hoc enim quaeretur in sequenti quaestione. Tertiae vero viae, ex parte necessarii, sat est quod ducat ad primum necessarium non ex alio, non curando an sit unum vel plura : hoc enim quaeretur in quaestione XI. Quartae quoque viae, ex gradibus rerum, sat est ducere ad maxime ens, verum, bonum, nobile, a quo sunt omnium participationes. Et similiter quintae viae, ex gubernatione, sat est ducere ad primum gubernantem per intellectum, quicumque sit ille. Omnia enim haec praedicata, scilicet movens immobile, primum efficiens, necessarium non ex alio, maxime ens, et primum gubernans intelligendo, sunt secundum veritatem propria Deo : et ideo, concludendo haec inveniri in rerum natura, concluditur directe, quasi per accidens, quod Deus est, idest, Deus, non ut Deus, sed ut habens talem conditionem, est ; et consequenter ipsum substratum, scilicet Deus ut Deus, est. |
<5> Et pour la bonne intelligence de ce que nous disons, il est point par point exposé, que la première voie, laquelle part du mouvement, permet de conclure <comme suit> donc est posé un premier moteur immobile, sans s’enquérir <de la question> de savoir si c'est l'âme du ciel ou du monde : car cela sera étudié dans la question qui suit. De la seconde voie aussi, <laquelle part> de l’efficience, il suffit qu'elle extraie un premier efficient, sans s’enquérir <de la question> de savoir s'il s'agit d'un corps ou d'une entité incorporelle, car cela sera <aussi> étudié dans la question qui suit. Relativement à la troisième voie, laquelle part de la nécessité, il suffit qu'elle extraie un premier <être> nécessaire et non un tiers, sans s’enquérir <de la question> de savoir s’il y en a un ou une pluralité : car c'est ce qui est examiné à la onzième question. <Pour> la quatrième voie aussi, laquelle part de la graduation <de l’être> des choses, il suffit d’extraire un être suprêmement existant, vrai, bon et noble, duquel toutes choses participent. Et pareillement pour la cinquième voie, <tirée> du gouvernement <des choses>, il suffit d’extraire un premier administrateur intelligent, quel qu'il soit. Tous ces prédicats en effet, c'est-à-dire moteur immobile, premier efficient, absolument nécessaire de soi, suprêmement être, et premier administrateur intelligent, sont en toute vérité propres à Dieu : et ainsi, il est conclu que ceux-ci se trouvent dans la nature des choses, on conclut directement, comme par accident, que Dieu existe, c'est-à-dire, Dieu, non pas en tant que Dieu, mais en tant qu'<être> ayant toutes ces prérogatives, existe ; et conséquemment sa substance, c'est-à-dire Dieu comme Dieu. |
<6> Ex his autem patet quod nec rationes Averrois [cf. XII Metaphys., loc., cit.] contra Avicennam, nec Aureoli [cf. In I Sent., q. 1] contra has rationes, sunt contra intentum huius articuli, nisi obiectio contra ultimam, et contra propositiones assumptas. |
<6> De là il est manifeste que ni les raisons d'Averroès [cf. XII Métaphys., loc., cit.] contre Avicenne, ni celles de <Pierre> Auriol [cf. In 1 Sent., q. 1] contre les mêmes, sont contre l'intention de cet article, à l’exception de l'objection contre la conclusion, et contre les propositions posées. |
<7> IV. Unde sciendum est secundo, quod in prima ratione, quae sumpta est ex VII [cf. c. I] et VIII Physic. [cf. IV sqq.], sunt duae propositiones impugnatae. Altera est, nihil movet seipsum primo. Contra hanc enim Scotus, in materia de gravibus et levibus, et voluntate, etc, arguit [cf. In II Sent., d. 2, q. 10]. Et quoniam hoc esset exire nostros limites, erit de hoc quaestio specialis. |
<7> IV. Il faut encore savoir, que pour la première voie, qui est tirée des livres sept [cf. c. I] et huit [cf. c. IV sqq.] de la Physique <d’Aristote>, les affirmations adverses sont de deux types. Une première est <à propos de ce> que rien n'est primitivement mû par soi-même. <Duns> Scot en effet milite contre cela, au sujet du lourd et du léger, de la volonté, etc. [cf. In II Sent., d. 2, q. 10]. Et comme cela dépasserait nos limites, il y aura une question particulière à cet effet. |
<8> Altera est, primum est causa medii : haec enim assumitur tam in prima quam secunda et tertia ratione, ad probandum quod non proceditur in infinitum. Et contra eam, licet sit expresse Aristotelis in II Metaphys. [cf. c. 2] et VIII Physic. [cf. c. V, n. 1], arguitur sic, in substantia. Media causa seu motor, si necessario dependet a prima causa seu motore, aut hoc habet quia media, aut quia causa, aut quia causa media : sed nihil horum est : ergo non oportet mediam causam dependere a prima. — Assumptum patet ex sufficienti distinctione. Destructio vero singulorum probatur. Et primo, quod non ex ratione medii. Quoniam medium dicitur respectu duorum, hinc scilicet inde, quorum est medium : et non necessario respectu primi et ultimi, ut patet in mediis partibus proportionalibus circuli. Secundo, quod non ex ratione causae. Quia causa, ut causa, respicit effectum ; et non dependentiam ad prius aut primum, ut patet. Tertio, quod non ex ratione composita, scilicet causae mediae. Quoniam causa media ut sic, nihil aliud exigit quam ut in causando mediet : sed hoc, scilicet in causando mediare, sufficienter salvatur, si inter aliquam priorem causam et effectum aliqua media causalitas sit : ergo media causa, ex ratione qua media causa, non exigit dependentiam a prima causa, sed a priore. Et confirmatur : quia secundum te, ista conditionalis est vera, si procederent in infinitum causae, omnes causae essent causae mediae. Ergo ad rationem causae mediae non requiritur dependentia a prima, sed a priore, respectu cuius et posterioris dicatur media. |
<8> La seconde <pose que>, la cause première est condition de l’intermédiaire : car celle-ci est assumée aussi bien dans la première que dans la deuxième et la troisième voie, en vue de la démonstration que nous ne procédons pas à l'infini. Et contre cela, il est permis d’invoquer ce qu’argue en substance Aristote dans le deuxième livre [cf. c. 2] de la Métaphysique comme dans le huitième livre [cf. c. V, n. 1] de la Physique. Une cause intermédiaire ou motrice, si elle dépend nécessairement de la cause première ou du moteur, <c’est> soit en ce qu'elle est intermédiaire, soit en ce qu'elle est cause, soit en ce qu'elle est [tout ensemble] cause intermédiaire : mais il n'en est rien : il semble donc que la cause intermédiaire ne dépende pas de la première. — Ceci est suffisamment manifesté partant des distinctions. Mais la fausseté de chacune est prouvée. Et premièrement que cela ne vient pas de la raison de l’intermédiaire. Car de l’intermédiaire nous disons qu’il se rapporte à un duo, c'est-à-dire d'un ici et là, dont il est le milieu ; et ne se rapporte pas nécessairement à une première et à une dernière, comme c’est manifeste dans le cas d’une médiation entre les diverses parties d’un cercle. Deuxièmement, que cela ne vient pas de la raison de cause. Parce que la cause, comme cause, se rapporte à l’effet ; et non à une dépendance à l'égard d’un précédent ou d’un premier, comme cela est clair. Troisièmement, que cela ne vient pas de la raison de l’agencement <des deux>, c’est-à-dire d’une cause intermédiaire. Parce qu'une cause intermédiaire, comme telle, ne réclame rien d'autre que d'être intermédiaire en causant ; mais cela, c’est-à-dire cette causation médiane, est suffisamment assurée si elle constitue un moyen de causalité entre une cause antérieure et son effet : donc une cause intermédiaire n'exige pas de dépendre d’une cause première, mais seulement d’une cause antérieure. Et c'est confirmé : parce qu’à les écouter, cette <proposition> conditionnelle est vraie, si elles procédaient d’une infinité de causes, toutes les causes seraient des causes intermédiaires. C'est pourquoi, la raison de la cause médiane ne requiert pas la dépendance d’une <cause> première, mais d’une <cause> antérieure, par laquelle et avec la suivante nous la disons intermédiaire. |
<9> V. Ad hoc breviter dicitur, quod causa media, ex eo quod causa media, necessario dependet a prima. Ad cuius evidentiam, oportet recolere quod de ratione causae est efficacia : nisi enim causa aliquid efficiat, causa in actu, de qua est sermo, dici non potest. Efficacia namque causae in illius causalitate actuali consistit : et propterea, nisi causalitas compleatur, neque causa in actu, neque efficacia seu efficientia aliqua salvatur. Oportet ergo, ad hoc quod causae ratio salvetur, ut causalitas illius compleatur : ac per hoc, quidquid repugnat complemento causalitatis alicuius causae, repugnat causae illi. Cum igitur causa media vere causa sit, oportet ipsam habere propriam causalitatem completam. |
<9> V. Disons quelques mots sur ce point, que la cause intermédiaire, de ce qu'elle est cause intermédiaire, est nécessairement dépendante d’une première. Pour en avoir l’évidence, il importe de ressaisir que l'efficacité fonde la raison de la cause : car évidemment sans un quelconque effet, de la cause en acte, celle dont il est question, nous ne pouvons rien dire. Car le fait est que l'efficacité d'une cause est fondée dans sa causalité actuelle : conséquemment, <sans cela> nous ne solutionnons ni la causalité complète, ni la cause en acte, ni la cause efficace ou efficiente. Il importe donc qu’elle soit solutionnée en ce qu’elle est raison de la cause, comme causalité dite complète : et par là, tout ce qui répugne à compléter la causalité de quelque cause que ce soit, répugne à ladite cause. Ainsi donc, puisque une cause intermédiaire est une vraie cause, il importe qu’elle ait en propre une complète causalité. |
<10> Tunc sic. Complementum causalitatis causae mediae nullatenus potest esse sine dependentia a prima causa : ergo causa media, ut est causa media, dependet a prima. Ergo optime dicit Aristoteles, et habetur in littera, quod primum est causa medii. — Consequentia nota. Et antecedens probatur. Si tolleretur prima causa, sic quod ante omnem causam esset alia causa, nunquam perficeretur causalitas istarum causarum essentialiter dependentium : ergo complementum mediarum dependet a prima. Conditionalis est clara : quia infinitas descensus vel ascensus repugnat complemento. Consequentia autem patet : quia constat quod complementum mediae causae dependet ab aliqua antecedente ; et non a priore tantum, ut patet ex conditionali ; ergo a prima. |
<10> Aussi, la complète causalité de la cause intermédiaire ne peut nullement être sans dépendre d’une cause première : donc la cause intermédiaire, en tant qu’elle est cause intermédiaire, dépend d’une première. Aristote dit donc avec raison, et nous l’avons dans le texte, que la cause première est condition de la cause intermédiaire. La conséquence est évidente. Et l’antécédente est prouvée. Si la cause première était retirée, il y aurait ainsi une autre cause avant toute autre cause, jamais la causalité des ces causes ordonnées essentiellement ne serait complète : donc cette complétude des <causes> intermédiaires est dépendante de la <cause> première. La <proposition> conditionnelle est claire : car l’infini descendant ou ascendant répugne à compléter. Cependant la conséquence est claire : qu’il est assuré que la complétude de la cause intermédiaire est dépendante d’une quelconque <cause> antécédente ; et non seulement d’une <cause> antécédente, comme c’est manifeste suivant la proposition conditionnelle ; mais d’une <cause> première. |
<11> VI. Ad obiectionem autem in oppositum, cum dicitur causa media nihil exigit nisi quod in causando mediet conceditur : sed cum subsumitur quod hoc salvatur respectu prioris causae, negatur. Quoniam impossibile est mediam causalitatem perfici, nisi sustentetur in prima : si enim ab infinitis prioribus dependet, nunquam perfici poterit. |
<11> VI. Mais <on s’oppose> à l'objection, quand on dit que la cause intermédiaire n'est requise que comme médiatrice de la causalité, ce que nous concédons ; mais lorsqu’il est supposé que cela solutionne <le cas de> la première cause, nous le nions. Car il est impossible de parfaire la causalité intermédiaire sans qu’elle soit affermie par la première : car en effet si la priorité relève de l’infini, jamais elle ne trouvera sa complétude. |
<12> Ad confirmationem vero, negatur quod illa conditionalis, scilicet si causae essentialiter ordinatae essent infinitae omnes essent causae mediae, sit Aristotelis aut nostra simpliciter : sed est ad hominem ponentem infinitatem in causis huiusmodi. Apud hos namque sequitur optime quod, cum omnes ponantur causae, et nulla prima, igitur mediae. Sed secundum veritatem, ex illo antecedente, proceditur in infinitum in causis, sequitur, ergo nulla causa est, ut Aristoteles et s. Thomas deducunt : quia sequitur, ergo non est prima : ergo nec media ; quia prima est causa mediae, ut probatum est. |
<12> Pour confirmer, il est nié que cette proposition conditionnelle, c’est-à-dire les causes essentiellement ordonnés seraient infinies si toutes étaient des causes intermédiaires, soit d'Aristote ou même nôtre : mais cela est posé suivant l’infinité du mode de causation. Car de celles-ci il s’ensuit très bien que, si toutes ces causes sont posées, et qu’il n’y a pas de première <cause>, alors elles sont intermédiaires. Mais à dire vrai, de cette proposition antécédente, <qui> procède à l'infini dans les causes, il s'ensuit, donc il n'y a pas de cause, comme Aristote et s. Thomas le déduisent : il s’ensuit, donc pas de cause première : donc pas non plus de cause intermédiaire ; que la première est cause de l’intermédiaire, ainsi qu'il a été prouvé. |
<13> VII. Circa illam propositionem in quarta via assumptam, scilicet maxime tale in aliquo genere, est causa omnium aliorum quae sunt illius generis, quoniam impugnatur ab Aureolo, nota tres terminos. Primo, quod aliud est esse maxime tale in aliquo genere, et aliud est esse primam seu perfectissimam speciem alicuius generis. Unde non assumitur hic quod perfectissima species sit causa ceterarum : sed quod maxime tale, etc. Secundo, quod esse causam contingit in proposito dupliciter : scilcet effectivam proprie, vel exemplarem. Hoc in loco confuse assumitur esse causam : quoniam ad propositum non refert quali causalitate maxime ens, bonum et verum sit causa esse, bonitatis et veritatis ceterorum ; esse enim causam sive exemplarem omnium horum, sive effectivam, proprium est Dei. Tertio, quod cetera illius generis possunt accipi dupliciter : scilicet absolute, idest secundum totum id quod sunt ; et possunt accipi secundum rationem illius generis. In proposito non sumuntur absolute, sed secundum quod habent illius rationem : non enim maxime calidum dicimus causam reliquorum calidorum secundum substantiam et totum quod sunt, sed solum inquantum calida sunt. — Ita quod sensus propositionis assumptae est : Maxime habens rationem aliquam formalem, est causa, sive exemplaris sive effectiva, reliquorum habentium eandem rationem formalem, ut sic. |
<13> VII. Relativement à cette proposition assumée dans la quatrième voie, c'est-à-dire ce qui est au sommet de la perfection dans un genre donné, est cause de cette même perfection en tous ceux qui appartiennent à ce genre, laquelle est attaquée par <Pierre> Auriol, note trois points. Premièrement, que c’est une chose d'être au sommet de la perfection dans un genre donné, et une autre chose d'être le premier ou le plus parfait exemple dans un genre quelconque. Nous ne disons donc pas que ce parfait exemple est cause du reste : mais ce qui est au sommet de la perfection, etc. Deuxièmement, que cet être qui cause s’entend doublement dans la proposition : à savoir au sens propre ou au sens de l’exemplarité. Ici, cet être qui cause est confusément entendu : car cette proposition ne réfère pas à n’importe quelle cause suprême, <mais> la bonté et la vérité opèrent comme cause du bien et du vrai et ainsi de suite ; cet être qui cause l’est soit au sens propre, soit <comme> exemplaire de toutes ces choses, c’est le propre de Dieu. Troisièmement, que <le segment> tout ces genres peut être entendu doublement : à savoir dans l’absolu, c'est-à-dire selon la totalité de ce qu'ils sont ; et peut être entendu selon la raison de ces genres. Dans la proposition, ce n’est pas pris dans l’absolu, mais selon qu'ils ont ces-dites raisons : car nous n'appelons évidemment pas l’extrême chaleur cause du reste selon leur substance et la totalité de leur être, mais seulement ces choses extrêmement chaudes. — C’est ainsi qu’il faut entendre le sens de la proposition : L’extrême <terme qui> a la raison de ces autres choses, est la cause, ou exemplaire ou efficace, des autres <choses> ayant les mêmes raisons formelles, comme ainsi. |
<14>
Ex hoc patet quod instantia Aureoli de albedine
respectu colorum, nihil valet. Tum quia albedo non est maxime color. Tum
quia, si esset maxime color, non oporteret propterea ipsam causare ceteras
species coloris absolute, sed quantum ad rationem coloris tantum. Tum quia
dicere albedinem esse causam exemplarem reliquorum colorum quatenus colores
sunt, nullum inconveniens est cum perfectiora sint naturaliter exemplaria
imperfectiorum ut sic ; et colores omnes, quanto magis accedunt ad albedinem,
tanto plus habent lucis, et consequenter perfectionis ratione coloris. |
<14>
Il est de là manifeste que l'obstination de <Pierre> Auriol sur la
blancheur relativement aux couleurs n'a aucune valeur. Parce que la blancheur
n’est pas la couleur suprême. <Et> parce que, si elle était la couleur
suprême, il ne serait pas opportun qu’elle soit cause absolue des autres
espèces de couleur, mais seulement fondement de la couleur. Il est encore dit
que la blancheur est cause exemplaire des autres couleurs comme telles, il ne
disconvient donc pas qu’elle soit naturellement l’exemplaire parfait pour les
imparfaits ; et toutes les couleurs, mesurant l’accession à la blancheur,
selon leur plus grande clarté, et conséquemment la perfection de la raison de
la couleur. |
<15> VIII. Circa quintam viam, est instantia quoque Aureoli, quam tamen prius excluserat s. Thomas, III Contra Gent., cap. LXIV : scilicet quod quidditates rerum naturalium sunt sufficientes causae effectuum, qui naturaliter apparent ordinate etc. in universo. Vide ibidem, et in Qu. de Ver., qu. V, art. 2, et invenies rationem insufficientiae esse unitatem ordinis, utilitates mutuas, connexiones contrariorum, etc. praeter eam quae hic ponitur in responsione ad 2, quia scilicet natura agit propter finem, ex II Physic. [cf. c. VIII] ; ergo aut a se conceptum, aut ab alio intendente directa, etc. |
<15> VIII. Relativement à la cinquième voie, il y a aussi l’instance de <Pierre> Auriol, qui pourtant avait été d’abord exclue par s. Thomas, au chapitre soixante-quatre du troisième livre de la Somme Contre les Gentils : à savoir que les quiddités des choses naturelles sont causes suffisantes des effets, lesquels apparaissent naturellement ordonnés, etc. dans l'univers Voir également <sur cela> la cinquième question, article deux, des questions disputées Sur la Vérité, et vous trouverez les raisons de l'insuffisance de l'unité d'ordre, les intérêts mutuels, les connexions des contraires, etc. en plus de ce qui est ici posé en réponse au deuxième point, c’est-à-dire que la nature agit en vue d’une fin, <proposition que nous trouvons> dans le deuxième livre de la Physique [cf. c. VIII] ; donc ou comme déterminée d’elle même, ou d’une tierce intention directrice, etc. |
<16> IX. Circa solutionem primi argumenti, adverte quod responsio litterae consistit in negatione consequentiae. Quia tamen non assignatur causa in communi, sed particulari materia de qua est sermo, ideo, in communi loquendo, scito primo, quod unum oppositorum excludere reliquum, potest dupliciter intelligi : scilicet formaliter, et effective. Formaliter quidem, unum oppositorum non excludit reliquum, nisi a suo receptivo, ut patet. Et sic in proposito, quia bonum divinum infinitum est, omne malum excludit formaliter a Deo : non autem a creatura, quia non recipitur in creatura, sed in ipso tantum Deo. Effective vero unum oppositorum excludit reliquum, secundum quod efficit aliquid sibi simile : sicut vis solaris excludit frigus ab aere secundum quod assimilat sibi aerem in esse calido. Et iuxta hanc oppositionem procedit argumentum, quod si unum oppositorum est infinitum, reliquum non solum excluditur ab eo formaliter, sed etiam effective in quocumque inventum fuerit : et hoc propter infinitatem suae efficaciae, cui nihil resistere potest, nisi aliud oppositum etiam esset infinitum. — Scito secundo, quod Scotus, in I Sent., dist. II, qu. I, ad I, examinans hanc conditionalem, dicit ipsam veram, non solum formaliter, sed effective, in oppositis naturaliter agentibus : non autem in agentibus voluntarie. Et solvit argumentum ad propositum, quia bonum infinitum agit voluntarie. — In littera autem simpliciter negatur consequentia : et assignatur ratio, quia scilicet ex infinita bonitate agentis sequitur esse aliqua mala, ex quibus bonum resultet. |
<16> IX. Relativement à la solution du premier argument, note que la réponse du texte consiste à nier la conséquence. Toutefois, une cause en général n'est pas assignée, mais c’est d’une matière particulière dont il est question, aussi, parlant en général, sache premièrement qu’une opposition excluant un tiers, peut s’entendre doublement : à savoir formellement, et effectivement. Formellement en effet, un opposé ne peut exclure un tiers sinon par sa réception, comme cela est manifeste. Ainsi dans la proposition, l’infinie bonté divine exclue formellement tout mal de Dieu : mais non pas de la créature, créature dans laquelle rien n’est reçu, mais seulement en Dieu lui-même. Effectivement, un opposé exclut l'autre, selon qu’il opère semblablement dans cet autre : de même que la puissance solaire exclut le froid de l'air, selon qu’elle assimile cet air à l’être chaud. Et c'est de cette opposition que procède l'argument, que si un opposé est infini, l’autre est exclu non seulement formellement, mais encore effectivement dans tout ce qui se trouve en lui : et c’est ainsi pour l'infinité de son efficacité, à laquelle rien ne peut résister, sauf un tiers opposé qui serait lui-même infini. — Deuxièmement, sache que <Duns> Scot, dans la deuxième distinction de son commentaire du premier livre des Sentences <de Pierre Lombard>, question une, premier article, examinant ce conditionnel, pose <à propos> de la vérité elle-même, non seulement formellement, mais effectivement, une opposition des agents naturels : non cependant des agents volontaires. Et il solutionne l’argument de la proposition, <en disant> que c’est la volonté qui agit dans le bien infini. — Cependant dans le texte, la conséquence est simplement niée : et la raison est assignée, c’est-à-dire que de la bonté infinie de l’agent suit l’être de cet autre mauvais duquel le bien résulte. |
<17> X. Sed quoniam, ut dictum est, ista responsio immiscet modum causandi, scilicet per voluntatem, attribuendo mala permissioni divinae, quae ad voluntatem spectat ; ideo particularis est. Universaliter autem, distinguendum videtur antecedens. Quoniam oppositum infinitum contingit dupliciter. Uno modo, communicabile aliis secundum eandem rationem, sicut si ignis esset infinite calidus : calor enim est communicabilis aliis secundum eandem rationem, qua est in igne. Alio modo, incommunicabile aliis secundum eandem rationem, quamvis sit participabile per quandam analogiam : sicut esse Dei est infinitum, non tamen communicabile aliis secundum eandem rationem (alioquin possent esse plures dii), quamvis sit participabile ab omnibus plus et minus. |
<17> X. Mais puisque, comme nous l'avons dit, cette réponse s’immisce dans le mode de causation, c'est-à-dire par la volonté, <où> le mal est attribué à la permission divine, qui relève de la volonté [conséquente] ; c'est donc <un cas> particulier. Universellement cependant, nous voyons que l’antécédente se distingue. D'une part, communicable à d’autres selon sa raison, comme si le feu avait une chaleur infinie : la chaleur en effet se communique à d’autres selon la même raison, laquelle est dans le feu. D'autre part, incommunicable à d’autres selon la même raison, néanmoins participable selon un quelconque procédé analogique : ainsi est l’être infini de Dieu, mais non pas communicable à d’autres selon la même raison, (moyennant quoi il pourrait y avoir une pluralité de dieux), bien qu'il soit plus ou moins participable de tous. |
<18> Dico igitur quod, si unum oppositorum, communicabile secundum eandem rationem, est infinitum, reliquum non erit nec in eodem susceptibili, nec in alio quocumque. Si autem unum oppositorum, incommunicabile secundum eandem rationem, participabile tamen, est infinitum, optime sequitur quod reliquum formaliter excludet a se : sed non sequitur, ergo reliquum effective excludet a quolibet, etiam si ponatur naturaliter agere. Et ratio est, quia agens infinitum, finite participatum, non excludit a participantibus totaliter suum oppositum : sed oppositum infinitum incommunicabile, seu bonum infinitum, est huiusmodi : ergo. — Maior patet ex inductione. Si enim sol esset infinite calidus, et calor non esset communicabilis inferioribus secundum eandem rationem, sed secundum quandam analogam imitationem tantum ; sol, inquantum calidus, esset infinitum agens, finite tamen participatum, quia non secundum eandem rationem. Ac per hoc, non produceret in aliquo nisi caloris finitam participationem : et consequenter non excluderet omne frigus a participantibus ipsum, quia cum calore finite impresso stat aliquis gradus frigoris. — Patet et ratione. Quia quantaecumque virtutis sit agens, non excludit effective oppositum, nisi inquantum est incompossibile effectui. Sed existente agente infinito in se, finite autem participato, effectum non oportet esse incompossibilem cuilibet gradui oppositi : quia effectus finite habet rationem unius oppositi. Ergo agens infinitum, finite tantum participatum, non tollit effective totaliter suum oppositum. |
<18> Cela étant je dis donc, si l’un des opposés, <est> communicable selon la même raison, laquelle est infini, l’opposé ne pourra nullement cohabiter, ni <ainsi ni d’> aucune autre <façon>. Or, si l'un des opposés, <lequel> est infini, <est> incommunicable selon la même raison, mais cependant participable, il suit parfaitement que l’autre membre est formellement et de soi exclu : mais <la proposition suivante> ne s'ensuit pas, donc l’ <autre> extrême est effectivement exclu sous tout rapport, même si son agir est entendu naturellement. Et la raison en est, qu'un agent infini, dont la participation est finie, n'exclut pas totalement une participation à son opposé : mais l'opposé infini incommunicable, ou infinie bonté, est selon ce mode : donc <etc>. — La majeure se présente comme évidente de l'induction. Si en effet le soleil était infiniment chaud, et que la chaleur n'était pas communicable aux inférieurs selon la même raison, mais seulement selon une imitation analogique ; le soleil, selon ce qu’il en est de sa chaleur, serait un agent infini, cependant fini partant de sa participation selon la même raison. Et par là, il ne produirait rien sinon une chaleur selon une participation finie ; conséquemment, tout froid ne serait pas exclu de sa participation, car la chaleur finie s’appuie sur un certain degré de froid. — C'est raisonnable et manifeste. Car indépendamment des déterminations de la vertu de l’agent, elle n’exclue pas définitivement l’opposé, à l’exception des éléments incompossibles vis-à-vis de l’effet. Mais pour l'existence d’un agent en soi infini, cependant fini partant de sa participation, il est à propos de nier l’incompossibilité de l'effet d’avec un quelconque degré <d’être> de son contraire : parce que l'effet fini a la raison de l’opposé. Donc l’agent infini, cependant fini partant de la participation, n’exclut pas complètement son opposé. |
<19>
Et propterea Deus gloriosus, qui est infinitum bonum, etiam si naturaliter
ageret, non tolleret omne malum ab universo. Quoniam finite tantum
participatur a quocumque : et ex bonitate sua prodiret universitas bonitatum
constituentium gradus diversos in universo, ex quorum naturis necesse est
oriri malum ; sicut ex natura lupi mors agni, et ex natura elementorum
corruptio mixtorum, etc. Et ideo, elevando rationem in littera assignatam,
merito negatur consequentia ; quia ex infinita bonitate Dei oritur mala esse
(propter bonum tamen universi) ; et non oritur mala non esse. Et sic ad
infinitam Dei bonitatem spectat, quod malum sit in effectibus suis, non in
seipso. |
<19>
Et c’est pourquoi le Dieu très glorieux, qui est infiniment bon, même s’il
agissait naturellement, n’évacuerait pas tout mal de l’univers. Car le fini
n’est que participant : et de sa bonté propre procéderait l’entièreté de la
bonté constitutive des différents degrés de l'univers, desquels le mal doit
nécessairement sortir naturellement ; comme il est de la nature du loup de
tuer l'agneau, et de la nature de la mixtion de corrompre les éléments, etc.
Et donc, nous élevant à la raison avancée dans le texte, la conséquence est
justement niée ; que le mal se dégage de l’infinie bonté de Dieu (en vue
néanmoins du bien de l'univers) ; et il n’est pas vrai que du mal n’en sorte
pas. Et ainsi il est considéré <à partir> de l’infinie bonté de Dieu,
que le mal est dans ses effets, non en lui. |
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Question 3 : LA SIMPLICITÉ DE DIEU |
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Article 1 : DIEU EST-IL UN CORPS, C’EST-A-DIRE : Y A-T-IL EN LUI COMPOSITION DE PARTIES QUANTITATIVES ? |
<1> I. In titulo, adverte quod, ut ex conditionibus quas Deo convenire dictum est in praecedenti articulo [q. II, a. 3], probando ipsum esse, manifeste pateat quod non potest cadere in mentem alicuius Deum esse accidens, sed oportet ipsum esse substantiam. Idcirco, terminata quaestione an est, ex qua scitur ens de Deo ; et ex annexis liquido constante quod est substantia ; statim inquirit nunc an sit corpus, idest an sit substantia corporea ; ita quod ly corpus hic sumitur proprie pro corpore quod est in praedicamento substantiae ; sive illud sit res simplex, ut Averroes credit [De Substantia Orbis, c. II sqq.] de corpore caelesti, sive non inveniatur simplex, non est curae. Huiusmodi autem substantia trinam habet dimensionem annexam, secundum omnes ; sive ipsa trina dimensio sit idem quod ipsa, sive non. Nullum enim horum variat propositum. Substantia autem corporea hoc modo sumpta, non solum distinguitur contra incorpoream, puta immaterialem substantiam : sed etiam contra non corpus, idest formam etiam quae est corporis actus. Neutrum enim horum est substantia corporea, ut ly corporea est differentia intrinseca constituens corpus : quamvis formae naturales dicantur substantiae corporeae denominative a corporibus quorum sunt formae. Et sic sumitur corpus proprie, ut patet ex II de Anima, in principio, ubi Aristoteles quaerit an anima sit corpus. Et hoc modo sumitur hic, ut singulariter etiam contra protervos apparet ex tertia ratione in corpore adducta. |
<1> I. Dans le titre <de l’article>, considère qu’à partir de ce que nous disons dans le précédent article [q. II, a. 3] des propriétés qui conviennent à Dieu, où nous prouvons [qu’il est] l’être par lui-même, il est tout-à-fait manifeste qu'il ne peut venir à l'esprit de quiconque que Dieu est un accident, mais il importe qu'il soit l’être subsistant par lui-même. Pour cette raison, se prolonge la question si c'est [?], de ce que nous comprenons de l'être de Dieu ; et partant des <questions> annexes, il est logiquement certain que c'est une substance ; il demande immédiatement si c'est un corps, c'est-à-dire si c'est une substance corporelle ; de sorte que ce corps doit être entendu comme un corps propre qui se prédique d’une substance ; ou si c’est une chose simple, comme le croit Averroès [De Substantia Orbis, c. II sqq.] à propos des corps célestes, ou si la simplicité ne s’y rencontre point, rien d’autre. Cependant, un telle substance a toujours trois dimension constitutives, selon le tout ; ses trois dimensions sont ou identiques à elle ou non. Mais rien de tout cela ne fait varier la question. Cependant la substance corporelle ainsi entendue se distingue non seulement de la substance incorporelle, par exemple la substance immatérielle : mais encore de l’absence de corps, c'est-à-dire de la forme qui est l'acte du corps. Cette sorte de substance corporelle est en effet indifférente, comme ce corporel est intrinsèquement différent de ce qui constitue le corps : autant que les formes naturelles, lesquelles en sont la forme, sont appelées des substances corporelles qui désignent le corps. Et c’est ainsi que nous comprenons proprement le corps, comme c’est manifeste suivant le début du deuxième livre du traité De l’âme, où Aristote demande si l'âme est un corps. Et c'est de cette manière là que nous comprenons <le texte>, comme de façon toute singulière elle se dégage, contre les effrontés, de la troisième raison du texte. |
<2> Est ergo sensus tituli : An Deus sit corpus, idest substantia quae vere et proprie est quanta, seu extensa : an non, sed vel inextensa omnino, aut extensae actus, aut quovis alio modo ab ipsa corpulentia distinguatur. |
<2> C’est donc le
sens du titre : Dieu est-il un corps, c'est-à-dire une substance
véritablement et proprement quantitative, ou [localement] extensive : dans le
cas contraire, [nous demandons] s’il est absolument inétendu, ou actuellement
étendu, ou s’il se distingue sous quelque mode de corpulence ? |
<3> II. In corpore, una conclusio responsiva quaesito negative : Deus non est corpus. — Probatur tripliciter [cf. § IV, V]. Primo. Deus est primum movens immobile : ergo non est corpus. Antecedens patet ex articulo praecedenti. Consequentia probatur : quia nullum corpus est movens immobile. Quod probatur inductive. |
<3> II. Dans le corps <de l’article>, une conclusion répond à la question par la négative : Dieu n’est pas un corps. — Cela est prouvé de trois façons [cf. § IV, V]. Premièrement. Dieu est le premier moteur immobile : il n'est donc pas un corps. L’antécédent ressort clairement de l’article précédent. La conséquence est prouvée : que nul corps n’est moteur immobile. Cela est inductivement prouvé. |
<4> III. Circa illam propositionem, nullum corpus movet non motum, adverte quod dupliciter intelligi potest. Primo, sumendo ly « non motum » actu vel potentia. Et sic est manifesta, et vere patet inductive. Et sic consonat minori, scilicet Deus est movens immobile : et habetur intentum. — Secundo, sumendo ly « non motum » actu. Et sic propositio habet difficultatem : nec apparet inductive, sed eget ratione et limitatione. Inductioni siquidem obstat, quod magnes immotus trahit ferrum, et nix immota frigefacit, et coloratum immutat visum, etc. Unde, iudicio meo, primo modo sumitur hic. |
<4> III. Relativement à cette proposition, nul corps ne meut sans être mû lui-même, considère qu'elle peut être entendue doublement. Premièrement, nous entendons ce « sans être mû <lui-même> » ou en acte ou en puissance. Et ainsi c’est manifeste, inductivement évident. Et cela s’accorde avec la mineure, c'est-à-dire que Dieu est moteur immobile : et c’est dans l’intention <de notre propos>. — Deuxièmement, en entendant ce « sans être mû <lui-même> » en acte. Et cette proposition pose des difficultés : elle ne paraît pas inductive, mais exige une explication et une délimitation. Elle s'oppose véritablement à l'induction, comme les aimants immobiles qui attirent le fer, et la neige immobile qui refroidit, et change les couleurs à vue d’œil, etc. Conséquemment, il s’entend d’après moi dans le premier sens. |
<5> Veruntamen secundo etiam modo est vera, loquendo de motione pure locali. Et ratio eius assignatur in I Contra Gent., cap. XX : quia movens oportet simul esse cum moto. Ex hoc enim evidenter sequitur quod corpus movens non potest manere, et corpus motum mutare locum : quoniam si motum tantum locum mutat, desinit esse simul cum corpore movente, quod manere supponitur in loco contiguo illi loco, unde movente motum est. |
<5> Cependant à dire vrai le second mode est également valable, <lorsqu’il> se dit du mouvement purement local. Et sa justification est donnée dans le vingtième chapitre du premier livre de la Somme contre les Gentils : qu’il importe que le moteur et le mû se meuvent simultanément. Assurément il suit avec évidence de là qu’un corps en mouvement ne peut être fixé, et un corps mû changer de lieu [par lui-même] : que si le corps mû change seulement de lieu, il cesse d'être avec le corps en mouvement, lequel épouse un lieu contigu à ce lieu d'où le moteur a opéré. |
<6> Et ex hoc apparet exclusio instantiarum : quoniam non de motione pure locali erant. Et de ceteris quidem patet. De magnete autem et similibus, habes ab Averroe, VII Physic., comment. X, quod ipsa non movent, sed alia moventur ad ipsa : quamvis non undecumque, propter privationem dispositionis, quam ab eis per modum alterationis spiritualis acquirunt alicubi. Sed de his, cum erit sermo de dependentia reliquorum motuum a motu caeli, amplius dicetur [cf. infra, q. XCV, a. 3, in comment.] : nunc haec sufficiant hic, ubi ex locali motu proceditur. |
<6> Et de là apparaît l'invalidation des objections, qu’il n'était pas question d'un mouvement purement local. Et pour le reste, c'est manifeste. De l’aimant et autres choses semblables cependant, vous avez le dixième commentaire d'Averroès sur le septième livre de la Physique <disant> qu'il ne se meut pas [de lui-même], mais met de lui-même un autre en mouvement, mais non pas d’où qu’il vienne, lequel, par privation des dispositions, acquiert du premier ce lieu quelconque par mode d’altération spirituelle. Mais de tout cela, quand il sera question de la dépendance des choses mues au mouvement des cieux, nous en dirons davantage [cf. infra, comment. q. 95, a. 3] : ces explications, où nous procédons à partir du mouvement local, suffisent pour le moment. |
<7> IV. Secundo [cf. § II]. Deus est primum ens : ergo actus purus : ergo non est corpus. — Antecedens patet ex praecedenti arliculo. Prima consequentia probatur. Actus est simpliciter prior potentia : ergo primum ens est actus absque potentia : quod est esse actum purum. Assumptum declaratur, ostendendo differentiam ordinis inter actum et potentiam simpliciter, et respectu alicuius cui convenit utrumque : quia scilicet in respectu ad hoc, potentia est prior ; sed simpliciter, non in hoc vel in illo, actus est prior. Quod probatur : quia omne quod est in potentia, non reducitur ad actum, nisi per aliquod ens actu. — Secunda vero consequentia probatur. Omne corpus est in potentia : ergo. Assumptum probatur : quia omne corpus est continuum, in cuius ratione cadit potentia ad divisionem ; est enim divisibile in semper divisibilia, ut dicitur in VI Physic [c. I, n. 3]. |
<7> IV. Deuxièmement [cf. §II]. Dieu est l'être premier : donc acte pur : donc <il> n'est pas un corps. — L'antécédent se tire nettement de ce qui a été dit à l’article précédent. La première conséquence est établie. L’acte précède absolument (simpliciter) la puissance : donc l'être premier est un acte dépourvu de puissance : ce qu’est l’être de l’acte pur. L’hypothèse est posée, en montrant la différence d'ordre entre l'<être en> acte et l’<être> en puissance simplement, lorsqu’ils se rapportent à une chose quelconque : c’est-à-dire que d’un certain point de vue, la puissance est antérieure <à l’acte> ; mais dans l’absolu (simpliciter), non comme ici ou ailleurs, l'acte est antérieur. C’est prouvé : que tout ce qui est en puissance ne s’actualise que par un quelconque être actuel. — La deuxième conséquence est prouvée. Tout corps est en puissance : donc <etc>. L'hypothèse est prouvée : que tout corps est continu, lequel par définition est en puissance à la division ; le divisible est en effet indéfiniment divisible, comme il est dit dans le sixième livre de la Physique [c. I, n. 3]. |
<8> V. Tertio. Deus est nobilissimum omnium entium : ergo non est corpus. — Antecedens patet ex praecedenti articulo. Consequentia probatur : quia corpori repugnat esse nobilissimum. Quod probatur. Corpus aut est vivum, aut non vivum : sed neutrum est nobilissimum : quia non vivo vivum praestat, et vivo praestat id quo vivit. Quod esse aliud a corpore probatur : quia corpus, inquantum corpus, non vivit ; alioquin omne corpus viveret. — Omnia clara sunt. |
<8> V. Troisièmement. Dieu est le plus noble de tous les êtres : il n'est donc pas un corps. — L'antécédent se tire nettement de ce qui a été dit à l’article précédent. La conséquence est prouvée : qu'il répugne d’admettre qu’un corps soit l’entité la plus noble. C'est prouvé. Un corps est ou vivant ou non vivant ; mais le plus noble en est indifférent : car le vivant ne surpasse pas la vie, et ce qu’est la vie surpasse le vivant. Qu’il en va autrement, c’est prouvé par le corps <de l’article> : que le corps, en tant que corps, n’est pas en vie ; dans le cas contraire toute chose vivrait. — Tout est clair. |
<9> VI. Veruntamen, propter instantiam quorundam, illa propositio, vivens est nobilius non vivente, quibusdam non videtur vera : quia sequeretur quod formica esset nobilior caelesti corpore, quod communiter tenetur non vivere. |
<9> VI. En effet, suivant les instances de certains, cette proposition <selon laquelle> le vivant est plus noble que le non-vivant n’apparaît pas comme vraie : car il suit que la fourmi serait plus noble que le corps céleste, lequel est communément admis comme non vivant. |
<10> Ad hoc
dicitur quod corpus caeleste forte est vivum, secundum veritatem. Et tamen si
comparetur ad formicam, non inquantum vivit, sed inquantum caeleste corpus,
facilis est responsio. Dicetur enim quod formica ut vivens, est nobilior
corpore caelesti seclusa vita. Et hoc est necessarium : quia hoc nihil aliud
est quam dicere quod anima est nobilior quocumque corpore ; totus namque ordo
animarum est supra totum ordinem corporum, ut patet. |
<10> À cela nous
disons, qu’un corps céleste est à dire vrai sans doute vivant. Et toutefois,
si nous le comparons à la fourmi, non pas en tant qu’il vit, mais en tant
qu'il est un corps céleste, la réponse est aisée. Nous disons en effet que la
fourmi, en tant qu’elle est vivante, est plus noble que la vie du corps céleste.
Et cela est nécessaire : car ce n’est rien d’autre que de dire que l’âme est
plus noble que quelque corps que ce soit ; le fait est que ce tout de l’ordre
des âmes est supérieur à ce tout de l’ordre des corps, comme cela est
manifeste. |
<11>
Sed si secundum veritatem caelum non est vivum, tunc difficilior est
responsio. Non enim potest dici quod ista comparatio est vera formaliter, et
non simpliciter : idest quod vivens ut sic, est nobilius non vivente ut sic.
Tum quia ista comparatio esset puerilis : cum lapis ut sic, sit etiam
nobilior non lapide ut sic ; et universaliter omne positivum sua negatione.
Tum quia non haberetur intentum in proposito. Intendit enim destruere Deum
esse in latitudine corporum, quia vita est nobilior corporeitate. Constat
namque quod gradus vitalis in universo superior est gradu naturae, ut
distinguitur natura contra animam : et quod corporeitas, secundum totam
latitudinem suam, clauditur infra ordinem vitae. Igitur non secundum quid,
sed simpliciter, tota latitudo corporis est infra latitudinem vitae. Et
propterea, si Deus est nobilissimum ens, non potest esse corpus : quia datur
ordo superior, scilicet vitalis, in quo patet esse viventia. |
<11> Mais à dire vrai si le ciel n’est pas vivant, alors la réponse se présente comme difficile. On ne peut en effet pas dire que cette comparaison soit formellement vraie, et simplement <vraie> non plus : c'est-à-dire que le vivant comme tel est plus noble que le non vivant comme tel. Et du reste cette comparaison serait puérile : comme cette pierre ci, reste plus noble que cette absence de pierre là ; et universellement tout positif selon sa négation. Et ceci n’était pas dans l’intention de la proposition. L’intention était en effet d’évacuer toute étendue corporelle de l’être de Dieu, <et> que la vie est plus noble que la corporéité. Constate ce fait que le degré de vie dans l’univers est supérieur au degré de <vie dans> la nature, comme la nature se distingue de l'âme : et que la corporéité, dans toute son étendue, est enferrée au-dessous de l'ordre de la vie. Ainsi, non pas en ce sens, mais absolument (simpliciter), toute étendue corporelle est au-dessous de l’étendue de la vie. Et de par tout cela, si Dieu est l'être le plus noble, il ne peut pas être un corps : puisqu'il relève d’un ordre supérieur, c'est-à-dire vital, dans lequel la vie est manifestement présente. |
<12> Dicendum ergo est quod viventia sunt simpliciter nobiliora non viventibus, ut ratione adducta patet, et XVI de Animalibus [c. I] habetur : et quod, si caelum non est vivum, quod formica est simpliciter nobilius ens quam caelum. Caelum tamen est nobilius corpus quam formica : et propter hanc nobilitatem in genere corporum, multae nobilitates secundum quid respectu vitae, sibi conveniunt, puta incorruptibilitas, etc. |
<12> Nous disons donc que les entités vivantes sont simplement plus noble que les non vivantes, comme la raison l’assure clairement, et comme l’indique le traité De la génération des animaux [l. II, c. I] : et que, si le ciel n'est pas vivant, la fourmi est simplement un être plus noble que le ciel. Mais les cieux sont cependant plus nobles que le corps de la fourmi : et pour ce qui est de la noblesse dans le genre corporel, il y a de nombreuses noblesses regardant la vie, par exemple l'incorruptibilité, etc. |
<13> Aristoteles tamen, VI Ethic. [c. VII, n. 4 ; 1141b], dicit corpora caelestia esse nobiliora etiam homine, quia tenet illa viventia ; ut expresse in II Caeli [c. XII, n. 2] supponendum esse dicit. |
<13> Cependant Aristote, dans le sixième livre de l’Éthique à Nicomaque [c. VII, n. 4], dit que les corps célestes sont plus nobles que l'homme, parce qu'ils contiennent la vie ; comme c’est explicitement envisagé dans le deuxième livre <du traité> Du ciel [c. XII, n. 2]. |
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Article 2 : Y A-T-IL EN DIEU COMPOSITION DE MATIÈRE ET DE FORME ? |
<1> I. In titulo, adverte quod, licet apud s. Thomae doctrinam esse corpus et esse compositum ex materia et forma, convertantur et idem sint ; attamen, quia non sunt idem apud alios nec convertuntur (Averroes enim ponit [De Subst. Orbis, c. II] corpus in caelo, et tamen non compositum ex materia et forma : Avicebron autem ponit [cf. Fontis Vitae] compositum ex materia et forma in substantiis spiritualibus, et tamen non corpus), ideo, ut omnifariam completa sit doctrina, praesens movetur quaestio, an Deus sit compositus ex materia et forma. Et propterea omnes rationes in littera positae utuntur mediis abstrahentibus a corporeitate et quantitate, quatenus excludant etiam materiam spiritualem. |
<1> I. Dans le titre <de l’article>, considère que, bien que la doctrine de s. Thomas enseigne que l’être corporel et l’être composé de matière et de forme, se convertissent identiquement ; toutefois, ils ne sont pas identiques ni ne se convertissent vis-à-vis d’autres (Averroès en effet [De Subst. Orbis, c. II] pose un corps dans le ciel, et toutefois non composé de matière et de forme : mais Avicebron pose [cf. Fontis Vitae] une composition de matière et de forme dans les substances spirituelles, toutefois non corporelles), de même, partant <du cas> de la ferme doctrine de le toute-puissance, la présente question surgit, si Dieu est composé de matière et de forme. C'est pourquoi toutes ces raisons formulées dans le texte recourent à l’abstraction de la corporéité et de la quantité, au point même d’évacuer la matière spirituelle. |
<2> II. In corpore una conclusio, responsiva quaesito negative : Impossibile est in Deo esse materiam. — Probatur tripliciter. Primo, Deus est purus actus : ergo non habet materiam. Probatur sequela : quia materia est in potentia. |
<2> II. Dans le corps <de l’article>, une conclusion répond à la question par la négative : il est impossible qu’il y ait en Dieu de la matière. — C’est prouvé de trois façons. Premièrement, Dieu est acte pur : il n’a donc nulle matière. L’implication est prouvée : que la matière est en puissance. |
<3> Secundo. Deus est primum bonum, et optimum : ergo bonum non per participationem, sed per essentiam. Ergo non est compositus ex materia et forma. — Antecedens ex praecedentibus [q. II, a. 3] patet. Prima consequentia probatur. Bonum per essentiam prius est bono per participationem : ergo, si Deus est primum, etc. Secunda vero. Compositum est bonum per suam formam : ergo per participationem, secundum scilicet quod materia participat formam : ergo si, etc. |
<3> Deuxièmement. Dieu est le bien premier, et le plus haut : donc il est bon <non par> participation, mais par essence. Il n’est donc composé ni de matière ni de forme. — L’antécédent se tire clairement de ce qui précède [cf. q. II, a. 3]. La première conséquence est démontrée. Le bien par essence prime sur le bien par participation : donc, si Dieu est premier, etc. La seconde est valable. Le composé est bon par sa forme : donc par participation, c'est-à-dire en ce que la matière participe à la forme : donc si, etc. |
<4> Tertio. Deus est prima causa efficiens : ergo est primum et per se agens : ergo est primo et per se forma. Ergo non est compositus ex materia et forma. — Antecedens, cum prima consequentia, relinquitur pro constanti. Secunda vero probatur. Omne agens agit per suam formam : ergo unumquodque sic se habet ad esse agens, sicut ad esse formam, et e converso : ergo, si est primum et per se agens, est primo et per se forma, etc. |
<4> Troisièmement. Dieu est cause première efficiente : il est donc agent par lui-même premier : il est donc premier et forme par soi. Il n’est donc composé ni de matière ni de forme. — L'antécédent, et la première conséquence, sont présentement mis de coté. La seconde est prouvée. Tout agent agit par sa forme propre : donc chacune est telle de ce que possède l’être agent, comme être d’une forme, et inversement : donc, s’il est agent de lui-même premier, il est premier et forme par soi, etc. |
<5> III. Circa primam consequentiam, adverte quod aequivoce quodammodo sumitur ly primum in antecedente et consequente. Nam in antecedente sumitur ut notat ordinem prioritatis respectu ceterorum efficientium : in consequente vero sumitur ut significat secundum quod ipsum, ut in I Poster. [c. IV, n. 12] distinguitur primo contra per se et de omni. Ita quod ex hoc quod Deus est inter causas efficientes prima, infertur, ergo Deus est per se primo, idest secundum quod ipsum, efficiens. Et tenet sequela : quoniam non contingenter, sed necessario, et secundum essentialem causalitatem super alia efficientia, convenit ei esse primam inter efficientes causas, ut de se patet. His enim constantibus, iam patet quod ei convenit esse agens non per aliud ; et quod quibuscumque convenit, convenit per ipsum. Igitur est primo agens, iuxta doctrinam analyticam. |
<5> III. Relativement à la première conséquence, considère qu’il est en quelque façon possible d’entendre équivoquement ce premier de l’antécédent et du conséquent. De fait dans l'antécédent nous l’entendons comme signifiant l'ordre de priorité des autres efficients : <mais> du conséquent nous l’entendons comme signifiant selon ce qu’il est en lui-même, comme dans le premier livre des Seconds Analytiques [c. IV, n. 12] <où> le [simple] premier est distingué du par lui-même et du en toute chose. De là, on en infère que Dieu est premier parmi les causes efficientes, donc Dieu est premier par lui-même, c'est-à-dire en tant qu'il est lui-même efficient. Et il tire l’implication : que, non pas de façon contingente, mais nécessairement, et selon la causalité essentielle sur toute autre efficience, il lui revient d'être la première cause parmi toutes les causes efficientes, comme cela est manifeste. De ces certitudes en effet il est déjà manifeste qu'il lui revient d'être agent [premier et] non par autre chose ; et qu’il doit en être ainsi — par lui-même — quel que soit cet autre. Ainsi, suivant la doctrine des Premiers Analytiques, il est agent premier. |
<6> IV. Circa consequentiam assumptam in probatione secundae consequentiae, illam scilicet, agens agit per suam formam etc., adverte quod, si forma est ratio agendi (ut in antecedente assumitur, et pluries ab Aristotele dicitur), necesse est quod unumquodque, sicut se habet ad formam, ita se habeat ad rationem agendi, et consequenter ad esse activum, a priori procedendo : et e converso, a posteriori procedendo, sicut aliquid se habet ad esse activum, ita se habeat oportet ad rationem agendi, et consequenter ad formam. Ac per hoc valet secunda consequentia, si aliquid est primo activum, est primo ratio agendi et forma, et sic non est compositum ex materia et forma. Hanc autem convertibilitatem insinuat littera, dum primo dicit quod secundum quod aliquid se habet ad formam, sic se habet ad hoc quod sit agens ; et deinde, convertibilitatem subaudiendam volens, subdit : quod igitur est per se primo agens, est primo et per se forma. |
<6> IV. Relativement à la conséquence envisagée dans la preuve de la deuxième conclusion, c’est à dire que l'agent agit par sa forme, etc., considère que si la forme est la raison de l'opération [de l’agent] (comme il a été supposé dans ce qui précède, et qu’Aristote énonce à de nombreuses reprises), il est nécessaire que chaque chose, en tant qu’elle a sa forme, a pareillement la raison d’agent, et conséquemment <de> l’être actif, procédant a priori. Et inversement, procédant a posteriori, comme une chose se doit d’avoir l’être actif, il importe également qu’elle ait la raison d’agent, et conséquemment la forme. Et par là la deuxième conséquence est validée : si un élément quelconque est agent premier, il est première raison de la forme et de l’agent, et n'est ainsi pas composé de matière et de forme. Mais cette convertibilité est encore insinuée par le texte, lequel dit d’abord, en ce que cette chose quelconque à la <notion de> forme, elle a ainsi par là <la notion de> l’agent ; et ensuite, voulant sous-entendre la convertibilité, il précise : Donc ce qui est par soi agent premier, est premier et forme par soi. |
<7> V. Sed circa haec occurrit dubium. Quoniam hic processus videtur sophisticus : quoniam sub hoc communi, scilicet se habere ad formam, descenditur determinate ad hoc speciale, scilicet esse formam. Unumquodque enim ita se habere ad formam, ut ad esse agens, verissimum est : sed ex hoc non licet subsumere unumquodque ita se habere ad esse formam, sicut ad esse agens. Tum quia est sophisma consequentis. Tum quia hoc falsum est : quoniam ignis non ita se habet ad esse calorem, sicut se habet ad esse calefactivum ; quia ignis est primo calefactivus, non tamen est primo calor (imo non est calor, sed habens illum per se primo) ; et tamen calor est forma illa quae est ratio calefaciendi. Igitur ex hoc quod aliquid est per se primo agens, nihil aliud inferri potest, nisi quod per se primo habet formam quae est ratio agendi : et non quod sit per se primo forma, ut in littera fit, etc. |
<7> V. Mais sur ce point il y a un doute. Parce que ce procédé apparaît comme sophistique : car sous cette généralité, c'est-à-dire <qui> se rapporte à la forme, nous parvenons à cette détermination particulière, c'est-à-dire être une forme. Il est en effet très vrai que chacune de ces entités se rapporte à la forme, comme à l'être agent : mais il n’est de là pas permis de conclure que chacune de ces choses se rapporte à ce "être une forme", comme à un être agent. C’est donc un sophisme de conséquence. Et que cela est faux : car le feu n'a pas cet être de chaleur comme il a cet être qui chauffe ; que le feu est d'abord chauffant, et non pas la chaleur première (il n’est pas la chaleur, mais au contraire il possède cette chaleur par elle-même première) ; et cette chaleur est forme de ce qui est la raison du chauffant. Ainsi donc, du fait même que quelque chose est agent de soi premier, nous ne pouvons nullement en inférer autre chose, si ce n’est que le premier par soi a la forme qui est la raison de l’agent : et non qu'il soit par soi forme première, comme le fait le texte, etc. |
<8> VI. Ad hoc dicitur, quod oportet hic advertere duo : primo, quid importet ly per se primo ; secundo, quod sermones interpretandi sunt semper secundum subiectam materiam. Ex his enim omnia erunt manifesta. |
<8> VI. A cela nous disons, qu’il importe de noter deux choses : premièrement, que ce premier par soi est capital ; deuxièmement, que ces développements s’interprètent toujours selon la matière sujette. De là en effet tout s’éclairera. |
<9> Per se primo tale, ut dicitur I Poster., significat quod sit tale non per aliud, et reliqua sint talia per ipsum. Sed cum dicitur non per aliud, excluduntur non solum extrinseca, sed etiam partes, ut dicitur VII Physic. [c. I, n. 2] : ita quod illud quod est tale ratione partis, non est per se primo tale. Ac per hoc, illud cui convenit esse agens ratione partis, scilicet formae, non est per se primo agens : sed neque per accidens, sed per aliud, scilicet per partem. Et propterea nullum compositum ex materia et forma potest esse per se primo activum : quoniam omnia agunt non se totis, quia non ratione materiae (repugnat enim ei esse rationem agendi, cum de ratione eius sit potentia opposita actui qui est ratio agendi). Et hinc patet qualiter ex se habere ad esse agens, non solum licet inferre se habere ad formam, sed se habere ad esse formam, ut in littera factum est : et e converso fieri posset a priori : nec ullum est sophisma. |
<9> Ce premier par soi, comme il est dit dans le premier livre des Seconds Analytiques, signifie qu'il n'est pas tel par un autre, et les autres le sont par lui. Mais quand nous disons non par un autre, nous excluons non seulement l’extrinsèque, mais encore les parties, comme il est dit au septième livre de la Physique [c. I, n. 2] : ainsi, ce qui a la raison de partie, n'est pas ce premier par soi. Et par là, cette chose qui relève selon la partie de l’être agent, c'est-à-dire d'une forme, n'est pas par soi agent premier : pas non plus par accident, mais par un autre, c’est-à-dire par une partie. Et c’est pourquoi nul composé de forme et de matière ne peut être par soi premier agent : puisque tout agent n’opère pas selon le tout, lequel n’a pas la raison de matière (en effet son être répugne à la raison d’agent, puisque sa raison de <l’en> puissance s’oppose à son actualité qui est raison d’agent). Et il est de là manifeste que de soi l’efficacité se rapporte à l’être agent, non seulement de ce que l’on peut déduire de ce qui se rapporte à la forme, mais de ce qui se rapporte à l’être une forme, comme il est fait dans le texte : et l'inverse pourrait être fait a priori : pareillement sans sophisme aucun. |
<10> Ad instantiam autem de calore, dicitur quod si sermones ponderarentur secundum materiam subiectam, non fieret haec obiectio. Esse enim activum in communi, nullam imperfectionem includit ; convenireque potest alicui rei subsistenti in natura per se primo propriissime, ut loquimur. Esse vero calefactivum, imperfectionem claudit : quoniam dicit esse activum sic, idest materialiter. Et impossibile est quod conveniat alicui primo, simpliciter et absolute loquendo : quia oportet quod conveniat composito ex materia et forma, cui non potest convenire agere nisi secundum partem. — Sed tamen huiusmodi materiales activitates, secundum proprias rationes sumptae, dicuntur convenire alicui primo, eo modo quo possibile est inveniri primo in talium convenientia, idest in genere materialium agentium, et non simpliciter. — Et propterea instantia non est contra propositum. Quoniam licet de igne et calore, et aliis materialibus rationibus activis, non appareat vis consequentiae, hoc est quia in eis non invenitur esse agens nec esse tale agens primo, sed esse tale agens primo in genere agentium materialium : ubi primitas non excludit partem. Et tamen constat partem excludi per primitatem simpliciter. |
<10> Mais à ces instances sur la <question de la> chaleur, nous disons que si les discours avaient été consciencieux sur la <question de la> matière sujette, cette objection n'aurait pas eu lieu. Car en effet l’être actif en général n’inclut aucune imperfection ; et il peut correspondre à tout élément subsistant dans la nature premier par soi au sens le plus strict, comme nous l’avons dit. Mais le chauffant renferme de l'imperfection : car il est dit cet être actif, c'est-à-dire matériellement. Et il est impossible de convenir que cet élément soit premier, simplement et absolument parlant : car il est convenu qu’il doit être composé de matière et de forme, ce qui ne peut s’accorder avec cet agir si ce n’est selon la partie. — Mais il est dit cependant, de ces activités matérielles en question, en ce qu’elles sont proprement, qu’elles s’accordent avec un quelconque premier, autant qu’il est possible que se rencontrent ces-dites dispositions et ce premier, c'est-à-dire dans le genre des agents matériels, et non dans l’absolu (simpliciter). — Et c’est pourquoi cette instance ne va pas contre la proposition. Car, bien que du feu et de la chaleur, et autres choses semblables qui opèrent matériellement, la force de la conséquence semble inopérante, rien dans ces choses n’épouse l’être agent, ni même l’être de tel agent premier, mais seulement l’être de l’agent premier dans le genre des agents matériels : où la priorité n'exclut pas [l’opération de] la partie. Et cependant, observe que la partie exclut l’absolue priorité. |
<11> Stat igitur
vis consequentiae, quod si Deus est per se primo agens, ergo est per se primo
forma. Quia per se primo agens, est agens non per aliud, idest nec etiam per
partem, sed se toto : ac per hoc oportet totum esse formam ; et consequenter
incompositum esse ex materia et forma. |
<11> La force
donc de la conséquence est que si Dieu est par lui-même agent premier, il est
donc forme première par lui-même. Car être agent premier par soi, c’est ne
pas être agent par autre chose, c'est-à-dire par une partie, mais selon le
tout : et par là le tout s’impose comme "l’être une forme" ; et
conséquemment non composé de forme et de matière. |
<12> VII. In responsione ad tertium, dubium nascitur ex Durando [In I Sent., d. III, q. II] contra assignatam ibidem causam individuationis scilicet recipi in materia, vel non posse recipi in ea. Individuum dicitur individuum per negationem divisionis qua superius dividitur in sua inferiora : et est individuum per negationem essendi in alio sicut in subiecto inferiori, et non per negationem essendi in alio sicut in subiecto informationis. Sed tam recipi in materia, quam non posse recipi in illa, spectant ad esse et non esse in alio sicut in subiecto informationis. Ergo nihil horum spectat ad individuationem : sed aequivocatio commissa est circa ly esse in alio et ly subiectum. — Maior patet : alioquin hoc album non esset individuum, cum sit in alio sicut in subiecto informationis, scilicet in hac substantia. Minor vero est per se nota. |
<12> VII. En réponse au troisième point, surgit encore un doute de Guillaume Durand de Saint-Pourçain [In I Sent., d III, q. II] contre ce qui est donné comme cause d'individuation, c'est-à-dire la réception dans la matière, ou la non réception dans celle-ci. Il est dit d’un individu qu’il est individué par la négation de la division qui opère du supérieur vers l’inférieur : et qu’il est individué par la négation de l’étant dans un autre comme dans un sujet inférieur, et non par la négation de l’étant dans un autre comme dans un sujet informé [i.e réceptacle d’une forme — NDT]. Mais ces réceptions dans la matière, comme celles qui ne peuvent l’être, relèvent de l’être et du non être dans un autre comme sujet informé. Rien de tout cela ne regarde donc l'individuation : mais l'équivoque se présente au niveau de cet être en un autre et de ce sujet. — La majeure est manifeste : sous d’autres rapports cette blancheur ne pourrait pas être individuée, car ainsi elle serait dans un autre à la façon d’un sujet informé, c'est-à-dire dans cette substance. La mineure est d’elle-même évidente. |
<13> Et
confirmatur. Materia non est primum subiectum praedicationis, idest infimum
subiicibile : sed est primum subiectum* informationis. Ergo ex hoc quod est
primum subiectum, non est individuans. — Consequentia nota. Antecedens
probatur. Quia materiae, etsi conveniat ex se negatio essendi in alio ut in
subiecto informationis, non tamen convenit ei negatio essendi in alio ut in
subiecto inferiori : quoniam materia est quoddam universale, et praedicatur
de hac et illa materia ut universale et superius de suis inferioribus, ut
patet : alioquin materia non esset scibilis, cum scientia non sit nisi
universahum. — Male igitur videtur littera assignasse rationem individui ex
materia. |
<13> Et cela est
confirmé. La matière n'est pas sujet premier de la prédication, c'est-à-dire
le plus élémentaire qui soit : mais elle est le premier sujet informé. Donc
ce qui est sujet premier, n’est pas individuant. — La conséquence est
évidente. L'antécédent est prouvé. Parce que de soi la matière, quoiqu’elle
soit négation de l'étant dans un autre comme dans un sujet informé, ne
convient cependant pas à la négation de l’étant dans un autre comme dans un
sujet inférieur : puisque la matière est éminemment universelle, que
cette matière se prédique comme universelle et supérieure à ses inférieures,
comme c’est manifeste : la matière ne serait pas scientifiquement
connaissable si elle n’était pas universelle. — La raison de l’individuation
par la matière avancée dans le texte semble donc comme fausse. |
<14> VIII. Ad hoc est breviter dicendum, concedendo quod alius est modus essendi in alio ut' in subiecto inferiori, et alius ut in subiecto informationis : et similiter quod aliud est esse subiectum ibi et hic. Sed cum hoc stat quod naturam esse in alio ut superius in inferiori, non quocumque, sed singulari, et eam esse in alio per informationem, sunt idem, non formaliter, sed causaliter : ita quod ad quidditatem aliquam esse in alio per informationem, naturaliter sequitur ipsam esse in alio ut inferiori singulari ; et ad quidditatem non posse esse in alio per informationem, sequitur ipsam non posse esse in singulari ut inferiori, sed ipsam esse per se singularem. Et hoc est quod in littera dicitur. Assignat enim esse vel non esse in alio per informationem, pro radice individuationis : et non pro formali constitutivo individui, ut obiectiones male interpretantur. Probare autem quod haec sit radix individuationis, praesentis excedit limites negotii : inferius [cf. coment. super. q. XXIX, a. 1 ; q. XLI, a. 6 ; q. LIX, a. 1] potius, ubi de individuatione ex proposito agetur, tractabitur. Sat est hic, pro notitia litterae, scire quod, apud nos, iste modus essendi in alio per informationem, non est constitutivus formaliter, sed causaliter, individui. |
<14> VIII. Il est brièvement dit à ce propos que, nous concédons qu’autre est le mode d’être comme dans un sujet inférieur, et autre <le mode d’être> dans un sujet informé : et pareillement qu’autre est l’être sujet ici et là. Mais il est exact que la nature est dans un autre comme le supérieur dans l’inférieur, et pas n’importe où, mais singulièrement, comme l’est cet être dans un autre par information, <et ces deux modes> sont identiques, non formellement, mais causalement : ainsi de l’être d’une chose dans une autre par information, se déduit naturellement son être dans un autre comme l’inférieur <et> le singulier ; et de ce que cette chose ne peut être dans une autre par information, se déduit qu'elle ne peut être dans un singulier comme inférieure, mais son être est singulier par soi. Et c'est ce qui est dit dans le texte. Car c’est l’être ou le non être dans un autre par information qui fonde la racine de l'individuation : et non le constitutif formel de l'individu, comme l’interprétait maladroitement l’objection. Mais prouver ce qu’est cette racine de l’individuation, excède présentement les limites de la discussion : <voir> plutôt ci-dessous [cf. comment. super. q. 29, a. 1 ; q. 41, a. 6 ; q. 59, a. 1], où nous traiterons de l’individuation suivant cette proposition en question. Il suffit ici, pour l'intelligence du texte, de savoir que, pour nous, ce mode d'être dans un autre par information, n'est pas le constitutif formel de <ce qu’est> l’individu, mais en est la cause. |
<15> IX. Unde ad obiectionem in oppositum dicitur, quod ex hoc quod hoc album est individuum, et in alio per informationem, nihil aliud habetur nisi quod [non*] esse in alio per informationem, non est formale constitutivum individui. Sed cum hoc stat quod, si albedinis natura non posset esse in alio per informationem, nunquam album esset in hoc albo ut superius in inferiori. Et rursus, hoc album non esset hoc per positionem differentiae individualis supra naturam, sed per negationem omnis differentiae individualis : quoniam non esset divisibilis in plura individua, ut in littera dicitur de formis non receptibilibus in materia. |
<15> IX. De cette objection qui nous est opposée, nous disons que le fait que ce blanc est individué, et dans un autre par information, sans rien ajouter d'autre qu’ [ne pas*] être dans une autre par information, <ceci> n'est pas le constitutif formel de l'individu. Mais il est assuré que si la nature de la blancheur ne pouvait pas être dans un autre par information, jamais ce blanc ne serait blanc comme le supérieur dans l’inférieur. Et encore, cette blancheur ne serait pas telle par la position des différences individuelles supérieures à la nature, mais par la négation de toute différence individuelle : puisqu'elle ne serait pas divisible en plusieurs individus, comme il est dit dans le texte des formes non susceptibles d’être reçues dans la matière. |
<16> Ad
confirmationem quoque, negatur consequentia. Quia ex hoc quod materia est
primum subiectum informationis, sequitur quod sit prima radix
individuationis, positive vel negative. — Negatur quoque antecedens. Quia
materia est primum etiam subiicibile, idest infimum, non totale, ut
individuum completum, sed partiale. — Et cum instatur contra, quia est
universale quoddam : respondetur quod materia secundum se non est universale
nec praedicabile, ut patet ex eo quod secundum se non est intelligibilis, et
consequenter nec scibilis : sed materia in analogia ad formam universalem,
intelligitur universalis, et fit praedicabile quoddam et scibile, etc. Et
propterea in littera dicitur quod forma, quantum est de se, potest esse in
pluribus, materia autem est primum subiectum : quia ergo omnis universalitas
est a forma, materia secundum se universalis non est : et cum primum
subiectum sit omnium praedicamentorum, ipsa est et infimum subiicibile
(partiale tamen), et primum subiectum informationis ; ac per hoc undique
individuationis radix. |
<16> Encore pour
confirmation, la conséquence est niée. Que du fait que la matière est le
premier sujet informé, il s'ensuit qu'elle est la racine première de
l'individuation, ou positivement ou négativement. — Cet antécédent est nié.
Car la matière est sujet premier, c'est-à-dire le plus élémentaire, non
totalement, comme l'individu complet, mais partiellement. — Et contre ce qui
est opposé, qu'elle relève de l’universel : nous répondons que de soi la
matière n'est ni universelle ni prédicable, comme il est manifeste de ce qui
est de soi inintelligible, et conséquemment inconnaissable : mais la matière
par analogie avec la forme universelle, s’entend comme universelle, et
devient de quelque façon prédicable et intelligible, etc. Et c'est pourquoi
il est dit dans le texte que la forme, en ce qu'elle est par elle-même, peut
être en plusieurs, mais que cependant la matière est sujet premier : que donc
tout universel est d’une forme, la matière n'est de soi pas universelle ; et
du fait qu'elle est le premier sujet de toutes les prédications, elle est le
sujet le plus élémentaire (partiellement cependant), et le premier sujet
informé ; et par là la racine de l’individuation à tout point de vue. |
<17> Sed de his in commentariis de Ente et Essentia [c. V], et in quaestionibus duabus, satis dictum est ; et inferius amplius dicetur. |
<17> Mais nous avons suffisamment traité de ces questions dans le commentaire sur <l’opuscule> de l’Être et l'Essence [c. V], comme dans ces deux questions ; et nous en dirons davantage ci-dessous. |
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Article 3 : Y A-T-IL EN DIEU COMPOSITION D’ESSENCE OU DE NATURE, ET DE SUJET ? |
<1> I. In titulo statim occurrit ambiguitas, pro quo supponit Deus in hoc quaesito, utrum Deus sit idem quod sua essentia. Ex secundo namque argumento, et ex toto processu corporis articuli, insinuatur quod supponit pro supposito divino : quoniam nihil aliud hic tractatur, nisi an suppositum naturae divinae, et ipsa natura, sint idem. Ex ratione vero suppositi ostenditur oppositum. Quoniam ad rationem suppositi requiruntur quinque conditiones : scilicet quod sit substantia, completa, individua, subsistens, incommunicabiliter : substantia, propter accidentia ; completa, propter partes ; individua, propter speciem; subsistens, propter humanitatem Christi ; incommunicabiliter, propter essentiam divinam, quae est communis tribus suppositis. Et sic, cum suppositum divinum idem significet quod persona divina, et in hoc articulo nulla fiat mentio de personarum constitutivis, consequens est quod ly Deus non stat pro supposito divino. — Et confirmatur hoc : quia inferius [q. XXXIX, a. 1] quaeretur ex proposito, utrum persona et essentia in Deo sint idem. Ergo, etc. |
<1> I. Une ambiguïté se présente instantanément dans le titre <de l’article>, pour ce que recouvre Dieu dans cette question, si Dieu est identique à ce qu’est son essence. Car du deuxième argument, et de tout le contenu du corps de l'article, il est insinué qu'il recouvre le suppôt divin : puisque rien d'autre n'est ici évoqué, sauf <la question de savoir> si le suppôt de la nature divine, et sa nature elle-même, sont identiques [?]. Mais <à partir> de la notion de suppôt se présente une objection. Car de cette raison du suppôt cinq conditions posent questions : à savoir qu'il soit une substance, complète, individuelle, subsistante, incommunicable : substance, en vue des accidents ; complet, en vue des parties ; individuelle, en vue des espèces ; subsistante, en vue de l'humanité du Christ ; incommunicable, en vue de l'essence divine, laquelle est commune aux trois suppôts. Ainsi donc, puisque le suppôt divin signifie la même chose que la personne divine, et dans dans cet article il n'est fait nulle mention des personnes constituantes, il s'ensuit que Dieu ne s’identifie pas au suppôt divin. — Et cela est confirmé : il est ci-dessous [q. 39, a. 1] demandé partant de la proposition <en question>, si la personne et l'essence en Dieu sont identiques. Donc, etc. |
<2> II. Ad hoc est dicendum, quod ly Deus potest tripliciter sumi. Primo, ut significat concretum quasi specificum naturae divinae, idest habens deitatem ; sicut homo significat habens humanitatem. Secundo, ut significat concretum individuale naturae divinae, idest hunc habentem deitatem, seu hunc Deum ; sicut homo potest supponere pro hoc homine. Tertio, ut significat suppositum naturae divinae, idest hunc incommunicabiliter habentem deitatem, idest hanc personam divinam ; sicut homo potest supponere pro Socrate. Sed hoc interest inter Deum ex una parte, et hominem ceterarumque naturarum concreta ex alia parte, quod in aliis non distinguitur individuum naturae in concreto a supposito (non enim distinguitur hic homo ab humano supposito, aut e converso) : in Deo autem distinguitur individuum naturae in concreto, idest hic Deus, a supposito divino, idest Patre et Filio et Spiritu Sancto. Et ratio est, quia hic Deus est simul terminus singularis, et communis tribus suppositis : quod est impossibile convenire individuo aliarum substantiarum. |
<2> II. Nous disons de cela, que <le mot> Dieu peut être triplement entendu. Premièrement, comme signifiant le concret, presque spécifiquement la nature divine, c'est-à-dire avoir la divinité ; comme homme signifie avoir l'humanité. Deuxièmement, comme signifiant l’individualité concrète de la nature divine, c'est-à-dire ce qui à cette divinité, ou ce Dieu ; comme homme peut s’identifier à cet homme. Troisièmement, comme signifiant le suppôt de la nature divine, c'est-à-dire cette entité qui, de façon incommunicable, possède la divinité, c'est-à-dire cette personne divine ; de même que homme peut désigner Socrate. Mais c'est qui différencie Dieu, d'une part, et l'homme et toute autre natures concrète d'autre part, c’est que dans ces dernières, la nature individuelle concrète n’est pas distinguée du suppôt (en effet cet homme ne se distingue pas du suppôt humain, ou inversement) : mais en Dieu la nature individuelle se distingue dans le concret, c'est-à-dire ce Dieu, du suppôt divin, c'est-à-dire le Père et le Fils et le Saint-Esprit. Et la raison en est que ce Dieu est à la fois propre au singulier et commun aux trois suppôt : ce qu'on ne peut nullement admettre de tout autre substance individuelle. |
<3> Tripliciter ergo cum accipi possit, dico quod hic non sumitur primo modo. Quia, ut in corpore articuli patet id pro quo supponit ly Deus, claudit in sua ratione principia individuantia Deum, inquantum individuantia sunt quae non significantur claudi in ly Deus quasi specifice supponente. — Neque etiam sumitur tertio modo. Tum quia nulla fit hic mentio de personalibus. Tum quia sub hoc sensu multa supponit praedeterminanda : et propterea inferius in hoc sensu quaeretur, in tractatu de personis divinis. — Sed sumitur secundo modo. Ita quod sensus est Utrum Deus, idest hic Deus, sit idem quod deitas. |
<3> Il peut donc être entendu triplement, [et] je dis qu’il ne s’entend pas du premier mode. Car, comme il est manifeste de ce que l’article dit à propos de ce que recouvre ce <mot de> Dieu, Dieu est renfermé dans sa raison de principe individuel, dans la mesure où d’autres individuations ne sont pas signifiées comme renfermées en ce Dieu entendu spécifiquement. — Il ne s’entend pas non plus du troisième mode. Car il n’est fait nulle mention du personnel. Et que ceci recouvre une multitude de sens prédéterminées : et c'est pourquoi la recherche sur cette question est poussée plus avant dans le traité sur les personnes divines. — Nous l’entendons donc de la deuxième manière. Le sens est donc de savoir si Dieu, c'est-à-dire ce Dieu, est identique à ce qu’est la déité. |
<4> III. Sed adverte quod hic Deus, significans individuum divinae naturae in concreto, habet duas conditiones in re : alteram negativam, scilicet quod non significat suppositum naturae divinae (et hoc secundum veritatem loquendo) alteram affirmativam, scilicet quod aequivalet supposito quoad habitudinem identitatis vel distinctionis a natura ; quoniam comparatur ad illam ut habens ad habitum, ut quod est ad quo est, ut subsistens ad naturam in qua et qua subsistit, etc. Et tertiam conditionem habet in opinione philosophorum, imo totius rationis humanae secundum facultatem naturae, scilicet quod ab omnibus accipitur ut suppositum naturae divinae : quia nulla deest sibi conditio suppositi, nisi incommunicabilitas ; quam non convenire sibi, quia communis est tribus personis, non ratione, sed revelatione fidei novimus. Et ex hac sequitur quarta conditio quoad nos : quod licet hic Deus non significet suppositum divinum simpliciter, tamen significat suppositum divinum stando infra limites tractatus de absolutis, qualis est praesens. |
<4> III. Mais considère que ce Dieu, signifiant l'individuation de la nature divine dans le concret, exige deux conditions dans la chose (in re) : l'une négative, c'est-à-dire ce qui ne signifie pas le suppôt de la nature divine (et c’est là dire une évidence) l’autre affirmative, c’est à dire que le suppôt est équivalent à la relation d’identité ou à la distinction de nature ; puisqu'il lui est comparé comme possédant cette relation, comme de ce qui est à ce que c’est, comme subsistant de la nature par laquelle et dans laquelle il subsiste, etc. Et une troisième condition dans l'opinion des philosophes, mais encore de toute raison humaine selon la faculté naturelle, c’est à dire ce qui est accepté de tous comme un suppôt de la nature divine : que rien ne manque à sa condition de suppôt, si ce n’est l'incommunicabilité ; laquelle ne lui convient pas proprement, car elle est commune aux trois personnes, <chose que nous savons> non par la raison, mais par notre foi en la révélation. Et de là suit pour nous une quatrième condition : bien que ce Dieu ne signifie pas absolument (simpliciter) le suppôt divin, il signifie cependant le suppôt divin au dessous des exigences de l’absolu, comme c’est ici le cas. |
<5> Propter primam conditionem, caute loquitur littera, tam quaerendo quam concludendo et respondendo : semper enim, de Deo in speciali sermonem habens, nominat Deum et deitatem, et nunquam suppositum divinum. Propter alias vero tres conditiones, utitur nomine suppositi et naturae, in communi loquendo : et ex communibus regulis identitatis aut distinctionis suppositi a natura, quaestionem determinat. Idem namque est iudicium de distinctione huius Dei a deitate, et suppositi a natura : quoniam aequivalet illud individuum supposito quoad hoc ; distinguitur enim suppositum a natura, ut habens ab habito, et quod est a quo est, et subsistens ab eo quo subsistit, etc. Nec congruebat doctrinae ordini, ut tractatui de absolutis immiscerentur respectiva revelata, et tam remota ab his principiis, tot intercedentibus mediis quaestionibus decidendis. |
<5> Pour la première condition, le texte parle prudemment, aussi bien en questionnant, qu’en concluant et en répondant : car constamment, lorsqu’il propose une analyse particulière de Dieu, il évoque Dieu et la déité [ou divinité], et jamais le suppôt divin. Du fait de trois autres conditions, il utilise le mot de suppôt et de nature, parlant en général : et d'après les communes règles d'identité ou de la distinction du suppôt et de la nature, il solutionne la question. De même, sont astucieusement distingués ce Dieu de la déité, et le suppôt de la nature : puisque le suppôt est ici équivalent à cette individualité ; en effet le suppôt est distingué de la nature, comme ayant telle disposition [particulière], et qu’il est de ce qu’il est, et subsiste de ce qui de lui subsiste, etc. Il ne convenait pas à l’ordre <d’exposition> de la doctrine que s’immiscent dans l’analyse de l’absolu les choses relatives à la révélation, si éloignées de ces principes, et définis par de nombreuses questions intermédiaires. |
<6> IV. In corpore est una conclusio, responsiva quaesito affirmative : Deus est idem quod sua essentia seu natura. — Probatur. Ratio differentiae inter naturam et suppositum, est distinctio naturae a materia individuali : ergo in formis simplicibus, quae per seipsas individuantur, non differt suppositum a natura : ergo Deus est sua deitas, et sua vita, etc. |
<6> IV. Dans le corps <de l’article> une conclusion répond à la question par l’affirmative : Dieu est identique à son essence ou à sa nature. — C'est prouvé. Le fondement de la différence entre la nature et le suppôt est la distinction entre la nature et la matière individuée : donc, dans les formes simples, qui s'individuent par elles-mêmes, le suppôt ne diffère pas de la nature : donc Dieu est sa déité et sa vie, etc. |
<7> Antecedens probatur ex ratione distinctionis naturae et suppositi in rebus materialibus, notioribus nobis. Natura comprehendit in se ea tantum quae cadunt in definitione speciei : ergo non comprehendit materiam individualem ergo ex hoc distinguitur a supposito. — Assumptum patet. Et prima consequentia nunc facta probatur dupliciter. Primo, quia materia individualis non clauditur in definitione speciei ; ut patet de his carnibus respectu naturae humanae. Secundo, quia principia definientia habent se formaliter respectu materiae individuantis : in cuius signum, humanitas significatur ut pars formalis hominis. — Secunda autem probatur : quia in suppositi ratione, si definiretur, clauderetur materia individualis, ut in Socrate. |
<7> L'antécédent est prouvé partant de la raison de la distinction entre nature et suppôt dans le domaine, pour nous plus évident, des choses matérielles. La nature n'intègre en elle-même que les choses qui tombent sous la définition de l'espèce : elle n'intègre donc pas la matière individuelle, donc de là nous la distinguons du suppôt. — L'hypothèse est clarifiée. Et la première conclusion est maintenant doublement prouvée. Premièrement, parce que la matière individuelle n’est pas renfermée dans la définition d’une espèce ; comme c’est manifeste de <l’exemple> cette chair relativement à la nature humaine. Deuxièmement, parce que le principe définitionnel entretient un rapport formel avec la matière individualisante : dans le cas du signe, l'humanité est signifiée comme une partie formelle de l'homme. — Mais la seconde est prouvée : car dans la notion de suppôt, si nous la définissions, la matière individuelle serait renfermée, comme dans le cas de Socrate. |
<8> Consequentia autem prima ut per se nota relinquitur. — Secunda autem probatur : quia Deus non est compositus ex materia et forma, ut ex praecedenti patet articulo. |
<8> La première conséquence comme évidente par elle-même est laissée là. — Mais la seconde est prouvée : parce que Dieu n'est pas composé de matière et de forme, comme il ressort de l'article précédent. |
<9> V. Circa terminos assumptos in antecedente, et consequenter in tota hac ratione, distingue primo ly natura et ly suppositum. Possumus enim de eis loqui dupliciter : uno modo, secundum rem tantum ; alio modo, secundum modum significandi. Sumuntur natura et suppositum secundum rem tantum, quando sumuntur secundum proprias rationes rei quam significat natura, et rei quam significat suppositum, abstrahendo a modis significandi : verbi gratia, quando sumitur natura humana secundum eius propriam definitionem, et Socrates secundum eius rationem propriam, non curando an natura significetur in abstracto vel concreto, etc. — Sumuntur autem secundum modos significandi, cum sumuntur ut stant sub nominibus primae intentionis, puta humanitas, homo, Socrates, Socrateitas, etc. |
<9> V. Relativement aux termes proposés dans ce qui précède, et conséquemment dans toute cette argumentation, il faut distinguer premièrement cette nature et ce suppôt. Nous pouvons en effet en parler de deux façon : d’une première façon, selon la chose seulement ; d'une seconde façon, selon le mode de signification. La nature et le suppôt s’entendent cependant selon la chose, lorsqu'ils sont pris selon la raison propre de la chose que signifie la nature, et <selon la raison propre> de la chose que signifie le suppôt, abstraction faite du mode de signification : par exemple, lorsque nous entendons la nature humaine selon sa définition propre, et Socrate selon sa raison propre, sans s’enquérir du fait de savoir si la nature est signifiée dans l'abstrait ou dans le concret, etc. — Nous les entendons cependant selon le mode de signification, en tant qu’ils sont nommés en première intention, par exemple humanité, homme, Socrate, Socratéité, etc. |
<10> Sermo praesens est de natura et supposito secundum rem, et non secundum modum significandi : hoc enim potius logici, illud metaphysici negotii est. Et ideo cessant omnes argumentationes et responsiones, quae immiscent significari per modum partis, vel excludere a significatione, aut nec excludere nec includere, et similia ; quae ad differentiam inter haec ex modis significandi, non ex rebus, spectant. — Nec obstat quod in corpore huius articuli inferatur quod humanitas significatur ut pars formalis hominis, ad probandum quod natura non includat materiam individualem : quoniam hoc allatum est ut signum a posteriori notius, ad manifestandum etiam ex modo significandi, distinctionem secundum rem naturae a materia individuali. |
<10> Le présent développement traite de la nature et du suppôt selon la chose, et non selon le mode de signification : cela peut en effet être traité logiquement et métaphysiquement. Et pareillement pour tous les arguments et toutes les réponses, lesquelles s’immiscent dans la signification par mode de partie, ou d’exclusion de la signification, ou <encore> ni d’exclusion ni d’inclusion, et ainsi de suite ; lesquels référent de la différence entre ces modes de signification, et non des choses. — Mais il ne répugne pas d’inférer du corps de cet article que l’humanité est signifiée comme partie formelle de l’homme, de la preuve que la nature n’inclue nulle matière individuelle : laquelle est présentée comme un signe davantage connu a posteriori, de ce qui est encore manifesté du mode de signification, la distinction entre la chose naturelle et la matière individuelle. |
<11> VI. Distingue secundo ly differre, seu differentia. Est enim duplex : secundum rationem, et secundum rem. Et haec subdividitur in differentiam realem inter rem et rem : et in differentiam realem inter rem includentem aliquid reale, et non includentem illud (includere autem et non includere nunc dicimus, non ex modo significandi, sed ex ratione formali rei significatae formaliter sumptae). Et haec rursus subdividitur in differentiam realem penes inclusionem alicuius realis intrinsece, sicut homo differt ab animali quia includit intrinsece rationale : et penes inclusionem alicuius realis extrinsece, sicut disciplinabile differt ab homine (fingendo quod disciplinabilitas sit eadem res quod natura hominis), quia includit extrinsece disciplinam, ut actum per quem definitur, quam non includit homo in sua ratione. |
<11> VI. Distingue deuxièmement cette différence, ou ce différer. L’acception est en effet double : selon la raison et selon la chose. Et cela se subdivise en différentes réalités entre chose et chose : et en différentes réalités entre la chose qui inclut une certaine réalité et celle qui ne l'inclut pas (mais nous disons ici inclure et ne pas inclure, non pas du mode de signification, mais de la raison formelle de la chose formellement entendue). Et de là encore <ces choses> sont subdivisées en différentes réalités par l'inclusion de quelque chose de réel intrinsèquement, tout comme l'homme diffère de l'animal parce car il inclut intrinsèquement la raison : et par l'inclusion de quelque chose de réel extrinsèquement, tout comme le disciplinable diffère de l'homme (en imaginant que le fait d’être discipliné est comparable à ce qu’est la nature humaine), parce-qu’il inclut extrinsèquement la discipline, comme un acte par lequel il se définit, que l'homme n'inclut pas dans sa définition. |
<12> VII. Quatuor igitur cum sint modi differentiae : secundum rationem tantum, ut est inter hominem et humanitatem ; inter rem et rem, ut est inter Socratem et Platonem ; inter rem includentem intrinsece aliquid reale, et abstrahentem ; et inter includentem extrinsece aliquid reale, et abstrahentem ab illo : in antecedente assumpto [cf. § IV], et tota hac ratione ac conclusione, sermo tantum est de differentia tertio modo, idest penes inclusionem intrinsecam. |
<12> VII. Il y a donc quatre mode de différence : selon la raison seulement, comme c’est le cas entre l'homme et l'humanité ; entre la chose et la chose, comme c’est la cas entre Socrate et Platon ; entre la chose qui inclut intrinsèquement une quelconque réalité et l’abstrait ; et entre la chose qui inclut extrinsèquement une quelconque réalité et l’abstrait : cela est posé dans ce qui précède [cf. § IV], et dans toute cette argumentation et conclusion, nous parlons seulement du troisième type de différence, c'est-à-dire selon l'inclusion intrinsèque. |
<13> Non enim est hic sermo de differentia secundum rationem tantum : quoniam suppositum et natura in omnibus, etiam in Deo, sic distinguuntur. Deus enim et deitas, ratione modi significandi, distinguuntur intantum, quod ista est haeretica, deitas generat deitatem, et ista catholica, Deus generat Deum, ut patet in principio Decretalium [cf. De Summa Trinitate, c. II]. — Neque etiam est hic sermo de differentia reali, qualis est inter rem et rem. Constat enim quod natura substantialis et suppositum non possunt naturaliter sic distingui, ut sint totaliter duae res diversae. — Nec etiam est hic sermo de differentia reali extrinseca : quoniam falsum esset antecedens ; et falsum esset quod in substantiis immaterialibus non differt suppositum et natura. In substantiis enim separatis, suppositum a natura differt extrinsece : quia suppositum, ut sic, includit subsistere (quod est esse per se), non intrinsece, sed quodammodo quasi ut proprium actum, ad quem quodammodo deberet definiri si definiretur ; natura autem, non. Et propterea s. Thomas, in Quodlibeto II, qu. II, art. 2, de tali differentia loquens, dixit quod in angelis differt suppositum a natura. |
<13> Il n’est en effet pas question ici d’une différence selon la raison seulement : puisque le suppôt et la nature en général, savoir Dieu, se distinguent. En effet Dieu et la divinité (deitas), du fait du mode de signification, se distinguent, au sens où ceci est hérétique, la divinité engendre la divinité, et ceci orthodoxe (catholica), Dieu engendre Dieu, comme cela est manifeste au début des Décrétales [cf. De Summa Trinitate, c. II] — Il n'est pas non plus question ici d'une différence réelle, laquelle distingue une chose et une chose. Il est clair en effet que la nature substantielle et le suppôt ne peuvent naturellement se distinguer, comme si c’était deux choses totalement différentes. — Il n'est pas non plus question ici d’une différence réelle extrinsèque : laquelle invaliderait l’antécédent ; et il serait faux que dans les substances immatérielles la suppôt et la nature ne diffèrent pas. Le fait est que dans les substances séparées, le suppôt diffère extrinsèquement de la nature : car le suppôt, en tant que tel, inclut <le fait de> subsister (qui est l'être par soi), non pas intrinsèquement, mais d'une certaine façon presque comme son acte propre, par lequel il faudrait d’une façon ou d’une autre définir si nous devions poser une définition ; mais la nature, non. Et c’est pourquoi s. Thomas, dans la question deux, article deux, des Questions quodlibétiques II, évoquant une telle différence, dit que chez les anges le suppôt diffère de la nature [cf. également, De Potentia, q. 7, a. 4, resp. MDT]. |
<14> Relinquitur igitur quod sit hic sermo de differentia penes inclusionem intrinsecam. Tum quia ratio assumpta in littera manifeste secundum talem differentiam distinguit suppositum a natura in rebus materialibus ; quia scilicet suppositum includit materiam individualem, quam non includit natura : constat enim hoc intelligi de intrinseca inclusione. Tum quia in separatis a materia, tali differentia non distinguitur suppositum a natura, ut hic affirmatur, ex eo quod individuantur per seipsa : idest quia idem est constituens naturam et individuum ; ac per hoc, nihil intrinsecum includit individuum, quod non claudat natura, et e converso. Tum quia idem censetur iudicium in littera de identitate suppositi et naturae in substantiis separatis, et Dei cum deitate : hoc enim non est simpliciter verum, nisi de differentia intrinseca loquendo ; quoniam, ut iam dictum est, in Quodlibetis aliud protulit iudicium, loquendo de differentia extrinseca. |
<14> Aussi, reste à traiter dans ce texte ce qui est dit de la différence relative à l’inclusion intrinsèque. Car l’argumentation avancée dans le texte établie clairement une telle différence entre le suppôt et la nature dans les choses matérielles ; c’est-à-dire que le suppôt inclut la matière individuelle, laquelle n'inclut pas la nature : c’est là en effet la compréhension de l’inclusion intrinsèque. Car dans la séparation de la matière, une telle différence ne distingue pas le suppôt de la nature, comme il est ici affirmé, de ce qu’elle individue par elle-même : c'est-à-dire que les éléments constitutifs de la nature et de l'individu sont identiques ; et par là rien d'intrinsèque n'inclut l'individu, que la nature ne renferme nullement, et inversement. Et ce jugement est estimé identique dans le texte <qui traite> de l'identité du suppôt et de la nature dans les substances séparées, et de Dieu avec la divinité : en effet cela n'est pas vrai absolument (simpliciter), si ce n’est lorsque nous parlons d'une différence intrinsèque ; car, comme nous l'avons dit, un autre jugement est avancé lorsqu’il est débattu de la différence extrinsèque dans les Questions quodlibétiques. |
<15> Est ergo
sensus antecedentis, quod ratio differentiae intrinsecae inter naturam et
suppositum, secundum rem seu rationes formales sumpta [cf. § V], est distinctio
naturae a materia individuali. Et similiter sensus omnium conclusionum quae
implicite hic continentur, de supposito et natura in rebus materialibus et in
separatis a materia etc, eodem intellectu sumendus est. |
<15> C’est donc
le sens de l'antécédent, que la raison de la différence intrinsèque entre la
nature et le suppôt, selon la chose ou la raison formelle [cf. § V], est la
distinction entre la nature et la matière individuelle. Et pareillement le
sens de toute conclusion qui est implicitement contenue ici, touchant le
suppôt et la nature dans les choses matérielles et dans la séparation de la
matière, etc., ceci doit s’entendre dans le même sens. |
<16> VIII. Et si praedicta diligenter inspexeris, complecteris dispositionem omnium rerum quoad identitatem et distinctionem inter suppositum et naturam. Habes enim in primis, quod suppositum et natura non substantialiter constituens suppositum (sive sit natura accidentis, ut Socrates et eius complexio ; sive sit substantia quasi adventitia, ut humanitas Verbi Dei) distinguuntur quadrupliciter : scilicet ut res et res, et intrinsece, et extrinsece, et secundum rationem. — Habes secundo, quod suppositum et natura in substantiis compositis, distinguuntur intrinsece, et extrinsece, et secundum rationem. — Habes tertio, quod in substantiis immaterialibus, distinguuntur suppositum et natura, non intrinsece, sed extrinsece secundum rem, et secundum rationem. — Habes quarto, quod in Deo nullo modo distinguuntur secundum rem Deus et deitas : sed ratione tantum modi significandi. — Habes et concordiam dictorum s. Thomae, et intellectum eorum quae in diversis locis de hac materia scripta sunt. |
<16> VIII. Et si ce qui a été dit est attentivement examiné, seront embrassées les tendances de toutes choses en ce qui touche à l'identité et la distinction entre le suppôt et la nature. Et premièrement en effet, que le suppôt et la nature se distinguent non substantiellement de quatre façons (que cette nature soit accidentelle, comme Socrate et ce qui le constitue ; ou qu'elle soit substance quasi survenante, comme l'humanité du Verbe de Dieu) : à savoir, comme chose et chose, et intrinsèquement et extrinsèquement, et selon la raison. — Et deuxièmement que le suppôt et la nature dans les substances composées se distinguent intrinsèquement et extrinsèquement, et selon la raison. — Et troisièmement, que dans les substances immatérielles, le suppôt et la nature se distinguent, non pas intrinsèquement, mais extrinsèquement selon la chose et selon la raison. — Et quatrièmement, qu'en Dieu, Dieu et la divinité (deitas) ne se distinguent nullement selon la chose : mais seulement selon le mode de signification. — Et encore à disposition les nombreux écrits de s. Thomas, et les nombreux écrits ici et là sur cette question. |
<17> IX. Circa primam consequentiam in littera factam [cf. § IV], adverte quod ideo relicta est pro constanti, quia fundatur super illa regula posterioristica satis trita, si affirmatio est causa affirmationis, negatio est causa negationis, et e converso [I Poster., c. XIII, n. 8]. Et quoniam haec maxima non tenet nisi in causis propriis, ideo in antecedente ly ratio, cum dicitur ratio differentiae etc, supponit pro ratione propria. Itaque sensus est : propria et praecisa ratio differentiae intrinsecae inter naturam et suppositum. Et tunc manifeste patet vis consequentiae, ex negatione talis rationis, negationem sui effectus inferens. |
<17> IX. Relativement à la première conclusion formulée dans le texte [cf. § IV], considère qu'elle est pareillement tenue pour intangible, laquelle est fondée sur cette règle bien connue des Seconds Analytiques, si l'affirmation est cause de l'attribution, la négation est cause de la non-attribution, et inversement [Seconds Analytiques, l. I, c. XIII, n. 8 ; cf. 78b 20]. Et puisque cette maxime n’est pas tenue sauf <dans le cas> des causes propres, <il en va> de même pour cette raison dans ce qui précède, comme lorsqu'il est dit raison de la différence, etc., elle est supposée être une raison propre. C’est pourquoi le sens est le suivant : la raison propre et précise de la différence intrinsèque entre la nature et le suppôt. Et cela clarifie la force de la conséquence, de telle raison de la négation, est inféré son effet propre. |
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Article 4 : Y A-T-IL EN DIEU COMPOSITION DE L’ESSENCE ET DE L’EXISTENCE ? |
<1> I. In titulo, ly essentia significat deitatem, quae per definitionem Dei importaretur, si definiretur : ly esse importat significatum per ly est secundum adiacens, cum dicimus « Deus est », et similiter, « homo est », etc. : ly idem importat identitatem realem. Ita quod sensus est : Utrum res significata per ly Deus, sit res significata per ly est, cum dicitur Deus est. |
<1> I. Dans le titre <de l’article>, cette essence signifie la déité (deitatem) [ou divinité], laquelle par définition importe à Dieu si nous le définissons : <l’>être importe pour la signification de est selon leur rapport, lorsque nous disons <que> : « Dieu est », et de même : « l'homme est », etc. : identique importe à l’identité réelle. Ainsi le sens <de la question> est : si la chose signifiée par Dieu s’identifie à la chose signifier par est [ou existe], lorsque nous disons <que> Dieu est. |
<2> Et scito quod
ista quaestio est subtilissima, et propria antiquis metaphysicis : a
modernulis autem valde aliena, quia tenent non solum in Deo, sed in omni re, essentiam
identificari existentiae illius. Sit ergo nostra haec quaestio ad alios autem
erit quaestio specialis, de distinctione esse ab essentia universaliter*. |
<2> Et comprend
bien que cette question est très subtile et propre aux anciens métaphysiciens
: mais elle est fort étrangère aux modernes, lesquels tiennent non seulement
en Dieu, mais en toutes choses, l’essence pour identique à l’existence <de
ces entités>. Qu’elle soit donc notre question, mais pour d’autres elle
sera une question particulière, <à savoir> de distinguer
universellement l’être de l’essence. |
<3> II. In corpore una conclusio : Deus est suum esse. — Probatur tripliciter. Primo. Deus est primum efficiens : ergo habet esse non causatum ab extrinseco : ergo est suum esse. |
<3> II. Dans le corps <de l’article,> une conclusion : Dieu est l’être lui-même. — C’est prouvé de trois façons. Premièrement. Dieu est l’efficient premier : son être n’a donc nulle cause extrinsèque : c'est donc l’existence elle-même. |
<4> Antecedens ex
dictis [q. II, a. 3] patet. — Consequentia prima patet ex terminis. — Secunda
autem probatur. Omne conveniens alicui distinctum ab essentia eius, aut
causatur ab essentia tantum, aut ab extrinseco : ergo si esse distinguitur,
causatur vel ab intra vel extra. Sed ab intra tantum, est impossibile : quia
nihil est sibi ipsi sufficiens causa ut sit. Ergo, si ab extrinseco non est
causatum, est idem. Quod est consequentia probanda. |
<4> L’antécédent est manifeste de ce qui a été dit [q. II, a. 3]. — La première conséquence ressort clairement des termes. — La seconde cependant est prouvée. De tout ce qui convient à une quelconque distinction de l’essence, <il y a> ou ce qui est causé de cette essence, ou <ce qui est causé> extrinsèquement : si donc l’être <en> est distingué, il est causé ou de l’intérieur ou de l’extérieur. Mais de l’intérieur, c'est impossible : car une telle cause n’est de soi nullement suffisante. Donc pareillement, si c’est de l’extérieur (ab extrinseco) ce n’est pas causé. C'est la conséquence prouvée. |
<5> III. Secundo. Deus est actus purus : ergo essentia eius non se habet ad esse ut potentia ad actum : ergo est suum esse. — Antecedens patet. Et prima consequentia est nota ex terminis. Secunda probatur. Esse est actualitas omnis formae seu naturae : ergo omnis natura distincta ab esse comparatur ad ipsum ut potentia ad actum : ergo, si non comparatur ut potentia, est ipsum esse. Assumptum probatur : quia nulla res significatur in actu, nisi signiticetur ut est. |
<5> III. Deuxièmement. Dieu est acte pur : donc son essence n’a pas l’être comme puissance d’actuation : c'est donc son être propre. — L'antécédent est manifeste. Et la première conséquence est évidente des termes. La seconde est prouvée. L'être est l'actualité de toute forme ou nature : donc toute nature distincte de l'être s’y rapporte comme puissance d’actuation : donc, si elle ne s’y rapporte pas comme puissance, [alors] c’est l’être lui-même. L'hypothèse est prouvée : que nulle chose n'est actuellement signifiée, à moins qu’elle soit signifiée comme telle. |
<6> Adverte hic quod ista ratio fundatur super hoc, quod quaecumque quidditas vel natura, quantumcumque secundum rationem quidditativam sit actualis, relata tamen ad esse, habet rationem potentiae : sapientia namque, et bonitas, etc, actuatur per hoc quod dico est ; et similiter humanitas, et equinitas, etc. Et propterea dicitur et quod esse est actualitas omnis formae ; et quod nulla natura significatur in actu ultimato, nisi prout significatur esse in actu exercito. |
<6> Considère ici que cette raison est fondée sur ce fait, que quelque quiddité ou nature que ce soit, quelque soit la notion de cette quiddité en tant qu’actuelle, liée à l’être seulement, elle a la raison de puissance : le fait est que la sagesse, et la bonté, etc., sont actuées par ce que nous appelons être ; et pareillement l’humanité, et l'équinité [ou chevaléité], etc. Et c'est pourquoi nous disons que l’être est l'actualité de toute forme ; et que nulle nature n'est ultimement signifiée en acte, si ce n'est dans la mesure où son être est signifié dans l'acte exercé. |
<7> IV. Tertio. Deus est primum ens : ergo est ens per essentiam : ergo est suum esse. — Antecedens, cum prima consequentia, patet. Secunda vero probatur a destructione consequentis, dupliciter. Primo, ex quid nominis entis per essentiam, sic. Non est suum esse : ergo habet esse, et non est ipsum esse : ergo est ens per participationem : ergo non est ens per essentiam ; sicut si habet ignem, et non est ignis, etc. Secundo, Deus non est suum esse, et est sua essentia : ergo non est ens per essentiam, sed per aliud additum. — Omnia clara sunt. |
<7> IV. Troisièmement. Dieu est l'être premier : il est donc être par essence : il est donc son être. — L'antécédent, avec la première conséquence, est manifeste. Mais la seconde est doublement prouvée de la destruction du conséquent. Premièrement, de ce qu’est le nom de l’être par essence, ainsi. Il n'est pas son être : donc il a l'être, et n'est pas son être propre : donc il est être par participation : donc il n'est pas l’être par essence ; comme si il avait la possession du feu, sans être le feu, etc. Deuxièmement, Dieu n'est pas son être, mais est son essence : il n'est donc pas l’être par essence, mais par un quelconque autre qui s’y ajoute. — Tout est clair. |
<8> V. In responsione ad secundum, dubium occurrit : quia videtur implicare responsio duo contradictoria. Si enim scimus quod haec propositio est vera, Deus est, ergo cognoscimus ita esse in re, quod Deus est : hoc autem est cognoscere esse quod in ipso Deo est : ergo. |
<8> V. Dans la réponse au second point, un doute se présente : nous voyons que la réponse semble impliquer deux <éléments> contradictoires. Si en effet nous entendons cette proposition, Dieu est, comme vraie, alors nous comprenons cet être dans la chose, que Dieu est : mais c’est là comprendre l’être qui est en Dieu lui-même : donc <etc>. |
<9> Ad hoc dubium (quod in II Poster., cap. I, diffuse tractavimus, et Scotus, in I Sent., dist. III, qu. I, in princ, affert, reprehendendo hanc responsionem) breviter dicitur, quod haec responsio est optima, et singularis de Deo. In hoc enim differt esse Dei a reliquorum entium esse, quod esse Dei est quod quid est ipsius Dei, ut hic determinatur : ita quod haec propositio, Deus est, est in primo modo dicendi per se. Esse autem ceterorum non sic se habet sed distinguitur a quidditatibus eorum. Et ex hoc nascitur quod esse Dei, secundum se et absolute, est proprius terminus quaestionis quid est : et est terminus quaestionis an est, secundum quid, idest ut fundat veritatem propositionis. Esse vero aliorum non spectat ad quaestionem quid est quia non est praedicatum primi modi, ut patet inductive, homo est, caelum est, etc : sed secundum se et simpliciter spectat ad quaestionem an est. Et propterea, cum de aliis scimus quaestionem an est, et dicimur scire esse quod significat veritatem propositionis, et esse ipsius rei : quia scitur secundum proprium modum quo scibile est. Cum autem de Deo scimus an est, dicimur scire esse quod significat veritatem propositionis, et nescire esse Dei : non quod terminus ultimus cognitionis nostrae sit esse propositionis, ut obiectio intellexit (quoniam terminus est esse Dei, non absolute, sed ut respondet veritati propositionis) sed quia per hanc cognitionem non cognoscitur esse Dei propria quaestione qua est secundum se cognoscibile, quia non scitur per quid. |
<9> À propos de ce doute (lequel est longuement traité dans le premier chapitre du deuxième livre des Seconds Analytiques, et dans <le texte de Duns> Scot, au premier livre de son commentaire des Sentences [de Pierre Lombard], au début de la première question, distinction trois, doute qu’il rapporte et réfute) il est dit en quelques mots, que cette réponse est on ne peut plus valable, et particulièrement de Dieu. Car en cela l'être de Dieu diffère de l'être des autres entités, en ce que l'être de Dieu est ce qui est propre à Dieu, comme cela est défini : aussi cette proposition, Dieu est, est <dite en> première modalité d’attribution essentielle. Mais l’être de ces autres entités n’est pas ainsi, il se distingue plutôt de leurs quiddités. Et de là il appert que l’être de Dieu, de lui-même et absolument, recouvre les termes de la question ce que c’est [?] : et est principe de limitation de la question si c'est [?], selon ce qu’il est, de même qu’il fonde la vérité de la proposition. <Mais> l’être de ces-dites autres entités ne recouvre pas cette question, ce que c’est [?], lequel ne se prédique pas selon le [même] premier mode, comme cela inductivement manifeste, <avec> l'homme est, le ciel est, etc., mais relève, par soi et simplement, de la question si c'est [?]. Et c'est pourquoi, de ces autres <entités> nous comprenons la question si est [?], et nous disons l’être [de ces choses] connu, ce qui signifie la vérité de la proposition, et l'être propre de ces choses : que nous connaissons selon son mode proprement intelligible. Lorsqu’en effet nous savons de Dieu si c'est [?], nous disons savoir l’être qui est signifié véritablement dans la proposition, mais ignorer l’être [même] de Dieu : non en ce que l’ultime terme de notre connaissance soit l'être de la proposition, comme objet d’intellection (puisque le terme est l'être de Dieu, non dans l’absolu, mais en tant qu’il épouse la vérité de la proposition) mais que par cette connaissance n’est pas connu ce qu’il en est de la question de l’être propre de Dieu par elle-même, car nous ne connaissons pas le quoi. |
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Article 5 : Y A-T-IL EN DIEU COMPOSITION DE GENRE ET DE DIFFÉRENCE ? |
<1> I. In titulo, genus sumitur proprie, pro genere logico, prout distinguuntur decem genera rerum. |
<1> I. Dans le titre <de l’article>, genre s’entend au sens propre, comme genre logique, au sens où dix catégories sont distinguées [cf. Arist., Catég.]. |
<2> In corpore
duo : primo distinguitur ; secundo respondetur[.]
quaesito duabus conclusionibus, iuxta duo membra distinctionis, adiuncto
primae conclusioni uno corollario [cf. § VII, VIII]. |
<2> Dans le corps
<de l’article> deux choses sont faites : premièrement une distinction ;
secondement une double conclusion est apportée, touchant les deux membres de
la distinction, joignant un corollaire à la première conclusion [cf. § VII,
VIII]. |
<3> Quoad primum, distinctio est : Esse in genere dupliciter ; directe, et reductive, ut patet. — Quoad secundum, prima conclusio, responsiva quaesito negative, est : Deus non est directe in genere. |
<3> Pour le premier point, la distinction est <la suivante> : être dans un genre <s’entend> de deux façons ; directement et par rapprochement (reductive), comme cela est manifeste. — Pour le second point, une première conclusion répond négativement à la question : Dieu n'est pas directement dans un genre. |
<4> Probatur tripliciter. Primo. Deus est actus purus : ergo non est directe in genere. — Probatur sequela. Genus sumitur a potentia respectu eius a quo sumitur differentia : ergo omne existens in genere, habet actum admixtum potentiae : ergo, si est actus purus, etc. Antecedens declaratur in animali et rationali. Omnia clara sunt. |
<4> Cela est triplement prouvé. Premièrement. Dieu est acte pur : il n'est donc pas directement dans le genre. — L’implication est prouvée. Le genre se rapporte à la puissance de ce qui dérive de la différence : donc tout étant qui est dans un genre a de l’acte mêlé à de la puissance : donc, s’il est acte pur, etc. L'antécédent s’illustre dans <les exemples> animal et rationnel. Tout est clair. |
<5> II. Secundo. Si Deus esset in genere, genus aliquod praedicaretur in quid de esse : ergo ens esset genus. Sed hoc est impossibile. Ergo. — Prima consequentia probatur. Essentia Dei est ipsum esse : et genus praedicatur in quid de eo cuius est genus : ergo, si Deus esset in genere, etc. — Secunda vero consequentia relinquitur pro constanti : quia ens aut solum aut maxime significat formaliter esse. — Destructio vero ultimi consequentis probatur ex III Metaphys. Omne genus habet differentias extra se : ens non habet differentias extra se : ergo. Probatur minor : quia extra ens non remanet nisi non ens ; non entia autem impossibile est esse entis differentias, ut patet. |
<5> II. Deuxièmement. Si Dieu était dans un genre, le genre serait d’une certaine façon prédiqué du ce qu’est de l’être : donc l'être serait un genre. Mais cela est impossible. Donc <, etc>. — La première conséquence est prouvée. L'essence de Dieu est l’être lui-même : et le genre prédiqué du ce qu’est de celui dont il est le genre : donc, si Dieu était dans un genre, etc. — Mais la deuxième conséquence est pour le moment délaissée : car l’être ou seul ou total signifie formellement être. — L’ultime destruction de la conséquence est prouvée par le troisième livre de la Métaphysique. Toute genre a des différences hors de lui-même : l'être n'a pas de différences hors de lui-même : donc <, etc>. La mineure est prouvée : car à l’extérieur de l’être ne demeure rien si ce n’est le non-être ; mais il est impossible que le non-étant ait des différences avec les êtres, comme cela est manifeste. |
<6> III. Circa hanc rationem, posset primo dubitari de significatione entis : secundo, de praedicatione ciusdem, an scilicet praedicetur in quid, ut in hac ratione oportet tenere adversarium dicentem Deum esse in genere : tertio, de communitate eiusdem ad omnes reales rationes formales, an scilicet in omnibus claudatur intrinsece, ut hic ex III Metaphys. assumitur. De his autem omnibus in commentariis de Ente et Essentia [c. I, IV] scripsimus, nec censeo replicandum : praecipue quia, sive propter illam causam hic adductam, sive propter aliam, destructio consequentis [cf. § II] ab omnibus acceptatur. Sensus autem rationis hic adductae est, quod differentias oportet esse extra genus sic, quod nec genus ponatur intrinsece in formali significato differentiae, neque e converso : quamvis genus ponatur in ratione differentiae extrinsece, seu ut additum, sicut subiectum in ratione passionis. Nullae autem inveniuntur rationes reales distinguentes ens, in quarum formalibus significatis non claudatur intrinsece ens. Ergo. |
<6> III. Relativement à cet argument, il est premièrement possible de douter de la signification de l'être : deuxièmement, de sa prédication, c’est-à-dire de ce dont il est le prédicat, puisque les objectants doivent tenir que Dieu est dans un genre ; troisièmement, de sa connexion à toutes les raisons formelles réelles, c’est-a-dire si il est intrinsèquement renfermé en toute chose, comme il est dit dans le troisième livre de la Métaphysique. Nous avons cependant écrit sur toutes ces choses dans le commentaire sur <l’opuscule> de l’Être et l'Essence [c. I, IV], nulle nécessité de répondre : et surtout, que ce soit pour cette cause discutée, ou pour une autre, la complète destruction du conséquent est assurée [cf. § II]. Mais le sens de cette raison ajoutée est <le suivant>, que les différences doivent être extérieures au genre, de sorte que le genre n'est posé ni intrinsèquement dans la signification formelle de la différence, ni l’inverse ; le genre n’est pas davantage posé extrinsèquement suivant la notion de différence, ou comme addition, comme le sujet dans la notion de passion. Mais il ne se rencontre nulle raison réelle qui distingue l’être, dans lesquelles les significations formelles ne sont pas intrinsèquement renfermées. Donc <, etc>. |
<7> Et scito quod Scotus, in Primo, dist. III, qu. III, tenet oppositum huius minoris. Putat namque esse quasdam differentias, scilicet ultimas, non includentes formaliter et intrinsece ens. Et rursus tenet passiones entis non includere formaliter ac intrinsece ens. — Sed de passionibus in quaestione V dicetur. De differentiis autem, quamvis dicendum hic esset, quoniam tamen oportet novos terminos ingerere (quia Scotus de differentiis sumptis, non a formis, sed a realitatibus ultimis, loquitur), expedit potius facere quaestionem de hoc specialem ac diffusam ; praeter id quod tactum est de hoc in commentariis de Ente et Essentia [c. IV]. |
<7> Et sache que <Duns> Scot, dans son commentaire du premier livre des Sentences [de Pierre Lombard], distinction trois, troisième question, tient l’autre extrême de cette mineure. Le fait est qu’il évacue de l’être certaines différences, à savoir <les différences> ultimes, lesquelles n'incluent l'être ni formellement ni intrinsèquement. Et il soutient que les passions de l’être n’incluent également l’être ni formellement ni intrinsèquement. — Mais il est discuté des passions à la cinquième question. Cependant de ces différences, il devrait être dit ici que, puisque de nouveaux termes doivent voir le jour (car <Duns> Scot parle des différences entendues non pas des formes, mais des réalités ultimes), il est expédient de traiter largement cette question en un lieu prévu à cet effet ; en surplus de ce qui a été abordé de cette question dans le commentaire sur <l’opuscule> de l'Être et l'Essence [c. IV]. |
<8> IV. Tertio probatur. Omnia directe in genere, communicant in essentia, et differunt in esse : ergo habent essentiam distinctam ab esse. Deus non est huiusmodi. Ergo. — Antecedens probatur : quia conveniunt in quid generis, et distinguuntur penes aliud et aliud esse, ut patet in homine et equo. — Consequentia autem relinquitur pro constanti. — Destructio quoque consequentis applicati ad Deum, patet ex praecedenti articulo. Ergo, etc. |
<8> IV. La troisième est prouvée. Toutes les choses qui relèvent directement d’un genre, communiquent dans l'essence et diffèrent dans l'être : ces choses se distinguent donc par l'être. <Mais> Dieu n'est pas ainsi. Donc <, etc>. — L'antécédent est prouvé : car ils s'accordent sur le quoi de l’être, et s’opposent en ce qu’ils posent tel être et tel autre, comme cela est manifeste pour <ces exemples :> homme et cheval. — Mais la conséquence est pour le moment délaissée. — La destruction de cette conséquence s’applique à Dieu, comme c’est manifeste de ce qui a été dit dans l’article précédent. Par conséquent, etc. |
<9> V. Circa hanc rationem dubium est. Tum quia aequivoce sumitur ly esse. In antecedente namque sermo est de esse specifico, ad quod differentia distinguens genus conducit : in consequente autem est sermo de esse actualis existentiae, quod ab essentia distingui infertur. — Tum quia ex distinctione inter principium convenientiae et principium differentiae, in antecedente assumpta, non potest inferri maior distinctio quam formalis : essentia nanque generis, in qua species conveniunt, et esse specificum, quo quaelibet species ab altera differt, non realiter, sed formaliter tantum differunt. Et tamen infertur in littera distinctio realis inter essentiam et esse. Igitur processus iste malus videtur. |
<9> V. Il y a un doute à propos de cet argument. Parce-que cet être est équivoquement entendu. Le fait est que dans l’antécédent le propos s’attache à un être spécifique. Duquel la différence conduit à dégager le genre ; mais dans la conséquence il est question de l'être actuellement existant, duquel l’essence est distinguée. — Aussi, de ce qui a été accordé dans l’antécédent de la distinction entre principe de convenance et principe de différence, on ne peut inférer qu’une distinction formelle : <entre> l'essence du genre, dans lequel les espèces s'accordent, et l'être spécifique, qui diffère du tiers par quelque espèce, non réellement, mais seulement formellement. Et cependant le texte établi une distinction réelle entre l’essence et l’existence. Dans ces circonstances, cette argumentation se présente comme inopérante. |
<10> VI. Ad hanc obiectionem valde diffuse dictum est in cap. VI de Ente et Essentia, ubi hanc rationem s. Thomas facit. Et propterea nunc breviter dicitur, quod in antecedente sumitur esse et pro esse specifico et actualis existentiae : quoniam de utroque verificatur. Imo verificatio unius infert verificationem alterius : quoniam ideo differentia dicitur conducere ad esse, quia constituit proprium receptivum ipsius esse actualis existentiae ; ut ibi declaratum est, et supra Porphyrium [De diferentia, c. II]. Nulla ergo est aequivocatio. — Et licet ex hoc quod aliquae duae rationes formales sic distinguantur quod altera sit formale principium convenientiae, et altera sit formale principium differentiae, non possit simpliciter inferri distinctio realis inter eas (alioquin omne genus realiter oporteret distingui a suis differentiis) : attamen, gratia materiae de qua est sermo, scilicet essentiae et esse, optime potest inferri distinctio realis esse ab essentia ex distinctione absolute inter genus et esse, in quo distinguitur species. Et ratio est, quia ista duo mutuo se consequuntur, existentia distinguitur formaliter a quidditate, et, existentia distinguitur realiter a quidditate, ut ibidem declaravimus. Ideo vide ibi, etc. |
<10> VI. De cette objection, il a été longuement question au sixième chapitre de <l’opuscule> de l'Être et l'Essence, où s. Thomas la formule. C'est pourquoi nous disons ici en quelques mots que, dans l’antécédent, être s’entend et de l'être spécifique et de l’existence actuelle, lequel se vérifie des deux. Bien plus, la validation de l’un entraîne la validation de l’autre : nous disons pareillement que la différence conduit à l’être, laquelle est constituée par la réception propre de cet être actuellement existant ; comme il a déjà été dit, et <de même> dans Porphyre [De la différence, c. II] Il n’y a donc nulle équivoque. — Et de ce que permettent ces deux raisons formelles ainsi distinguées, <savoir> que l’une soit principe de convenance formelle, et l’autre principe de différence formelle, on ne peut pas en inférer simplement une distinction réelle entre elles (du reste tout genre doit se distinguer réellement de ses différences [négativement constitutives]) : néanmoins, grâce à la question dont nous traitons, à savoir l'essence et l'être, il est possible d’inférer valablement une distinction réelle entre l’être et l’essence, à partir de l’absolue distinction entre genre et être, dans laquelle l'espèce se distingue. Et la raison en est que ces deux choses se suivent mutuellement, l'existence est formellement distinguée de la quiddité, et, l'existence est réellement distinguée de la quiddité, comme nous l'avons dit dans le même passage. Voyez le donc, etc. |
<11> VII. Corollarium autem annexum primae conclusioni [cf. § I] est : Dei neque est genus, nec differentia, nec definitio, nec demonstratio nisi per effectum. — Patet sequela : quia definitio, etc. |
<11> VII. Mais le corollaire suivant est joint à la première conclusion [cf. § 1] : De Dieu il n'y a ni genre, ni différence, ni définition, ni démonstration si ce n’est par les effets. — L’implication est manifeste : parce que la définition, etc. |
<12> VIII. Conclusio vero secunda est etiam negativa : Deus non est in aliquo genere reductive. — Probatur. Deus est principium, non alicuius generis tantum, sed totius esse : ergo non continetur reductive in aliquo genere. — Antecedens supponitur. Consequentia probatur. Omne quod est reductive in aliquo genere, est principium tantum illius generis, ut patet XII Metaphys. [c. III] de principiis Praedicamentorum. |
<12> VIII. La deuxième conclusion est à nouveau négative : Dieu n’est dans aucun genre <même> par assimilation (reductive). — C'est prouvé. Dieu est principe, non seulement de tel ou tel genre, mais de tout l'être : il n'est donc, <même> par assimilation [ou réduction], nullement contenu dans aucun genre. — L'antécédent est supposé. La conséquence est prouvée. Tout ce qui est par réduction [ou assimilation] dans un genre quelconque est principe de ce genre, comme il est manifeste du douzième livre de la Métaphysique [c. 3] sur les principes des Prédicaments. |
<13> IX. Circa hanc conclusionem occurrit dubium ad hominem : quia in I Sent., dist. VIII, qu. IV, art. 2, ad 3, et in Qu. de Potentia, qu. VII, art. 3, ad ultimum, s. Thomas concedit Deum esse in genere substantiae reductive. Quomodo hic determinatur oppositum |
<13> IX. Relativement à cette conclusion, un doute superficiel se présente : car dans la huitième distinction — question quatre, article deux et en réponse à la deuxième objection — du commentaire du premier livre des Sentences [de Pierre Lombard] et dans la septième question — article trois et en réponse à la dernière objection — des questions disputées Sur la puissance, s. Thomas concède que Dieu est par rapprochement (reductive) dans la catégorie des substances. Comment cette opposition est-elle solutionnée ? |
<14> Ad hoc breviter dicitur quod, ut manifeste apparet ex I Sent., nulla est repugnantia inter dicta hic et alibi. Distinguitur siquidem ibi quod esse in genere ut principium, stat dupliciter. Primo modo, ut principium contentum in illo genere : et sic negatur Deum esse in genere ut principium. Alio modo, ut principium continens ipsum genus : et hoc modo Deus est quodammodo in omnibus generibus ; et per appropriationem in genere substantiae, tanquam sibi magis appropinquante. Et hoc conceditur in locis praedictis ; advertendo quod id quod in Qu. de Potentia tacuit, in I Sent. supplevit. Unde congrue dici potest quod Deus est in genere ut principium, non quod reducitur ad genus, sed ad quod ipsum genus reducitur. Et quod sit mens s. Thomae, ex eo coniicere potes, quod in littera, concludendo, de Deo dicitur : unde non continetur in genere sicut principium : dicendo enim non continetur, praeservavit se ab esse in genere sicut principium continens, ad quod reducitur ordine quodam omne genus. Et hoc idem insinuant verba praecedentia, scilicet : principium quod reducitur in aliquod genus, non se extendit extra, etc. |
<14> À ce propos il est dit en quelques mots que, comme il est manifestement exposé dans le commentaire du premier livre des Sentences [de Pierre Lombard], ce qui est dit ici et là n’est nullement contradictoire. Il est de là doublement distingué ce qui est dans un genre comme principe. D’une première façon, comme principe contenu dans ce genre : et ainsi on nie que Dieu existe dans un genre comme principe. D'une autre façon, comme principe contenant le genre lui-même : et ainsi Dieu est d'une certaine manière en tous genres ; et par appropriation dans le genre de la substance, comme celui qui lui sied le mieux. Et cela est concédé dans les textes qui abordent la question ; note qu’il n’est rien dit dans les questions disputées Sur la puissance, contrairement au commentaire du premier livre des Sentences [de Pierre Lombard]. Où s’harmonise le fait de pouvoir dire que Dieu est dans un genre comme principe, non d’une réduction au genre, mais comme ce à quoi le genre lui-même est réduit. Et que ce soit <bien là> le dessein de s. Thomas, cela peut se conjecturer de ce que dans le texte, en concluant, il est dit de Dieu : qu’il n'est pas contenu dans un genre comme principe : nous disons en effet non contenu, le préservant à être dans un genre comme contenant le principe, duquel se réduisent les ordres de tout genre. Et il est suggéré la même chose dans les mots précédents, c’est-à-dire un principe qui se ramène à un genre ne s’étend pas au-delà de ce genre, etc. |
<15> X. In responsione ad secundum, dubium occurrit : quia responsio non satisfacit obiectioni. Responsio siquidem tria dicit : primo, quod maior est vera de mensura homogenea ; secundo, quod minor est falsa, Deus est mensura homogenea ; tertio, quasi glossando Averroem, dicitur quomodo Deus dicitur mensura omnium, quia unumquodque tantum habet de esse, quantum appropinquat sibi. Ex his autem non satisfit Averrois auctoritati inductae, volenti quod Deus, qui est prima substantia, sit mensura substantiarum, sicut primus numerus aliorum numerorum, etc. : et hoc ex proposito, in eo loco ubi de mensuris homogeneis est sermo, scilicet X Metaphys., comment. VII. |
<15> X. En réponse au second point, un doute surgit : car cette réponse n’offre pas satisfaction à l’objection. En effet la réponse avance trois choses : premièrement, que la majeure est valable d'une mesure homogène ; deuxièmement, que la mineure, Dieu est mesure homogène, est fausse ; troisièmement, comme le glose Averroès, il est de cette façon dit que Dieu est mesure de toutes choses, de chacune seulement qui dans cette mesure ont l’être. De là cependant, l'autorité d'Averroès, lequel veut que Dieu, qui est substance première, soit la mesure des substances, comme inductivement le premier nombre des autres nombres, etc., n'est pas satisfaite : comme de cette proposition, dans le texte où il est question de mesure homogène, à savoir le septième commentaire du livre dix de la Métaphysique. |
<16> Ad hoc
breviter dicitur, quod s. Thomas, ad rem non verba attendens, optime
satisfacit etiam secundum mentem Averrois. Nam genus potest dupliciter sumi.
Uno modo, proprie, ut hic loquimur : et sic optime negatur quod Deus sit
mensura homogenea generis substantiae (imo Averroes nullam intelligentiam
ponit sic homogeneam substantiae) et hoc in hac littera dicitur. Alio modo,
large, pro coordinatione : et hoc modo Deus est mensura homogenea
coordinationis substantiarum, magis quam accidentium, quia ipse est
substantia, et non est accidens : et hoc voluit ibi Averroes. Quod tamen est
esse mensuram extra genus substantiae praedicamentalis ; et est esse mensuram
omnium generum proprie extra ea, ut patet. Et ideo dicitur in littera quod
Deus dicitur mensura omnium. |
<16> Il est dit quelques mots à cet effet, que s. Thomas sans le dire explicitement, offre valablement satisfaction au dessein d’Averroès sur la question. Car le genre s’entend doublement. D'une part, proprement, comme nous <en> parlons ici : et ainsi il est valablement nié que Dieu soit mesure homogène du genre substance (au contraire, Averroès ne propose nullement cette compréhension de la substance homogène), et cela est indiqué dans le texte. D'autre part, au sens large, pour accommoder (coordinatione) : et en ce sens Dieu est la mesure homogène de l’harmonisation des substances, davantage que des accidents, parce qu'il est sa substance et n'est pas un accident : et c'est ce qu’ Averroès voulait dire ici. Mais il est cependant la mesure extérieure du genre substance ; et est l’être qui mesure tout genre extérieur qui s’y rapporte, comme c’est manifeste. C'est pourquoi il est dit dans le texte que Dieu est dit mesure de toutes choses. |
<17> XI. In ratione quae ad oppositum in hoc articulo affertur, habetur verbum notandum, et dubitandum : scilicet quod Deo nihil est prius, neque secundum rem, neque secundum intellectum ; et propterea non habet genus. Videtur enim hoc esse falsum : quoniam praedicata communia Deo et aliis, priora sunt, secundum intellectum, ipso Deo ut patet ex eo quod non convertitur consequentia. |
<17> XI. Dans l’argument avancé là contre dans cet article, nous avons un terme évident et <un autre terme> douteux : à savoir que rien n'est antérieur à Dieu, ni selon la chose, ni selon l'entendement ; et c’est pourquoi il n’intègre aucun genre. Le fait est que cela semble erroné : car les communs prédicats de Dieu et des autres <choses>, sont antérieurs, selon l'entendement, à Dieu lui-même comme il est manifeste de ce que la conséquence n'est pas convertie. |
<18> Sed hoc cito aperitur, distinguendo prius secundum intellectum dupliciter : ex parte rei, seu rationum formalium ; vel quoad nos. Nulla siquidem res, aut ratio formalis, ex parte sui est prior Deo secundum intellectum : in cuius signum, nullum praedicatum datur secundum se abstractius, simplicius, prius ipso. Quoad nos vero, prior est sapientia quam sapientia divina, secundum intellectum. Et propterea non convertitur consequentia quoad nos. In littera autem intendit Auctor primo modo : sic enim genus prius est illo quod in genere reponitur. |
<18> Mais cela est prestement découvert, distinguant doublement la priorité selon l'entendement : partant de la chose, ou de la raison formelle ; ou pour nous. Aucune chose ne s’ensuit, comme raison formelle, partant de ce que Dieu est proprement antérieur selon l'entendement : dans ces sortes de signe, nulle prédication n’est d’elle-même prioritairement posée selon l’abstraction ou simplement. Quant à ce qu’il en est pour nous, la sagesse est antérieure à la sagesse divine, selon l'entendement. Et c’est pourquoi de notre point de vue la conséquence n’est pas convertie. Cependant dans le texte, l'auteur l’entend de la première manière : car ainsi le genre est antérieur à ce qui demeure dans le genre. |
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Article 6 : Y A-T-IL EN DIEU COMPOSITION DE SUJET ET D’ACCIDENT ? |
<1> I. In titulo, constat quod quaeritur de inesse formali : an scilicet aliqua accidentia sint formaliter in Deo. Et est sermo de accidentibus realibus : et non de accidentibus idest accidentalibus praedicatis, ut accidens est nomen secundae intentionis, et ponitur quintum Praedicabile. |
<1> I. Dans le titre <de l’article>, relève qu’il est question de l’existence formelle : c’est à dire si des accidents se trouvent formellement en Dieu. Et il est question des accidents réels : et non des accidents comme prédiqués accidentellement, accidents comme nommés de l’intention seconde, et posés comme cinquième prédicable. |
<2> II. In corpore una conclusio, responsiva quaesito negative : In Deo non potest esse accidens. — Probatur tripliciter. Primo. Deus est actus purus : ergo. Secundo. Deus est ipsum esse : ergo. Tertio. Quia aut esset accidens per accidens, aut per se : non primum, quia Deus est primum ens ; nec secundum, quia Deus est prima causa. |
<2> II. Dans le corps <de l’article>, une conclusion répond à la question par la négative : en Dieu, il ne peut nullement y avoir d’accidents. — C’est prouvé de trois façons. Premièrement. Dieu est acte pur : donc <etc.>. Deuxièmement. Dieu est l'être même : donc <etc.>. Troisièmement. Qu’il y aurait ou des accidents par accident, ou <des accidents> par eux-mêmes : non <selon> ce premier cas, car Dieu est l'être premier ; ni <selon> ce second cas, car Dieu est cause première. |
<3> III. Circa secundam rationem, adverte quod, sicut inter abstractum et concretum secundum intellectum, haec est differentia, quod abstractum ut sic nihil compatitur secum secundum intellectum, concretum autem multis permittitur misceri (album namque non inconvenit intelligere esse dulce, etc. ; sed albedo ut sic, omne aliud a se excludit : nihil enim aliud est quo aliquid est album, quam albedo sed quod est album, est etiam aliud quandoque quam album, puta pomum dulce, etc.) : ita inter abstractum secundum rem et compositum secundum rem, haec est differentia, quod res secundum rem abstracta, est ipsa tantum res vero composita aliquid compatitur secum quod non est ipsa. Et propterea haec perfectio quam significat ly esse, si ponatur abstracta secundum rem ab omni eo in quo esse est receptibile, idest ab omni natura generica, est purum esse : et nihil praeter se compatitur in se : et consequenter nullum accidens habere potest. Compositum autem ex esse et natura, quod vocatur quod est, aliquid praeter se in seipso permittitur habere. Et hoc est quod in littera dicitur, quod ipsum esse, quia est abstractum et quo, nihil habet adiunctum, sicut calor : id autem quod est, quia concretum et quod, potest habere aliquid extraneum, ut calidum est etiam album. |
<3> III. Relativement au deuxième point, considère que, comme entre l'abstrait et le concret selon l'entendement, il y a une différence, que l'abstrait en tant que tel ne pâtit nullement de ce qui est selon l'entendement, <mais> le concret cependant peut s’altérer de diverses manières (en effet il ne disconvient pas au blanc d’intégrer le doux, etc. ; mais le blanc comme tel exclut de lui-même tout autre <que lui> : il n’y a en effet dans la blancheur, rien d’autre que ce qui est blanc ; mais dans ce qui est blanc, il y a encore d’autres choses que le blanc, par exemple le fruit [blanc et] doux, etc.) : pareillement entre l'abstrait selon la chose (secundum rem) et le composé selon la chose, il y a une différence, car la chose abstraite selon la chose (secundum rem), n'est qu’elle-même tandis que le composé pâtit d’éléments autres que lui. Et c’est pourquoi cette perfection qui signifie l’être, si elle est prise par abstraction selon la chose, de tout ce en quoi l’être est le réceptacle, c'est-à-dire de toute nature générique, est être pur : et rien de ce qui le dépasse n’en pâtit en lui : et conséquemment nul accident ne peut survenir. Cependant le composé d'être et de nature, que nous appelons ce qui est, peut en soi avoir quelque autre. Et c'est ce qui est dit dans le texte, que l’être <par> lui-même, lequel est abstrait de ce qu’il est, n'a aucune adjonction, comme la chaleur : mais ce qui est concret de ce que c’est, peut intégrer quelque chose d'étranger, comme [parfois] le chaud est également blanc. |
<4> IV. Circa tertiam rationem, adverte quod ad utrumque membrum procedit ex propriis. Radix enim primi est, quia accidens per accidens naturaliter praesupponit accidens per se : quoniam universaliter, secundum quemcumque rerum ordinem, per se prius est eo quod est per accidens, ut in II et VIII Physic. [l. II, c. VI, n. 10] dicitur. — Radix autem secundi est, quia universaliter primum alterans est omnino inalterabile : et primum movens localiter, est omnino immobile localiter et consequenter prima causa omnino incausata. Non esset autem omnino incausata, si aliquid causatum in se haberet, ut patet, etc. |
<4> IV. Relativement au troisième point, considère que des propriétés procèdent les membres. La fondement premier est en effet, qu'un accident par accident présuppose naturellement l’accident par lui-même : car universellement, selon quelque ordre des choses que ce soit, ce qui est par soi est antérieur à ce qui est par accident, comme il est dit dans les livres deux [l. II, ch. 6, n. 10] et huit de la Physique. — Mais le fondement second est, qu’universellement, le premier <élément> altérant est totalement inaltérable : et le premier mobile <opérant> localement, est toujours immobile au niveau local et conséquemment la cause première est totalement incausée. Si cependant elle n’était pas totalement incausée, elle aurait une autre cause en elle-même, comme c’est manifeste, etc. |
<5> V. In responsione ad primum, habes optimam glossam illius, « quod vere est, nulli accidit » : — univoce sumptum ; analogice autem sumptum, aliquid in uno est substantia et in alio accidens, ut patet de sapientia. |
<5> V. En réponse au premier point, vous avez cette excellente glose <que voici>, « ce qui est vrai, n'a nullement d’accidents » : — entendu de manière univoque ; mais entendu analogiquement, la substance est une chose, l’accident en est une autre, comme c’est manifeste partant de la sagesse <même>. |
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Article 7 : DIEU EST-IL COMPOSÉ DE QUELQUE MANIÈRE, OU ABSOLUMENT SIMPLE ? |
<1> I. In titulo, « omnino simplex » : in seipso, omnem a seipso compositionem, non componibilitatem, excludens : de componibilitate enim erit sequens articulus, etc. |
<1> I. Dans le titre <de l’article>, c’est « absolument simple » : en lui-même, excluant de lui-même toute composition et composants : la composabilité sera en effet traitée dans l’article suivant, etc. |
<2> In corpore una conclusio, responsiva quaesito affirmative : Deus est omnino simplex. — Probatur quinque mediis : primo, ex sufficienti numeratione modorum compositionis ; secundo, quia primum ens ; tertio, quia prima causa ; quarto, quia actus purus ; quinto, quia ipsum esse. |
<2> Dans le corps <de l’article>, une conclusion répond à la question par l'affirmative : Dieu est absolument simple. — Cela est prouvé au moyen de cinq approches : premièrement, d’une énumération exhaustive des modes de composition ; deuxièmement, de l’être premier ; troisièmement, de la cause première ; quatrièmement, le l'acte pur ; cinquièmement, de l’être [subsistant] par lui-même. |
<3> II. In responsione ad primum, adverte quod Scotus, in Primo, dist. VIII , in quaesito iuxta primam quaestionem refert hanc positionem, quod omne causatum est compositum, et reprehendit : ea ratione quia, si quodlibet causatum est compositum, accipiantur componentia : — aut sunt simplicia, aut iterum composita ; et sic, aut procederetur in infinitum, aut erit status ad res simplices componentes. Et cum constet componentia esse causata, sequitur quod non omne causatum est compositum, ut hic dicitur. |
<3> II. En réponse au premier point, considère que <Duns> Scot, dans la huitième distinction <de son commentaire> du premier livre [des Sentences de Pierre Lombard], dans la question qui suit la première question, se réfère à cette position selon laquelle tout ce qui cause est composé et la réfute : la raison en est que, si quelque cause est composée, il convient d’accepter des composants : — <lesquels sont> ou simples, ou composés ; et ainsi, <cela> procède comme à l’infini, vers ce qui sera comme de simples composants. Et comme il est constaté une composition des entités causantes, il s’ensuit que toute cause n’est pas composé, comme il est dit ici. |
<4> Ad hoc breviter dicitur, quod obiectio procedit ex malo intellectu litterae. Causatum enim, vel creatura, potest sumi dupliciter : proprie scilicet, et large. Si sumitur proprie, sic, cum tam causati quam creaturae sit proprie fieri et esse, solae res subsistentes dicuntur causata seu creaturae : cetera autem dicuntur concausata et concreata, ut partes, formae, accidentia, etc. Large autem, omne aliud a Deo in rerum natura existens quocumque modo, causatum dici potest. In proposito igitur, causatum sumitur proprie, ut distinguitur non solum contra causam, sed etiam contra concausatum. Et ideo obiectio, quae de concausatis loquitur, nihil obstat. Unde in littera probatur causati compositio ex constantia ex esse et quidditate : haec enim proprie causati sunt compositiva, non componentium. Et ut patet in I Sent., dist. VIII, qu. V, art. I [arg. 3], sanctus Thomas fecerat illam rationem adductam a Scoto. |
<4> Il est brièvement dit à ce propos que l'objection provient d'une mauvaise intelligence du texte. Et le causé, ou le créé, peut être doublement entendu : à savoir au sens propre et <au sens> large. Si nous l'entendons proprement, ainsi, il revient aussi bien à la cause qu’à la créature de devenir et d'être, la seule chose subsistante se dit causée ou créature ; les autres sont cependant appelées concausées et cocréées, de parties, de formes, d’accidents, etc. Au sens large en revanche, tout <être> autre que Dieu existe par nature selon un mode quelconque, que nous pouvons dire causé. Donc dans la proposition, le causé s’entend au sens propre, comme distingué non seulement de la cause, mais encore du concausé. Et ainsi l’objection, laquelle parle du concausé, n’est pas pertinente. C'est pourquoi dans le texte la constante composition d’être et de quiddité du causé est prouvée : lequel l’est en effet proprement par le composé et non par les composants. Et comme c’est manifeste dans la huitième distinction, question cinq, du commentaire du premier livre des Sentences [de Pierre Lombard], article premier [arg. 3], saint Thomas avait opposé cet argument que donne <Duns> Scot. |
<5> III. In responsione ad secundum, esset videndum an simplicitas sit perfectio simpliciter. Sed scripsi iam de hoc in commentariis de Ente et Essentia [c. VI]. |
<5> III. En réponse au second point, nous voyons qu’il serait donc d’une simplicité parfaitement simple. Mais j'ai déjà écrit à ce propos dans le commentaire sur [l’opuscule] de l’Être et l'Essence [c. 6]. |
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Article 8 : DIEU ENTRE-T-IL EN COMPOSITION AVEC LES AUTRES ÊTRES ? |
<1> I. In titulo : venire in compositionem alterius exigit quatuor conditiones. Prima est distinctio realis ab illo : quia eiusdem ad seipsum non est compositio. Secunda est coniunctio realis cum illo : quia ex sola coniunctione secundum rationem, non fit compositio. Tertia est, quod coniunctio sit secundum suum esse : quia ex sola coniunctione reali secundum situm, vel alium respectum extrinsecum, non fit compositio. Quarta est, quod alterum sit actus alterius vel tertii actuati ab utroque, si sit compositio per accidens, qualis est inter album et dulce. Si enim aliqua duo iungantur etiam secundum esse, et non in ratione actus et potentiae, ut diximus, nunquam est compositio : ut patet et de personis divinis, et de Verbo divino incarnato (deest enim in huiusmodi ratio actus et potentiae). — Quaerere ergo utrum Deus veniat in aliarum rerum compositionem, est quaerere, an rei alteri possit coniungi secundum esse, secundum rationem actus vel potentiae. |
<1> I. Dans le titre : entrer en composition avec d’autres exige quatre conditions. La première, à cet effet, est la distinction réelle : car il n’est de lui-même pas une composition. La deuxième est l'union réelle avec ces-dits autres : car ce qui est uni selon la seule raison, ne forme pas un composé [réel]. La troisième est l’union selon son être propre : car le seule union réelle selon la position, ou d’autres conditions extrinsèques, ne forme pas un composé. La quatrième est que cet autre soit autre en acte, ou d’une tierce actualité de ces deux, s'ils composent par accident, comme c'est le cas entre le blanc et le doux. Car si lesdits extrêmes s’unissent seulement selon l'être, et non dans la raison d'acte et de puissance, comme nous l'avons dit, cela ne forme jamais un composé : comme c’est manifeste des personnes divines et du Verbe divin incarné (car dans cette modalité la raison d'acte et de puissance ferait défaut). — Donc rechercher si Dieu entre en composition avec autre chose, c'est rechercher si cette autre chose peut s’unir selon son être, selon son actualité ou sa puissance. |
<2> II. In corpore duo : primo referuntur errores ; secundo respondetur quaesito. — Quoad primum, sunt tres errores primus forte Sabaeorum, ex XII Metaphys., comment. XLI [in comment. Averrois] ; secundus Almarianorum ; tertius David de Dinando. Et patet. |
<2> II. <Nous trouvons> deux choses dans le corps <de l’article> : premièrement, les erreurs sont signalées ; deuxièmement la question trouve sa solution. — Pour le premier point, il y a trois erreurs [;] la première est attribuée aux Sabéens, suivant <ce que dit> le quarante-et-unième commentaire d’Averroès à la Métaphysique, livre douze ; la deuxième des partisans d’Amaury de Chartres ; la troisième de David de Dinand. Et c'est clair. |
<3> III. Quoad secundum, conclusio responsiva quaesito, ac destructiva horum errorum, est negativa : Deus non potest venire in compositionem alicuius. |
<3> III. Quant au second point, la conclusion répond à la question, détruisant, par la négation, toutes ces erreurs : Dieu ne peut entrer en composition avec aucun autre. |
<4> Probatur tripliciter. Primo. Deus est prima causa efficiens : ergo non potest esse forma aut materia alicuius compositi. — Antecedens patet. Consequentia probatur quoad formam : agens et forma effectus non coincidunt in idem numero : ergo si, etc. Quoad materiam vero : agens et materia non coincidunt in idem specie, quia illud actu, haec potentia : ergo si, etc. |
<4> C’est prouvé de trois manières. Premièrement. Dieu est cause première <et> efficiente : il ne peut donc pas être forme ou matière de quelque composé que ce soit. — L'antécédent est évident. La conséquence se prouve de la forme : l'agent et la forme de l'effet ne coïncident pas en une même entité : donc si, etc. De la matière : l’agent et la matière ne peuvent coïncider en une même espèce, car celui-ci est en acte, celui-là en puissance : donc si, etc. |
<5> IV. Circa hanc rationem occurrit dubium. Probatio namque consequentiae non videtur ad propositum : ex hoc enim quod efficiens non coincidit cum forma aut materia effectus, nihil aliud sequitur, nisi quod Deus, quia est efficiens, non est forma aut materia sui effectus ; sed non sequitur quod absolute non sit forma alicuius compositi. |
<5> IV. Il y a un doute par rapport à ce même argument. Nous ne voyons pas que la conséquence de cette proposition soit prouvée : en effet de ce que l’efficient ne peut coïncider avec la forme ou la matière, il ne suit rien, si ce n’est que Dieu, qui est efficient, n’est ni forme ni matière de son effet ; mais il ne suit pas que dans l’absolu la forme n’entre pas en composition. |
<6> Ad hoc breviter dicitur quod, quia esse compositum infert esse effectum (quia omne compositum est factum, ut in praecedenti patet articulo) ; esse autem effectum infert esse effectum primae causae efficientis, ut patet : ideo, de primo ad ultimum, esse compositum est esse effectum primi efficientis. Et propterea, hoc pro constanti supponens, ratio litterae optime deducit consequentiam ; si Deus est prima causa efficiens, non est forma aut materia alicuius compositi : quoniam esset forma vel materia sui effectus quod est impossibile, quia agens non coincidit, etc. |
<6> Il est brièvement dit à ce propos que de l’être du composé, on déduit l’être de l’effet (car tout composé est créé, comme c’est manifeste dans [le propos de] l'article précédent) ; cependant de l’être de l’effet [second] on infère l’être de l’effet de la cause première efficiente, comme cela est manifeste : donc, du premier au dernier, l’être composé est l’être de l’effet du premier efficient. Et c’est pourquoi, proposant ce ferme principe, l’argument du texte déduit correctement la conséquence ; si Dieu est cause première efficiente, il n'est ni forme ni matière d'un quelconque autre composé : puisqu'il serait forme ou matière de son effet <propre>, ce qui est impossible, puisque l'agent ne coïncide pas, etc. |
<7> V. Secunda ratio. Deus est per se primo agens : ergo non est pars alicuius. — Probatur consequentia. Nullum componens est per se primo agens : ergo si, etc. |
<7> V. Deuxième raison. Dieu est par lui-même premier agent : donc non par un tiers. — La conséquence est prouvée. Nul composé est de lui-même premier agent : donc si, etc. |
<8> Adverte hic quod littera haec caute interpretanda est. Non enim affirmat compositum per se primo agere, quod superius, in articulo 2, negatum est : sed affirmat comparativam, quod agere per se primo magis convenit composito quam componenti, quia illud est quod agit, hoc vero est quo. Cum hoc tamen stat quod, absolute, nec componens nec compositum potest esse per se primo agens, ut praedictum est. |
<8> Considère ici que le texte doit être prudemment interprété. Nous n’affirmons évidemment pas que le composé est par lui-même premier agent, ce qui plus haut, dans l’article deux, a été nié : mais il est affirmé comparativement que le composé convient davantage à l’agent [opérant] de lui-même premier que le composant, car c'est ce qu’est son agir. Il va néanmoins de soi que, dans l’absolu, ni le composant ni le composé ne peuvent être d’eux-mêmes premier agent, comme cela a été dit. |
<9> VI. Tertia ratio est : Deus est primum ens : ergo non potest esse pars, etiam prima, puta materia aut forma. — Probatur consequentia : quoad materiam quidem, quia potentia est posterior actu ; quoad formam vero, quia actus participatus est posterior actu per essentiam, etc. |
<9> VI. La troisième raison <se présente comme suit> : Dieu est le l’être premier : il ne peut donc pas être une partie, même première, qu’elle soit matière ou forme. — La conséquence est prouvée : car de fait cette matière, de par sa puissance est postérieure à l'acte ; pour la forme, parce que l'acte participé est postérieur à l’acte par essence, etc. |
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Question 4 : LA PERFECTION DE DIEU |
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Article 1 : DIEU EST-IL PARFAIT ? |
<1> I. Circa ordinem et titulum quaestionis, adverte quod perfectio non significat aliquam perfectionem, ut bonitas, vita, sapientia, etc. : neque significat omnes perfectiones in communi (non enim quaerendo an aliquid sit perfectum, quaeritur an habeat omnes perfectiones, sive determinate sive indeterminate) : sed significat modum essendi optimum secundum quamcumque rationem formalem ; licet, extenso iam ab usu vocabulo, perfectio supponat saepe pro re aut ratione formali actuante aliquid, ut patet cum dicimus quod sapientia est perfectio, etc. Proprie igitur loquendo, ly perfectio, licet a totali factione primo derivatum sit, apud philosophos modum essendi significat, non quemcumque, sed optimum : non alicuius certae rei, sed cuiuscumque rei cui apponitur, sive sit substantia, sive accidens. Potest enim res intelligi et esse sub modo essendi multiplici, quorum unus est melior altero : sicut natura plantarum et animalium habet in semine quendam modum essendi, et alium essendi modum habet in individuis genitis, et rursus alium in eisdem augmentatis, etc. : et constat quod primus est et dicitur imperfectus, quia in potentia tantum est ibi natura specifica ; secundus autem aliqualiter perfectus ; tertius vero simpliciter perfectus, ut patet IV Meteor. [c. I, II, III] : perfectum enim unumquodque ibi dicitur, cum potest facere alterum quale ipsum est ; tunc enim habet naturam optimo modo. — Unde, sicut quaerere utrum aliquid sit perfectum secundum talem vel talem rationem, puta scientiam vel naturam, non est quaerere utrum illud habeat aliquam aliam perfectionem, sed utrum habeat illam optimo modo ; ita quaerere absolute et sine specificatione, ut in proposito fit, utrum Deus sit perfectus, non est quaerere utrum Deus habeat aliquam perfectionem ; neque utrum habeat omnes, cum hoc reservetur secundo articulo ; sed est quaerere utrum Deus, id quod est, sit optimo modo : hoc est enim esse perfectum. |
<1> I. Relativement à l’organisation et au titre de la question, considère que la perfection ne signifie pas une perfection quelconque, comme la bonté, la vie, la sagesse, etc. : cela ne signifie pas non plus toutes les perfections en général (demander en effet si une chose quelconque est parfaite, ce n’est pas demander si elle a toutes les perfections, qu'elles soient déterminées ou indéterminées) : mais cela signifie le mode d’être le plus élevé selon une certaine raison formelle ; bien que nous ayons étendu l’acception de ce terme, la perfection présuppose fréquemment une chose ou une quelconque raison formelle opérant d’une façon ou d’une autre, comme c’est manifeste lorsque nous posons que la sagesse est perfection, etc. Aussi, à proprement parler, cette perfection, bien qu'elle dérive d’abord d’un tout [significatif], signifie pour le philosophe un mode d'être, non pas n'importe lequel, mais le plus haut : non d'une certaine chose bien précise, mais de toute chose qui peut en relever, que ce soit une substance ou un accident. Une chose peut en effet se comprendre et exister selon des modes d’être multiples, dont l’un est meilleur que l’autre : de même que la nature des plantes et des animaux a dans la semence un certain mode d'être, et un autre mode d'être dans les individus engendrés, et encore un autre mode d'être dans les mêmes individus une fois développés, etc. : et il est évident que ce premier <mode d'être> se dit imparfait, parce que cette nature particulière n'est ici qu'en puissance ; le second <mode d'être> est en revanche quelque peu parfait ; mais le troisième <mode d'être> est simplement parfait, comme il est manifeste de ce qui est dit dans le quatrième livre du traité des Météorologiques [c. I, II, III] : une chose quelconque est en effet dite parfaite lorsque cette chose peut se faire autre que telle qu'elle est, alors en effet elle possède une nature des plus excellentes. — Ainsi donc, de même que rechercher si une chose quelconque est parfaite selon telle ou telle raison, par exemple la science ou la nature, ce n'est pas rechercher si cette chose possède une perfection quelconque, mais si cette chose a ledit mode le plus élevé ; de même demander absolument et sans précision aucune, comme dans cette proposition, si Dieu est parfait [?], ce n'est pas demander si Dieu possède une perfection quelconque ; ni s'il possède toutes les perfections, puisque cela sera traité dans l’article deux [de cette même question] ; mais c'est demander si Dieu, de ce qu’il est, possède ce-dit mode le plus élevé [?] : c'est là en effet l'être parfait. |
<2> II. Testatur autem hunc esse manifestum sensum quaestionis, causa responsionis assignata in corpore articuli. Dicitur enim quod Deus est perfectus, quia non est in potentia, sed in actu : constat enim quod esse in actu vel in potentia, ad modum essendi spectat. Et propterea ista quaestio immediate post quaestionem de simplicitate naturae divinae ordinata est : stabilita namque essentia, quaerendum statim occurrit de modo essendi ipsius intrinseco, qualem ly perfectum significat : non enim importat modum essendi rei in respectu ad aliquod circumstans, aut quovis modo extrinsecum, sed in seipsa. Unde et Aristoteles, in I Caeli [c. I], de natura universi tractans, primo an sit perfectum determinat : quoniam et quaestio an est, et an simplex an compositum esset, quae priores erant, relinquebantur per se notae. |
<2> II. Mais ce sens est manifestement attesté dans la question, c’est le fondement de la réponse avancée dans le corps de l’article. Il est en effet dit que Dieu est parfait, qu’il n’est aucunement en puissance, mais en acte : le fait est qu’il est clair qu’être en acte ou en puissance se rapporte au mode d’être. Et c'est pourquoi cette question intervient immédiatement après la question sur la simplicité de la nature divine : l'essence <divine> étant posée, son mode d'être intrinsèque est immédiatement interrogé, c'est ce que signifie <la question de> cette perfection : mais il ne doit cependant pas regarder le mode d'être relativement à telle ou telle circonstances, ou à un quelconque mode extrinsèque, mais en lui-même. D'où Aristote, dans le premier livre Du ciel [c. I], traitant de la nature de l'univers, le détermine comme premier étant parfait : et demande s'il est, s'il est simple ou composé, s'il est antérieur, et autres choses semblables d'elles-mêmes connues. |
<3> III. In corpore duo : primo refertur opinio Pythagoricorum ; secundo respondetur quaesito. — Quoad primum, duo. Opinio : quod principio non convenit perfectio. Radix : quia principium materiale tantum intellexerunt. Probatur consecutio : quia ut sic est in potentia : ergo. |
<3> III. Dans le corps <de l’article> il est premièrement fait référence à l’opinion des Pythagoriciens ; deuxièmement la question trouve sa réponse. — Quant au premier point, deux <choses sont faites>. <1°> Une opinion : que le principe ne convient pas à la perfection. <2°> Un fondement : qu’ils n’ont compris que le principe matériel. L'implication est prouvée : car comme tel il n'est qu'en puissance seulement : donc <, etc>. |
<4> IV. Quoad secundum, similiter duo. Conclusio, responsiva quaesito affirmative : Deus est maxime perfectus. Radix, opposita primae : quia scilicet est principium activum. |
<4> IV. Quant au second point, pareillement deux choses <sont faites>. <1°> Une conclusion répond à la question par l’affirmative : Dieu est la plus haute des perfections. <2°> Le fondement s'oppose à la première : c'est-à-dire qu'il est principe d'actuation. |
<5> Probatur. Activum oportet esse in actu : ergo primum activum maxime in actu : ergo maxime perfectum. — Omnia patent. Et ultima consequentia declaratur ex quid nominis perfecti, scilicet cui nihil deest de requisitis : existenti enim in potentia, deest id quod in actu esse potest ; existenti autem in actu, ut sic, nihil deest. |
<5> C’est prouvé. L'opération [de l’agent] exige l’être en l'acte : donc le premier agent est le plus en acte qui soit : donc le plus parfait. — Tout est clair. Et l'ultime conséquence est posée de ce qu'est le mot de "parfait", c'est-à-dire que rien ne manque de ce qui lui revient : en effet, l'étant en puissance manque de ce qui peut être en acte ; mais l'étant en acte, en tant que tel, ne manque de rien. |
<6> V. In responsione ad tertium, adverte duo. Primo, quod responsio stat in hac distinctione : commune dupliciter, per modum actus, et per modum potentiae. Communitas per modum actus, consistit in recipi : communitas per modum potentiae, consistit in recipere. Esse autem est communissimum per modum actus : quia ad omnia comparatur ut receptum ad receptiva, ut patet. — Secundo, quod hinc patet defectus Scoti, in IV Sent., dist. I, qu. I, contra hanc s. Thomae positionem, scilicet quod esse, secundum suam formalem rationem, est perfectissima omnium perfectionum, arguentis ex communitate ipsius. Mirum est enim quod hanc rationem affert ad concludendum, quam expresse s. Thomas solverat tam clare. |
<6> V. Dans la réponse au troisième point, considère deux choses. Premièrement, que la solution se trouve dans cette distinction <que voici> : à l’égard de tous (commune) s’entend de deux manières, par mode d'acte et par mode de puissance. Le commun par mode d'acte consiste dans le être reçu : le commun par mode de puissance consiste dans le recevoir. Mais l'être est le mode d'acte le plus commun qui soit : car il est comparé à toutes choses comme le "est reçu" au "réceptif", comme cela est manifeste. — Deuxièmement, que sur ce point la faiblesse de <Duns> Scot est manifeste, dans son commentaire du quatrième livre des Sentences [de Pierre Lombard], première distinction, question une, contre laquelle s. Thomas s’oppose, c'est-à-dire que l'être, selon sa raison formelle, est la plus parfaite de toutes les perfections, argumentant à partir de son caractère commun. Le fait est qu’il est étonnant que cet argument soit avancé étant donné que s. Thomas l’a expressément résolu. |
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Article 2 : DIEU EST-IL UNIVERSELLEMENT PARFAIT, CONTENANT EN LUI LES PERFECTIONS DE TOUTE CHOSE ? |
<1> I. In titulo, ly sint non denotat aliquem specialem modum essendi, sed absolute sumitur : ita quod non quaeritur utrum perfectiones sint in Deo formaliter, aut virtualiter, sed absolute, quovis modo sint. Ly perfectiones stat universaliter pro omnibus perfectionibus, tam simpliciter quam non simpliciter, ut patet ex processu articuli. |
<1> I. Dans le titre <de l’article>, ce [elles] sont ne dénote pas un mode d'être précis, mais il s’entend absolument : il n'est ainsi pas demandé si ces perfections sont en Dieu formellement ou virtuellement, mais absolument, indépendamment de leur mode. Ces perfections contiennent universellement toutes les choses parfaites, tant simplement que non simplement, comme cela est manifeste du déroulé de l'article. |
<2> II. In corpore est una conclusio, responsiva quaesito affirmative : In Deo sunt perfectiones omnium rerum. |
<2> II. Il y a un conclusion dans le corps <de l’article>, laquelle répond affirmativement à la question : en Dieu se trouvent les perfections de toutes choses. |
<3> Probatur tripliciter [cf. § III, VII]. Primo, ab auctoritate. Deus dicitur universaliter perfectus, idest secundum nobilitates omnium generum : ergo. — Antecedens probatur auctoritate Averrois, V Metaphys. |
<3> Cela se prouve triplement [cf. § III, VII]. Premièrement, de l’argument d’autorité. Dieu est dit universellement parfait, c'est-à-dire selon la noblesse de l’intégralité des genres : donc <, etc>. — L'antécédent est prouvé par l'autorité d'Averroès, dans son commentaire au cinquième livre de la Métaphysique. |
<4> III. Secundo, ratione sumpta ex Dionysio. Deus est prima causa effectiva rerum : ergo omnium rerum perfectiones praeexistunt in Deo eminentiori modo. |
<4> III. Deuxièmement, suivant l’argumentation de Denys [Pseudo-Denys l'Aréopagite] : Dieu est la première cause efficiente des choses : donc les perfections de toutes choses préexistent en Dieu selon un mode éminent. |
<5> Antecedens supponitur. Consequentia probatur quoad primam partem. Effectus praeexistit virtute in causa agente : ergo quidquid perfectionis est in effectu, oportet in causa effectiva inveniri. Ergo, si Deus etc, omnium rerum perfectiones sunt in eo. — Quoad secundam vero partem probatur. Agens, inquantum agens, est perfectum : ergo praeexistere in virtute causae agentis, non est praeexistere imperfectiori, sed perfectiori modo. Ergo quidquid perfectionis est in effectu, praeexistit in causa effectiva, vel secundum eandem rationem, ut in univoca ; vel secundum eminentiorem, ut in aequivoca. Ergo, si Deus est prima causa omnium, oportet eminentiori modo omnium perfectiones habere. — Assumptum patet ex praecedenti articulo. Prima consequentia probatur ex opposito : scilicet, quia materia est imperfecta, praeexistere in potentia causae materialis, est esse imperfectiori modo. Reliqua relinquuntur per se nota. |
<5> L'antécédent est avancé. La conséquence est prouvée pour ce qui est de la première partie. L'effet préexiste virtuellement dans la cause agente : donc, quelle que soit la perfection de l'effet, elle doit se rencontrer dans la cause efficiente. Donc, si Dieu, etc., les perfections de toutes choses sont en lui. — Quant à la deuxième partie, c'est prouvé. L'agent, en tant qu'agent, est parfait : donc elles doivent préexister dans la vertu de la cause agente, ce qui n'est pas préexister imparfaitement, mais bien selon un mode parfait. Donc, quelle que soit la perfection qui est dans l'effet, elle préexiste dans la cause efficiente, ou selon la même raison, d’une façon univoque ; ou selon l’éminence, d’une façon équivoque. Donc, si Dieu est la cause première de toutes choses, il doit avoir les perfections de toutes choses d'une manière très éminente. — L'hypothèse est manifeste <à partir> de l'article précédent. La première conséquence est prouvée par le contraire : c’est-a-dire de ce que la matière est imparfaite, elle préexiste en puissance dans la cause matérielle, c'est l’être du mode imparfait. Le reste est évident par lui-même. |
<6> IV. Circa illam propositionem, praeexistere in virtute causae agentis, non est praeexistere imperfectiori, sed perfectiori modo, dubium statim occurrit : quia et est falsa ; et contradicit alteri dicto litterae. Falsa quidem ; quia effectus in causa efficiente quandoque praeexistit aeque perfecto modo ; ut patet cum Socrates generat Platonem. Contra litteram vero : quia expresse dicitur, et bene, quod in causa univoca praeexistit effectus secundum eandem rationem : igitur non perfectiori modo. |
<6> IV. Relativement à cette proposition, préexister ainsi virtuellement dans la cause efficiente, ce n’est pas préexister sous un mode moins parfait, mais plus parfait, un doute se présente immédiatement : car elle est non seulement fausse ; mais elle contredit un autre propos du texte. Qu’elle est fausse ; car parfois l'effet dans la cause efficiente préexiste selon une perfection équivalente ; comme c’est manifeste lorsque Socrate engendre Platon. Qu’elle s’oppose au texte : car il est bien dit expressément, que l'effet préexiste selon la même notion dans les causes univoques : ainsi non pas d'une façon plus parfaite. |
<7>
Non deest quoque novitiis occasio dubitandi : quia videmus effectus etiam
imperfectiori modo praeexistere in multis causis, quae sunt causae vere
effectivae ; ut patet in seminibus, ex quibus effective producuntur animalia
et plantae. |
<7> Les occasions de douter ne manquent pas pour les lecteurs inexpérimentés : car nous voyons encore que les effets préexistent d'une manière plus imparfaite dans de nombreuses causes, lesquelles sont véritablement des causes efficientes ; comme c’est manifeste dans les semences, à partir desquelles les animaux et les plantes sont effectivement produits. |
<8> V. Ad hoc breviter dicendum est, quod ly perfectiori modo potest exponi dupliciter. Primo, comparative, ut significat ex vi vocabuli. Et tunc intelligitur, non necessario, sed permissive : ita quod particula negativa, non imperfectiori modo, intelligitur necessario ; particula vero affirmativa, sed perfectiori, intelligitur permissive. Et sic est verissima propositio : et significat quod praeexistere in causa efficiente, necessario est praeexistere non imperfectiori modo quam sit modus essendi effectus ; sed possibiliter est praeexistere perfectiori modo. — Secundo, potest exponi interpretando comparativum pro positivo : perfectiori modo, idest modo perfecto, seu perfectionis. — Prima tamen expositio litterae intento servit : quoniam intendit probare quod eminentiori modo in causa aequivoca, Deoque, perfectiones effectuum sunt. |
<8> V. Il est dit à cela en quelques mots, que ce mode du plus parfait peut s’expliciter doublement. Premièrement, comparativement, comme l’indique la vigueur du lexique. Et alors cela se comprend, non pas nécessairement, mais permissivement : ainsi l’élément de négation <dans>, non pas d'une façon plus imparfaite, s’entend d’une nécessité ; mais l’élément d’affirmation <dans>, mais plus parfaite, s’entend d’une permission. Et c'est ainsi que la proposition se révèle comme tout à fait valable : et cela signifie que préexister dans une cause efficiente, c’est — nécessairement — non pas préexister d'une manière plus imparfaite que le mode d'être de l'effet ; mais — possiblement — c’est préexister selon un mode plus parfait. — Deuxièmement, il est possible d’exposer l’interprétation comparative de ladite proposition : de manière plus parfaite, c'est-à-dire d’une manière parfaite, ou de perfection. — C’est cependant la première exposition qui sert le dessein du texte : puisqu'il entend prouver la présence du mode d’éminence dans les causes équivoques, et pour Dieu, la perfection de ses effets. |
<9> Ad novitios autem respondetur, ex doctrina Alexandri, ut refert Averroes XII Metaphys., comment. XXIV, quod semina et alia huiusmodi, quibus formae effectuum non assimilantur univoce vel imitative, non sunt causae efficientes, sed instrumenta causarum agentium, et propterea locantur in genere causarum effectivarum ab Aristotele, V Metaphys. [c. III] et II Physic. [c. III, n. 5]. Praesens autem sermo de causis activis proprie, non solum ut distinguuntur contra alia genera causarum, sed ut distinguuntur contra instrumenta causarum quae non proprie causae sunt. |
<9> Mais aux lecteurs inexpérimentés nous répondons, à partir de la doctrine d'Alexandre, comme la rapporte Averroès dans son vingt-quatrième commentaire au douzième livre de la Métaphysique, que la semence et autres choses semblables, dans lesquels la forme des effets n’est nullement assimilée de manière univoque ou imitative, ne sont pas des causes efficientes, mais des instruments des causes agentes, et c’est pourquoi elles sont placées dans le genre des causes effectives par Aristote, dans le cinquième livre de la Métaphysique [c. III] et le deuxième livre de la Physique [c. III, n. 5]. Mais présentement nous parlons proprement des causes actives, non seulement comme distinguées des autres genres de causes, mais encore comme distinguées des instruments des causes qui ne sont pas des causes proprement dites. |
<10> VI. Circa ultimam consequentiam [cf. § III], adverte quod fundatur super hoc, quod prima causa effectiva rerum est causa aequivoca. Quod pro constanti relictum est : tum quia ab omnibus admittitur ; tum quia manifeste patet ex terminis. Si enim est effectiva rerum diversarum rationum, nulli earum est univoca : et si alicui earum est univoca, ergo non est effectiva aliarum : ergo non diversarum. |
<10> VI. Relativement à la dernière conséquence [cf. § III], considère qu'elle est fondée sur ceci, que la cause première efficace des choses est une cause équivoque. Point qui est pour le moment mis de coté : car elle est non seulement reçue par tous ; mais encore elle est évidement manifeste partant des termes. Si en effet elle est cause effective de différentes choses <relevant> de divers ordres, elle n'est à cet égard nullement univoque ; et si elle est pour ces choses <cause> univoque, alors elle n'est pas la cause efficace des autres : donc non plus du divers. |
<11> VII. Secunda ratio [cf. § II, III] a Dionysio quoque tacta est. Deus est ipsum esse per se subsistens : ergo continet in se totam perfectionem essendi : ergo omnes perfectiones rerum omnium. |
<11> VII. La deuxième raison [cf. § II, III] est abordée par Denys [Pseudo-Denys l'Aréopagite]. Dieu est l'être subsistant par lui-même : donc il contient en lui toute la perfection de l'être : donc toutes les perfections de toutes choses. |
<12>
Antecedens supponitur. Prima consequentia probatur a destructione
consequentis, in terminis specialibus, scilicet caloris et calidi
perfectione, sic. Non continet totam perfectionem essendi : ergo non habet
esse secundum perfectam rationem : ergo non est ipsum esse per se subsistens
(quod est oppositum antecedentis) ; quemadmodum « A calidum » non habet totam
calidi perfectionem : ergo non habet calorem secundum perfectam rationem :
ergo non est calor per se subsistens. — Secunda autem consequentia probatur.
Res dicuntur perfectae secundum quod habent esse : ergo omnium perfectiones
pertinent ad perfectionem essendi : ergo, si continet totam perfectionem
essendi, etc. |
<12> L'antécédent est avancé. La première conséquence est prouvée par la destruction de l’implication, en termes spéciaux, à savoir la perfection de la chaleur et du chaud. Elle ne contient pas la totale perfection de l'être : donc elle n'a pas l’être selon la notion de perfection : donc elle n'est pas l’être lui-subsistant par lui-même (ce qui s’oppose à ce qui a été dit) ; de la même façon que "une chose chaude" n'a pas la totale perfection du chaud : donc elle n'a pas la chaleur selon la notion de perfection : donc ce n'est pas la chaleur par elle-même subsistante. — Mais la deuxième conséquence est prouvée. Nous disons les choses parfaites selon leur être : donc toutes les perfections intègrent la perfection de l'être : donc, si il contient toute la perfection de l'être, etc. |
<13> VIII. In responsione ad tertium, adverte primo, quod vis argumenti fundatur super locum a coniugatis, dum dicitur : ens est imperfectius quam vivens, ergo esse quam vita. Et veritas antecedentis consistit in hoc, quia ens non includit vivens, sed e converso. |
<13> VIII. En réponse au troisième point, considère premièrement que la force de l'argument est fondée sur ce passage a coniugatis, quand il est dit : l'étant est plus imparfait que le vivant, donc l'être <est plus imparfait> que la vie. Et la vérité de ce qui précède consiste en ceci, que l’étant n'inclut pas le vivant, mais c’est plutôt l’inverse. |
<14> Adverte secundo, quod in responsione innuit hanc distinctionem ex parte rei : esse potest comparari ad vitam tripliciter. Primo, formaliter et praecise utrinque : ita quod esse sumitur praecise pro actu essendi, et vita praecise pro eo quod formaliter addit supra esse, puta vivere ut sic. Et sic significantur nominibus abstractis, puta esse, vita, sapientia, etc. : et in littera dicuntur comparari prout distinguuntur ratione. Et sic esse est perfectius quam vivere et ceterae perfectiones : quia est actualitas omnium, ut praedictum est [art. 1, ad. 3um]. — Secundo, potest comparari esse ad vitam absque praecisione : ita quod vita sumatur secundum id quod includit, et non tantum pro eo quod formaliter addit supra esse. Et sic significantur nominibus concretis in littera, et dicuntur ens, vivens, sapiens : et dicitur quod vivens est perfectius quam ens, quia includit ens, et aliquid perfectionis ultra. — Tertio modo potest coraparari esse in sua pura subsistentia, ad reliqua quomodolibet sumpta. Et sic significatur in littera per ly ipsum esse : et dicitur quod includit in se vitam, sapientiam, et omnem essendi perfectionem, ut in corpore probatum est ; et consequenter est perfectissimum omnium. |
<14> Considère deuxièmement, que dans la réponse il signale cette distinction partant de la chose : être peut être triplement comparé à la vie. Premièrement, formellement et précisément de part et d’autre : ainsi lorsque l’être est entendu dans le sens précis de l’acte d'être, et la vie dans le sens précis de ce qu’elle est, elle s’ajoute formellement à l'être, par exemple comme dans vivre. Et c’est ainsi que sont signifiés les noms abstraits, par exemple être, vie, sagesse, etc. : et il est dit dans le texte qu'ils sont comparés dans la mesure où ils se distinguent par la raison. Et ainsi être est plus parfait que vivre ou d’autres perfections comparables : car c'est l'actualité de toutes choses, comme cela a déjà été avancé [art. 1, ad. 3um]. — Deuxièmement, l'être peut être comparé à la vie sans précision : car la vie s’entend selon ce qu'elle inclut, et non seulement pour ce que formellement elle ajoute à l'être. Et ainsi sont signifiés les noms concrets dans le texte, lorsqu’il est dit étant, vivant, sage ; et il est dit que le vivant est plus parfait que l'étant, lequel inclut l'étant et autres perfections supérieures. — Troisièmement, il est possible de comparer l’être dans sa pure subsistance, indépendamment de son mode d’instanciation. Et ainsi est signifié dans le texte cet être [subsistant par] lui-même : et il est dit qu'il inclut en lui la vie, la sagesse et toutes les perfections de l'être, comme il est prouvé dans le corps <de l’article> ; et conséquemment il est le plus parfait regardant toutes choses. |
<15>
Ex his autem, quae ex littera accepta sunt, habemus et quod esse formaliter
est perfectius ceteris formaliter : et quod ipsum esse est simpliciter
perfectius, omnes perfectiones in se praehabens. Ut ex primo sciamus quod
praedicatum illud, quod soli Deo quidditative convenit, est formaliter
nobilius ceteris perfectionibus : et ex secundo, quod ex hoc quod Deus est
ipsum esse, habet omnes perfectiones. |
<15> Mais de ces choses, qui ont été avancées dans le texte, nous retenons que l'être est formellement plus parfait que les autres choses selon même acception : et que l'être [subsistant par] lui-même est simplement plus parfait, contenant en lui toutes les perfections. D’où nous comprenons premièrement que ce prédicat, qui seul appartient à Dieu, est formellement plus noble que les autres perfections ; et secondement, de ce que Dieu est l'être [subsistant par] lui-même, il a toutes les perfections. |
<16> Habetur quoque ex his responsio ad argumentum. Quoniam neganda insinuatur consequentia : quoniam in antecedente sumitur vivens ut includit ens et aliquid ultra ; in consequente vero sumitur secundum id tantum quod addit supra ens. Et sic ostenditur quod non arguitur per locum a coniugatis : qui tenet quando concreta praecise formaliter tenentur sicut et abstracta ; cuius oppositum hic accidit. |
<16> Nous avons encore une réponse à cet argument. Parce-que la négation de la conséquence est sous-entendue : car dans l'antécédent le vivant est entendu comme incluant l'être et autres choses semblablement supérieures ; mais dans la conséquence, il est entendu seulement en ce qu’il ajoute à l’étant. Et ainsi il est montré que ce passage a coniugatis [cf. § VIII.] n’est pas discuté : lequel tient lorsque les choses aussi bien concrètes qu’abstraites sont tenues précisément et formellement ; ce qui s’oppose à ce qui se présente ici. |
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Article 3 : PEUT-ON DIRE QUE LES CRÉATURES RESSEMBLENT À DIEU ? |
<1> I. In titulo dubium occurrit : quorsum iste articulus hoc in loco. Hic enim arguitur de perfectione substantiae divinae in se : ergo non debet admisceri quaestio de creatura, qualis est ista. |
<1> I. Dans le titre <de l’article> un doute se présente : où nous mène cet article à cet endroit ? Le fait est qu’ici il s’agit de traiter la perfection de la substance divine en elle-même : on ne doit donc pas mélanger la question de la créature, telle qu’elle est. |
<2> Ad hoc dicitur quod, licet verbo tenus haec quaestio sit de creatura, secundum sensum tamen est de perfectione naturae divinae. Quaeritur enim hic, an perfectio naturae divinae sit tanta quod nulla creatura possit ei esse similis, an non. Hoc siquidem inquirendum supererat, postquam determinatum fuerat et quod est perfecta, et quod est universaliter perfecta. — Sed adverte quod non quaeritur utrum perfectio divina sit tanta, quod nulla res possit ei esse similis : sed quod nulla creatura. Primum enim pertinet ad quaestionem de pluralitate deorum, et tractabitur in quaestione XI : secundum autem spectat ad hunc locum. |
<2> Il est dit à cet effet que, bien que selon les mots cette question traite de la créature, toutefois selon le sens il s'agit de la perfection de la nature divine. Car il est demandé la chose suivante, si la perfection de la nature divine est telle, ou non, qu’aucune créature ne peut lui être semblable. Ceci restait vraiment à étudier, après avoir déterminé et qu'il est parfait et qu'il est universellement parfait. — Mais considère qu'il n'est pas demandé si la perfection divine est telle que nulle chose ne peut lui être semblable : mais bien nulle créature. La première en effet recouvre la question de la pluralité des dieux, et sera traitée dans la onzième question : toutefois selon ce qu’elle touche en ce lieu. |
<3> II. In corpore duo : primo distinguitur similitudo ; secundo respondetur quaesito. — Quoad primum, similitudo triplex : prima, secundum formam eiusdem rationis et modi ; secunda, secundum formam eiusdem rationis, sed non modi ; tertia, secundum formam, sed nec eiusdem rationis, nec modi. — Probatur distinctio. Similitudo est convenientia in forma : ergo multiplicatur iuxta modum communicandi in forma : ergo tripliciter, etc. Omnia patent in littera. |
<3> II. Dans le corps <de l’article>, deux choses <sont faites> : premièrement la ressemblance est distinguée ; deuxièmement la question trouve une réponse. — Quant au premier <point>, la similitude s’entend de trois façons : premièrement, selon la forme de même raison et mode ; deuxièmement, selon la forme de même raison, mais non de mode ; troisièmement, selon la forme, mais ni de même raison, ni de même mode. — La distinction est prouvée. La similitude est la conformité dans la forme : donc elle est multipliée en fonction du mode de partage dans la forme : donc triplement, etc. Tout est clair dans le texte. |
<4> III. Quoad secundum, conclusio responsiva quaesito est : Creaturae sunt similes Deo, non secundum eandem rationem specificam aut genericam, sed secundum aliqualem analogiam. |
<4> III. Quant au second point, la conclusion en réponse à la question est <la suivante> : les créatures sont semblables à Dieu, non pas selon la même notion spécifique ou générique, mais selon une certaine analogie. |
<5> Conclusio haec habet quatuor partes ; primam affirmativam, scilicet quod sunt similes Deo ; secundam negativam, scilicet non secundum speciem ; tertiam negativam, scilicet nec secundum genus ; et quartam affirmativam, scilicet sed secundum aliqualem analogiam. — Et primo probatur quoad primam. Omne agens agit per suam formam : ergo necesse est in effectu esse similitudinem formae agentis. Et tunc potes subiungere : ergo necesse est creaturam esse similem Deo. Consequentia probatur : quia omne agens agit sibi simile inquantum est agens, idest secundum illud quod est ei ratio agendi. — Deinde quoad secundam et tertiam et quartam : quia Deus non est agens contentum in specie aut genere, sed principium universale totius esse. — Omnia clara sunt in littera. |
<5> Cette conclusion comporte quatre parties ; la première est affirmative, à savoir qu’elles sont semblables à Dieu ; la deuxième est négative, c'est-à-dire <qu’elles le sont mais> non pas selon l’espèce ; la troisième est négative, c'est-à-dire ni selon le genre ; et la quatrième est affirmative, c’est-à-dire <qu’elles sont semblables à Dieu> mais selon une certaine analogie. — Et est d’abord prouvé ce qui touche au premier point. Tout agent agit par sa forme : il est donc nécessaire de trouver dans l’effet une ressemblance avec la forme de l’agent. Et alors il est possible d’aboutir à cette proposition : la créature doit donc être semblable à Dieu. La conséquence est prouvée : que tout agent agit dans une mesure comparable à lui-même en tant qu’agent, c'est-à-dire selon ce qu’est sa notion d’agent. — Ensuite quant aux deuxième, troisième et quatrième point : parce que Dieu n'est pas un agent contenu dans une espèce ou dans un genre, mais est le principe universel de tout être. — Tout est clair dans le texte. |
<6> IV. In responsione ad ultimum, dubium occurrit circa auctoritatem Dionysii : quoniam distinguit contra res unius ordinis causam et causatum. Ex hoc enim oportet quod aut causa et causatum sint universaliter diversorum ordinum, quod patet esse falsum in causis univocis : aut quod ambigue et male membrum hoc distinctionis sit positum ; ambigue quidem, quia incertum est de quali causa et de quali causato sit sermo ; male autem, quia contra res unius ordinis debent distingui res diversorum ordinum, sive causa sint et causatum, sive non ; hoc enim est per accidens. |
<6> IV. Dans la réponse au dernier point, se présente un doute relativement à l'autorité de Denys [Pseudo-Denys l'Aréopagite] : car il distingue entre les choses d'un même ordre la cause et le causé. De là en effet on doit tenir que ou la cause et le causé relèvent universellement d'ordres différents, ce qui est évidemment faux dans les causes univoques : ou bien que ce membre de la distinction ainsi posé est ambigu et problématique ; certes ambigu, car nous sommes dans l’incertitude <à propos> de quelle cause et de quel causé il est question ici ; et problématique, car à l’inverse des choses d'un même ordre il faut distinguer les choses d'ordres différents, qu'elles soient causes et causées ou non ; cela est en effet par accident. |
<7> V. Ad hoc dicitur, quod distinctio ista artificiosa, certa et formalis est, si recte intelligitur. Est siquidem non falsum, sed verissimum et necessarium, quod causa et causatum universaliter et formaliter sunt diversorum ordinum. Sed nomine causae et causati utimur, non pro relationibus seu causalitatibus ; sed pro re quae est ratio causandi, et similiter pro re, seu forma, quam causatum sortitur a causa : hae enim res sunt fundamenta similitudinis inter causatum et causam, ut in omnibus. Possunt igitur fundamenta similitudinis inter aliqua, dupliciter se habere, ut in littera dicitur. Uno modo, quod sint eiusdem ordinis, ut haec et illa albedo, et hoc et illud animal, etc. : et sic similitudo est relatio aequiparantiae, et mutua. Alio modo, quod alterum eorum formaliter ex propria ratione sit causatum ab altero, ut imago Socratis et Socrates (non enim accidit imagini Socratis dependentia a Socrate) : et sic similitudo non est relatio aequiparantiae neque mutua, sed reducitur ad tertium genus relativorum, positum V Metaphys. [c. XV], de scientia et scibili, etc. Huiusmodi autem causam et causatum constat esse diversorum ordinum. Impossibile namque est eiusdem ordinis res sic se habere, quod de ratione formali unius sit dependentia ab altera : quoniam quidquid est de ratione unius, est de ratione alterius, et e contra. |
<7> V. Il est dit à cela, que cette distinction est spécieuse, c’est certain et formel, si nous comprenons les choses droitement. Ce n'est de fait nullement faux, mais très vrai et très nécessaire, que la cause et le causé relèvent universellement et formellement d'ordres différents. Mais nous recourons au nom de cause et causé, non pas pour désigner des relations ou des causalités ; mais pour <désigner> l’élément qui est la raison de la cause, et de même pour l’élément ou la forme par laquelle le causé est tiré de la cause : ces choses sont en effet les fondements de la ressemblance entre la cause et le causé, comme en toutes choses. Ainsi, comme il est dit dans le texte, le fondement de la ressemblance entre certaines choses peut s’entendre doublement. D’une part, lorsqu'ils sont du même ordre, comme tel ou tel élément blanc, et tel et tel animal, etc. : et donc la similitude est une relation d'équivalence et de mutualité. D’autre part, lorsque formellement l'un des deux est causé par l'autre, comme l'image de Socrate et Socrate (en effet l'image de Socrate ne tombe pas sous la dépendance de Socrate) : et ainsi la similitude n'est pas un rapport d'équivalence ou de mutualité, mais c’est ce qui se trouve réduit à un tiers genre relatif, comme il est avancé dans le livre cinq de la Métaphysique [c. XV], sur la science et le connaissable, etc. Mais il est clair que ces modes de cause et de causé sont de différents ordres. Car il est impossible que des choses d’un même ordre soient telles que la raison formelle de l'une dépende de <la raison formelle de> l'autre : puisque tout ce qui est de la raison de l'une est de la raison de l'autre, et inversement. |
<8> VI. Unde patet responsio ad instantiam de causis univocis [cf. § IV]. Ubi enim est univocatio, ibi non est causa et causatum formaliter et per se, sed materialiter et per accidens : quoniam forma effectus formaliter non dependet a forma causae. Non enim humanitas quae est in Socrate, formaliter sumpta, dependet in esse aut in fieri ab humanitate Platonis patris : sed humanitas Socratis, quia est haec, ideo dependet a patre. Et consequenter humanitas, quae est fundamentum similitudinis inter patrem et filium, non est de genere causae aut causati, nisi materialiter et per accidens : sed est de genere fundamentorum eiusdem ordinis. Quaecumque igitur, formaliter sumpta, sunt causa et causatum, sunt diversorum ordinum fundamenta similitudinis, ut subtiliter in littera adducitur : et consequenter est inter ea similitudo imitationis, et non purae similitudinis : et propterea non est mutua. |
<8> VI. De là est manifeste la réponse à ces instances sur la question de la cause univoque [cf. § IV]. En effet là où il y a univocité, il n'y a pas de cause et de causée formellement et par soi, mais matériellement et par accident : car la forme de l'effet ne dépend pas formellement de la forme de la cause. Le fait est que l'humanité qui est dans Socrate, formellement entendue, ne dépend pas, touchant l’être ou le devenir, de l'humanité du père de Platon : mais l'humanité de Socrate, car elle est cela, dépend de son père. Et conséquemment l'humanité, qui est le fondement de la similitude entre père et fils, ne relève du genre de la cause ou du causé que matériellement et par accident : mais relève [bien plus] du genre qui fonde son ordre. Aussi, quels que soient le causé et la cause, formellement entendus, les fondements de leurs ressemblances sont de divers ordres, comme il est subtilement indiqué dans le texte : et conséquemment il y a entre eux une ressemblance par imitation, et non de pure similitude : et c’est pourquoi elle n'est pas réciproque. |
<9>
Et hoc bene nota, et proportionaliter applica ad materiam de relativis non mutuis. |
<9> Et cela est bien évident, et s'applique proportionnellement à la matière du relatif non mutuel. |
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Question 5 : LA BONTÉ EN GÉNÉRAL |
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Article 1 : LE BON ET L’ÉTANT SONT-ILS IDENTIQUES DANS LA RÉALITÉ ? |
<1> I. In titulo quaestionis, statim occurrit dubium circa ordinem ipsius : cur haec quaestio de bono fiat. Bonum enim neque prius convenit enti quam unum, verum, etc. : neque prius convenit naturae divinae bonitas quam unitas aut veritas, ut patet : neque hic ordinantur tractanda de Deo secundum rationem causae, ut propterea bono debeatur primus locus, quia nominat rationem causae finalis. Nulla igitur ratio apparet, quare hoc in loco quaestio de bono ordinata sit. |
<1> I. Dans le titre de la question, se présente immédiatement un doute sur la place <de cette question> : pourquoi cette question traite-t-elle du bien ? Le bien en effet ne prime ni sur l’être, ni sur l’unité, la vérité, etc. : la bonté de la nature divine ne prime pas davantage sur son unité, sa vérité, comme c’est manifeste : il n'est pas non plus ordonné ici au traité de Dieu selon la raison de la cause, de sorte qu’il revient au bien d’occuper la première place, car il désigne la raison de la cause finale. Il n’y a donc nulle raison apparente pour insérer en ce lieu cette question du bien. |
<2> II. Ad hoc dicitur, quod quaestio de bono dupliciter ordinari potest. Uno modo, secundum se : et sic non debetur sibi iste locus, ut obiiciendo deductum est ; sed quaestionem de perfectione statim quaestio de infinitate sequitur, quaerens de quantitate perfectionis divinae. Alio modo, ut est pars tractatus de perfectione : et sic in capitulo de perfectione ordinanda est : et hoc modo in littera ordinatur. Et hoc insinuavit littera tam in principio quaestionis IV, ubi tractatus de perfectione inchoatur, et dicitur : Et quia unumquodque, secundum quod perfectum est, sic dicitur bonum, primo agendum est de perfectione divina, secundo de eius bonitate (quasi diceret quod, propter perfectionem, de bonitate tractandum est simul) ; quam in principio quaestionis VII, ubi, aperiens quod de bono per accidens, idest ratione perfectionis, tractavit, dicit : Post considerationem perfectionis divinae, de infnitate etc, nulla facta mentione de bonitate, de qua fecerat duas quaestiones. — Quare autem de bonitate sub tractatu de perfectione quaeratur, in promptu causa est in littera assignata : quia scilicet esse perfectum est ratio quod aliquid dicatur bonum. |
<2> II. Il est dit à ce propos, que la question du bien peut s’ordonner doublement. D'une part, selon ce qu’elle est : et ainsi cette question ne doit pas apparaître ici, comme l'a avancé l’objection ; mais la question de la perfection est rapidement suivie par la question de l'infinité, interrogeant les perfections divines. D'autre part, comme une partie du traité sur la perfection <divine> : et ainsi elle est ordonnée au chapitre sur la perfection <divine> : et c’est là l’organisation du texte. Et le texte laisse entendre cela au début de la quatrième question [cf. prolog.], où commence le traité de la perfection, et il est dit : Comme on appelle bonne une chose dans la mesure où elle est parfaite, nous nous occuperons d’abord de la perfection de Dieu, et ensuite de sa bonté (il est presque dit que pour traiter la perfection, il faut traiter simultanément la bonté) ; comme au début de la septième question [cf. prolog.], où, initiant ce qu'il en est du bien par accident, c'est-à-dire de la perfection, il dit : Après avoir étudié la perfection de Dieu, il faut étudier son infinité, etc., il n'est fait nulle mention de la bonté, laquelle occupe deux questions. — Mais pourquoi la bonté est interrogée dans le traité sur la perfection, une raison opportune est proposée dans le texte : c’est-à-dire que l’être parfait est le fondement à partir duquel quelque chose est appelée bonne. |
<3> III. In corpore est una conclusio, responsiva quaesito affirmative : Bonum et ens sunt idem secundum rem, sed differunt secundum rationem tantum. |
<3> III. Dans le corps <de l’article>, une conclusion répond à la question par l'affirmative : le bien et l'être sont identiques selon la chose, mais diffèrent seulement par la raison. |
<4> IV. Antequam probetur conclusio, adverte, novitie, terminos conclusionis. Differre namque secundum rationem tantum, latitudinem habet : nam et quae differunt in modo tantum significandi, ut homo et humanitas, ratione sola differunt ; et multa quae differunt rationibus definitivis, ut lignum et dolabile, sola ratione differunt. Propterea distingue, quod differre ratione dupliciter : scilicet, ratione significata, seu concepta ; alio modo, ratione concipiente seu significante. In proposito est sermo de differentia secundum rationem significatam : ita quod sensus est, quod bonum et ens differunt secundum suas rationes formales, significatas eorum nominibus. |
<4> IV. Avant que la conclusion soit prouvée, considère, lecteur novice, les termes de la conclusion. Le fait est qu’ils différent seulement selon la raison, et l’étendue de leur acception ; comme les choses qui en vérité diffèrent seulement par le mode de signification, comme homme et humanité, qui diffèrent par la seule raison ; et beaucoup d’autres qui diffèrent en raison de leur définition, comme le bois et l’outil, lesquels diffèrent par la seule raison. Aussi il convient de distinguer doublement ce qui diffère par la raison : à savoir [d’une part selon] la raison de la signification ou du concept ; <et> d'autre part, selon la notion contenue ou signifiante. Dans la proposition il est question de la différence selon la raison signifiée : de sorte que le sens est, que le bien et l'être diffèrent selon la raison formelle, <laquelle est> signifiée par leur nom. |
<5> V. Probatur ergo conclusio. Primo, quoad primam partem, sic. Bonum habet rationem appetibilis : ergo perfecti ergo entis in actu : ergo entis. Ergo bonum et ens sunt idem secundum rem. — Antecedens probatur ex I Ethic. Prima consequentia probatur : quia omnia appetunt suam perfectionem. Secunda vero relinquitur ut nota. Tertia autem probatur : quia esse est actualitas omnis rei. Ultima autem patet. |
<5> V. La conclusion est donc prouvée. Premièrement, pour ce qui est de la première partie, comme suit. Le bien a la raison de désirable : [et] donc la perfection de l'être en acte : donc de l'être. Le bien et l’être sont donc identiques selon la chose. — L'antécédent est prouvé à partir du premier livre de l’Éthique à Nicomaque. La première conséquence est prouvée : parce que toutes les choses désirent leur perfection propre. La seconde est mise de coté puisque évidente. La troisième est prouvée : parce que l’existence est l’actualité de toute chose. Mais ce dernier point est manifeste. |
<6> Deinde, quoad secundam partem. Bonum dicit rationem appetibilis : quam non explicat ens. Ergo differunt ratione. |
<6> Ensuite, pour ce qui est de la deuxième partie. Il est dit que le bien à la raison de désirable : ce que l'être n'explique pas. Ils diffèrent donc par la raison. |
<7> VI. Circa antecedens dubitatur : quoniam illud quod dicitur de aliquo in secundo modo dicendi per se, non clauditur in ratione illius subiecti, sed e converso, ut patet I Poster. [c. IV, n. 4]. Sed appetibile dicitur de bono in secundo modo dicendi per se. Ergo bonum non habet rationem appetibilis, sed e converso. — Minor probatur. Tum quia ideo aliquid est appetibile, quia bonum : et non e converso. Tum quia bonum est obiectum formale appetitus ; appetibile autem est denominatio extrinseca sumpta ab appetitu ; et habent se sicut color et visibile ; constat autem quod visibile dicitur de colore in secundo modo, ex II de Anima [c. VII, n. 1]. |
<7> VI. Un doute se présente relativement à l’antécédent : puisque ce qui se dit d’une chose en second mode ne se dit par par soi, <et> n’est pas renfermé dans la raison de ce sujet, mais c’est l’inverse, comme cela est manifeste dans le premier livre des Seconds Analytiques [c. IV, n. 4]. Mais le désirable se dit du bien en second mode et par soi. Le bien n’a donc pas la raison de désirable, mais c’est l’inverse. — La mineure est prouvée. Parce que de la même façon qu’une chose est désirable, elle est bonne : et non l'inverse. Et parce que le bien est l’objet formel du désir (appetitus) ; Le désirable est extrinsèquement nommé partant du désir ; comme dans le cas de la couleur et du visible ; il est clair que le visible se dit de la couleur en second mode, comme il est dit au deuxième livre du traité De l’âme [c. VII, n. 1]. |
<8> VII. Ad hoc potest dici dupliciter, iuxta duos modos quibus accipitur aliquid habere rationem appetibilis, scilicet formaliter, et fundamentaliter. Si sumatur ly appetibile formaliter, tunc bonum dicitur habere rationem eius, non ut intrinsecam, sed ut passionem. Si vero sumatur fundamentaliter, tunc bonum dicitur habere rationem appetibilis intrinsece : quoniam propria ratio boni est fundamentum et causa propria appetibilitatis, sicut color visibilitatis. — Et licet utraque glossa sit absolute vera, et prima ex principio Commenti s. Thomae super libros Ethicorum [lect. 1] habeatur, secunda tamen in proposito est directe intenta : quoniam de intrinseca boni ratione est quaestio. |
<8> VII. A cela nous pouvons répondre de deux manières, suivant les deux modes dans lesquels une chose est considérée comme ayant la raison de désirable, à savoir formellement et fondamentalement. Si nous entendons ce désirable formellement, alors le bien est dit de ce qui en a la raison, non pas comme intrinsèque, mais comme passion. Mais si nous l’entendons fondamentalement, alors le bien est dit de ce qui a intrinsèquement la raison de désirable : puisque la raison propre du bien est le fondement et la cause propre de la désirabilité, comme la couleur de la visibilité. — Et bien que les deux interprétations soient recevables dans l’absolu, la première se trouve au début du Commentaire sur l'Éthique à Nicomaque [lect. 1] de s. Thomas, mais c’est seulement la seconde qui, dans la proposition, est directement manifestée : car il est question de la notion intrinsèque du bien. |
<9> VIII. Sed adverte hic quod, quamvis quodlibet horum quae in deductione rationis assumpta sunt [cf. § V], scilicet bonum, perfectum, ens in actu, et ens, importet fundamentum et causam appetibilis ; et propterea concluditur identitas realis inter ea : solum tamen bonum importat proximum fundamentum appetibilis ; quia solum bonum significat rem illam quae fundat appetibilitatem, ut fundat et causat eam : ita quod quanto aliquid propius accedit ad boni rationem, tanto magis exprimit fundamentum appetibilis, ut patet discurrenti per praedicta. Inter ens siquidem et bonum mediant ens in actu et perfectum : et constat quod magis exprimitur ratio appetibilis per ens in actu quam per ens, quoniam unumquodque appetitur secundum aliquod esse in actu, praesens vel futurum ; et adhuc magis per perfectum, quod importat complementum, quia et esse in actu appetitur ad complementum ; et ultimo per bonum, quia nec complementum ipsum appetitur, nisi quia bonum est, aut apparet appetenti. Importat ergo bonum rationem appetibilis, idest fundamentum et rationem proximam quare aliquid sit appetibile : quae quia eadem est perfectioni et esse, idem est quod ens. Sed quia ut sic non exprimitur ab ente, sed absolute secundum se, ideo distinguitur ab ente ratione formali. |
<9> VIII. Mais considère ici que, chacune de ces choses qui ont été supposées dans la déduction de la raison [cf. § 5], c'est-à-dire le bien, la perfection, l'être en acte et l'être doivent être le fondement et la cause de la désirabilité ; et c'est pourquoi il est conclu à une identité réelle entre eux : seulement, seul le bien est le fondement prochain du désirable ; car seul le bien signifie ce qui fonde la désirabilité, comme son fondement et sa cause : de sorte que plus une chose quelconque se rapproche de la notion du bien, plus elle exprime le fondement de la désirabilité, comme il est manifeste des développements précédents. Aussi entre l’être et le bien se trouve la médiation de l’être en acte et de la perfection : et il est clair que la notion du désirable se manifeste plus excellemment par l'être en acte que par l'être, puisque chaque chose est désirée selon un certain être en acte, présent ou futur ; et prioritairement par la perfection, qui exige la complétude, parce que l'être en acte est désiré en vue d’un achèvement ; et ultimement par le bien, parce que l'achèvement lui-même n'est désiré qu’en ce qu'il est bon ou paraît désirable. Le bien implique donc la raison de désirable, c'est-à-dire le fondement et la raison prochaine pour laquelle quelque chose est désirée : parce qu’il en est de même de la perfection et de l'être, c’est ce qu’est l'être. Mais comme tel il ne se dit pas d’un être, mais de lui-même absolument, il se distingue ainsi de l’être par la raison formelle. |
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Article 2 : PUISQU’IL N’Y A ENTRE LE BON ET L’ ÉTANT QU’UNE DIFFÉRENCE DE RAISON, LEQUEL EST PREMIER EN RAISON ? |
<1> I. In titulo, prius secundum rationem, idest secundum ordinem rationum formalium ipsorum. Oportet enim ens et bonum, cum rationibus distinguantur, quod secundum eas ordinata sint, non alio procul dubio ordine, quam qui aptus natus est esse inter rationes formales : qui vocatur ordo rationis, et habet consequenter prius et posterius secundum rationem. Et consistit ordo iste in hoc, quod ratio scilicet posterior praesupponit aliam secundum se, non e converso. Ita quod sensus est : An boni ratio praecedat merito sui, rationem entis. |
<1> I. Dans le titre <de l’article>, c’est d’abord en raison, c'est-à-dire selon l'ordre des raisons formelles elles-mêmes. En effet l'être et le bien, comme distingués en raison, doivent l’être selon l’ordre qui leur est propre, et sans nul doute dans aucun autre que celui rend compte des êtres entre les raisons formelles : lequel est appelé ordre de raison, et possède conséquemment un avant et un après en raison. Et cet ordre consiste en ceci, que le postérieur présuppose de lui-même un autre, mais non l'inverse. Aussi le sens est le suivant : Si le bien en raison précède en ce qu’il est, la raison de l'être. |
<2> II. In corpore una condusio responsiva quaesito : Ens est prius secundum rationem quam bonum. — Probatur. Unumquodque est cognoscibile inquantum est in actu. Ergo ens est proprium obiectum intellectus. Ergo est primum intelligibile. Ergo primo cadit in conceptione intellectus. Ergo est prius secundum rationem quam bonum. |
<2> II. Dans le corps <de l’article>, une conclusion répond à la question : l’Être prime en raison sur le bien. — C'est prouvé. Chaque chose est connaissable dans la mesure où elle est en acte. L’être est donc l’objet propre de l’intellect. Il est donc le premier intelligible. C’est pourquoi il prime dans la conception de l’intellect. Donc, selon la raison, il est antérieur au bien. |
<3> Antecedens probatur ex IX Metaphys. Prima, secunda et tertia consequentia relinquuntur per se notae. Quarta autem probatur : quia ratio significata per nomen, est id quod concipitur de re ab intellectu. — Omnia clara sunt. Concludit enim ratio haec, non solum quod ens est prius secundum rationem bono, sed omnibus aliis, ut patet. |
<3> L'antécédent est prouvé à partir du neuvième livre de la Métaphysique. La première, deuxième et troisième conséquence sont laissées là car évidentes d’elles-mêmes. La quatrième est cependant prouvée : car la raison signifiée par le nom est ce qui est conçue d'une chose par l'intellect. — Tout est clair. Le motif de la conclusion est en effet le suivant, que l’être prime en raison non seulement sur le bien, mais aussi sur toutes les autres choses, comme cela est manifeste. |
<4> III. Circa hanc rationem dubium occurrit : quia aut intenditur inferre quod ens sit prius ordine rationis secundum se, aut quoad nos. Si secundum se, hoc repugnat supradictis in qu. III, art. V. Ibi enim dictum est in littera [arg. sed contra] quod Deo nihil est prius, neque secundum rem, neque secundum intellectum : ex hoc autem sensu sequitur quod ens sit prius Deo secundum rationem. Quoniam si ens est primum intelligibile, sicut sonus primum audibile, oportet cetera esse posteriora intelligibilia, ut patet ex I Poster. [c. V, n. 7] : quod enim primo convenit alicui, ceteris convenit ratione illius. — Si quoad nos, tunc non est respondendo satisfactum quaesito. Vertitur namque in dubium, an ratio entis secundum se sit prior ratione boni : et non, an quoad nos sit prior. |
<4> III. Un doute s'élève relativement à cette argumentation : car il est entendu de l’inférence ou que l’être est par lui-même premier dans l'ordre de la raison, ou <que l’être est premier> par rapport à nous. Si c’est par lui-même, cela contredit ce qui a été dit plus haut à la question trois, article cinq. Où il a été dit dans le texte [arg. sed contra] que rien n'est antérieur à Dieu, ni selon la chose, ni selon l'entendement : mais de ce sens il suit que l'être est antérieur à Dieu selon la raison. Car si l’être est le premier intelligible, tout comme le son prime sur l’entendable, le reste doit être postérieur à l’intelligible, comme c’est manifeste d‘après le premier livre des Seconds Analytiques [c. V, n. 7] : car ce premier s’assemble à un tiers, et le reste selon cette raison. — Si c'est par rapport à nous, alors la réponse à la question n’est pas satisfaisante. Se présente alors un doute, si la raison de l’être lui-même est antérieure à la raison du bien, et non si elle prime de notre point de vue. |
<5> IV. Ad hoc potest dupliciter dici. Primo, quod ens potest comparari ad alia quae sunt sui ordinis, idest ad alias rationes formales : et potest comparari ad res ipsas subsistentes. Si entis ratio comparetur ad alias rationes, accipiendo rationes rerum ut distinguuntur contra res ipsas, sic ens est primum intelligibile secundum se, et cetera sunt posteriora secundum intellectum. Sed inter ly cetera non clauditur quod quid erat esse Dei : quoniam non potest esse ita ratio quin sit res, quia non potest abstrahere ab existentia, cum sit ipsum esse. — Sed si entis ratio comparetur et ad rationes et ad res, tunc non est simpliciter primum intelligibile : sed deitas est primum intelligibile. Ita quod intelligibilitas prius inest Deo quam enti : imo inest enti, quia inest Deo : non enim Deus participative est intelligibilis. — Et sic uterque textus salvatur. Quoniam ibi Deus absolute dicitur primum secundum intellectum hic vero ens dicitur primum inter rationes formales. |
<5> IV. A cela nous pouvons rétorquer deux choses. Premièrement, que l’être peut être comparé à d'autres en tant qu’ils sont de son ordre, c'est-à-dire à d'autres raisons formelles : et il peut être comparé aux choses d’elles-mêmes subsistantes. Si la raison de l'être est comparée aux autres raisons, en entendant ces raisons des choses comme se distinguant des choses elles-mêmes, l'être est alors de lui-même premier intelligible, et le reste est postérieur selon l'entendement. Mais entre ces autres, n'est pas renfermé le ce qu'est l'être de Dieu : puisque l’être ne peut pas être comme les choses sont en raison, parce qu'il ne peut être abstrait de l'existence, puisqu'il est l'être même. — Mais si la raison de l'être est comparée à la fois aux raisons et aux choses, alors il n'est pas absolument (simpliciter) premier intelligible : mais c’est la déité qui est intelligée la première. De sorte que l'intelligibilité de Dieu prime sur les étants : bien plus, ce qui est dans l’étant, est en Dieu : car Dieu n'est pas un intelligible participatif. — Et c’est ainsi que sont solutionnés les deux textes. Car Dieu est dit ici absolument premier selon l'intellect, et là l'être est dit premier entre toutes les raisons formelles. |
<6> Secundo potest dici, quod hic accidit amphibologia in ly quoad nos : quoniam potest determinare vel ordinem, vel intelligibilia. Si determinat ordinem, tunc distinguitur contra ordinem secundum se : et sic procedit obiectio. Et respondendum est quod intenditur de ordine secundum se. Quoniam, ut patet ex titulo, non est hic quaestio de ordine cognitionis, quid scilicet prius a nobis cognoscatur : sed de ordine rationis, cuius scilicet ratio formalis sit prior. — Si determinat intelligibilia, tunc distinguit intelligibilia nostra a non intelligibilibus a nobis. Et iuxta hunc sensum dicendum est, quod hic quaeritur de intelligibilibus quoad nos, idest de intelligibilibus nostris, seu a nobis : ita quod sermo praesens est de ordine secundum se nostrorum intelligibilium. Et secundum hoc, ens est primum secundum se intelligibile, inter intelligibilia a nobis : Deus autem est primum intelligibile simpliciter. — Et hic sensus consonat superficiei litterae, loquenti de obiecto intellectus nostri, dum significare per vocem admiscet. Quamvis hoc non cogat quin sequentia de intellectu absolute, inquantum intellectus est, cuius tantum obiectum proprium constat esse ens, interpretanda sint. Omnis namque intellectus, secundum naturam propriam sumptus, aliud sortitus est proprium obiectum : divinus siquidem deitatem, angelicus propriam substantiam, humanus quod quid est rei materialis, etc, ut suis locis [q. XII, a. 4 sqq.] patebit. |
<6> Deuxièmement, nous pouvons dire ici que ce double sens se produit de notre point de vue : puisqu'il peut déterminer ou l'ordre, ou les intelligibles. S'il détermine l'ordre, alors il distingue l'ordre de lui-même : et ainsi procède l'objection. Et la réponse doit s’entendre de l’ordre lui-même. Car, comme c’est manifeste dans le titre <de l’article>, il n’est pas ici question de l’ordre de la connaissance, c’est-à-dire de la priorité dans ce que nous apprenons, mais de l’ordre de la raison, c’est-à-dire des priorités dans la raison formelle. — S'il détermine les intelligibles, alors il distingue les intelligibles des non intelligibles de notre point de vue. Et en ce sens nous disons qu’il est question des intelligibles pour nous, c'est-à-dire nos intelligibles, ou de notre point de vue : de sorte que le présent propos porte sur l'ordre lui-même de nos intelligibles. Et en ce sens, l'être est premier intelligible en soi, entre tous les intelligibles pour nous : Dieu cependant est dans l’absolu (simpliciter) premier intelligible. — Et cette acception entre en résonance avec le contenu du texte, <lequel> parle de l'objet de notre entendement, et non de la signification qui s’y mêle. Cela n'oblige pas pour autant à interpréter ce qui suit sur l'intellect de manière absolue, dans la mesure où le seul objet propre de l'intellect est l’être. Car à chaque intellect, selon sa nature, est proposé en propre un certain objet : le divin à la déité, l'angélique à sa substance propre, l'humain en ce qu’il est une chose matérielle, etc., comme cela apparaîtra manifeste [q. 12, a. 4 sqq.] en temps et lieu. |
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Article 3 : PUISQUE L’ÊTRE EST PREMIER, TOUT ÉTANT EST-IL BON ? |
<1> I. In corpore una conclusio, responsiva quaesito affirmative : Omne ens, inquantum ens, est bonum. Et additur ly inquantum in conclusione, ad ostendendum quod non per accidens, sed per se convenit omni enti esse bonum. — Probatur sic. Omne ens, ut sic, est actu : ergo perfectum : ergo appetibile et bonum, — Omnia clara sunt. Prima consequentia probatur : quia omnis actus perfectio quaedam est. |
<1> I. Dans le corps <de l’article>, une conclusion répond à la question par l’affirmative : Tout être, en tant qu'être, est bon. Et ce en tant que est ajouté à la conclusion, pour mettre en évidence que ce n'est pas par accident, mais par lui-même, que le bien relève de tout être. — C'est ainsi prouvé. Tout être, en tant que tel, est en acte : il est donc parfait : donc désirable et bon. — Toutes ces choses sont claires. La première conséquence est prouvée : que toute entité en acte est une certaine perfection. |
<2> II. In responsione ad quartum, adverte quod littera duo dicit. Primo namque verificat, assignando rationem quare mathematica non sunt bona : secundo, respondet argumento [cf. § VI]. — Primum quidem fundatur super hoc, quod res sunt bonae, ut infra [a. V] patebit, aut quia sunt, aut quia talia sunt, aut quia ordinantur in bonum. Mathematica autem, ut sic, abstrahunt ab his omnibus : ab esse quidem, quia ut sic non sunt ; ab esse autem tale, eadem ratione, quoniam esse tale supponit esse ; ab ordine autem ad bonum, quia abstrahunt a fine. Probatur : finis habet rationem moventis, haec autem abstrahunt a materia et motu. |
<2> II. En réponse au quatrième point, considère que le texte dit deux choses. Premièrement, le fait est qu’il est montré que la raison des mathématiques n’est pas un bien : deuxièmement, il répond à l'argument [cf. § VI]. — Premièrement, ceci est certes fondé sur le fait que les choses sont bonnes, comme cela sera manifeste par la suite [a. 5], ou en tant qu’elles sont, ou en tant qu’elles sont telles, ou en tant qu’elles sont ordonnées au bien. Cependant les mathématiques, comme telles, font abstraction de toutes ces considérations : et de l'être, car comme telles, elles n’existent pas ; et de <même de> l'être tel, pour la même raison, puisque être tel suppose l'être ; et <de même> en tant qu’elles sont ordonnées au bien, car elles font abstraction de la fin. En voici la preuve : la fin a la raison de mouvement, cependant celles-ci font abstraction de la matière et du mouvement. |
<3> III. Circa hanc partem occurrunt duo dubia. Primum est circa illam rationem, quod ideo mathematica non sunt bona prima bonitate, quia non subsistunt separata. Si enim haec ratio valet, sequitur quod nulla res in universali sumpta, est bona : quoniam nulla res universaliter sumpta subsistit, apud Peripateticos. Consequens est falsum : ergo. |
<3> III. Deux doutes se présentent relativement à cette partie. La première touche à cet argument <que voici>, les mathématiques ne sont pas bonnes d’une bonté première, car elles ne subsistent pas séparément. Si en effet cet argument était valable, il s’ensuivrait que nulle chose relevant de l’universel ne serait bonne : car, suivant les péripatéticiens, il n’existe aucune chose qui ne subsiste universellement. La conséquence est fausse : donc <, etc>. |
<4> Secundum dubium est circa illam rationem, quod ideo mathematica abstrahunt a fine, quia abstrahunt a materia et motu, quia finis habet rationem moventis. Dupliciter enim deficere videtur haec ratio. Primo, quia sequeretur quod metaphysicalia abstraherent a fine : quia magis abstrahunt a materia et motu quam mathematica. Secundo, quia aequivocatur de motu : quoniam finis non habet rationem moventis motu proprie dicto, a quo abstrahit mathematicus ; sed motu metaphorice dicto. Quamvis ergo conclusio sit vera, ratio tamen nulla est. |
<4> Le deuxième doute concerne cet argument <que voici>, que les mathématiques font abstraction de la fin, car elles font abstraction de la matière et du mouvement, puisque la fin a la raison de mouvement. Il est montré que cet argumentation est doublement déficiente. Premièrement, car il s’ensuivrait que la métaphysique ferait abstraction de la fin : puisqu’elle fait, davantage que les mathématiques, abstraction de la matière et du mouvement. Deuxièmement, car l’acception de mouvement est équivoque : puisque la fin n'a pas la raison de mouvement proprement dit, de laquelle le mathématicien fait abstraction ; mais nous parlons métaphoriquement. Donc, même si la conclusion est vraie, l’argument ne l’est cependant pas. |
<5> IV. Ad primum dubium dicitur, quod mathematica possunt sumi dupliciter. Uno modo, secundum id quod sunt absolute. Et sic idem est iudicium de eis et naturalibus, quoad esse et bonitatem : non enim triangulus magis abstrahit ab esse quam albedo. Et sic de eis non est hic sermo sed dici de ipsis potest quod sunt bona eo modo quo entia, scilicet secundum sua individua in rerum natura existentia, etc |
<5> IV. Il est dit touchant le premier doute, qu’il est possible d’entendre doublement les mathématiques. D'une part, selon ce qu'elles sont absolument. Et ainsi le jugement, regardant l'être et la bonté, est identique à la fois à leur propos et à celui des choses naturelles : le triangle n’est en effet pas plus abstrait de l'être que la blancheur. Et ainsi nous n’en parlons pas ici mais nous pouvons dire qu'ils sont bons à la manière des êtres, c’est-à-dire selon leur existence individuelle dans la nature des choses, etc. |
<6> Alio modo considerantur ut mathematica sunt, inquantum subsunt tali abstractionis modo. Et sic negatur par esse iudicium de eis, et de aliis rebus in universali sumptis. — Ad cuius evidentiam, scito quod, licet omnia universalia in hoc conveniant, quod non subsistunt in sua universalitate ; inter universalia tamen physica, mathematica et metaphysica, magna est differentia quoad subsistere in suis abstractionibus propriis. Metaphysicalia namque, secundum propriam abstractionem sumpta, subsistunt : quoniam habent in rerum natura individua abstrahentia ab omni materia sensibili et intelligibili, ut patet de intelligentiis. Mathematica vero, secundum propriam abstractionem sumpta, non existunt : quoniam nullum habent in rerum natura individuum abstrahens a materia sensibili ; non enim invenitur haec linea, nisi in terminatione corporis sensibilis. Naturalia autem, cum nullam habeant propriam abstractionem, sed eam tantum quae communis est omnibus scibilibus, scilicet qua universale abstrahit a particulari ; manifeste patet quod subsistunt in rerum natura, dum habent individua subsistentia cum materia sensibili, et ceteris conditionibus in universali scitis. — Cum ergo in littera dicitur quod mathematica non subsistunt, non est interpretandum quod universalia mathematica universaliter sumpta non subsistunt (hoc enim esset ridiculum pro ratione afferre) : sed quod mathematica ut sic, particulariter sumpta, non subsistunt ; seu, quod idem est, quod mathematica ut sic, non habent aliquod individuum existens in rerum natura. Et propterea neque sunt in universali, neque in particulari : ac per hoc bona esse non possunt. Quod de aliis rebus universaliter sumptis dici non potest. Et sic patet nullitas consequentiae ad oppositum factae : et quare singulariter dicatur de mathematicis quod non habent esse. |
<6> Ils peuvent d'autre part être considérés comme sont les mathématiques, dans la mesure où ils intègrent un tel mode d'abstraction. Et ainsi ce jugement par l’être est nié à leur propos et à celui d'autres choses entendues dans l'universel. — Pour avoir l’évidence de ces choses, sache que, bien que tous les universaux s'accordent en cela, ils en est qui ne subsistent pas dans leur universalité ; cependant, entre les universaux physiques, mathématiques et métaphysiques, la différence est grande quant à la manière de subsister dans leurs propres abstractions. Le fait est que les choses métaphysiques, entendues selon leur abstraction propre, subsistent : puisqu'elles ont dans l’individuation des choses naturelles une abstraction de toute matière sensible et intelligible, comme c’est manifeste partant des intelligences. Mais les mathématiques, entendues selon leur abstraction propre, n'existent pas : car elles n'ont nulle individuation dans les choses naturelles pour abstraire de la matière sensible ; car la droite ne se trouve nulle part si ce n’est finalement dans le corps sensible. Le naturel n'a cependant pas d'abstraction propre, mais seulement ce qui est commun à tous les connaissables, c'est-à-dire ce par quoi l'universel est abstrait du particulier ; Il est tout-à-fait clair qu'il subsiste dans les choses de la nature, et qu'il a une subsistance individuelle avec la matière sensible, et toutes les autres conditions de l'universel. — Quand donc il est dit dans le texte que les mathématiques ne subsistent pas, nous ne devons pas interpréter cela au sens où les universaux mathématiques entendus comme tels ne subsisteraient pas (car il serait raisonnablement ridicule de l’entendre ainsi) : mais que les mathématiques en tant que telles, entendues particulièrement, ne subsistent pas ; ou, ce qui est la même chose, que les mathématiques comme telles, n'ont nulle existence individuelle dans les choses de la nature. Et c’est pourquoi elles ne sont ni dans l’universel ni dans le particulier : et par là, elles ne peuvent être bonnes. On ne peut pas en dire autant des autres choses universellement entendues. Et ainsi la fausseté manifeste de la conclusion est découverte : et c’est pourquoi il est singulièrement dit des mathématiques qu'elles n'ont pas d’existence. |
<7> V. Ad secundum vero dubium [cf. § III], respondetur quod, quia sermones semper interpretandi sunt secundum subiectam materiam, ideo, quamvis non valeat consequentia, abstrahit a materia et motu, ergo a fine, ut patet in XII Metaphys., textu XXXVII [c. 6], ubi ponitur finis in immobilibus ; valet tamen consequentia haec, mathematica abstrahunt a materia et motu, ergo a fine : quia mathematica non sunt nata habere finem nisi materiae et motus, quoniam secundum rem sunt entia naturalia. Si enim abstrahunt a materia et motu oportet ea abstrahere a fine materiae et motus : et si abstrahunt a tali fine, abstrahunt totaliter a fine, quia non sunt nata habere alio modo finem. |
<7> V. Au deuxième doute [cf. § III], il est répondu que, parce que les propos s’interprètent toujours selon la matière sujette, aussi, bien que la conséquence ne soit pas valable, elles font abstraction de la matière et du mouvement, donc de la fin, comme il est manifeste partant du douzième livre de la Métaphysique, texte trente-septième [c. 6], où la fin est fixée dans l’immobilité ; cependant cette conséquence est valable, les mathématiques abstraient de la matière et du mouvement, donc de la fin : parce que les mathématiques ne se présentent pas avec une finalité, si ce n’est partant de la matière et du mouvement, puisque selon la matière elles sont des êtres naturels. Si en effet elles abstraient de la matière et du mouvement, elles doivent abstraire la fin de la matière et du mouvement ; et si elles abstraient une telle fin, elles abstraient totalement la fin, car elles ne se présentent sous aucune autre fin. |
<8> Et per hoc patet etiam responsio ad secundam obiectionem. Cum enim dicitur, finis habet rationem moventis ly moventis potest significare puram causalitatem finis : et sic aequivoce dicitur movens a motu proprie dicto. Sed sic non sumitur hic. — Potest quoque significare et causalitatem finis, et effectum eius : et tunc aequivalet huic quod dico, causantis motum. Et sic sumitur in proposito. Nec est aliqua aequivocatio : sed sumitur utrobique motus proprie : et specificatur qualis finis est mathematicorum. Quasi diceret quod, quia finis mathematicorum habet rationem moventis, idest causantis motum proprie dictum, sicut et finis naturalium ; consequens est quod, si mathematica abstrahant a materia et motu, quod abstrahant a fine. — Et sic ex eadem radice solvitur utraque obiectio. |
<8> Et par là la réponse à la deuxième objection est également manifeste. Car quand nous disons, la fin a la raison de mouvement, ce mouvement peut signifier la pure causalité finale : et ainsi il y a équivoque a parler de moteur et de mouvement. Mais ce n’est pas ainsi que nous l’entendons ici. — Cela peut aussi signifier et la causalité finale, et son effet : et alors il a là équivalence lorsque nous disons, cause motrice. Et c'est ainsi que c’est entendu dans la proposition. Il n'y a pas non plus d'équivoque : mais nous entendons de part et d’autre le mouvement propre : et est spécifiée ce qu’est la fin des mathématiques. C’est comme s'il disait que la finalité des mathématiques a la raison de mouvement, c'est-à-dire une cause motrice proprement dite, tout comme la fin des choses naturelles ; la conséquence est que si les mathématiques abstraient de la matière et du mouvement, elles abstraient de la fin. — Et ainsi les deux objections sont résolues partant de la même racine. |
<9> VI. Secundo, in eadem responsione [cf. § II] satisfacit argumento. Et argumentum quidem est hoc : Mathematica non sunt bona ; mathematica sunt entia ; ergo quaedam entia non sunt bona (in secundo tertiae figurae). — Responsio autem consistit in negatione argumenti : quoniam sophisma est figurae dictionis, vel a secundum quid ad simpliciter. Ly namque mathematica videtur significare entia : et tamen significat entia sic abstracta. Et propterea in littera et negatur conclusio illata, scilicet quod quaedam entia non sunt bona : et conceditur conclusio quae deberet inferri scilicet quod quaedam entia, ut subsunt tali abstractioni, non sunt bona. Nec hoc inconvenit, ut in littera dicitur : quia ratio entis etiam abstrahit a ratione boni. Sicut quia ratio hominis est prior risibilitate, potest sumi homo in aliquo priori (quia in primo modo dicendi per se), in quo convenit sibi esse animal rationale, et non convenit sibi esse risibilem : nec potest tamen inferri, ergo aliquis homo non est risibilis ; sed, ergo aliquis homo in aliquo priori abstrahit a risibili, in quo non abstrahit ab hominis ratione. |
<9> VI. Deuxièmement, l’objection est évacuée par la même réponse [cf. § II]. Et l’argument est le suivant : les mathématiques ne sont pas bonnes ; les entités mathématiques sont des étants ; donc il est des étants qui ne sont pas bons. La réponse consiste cependant dans la négation de l’argument : car le sophisme est une figure de style, ou relativement ou absolument. Nous voyons que ces mathématiques signifient des étants : et ils désignent cependant des étants ainsi abstraits. C'est pourquoi dans le texte cette conclusion est niée, c’est-à-dire en ce que certains étants ne sont pas bons ; et la conclusion qui s’impose est concédée, à savoir que certains étants, comme tenus sous une telle abstraction, ne sont pas bons. Il ne disconvient pas, comme il est dit dans le texte : que la raison de l'être est encore abstraite de la raison du bien. De même que la notion d'homme prime sur sa capacité à rire, l'homme peut s’entendre d’une autre priorité (car c’est là parler en premier mode par soi), dans lequel l’être de ce même animal rationnel ne disconvient pas, et disconvient à sa capacité à rire : on ne peut cependant pas inférer <la chose suivante>, certains hommes n’ont donc pas la capacité de rire ; mais un homme quelconque abstrait donc antérieurement une certaine capacité à rire, de laquelle il n’abstrait pas la notion d’homme. |
<10> VII. Circa hanc partem occurrit dubium, quomodo stent ista duo simul : mathematica, formaliter loquendo, non sunt nec in actu nec potentia, ut dictum est [cf. § IV] ; et, mathematica habent rationem entis : cum ens non dicatur nisi de eo quod est in actu vel potentia. |
<10> VII. Un doute se présente relativement à cette partie, quant à la façon d’articuler ces deux membres ensemble : les mathématiques ne sont formellement ni en acte ni en puissance, comme il a été dit [cf. § IV] ; et les mathématiques ont la notion de l'être : puisque l'être ne peut se dire si ce n’est d’une entité qui est en acte ou en puissance. |
<11>
Ad hoc breviter dicitur, quod haec duo, sane intellecta, stant simul. Prima
enim non negat esse universaliter : sed negat esse sic, scilicet in tali
abstractionis modo. Triangulus enim abstractus a
materia sensibili, nec est, nec esse potest (scilicet secundum talem essendi
modum) in rerum natura. Et hoc est quod in principio huius responsionis
dicitur. — Secunda autem affirmat in confuso aliquod esse. Constat autem
quod, cum negatione unius modi essendi, stat affirmatio essendi in communi de eodem subiecto : quia potest verificari secundum alium
essendi modum. Mathematica ergo et non sunt entia tali modo, et sunt absolute
entia. |
<11> A cet effet il est dit en quelques mots, que ces deux membres, droitement entendus, s’articulent mutuellement. Car le premier ne nie pas l’être universellement : mais nie l’être tel, c’est-à-dire dans tel mode d’abstraction. Le triangle est en effet abstrait de la matière sensible, il n’est donc pas, ni ne peut être (c’est-à-dire selon un tel mode d'être) dans la nature des choses. Et c'est ce qui est dit au début de cette réponse. — Cependant le second <membre> affirme confusément un certain être. Il est néanmoins évident qu’avec la négation d'un unique mode d'être, demeure l'affirmation de l'être en général et du même sujet : car il est possible de le vérifier selon un autre mode d'être. Les mathématiques ne sont donc pas des étants de tel mode <d’être>, mais des étants absolus. |
<12> VIII. Et si instetur ad propositum : « Ergo eodem modo dicendum est quod non sunt bona tali modo, sed sunt absolute bona : et consequenter male dicitur quod mathematica non sunt bona » : neganda est sequela. Quoniam ad hoc quod aliquid habeat formaliter rationem entis, sufficit quod in se sit tale quod ei non repugnet esse in rerum natura ; quocumque id modo eveniat, sive secundum suam abstractionem sive non. Ad hoc autem quod habeat formaliter rationem boni, ultra hoc exigitur quod ipsum sumatur in ordine ad esse, vel ad finem, etc. Modo, triangulus et cetera mathematica, secundum suas quidditates, hoc possident, quod eis non repugnat existere : et propterea entis rationem formaliter retinent. Sed quia non considerantur in ordine ad esse et finem in rerum natura, ideo abstrahunt a boni ratione formaliter, non fundamentaliter : et propterea in eis esse negatur. — Cuius signum manifestum est, quod nulla ibi conclusio demonstratur propter bonum aut melius esse : nulla ibi demonstratio per causam finalem aut effectivam (quae respiciunt esse in rerum natura), sed tantum per formalem : illa enim est propria bono, haec enti. |
<12> VIII. Et si sur la proposition <suivante> il y a insistance : « Il est donc dit de la même façon qu’elles ne sont pas bonnes suivant tel mode, mais qu’elles sont absolument bonnes : et conséquemment il est à tort dit que les mathématiques ne sont pas bonnes » : l’enchaînement est nié. Car qu'une certaine chose ait formellement la notion d'être, <cela> suffit tel quel et en soi pour qu'elle ne répugne point à avoir l'être dans la nature des choses ; indépendamment de la façon dont cela se présente, que ce soit selon son abstraction ou pas. Cependant pour qu’une chose ait formellement la raison du bien, il est avant tout exigé qu’elle s’entende elle même dans l’ordre de l’être, ou <dans l’ordre> de la fin, etc. Or, le triangle et autres choses semblables du domaine des mathématiques, selon leurs quiddités, peuvent posséder ces choses, et elles ne répugnent pas à exister : et c’est pourquoi elles ne se bornent pas formellement à la notion d'être. Mais parce que ces choses ne sont pas considérées dans l’ordre de l’être et la fin dans l’ordre de la nature, de même elles sont abstraites formellement, et non fondamentalement, de la notion de bien : et c’est pourquoi l’être, à l’intérieur d’elles, est nié. — La signification claire est donc que cette conclusion n’est pas davantage établie pour le bien que pour l’être : il n'y a là nulle démonstration par la cause finale ou efficiente (qui regarde l'être dans la nature des choses), mais seulement par la cause formelle : l’une est en effet propre au bien, l’autre à l'être. |
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Article 4 : DANS QUEL GENRE DE CAUSE LA BONTÉ RENTRE-T-ELLE ? |
<1> I. In titulo, habere rationem causae finalis non sumitur hic identice, sed dupliciter : scilicet in actu signato, et in actu exercito. Si primo modo habere rationem causae finalis intelligitur, sumitur fundamentaliter fundamento proximo. Non enim quaeritur utrum bonum sit ratio causae finalis : sed an sit proprium fundamentum illius. Quid autem sit ratio causae finalis, ex II Physic. [c. III, n. 3, 5] et V Metaphys. [c. II, III] patet, scilicet cuius gratia aliquid fit aut est. Unde sensus tituli est : An res, eo quia bona, vendicet sibi hoc proprium, quod sit cuius gratia. — Si vero secundo modo intelligitur, tunc habere rationem causae finalis sumitur formaliter ; ita quod sensus tituli est : Utrum bonum formaliter sit formaliter ipsa ratio finis in actu exercito, idest exerceat causalitatem finalem : verbi gratia, si dicatur quod A fit aut est, simpliciter aut tale, quia est bonum, an ex hoc ipso reddatur causa finalis. Et hic sensus est, iudicio meo, intentus : quia formalis est, et tanto dignus ingenio ; et responsio ad hoc tendit. |
<1> I. Dans le titre <de l’article> ici, avoir la raison de cause finale ne s’entend pas d’une seule façon, mais doublement : c’est-à-dire, <ou> dans l'acte signifié, <ou> dans l'acte exercé. Si nous l’entendons de la première façon, nous intelligeons la notion de cause finale, entendue fondamentalement d’un fondement prochain. La question n’est en effet pas de savoir si le bien a la raison de cause finale, mais s’il en a le fondement propre. Mais <plutôt> quant à ce qu’est la raison de la cause finale, comme c’est manifeste partant du deuxième livre de la Physique [c. III, n. 3, 5] et du cinquième livre de la Métaphysique. [c. II, III], à savoir ce pourquoi quelque chose est fait ou est. De là le sens du titre <est le suivant> : si une chose, laquelle est bonne, exige pour elle-même cette propriété, le ce pourquoi. — Si nous l’entendons de la deuxième façon, nous avons alors la raison de cause finale entendue formellement ; alors le sens du titre est <le suivant> : Si nous l’entendons de la deuxième façon, nous avons la notion de cause finale, dite finalité ; et ainsi entendu le sens de la question est <le suivant> : Si formellement le bien est la raison même de fin de l'acte exercé formellement, c'est-à-dire s'il exerce la causalité finale : par exemple, s’il est dit que A fait ou est <ceci ou cela>, absolument ou de telle manière, lequel est bon, et si tout cela renvoi en lui-même à la cause finale. Et ce sens est, suivant mon jugement, <celui qui est> voulu : car c’est formel et digne de tant d’ingéniosité ; et c’est à cela que tend la réponse. |
<2> II. Circa hanc determinationem, adverte breviter veritatem quam hinc habes, de illa quaestione, utrum res sit causa finalis in intentione, aut in executione, etc. Cum enim hic habeas (quod in II quoque Physic. [c. III, n. 3] habetur) quod bonum importat finis rationem in actu exercito (quod etiam inductive probatur, dum omnis ratio propter bonum aut melius, finem affert), oportet ut eadem ratione rem aliquam finem dicas, qua bonam eam asseris. Ex supradictis [art. 1] autem patet quod bonum formaliter unumquodque dicitur et est, ratione esse : finis igitur rationem habet res ratione esse. Ita quod, sicut forma est ratio causandi effective, existere autem est conditio formae efficientis : ita esse est ratio causandi finaliter ; esse autem in intentione, est conditio esse causantis finaliter ; esse autem in executione, non est finis, sed terminus et effectus tam finis quam efficientis. Et hoc inductione, non ratione eget : sanitas enim, scientia, balneum, etc, appetitur ut insit, ut habeatur, etc, non in intentione, sed secundum esse naturale ipsius. Et sic esse est ratio quod appetatur res, quod idem est quod finalizare : sed nunquam aliquod horum finalizaret, trahendo appetitum ad se, nisi esset in intentione, ut patet ex hoc autem experimur sequi executionem rei quae ut finis movet. Et hoc voluit Averroes XII Metaphys., comment. XXXVI. Et hoc, bene penetratum, solvit omnes difficultates apud intellectum abstrahentem rem ab esse extra animam, ab esse in executione, et ab esse in intentione, modo praedicto. |
<2> II. Relativement à cette détermination, considère brièvement la vérité de ce que nous avons ici, sur cette question, si la chose est la cause finale dans l'intention, ou dans l'exécution, etc. Car puisque vous avez ce fait ici (ce qui apparaît dans le deuxième livre de la Physique [c. III, n. 3]) que le bien exige une fin dans la raison de l’acte exercé (ce qui est encore prouvé par induction, puisque toute détermination en vue du bien ou du mieux porte une finalité), il est nécessaire en raison d’une même finalité quelconque qu’une chose et un bien soient désignés par la même notion. De ce qui a cependant été dit plus haut [art. 1] il est manifeste que formellement toute chose bonne soit et se dise par la notion d’être : donc la raison de la fin d’une chose a la notion d’être. De sorte que, de même que la forme est la raison de la cause efficiente, de même l'existence est la condition de la forme efficiente : de même que l'être est la raison de la cause finale ; de même l’être dans l'intention, est la condition de l’être de la cause finale ; néanmoins l’être dans l’exécution n'est pas la fin, mais le terme et l’effet à la fois de la <cause> finale et de la <cause> efficiente. Et cette induction, n’exige nul motif : en effet la santé, la science, le bain, etc., sont recherchés pour être possédés, etc., non dans l'intention, mais selon leur être naturel lui-même. Et ainsi l’être est la raison de ce qu’une chose est désirable, ce qui revient à la finalité, : mais jamais l'une de ces choses n’aurait de finalité, sollicitant pour elle le désir, si ce n’était dans l'intention, comme c’est manifeste de ce que nous expérimentons dans l’exécution des choses qui opèrent en vue d’une fin. Et c'est ce que voulait Averroès dans son commentaire du douzième livre de la Métaphysique, commentaire trente-six. Et ceci, bien analysé, solutionne toutes les difficultés touchant l’abstraction intellectuelle de l’être d'une chose hors de l'âme, de l'être dans l’exécution et de l'être dans l’intention, de la façon dite <plus haut>. |
<3> III. In corpore duo : primo respondetur quaesito ; secundo excluditur tacita obiectio. Quoad primum, est conclusio responsiva quaesito affirmative : Bonum habet rationem causae finalis. — Probatur. Appetibile habet rationem finis : bonum est appetibile : ergo bonum habet rationem finis. |
<3> III. Dans le corps <de l’article> deux choses sont faites : premièrement il est répondu à la question ; deuxièmement, une objection tacite est exclue. Quant au premier point, la conclusion répond à la question par l’affirmative : le bien a la notion de cause finale. — C'est prouvé. Le désirable a la raison de fin : le bien est désirable : donc le bien a la raison de fin. |
<4> IV. Quoad secundum, tacita obiectio est haec. Superius [art. 1, ad. 1um] iam determinatum est quod bonum non habet rationem primi, sed ultimi potius. Modo autem dicitur quod habet rationem causae finalis : quam constat habere rationem primi, cum finis sit causa causarum. Quomodo ergo stant haec simul, quod bonum habeat rationem ultimi et primi ? |
<4> IV. Quant au second point, c’est une objection tacite. Il a déjà été déterminé plus haut [art. 1, ad. 1um], que le bien n'a pas la priorité en raison, mais plutôt l’ultime. Mais il est dit qu'il a la raison de cause finale : laquelle prime en raison, puisque la fin est la cause des causes. Comment donc ces extrêmes peuvent-ils s'harmoniser, puisque le bien a la raison du dernier et du premier ? |
<5> Hanc obiectionem excludendo, primo ponit responsionem : deinde probat ipsam. Responsio est, quod bonum est ultimum in essendo, primum autem in causando : quamvis in littera prima pars responsionis huius tantum proponatur. — Probatio est : primum in causando, est ultimum in essendo ; finis est primum in causando ; ergo finis est ultimum in essendo. Sed bonum habet rationem finis : ergo. Maior probatur ex testimonio sensibilium, in quibus primum in causando, est ultimum in causato, ut patet in igne et calore. Ergo, absolute, primum in causando, est ultimum in essendo. |
<5> En excluant cette objection, il expose premièrement la réponse : il la prouve ensuite. La réponse est que le bien est l’ultime en essence, et néanmoins premier dans la cause : bien que dans le texte seule la première partie de la réponse soit avancée. — La preuve est : ce qui est premier en causant, est dernier en essence ; la fin est première dans la cause ; donc la fin est la dernière dans l’essence. Mais le bien a la raison de fin : donc <, etc>. La majeure est prouvée par le témoignage du sensible, dans lequel le premier dans la causation est le dernier dans le causé, comme cela est manifeste dans le feu et la chaleur. Donc, ce qui est premier dans la causation est absolument le dernier dans l’essence. |
<6> V. Circa maiorem, adverte terminos : quod ly primum et ultimum denotant in proposito ordinem generationis ; et supponunt pro formis, seu rationibus formalibus, quae sunt principia causandi et essendi. Ly vero in causando sumitur ut distinguitur contra in essendo. Supponitur siquidem hic duplicem dari ordinem generationis inter res : alterum in causando, alterum in essendo. Et ille quidem attenditur penes prius et post causare, iste vero penes prius et post esse : ita quod illa res est prior in causando, cuius causalitas non pendet a causalitate alterius, sed e converso et similiter illa res est prior in essendo, cuius esse non praesupponit esse alterius, sed e converso. Est ergo sensus maioris, quod res prior ordine generationis quoad causalitatem, est posterior ordine generationis quoad esse. |
<6> V. Relativement à la majeure <du raisonnement>, considère les termes : que ce premier et ce dernier désignent dans la proposition l'ordre de génération ; et cela suppose des formes, ou des raisons formelles, lesquelles sont des principes de cause et d’essence. Ce dans la causation s’entend d’une distinction d’avec ce dans l’essence. En effet, il est ici supposé une double racine des ordres de génération entre les choses : l'une dans la cause, l'autre dans l'être. Et lorsque celui-ci est considéré suivant l’antérieur et le postérieur à la cause, celui-là est considéré suivant l’antérieur et le postérieur à l'être : de sorte que cette chose-ci est antérieure en causation, elle ne dépend pas causalement de la causalité d'une autre, mais c’est l’inverse, de même de cette chose-là qui est antérieure dans l’essence, elle ne présuppose pas dans l’être l'existence d'une autre, mais c’est l’inverse. Le sens de la majeure est donc que les choses qui priment dans l’ordre de la génération de la cause, sont postérieures dans l’ordre de la génération de l'être. |
<7> VI. Circa probationem maioris, adverte quod ordo rerum in essendo potest considerari absolute ; et sic sumitur in maiore : et potest considerari in tali genere, puta causatorum ; et sic sumitur in probatione maioris. Ita quod ab ordine in essendo invento inter fundamenta prioris et posterioris causae, puta caloris et formae ignis in causato, manuducere nos voluit ad ordinem in essendo simpliciter. Non enim intendebat maiorem ex vi probationis inferre sed ostendere quod non oportet eundem ordinem esse inter res in essendo, qui est in causando, nec e converso : quod sufficienter ex illa probatione fit. Et rursus intendebat ad intelligibilia haec, ex sensibilium testimonio elevare : quod satis hic fit. |
<7> VI. Relativement à la preuve de la majeure, considère que l’ordre des choses dans l’essence peut être considéré dans l’absolu ; et c’est ainsi que s’entend la majeure : et il peut être considéré dans un tel genre, par exemple, <celui> des causes ; et c'est ainsi que s’entend la preuve de la majeure. En sorte que de l'ordre de l’essence où se rencontrent les fondements premiers et derniers de la cause, par exemple la chaleur et la forme du feu dans la cause, il a voulu nous guider vers l'ordre dans l'être absolument entendu (simpliciter). Il n'entendait pas en effet inférer la majeure par la force de la preuve, mais montrer qu'il ne doit pas y avoir le même ordre de causalité être entre les choses de l’essence, ni l’inverse : ce qui est suffisamment établi par cette preuve. Et il entendait encore une fois élever ces choses à l’intelligibilité, partant du témoignage des sens : ce qui est suffisamment fait ici. |
<8> VII. Circa huius maioris, et totius rationis vim, dubium occurrit. Quia aut hic est sermo de ordine in causando et essendo absolute ; aut respectu huius, et in hoc. Si absolute, maior est falsa. Tum quia ultimus finis omnium, puta Deus, est primum in causando ; et tamen non est ultimum, sed primum quoque in essendo. Tum etiam in exemplo litterae : forma ignis non solum est primum in essendo, sed etiam in causando ; nam prius forma ignis causat formaliter ignem, sive causantem sive causatum, quam calor effective calefaciat. Et simile est in omnibus : semper enim forma praevenit et in esse et in causalitate formali. — Si autem respectu huius, aut in hoc : ergo non habetur intentum. Intendit enim absolute ordinem boni ad alia assignare ; et non in hoc vel illo. |
<8> VII. Relativement à cette majeur, et à tous ces puissants arguments, un doute se présente. Parce que il est question ici ou de l'ordre dans le causer et dans l'être absolument ; ou par rapport à ceci et à cela. Si c’est absolument, La majeure est fausse. Puisque l’ultime fin de toutes choses, par exemple Dieu, est premier dans la cause ; et ce n'est pas le dernier, mais encore le premier dans l’essence. Également encore dans l'exemple du texte : la forme du feu est non seulement première dans l'essence, mais aussi dans la cause ; cette forme du feu cause d’abord formellement l’incendie, ou causant ou causé, avant que la chaleur ne chauffe efficacement. Et il en est de même en toutes choses : car la forme prévient toujours à la fois l'être et la causalité formelle. — Si cependant cela regarde le ceci et le cela : alors ce n'est pas ce vers quoi il tend. Car il entend assigner l’ordre absolu du bien aux autres choses ; et pas dans ceci ou cela. |
<9> VIII. Ad hoc dicitur quod hic sermo est de ordine et in causando et in essendo absolute. Sed obiectio peccat. Tum quia male interpretatur maiorem. Non enim intendimus quod primum in causando, illud idem numero sit ultimum in essendo, respectu eorum quorum est primum in causando (haec enim universalis est impossibilis, nec eam somniavimus) : sed intendimus illud idem secundum rationem formalem, sive eandem specie, sive eandem genere, sive eandem secundum analogiam, sit ultimum in essendo, in ordine eorum quorum est primum in causando. Et hoc modo, ratio bonitatis divinae est prima in causando finaliter, et ipsamet secundum analogiam est ultima in essendo in re qualibet ; ut patet ex articulo I, in responsione ad I. — Tum quia testimonium ex sensibilibus in littera adductum pervertit. Ut enim iam dictum est [cf. § VI], sensibilia hic adducta sunt, ut ex ordine in causando hoc, et in essendo in hoc causato, perciperemus ordinem in causando simpliciter et in essendo simpliciter, non esse eundem. Unde licet forma substantialis ignis sit prior in essendo et in causando simpliciter quam calor ; non tamen est prior in causando hoc, idest hunc ignem generandum. Prius enim, ordine generationis, est calefactio quam generatio formae ignis : alteratio enim praevia est generationi. Et tamen primum quod sortitur hic ignis genitus, est forma ignis : et calor consequitur formam, sicut universaliter propria accidentia consequuntur formam. |
<9> VIII. À cet effet il est dit que ce propos porte sur l'ordre, la cause et l'être absolument. Mais l’objection pèche. Car la majeure est faussement interprétée. Car nous ne voulons pas en effet que la même chose soit la première à causer et numériquement la dernière dans l’essence, touchant ces choses qui priment dans la causation (car cet universel est impossible, et nous n'y songeons pas) : mais nous entendons que ce qui est identique selon la raison formelle, ou de la même espèce, ou du même genre, ou du même procédé analogique, soit le dernier dans l’essence, et premier dans le processus de causation qui est le sien. Et entendu ainsi la raison de la bonté divine est première dans la cause finale, et est elle-même, selon l'analogie, la dernière dans l’essence de n’importe quelle chose ; comme cela ressort manifestement de l'article premier, dans la réponse au premier point. — Et parce que le témoignage du sensible invoqué dans le texte est perverti. Car ceci a en effet déjà été dit [cf. § VI], de la sensibilité ici invoquée, de laquelle, suivant l'ordre de telle cause, et de l'être dans cette cause, nous pouvons percevoir que, dans l’absolu, l'ordre dans la cause et dans l'être n'est pas le même. Ainsi, bien que la forme substantielle du feu soit absolument (simpliciter) antérieure dans son existence et dans sa cause à la chaleur ; elle n’est pourtant pas la première à causer cela, c’est-à-dire à générer ce feu. Car, dans l'ordre de la génération, l’échauffement précède la génération de la forme du feu : car l'altération est antérieure à la génération. Et pourtant, la première chose réceptrice de ce feu, c'est la forme du feu : et la chaleur suit la forme, tout comme les accidents propres suivent universellement la forme. |
<10> IX. At si in sensibilibus ordinem simpliciter cupis inspicere, adverte quod causalitas formalis pendet necessario ex effectiva, et liquebit quaesitum. Licet enim in hoc sensibili primum sit quod quid erat esse, quod spectat ad causam formalem ; nulla tamen forma aut quidditas vere habet causalitatem formalem secundum rem, nisi ab aliqua causa sit effectiva, quam oportet propter finem agere. Cum enim forma non sit causa formalis sui ipsius, sed alterius, puta compositi ; et omne compositum (ut in qu. III [art. 7] dictum est, et Averroes in XII Metaphys., comment. XXV, testatur) ab alio sit ; oportet ante omnem causalitatem formalem esse effectivam, et ante hanc, finalem. In essendo tamen, primo invenitur et in causa forma, et in effectu similitudo formae : secundo, in causa vis activa, et in effectu eius participatio : tertio, in causa bonitas, et in effectu complementum, quod est participatio bonitatis. Et sic simpliciter praeposterus est ordo in essendo et in causando. |
<10> IX. Mais si tu veux analyser l’ordre du sensible dans l’absolu, considère que la causalité formelle dépend nécessairement de la causalité efficiente, et la question sera solutionnée. Car il est vrai que dans cette chose sensible, il y a premièrement le ce qu’est l’être, ce qui regarde la cause formelle ; cependant aucune forme ou quiddité n'a réellement de causalité formelle selon la chose, à moins qu'elle ne soit effectivement causée par une certaine cause, laquelle doit agir en vue d’une fin. Car en effet la forme n'est pas la cause formelle d'elle-même, mais d'une autre, par exemple d'un composé ; et toute composition (comme il a été dit dans la troisième question [art. 7], et Averroès en témoigne dans <son commentaire de> la Métaphysique, livre douzième, commentaire vingt-cinq) d'une autre ; elle doit avoir effectivement l’être avant toute causalité formelle, et avant cela, toute causalité finale. Néanmoins dans l’essence, la forme intervient premièrement dans la cause, et la ressemblance de la forme dans l’effet ; deuxièmement, la puissance active dans la cause et sa participation à l'effet ; troisièmement, la bonté dans la cause et l'achèvement dans l'effet, laquelle est la participation du bien. Ainsi l’ordre dans l’être et dans la cause est absolument antérieur. |
<11> X. Pro notitia tamen litterae in calce, scito, novitie, quod duplicis perfectionis meminit, scilicet in esse et absolute. Et intendit perfectum in esse, perfectum substantialiter : perfectionem vero absolute, quam dicit in ente fundari per boni rationem, perfectionem rei simpliciter, seu totalem. Haec enim secundum boni simpliciter rationem attenditur, ut ex supradictis [art. 1, ad. 1um] patet : tunc enim nihil omnino deest. |
<11> X. Néanmoins, pour avoir l’évidence du texte à cet endroit, sache, lecteur novice, que la perfection se comprend doublement, c'est-à-dire dans l'être et dans l'absolu. Et il entend le parfait dans l'être, le parfait substantiellement : en effet, la perfection absolue, dit-il, est fondée dans l'être par la raison du bien, c’est la perfection de la chose entendue absolument ou totalement. Car on considère ces choses selon le principe du bien, comme c’est manifeste d’après ce qui a été dit plus haut [art. 1, ad. 1um] : et ainsi rien ne manque. |
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Article 5 — LA BONTÉ CONSISTE-T-ELLE DANS LE MODE, L’ESPÈCE ET L’ORDRE ? |
<1> I. In titulo, nota terminos. Ratio boni : non universaliter, sed causati, ut patet in articulo sequenti [q. sq. a. 1, ad. 1um] ; in Deo enim non habent haec locum. Et rursus ratio boni, non quomodolibet, sed boni ut quod. — Modus, species et ordo. Trifariam invenitur s. Thomam usum fuisse his terminis. Hic siquidem, in corpore, per modum intendit commensurationem principiorum efficientium, seu materialium ; per speciem, formam ; per ordinem, inclinationem ad aliquid. In Ia vero IIae, qu. LXXXV, art. 4, per speciem intendit formam absolute ; per modum, mensuram ipsius formae (species enim rerum sunt mensuratae sicut numeri) ; per ordinem vero, respectum ad aliud. In quaestione autem de Veritate, qu. XXI [a. 6], intendit per speciem formam ; per modum, commensurationem ipsius esse ad essentiam cuius est ; ordinem vero, penes respectum perfectivi finaliter, in ratione boni clausum. — Quae tres expositiones, quamvis valde differre videantur quoad unum terminum, scilicet ly modus ; si tamen subtilius perscrutemur, in unum coeunt. Commensuratio namque principiorum, mensura formae, et commensuratio esse ad essentiam, mutuo se inferunt. Ex tali enim principiorum harmonia, tantae perfectionis forma est ; et ex tanta forma tantum esse, secundum ordinem generationis. Secundum vero perfectionis seu finis ordinem, si tantae perfectionis esse est producendum, ergo tantae perfectionis formam ac essentiam oportet supponi et si hanc, ergo talem praecedentium principiorum dispositionem. |
<1> I. Dans le titre <de l’article>, note les termes. La raison du bien : non pas universellement, mais causée, comme l’explicite l'article suivant [q. sq. a.1, ad. 1um] ; Il n’y a en effet nulle place pour cela en Dieu. Et encore une fois, la raison du bien, non pas quelconque, mais le bien comme tel. — Mode, espèce et ordre. C’est la tripartition que s. Thomas utilise textuellement. Ainsi donc ici, dans le corps <de l’article>, par mode il est entendu la commensuration du principe efficient, ou matériel ; par espèce <il est entendu> la forme ; par ordre, <il est entendu> une inclination vers une quelconque chose. Dans la partie une de la deuxième partie (Prima secundae) <de la Somme théologique>, article quatre de la quatre-vingt-cinquième question [Ia-IIae, q. 85, a. 4], par espèce, il est entendu la forme dans l’absolu ; par mode, la mesure de cette forme (les espèces des choses sont en effet numériquement commensurables) ; par ordre, la disposition envers un tiers. Cependant dans les questions disputées Sur la vérité, question vingt-et-un [a. 6], il est entendu par espèce la forme ; par mode, la commensuration de l’être lui-même vis-à-vis de son essence ; par ordre, ce qui se rattache à la finalité perfective, <laquelle est> renfermée dans le bien. — Ces trois exposés semblent différer considérablement sur un terme, à savoir le mode ; mais à y regarder de plus près, ils s’harmonisent en un seul. Le fait est que la commensuration du principe, mesure la forme, la commensuration de l’être vis-à-vis de son essence s’infère dans un sens comme dans l’autre. D’une telle harmonie des principes découle assurément la forme d’une remarquable perfection ; et de telle forme, tel être, selon l'ordre de génération. Selon la perfection ou l'ordre de la finalité, si l'être d'une telle perfection doit en procéder, alors la forme et l'essence d'une telle perfection doivent être présupposées, et si tel est le cas, alors il y a disposition des précédents principes. |
<2> Rationem boni consistere in modo, specie et ordine, dupliciter potest intelligi. Uno modo, ut in partibus essentialibus ; sicut ratio hominis consistit in animali et rationali. Alio modo, ut in partibus integralibus, non rationis, sed propriae eius materiae ; sicut ratio hominis consistit in carnibus, ossibus et nervis. Et hoc modo intelligo in proposito rationem boni consistere in modo, specie et ordine. — Est ergo sensus tituli : An ratio boni ut quod, causati, consistat in forma, antecedentibus, et consequentibus, tanquam in partibus suae propriae materiae. |
<2> La raison du bien épousant le mode, l’espèce et l’ordre peut s’expliciter doublement. D'une part, comme dans des parties essentielles ; tout comme la notion d’homme intègre l’animalité et la rationalité. D'autre part, comme dans des parties intégrantes, non de la raison, mais de sa matière propre ; tout comme la notion d’homme se constitue de chair, d’os et de nerfs. Et c’est ainsi que nous interprétons dans la proposition la raison du bien en tant qu’elle intègre le mode, la forme et l’ordre. — Le sens du titre est donc le suivant : Si la raison du bien comme telle, causée, se loge dans les formes antécédentes et conséquentes, comme dans les parties de sa matière propre. |
<3> II. In corpore una conclusio, responsiva quaesito affirmative : Ratio boni consistit in modo, specie et ordine. — Probatur. Unumquodque est id quod est, per suam formam, exigentem quaedam antecedentia et consequentia. Ergo, cui nihil deest secundum modum suae naturae, habet speciem, modum et ordinem. Ergo perfectum habet haec. Ergo bonum exigit haec. — Antecedens, quoad utramque partem, patet. Prima vero consequentia patet ex quid nominis speciei, modi et ordinis. Secunda vero tenet per locum a definitione ad definitum. Tertia autem probatur : quia perfectio est ratio appetibilis. |
<3> II. Dans le corps <de l’article>, une conclusion répond à la question par l’affirmative : La raison du bien consiste dans le mode, la forme et l’ordre. — C'est prouvé. Chaque chose est ce qu'elle est, par sa forme, exige une certaine entité antécédente et une certaine entité consécutive. Donc celui à qui rien ne manquerait selon la notion de sa nature a une espèce, un mode et un ordre. Lequel a donc cette perfection. Le bien exige donc toutes ces choses. — L'antécédent, et ses deux parties, est manifeste. La première conséquence ressort nettement de ce qu’est le nom d’espèce, de mode et d’ordre. La seconde est tenue en procédant de la définition au défini. La troisième est cependant prouvée : que la perfection est une notion désirable. |
<4> III. Circa hanc conclusionem occurrit dubium : quomodo potest salvari modus in bono substantiali angelorum, exponendo modum, idest commensurationem principiorum efficientium, seu materialium, ut hic dicitur ; cum in angelis non sint principia materialia, et efficiens eorum sit solus Deus, cuius actio est sua substantia. |
<4> III. Un doute se présente relativement à cette conclusion : comment le mode peut-il se solutionner dans le cas du bien substantiel de l’ange, explicitant ses propriétés, c'est-à-dire la commensuration du principe efficient ou matériel, comme il a été dit ici ; puisqu'il n'y a chez l’ange nul principe matériel, et que Dieu seul préside à son efficience, et que son action est sa substance. |
<5> Ad hoc breviter dicitur quod, iuxta expositionem in hoc loco positam, salvatur modus boni angelici secundum substantiam, quoad principium efficiens, sic. Deus enim agens potest dupliciter sumi. Uno modo, absolute : et sic tam ipse quam sua actio est supra omnem modum. Alio modo, ut agit secundum hanc vel illam ideam : et sic actio Dei est commensurata ita huic, quod non alii ; sicut et idea est ita propria idea huius, quod non alterius. Et hoc modo actio productiva Gabrielis est modificata, et modificans esse et bonum substantiale Gabrielis : et hoc sufficit. — Potest quoque secundum materiale principium salvari modus in angelis : quoniam essentia est ut materia ipsius esse, et est commensurata illi. Sed hoc magis ad alias expositiones [cf. § I] spectat : quoniam modus hic antecedit formam, ut patet in littera. |
<5> Il est à cet effet dit en quelques mots que, suivant l’exposition proposée dans ce passage, le bien angélique, selon sa substance, se résout ainsi partant du principe efficient. L’agentivité de Dieu peut en effet s’entendre doublement. D’une part, dans l’absolu : et ainsi ce qu’il est et son action sont au-delà de toute mode. D'autre part, selon son agir de tel ou tel point de vue : et ainsi l'action de Dieu se proportionne comme cela, mais non des autres ; de même qu'un point de vue est propre à untel, et non à tel autre. Et ainsi s’apprécie l'activité productrice de <l’archange> Gabriel, comme l'être et le bien substantiel de Gabriel : et cela suffit. — Il est encore possible de solutionner le mode de l’ange selon le principe matériel : car l'essence est comme la matière de son être, et lui est commensurable. Mais ceci touche davantage à d'autres explications [cf. § I] : car le mode précède la forme, comme c’est manifeste dans le texte. |
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Article 6 : LA DIVISION DU BIEN EN HONNÊTE, UTILE ET DÉLECTABLE |
<1> I. Titulus clarus. — In corpore duae conclusiones : altera secundum communem opinionem ; altera propria. Prima est : Haec divisio dicitur proprie esse boni humani. Secunda est : Haec divisio proprie est boni in eo quod bonum. |
<1> I. Le titre est clair. — Il y a deux conclusions dans le corps <de l’article> : la première selon l'opinion commune ; l'autre en propre. La première est la suivante : Cette division est dite convenir en propre au bien humain. La seconde est la suivante : Cette division convient au bien en tant que bien. |
<2>
Probatur utraque sic. Terminus corporalis motus convenienter dividitur per ea
quae sunt proportionalia honesto, utili et delectabili. Ergo terminus motus
appetitivi bene dividitur in honestum, utile et delectabile. Ergo et bonum. —
Antecedens declaratur ex divisione termini motus in secundum quid et
simpliciter : et rursus termini simpliciter, in ipsam rem terminantem, et
quietem in ea. Consequentia vero prima probatur : quia terminus motus
appetitivi ex terminatione motus corporalis innotescit. Secunda vero :
quia bonum est id quod appetitur. — Omnia sunt clara. |
<2> Les deux conclusions sont prouvées. Le terme du mouvement corporel se divise convenablement en honnête, utile et agréable lesquels lui sont proportionnés. Le terme du mouvement appétitif est donc convenablement divisé en honnête, utile et agréable. Et donc le bien également. — L'antécédent s'explique par la division du terme du mouvement selon l’absolu ou le relatif (secundum quid) : et encore le terme dans l’absolu (simpliciter), s’achevant et trouvant son repos dans la chose elle-même. La première conséquence est prouvée : parce que le terme du mouvement appétitif culmine dans le terme du mouvement corporel. Et la seconde <conséquence> : parce que ce qui est désiré est bon. — Tout est clair. |
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Question 6 : LA BONTÉ DE DIEU |
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Article 1 : PEUT-ON DIRE DE DIEU QU’IL EST BON ? |
<1> I. Titulus clarus. — In corpore unica conclusio, responsiva quaesito affirmative : Deus est bonus. |
<1> I. Le titre est clair. — Dans le corps <de l’article> une unique conclusion répond à la question par l’affirmative : Dieu est bon. |
<2> Probatur ratione, confirmata auctoritate Dionysii, scilicet : Deus est prima causa effectiva omnium ; ergo appetibilis ; ergo bonus. — Antecedens supponitur. Prima vero consequentia probatur. Unumquodque appetit suam propriam perfectionem : ergo similitudinem sui efficientis. Ergo a fortiori ipsa causa effectiva est appetibilis. Ergo, si est prima causa, etc. — Antecedens assumptum, cum omnibus consequentiis, ex se est notum. Prima quidem : quia propria perfectio rei est ipsa similitudo agentis. Secunda vero : quia omne agens agit sibi simile ; ac per hoc, si eius similitudo est appetibilis, multo magis ipsum agens erit appetibile. — Cetera sunt clara. |
<2> C’est prouvé par la raison, et confirmé par l'autorité de Denys [Pseudo-Denys l'Aréopagite], à savoir : Dieu est la première cause effective de toutes choses ; donc désirable ; donc bon — L'antécédent est posé. La première conséquence est prouvée. Toute chose désire sa propre perfection : donc la ressemblance de l’efficient. Donc a plus forte raison est désirée sa propre cause efficiente. Donc, si c'est la cause première, etc. — L’antécédent est avancé, et toutes ses conséquences sont évidentes d’elles-mêmes. La première en effet : que la perfection propre d’une chose est la ressemblance de l'agent propre. Et la seconde : que tout agent agit comme semblablement ; et par là, si cette ressemblance est désirable, son agent sera hautement désirable. — Tout le reste est clair. |
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Article 2 : DIEU EST-IL SUPRÊMEMENT BON ? |
<1> I. In titulo nihil est difficile. Summum enim addit respectum excessus supremi : ita quod idem est utrum sit summum bonum, et utrum sit bonum excedens omnia alia bona, tam actu quam potentia. |
<1> I. Dans le titre <de l’article> rien n’est difficile. En effet suprêmement ajoute à ce qui excède grandement : de sorte qu'il revient au même de demander s'il est le bien suprême et s'il est un bien supérieur à tous les autres biens, tant en acte qu’en puissance. |
<2> II. In corpore articuli unica conclusio, responsiva quaesito affirmative : Deus est summum bonum simpliciter. |
<2> II. Dans le corps de l'article, une unique conclusion répond à la question par l'affirmative : Dieu est suprêmement bon absolument (simpliciter). |
<3> Haec conclusio declaratur primo, deinde probatur. Declaratur quidem, distinguendo implicite de summo bono simpliciter, vel in genere. Et vocatur summum bonum in genere, quod excedit cetera in illo ordine rerum : sicut summum bonum humanum felicitas, excedens omnia humana bona ; et sic de aliis. Simpliciter vero, quod in tota entium latitudine supremum tenet locum. Et propterea apponitur in conclusione ly simpliciter. |
<3> Cette conclusion est d’abord énoncée, puis prouvée. Elle est en effet énoncée en distinguant implicitement le bien suprême absolument, et <le bien suprême> en général. Et est appelé bien suprême en général, celui qui surpasse tout le reste dans l’ordre des choses : de même le bien humain le plus élevé est la félicité, qui dépasse tous les biens humains ; et ainsi des autres. Et absolument, ce qui dans l’ordre de l’être et à tout point de vue occupe une place suprême. Et c’est pourquoi il est placé dans la conclusion ce absolument. |
<4> Probatur autem sic. Bonum convenit Deo sicut primae causae effectivae omnium non univocae : ergo convenit ei excellentissime : ergo est summum bonum simpliciter. — Antecedens, quoad utramque partem, ex dictis patet. Prima vero consequentia probatur ex differentia modi essendi effectus in causa univoca, et in causa aequivoca seu analoga ; quia in univoca eodem modo, in aequivoca vero excellentiori. |
<4> Et c’est prouvé ainsi. Le bien convient à Dieu comme cause efficiente première et non univoque de toutes choses : il lui convient donc de la façon la plus excellente : il est donc suprêmement bon absolument. — L'antécédent, de part et d’autre, est manifeste de ce qui a été dit. Mais la première conséquence est prouvée partant de la différence entre le mode d’être de l'effet dans la cause univoque et dans la cause équivoque ou analogue ; car dans la cause univoque le mode est le même, mais il y a davantage d’excellence dans la cause équivoque. |
<5> III. Adverte tamen hic, quod effectum esse in causa aequivoca excellentiori modo, contingit dupliciter : uno modo, formaliter et virtualiter simul ; alio modo, virtualiter tantum. Exemplum primi : lumen et diaphaneitas in corporibus caelestibus, respectu inferiorum. Exemplum secundi calor in sole, et in corporibus inferioribus. In proposito, est sermo de effectu praeexistente in causa, non solum virtualiter, sed etiam formaliter : unde et Deus est bonus formaliter et virtualiter. Efficacia rationis fundatur super hoc quod uterque effectus causae aequivocae excellentiori modo est in ipsa causa quam in effectu. Et ideo littera indistincte de modo essendi effectus in causa aequivoca loquitur : quoniam hoc sufficiebat intento, scilicet quod excellentissimo modo bonitas conveniret Deo. Iam enim in praecedenti articulo stabilitum erat quod formaliter convenit eidem. |
<5> III. Considère toutefois ici, que l'être de l’effet dans la cause équivoque se réalise avec davantage d’excellence de deux façon : d'une part, à la fois formellement et virtuellement ; d'autre part, seulement virtuellement. Premier exemple : la lumière et la transparence dans les corps célestes, relativement aux corps inférieurs. Deuxième exemple la chaleur dans le soleil, et dans les corps inférieurs. Dans la proposition, il est question de l'effet préexistant dans la cause, non seulement virtuellement, mais aussi formellement : aussi Dieu est bon formellement et virtuellement. L'efficience de la raison est fondée sur le fait que chaque effet d'une cause équivoque est plus excellent dans la cause elle-même que dans l'effet. Et ainsi le texte parle indistinctement du mode d'être de l'effet dans la cause équivoque : puisque ceci assurait l’intention, à savoir que la bonté convient à Dieu de la plus excellente des façons. De fait, il avait déjà été établi dans l'article précédent que formellement cela lui convenait. |
<6> IV. In responsione ad secundum, adverte quod responsio consistit in conversione propositionis : bonum est quod omnia appetunt, idest, quod omnia appetunt, est bonum. |
<6> IV. En réponse au second point, considère que la réponse consiste dans la conversion de la proposition : le bien est ce que toutes les choses désirent, c'est-à-dire, ce que toutes les choses désirent est bon. |
<7> V. In responsione ad tertium, adverte quod res diversorum generum dicuntur nullo modo comparabiles, quando accipiuntur ut sic, idest inquantum sunt in diversis generibus. Si enim sumerentur secundum aliquod praedicatum in quo convenirent, possent comparari. |
<7> V. En réponse au troisième point, considère qu’il est dit que les choses de divers genres ne sont en aucune manière comparables, lorsqu'elles s’entendent comme telles, c'est-à-dire en tant qu’elles sont de divers genres. Si en effet elles étaient entendues selon une prédication par laquelle elles s’accordent, elles pourraient être comparées. |
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Article 3 : DIEU SEUL EST-IL BON PAR ESSENCE ? |
<1> I. In titulo, ly proprium distinguitur contra commune. — Ly per essentiam potest determinare subiectum, et potest determinare praedicatum. Et si quidem determinat subiectum, tunc ly per essentiam distinguitur contra omne id quod est extra subiecti essentiam. Et est sensus : Utrum solus Deus per essentiam, ita quod non per aliquid extra suam essentiam, sit sufficienter bonus formaliter. Si vero ly per essentiam determinat praedicatum, tunc distinguitur contra esse tale per participationem. Et est sensus : Utrum solus Deus sit bonus per essentiam, idest, sit bonus non partipative. — Vocatur autem participative tale, quidquid habet aliquam rationem formalem, non secundum totam plenitudinem perfectionis possibilis convenire tali rationi formali. Oportet enim quod huiusmodi est, partem illius tantum habere ; et propterea participative tale dicitur. Et per oppositum, tale per essentiam dicitur, quod ex ipso suo modo essendi omnem plenitudinem illi rationi formali possibilem naturaliter claudit ; ut calor, si per se subsisteret. |
<1> I. Dans le titre <de l’article>, ce seul se distingue du général. — Ce par essence peut déterminer le sujet, et peut déterminer le prédicat. Et si il détermine effectivement le sujet, alors ce par essence évacue tout ce qui est extérieur à l'essence du sujet. Et le sens <du titre> est le suivant : Si Dieu seul par essence, c'est-à-dire non par quelque chose qui est extérieur à son essence, est formellement bon. Mais si par essence détermine le prédicat, alors il se distingue de l'être tel par participation. Et le sens <du titre> est : Si Dieu seul est bon par essence, c'est-à-dire s'il est bon non participativement. — Mais est dit participatif, ce qui a quelque raison formelle, mais non selon la totale plénitude des perfection possibles qui reviennent à ladite raison formelle. Ce qui est tel doit en effet n’en avoir qu’une partie ; et c'est pourquoi il est ainsi dit participatif. Et par opposition, il est dit tel par essence, lorsque de son mode même d'être il renferme naturellement toute la plénitude possible à cette raison formelle ; comme la chaleur, si elle existait par elle-même. |
<2> II. In proposito autem, quamvis gratia materiae hi duo modi coincidant, sequendo doctrinam s. Thomae (quia quod est per essentiam primo modo bonum, est etiam bonum per essentiam secundo modo, et e converso) ; quia tamen formaliter et universaliter hi duo modi non coincidunt (quoniam Socrates est per suam essentiam homo, et tamen non est homo per essentiam, sed participative : solus enim homo Platonicus, si inveniretur, esset homo per essentiam), et praesens quaestio mota est de ipso bono per essentiam, et non directe de ipsa essentia divina (quoniam in quaestione tertia iam stabilita est illius simplicitas, et quod nihil convenit sibi per aliquid additum suae essentiae) ; ideo ly per essentiam se tenet ex parte praedicati, et distinguitur contra per participationem ; et est sensus ut supra diximus. |
<2> II. Mais dans la proposition, ces deux modes s’accordent tout-à-fait sur ce sujet, suivant la doctrine de s. Thomas (car ce qui est bon par essence dans le premier sens est également bon par essence dans le second sens, et inversement) ; mais toutefois formellement et universellement ces deux modes ne s’accordent pas (parce que Socrate est homme par essence, et il n'est pas par essence homme, mais participativement : en effet seul l'homme au sens platonicien, s'il se rencontre, serait homme par essence), et la présente question s’attache au bien lui-même par essence, et non directement à l'essence divine elle-même (puisque dans la troisième question sa simplicité a déjà été examinée, et que rien de ce qui s’additionne à son essence ne lui convient) ; de là, ce par essence, s’entend partant du prédicat, et se distingue du par participation ; et c’est le sens exposé par nous plus haut. |
<3> Et hoc quantum est ex parte exponentis affirmativae nam ex parte negativae, ly per essentiam se tenet ex parte subiecti, et est sensus ut supra diximus. Et huic sensui favent omnia argumenta litterae, et ratio in corpore assignata. Unde hic exclusive principaliter disputatur propter negativam exponentem, quasi affirmativa ex tertia quaestione habita sit. |
<3> Et ceci dans la mesure où nous l’envisageons partant d’un raisonnement affirmatif, car du côté du <raisonnement> négatif, ce par essence s’entend partant du sujet, et c’est [encore] le sens exposé par nous plus haut. Et cette acception harmonise tous les arguments du texte et la raison avancée dans le corps <de l’article>. De là la dispute porte d’abord et avant tout sur le raisonnement négatif, comme si le raisonnement affirmatif se tirait de la troisième question. |
<4> III. In corpore unica conclusio, responsiva quaesito affirmative ; Solus Deus est bonus per essentiam. — Probatur haec exclusiva quoad utramque exponentem simul, sic. Triplex perfectio, scilicet secundum quod res in suo esse constituitur, etc, soli Deo convenit per suam essentiam ; ergo esse perfectum ; ergo esse bonum. Ergo solus est bonus per essentiam. |
<4> III. Dans le corps <de l’article> une unique conclusion répond à la question par l'affirmative ; Dieu seul est bon par essence. — Ceci est intégralement prouvé partant des deux approches à la fois. Il y a une triple perfection, c'est-à-dire en ce qu'une chose est constituée dans son être, etc., du fait de son essence propre cela convient à Dieu seul ; c’est donc l’être parfait ; c’est donc l’être bon. C'est donc le seul être bon par essence. |
<5>
Antecedens declaratur, distinguendo triplicem gradum perfectionis rei, et
ostendendo singillatim soli Deo convenire quidditative ; quia in primo
clauditur esse, in secundo accidentia, in tertio finis ultimus. — Prima
consequentia relinquitur per se nota ex sufficienti divisione. Secunda
probatur : quia unumquodque intantum est bonum, inquantum perfectum.
Tertia relinquitur per se nota. |
<5> L'antécédent est posé, en distinguant le triple degré de perfection de la chose, et en montrant étape par étape que ceci ne revient qu’à Dieu seul par quiddité ; car dans le premier l'être est renfermé, dans le second les accidents, et dans le troisième la fin ultime. — La première conséquence est laissée là car évidente d’elle-même à partir d'une division suffisante. La seconde <conséquence> est prouvée : car une chose quelconque est bonne dans la mesure où elle est parfaite. La troisième <conséquence> est laissée là puisque évidente par elle-même. |
<6> IV. Circa antecedens, dubium primo est, quod esse in omnibus citra Deum, sit aliud ab essentia. Sed hoc est alibi [infra, q. XLIV, a. I] tractandum. — Dubium secundo esset, quomodo nulla essentia est principium operationis ; sed hoc inferius [q. LIV, a. I] quaeretur. — Ad propositum tamen scito sufficere, quod esse et principia operationis sint extra essentias omnium substantiarum formaliter ; in Dei autem substantia omnia claudantur formaliter. Intentio tamen litterae est de inclusione et exclusione reali, et non tantum formali. |
<6> IV. Relativement à l’antécédent, le premier doute est que l’existence de toutes choses en deçà de Dieu diffère de l’essence. Mais ceci est étudié ailleurs [infra, q. 44, a. 1]. — Le deuxième doute serait <le suivant :> comment l’absence d’essence peut-elle être le principe de l'opération [?] ; mais ceci est investigué ci-dessous [q. 54, a. 1]. — Pour cette proposition cependant il suffit de savoir que l'être et le principe de l’opération sont formellement extérieurs aux essences de toutes les substances ; mais en Dieu la substance de toutes choses est formellement incluse. Néanmoins, l’intention du texte est celle d’une inclusion et d’une exclusion réelle, et pas seulement formelle. |
<7> V. Circa primam consequentiam [cf. § II] dubium occurrit quia non videtur efficax. Tum quia quaelibet res est perfecta quidditative per suam essentiam, ut patet : nec huius oppositum sequitur ex illo antecedente. Tum quia consequentia haec supponit quod esse sit de integritate primae perfectionis rei, ut patet : hoc autem non videtur verum, quoniam esse est extra integritatem substantialem cuiusque rei citra Deum ; in cuius signum, nulla definitio dicit esse, ut dicitur I Poster. |
<7> V. Relativement à la première conséquence [cf. § II] se présente un doute car la pertinence <de la conséquence> semble douteuse. Soit parce-qu’une chose quelconque est quidditativement parfaite par son essence, comme cela est manifeste : mais de là son opposé ne suit pas. Soit parce-que cette conséquence présuppose que l'être se tire de l'intégrité de la perfection première d'une chose, comme c’est manifeste : mais cela ne semble pas exact, car l'être est en dehors de l'intégrité substantielle de toute chose en deçà de Dieu ; de laquelle nul signe ne donne la définition de l’être, comme il est dit dans le premier livre des Seconds Analytiques [c. II, n. 14 ; c. X, n. 9]. |
<8> VI. Ad hoc dicitur breviter, quod res potest dici perfecta dupliciter, scilicet simpliciter, et secundum quid : et quod quandiu res non est in rerum natura, quodcumque esse habeat, sive obiectivum, sive quidditativum, sive in causa, non dicitur esse perfecta simpliciter, sed secundum quid, idest in talli esse. Secundum autem esse in rerum natura, dicitur perfecta simpliciter, quoad perfectionem substantialem. Et propterea esse est de integritate primae perfectionis cuiusque rei, non ut pars quidditatis, sed ut actualitas eiusdem. — Et per haec patet responsio ad obiecta. |
<8> VI. A cela il est en quelques mots dit qu'une chose peut être dite parfaite doublement, à savoir, absolument (simpliciter) et relativement (secundum quid) ; et dans la mesure où un élément n'est pas dans la nature des choses, quel que soit son être, qu'il soit objectif, ou quidditatif, ou dans la cause, il n’est pas dit absolument parfait, mais relativement, c'est-à-dire dans tel être. Mais l’être dans la nature des choses, est dit parfait absolument, pour ce qui est de la perfection substantielle. Et c'est pourquoi l'être relève de l'intégrité de la perfection première de toute chose, non comme partie quiddidative, mais comme son actualité. — Et par là la réponse à l’objection est manifeste. |
<9> VII. Et si contra hoc instetur, eo quod res, secundum suas essentias comparatae, graduantur simpliciter ex perfectionibus essentialibus (ita quod aqua est essentialiter perfectior quam terra, et aer quam aqua, et ignis quam aer, etc.) igitur esse perfectum simpliciter, convenit rei ex sua essentia : — ad hoc est dicendum quod, cum dicitur, nulla res alia a Deo est per suam essentiam perfecta simpliciter, intelligitur quod ly per denotat causam formalem, non qualemcumque, sed sufficientem, omni alio praeciso. Licet enim ignis essentia sit, qua formaliter ignis habet substantialem perfectionem ; non tamen est sufficiens ratio quod ignis sit in sua substantiali perfectione ; sed oportet quod actuetur per ipsum esse. Unde ad instantiam dicitur, quod res graduantur ex suis essentiis in perfectione simpliciter, non completive, sed radicaliter. — Vel dicatur (et parum differt), quod res graduantur ex suis essentiis in perfectione simpliciter, non praescindendo ab earum esse, imo indudendo ordines ad ipsa : quoniam, ut diffuse ostendimus in commentariis de Ente et Essentia [c. VI], differentia substantialis sumitur ab ordine ad esse; ut etiam Porphyrius insinuavit [Isagog., c II de Differentia], in ultima ac intima differentiae definitione dicens quod conducit ad esse, ut ibidem posuimus. |
<9> VII. Et si l'on insiste contre cela, que ces choses, comparées selon leurs essences, s’échelonnent absolument partant des perfections essentielles (de sorte que l'eau est essentiellement plus parfaite que la terre, et l'air par rapport à l'eau, et le feu par rapport à l'air, etc.), alors l’être absolument parfait convient à une chose par son essence : — à ceci nous disons que, lorsqu’il est dit que rien d'autre que Dieu n'est absolument parfait par son essence, nous comprenons que ce par dénote une cause formelle, non d'une sorte quelconque, mais suffisante, spécifiant tout le reste. Car bien que l’essence du feu soit, ce que le feu a formellement de substance parfaite ; la raison n’est cependant pas suffisante pour que le feu soit perfection dans sa substance ; mais il importe qu'il soit actualisé par l’être par lui-même. C'est pourquoi à ces instances il est dit, que les choses s'apprécient partant absolument de leur essence en perfection, non pas complètement, mais radicalement. — Aussi, il peut être dit (et cela diffère légèrement) que les choses s'apprécient partant absolument de leur essence en perfection, non en les séparant de leur existence, mais bien plutôt en leur ajoutant des ordres : puisque, comme nous l'avons largement montré dans les commentaires sur <l’opuscule> de l’Être et l'Essence [c. VI], une différence substantielle s’apprécie de l'ordre à l'être ; comme l'insinuait aussi Porphyre [Isagog., c 2 de Differentia], dans sa définition ultime et littérale de la différence qui dit qu'elle conduit à l'être, comme nous le disons là. |
<10> VIII. Circa ultimam consequentiam [cf. § III], adverte quod, ut diximus in titulo [cf. § II], quia gratia materiae haec duo mutuo se inferunt, A est per suam essentiam bonum, et, A est bonum per essentiam ; ideo littera non discrevit inter haec ; et concluso quod solus Deus per essentiam est bonus, conclusum esse voluit quod solus Deus est bonus per essentiam. |
<10> VIII. Relativement à la dernière conséquence [cf. § III], considère que, comme nous l'avons dit dans le titre [cf. § II], sur ce sujet deux éléments s’infèrent mutuellement, A est par son essence bon, et A est bon par essence ; aussi le texte ne les sépare pas ; et ayant conclu que Dieu seul est bon par essence, il voulait conclure que Dieu seul est bon par essence. |
<11> IX. In responsione ad primum, adverte tu Thomista, quod hic expresse habes quod unum non dicit rationem perfectionis : ac consequenter nec unitas, nec eius species dicunt perfectionem simpliciter, formaliter loquendo ; sed abstrahunt a perfectione et imperfectione. |
<11> IX. En réponse au premier point, considère, toi, disciple de s. Thomas, que l’un ne se dit pas ici raison de perfection : et conséquemment l'unité non plus, ni ses espèces ne disent la perfection absolument (simpliciter), formellement parlant ; mais elles abstraient de la perfection et de l'imperfection. |
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Article 4 : TOUTES CHOSES SONT-ELLES BONNES DE LA BONTÉ DIVINE ? |
<1> I. In titulo, adverte, novitie, quod non quaeritur hic utrum omnia sint bona a bonitate divina, sed utrum omnia sint bona bonitate divina. Ita quod sensus quaestionis non est, utrum omnia habeant quod sint bona, a divina bonitate : sed sensus est, utrum bonitas divina sit qua res bonae denominantur bonae, sicut albedine denominantur alba, aut loco locata. |
<1> I. Dans le titre <de l’article>, considère, novice, qu’il n’est ici pas demandé si toutes choses sont bonnes par la bonté divine, mais si toutes choses sont bonnes de la bonté divine. De sorte que le sens de la question n'est pas de savoir si toutes choses, en tant qu’elles possèdent la bonté, relève de la bonté divine [?], mais le sens <de la question> est, si c'est d’après la bonté divine que les choses bonnes sont dites bonnes, tout comme la blancheur est dite telle partant du blanc [?], comme la localisation <partant> du lieu. |
<2> II. In corpore quatuor facit : primo ponit duas distinctiones, simul innuens in quo conveniant et differant philosophi ; secundo ponit opinionem Platonis [cf. § IV] ; tertio Aristotelis [cf. § V] ; quarto respondet quaesito [cf. § VII]. |
<2> II. Dans le corps <de l’article>, quatre choses sont faites : il expose premièrement deux distinctions, et indique à la fois l’accord et le désaccord des philosophes sur ces questions ; il énonce deuxièmement l'opinion de Platon [cf. § IV] ; troisièmement <celle d’> Aristote [cf. § V] ; quatrièmement il répond à la question [cf. §VII]. |
<3> III. Prima distinctio est : nominum quaedam important absolutum, et quaedam relationem. — Secunda est : denominatio est duplex, quaedam intrinseca, et quaedam extrinseca. Vocatur denominatio intrinseca, quando forma denominativi est in eo quod denominatur, ut album, quantum, etc. : denominatio vero extrinseca, quando forma denominativi non est in denominato, ut locatum, mensuratum, et similia. — Conveniunt autem omnes in hoc, quod secundum nomina importantia relationem, potest fieri denominatio extrinseca ; ut patet de locato et mensurato. Differentia vero est inter Platonem et Aristotelem, an secundum nomina importantia absolutum, possit fieri denominatio ab extrinseco. Et hoc est ad nostrum propositum quia bonum est nomen absolutum, et bonitas divina est extrinseca rebus aliis. |
<3> III. La première distinction est <la suivante> : certains noms relèvent de l'absolu, et certains autres <relèvent> de la relation. — La seconde <distinction> est la suivante : la dénomination est double, certaines intrinsèques et certaines autres extrinsèques. Nous parlons d’une dénomination intrinsèque, lorsque la forme signifiée est dans ce qui est désigné, comme <dans le cas> du blanc, de la quantité, etc. : une dénomination <est> extrinsèque, lorsque la forme signifiée n'est pas dans dans ce qui est désigné, comme <dans le cas de> la localisation, de la mensuration, etc. — Cependant, tous les éléments se concilient, car selon la relation des noms, il est possible de produire une signification extrinsèque ; comme c’est manifeste dans le cas du lieux et de la taille. Il y a une différence entre Platon et Aristote, sur la question de la possibilité, partant de la désignation absolue, de produire une signification extrinsèque. Et c'est là notre proposition, car le bien est un nom absolu, et la bonté divine est extrinsèque aux autres choses. |
<4> IV. Quoad secundum [cf. § II], ibi : Plato, ponit quatuor propositiones Platonis. Prima est : species rerum sunt separatae. Secunda est, quod particularia denominantur ab illis. Tertia est, quod invenitur idea entis, unius et boni, ita quod illa est Deus. Quarta : ab illa omnia denominantur bona. Et sic, secundum Platonem, respondetur ad quaesitum affirmative. |
<4> IV. Quant au second point [cf. § II] : Platon, il expose quatre propositions de Platon. La première est la suivante : les espèces des choses sont séparées. La seconde est que le particulier se dit d’elles. La troisième est qu’en elle se trouvent l'idée de l'être, de l’un et du bien, de sorte qu'elle est Dieu. Quatrièmement : d’elle toutes choses sont dites bonnes. Et ainsi, selon Platon, la réponse à cette question est affirmative. |
<5> V. Quoad tertium [cf. Ibid], ibi : Et quamvis, positio Aristotelis in primis duabus propositionibus discordat ; in tertia vero concordat ; de quarta nihil dicitur. |
<5> V. Quant au troisième point [cf. Ibid] : Et bien que la position d'Aristote sur les deux premières propositions soit discordante ; pour la troisième <proposition> elle s’accorde cependant ; rien n'est dit sur le quatrième <proposition>. |
<6> VI. Circa hanc partem dubium occurrit, quo pacto verum sit Aristotelem consentire Platoni de idea boni, cum expresse in I Ethic. [c. VI] impugnet eam. |
<6> VI. Relativement à cette partie, un doute surgit touchant l’accord d’Aristote et de Platon sur l’idée de bien, puisque dans le premier livre de l’Éthique à Nicomaque [c. VI], il l'attaque expressément. |
<7> Ad hoc breviter dicitur, cum Eustratio et s. Thoma [lect. VII] in I Ethic, quod inter Aristotelem et Platonem non est hic differentia nisi verbalis. Reprehendit enim Aristoteles hoc, scilicet, bonum per essentiam debet poni per modum speciei separatae, sicut homo per essentiam, etc. [loc. cit., n. 5 sqq.] : non autem quin detur primum bonum per essentiam, quod Deus est, ut patet in XII Metaphys. [c. VI, IX], in fine. |
<7> À cet effet, il est dit en quelques mots, avec Eustathe et s. Thomas dans son commentaire du premier livre de 1’Éthique à Nicomaque [lect. 7], qu'entre Aristote et Platon il n'y a ici nulle différence sinon verbale. Le fait est qu’Aristote critique cela, à savoir que le bien par essence doit être posé sous la forme d'une espèce séparée, tout comme l'homme par essence, etc. [loc. cit., n. 5 sqq.] : mais non ce qui est posé comme bien premier par essence, lequel est Dieu, comme cela est manifeste suivant la fin du douzième livre de la Métaphysique [c. VI, IX]. |
<8> VII. Quoad quartum [cf. § II], unica est conclusio responsiva, habens duas partes : Omnia sunt bona bonitate divina extrinsece et causaliter ; bonitatibus autem propriis formaliter et intrinsece. — Probatur. A primo per essentiam bono, unumquodque potest dici bonum per modum assimilationis. Ergo unumquodque dicitur bonum bonitate divina effective, et exemplariter, et finaliter : similitudine autem illius, formaliter. Ergo. — Antecedens infertur ex praemissis. Consequentia autem, notis terminis, clara est ex se. |
<8> VII. Quant au quatrième point [cf. § II], il y a une unique conclusion, laquelle se compose de deux parties : Toutes choses sont bonnes par la bonté divine de façon extrinsèque et causale ; mais formellement et intrinsèquement d’une bonté propre. — C'est prouvé. Du premier bien par essence, chaque chose peut être appelée bonne par mode d'assimilation. Donc chaque chose est appelée bonne par la bonté divine efficiente, exemplaire et finale : mais par sa ressemblance, formellement. Donc <, etc>. — L'antécédent s’infère des prémisses. Mais la conséquence, par l’évidence des termes, est claire d’elle-même. |
<9> VIII. Tres autem termini sunt notandi. Primus est ly per modum cuiusdam assimilationis. Dupliciter enim contingit aliquid dici tale ab aliquo extrinseco. Uno modo, ita quod ratio denominationis sit ipsa relatio ad extrinsecum ; ut urina dicitur sana, sola relatione signi ad sanitatem. Alio modo, ita quod ratio denominationis sit, non relatio similitudinis, aut quaevis alia, sed forma quae est fundamentum relationis similitudinis ad illud extrinsecum ut aer dicitur lucidus luce solari, ea ratione qua participat eam per formam luminis. Et quoniam ubi est denominatio primo modo, ibi est denominatio ab extrinseco pura ; ubi autem est denominatio secundo modo, ibi est denominatio ab extrinseco, sed non sola, quoniam est etiam ab intrinseco, ut patet ; et in proposito sic est : ideo in littera dicitur quod a primo per essentiam bono, omnia dicuntur bona per modum assimilationis. Ex hoc enim statim sequitur et quod denominatione extrinseca, et intrinseca, possunt dici bona. |
<9> VIII. Trois segments sont signalés. Le premier est par un certain mode d’assimilation. Mais il est deux cas où une chose quelconque est dite telle par un tiers extrinsèque. D’une part, de sorte que la raison de la dénomination soit la relation même à l’extrinsèque ; comme l'urine est dite saine, relation du seul signe à la santé. D'autre part, de sorte que la raison de la dénomination soit, non une relation de ressemblance, ou choses semblables, mais la forme qui est le fondement du rapport de ressemblance avec l’extrinsèque, comme l'air est dit lumineux de la lumière du soleil, par une raison semblable de laquelle il y a participation à la forme de la lumière. Et puisque là où il y a dénomination selon le premier mode, il y a là dénomination de l’extrinsèque pur ; mais là où il y a dénomination selon le second mode, la dénomination s’opère de l’extrinsèque, mais pas seulement, puisqu'elle s’opère aussi de l'intrinsèque, comme cela est manifeste ; et il en est ainsi dans la proposition : aussi il est dit dans le texte que d’une bonté première par essence, toutes choses sont dites bonnes par voie d'assimilation. Et de là il suit que la bonté se dit des dénominations à la fois intrinsèques et extrinsèques. |
<10> Secundus est ly sicut. Notanter non absolute in littera dicitur quod unumquodque potest dici bonum divina bonitate extrinseca denominatione : sed apponitur ly sicut principio effectivo, etc. Ut enim iam tactum est, denominatio extrinseca est duplex : quaedam pura, et quaedam causalis. Pura quidem est, quando sola relatione ad denominantem formam denominatio fit : causalis vero, quando participatio effectus extrinsecae causae denominationem fundat. Unde in proposito, quia unumquodque dicitur bonum divina bonitate extrinsece, non quomodocumque, sed causaliter, ideo dictum est sicut principio. — Et si hoc diligentius consideraveris, invenies quod impossibile est in absolutis fieri denominationem extrinsecam puram, quamvis possit fieri causalis. |
<10> Le deuxième <segment> est comme. À noter, il n'est pas dit absolument dans le texte que chaque chose peut être dite bonne de la bonté divine par une dénomination extrinsèque : mais est ajouté comme principe efficient, etc. De fait il a déjà été dit que la dénomination extrinsèque est double : l'une pure d’une certaine façon, et l'autre d’une certaine façon causale. Elle est pure, seulement lorsque la dénomination s’opère partant de la forme de la dénomination : elle est causale, lorsque la participation de l'effet d'une cause extrinsèque fonde la dénomination. De là, dans la proposition, chaque chose est appelée bonne extrinsèquement de la bonté divine, non d'une quelconque manière, mais causalement, il a ainsi été dit comme principe. — Et si vous y réfléchissez plus attentivement, vous trouverez qu'il est dans l’absolu impossible de produire une dénomination purement extrinsèque, bien qu'elle puisse être causale. |
<11> Tertius est ly exemplari. Causa exemplaris distinguitur ab effectiva, et coordinatur inter formales, quia est velut extrinseca forma rei. Significatur ergo Deum non solum facere bonitatem aliorum, sed exemplari illam ex sua : quod non accidit sic, cum dicitur Deum facere bovem aut leonem, ut patet. |
<11> Le troisième <segment> est exemplaire. La cause exemplaire se distingue de la cause efficiente, et est ordonnée entre les causes formelles, car de cette façon elle est la forme extrinsèque de la chose. Il est donc signifié que Dieu fait bien entendu la bonté en d’autres, mais d’une façon exemplaire à la sienne : ce qui n'est pas le cas quand nous disons que Dieu fait un bœuf ou un lion, comme cela est manifeste. |
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Question 7 : L’INFINITÉ DE DIEU |
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Article 1 : DIEU EST-IL INFINI ? |
<1> I. In titulo, ly Deus sumitur proprie, ut est nomen naturae : ita quod de essentia, non de potentia aut scientia Dei, est quaestio. Ly infinitum, cum sit nomen compositum ex in et finitum, habet ly in negative, non privative. Ly vero finitum terminos quantitatis perfectionalis dicit : cum finiti et infiniti ratio quantitati congruat, secundum Philosophum I Physic. [c. II, n. 10] ; et sicut duplex est quantitas, scilicet et molis et perfectionis, ita duplices sunt termini, et duplex est finitas et infinitas. Hic autem, cum exclusa iam [q. III, a. 1] sit quantitas molis a Deo, oportet intelligi de infinitate perfectionis. |
<1> I. Dans le titre <de l’article>, Dieu s’entend proprement, comme un nom de nature : de sorte qu'il est question de son essence, non de sa puissance ou de sa science. Et de l’infini, puisque ce nom est composé de in- et de -fini, d’un -in <au sens> négatif et non <au sens> privatif. Ce terme de fini dit la quantité de perfection : le rapport du fini et de l'infini s’apprécient par rapport à la quantité, suivant le Philosophe dans le premier livre de la Physique [c. II, n. 10] ; et de même que la quantité est double, c'est-à-dire en volume et en perfection, de même les termes sont doubles, et le fini et l'infini sont doubles. Mais ici, étant donnée que la quantité en volume relevant de Dieu a déjà été exclue [q. III, a. 1], il faut entendre l'infinité de la perfection. |
<2> Et diligenter adverte quod, quia, ut dicitur III Physic. [c. V, n. 3, 4], infinitum non est substantia, sed accidens rebus, consequens est ut secundum rei naturam infinitas aut finitas requiratur. Alius siquidem est modus infinitatis rei, alius potentiae alius scientiae. Infinitas siquidem quidditativa attenditur penes exclusionem terminorum essentialium, puta differentiarum et similium. Et quia in proposito quaestio est de infinitate naturae divinae, ideo de infinitate perfectionis substantialis sermo est. Ita quod sensus est : Utrum Deus secundum suam essentiam sit tantae perfectionis, quod omnes terminos seu limites essentiales excludat. |
<2> Et considère bien attentivement ce fait que, comme il est dit dans le troisième livre de la Physique [c. V, n. 3, 4], l'infini n'est pas une substance, mais un accident des choses, la conséquence étant sa nécessité pour les choses finies ou infinies de la nature. De fait, il y a un mode d'infinité de la chose, un autre de la puissance, un autre de la science. En effet, l’essence de l'infini s’atteint par l'exclusion des termes essentiels, par exemples les différences et les ressemblances, etc. Et dans la proposition il est question de l'infinité de la nature divine, c’est-à-dire de l'infinité de sa perfection substantielle. Le sens <de la question> est donc le suivant : Dieu, selon son essence, est-il d'une perfection telle qu'il exclut toutes les bornes ou limites essentielles. |
<3> II. In corpore tria facit : primo refert opinionem antiquorum ; secundo distinguit de finitate et infinitate [cf. § IV] ; tertio respondet quaesito [cf. § VII]. |
<3> II. Dans le corps <de l’article>, il fait trois choses : premièrement, il réfère à l'opinion des anciens ; deuxièmement, il distingue le fini de l’infini [cf. § IV] ; troisièmement, il répond à la question [cf. §VII]. |
<4> III. Quoad primum, duo facit. Primum est. Apud antiquos, primum principium est infinitum, quia ex eo fiunt infinita. — Secundum. Quidam antiquorum, errantes, infinitatem molis attribuerunt primo principio, quia posuerunt primum principium materiale. Inde et consequens fuit ponere infinitatem quantitativam, eo quod quantitas sequitur materiam : et sic error circa genus principii, causavit errorem circa modum infinitatis. |
<4> III. Quant au premier point, il fait deux choses. La première. Pour les anciens, le premier principe, duquel les choses sont faites à l’infini, est infini. — La deuxième. Certains anciens, dans l'erreur, attribuaient au premier principe l'infinité de volume, parce qu'ils posaient un premier principe matériel. La conséquence fut donc de poser un infini quantitatif, au sens où la quantité suit la matière : et ainsi l'erreur sur le genre du principe engendra l’erreur relativement à la modalité de l'infini. |
<5> IV. Quoad secundum [cf. § II], tam finitas quam infinitas perfectionis distinguitur : quia quaedam se tenet ex parte materiae, et quaedam ex parte formae. Et differunt in hoc, quod finitas ex parte materiae dicit perfectionem, infinitas vero imperfectionem : ex parte vero formae, est e converso ; infinitas enim dicit perfectionem, finitas autem imperfectionem, ut satis clare dicitur in littera. |
<5> IV. Quant au second point [cf. § II], nous distinguons aussi bien les perfections finies que les perfections infinies : car certaines se tiennent du côté de la matière, et d’autres du côté de la forme. Et ils diffèrent en ceci, que le fini du côté de la matière dit la perfection, tandis que l'infini <du côté de la matière> dit l’imperfection ; et inversement partant de la forme ; car l'infini dit la perfection, mais le fini l'imperfection, comme il est très clairement dit dans le texte. |
<6> V. Circa hanc partem, antequam ultra procedatur, est dubium tam contra finitatem, quam contra infinitatem formae. Contra finitatem quidem, quia forma bovis, imo apud s. Thomam [infra., q. LI, a. 1] etiam anima intellectiva, perficitur ex coniunctione ad materiam. Igitur finitas formae non dicit imperfectionem, sed perfectionem. — Contra infinitatem vero, quia negatio nullam perfectionem ponit ; nec aliqua res ex sola separatione ab alia, perfectionem acquirit. Igitur infinitas ex parte formae non dicit perfectionem. |
<6> V. Relativement à cette partie, avant d'aller plus avant, il y a un doute sur la forme à la fois finie et infinie. De fait, contre <l’argument de> la finitude, car la forme du bœuf, et suivant s. Thomas [infra., q. 51, a. 1] même l'âme intellectuelle se perfectionnement dans l'union avec la matière. Aussi, la forme finie ne dit pas l’imperfection, mais la perfection. — Et contre l'infinité, car la négation ne pose nulle perfection ; une chose, de sa seule séparation d’avec une autre, n’acquiert pas la perfection. Aussi, l’infinité partant de la forme ne dit pas la perfection. |
<7> VI. Ad primum horum dicitur, quod forma potest sumi dupliciter : scilicet absolute, in eo quod forma ; et secundum quid, idest in eo quod talis, puta informativa materiae. Forma talis perficitur ex unione ad materiam ; non autem forma in eo quod forma. Et quia in proposito est sermo absolute secundum latitudinem formae, cuius deteriorem partem constat esse illam quae est finibilis per materiam, altera parte libera ac nullis materiae terminis conclusibili remanente ; ideo neganda est consequentia obiecta. |
<7> VI. Au premier de ceux-ci, il est dit que la forme peut s’entendre de deux manières : à savoir, absolument, en ce qu’elle est forme ; et relativement (secundum quid), c'est-à-dire en ce qu’elle est telle, par exemple l’information d’une matière. Une telle forme est perfectionnée de par son union avec la matière ; mais non pas la forme en ce qu’elle est forme. Et parce que dans la proposition il est question de la forme absolue selon l’étendue, dont la partie inférieure est évidemment celle qui est finie par la matière, l'autre partie étant libre par l’absence de bornes matérielles permettant son achèvement ; ainsi la conséquence de l’objection doit donc être niée. |
<8> Ad secundum vero dicitur quod, licet negatio seu separatio non dicat formaliter perfectionem, dicit tamen fundamentaliter eam : fundamentum enim negationis unibilitatis ad materiam, magnam perfectionem formae significat. Et hoc sufficit. |
<8> Au second de ceux-ci, il est dit que, si la négation ou la séparation ne dit pas formellement la perfection, elle le dit néanmoins fondamentalement : car le fondement de la négation de l'unifiabilité à la matière signifie une grande perfection de la forme. Et cela suffit. |
<9> VII. Quoad tertium [cf. § II], est una condusio, responsiva quaesito affirmative : Deus est infinitus. — Probatur. Deus est suum esse subsistens : ergo suum esse non est receptum in aliquo : ergo est infinitus et perfectus, idest infinitae perfectionis, scilicet infinitate tenente se ex parte formae. — Antecedens patet ex quaestione tertia [a. 4]. Prima vero consequentia est per se nota. Secunda autem probatur ex eo quod esse est formalissimum omnium. |
<9> VII. Quant au troisième point [cf. § II], une conclusion répond à la question par l'affirmative : Dieu est infini. — C'est prouvé. Dieu est son être subsistant : donc son être n'est en rien reçu : il est donc infini et parfait, c'est-à-dire d'une perfection infinie, c'est-à-dire se tenant infiniment du coté de la forme. — L'antécédent est manifeste partant de la troisième question [a. 4]. Et la première conséquence est évidente d’elle-même. Mais la seconde est prouvée par le fait que son être est le plus formel entre tous. |
<10> VIII. Circa hunc processum, dubium occurrit ex Scoto, in I Sent., dist. II, respondendo primae quaestioni : reprehendit siquidem radices et processum. Inquit in primis quod processus noster est talis : Forma finitur per materiam ; ergo forma quae non est nata esse in materia, est infinita. — Contra antecedens arguit. Omnis forma, prius natura quam recipiatur in materia, est secundum se in tali gradu entium : igitur finita vel infinita. Non igitur primo finitur per respectum ad negationem alicuius extrinseci puta materiae, vel cuiuscumque alterius. — Contra processum vero. Tum quia sequeretur quod essentia angeli esset infinita, quia est forma non receptibilis in materia. Nec valet, inquit, si dicatur quod natura angeli finitur per suum esse : quoniam apud nos, esse est posterius essentia, et sic natura in primo signo, abstrahens ab esse, cum sit infinita, ergo in secundo signo non est finibilis per esse. — Tum quia peccat secundum sophisma consequentis, sicut illud III Physic. [c. IV, n. 8] : corpus finitur ad aliud corpus : ergo corpus non finitum ad aliquid aliud, est infinitum. |
<10> VIII. Relativement à ce développement, un doute surgit de <Duns> Scot, dans son commentaire du premier livre des Sentences [de Pierre Lombard], distinction deux, répondant à la première question : il critique de fait la raison et l’enchaînement. Il dit premièrement que notre démarche est la suivante : la forme se termine par la matière ; donc une forme qui n'est pas faite pour être dans la matière est infinie. — Il argumente contre l’antécédent. Toute forme, de nature avant d’être reçue dans la matière est d’elle même dans tel degré d’être : donc finie ou infinie. Elle n’est donc pas d’abord finie par l’intermédiaire de d’une quelconque négation extrinsèque, par exemple la matière. — <Il argumente> contre l’enchaînement. Alors il s’ensuivrait que l’essence de l’ange serait infinie, parce que c’est une forme qui ne peut être reçue dans la matière. Pas davantage, dit-il, s’il est dit que la nature de l’ange est finie par son être propre : car pour nous, l'être est postérieur à l'essence, et ainsi la nature dans son signe premier, fait abstraction de l'être, puisqu'elle est infinie, donc dans son signe second elle n'est pas finie par l'être. — Également parce qu'il pèche par sophisme du conséquent, comme au troisième livre de la Physique [c. IV, n. 8] : un corps est limité par un autre corps : donc un corps non limité par un quelconque autre chose est infini. |
<11> IX. Circa eundem processum dubium occurrit : quia, concesso toto, non videbitur novitiis quod sit responsum quaesito. Oportebat enim concludere Deum esse perfectionis tantae, ut omnes perfectionis limites excederet : nunc autem probatum est quod Deus nullo est receptivo coarctatus quod distans valde videtur a primo. |
<11> IX. Relativement à ce même développement, un doute surgit : car, concédant l'ensemble, il ne semblera pas aux novices qu'il y a réponse à la question. Il fallait en effet conclure que Dieu est d'une perfection telle qu'il excède toutes les limites de la perfection : mais il est prouvé là que Dieu n'est enfermé dans aucune réception, ce qui semble très éloignée du premier <point>. |
<12> X. Ad evidentiam harum difficultatum, advertendum est quod littera occulte subdistinguit infinitatem formalem in infinitatem formae, et infinitatem esse seu actus, qui est communior forma. Sicut enim duplex est actus, scilicet esse et forma, ita duplex est potentia receptiva, scilicet essentia et materia. Et ita duplex est receptio et irreceptio : et similiter duplex est finitas et infinitas : semper loquendo ex parte actus. Et sicut esse est actus alterius rationis a forma, et essentia est alterius ordinis potentia a materia (ut differentia compositionis ex esse et essentia, et ex materia et forma, ostendit), ita alterius rationis est receptio esse in essentia, et formae in materia : et similiter finitas esse per essentiam, et formae per materiam ; et e converso finitas essentiae per esse, et materiae per formam. |
<12> X. Pour avoir l’évidence de ces difficultés, il faut considérer que le texte subdivise implicitement l'infinité formelle dans l’infinité de la forme et l’infinité d'être ou en acte, qui est une forme plus générale. Car de même que l'acte est double, c'est-à-dire être et forme, de même la puissance réceptive est double, c'est-à-dire essence et matière. Et ainsi la réception et la non-réception sont doubles : et doubles également sont le fini et l’infini : parlant toujours du côté de l'acte. Et de même que l'être est l'acte d'une certaine raison de la forme, et que l'essence est en puissance à un certain ordre de la matière (comme le montre la différence de composition entre l'être et l'essence, et entre la matière et la forme), de même il est une certaine raison pour la réception de l’être dans l'essence et la forme dans la matière ; et pareillement, l’être s’achève par l'essence et la forme par la matière ; et inversement l'essence s’achève par l'être, et la matière par la forme. |
<13> Et ut singillatim dicatur, esse secundum se perfectionem quandam dicit ; sed non potest imaginari quantam perfectionem dicat, nisi alicui naturae intelligatur applicatum, puta sapientiae, aut Gabrielis, etc. Et ideo esse, per hoc quod recipitur in aliqua essentia, limites perfectionis sortitur, secundum modum naturae recipientis : ac per hoc, si nulli omnino quidditati coniungi ponitur, sed in seipso naturaliter subsistere, nullum essentialem terminum habebit. Forma autem, etsi secundum se perfectionem dicat, limitata tamen ad tantam perfectionem intelligi potest, etiamsi nulli materiae sit unibilis, ut de intelligentiis patet. |
<13> Et pour que ceci soit dit en détail, il dit que l’être en soi est une certaine perfection ; mais on ne peut imaginer de quelle perfection il parle, à moins qu'elle s'applique à nature quelconque, par exemple à la sagesse, ou à <l’archange> Gabriel, etc. Et ainsi l'être, en ce qu’il est reçu dans une certaine essence, trouve ses limites perfectives, selon la modalité de la nature du récepteur : et par là, s'il est posé comme ne se conjuguant à rien du tout, mais pour subsister naturellement en lui-même, il n'aura pas de limites essentielles. Mais la forme en elle-même, bien qu’elle pose une perfection, peut encore être comprise comme limitée à une telle perfection, même si elle n'est unie à aucune matière, comme c’est manifeste partant de la réflexion. |
<14> Unde manifeste colligitur quam differens sit finitio esse per essentiam, aut e converso ; et terminatio formae per materiam, vel e converso. Penes illam namque attenditur finitum vel infinitum simpliciter : penes istam vero, finitum et infinitum secundum quid tantum. Verum, quia esse et forma conveniunt in ratione actus et receptibilis in alio, ideo ex finitate et infinitate formae, ad infinitatem et finitatem esse procedi potest. Et propterea littera, ad insinuandam identitatem proportionalem inter utriusque finitatem et infinitatem, ex forma ad esse ascendit : ad insinuandam vero diversam utriusque rationem, subsumpsit, non quod esse est prima forma, sed quod est formalissimum omnium. |
<14> D'où l'on comprend clairement combien la finitude de l'être par l'essence est différente, ou l’inverse ; et l’achèvement de la forme par la matière, ou l’inverse. Le fait est que pour celui-ci il est question du fini ou de l'infini absolu : et pour celui-la du fini et de l'infini relatif (secundum quid) seulement. En vérité, parce que l'être et la forme s'accordent dans le rapport de l'acte et de la réceptivité dans un tiers, il est ainsi possible de procéder de la finitude et de l'infinité de la forme à l'infini et la finitude de l'être. Et c’est pourquoi le texte, pour insinuer l'identité de proportion entre la finitude et l'infinité des deux, procède de la forme à l'être : et pour insinuer la diversité de raison des deux, suppose, non pas que l'être est forme première, mais qu’elle est la plus formelle de toutes. |
<15> XI. Et ex his patet facile responsio ad obiecta Scoti [cf. § VIII]. Dico enim primo, quod antecedens illud, forma finitur per materiam, non loquitur de finitate simpliciter, sed tali, scilicet penes terminos materiales : et propterea obiectio nihil obstat. — Et similiter ruunt instantiae contra processum : quoniam verum est naturam angeli esse infinitam secundum quid. Et si instetur : quomodo ergo ex illo fundamento probat littera infinitatem simpliciter ipsius Dei ? patet responsio ex dictis. Littera enim ex infinitate formae, quae est secundum quid, manuducit ad infinitatem formalissimi omnium, idest esse, quae est simpliciter : et ex illa infert Deum infinitum simpliciter. |
<15> XI. Et de là, la réponse aux objections de <Duns> Scot [cf. § VIII] est clairement simple. Car je dis premièrement que cet antécédent la forme trouve sa fin par la matière, ne parle pas de la fin absolument, mais d'une fin telle, c'est-à-dire proche des bornes de la matière : et donc l'objection n'est nullement pertinente. — Et pareillement pour ruiner les objections contre l’enchaînement : puisqu'il est vrai que la nature de l’ange est infinie d’une certaine façon (secundum quid). Et si il y a insistance : comment alors, sur cette base, le texte prouve-t-il l’absolue infinité de Dieu lui-même ? la réponse est claire partant de ce qui a été dit. Le texte en effet mène de l'infinité de la forme, laquelle est relative, à l'infinité de la plus formelle de toutes, c'est-à-dire de l'être, laquelle est absolue (simpliciter) : et de là nous inférons l’absolue infinité de Dieu. |
<16> XII. Et quoniam eodem modo posset quis, sequendo Scotum, arguere de esse, sicut arguit de forma ; ideo dico secundo [cf. § XI], quod infinitum, sicut et immateriale, est praedicatum negativum, fundamentaliter tamen positivum. Et sicut positivum clausum in ly immateriale, optime probatur ex naturali negatione materiae, tam actu quam in potentia ; ita positivum clausum in significatione infiniti simpliciter, optime demonstratur convenire Deo, ex negatione terminorum essentialium, ut in littera fit. Unde concedo quod esse prius natura est in seipso tantae perfectionis, puta finitae vel infinitae, quam sit receptibile aut irreceptibile in hoc vel illo : cum hoc tamen dico quod haec duo mutuo se consequuntur ; ita quod si esse est omnino irreceptibile, est infinitum simpliciter, et e converso ; et similiter, si est finitum, est receptibile, et e converso. Et propterea potest argui a destructione antecedentis ad destructionem consequentis, absque sophismate, ut in convertibilibus contingit. — Et sic patet responsio ad Scotum. |
<16> XII. Et nous pouvons, comme à la suite de <Duns> Scot, argumenter sur l'être de la même manière qu'il argumente sur la forme ; c'est pourquoi je dis deuxièmement [cf. § XI], que l'infini, comme l'immatériel, est un prédicat négatif, cependant positif fondamentalement. Et comme le <caractère> positif est renfermé dans l'immatérialité, sa meilleure preuve se tire de la négation naturelle de la matière, tant en acte qu’en puissance ; ainsi le <caractère> positif est renfermé dans le sens de l'infini absolu, lequel se démontre parfaitement de Dieu, partant de la négation des bornes essentielles, comme il est fait dans le texte. D’où je concède que l’être est d’abord en soi une nature d'une perfection telle, par exemple finie ou infinie, qu'elle peut être reçue ou non reçue en ceci ou en cela : je dis cependant que ces deux <alternatives> se suivent mutuellement ; de sorte que si l'être n’est absolument pas susceptible d’une réception, il est absolument (simpliciter) infini, et inversement ; et de même, s'il est fini, il est susceptible d’une réception, et inversement. Et c'est pourquoi nous pouvons argumenter de la destruction de l'antécédent à la destruction du conséquent, sans sophisme aucun, comme cela arrive dans les convertibles. — Et ainsi la réponse à <Duns> Scot est manifeste. |
<17> XIII. Ad id vero quod novitii obiiciunt [cf. § IX], ex dictis iam patere potest. Iam enim ostensum est [§ X] quod omnimoda negatio receptionis ipsius esse, fundatur super infinita perfectione simpliciter. |
<17> XIII. A l’objection des novices [cf. § IX], ce qui a déjà été dit peut apporter la contradiction. Il a de fait déjà été montré [§ X] que la négation même de toute forme de réception repose sur une perfection infinie absolue. |
<18>
Et adverte quam formalis et ex propriis doctrina sit s. Thomae. De essentiae
namque infinitate agens, essentiales terminos tantum lustravit ; nec
digressus est ad concomitantia, penes quae attenditur infinitas potentiae aut
intellectus aut voluntatis, ut alii minus perspicaces faciunt. |
<18> Et considère que <cette acception de> la forme se tire de la doctrine de s. Thomas. Il a de fait traité de l'essence infinie, mais des termes essentiels seulement ; ni n'a digressé vers la concomitance, par laquelle on présente l'infinité de la puissance ou de l'intellect ou de la volonté, comme d'autres, moins perspicaces, le font. |
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Article 2 : Y A-T-IL, EN DEHORS DE DIEU, UN ÊTRE QUI SOIT INFINI EN SON ESSENCE ? |
<1> I. In titulo, adverte : ly infinitum per essentiam non significat idem quod res infinitae perfectionis, quia ly infinitum non arctatur hic ad infinitum tenens se ex parte formae, quod dicit perfectionem ; sed tenetur communiter, ut continet etiam infinitum ex parte materiae ; ut patet ex processu in corpore articuli, et in argumento tertio. Unde infinitum per essentiam idem significat quod res essentiae indeterminatae omnino, idest nec ad genus nec ad speciem aliquam, et hoc sive per se sive reductive. Et est quaestio de rebus singularibus, quarum tantummodo est inveniri posse in rerum natura. Quod dico propter res in abstractione sumptas, quas contingit adeo abstrahere, ut secundum aliquam rationem ad nullum sint genus arctatae. Tamen, secundum rem, etiam illa ratio, in hac re existens, ad aliquod est genus et speciem determinata : ens enim in homine est in specie humana, etc. Ita quod sensus quaestionis est : An, praeter Deum, aliqua res in rerum natura existens actu vel potentia, sit essentiae indeterminatae simpliciter. |
<1> I. Dans le titre <de l’article>, considère <la chose suivante> : cet infini par essence ne signifie pas identiquement la perfection infinie d’une chose, parce que cet infini n’est ici pas tenu à l'infini se tenant du coté de la forme, qui dit la perfection ; mais il est généralement admis qu’il contient aussi l’infini du côté de la matière ; comme c’est manifeste partant du déroulement du corps de l’article, et dans le troisième argument. C'est pourquoi l'infini par essence signifie la même chose que la chose d'une essence complètement indéterminée, c'est-à-dire ni d’un genre ni d’une espèce quelconque, et cela ou par soi, ou par réduction. Et il est seulement question des choses singulières, lesquelles peuvent se trouver dans le monde naturel. Je dis cela à cause des choses prises dans l'abstraction, qui peuvent être si abstraites que, selon une raison quelconque, elles ne se limitent à aucune espèce. Cependant, selon la chose, cette même raison, existant dans cette chose, est déterminée à un certain genre et à une espèce quelconque : car l'être dans l'homme est dans l'espèce humaine, etc. Le sens de la question est donc : Si, en dehors de Dieu, une chose quelconque existant dans le monde naturel, en acte ou en puissance, est d'une essence absolument indéterminée. |
<2> II. In corpore unica est conclusio, responsiva quaesito negative : Nulla res alia a Deo est infinita simpliciter ; quamvis possit esse infinita secundum quid. |
<2> II. Dans le corps <de l’article>, une unique conclusion répond à la question par la négative : Nulle entité autre que Dieu n’est infinie absolument (simpliciter) ; bien qu'elle puisse être infinie relativement. |
<3> Haec conclusio habet duas partes, ut patet : et in littera quoad utramque probatur. Verum, quia infinitum est duplex, scilicet ex parte actus et ex parte potentiae, seorsum primo probat utramque conclusionis partem in infinito materiali deinde in formali. De illo, quia materia semper finitur per formam aliquam, ac per hoc non est infinita simpliciter : et tamen, quia remanet in potentia ad infinitas formas, datur infinitum secundum quid. De hoc vero, quia forma creata aut est in materia, et consequenter finita per eam : aut subsistens sine materia, et recipiens esse. Et haec, quia sine materia, ideo infinita secundum quid, idest secundum terminos materiales : quia tamen habet esse receptum, est finita simpliciter. Esse enim coaptatum ita huic certae naturae, quod non alii, limitatum oportet esse simpliciter : alioquin omnis in se naturae perfectionem contineret. — Et a partibus universi sufficienter enumeratis, conclusio universalis proposita probata est : et satis clare, si praecedentia [a. 1] recolantur. |
<3> Cette conclusion comporte deux parties, comme c’est manifeste : et dans le texte elle est prouvée sur cette double base. De fait, parce que l'infini est double, c'est-à-dire du côté de l'acte et du côté de la puissance, il prouve d'abord les deux parties de la conclusion séparément, dans l'infini matériel, puis dans le formel. De là, <il montre> que la matière est toujours limitée par une certaine forme, et par là <qu’>elle n'est pas absolument (simpliciter) infinie : et cependant, qu'elle demeure en puissance à une infinité de formes, ce qui lui donne une infinité relative. Il en va ainsi parce que la forme créée est ou dans la matière, et conséquemment par là finie : ou, recevant l’être, elle subsiste sans matière. Et ces dernières, lesquelles sont sans matière, sont donc infinies relativement (secundum quid), c'est-à-dire selon les termes matériels : mais parce qu'elles sont réceptrices de l’être, elles sont absolument (simpliciter) finies. En effet, cet être là doit s’adapter à une certaine nature, et non une autre, qui limite l’être absolument : autrement il contiendrait en soi la totalité des perfections de la nature. — Et partant d’une énumération suffisante de l’univers, l’universalité de la conclusion proposée a été prouvée : et c’est assez clair, si ce qui précède [a. 1] a été intégré. |
<4>
Adverte, novitie, quod non dubitando, sed philosophico more deferendo proprio
tractatui de Angelis inferius [q. L] habendo, dicit quosdam opinari angelos
esse subsistentes substantias. |
<4> Considère, novice, que sans incertitude, mais en référant philosophiquement au contenu du traité sur les anges ci-dessous [q. 50], il dit que certains pensent que les anges sont des substances subsistantes. |
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Article 3 : QUELQUE CHOSE PEUT-IL ÊTRE INFINI EN ÉTENDUE ? |
<1> I. In titulo, possit simpliciter, secundum potentiam logicam. — In corpore tria : primo assignat causam quaestionis, quod non est vana, sed necessaria ; secundo distinguit corpus [cf. § IV] ; tertio respondet quaesito [cf. § V]. |
<1> I. Dans le titre <de l’article>, pouvoir s’entend dans l’absolu (simpliciter), selon la puissance logique. — Dans le corps <de l’article> trois <choses sont faites> : il décrit premièrement le motif de la question, qui n'est pas vain, mais nécessaire ; deuxièmement, il distingue ce corps [cf. § IV] ; troisièmement, il répond à la question [cf. §V]. |
<2> II. Quoad primum, necessitas quaesiti ostenditur ex extraneitate infinitatis secundum magnitudinem, ab infinitate essentiae : quia scilicet aliud est esse infinitum secundum essentiam, et aliud secundum quantitatem. Et probatur in naturalibus. — Ubi adverte quod inter istas infinitates est duplex differentia. Una separationis, qua una non est alia. Et haec est manifesta, dum in Deo reperitur infinitas essentiae absque quantitate : et in istis inveniri forte potest infinitas quantitatis, absque infinitate essentiae, ut patet in conditionali posita in littera. — Altera consecutionis, quia una non infert aliam : quia scilicet nec infinitum secundum essentiam infert infinitum quantitatis ; nec, quod magis dubitari poterat, infinita magnitudo infert infinitam essentiam, ut in littera ostenditur, si esset ignis infinitus. Et de hac differentia interpretanda est littera : quoniam est admodum ad propositum. |
<2> II. Quant au premier point, la nécessité de ce questionnement se montre partant de l'extranéité de l'infini en grandeur, de l'infinité de l'essence : c’est-a-dire que c'est une chose d'être infini en essence, et une autre <d'être infini> en quantité. Et c’est prouvé dans la nature. — Considère de là qu'entre ces infinis il y a une double différence. Une séparation <d’une part>, que l'un n'est pas l'autre. Et cela est manifeste, puisqu'en Dieu se trouve l’infinité d’essence dépourvue de <l’infinité de> quantité : en laquelle il est possible de trouver de l’infini quantitatif sans infinité d’essence, comme c’est manifeste dans la <proposition> conditionnelle placée dans le texte. — Une consécutivité <d’autre part>, parce que de l'un, l'autre n’est pas inféré : c’est-a-dire que l'infini en essence n'entraîne pas l'infini en quantité ; et, ce qui pourrait être plus douteux encore, qu’une grandeur infinie n'entraîne pas une essence infinie, comme il est montré dans le texte, s'il y avait un feu infini. Et c’est à partir de cette différence qu’il faut interpréter le texte : puisque c’est l’acception du propos. |
<3> III. Circa hanc partem, statim occurrit dubium, novitiorum mentem turbans : eo quod, ut dicitur VIII Physic. [c. X, n. 3, 4], in magnitudine infinita oportet esse virtutem infinitam. Ergo essentiam infinitam : virtus enim non excedit essentiam. Quare, si esset ignis, infinitus, esset virtutis infinitae et consequenter essentiae infinitae. Falsum est ergo quod in littera dicitur, quod si esset magnitudo infinita, non haberet essentiam infinitam. |
<3> III. Relativement à cette partie, un doute surgit immédiatement, troublant l'esprit des novices : car, comme il est dit dans le huitième livre de la Physique [c. X, n. 3, 4], dans une grandeur infinie, il doit y avoir une vertu infinie. Donc l'essence est infinie : en effet la vertu n’excède pas l'essence. Si donc le feu était infini, il aurait une vertu infinie, et conséquemment une essence infinie. Il est donc faux qu’il soit dit dans le texte que si il y avait une grandeur infinie, elle n’aurait pas une essence infinie. |
<4> Ad hoc breviter dicitur, quod obiectio laborat in aequivoco. Ly enim infinita essentia potest intelligi dupliciter. Primo, de infinitate propria essentiae inquantum essentia : quae, ut ex dictis [a. 2, comm. § I.] patet, nihil aliud est quam indeterminatio, idest carentia terminorum essentialium, scilicet generis et differentiae. Secundo, de infinitate communiter sumpta, sive quantitativa, etc. In proposito, obiectio procedit de infinitate secundo modo : littera autem loquitur de infinitate primo modo. Et ideo signanter in littera dicitur infinitum secundum essentiam, et non dicitur infinita essentia : melius enim explicatur infinitas essentialis per ly secundum essentiam, ut patet. |
<4> A cela, il est dit en quelques mots que l'objection opère dans l'équivoque. C’est un fait que cette essence infinie peut être entendue de deux manières. Premièrement, de l'infinité propre à l'essence en tant qu'essence : de laquelle il est manifeste, d'après ce qui a été dit [a. 2, comm. § I.], qu'il n'y a rien d'autre que l'indétermination, c'est-à-dire l’absence de termes essentiels, à savoir le genre et la différence. Deuxièmement, de l'infini entendu dans sa généralité, ou quantitatif, etc. Dans la proposition, l'objection porte sur l'infini du second mode : mais le texte parle de l'infini du premier mode. Et c'est pourquoi il est significatif qu’il soit évoqué dans le texte l’infini selon l’essence, et non pas dit l’essence infinie : car l'essence infinie s'explique mieux par selon l’essence, comme cela est manifeste. |
<5> IV. Quoad secundum [cf. § I.], distinctio est ista. Corpus potest sumi dupliciter : physice, pro subiecto trinae dimensionis ; et mathematice, pro ipsa trina dimensione absolute. Littera est satis clara. |
<5> IV. Quant au second point [cf. § I.], la distinction est celle-ci. Le corps peut s’entendre de deux manières : physiquement, pour un sujet à trois dimensions ; et mathématiquement, pour ses trois dimensions dans l’absolu. Le texte est suffisamment clair. |
<6> Adverte hic quod famosa illa distinctio corporis posita a Magno Alberto in I Physic. [tract. I, c. 3], de corpore triplici, scilicet mathematico, physico et metaphysico, quamvis non habeatur explicite a s. Thoma, doctrinae tamen suae non solum non adversatur, sed congruit. Quoniam apud ipsum etiam, compositum ex materia et forma substantiali, ut praevenit aptitudinem sui ipsius ad quantitatem et motum, corpus est ad metaphysici considerationem spectans. Sed quoniam respectu infinitatis secundum magnitudinem, corpus physicum et metaphysicum non ponunt in numerum ; ideo hic substratum trinae dimensioni, compositum scilicet ex materia et forma, unicum tantum membrum constituit ; et corpus physicum appellatur, quia secundum formam naturalem speciem sortitur, ut patet inductive. |
<6> Considère ici que cette distinction classique du corps a été posée par Albert le Grand dans son commentaire du premier livre de la Physique [tract. I, ch. 3], du corps triple, c'est-à-dire mathématique, physique et métaphysique, bien qu'elle ne soit pas explicitement envisagée par s. Thomas, cependant, non seulement elle n’est pas opposé à sa doctrine, mais elle concorde <avec elle>. Puisque pour lui aussi, le composé de matière et de forme substantielle, en tant qu’il anticipe ses dispositions propres à la quantité et au mouvement, est un corps disposé à la considération du métaphysicien. Mais puisque touchant l'infini de volume, le corps physique et </ou> métaphysique ne peut être quantifié ; aussi ce substrat tridimensionnel, c'est-à-dire composé de matière et de forme, ne constitue qu'un seul membre ; et le corps est appelé physique, parce qu'il approche une espèce selon sa forme naturelle, comme c’est inductivement manifeste. |
<7> V. Quoad tertium [cf. § I], respondetur quaesito, iuxta duo distinctionis positae membra, duabus conclusionibus [cf. § XVI], negative. Prima est : Nullum corpus naturale potest esse infinitum secundum magnitudinem. |
<7> V. Quant au troisième point [cf. § I], la question trouve une réponse, suivant les deux membres de la distinction posée, par deux conclusions [cf. § XVI] négatives. La première est la suivante : Nul corps naturel ne peut avoir une étendue infinie. |
<8> Probatur dupliciter [cf. § XV]. Primo a priori. Formam substantialem sequuntur accidentia : ergo determinatam formam determinata accidentia : ergo determinata quantitas et in maius et in minus. Ergo omne corpus naturale habet determinatam quantitatem et in maius et in minus. Ergo non potest esse actu infinitum. — Secunda consequentia probatur ; quia quantitas est unum de accidentibus sequentibus formam substantialem. Tertia vero probatur : quia omne corpus naturale habet determinatam formam substantialem. |
<8> Cela se prouve de deux façons [cf. § XV]. Premièrement a priori. La forme substantielle est suivie d’accidents : donc une forme déterminée détermine les accidents : donc détermine une quantité dans le plus et dans le moins. Donc tout corps naturel possède des déterminations quantitatives, dans le plus et dans le moins. Il ne peut donc pas être réellement infini. — Deuxièmement la conséquence est prouvée ; car la quantité est une des déterminations accidentelles qui suivent la forme substantielle. Mais la troisième est prouvée : parce que tout corps naturel a une forme substantielle déterminée. |
<9> VI. Circa primam consequentiam, dubium occurrit, quem sensum habeat. Aut enim ly determinata accidentia importat determinationem genericam seu specificam : et tunc est sensus, quod talem formam in specie, puta ignis, sequuntur talia accidentia secundum speciem, puta calor, lux, talis figura, levitas, etc. Iuxta hunc sensum, consequentia est optima, sed non infert propositum : ex tali enim sensu non sequitur secunda consequentia, ergo quantitas determinata et in maius et in minus ; quantitas enim maior et minor non sunt diversarum specierum, ut patet. — Aut significat etiam determinationem gradualem, quoad qualitates, et extensionis, quoad quantitatem. Et tunc est sensus, quod formam determinatam sequuntur non solum ita haec accidentia secundum speciem, quod non illa ; sed ita accidentia in tali gradu seu extensione, quod non in alio. Et secundum hunc sensum procul dubio est hic intenta. |
<9> VI. Relativement à cette première conséquence, un doute se présente quant au sens qu’elle doit avoir. Ou en effet, les déterminations accidentelles impliquent une détermination de genre ou d’espèce : et alors le sens est, que telle forme en particulier, par exemple <pour> le feu, est suivie de tels accidents selon l'espèce, par exemple la chaleur, la lumière, telle figure, la légèreté, etc. En ce sens, la conséquence est parfaite, mais elle ne conclut pas la proposition : d'un tel sens en effet ne découle pas la seconde conséquence, donc la quantité est déterminée dans le plus et dans le moins ; de fait la plus ou moins grande quantité ne fait pas varier l’espèce, comme cela est clair. — Ou bien cela signifie aussi une détermination graduelle, quant aux qualités, et une extension quant à la quantité. Et alors le sens est, que la forme déterminée est suivie non seulement des accidents selon l’espèce, et non des autres ; mais des accidents de tel degré ou de telle extension, et non d’autres. Et c’est sans aucun doute vers ce sens que l’on tend ici. |
<10> Sed potest adhuc dupliciter intelligi. Primo, quod certam formam sequuntur determinata accidentia, non solum in toto, sed in omnibus et singulis partibus : puta quod formam aquae sequitur certa quantitas, non solum in aliqua tota aqua, sed in quibuscumque partibus integralibus. Et hic sensus alienus est a veritate et proposito : quoniam non datur minima pars aquae aut albi, ut dicitur in libro de Sensu et Sensato [c. VI] ; sed, quacumque parte data, datur minor inexistens, in homogeneis. — Secundo, quod certam formam sequuntur determinata accidentia in toto et partibus possibilibus seorsum existere. Et hic sensus est directe intentus quoniam in partibus inexistentibus tantum, non est proprie forma, sed formae pars, tam actu quam potentia ; in littera autem dicitur quod formam determinatam sequuntur accidentia et quantitas determinata. Sed unde in hoc sensu consequentia valeat, quodve sit illius fundamentum, latet. Et ideo vertitur in dubium, primo quoad determinationem quantitatis in minus ; secundo, quoad determinationem eiusdem in maius [cf. § VIII]. |
<10> Mais cela peut encore s’entendre doublement. Premièrement, qu’une certaine forme est suivie d’accidents déterminés, non seulement dans le tout, mais dans chaque partie : par exemple que la forme de l’eau est suivie d’une certaine quantité, non seulement dans un quelconque tout d’eau, mais dans toutes ses parties intégrantes. Et ce sens est étranger <à la fois> à la vérité et au propos : puisque la moindre partie d'eau ou de blancheur n'est pas donnée, comme il est dit dans le livre De la sensation et des sensibles [c. VI] ; mais, quelle que soit la partie donnée <dans la forme>, la parcelle est donnée comme inexistante, dans l’homogène. — Deuxièmement, qu’une certaine forme est suivie d’accidents déterminés dans le tout et l’existence de ses parties possiblement séparées. Et ce sens est directement visé parce que dans les parties inexistantes seulement, il n’y a pas de forme propre, mais une partie de forme, tant en acte qu’en puissance ; mais dans le texte il est dit que la forme déterminée est suivie d’accidents et d’une quantité déterminée. Mais d'où vient la validité du sens cette conséquence, et quel est son fondement, cela reste obscur. Et ceci à nouveau se transforme en un doute, premièrement en ce qui concerne la détermination quantitative du moindre ; deuxièmement, quant à la même détermination pour le plus [cf. § VIII]. |
<11> VII. Scotus, in II Sent., dist. II, qu. IX, nititur probare oppositum, et sustinere quod non datur minimum in homogeneis substantiis, potens per se existere : sed, quacumque aqua data, potest minor per se existere. Et sic forma eius non determinat sibi certam quantitatem in minus, ut in littera dicitur. |
<11> VII. <Duns> Scot, dans le deuxième livre de son commentaire des Sentences [de Pierre Lombard], distinction deux, à la neuvième question, se positionne à l’inverse, et soutient que le moindre n’est pas donné dans la substance homogène, pouvant exister par soi : mais, quelle que soit l'eau donnée, le moindre peut exister par lui-même. Ainsi sa forme n’est pas déterminée par une certaine quantité dans le moindre, comme il est dit dans le texte. |
<12> Arguit ergo ex ratione quanti (V Metaphys.), sic. Non magis essentiale est quanto, posse dividi in partes, quam quod utrumque eorum in quae dividitur, possit esse hoc aliquid. Ergo singulae partes quantaecumque aquae possunt per se existere. — Antecedens patet ex V Metaphys. [c. XIII]. Consequentia vero manifesta est ex se. Et nihilominus consequens confirmatur quadrupliciter. Tum quia partes sunt eiusdem rationis cum toto, quoad materiam et formam. Ergo per se existere, quod non repugnat toti, non repugnat parti. — Tum quia quaelibet pars habet naturam : unde non repugnat sibi esse individuum eiusdem speciei cum toto. Ergo potest esse individuum ; et consequenter per se existere. — Tum quia partes sunt naturaliter priores toto. Ergo eis non repugnat esse prius tempore, etc. — Tum quia, posita illa aqua minima, circumscripto omni corruptivo, etiam continente, si dividatur, aut post divisionem quae erat una aqua in actu et multae in potentia, erit aquae plures in actu, et habetur intentum : aut non. Et si non, ergo annihilata est aqua absque corruptivo. Probatur : quia sola divisio non corrumpit. Probatur : quia dividit in partes homogeneas, ex quibus constat totum ; ergo dividit in aquas ; aut aqua componitur ex non aquis, ut partibus integralibus. Nec est, inquit, repugnantia ex parte parvae quantitatis : quia forma aquae cum tam parva quantitate praefuit. |
<12> Il raisonne donc ainsi à partir de la notion de quantité (Métaphysique, c. 5). Il n'est pas plus essentiel de pouvoir diviser en parties, que, en chacune des parties divisées, de pouvoir être ce quelque chose. Donc, une partie singulière d’eau d’une grandeur quelconque peut exister par elle-même. — L'antécédent est manifeste suivant le cinquième livre de la Métaphysique [c. 13]. Mais la conséquence est évidente d’elle-même. Et néanmoins la conclusion est quadruplement confirmée. Et parce que ses parties sont de la même notion que le tout, quant à la matière et à la forme. Donc, pour exister par soi, ce qui n’est pas incompatible avec le tout n’est pas non plus incompatible avec la partie. — Ensuite parce que chaque partie a une nature : son être individué selon l’espèce n'est donc de là pas incompatible avec le tout. Il peut donc être individuellement ; et conséquemment exister par lui-même. — Et parce que les parties priment naturellement sur le tout. Donc il n’est pas incompatible d’admettre une priorité temporelle, etc. — Et parce que, ayant posé le moindre <quantum> de cette eau, toute corruption circonscrite, contenue même, si elle est divisée, ou après la division, <de> ce qui était une eau en acte et une multitude en puissance, il y aura une pluralité d’eaux en acte, et c’était l’intention : ou non. Et si non, alors l’eau sans corruption est anéantie. C’est prouvé : car la division seule ne corrompt pas. C'est prouvé : parce que ce qui est divisé en parties homogènes, ressortit au tout ; donc ou l’eau est divisée dans les eaux ; ou l'eau se résout de l’absence d’eaux, comme parties intégrantes. Il n’y a pas non plus, dit-il, d’inconséquence du côté d’une petite quantité : parce que la forme de l’eau à primé sur une petite quantité telle. |
<13> VIII. Contra determinationem vero quantitatis in maius [cf. § VI], arguitur ratione et auctoritate. Ratione quidem : dato quocumque igne, si apponatur combustibile dispositum, certum est quod comburet. Illud ergo crescit, quantum est ex se, in infinitum. — Et confirmatur auctoritate Aristotelis, II de Anima, text. 41 [cf. c. IV, n. 8] : ignis augeretur in infinitum, si in infinitum apponeretur combustibile. Non ergo datur maximus ignis. |
<13> VIII. Contre la détermination de la quantité dans le plus [cf. § VI.], il invoque la raison et l’autorité. <Pour> la raison : quelque type de feu donné, si un combustible disposé est apporté, la combustion sera certaine. Son accroissement donc, autant qu'il est de soi, <se prolongera> à l'infini. — Et cela est confirmé par l'autorité d'Aristote, au deuxième livre du traité De l’âme, texte 41 [cf. c. IV, n. 8] : le feu augmenterait à l'infini, si le combustible était disponible à l'infini. Donc le maximum du feu n’est pas donné. |
<14> IX. Ad evidentiam huius difficultatis, nota primo, quod non intendimus hic tractare totaliter de maximo et minimo, quoniam esset extra propositum ; sed solum an detur maximum et minimum ex intrinseco. Hoc enim exigit ratio assumpta in littera, volens quod ex intrinseco, ex forma scilicet substantiali, unaquaeque substantia naturalis vindicet sibi certam quantitatem, tam in maius quam in minus. Et ideo has paucas rationes in hac disputatione adduximus. Fiet autem, Deo dante, specialis quaestio de maximo et minimo universaliter. — Nota secundo, quod duas rationes ab Aristotele habemus ad hoc. Alteram I Physic., text. 36 [c. IV, n. 5], scilicet : quantitas totius consurgit ex quantitatibus partium, etc. Sed ista ratio, ut patet, procedit ex suppositione supponit enim dari maximum, et concludit dari minimum, alioquin totum non esset certae quantitatis. Alteram in II de Anima, text. 41 [c. IV, n. 8], scilicet : omnium natura constantium determinata est ratio, etc. Et haec ratio, ut inquit Scotus [loc. cit.], loquitur de animatis, in quibus tantum habet locum augmentum proprie dictum, de quo ibi est sermo. |
<14> IX. Pour avoir l’évidence de ces difficultés, notons premièrement que nous n'entendons pas ici traiter complètement du plus grand et du plus petit, puisque cela serait hors de propos ; mais seulement du cas où le plus grand et le moindre sont proposés <partant> de l’intrinsèque. Car ceci est exigé par l’argumentation du texte, voulant que de l’intrinsèque, c'est-à-dire de la forme substantielle, chaque substance naturelle réclame pour elle-même une certaine quantité, soit en plus, soit en moins. Nous avons donc adjoint ces quelques raisons dans cette discussion. Maintenant, si Dieu veut, il y aura une question spéciale sur le plus grand et le plus petit <entendus> universellement. — Notez, deuxièmement, que nous avons à cet effet deux raisons d'Aristote. L'un du premier livre de la Physique, texte 36 [c. IV, n. 5], à savoir : la quantité du tout naît de la quantité des parties, etc. Mais cette raison, comme c’est manifeste, procède d'une supposition partant en effet du maximum, et concluant au minimum, faute de quoi le tout n'aurait pas une quantité quelconque. L'autre dans le deuxième livre du traité De l’âme, texte 41 [c. IV, n. 8], à savoir : une limite et une raison de grandeur et de croissance ont été fixées pour tout ce qui existe naturellement, etc. Et cette raison, comme le dit <Duns> Scot [loc. cit.], parle de l'animé, dans lequel seulement l'accroissement proprement dit trouve sa place, <et> c’est ce dont il est question. |
<15> Verum, quidquid sit de illo textu, s. Thomas universalizavit illam : et quod ibi de anima dicitur, de omni forma substantiali assumpsit, scilicet quod vindicat sibi certam quantitatem. Et probavit eam secundum doctrinam traditam V Metaphys. [c. III] et II Physic. [c. III, n. 12], scilicet quod causae effectibus, et e converso, comparantur et commensurantur. Ex hoc enim sequitur quod, si formam substantialem naturaliter in communi sequitur quantitas, ergo determinatam formam determinata quantitas. Sed quantitas non alio modo determinatur quam secundum terminos : non enim corporeitas hominis et aquae differt specie, ut posset dici quod determinatam formam sequitur determinata quantitas secundum speciem. Igitur sequitur quantitas determinata secundum terminos. — Quamvis etiam si quantitates differrent specie, adhuc tamen haberetur fundamentum consequentiae, ex eo quod determinata forma est vis determinatae, ac per hoc nihil consequens ad ipsam potest esse infinitum : si enim haberet calorem, raritatem, quantitatem, aut quodcumque accidens infinitum, iam a forma finita esset vis infinita ; quod non est intelligibile. Quia ergo formam physicam in communi sequuntur accidentia, consequens est ut certam formam, ac per hoc rem certae vis, sequantur certa accidentia : non solum ita haec quod non illa ; sed etiam ita in tali gradu vel termino, summo, imo vel medio, quod non in maiori aut minori. — Et sic habetur unde tenet consequentia litterae [cf. § VI], non solum de quantitate, sed de omnibus accidentibus. |
<15> A vrai dire, quoi qu’on puisse penser du texte, s. Thomas l'a universalisé : et ce qui y est dit de l'âme, il l'a pris de toute forme substantielle, c'est-à-dire réclamant pour elle-même une certaine quantité. Et il l’a prouvé selon l’enseignement traditionnel du cinquième livre de la Métaphysique [c. 3] et du deuxième livre de la Physique [c. 3, n. 12], c'est-à-dire que les causes, sont comparés et commensurés aux effets, et inversement. Car il suit de là que, si la quantité suit naturellement la forme substantielle en général, alors une forme déterminée détermine la quantité. Mais la quantité n'est déterminée que selon les termes : car la corporéité de l'homme et de l'eau ne diffèrent pas selon les espèces, de sorte qu'il est possible d’avancer qu'une quantité déterminée suit une forme déterminée selon l’espèce. Il s'ensuit donc que la quantité est déterminée selon les termes. — Même si les quantités différaient en espèce, il y aurait encore cependant un fondement à la conséquence, de ce que la détermination de la forme est une ferme détermination, et par là rien de ce qui en découle ne peut être infini : si en effet il y avait de la chaleur, de la rareté, de la quantité ou tout autre accident infini, déjà de la forme finie serait la détermination infinie ; ce qui n'est pas intelligible. Donc, puisque l’accidentel suit la forme <du corps> physique en général, il s'ensuit que certains accidents suivent une certaine forme, et par là une certaine détermination : non seulement ceci et non cela ; mais encore ainsi dans un degré tel ou une borne telle, haut, bas ou milieu, qui n’est ni dans le plus ni dans le moindre. — Et ainsi nous obtenons la conséquence du texte [cf. § VI.], non seulement pour la quantité, mais de tous les accidents. |
<16> X. Ad rationem ergo Scoti [cf. § VII], concesso antecedente, negatur consequentia. Et ratio est, quia utrumque, scilicet dividi in partes, et illas posse esse hoc aliquid, si realiter intelligatur, non convenit quanto per se positive, sed non repugnanter, ut patet de quantitate caeli : quantum enim illud nec potest actuali divisione dividi, nec potest aliqua pars eius seorsum existere, et tamen est vere quantum. Utraque ergo conditio posita in ratione quanti, potest impediri ne exerceatur, a forma naturali cui coniuncta est quantitas. Unde illa definitio convenit quanto ut sic : et tamen alicui quanto repugnat. — Et si contra hoc afferatur ratio illa Scoti : Quandocumque aliqua per se consequentia aliqua duo, sunt incompossibilia, et illa duo sunt incompossibilia ; sed conditiones quanti et formae minimi sunt incompossibiles ; ergo quantum et forma minimi sunt incompossibiles : — respondetur primo, applicando totum argumentum ad naturam caeli, quae non patitur divisionem. Secundo (quia multiplicare non est solvere), quod illa maior est vera de per se consequentibus positive : non autem non repugnanter. Unde velocitabilitas in infinitum, convenit motui per se non repugnanter, unde et demonstratur de eo : motui tamen naturali cuilibet repugnat, ut patet II Caeli, text. 39 [c. VI, n. 5] : et propterea motus et naturalitas non sunt incompossibiles. |
<16> X. Donc à l’argumentation de <Duns> Scot [cf. § VII], concédant l'antécédent, la conséquence est niée. Et la raison en est que toutes deux, c'est-à-dire, ce qui est divisé en parties, et ce qui peut être ce quelque chose, si cela est entendu réellement, <celles-ci> ne s'accordent pas avec la quantité par soi positive, mais ne répugnent pas, comme c’est manifeste de la quantité du ciel : cette quantité en effet ne peut être divisée par une division en acte, et aucune de ses parties ne peut exister séparément, et cependant elle est une quantité véritable. Ces deux conditions posées dans la notion de quantité, peuvent donc être empêchées de s'exercer, par la forme naturelle à laquelle la quantité est jointe. C'est pourquoi cette définition convient à la quantité comme telle : et cependant répugne à quelque quantité. — Et si l'on oppose à cela le raisonnement de <Duns> Scot : Toutes les fois où deux choses sont mutuellement conséquentes, il y a incompossibilité, et ces deux sont incompatibles ; mais les conditions de quantité et de forme du moindre sont incompatibles ; donc la quantité et la forme du moindre sont incompatibles : — il est premièrement répondu par l’application de l’argument du tout à la nature du ciel, qui ne permet pas la division. Deuxièmement (parce que multiplier n’est pas résoudre), que cette majeure est positivement vraie par elle-même : mais non d’une non-contradiction. C'est pourquoi la vitesse à l'infini, n'est pas incompatible avec le mouvement en soi, d'où elle se démontre du même : elle est toutefois incompatible avec tout mouvement naturel, comme il cela ressort nettement du deuxième livre du traité Du ciel, texte 39 [c. 6, n. 5] : et c’est pourquoi mouvement et naturalité ne sont pas incompatibles. |
<17> Posset tamen aliter dici, quod illae conditiones non intelliguntur secundum actualem divisionem, sed secundum designationem : et quod sic omne quantum est divisibile et quaelibet pars potest esse hoc aliquid, secundum designationem. Et tunc etiam nihil contra propositum nostrum sequitur. |
<17> Cependant il est possible de reformuler, que ces conditions ne s'entendent pas selon une division actuelle, mais selon la désignation : et qu'ainsi toute quantité est divisible et chaque partie peut être ce quelque chose, selon la désignation. Et alors à nouveau, il suit que rien ne s’oppose à notre propos. |
<18> XI. Ad primam confirmationem, negatur sequela. Quia aliquam conditionem requirit forma aquae in per se primo perfectibili, quam non requirit in parte illius : una autem harum conditionum est tanta quantitas. Et simile est iudicium de tanto calore, etc. |
<18> À la première confirmation, l’enchaînement est démenti. Parce que la forme de l'eau requiert une certaine condition de perfectibilité en elle-même (per se primo), qui n’est pas requise dans sa partie : et l’une de ces conditions est une quantité telle. Et il en est de même du jugement sur une chaleur telle, etc. |
<19> Ad secundam quoque eodem modo dicitur : quod non sufficit ad posse esse individuum eiusdem speciei, communicare in natura ; sed oportet adiungere conditiones requisitas ad per se existere. Quidquid enim habet naturam aquae cum conditionibus necessariis ad per se existendum, potest esse aquae individuum ; et non aliter. |
<19> À la deuxième <confirmation> nous disons de la même manière : qu'il ne suffit pas de pouvoir être individué en son espèce, pour communiquer dans la nature ; mais il faut y adjoindre les conditions requises pour exister par soi. Car en effet tout ce qui a la nature de l'eau et les conditions nécessaires pour exister par soi peut être de l’eau individuée ; et pas autrement. |
<20> Ad tertiam, negatur consequentia, quoad partes inexistentes tantum. |
<20> À la troisième <confirmation>, la conséquence est niée, en ce qui concerne les parties inexistantes seulement. |
<21> Ad ultimam dicitur quod, si poneretur minimus ignis tantummodo, et divideretur, quod non solum corrumperetur, sed annihilaretur ; licet tam antecedens quam consequens sit impossibile. Nec oportet quaerere aliud destructivum quam divisionem : quoniam etsi divisio ut sic non sit corruptiva, divisio tamen talis, scilicet minimi naturalis, est universaliter corruptiva ; et in tali casu annihilativa. Nec ignis minimus est unus in actu et multi in potentia, nisi eo modo quo partes dicuntur esse in potentia in toto quia scilicet sunt per esse, non proprium, sed totius ; sicut et partes caeli sunt in toto in potentia. |
<21> Quant à la dernière <confirmation>, nous disons que si un quelconque élément minimal de feu est posé, et divisé, il est non seulement corrompu, mais annihilé ; bien que, tant l’antécédent que le conséquent, soient impossibles. Ne doit pas non plus être recherché une autre destruction que la division : car quoique la division comme telle ne soit pas corruptrice, une telle division, c’est-à-dire une moindre en nature, est universellement corruptrice ; et dans un tel cas annihilante. Pas plus que le feu minimal est un en acte et multiple en puissance, si ce n’est de sorte qu’il soit dit que les parties sont en puissance dans le tout, c’est à dire qu’elles sont par l’être, non en propre, mais du tout ; tout comme les parties du ciel sont en puissance dans le tout. |
<22> XII. Ad ea vero quae contra maximum obiiciuntur [cf. § VIII], respondetur quod maximum ignem dari potest intelligi dupliciter : uno modo, loquendo de individuo ignis per se uno ; alio modo, de uno quasi per aggregationem. Et dico quod datur ex intrinseco maximus et minimus ignis in per se uno individuo ; quamvis non detur maximus unus quasi per aggregationem, nisi ab extrinseco (quia scilicet universi natura non patitur ignem superare cetera elementa, etc). Vocatur autem ignis individuum per se unum, illud quod constat sic ex una necessario in actu tam forma quam materia, quod per solam divisionem non posset fieri duo ignes. Nec hoc consistit in indivisibili : sed tota latitudo a quantitate minima ignis, ad quantitatem duorum minimorum exclusive, constituit per se unum numero ignem. Quantitas autem duorum minimorum, et maior, facit unum quasi per aggregationem. Et idem est iudicium de aqua et aliis elementis, et huiusmodi homogeneis. — Nec, ex his motus, intelligas plantam non esse per se unam, quae est una in actu et multae in potentia : quoniam partes plantae organicae sunt, et ad complementum naturale individui eius, requiritur quod habeat omnes partes, etc. Non sic est in huiusmodi homogeneis, ut patet. — Apposito ergo combustibili cuicumque igni etc., concedendum est quod combureret, et quod cresceret in infinitum : sed non esset per se unus numero ignis. — Et sic patet responsio ad auctoritatem Aristotelis. |
<22> XII. Quant à ces objections qui s'opposent au plus grand [cf. § VIII.], nous répondons que le feu le plus grand peut s’entendre de deux manières : d'une part, en parlant de l’individuation du feu par son unité même ; d'autre part, d'un unité comme par agrégation. Et je dis que, de l’intrinsèque, est donné le plus grand et le moindre feu en une unique individuation ; bien que le plus grand, pour ainsi dire, ne soit donné que par agrégation, hors du cas de l’extrinsèque (c'est à dire que la nature de l'univers ne permet pas au feu de surpasser les autres éléments, etc.). Toutefois le feu est dit individué par soi, ce qui relève d’une nécessité actuelle tant de la forme que de la matière, lequel par une division seule ne pourrait pas devenir deux feux. Cela ne consiste pas non plus dans l'indivisibilité : mais toute l'étendue depuis la plus petite quantité de feu jusqu'à la quantité des deux plus petites exclusivement, constituent d’elles-mêmes le feu numériquement un. Toutefois la quantité des deux plus petites, et des plus grandes, aboutissent à l’unité comme par agrégation. Et le jugement est le même sur l'eau et les autres éléments, et pour tout autre autre modalité homogène comparable. — De ces mouvements, il ne faut pas non plus comprendre qu'une plante n'est pas une d’elle-même, mais qu'elle est une en acte et multiple en puissance : puisque les parties d'une plante sont organiques, et pour la complétude naturelle de son individuation, il est requis qu'elle ait toutes ses parties, etc. Il n’en va pas ainsi dans la modalité d’homogénéité, comme cela est manifeste. — Donc en apportant du combustible sur un feu quelconque, etc., il faut concéder qu'il brûlerait, et qu'il croîtrait à l'infini : mais ne serait pas par lui-même un feu numériquement. — Et ainsi la réponse à l'autorité d'Aristote est manifeste. |
<23> XIII. Circa probationem secundae consequentiae [cf. § V], occurrit dubium : quia falsum assumitur, scilicet quod quantitas sit unum accidentium sequentium formam substantialem ; cum constet quantitatem esse accidens consequens materiam. — Nec valet dicere quod quantitas consideratur dupliciter, scilicet absolute, et ut terminata ; et quod, licet absolute sit consequens materiam, terminatio tamen eius sequitur formam. Haec enim, licet sint vera, non tamen ad propositum. Quia littera, ex hoc quod quantitas consequitur formam, infert, ergo est terminata : unde, si assumptum esset quod quantitas quoad terminationem sequitur formam, esset petitio principii. |
<23> XIII. Relativement à la preuve de la deuxième conséquence [cf. § V], un doute surgit : parce que ce qui est supposé est faux, c’est-à-dire que la quantité soit un accident suivant la forme substantielle ; puisqu'il est établi que la quantité est un accident résultant de la matière. — Il ne vaut pas non plus la peine de dire que la quantité est considérée doublement, c’est-à-dire absolument et comme terme ; et que, bien qu'elle suive ainsi la matière absolument, cependant son terme suit la forme. En effet, bien que ces chose soient vraies, elles ne sont cependant pas à propos <ici>. Parce que le texte infère, de ce que la quantité suit la forme, c’est donc son terme : de là, si on supposait que la quantité suit la forme en ce qui concerne le terme, ce serait une pétition de principe. |
<24> XIV. Ad hoc videtur dicendum, quantitatem dupliciter sumi posse. Uno modo, secundum id quod est in ea de actu : et sic sequitur formam. Alio modo, secundum id quod est in ea de potentia : et sic sequitur materiam. Et quoniam plurimum in ea est quod spectat ad materiam potentiae, ut patet in definitione quanti V Metaphys. [c. XIII] ; ideo absolute ponitur accidens consequens compositum ratione materiae. Et quoniam in proposito est sermo de quantitate in actu, quia de infinito in actu ; ideo in proposito, utens littera quantitate ex parte actus, attribuit ipsam formae ; et ex hoc quod ipsa, secundum quod est actu sequitur formam, infert : ergo est terminata, sicut cetera consequentia formam. |
<24> XIV. En réponse à cela nous disons que la quantité peut s’entendre doublement. D'une part, selon ce qu'il y a d'acte en elle : et ainsi suit la forme. D'autre part, selon ce qu'il y a de puissance en elle : et ainsi il suit la matière. Et puisque il y a en elle une pluralité de choses qui relèvent de la matière en puissance, comme c’est manifeste dans la définition de la quantité au cinquième livre de la Métaphysique [c. 13] ; aussi, l’accident est posé comme résultant absolument de la notion de composition de matière. Et puisque dans le propos il est question de la quantité en acte, du fait de l’infinité en acte ; aussi dans le propos, le texte, exploitant la quantité partant de l'acte, lui attribue sa forme ; et de ce que sa forme suit en ce qu’elle est en acte, il infère : c’est donc son terme, comme les autres conséquences de la forme. |
<25> XV. Secundo probatur conclusio [cf. § V] ex ratione mobilitatis. Omne corpus naturale habet aliquem motum naturalem ex I Caeli, text. 5 [c. II, n. 2] : nullum corpus infinitum est naturaliter mobile : ergo. — Probatur minor, utendo distinctione motus naturalis facta I Caeli [ibid.]. Quia non potest moveri motu recto : eo quod omne tale potest extra locum suum, saltem secundum partes, esse. Nec motu circulari : eo quod lineae a centro circuli protractae, quanto longius protrahuntur, tanto inter se magis distant ; ergo in corpore infinito distarent inter se infinite ; ergo nunquam una perveniret ad locum alterius ; ergo nunquam una pars corporis infiniti circularis potest venire ad locum ubi est alia ; ergo implicat ipsum moveri. Et sumpta est haec ratio ex I Caeli, text. 35 [c. V, n. 3]. |
<25> La deuxième conclusion est prouvée [cf. § V.] partant de la raison de mobilité. Tout corps naturel a un quelconque mouvement naturel suivant le premier livre Du ciel, texte 5 [ch. 2, n. 2] : aucun corps infini n’est naturellement mobile : donc <, etc.>. — La mineure est prouvée, en utilisant la distinction du mouvement naturel faite dans le premier livre Du ciel [ibid.]. Parce qu'il ne peut pas être mû par un mouvement direct : puisque une telle chose exigerait la sortie de sa localisation, au moins selon les parties. Pas davantage avec un mouvement circulaire : puisque ses rayons s'étendent à partir du centre du cercle, plus elles s'étendent loin, plus elles sont distantes les unes des autres ; donc, dans un corps infini, elles seraient infiniment éloignés les unes des autres ; donc l’une n’arriverait jamais à une tierce place ; une partie d’un corps circulaire infini ne peut aucunement arriver à un endroit où se trouve une autre ; cela implique donc son déplacement. Et cette raison est tirée du premier livre Du ciel, texte. 35 [ch. 5, n. 3]. |
<26> XVI. Secunda conclusio [cf. § V] est : Nullum corpus mathematicum potest esse infinitum in actu. — Probatur. Si est corpus in actu, ergo habet formam : ergo figuram : ergo terminum. Ergo non est infinitum. — Prima consequentia probatur : quia nihil est actu nisi per formam suam. Secunda vero : quia forma corporis de genere quantitatis ut sic, est figura. Tertia autem ex definitione figurae. Et haec ratio sumpta est ex III Physic, text. 40 [c. V, n. 6]. |
<26> XVI. La deuxième conclusion [cf. § V] est : Aucun corps mathématique ne peut être infini en acte. — C'est prouvé. Si c’est un corps en acte, alors il a une forme : donc une figure : donc une limite. Il n’est donc pas infini. — La première conséquence est prouvée : parce que rien n'est en acte si ce n’est par sa forme. Et la seconde : parce que la forme d’un corps est du genre de la quantité, <et> en tant que telle, c’est une figure. Et le troisième <se tire> de la définition de la figure. Et cette raison est tirée du troisième livre de la Physique, texte 40 [c. V, n. 6]. |
<27> XVII. In responsione ad secundum, adverte quod, si diligenter inspiciatur, negat infinitum esse passionem quantitatis ; quamvis concedat ei non repugnare. Et si contra hoc afferatur textus decimusquintus I Physic. [c. II, n. 10], scilicet, finiti et infiniti ratio quantitati congruit, in promptu est responsio : quod hoc non ideo dicitur, quod quantitas vindicet sibi infinitatem ; sed e converso, quia infinitas vindicat sibi quantitatem, quoniam non est intelligibile infinitum nisi quantum : sicut etiam dicitur, vacui ratio convenit loco. Intendunt enim per hoc philosophi, quod si ista inveniuntur, oportet reperiri in quantitate et loco, etc. |
<27> XVII. En réponse au second point, considère que, si on l’examine attentivement, il nie que l’attribut de la quantité soit infini ; bien qu'il concède la non contradiction. Et si contre cela on convoque le quinzième texte du premier livre de la Physique [c. 2, n. 10], c'est-à-dire, le rapport quantitatif du fini et de l'infini concordent, la réponse est facile à trouver : cela non plus n'est pas dit, que la quantité réclame l'infini pour elle-même ; mais c’est l’inverse, que l’infinité réclame sa quantité, puisque l'infini n'est intelligible que par la quantité : comme il est encore dit, la notion de vide convient au lieu. Par là en effet les philosophes entendent dire que si ces choses doivent être trouvées, il faut les trouver dans la quantité et dans la localisation, etc. |
<28> XVIII. In responsione ad tertium, adverte quod, licet responsio sumpta sit ex III Physic., ex quo sumptae sunt etiam reliquae responsiones (ad primum quidem ex textu 71 [c. VII, n. 5], ad quartum autem ex 74 [c. VIII, n. 2], ad hoc vero ex 66 [c. VI, n. 11]) : licet, inquam, ita sit, obstant tamen huic responsioni dicta s. Thomae in Tertia Parte, qu. VII, art. 12 [resp. ad 1um] ; et in III Sent., dist. XIII, qu. I, art. 2, qu. III, ad 1 ; imo etiam hic, in articulo sequenti, in responsione ad 2, concedendo augmentum figurarum in infinitum. In III quoque Physic. [c. VI, n. 4, 5], expresse Aristoteles concedit, textu 59 et 60, magnitudinem augeri in infinitum, sicut et dividi. |
<28> XVIII. En réponse au troisième point, considère que, bien que la réponse soit tirée du troisième livre de la Physique, duquel sont également tirées les autres réponses (au premier <argument> de fait, texte 71 [c. 7, n. 5], au quatrième <argument> du <texte> 74 [c. 8, n. 2], celui-ci du <texte> 66 [c. 6, n. 11]) : bien que, est-il dit, il en est ainsi, cependant lesdites réponses sont contraires à <ce qu’enseigne> s. Thomas dans la troisième partie [IIIa], septième question, article douze [resp. ad 1um] ; et dans le commentaire du troisième livre des Sentences, distinction treize, première question, article deux, <sous> question trois, ad 1um ; encore à plus forte raison ici, dans l'article suivant, en réponse au deuxième argument, admettant l'augmentation des figures à l'infini. Dans le troisième livre de la Physique aussi [c. 6, n. 4, 5], Aristote l’admet expressément, dans les textes 59 et 60, que la grandeur croît à l'infini, de même pour la division. |
<29> XIX. Ad hoc breviter respondetur, cum Aristotele ibidem, quod magnitudinem augeri in infinitum, potest dupliciter intelligi. Primo, ea ratione quia semper potest fieri sibi additio secundum partes proportionales. Et sic ibidem dicitur quod augeri potest in infinitum : sed per tale augmentum nunquam excedetur certa magnitudo signata. Secundo, quia semper potest fieri additio simpliciter, ita quod excedat omnem certam quantitatem. Et sic distinguendum est. Quia aut loquimur de magnitudine, stando infra limites continui : aut de ea ut induit rationem discreti. Primo modo, nec augmento naturali, nec intellectuali, continuum est augmentabile in infinitum : et causa assignatur in littera. Secundo modo autem, augmentabile est in infinitum, sicut et numerus : et ad hoc pertinet augmentum figurarum in infinitum. — Dixi autem de continuo ut sic, quod nec intelligibili augmento est augmentabile in infinitum, non quod intellectus non possit, quacumque magnitudine data, fingere maiorem, et sic in infinitum ; sed quoniam in natura continui ut sic, non est potentia ad huiusmodi augmentum. In natura tamen numeri materialis est : et similiter in natura continui est potentia ad diminutionem in infinitum, ut patet ex eius ratione. Et sic omnia consonant, diversis modis intellecta. |
<29> XIX. A cela nous répondons en quelques mots, avec le même Aristote, que l'augmentation de la grandeur à l'infini peut s’entendre doublement. Premièrement, de la raison que l'addition peut toujours s’exécuter selon des parties proportionnelles. Et ainsi il est dit pareillement que l’augmentation peut être infinie : mais par un accroissement tel elle n’excédera jamais une certaine grandeur donnée. Deuxièmement, qu'une addition peut toujours être faite absolument (simpliciter), de sorte qu'elle dépasse un certain tout quantitatif. Il c’est ainsi que la distinction est faite. Car nous parlons ou de grandeur, se situant au-dessous des limites du continu : ou comme en induisant la notion du discret. Dans la première manière, le continu est augmentable ni par accroissement naturel ni par accroissement intellectuel : et la raison est donnée dans le texte. Mais dans la seconde manière, il peut être augmenté à l'infini, comme le nombre : et cela touche l'augmentation des figures à l'infini. — Mais j'ai dit du continu comme tel, qu'il ne peut pas être augmenté à l'infini par accroissement intelligible, non que l'intellect ne le puisse pas, <mais> quelque étendu donnée, une plus grande est imaginable, et ainsi jusqu'à l'infini ; mais, de fait, dans la nature continue comme telle, il n’y a aucune puissance à un accroissement de ce mode. Dans la nature cependant, le nombre est matériel : et de même dans la nature du continu il y a puissance de diminution jusqu'à l'infini, comme c’est manifeste de son argumentation. Et ainsi toutes <ces trajectoires> s’accordent, entendues de différentes manières. |
<30> XX. Circa rationem assignatam in littera [dicta resp. ad 3um], dubium occurrit ex Scoto, in III Sent., dist. XIII, qu. I. Impugnat siquidem eam sic. Quilibet numerus est unus secundum se formaliter, ex VIII Metaphys. [c. V] : ergo in augmentatione numeri acceditur ad formam : ergo accessus ad formam non prohibet augmentum in infinitum. Ergo male in littera dicitur quod ideo magnitudo non augetur in infinitum, quia accedit ad totum et formam. |
<30> XX. Relativement à la raison assignée dans le texte [resp. ad 3um], un doute de <Duns> Scot se présente, dans son commentaire du troisième livre des Sentences [de Pierre Lombard], distinction treize, première question. En effet, il attaque l’enchaînement comme suit. Chaque nombre est formellement un par soi, suivant le huitième livre de la Métaphysique [c. 5] : donc, dans l'augmentation du nombre, la forme est approchée : donc, l'accession à la forme n’interdit pas une augmentation à l'infini. Il est donc maladroitement dit dans le texte que la grandeur n'augmente pas jusqu'à l'infini, parce qu'elle approche du tout et de la forme. |
<31> XXI. Ad hoc dicitur quod, cum numerus augmentabilis in infinitum non sit quilibet numerus, sed numerus continuorum, ut patet III Physic., text. 68 [c. VII, n. 2], augmentatio numeri non accedit ad numerum simpliciter, sed talem, scilicet partium continui : ac per hoc, manifeste acceditur, non ad totum, sed ad partem ; sicut et divisio continui, ex qua causatur. Augmentatio autem continui ad totum simpliciter accedit. — Neganda est ergo prima consequentia Scoti : quoniam a numero ad numerum talem, idest materialem, arguit. Quod non licet in proposito : quia ly materialis minuit rationem numeri quoad formalitatem, quia addit materialitatem formae, et permiscet actum potentiae, ut patet. |
<31> XXI. A ceci nous disons que, puisqu'un le nombre augmentable à l'infini n'est pas n'importe quel nombre, mais le nombre continu, comme c’est manifeste dans le troisième livre de la Physique, texte 68 [ch. VII, n. 2], l'augmentation numérale n’approche pas absolument (simpliciter) du nombre, mais <d’un mode> tel, c'est-à-dire des parties continues : et par là, elle approche manifestement, non du tout, mais d'une partie ; ainsi de la division du continu dont elle est issue. Mais l’augmentation du continu approche du tout absolument (simpliciter). — Il faut donc nier la première conséquence de <Duns> Scot : puisqu'il raisonne du nombre au nombre tel, c'est-à-dire matériel. Ce qui n'est pas permis dans le propos : parce que ce matériel diminue la notion du nombre par rapport à la formalité, parce qu'il ajoute la matérialité de la forme, et mélange l'acte à la puissance, comme cela est manifeste. |
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Article 4 : PEUT-IL Y AVOIR DANS LES CHOSES UNE MULTITUDE INFINIE ? |
<1> I. In titulo, secundum multitudinem quamcumque, sive de genere quantitatis, sive extra genus. Et hinc patet quod ista quaestio est altior et universalior quam inquisitio quae fit III Physic. [c. VII, n. 2, 3] : quoniam ibi de materiali tantum multitudine, sequente divisionem continui, sermo est ; hic autem de multitudine universaliter, sive materiali sive immateriali. |
<1> I. Dans le titre <de l’article>, c’est selon une multitude quelle qu'elle soit, que ce soit du genre de la quantité, ou d’un autre genre. Et de là il ressort clairement que cette question est plus profonde et plus universelle que l’enquête menée dans le troisième livre de la Physique [c. VII, n. 2, 3] : puisqu'il s'agit là uniquement de multitude matérielle, suivant la division du continu ; mais ici il est question de la multitude <entendue> universellement, qu'elle soit matérielle ou immatérielle. |
<2> II. In corpore duo ; primo refert opinionem Avicennae et Algazelis ; secundo, improbando eam, respondet quaesito [cf. § V.]. |
<2> II. Dans le corps <de l’article> deux <choses sont faites> ; il rapporte premièrement l'opinion d'Avicenne et d'Al-Ghazali ; deuxièmement, en les réfutant, il répond à la question [cf. § V.]. |
<3> III. Quoad primum, duas propositiones refert, ac eas declarat. Altera est : impossibile est esse in actu multitudinem infinitam per se. Altera : possibile est esse in actu multitudinem infinitam per accidens. — Declarantur ambae, manifestatis illis terminis, infinita per se multitudo et infinita per accidens. Probantur vero : quia nunquam compleretur opus, si ex infinitis per se dependeret ; secus autem per accidens ; ut patet in exemplo litterae. |
<3> III. Quant au premier point, il se rapporte à deux propositions et les explique. L’une est la suivante : il est impossible qu’une multitude soit actuellement (in actu) infinie par soi. L’autre <est la suivante> : il est possible qu’une multitude infinie existe actuellement (in actu) par accident. Ces deux <propositions> sont détaillés, par la clarifications des termes, multitude infinie par elle-même et <multitude> infinie par accident. Et c’est prouvé : que l'opération ne serait jamais achevée, si elle dépendait de l'infini en soi ; <mais il en va> autrement <de l'opération> par accident ; comme le montre nettement l’exemple du texte. |
<4> IV. Quoad secundum, sunt duae condusiones responsivae quaesito, secundum diversitatem actus a potentia. Prima est : Impossibile est esse in actu infinitam multitudinem, sive per se sive per accidens. Secunda est : Possibile est esse multitudinem infinitam in potentia [cf. § XVIII.]. |
<4> IV. Quant au second point, il y a une double conclusion qui répond à la question, selon la diversité entre l'acte et la puissance. La première est la suivante : il est impossible qu’il y ait une multitude infinie en acte, soit par elle-même, soit par accident. La seconde est : Il est possible qu’il y ait une multitude infinie en puissance [cf. § XVIII.]. |
<5>
Prima conclusio probatur dupliciter [cf. § VII.]. Omnis multitudo actu
existens, est in aliqua specie multitudinis : ergo est secundum aliquam
speciem numeri : ergo est finita. — Antecedens patet. Prima vero consequentia
probatur : quia species multitudinis sunt secundum species numerorum. Secunda
: quia numerus est multitudo mensurata per unum. |
<5> La première conclusion se prouve doublement [cf. § VII.]. Toute multitude existant actuellement est dans une certaine espèce de multitude : donc elle est selon une certaine espèce de numération : donc elle est finie. — L'antécédent est manifeste. Mais la première conséquence est prouvée : car les espèces de la multitude sont les espèces de la numération. Deuxièmement : parce que le nombre est une multitude mesurée par l’un. |
<6> V. Circa primam consequentiam et eius probationem, dubitatur. Quia multitudo est quid communius quam numerus, et consequenter debet habere species plures quam numerus : alioquin communioris rationem non retineret. Non ergo species multitudinis sunt secundum speciem numeri. — Et confirmatur hoc : quia dici potest quod species multitudinis finitae sunt secundum species numeri ; non autem species multitudinis absolute. — Et attestatur his Aristoteles, V Metaphys., capitulo de Quanto [c. XIII], dicens quod pluralitas finita est numerus : quasi infinitatem excipiat. |
<6> V. Relativement à la première conclusion et sa démonstration, il existe un doute. Parce que la multitude est quelque chose de plus général que le nombre, et conséquemment <elle> doit avoir plus d'espèces que le nombre : autrement elle ne conserverait pas la notion de généralité. Donc les espèces de la multitude ne sont pas selon les espèces du nombre. — Et cela se confirme : car on peut dire que les espèces de la multitude finie sont selon les espèces du nombre ; mais non l'espèce de la multitude absolue. — Et c’est attesté par Aristote, au cinquième livre de la Métaphysique, au chapitre sur la quantité [c. 13], disant qu’une multiplicité finie, c'est un nombre : comme tirée de l'infini. |
<7> VI. Ad hoc breviter dicitur quod, cum ignota ex notioribus naturaliter cognoscamus, et experiamur omnis multitudinis species quas novimus, proportionales esse speciebus numeri ; satis consonat arti ut possit universalis propositio formari, quod omnis species multitudinis est secundum aliquam speciem numeri. |
<7> VI. A cela, il est brièvement dit que, lorsque nous appréhendons naturellement l'inconnu partant du plus connu, et que nous expérimentons chaque espèce de la multitude que nous connaissons, elles sont proportionnelles à l'espèce du nombre ; il est pleinement conforme à l'art <logique> de pouvoir former une proposition universelle, en laquelle toute espèce de multitude est selon une certaine espèce de nombre. |
<8> Ad obiectionem autem dicitur, quod aliud est omnes species multitudinis esse species numeri, quod falsum est : et aliud, omnes species multitudinis esse secundum species numeri, idest proportionales illis, quod assumptum est, et verum. Unde multitudo, quia universalius quid est, habet multo plures species quam numerus : quia habet omnes species numeri, et omnes species multitudinis immaterialis, quae proprie non est numerus, etc. — Et per hoc patet ad confirmationem, quod illud voluntarie, non rationabiliter diceretur. — Textus autem Aristotelis nihil officit. Quandoquidem nihil ex illo ad propositum elici potest, nisi quod pluralitas infinita non esset numerus : sed hoc non obstat processui huic, sed magis confirmat secundam consequentiam, ut patet. |
<8> Mais il est dit à cette objection, que c'est une chose que toutes les espèces d’une multitude soient des espèces de nombre, ce qui est faux ; et une autre chose que toutes les espèces d’une multitude soient selon les espèces de nombre, c'est-à-dire proportionnelles à elles, ce qui est supposé et vrai. C'est pourquoi la multitude, en ce qu'elle est quelque chose de plus universel, a beaucoup plus d'espèces que le nombre : parce qu'elle a toutes les espèces du nombre et toutes les espèces de la multitude immatérielle, qui n'est pas proprement un nombre, etc. — Et par là, est manifeste ce qui a été dit pour confirmation, volontairement et non rationnellement. — Mais le texte d'Aristote n’oppose rien. Puisqu’on ne peut en tirer rien d’utile, si ce n’est qu’une pluralité infinie ne serait pas un nombre : mais cela ne fait pas obstacle à ce développement, mais confirme plutôt la conséquence, comme c’est manifeste. |
<9> VII. Secundo probatur eadem conclusio [cf. § IV.]. Omnis multitudo in rerum natura actu existens, est creata : ergo comprehenditur sub aliqua certa intentione creantis : ergo certo numero. Ergo impossibile est quod sit infinita. — Antecedens patet. Prima vero consequentia probatur ; quia non in vanum agens aliquid operatur. Reliquae relinquuntur ut evidentes. |
<9> VII. Deuxièmement, la même conclusion est prouvée [cf. § IV.]. Toute multitude existant réellement dans la nature est créée : elle est donc comprise sous une certaine intention créatrice : donc un certain nombre. Il est donc impossible qu’elle soit infinie. — L'antécédent est manifeste. Mais la première conséquence est prouvée ; parce que l'agent n’opère pas en vain. Le reste relève de l’évidence. |
<10> VIII. Circa hanc rationem dubitatur : quoniam aut assumit falsum, aut non infert intentum. Cum enim assumitur quod omne creatum sub aliqua certa intentione creantis comprehenditur, aut intelligitur de intentione certa certitudine finis ; aut certitudine medii per quod acquiritur finis. |
<10> VIII. Il y a un doute relativement à cette raison : puisque ou bien elle suppose le faux, ou bien elle n’infère pas selon l’intention. Car lorsque l'on assume que tout ce qui est créé se trouve compris dans une certaine intention créatrice, c’est entendu intentionnellement ou bien d’une certaine certitude de la fin ; ou bien par la certitude des moyens par lesquels la fin est obtenue. |
<11> Si certitudine finis, tunc dupliciter exponi potest ; aut ita quod ipsum creatum sit certus finis ; aut ita quod habeat certum finem. Si igitur sensus est, quod omne creatum comprehenditur sub aliqua intentione creantis ut certus finis, propositio videtur manifeste falsa : quoniam aliquid creatum nec est finis creantis, nec alicuius alterius creaturae, puta infima creatura. — Si vero est sensus, quod omne creatum comprehenditur sub aliqua creantis intentione ut ad certum finem, propositio est verissima : quia Deus ipse, et participatio suae bonitatis, est certus cuiusque creati finis intentus a creante. Sed tunc nihil infert ad propositum : ex hoc enim non sequitur, ergo sub certo numero. |
<11> Si <il est question d’une> certitude de la fin, alors elle peut s’expliquer doublement ; ou bien tel que le créé lui-même soit une certaine fin ; ou tel qu'il ait une certaine fin. Si donc le sens est, que toute chose créée est comprise sous une intention créatrice quelconque comme une certaine fin, manifestement la proposition semble fausse : puisque cette chose créée quelconque n'est ni la fin du créateur, ni d'une quelconque autre créature, par exemple la créature la plus infime. — Si le sens est, que toute chose créée est comprise sous une intention quelconque du créateur comme en vue d’une certaine fin, la proposition est on ne peut plus authentique : parce que Dieu lui-même, et la participation à sa bonté, est la fin certaine voulue par le créateur pour chaque créature. Mais alors rien n’est ajouté à la proposition : de là en effet il ne suit pas, donc sous un certain nombre. |
<12> Si autem sensus est, quod omne creatum comprehenditur sub aliqua intentione creantis, ut certum medium per quod acquiritur finis, propositio videtur falsa, et non probata. Falsa quidem ; quia potest aliter comprehendi sub intentione creantis, quam hoc modo. Potest enim intendi, non ut certum medium ad acquirendum finem, sed ut comitans seu proveniens ex certo medio per quod acquiritur finis : ut patet ex Averroe, XII Metaphys., comment. XXXVII, ubi vult quod intelligentiae moveant orbes ut assimilentur Deo in faciendo entia ; et ad hoc sequitur infinitas circulationes esse causatas ab eis et infinitos effectus, et infinitas animas esse creatas, apud Avicennam. — Non probata autem quia ex illo medio, nullum agens operatur aliquid in vanum, nihil aliud potest inferri nisi, ergo agit propter finem ; quo concesso, diceretur quod multitudo infinita est propter finem extrinsecum, scilicet Deum et conservationem perpetuae assimilationis causantis ipsam ad Deum, ut philosophi dicunt. |
<12> Mais si le sens est, que toute créature est comprise sous une quelconque intention créatrice, comme un certain moyen, par lequel la fin est obtenue, la proposition semble fausse et non probante. Fausse en effet ; parce que "sous l’intention créatrice" peut s’entendre autrement que de cette façon. Il est en effet possible de l’entendre, non pas comme un certain moyen en vue de l’accession à la fin, mais comme accompagnant ou prévenant un certain moyen par lequel la fin est obtenue : comme c’est manifeste suivant le commentaire d'Averroès, au douzième livre de la Métaphysique, commentaire trente-septième, où il veut que l'intelligence meuve les mondes comme pour s’assimiler à Dieu en faisant les êtres ; et de là il s'ensuit qu'il y a d’infinies circulations causées par elle et des effets infinis, et que des âmes infinies sont créées, suivant Avicenne. — Mais non probante puisque de ce moyen, aucun agent quelconque n’opère en vain, on ne peut rien déduire d'autre que, il agit donc pour une fin ; ce qui étant concédé, il est dit que la multitude infinie est en vue d’une fin extrinsèque, c'est-à-dire Dieu et la conservation perpétuelle de l'assimilation de la cause elle-même à Dieu, comme disent les philosophes. |
<13> IX. Circa eandem rursus rationem dubium occurrit ; quia committi in ea videtur sophisma a sensu diviso ad compositum, a quolibet creato ad multa, immo infinita, collective procedendo. Quamvis enim quodlibet creatum sit terminus alicuius certae intentionis et operationis ipsius creantis, multa tamen creata non oportet esse terminum alicuius intentionis et operationis, sed multarum intentionum et creationum. Et consequenter infinita creata erunt termini infinitarum intentionum, sicut et creationum. |
<13> IX. Un doute surgit à nouveau relativement à cette même raison ; laquelle semble commettre un sophisme partant du sens divisé au sens composé, d’une quelconque créature à la multitude, voire — procédant collectivement — à l'infini. Bien que, en effet, chaque chose créée soit la limite d'une certaine intention et d'une <certaine> opération du créateur lui-même, cependant nombre de choses créées ne doivent pas être la limite d'une quelconque intention et d'une <quelconque> opération, mais d’une multitude d’intentions et créations. Et conséquemment des créations infinies seront les termes d'intentions — comme de créations — infinies. |
<14> X. Circa eandem adhuc rationem dubium est ; quia radix eius, scilicet, omne creatum comprehenditur sub aliqua certa intentione creantis, licet sit vera in creatis per se, in creatis tamen per accidens, negaretur ab Avicenna. Multitudo enim per accidens infinita, non est intenta nisi per accidens, ut in littera dicitur : et consequenter non creatur nisi per accidens. Vocatur autem creatum per accidens quod ad praeparationem alterius opus est creari ; ut contingit de anima intellectiva, quae, praeparato a natura corpore disposito, semper creatur. Et quia infinita corpora fuerunt iam praeparata, infinitae animae sunt creatae ; quibus, ut sic, accidit remansisse in actu, quia incorruptibiles sunt. Et sic earum infinitas non ponitur per se intenta ; sed consequens ad aeternitatem generationis humanae. |
<14> X. Il y a encore un doute relativement à cette même raison ; parce que sa racine, à savoir que tout ce qui est créé se trouve compris dans une certaine intention créatrice, bien que cela soit vrai dans la chose créée en soi, cependant pour la chose créée par accident, cela a été niée par Avicenne. La multitude infinie par accident en effet, n'est, comme il est dit dans le texte, dirigée que par accident : et conséquemment n'est créée que par accident. Mais on appelle créé par accident ce qui doit être créé pour la préparation d'autre <chose> ; comme c'est le cas de l'âme intellectuelle, laquelle est préparée par la disposition de la nature du corps, toujours créée. Et parce que des corps infinis étaient déjà préparés, des âmes infinies furent créées ; lesquelles, comme telles, demeurèrent, parce qu'elles sont incorruptibles. Et ainsi leur infinité n’est pas posée comme voulue en soi ; mais comme implication à l'éternité de la génération humaine. |
<15> XI. Ad evidentiam huius processus [cf. § VII.], nota primo, quod ly creatum potest sumi proprie, ut distinguitur contra causatum : et potest sumi communiter, ut non referat dicere causatum aut creatum. Et quod sumatur communiter, universalis probatio litterae insinuat, dum ad illius probationem assumpsit quod non in vanum agens operatur. Quod autem sumatur proprie, ipsa verbi formalis significatio ostendit. — Parum autem aut nihil refert utro modo sumatur. Si enim sumitur proprie, ponderanda sunt verba probationis cum dicit aliquid operatur, idest proprium terminum operationis attingit. Et per hoc excluduntur omnia consequentia ad proprium et intentum opus agentis : et de omni creato verificatur quod est proprius terminus creationis. Si vero sumitur communiter, causatum restringendum est ad proprie causatum, ut distinguitur contra con- sequentia causatum. |
<15> XI. Pour avoir l’évidence de ce développement [cf. § VII.], note d'abord que ce créé peut s’entendre proprement, comme distingué du <ce qui est> causé : et il peut s’entendre en général, pour ne référer ni à <ce qui est> causé ni à <ce qui est> créé. Et entendu en général, la preuve universelle du texte l'insinue, encore qu'il supposait pour cette preuve que l'agent n’opère pas en vain. Mais entendu proprement, la signification formelle de ce mot apparaît. — Mais l’acception importe peu voire pas du tout. En effet si nous l’entendons proprement, les éléments probants qui disent quelque chose opère, c’est-à-dire il atteint son propre terme d’opération, doivent êtres pesés. Et par là sont exclues toutes les conséquences de l’opération propre et intentionnelle de l'agent : et c’est vérifié de toute chose créée qui est limite propre de la création. Mais si nous l’entendons en général, le causé doit être limité au causé en propre, par opposition à la conséquence causée. |
<16> Verum, utroque modo, restringitur ad causata vel creata actu existentia, ita quod collapsa excluduntur. Et hoc insinuatur in littera, cum dicitur creantis. Quod enim creatum est et perseverat, continue quodammodo creatur, quia conservatur ; pendet enim et in fieri et in esse a creante. — Comprehenditur autem sub creantis intentione, non solum quod actualiter comprehenditur, sed quod comprehensibile est, dato quod actu non comprehenderetur. |
<16> Ces deux modes en vérité, se bornent à l’existence causée ou créée en acte, de sorte que les effondrements sont exclus. Et cela est sous-entendu dans le texte, lorsqu’il parle de l’entité créatrice. De fait ce qui est créé et persévère est d'une certaine manière continuellement créé, parce qu'il est conservé ; cela dépend en effet et du devenir et de l'être de l’entité créatrice. — Mais, sous l'intention du Créateur, nous entendons non seulement ce qui est réellement compris, mais ce qui est compréhensible, n'est pas donné à comprendre en acte. |
<17> XII. Ex hoc autem quod assumpta propositio non est nisi de actu existentibus, quae proprii termini actionis sunt, solutio omnium obiectorum [cf. § VIII.] habetur. Omnia siquidem actu existentia potest Creator et ut medium ad acquisitionem alicuius finis ordinare, et ut finem per aliquid aliud assequendum intendere. Ex quo enim actu existere ponitur, iam terminata eius productio ponitur : et consequenter ut medium ad aliquid acquirendum dirigi potest ; et similiter potuit esse finis intentus et acquisitus per aliquod medium ; nec ratio finis, nec ratio medii ad finem, repugnat ei quod actu existat. Et propterea, cum intentio non sit proprie nisi finis et medii per quod acquirendus est finis, omne actu existens comprehensibile est sub certa intentione creantis, tam ut finis quam ut medium. Ut finis quidem : tum quia nulla est creatura adeo infima, quae non sit aut esse possit finis alicuius alterius ; tum quia saltem est certus finis suae productionis ; tum quia hoc intelligitur quantum est ex se nulli enim creato actu existenti repugnat, quantum est ex se, ratio finis, quamvis forte aliquid nullius sit finis. Ut medium autem : quia post ipsum restant multae aut multorum productiones et nobilitates, ad quarum aliquam potest ordinari ut medium, quod iam est ens in actu. |
<17> XII. Mais de ce que la proposition supposée n'est pas valable si ce n’est des existences en acte, qui sont les termes propres de l'action, nous avons la solution à toutes les objections [cf. § VIII.]. En effet, tout ce qui existe en acte peut être ordonné par le Créateur et comme moyen en vue de l’acquisition d’une certaine fin, et comme fin intentionnelle pour l’obtention d’une quelconque autre <fin>. De fait, de ce que l’existence en acte est posée, le terme de sa production est déjà posé : et conséquemment peut être dirigé comme moyen en vue d’une certaine accession ; et peut pareillement être fin intentionnelle et</ou> acquisition par un certain moyen ; ni la notion de la fin, ni la notion de moyen pour parvenir à la fin, ne répugnent à ce qui existe en acte. Et pour cela, puisque l'intention n’est proprement rien si ce n'est la fin et le moyen par lequel la fin doit être obtenue, tout existant en acte est compréhensible sous une certaine intention créatrice, à la fois comme fin et comme moyen. Comme une fin en effet : à la fois parce qu'il n'y a nulle créature aussi infime qu'elle ne soit ou puisse être la fin de quelque chose d'autre ; et aussi parce qu'il y a au moins une certaine fin à sa production ; et encore parce qu'en effet de soi nulle créature ne répugne à l'existence en acte en ce qu'elle a d'elle-même, la notion de fin, bien qu'une chose puisse n'avoir aucune fin. Et comme moyen : parce que outre son existence, restent de nombreuses noblesses et productions, auxquelles il peut être ordonné comme un moyen, en ce qu'il est déjà un être en acte. |
<18> Nec obstat prima contra hoc membrum obiectio. Quoniam, ut iam patet ex dictis [cf. § XI.], formaliter loquendo de creato, non potest esse consequens proprium creationis terminum ; sed oportet creatum creationem terminare. Tale autem oportet esse intentum ut finis, aut medium ad finem. — Nec est verum quod non sit probata. Quoniam ex illa assumpta propositione, agens non operatur aliquid in vanum, optime ex fine operationis exterioris, concluditur terminus interioris intentionis. Ex eo enim quod nullius agentis operatio est in vanum, sed ad certum terminum proprium, oportet quod intentio operantis sit etiam respectu certi termini : quoniam intentio agentis statuit finem operationi. — Et sic patet responsio ad primo obiecta. |
<18> Il n’y a pas d’obstacle à ce premier membre opposé à l’objection. Parce que, comme il est manifeste de ce qui a déjà été dit [cf. § XI.], parlant formellement du créé, il ne peut y avoir de conséquences propres au terme de la création ; mais le créé doit terminer la création. Mais une telle intention doit être comme une fin ou un moyen pour parvenir à la fin. — Il n'est pas vrai non plus que cela n'ait pas été prouvé. Puisque partant de cette proposition assumée, l'agent n’opère pas d’une façon quelconque en vain, il est préférable que de la fin de l'opération extérieure, soit conclu le terme de l'intention intérieure. En effet de ce que l’opération d’aucun agent n’est faite en vain, mais en vue d’un certain terme qui lui est propre, il faut que l’intention de l’opérant soit encore relative à cette certaine fin : puisque l’intention de l’agent fixe la fin de l’opération. — Et ainsi la réponse à la première objection manifeste. |
<19> XIII. Ad secundam vero dubitationem [cf. § IX.], dicitur quod, quia tota multitudo existentium in actu potest accipi ut unum creatum, quoniam non excedit universum, quod unius primo intenti creati rationem habet ; consequens est quod non solum singula creata, sed omnia simul, modo actu coexistant, sunt comprehensibilia sub aliqua una certa intentione creantis. Et propterea nullum sophisma in proposito committitur, ubi ex propositione adversarii quod actu existat infinita multitudo, infertur, ergo est comprehensibilis sub certa intentione creantis, ergo non est infinita : quia tam ratione medii ad consequendum finem, quam ratione finis, repugnat infinitas multitudinis. |
<19> XIII. Au deuxième doute [cf. § 9.], nous disons que, la complète multitude des choses existantes en acte peut être considéré comme une seule chose créée, en ce qu’elle ne dépasse pas l'univers, lequel a, d’apparence, le caractère d'une seule chose créée ; la conséquence est que non seulement chaque chose créée, mais toutes les choses ensemble, en tant qu'elles coexistent en acte, sont compréhensibles sous une certaine intention déterminée de l’entité créatrice. Et c'est pourquoi nul sophisme n’est commis dans la proposition, où l'on déduit partant de la proposition adverse <disant> qu'il existe en acte une multitude infinie, donc cela est intelligible sous une certaine intention créatrice, donc elle n'est pas infinie : parce que la multitude infinie répugne ou à la notion de moyen en vue d’une fin, ou à la notion de fin. |
<20> XIV. Ad tertium autem dubium [cf. § X.], dicitur quod creatum per accidens potest dupliciter intelligi. Uno modo, ut per accidens distinguitur contra per se. Et hoc modo, negatur dari creatum per accidens : quoniam omne creatum est per seipsum intentum a Creatore, sicut etiam est per seipsum terminus creationis ; alioquin non fieret ex nihilo. Alio modo, ut per accidens distinguitur contra per se primo, et significat idem quod per aliud. Et hoc modo datur creatum per accidens, idest per aliud, saltem occasionaliter. Et hoc modo animae intellectivae, tam apud adversarium quam nos, creantur per accidens : quamvis apud nos magis per accidens quam apud ipsum. Sed hoc non aufert quin sint per seipsas intentae singulae, sicut et per seipsas creatae. Quoniam, quamvis inter se habeant ordinem per accidens, relatae tamen ad creantem, sunt et per se intentae et productae : imo magis per se quam quodcumque corruptibile quoniam res incorruptibiles perfectiores et digniores sunt universi partes, ac per hoc magis intentae. Cuius signum est, quod in sphaera activorum, solae species sunt per se intentae, quia solae sunt perpetuae. Et quoniam non solum singulae, sed infinitae simul ponuntur in actu, consequens est, ut dictum fuit, ut omnes sint per se intentae et productae, utpote sub aliqua una certa intentione comprehensibiles ; imo et simul producibiles, quantum est ex se, in actu. |
<20> XIV. Quant au troisième doute [cf. § X.], nous disons que ce qui a été créé par accident peut s'entendre doublement. D'une part, par accident comme s’opposant à par soi. Et de cette façon, il est nié qu'une chose créée soit donnée par accident : puisque tout ce qui est créé est en soi voulu par le Créateur, de même encore qu'il est en soi limite de la création ; sinon, il n'aurait pas été fait à partir de rien. D'autre part, par accident comme s’opposant au premièrement par soi (per se primo), ce qui signifie la même chose que par un autre. Et de cette façon le créé est posé par accident, c'est-à-dire par autre chose, au moins occasionnellement. Et dans cette acception les âmes intellectuelles, tant pour l'objectant que pour nous, sont créées par accident : bien que pour nous plus par accident que pour lui. Mais cela n’enlève rien à ce qu'elles tendent d'elles-mêmes à la singularité, comme et par là même créées. Puisque, bien qu'entre elles il y ait un ordre par accident, cependant <lorsque> reliées au créateur, elles sont voulues et produites pour elles-mêmes : par elles-mêmes à plus forte raison que tout ce qui est corruptible, puisque les choses incorruptibles sont les parties de l'univers les plus parfaites et les plus dignes, et conséquemment les plus voulues. Le signe en est que, dans la sphère des actifs, seules les espèces sont dirigées pour elles-mêmes, car elles sont les seules à être perpétuelles. Et parce qu'elles ne sont pas seulement individuelles, mais infinies, elles sont simultanément mises en acte, il s'ensuit, comme nous l'avons dit, qu'elles sont toutes destinées et produites pour elles-mêmes, comme étant compréhensibles sous une intention déterminée ; bien plus et à la fois productible en acte, dans la mesure où elles le sont pour elles-mêmes. |
<21> XV. Adverte hic, quod ex hoc loco habetur quod s. Thomas ademit sibi omnem viam concordiae cum doctrina Aristotelis, iuxta expositionem suam. Tenet namque Aristotelem putasse animas intellectivas immortales, et numeratas secundum numerum corporum : et constat Aristotelem tenuisse generationem aeternam. Ex his autem manifeste sequitur animas humanas esse actu infinitas : quod hic decernitur impossibile, et in II Cont. Gent., cap. LXXXI, dicitur non repugnare doctrinae Aristotelis in III Physic. [c. V, n. 6 sqq.] et I Caeli [c. VI, n. 2 ; c. VII], quia utrobique de infinito materiali sermo fuit. |
<21> XV. Considère ici, que nous avons de ce passage ce que saint Thomas a supprimé pour toutes les voies de concordance avec la doctrine d'Aristote, selon son exposition. Le fait est qu'Aristote pensait que les âmes intellectuelles étaient immortelles, et comptées selon le nombre des corps : et il est clair qu'Aristote tenait pour la génération éternelle. Mais de là il suit clairement que les âmes humaines sont infinies en acte : ce qui est ici jugé impossible, et dans le deuxième livre de la Somme contre les Gentils, chapitre 81, il est dit qu'il ne contredit pas la doctrine d'Aristote dans le troisième de la Physique. [c. V, n. 6 sqq.] et dans le premier livre Du ciel [c. VI, n. 2 ; c. VII], car de part et d'autre il était question de l'infinité de matière. |
<22> XVI. Circa hanc conclusionem [cf. § IV.], multa afferuntur a Capreolo [I Sent., d. XLIII et XLIV, q. 1, a. 2, concl. 3] argumenta ex Gregorio et Adam : sed omnia ad tria reducuntur. Primo ergo arguit sic. Dantur infinitae partes proportionales actu in continuo : ergo possunt dari separatae, Ergo. — Probatur sequela : quia omne absolutum existens potest divina potentia conservari sine eo quod non est de essentia illius ; sed continuatio unius cum alia non est de essentia partium ; ergo. |
<22> XVI. Relativement à cette conclusion [cf. § IV.], beaucoup de choses sont invoquées par <Jean> Capréolus [I Sent., dist. 43 et 44, quest. 1, art. 2, concl. 3] qui argumente partant de Grégoire et Adam : mais tout ceci est réductible à trois <choses>. Il argue donc ainsi premièrement. Les parties proportionnelles infinies en acte sont données dans le continu : elles peuvent donc être données séparément, Donc <etc.>. — L’enchaînement est prouvé : car tout absolu existant peut être conservé par la puissance divine indépendamment de ce qui n'est pas de son essence ; mais la continuité de l’une avec l’autre n’est pas de l’essence des parties ; donc <etc.>. |
<23> Secundo, Deus in quolibet initio cuiusque partis proportionalis unius horae, potest creare angelum : ergo in una hora creare infinitos in actu. — Et confirmatur : quia quidquid potest Deus successive, potest simul, in rebus permanentibus. |
<23> Deuxièmement, Dieu peut créer un ange à chaque début de chaque partie proportionnelle d'une heure : donc en une heure créer une infinité en acte. — Et c’est confirmé : car tout ce que Dieu peut faire successivement, il le peut simultanément, dans les choses permanentes. |
<24> Tertio, non minoris potentiae est Deus quam infinitae animae, si essent, et quam ignis inferni. Sed illae possent infinita simul ; et ignis infinitos cruciatus, si essent ibi infinitae animae. Ergo. |
<24> Troisièmement, Dieu n’a pas moins de puissance que les âmes infinies, si elles étaient, et que le feu de l’enfer. Mais ces choses pourraient être infinies en même temps ; et le feu tourmenterait à l'infini, s'il y avait là une infinité d'âmes. Donc <etc.>. |
<25> XVII. Ad prima duo argumenta respondetur breviter, quod ibi est sophisma a sensu diviso ad compositum. Quamvis enim de ratione singularum partium non sit continuitas cum alia, est tamen de ratione omnium simul : quia de ratione earum simul, est esse in potentia, cui repugnat singularum ab invicem separatio. — Et similiter implicat numerare initia omnia partium proportionalium horae : quia ponitur ea successiva numeratione completa in fine horae, et tamen infinita. Si enim infinita, nunquam numerabuntur : et si complebuntur, non erunt infinita. Potest ergo Deus in singulis initiis, non autem in omnibus. — Et per hoc ad confirmationem : quia nec simul nec successive potest producere infinita actu existentia. |
<25> XVII. Aux deux premiers arguments, nous répondons brièvement qu'il y a là sophisme du sens divisé au sens composé. En effet, bien que de la notion de partie singulière il n'y ait pas de continuité avec les autres parties, toutefois il en est une à partir de la notion de toutes ensemble : parce que de cette notion d'ensemble elles sont en puissance, laquelle s'oppose à son tour à la séparation des particuliers. — Et de même cela implique de quantifier les débuts de toutes les parties proportionnelles d'une heure : parce que ce décompte successif trouve sa complétude à la fin de l'heure, et <lequel est> toutefois infini. En effet s’ils sont infinis, ils ne seront jamais quantifiés ; et s’ils sont complets, ils ne seront pas infinis. Dieu le peut donc à chaque commencement, mais pas à tous. — Et par là la confirmation : qu'il n'est possible ni simultanément, ni successivement de produire une infinité en acte. |
<26> Ad tertium autem, concesso toto, nihil habetur contra intentum. Quoniam non ex defectu divinae potentiae, sed ex impossibilitate rei factibilis, consurgit quod infinita in actu esse nequeunt. Cum quo tamen stat quod illae conditionales sunt verae : sicut, si homo est leo, est rugibilis non tamen sequitur, ergo Deus potest facere hominem rugibilem. |
<26> Mais au troisième <argument>, nous concédons l'ensemble, rien ne s'oppose à notre intention. Puisque cela ne se tire pas d'une carence de la puissance divine, mais de l'impossibilité pour une chose de se faire, il en résulte que les êtres infinis en acte ne peuvent exister. Cependant, il est vrai que ces conditions sont vraies : par exemple, si un homme est un lion, il est rugissant, il ne s'ensuit toutefois pas que Dieu puisse rendre l’homme rugissant. |
<27> XVIII. Secunda conclusio [cf. § IV.] responsiva est : Infinitum secundum multitudinem invenitur in potentia. — Probatur. Infinitum invenitur in potentia secundum divisionem continui : ergo secundum multitudinem. — Probatur sequela quia augmentum multitudinis sequitur divisionem magnitudinis. Antecedens patet : et probatur, quia proceditur ad materiam. |
<27> XVIII. La réponse à la seconde conclusion [cf. § IV.] est <la suivante> : L'infini selon la multitude se trouve en puissance. — C'est prouvé. L'infini se trouve en puissance selon la division du continu : donc selon la multitude. — L’enchaînement est prouvé parce que l'augmentation de la multitude suit la division de l'étendue. L'antécédent est manifeste : et est prouvé, car il procède vers la matière. |
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Question 8 : L'EXISTENCE DE DIEU DANS LES CHOSES |
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Article 1 : DIEU EST-IL EN TOUTES CHOSES ? |
<1> I. In titulo, ly Deus sumitur formaliter, ut est nomen naturae divinae ut distinguitur contra potentiam : ita quod non quaeritur de Deo secundum potentiam quamcumque, sed secundum substantiam ; ut patet ex introductione huius quaestionis, et ex titulo totius tractatus [supra qu. II], usque ad XIV quaestionem. Quod ut melius intelligatur, distingue ly Deus dupliciter : uno modo, secundum seipsum ; alio modo, secundum eius diffusam virtutem. Non est hic quaestio, an virtus divina diffusa sit in omnia : sed an ipse Deus, secundum seipsum, sit in omnibus. — Ly sit in non sumitur determinate pro aliquo speciali modo essendi in : sed indistincte, et in communi. Et hoc bene nota : quia Scotus, in Secundo, dist. II, qu. I partis secundae illius distinctionis [qu. V], non intellexit hunc titulum. Sed differenda est eius ratio usque ad examen conclusionis [cf. § VII. sqq.], ut melius percipiatur. |
<1> I. Dans le titre <de l'article>, Dieu s'entend formellement, comme nom de la nature divine distinguée de la puissance ; de sorte que nous ne nous enquerrons pas de Dieu selon la puissance, mais selon la substance ; comme c'est manifeste partant de l'introduction de cette question, et du titre de tout le traité [supra qu. II], jusqu’à la quatorzième question. Pour une meilleure intelligence, nous distinguons Dieu doublement : d’une part, de lui-même ; d’autre part, selon la diffusion de sa vertu. Dans cette question, il ne s’agit pas de demander si la vertu divine se répand en toutes choses : mais si Dieu lui-même, de lui-même, est en toutes choses. — L’expression être en <toute choses> ne s'entend pas d'une certaine détermination spéciale du mode d'être en une chose : mais indistinctement et en général. Et note bien ceci : que <Duns> Scot, dans la seconde partie <de son commentaire des Sentences>, distinction deuxième, première question de la seconde partie de cette distinction [qu. V], n'entendait pas ce titre. Mais son raisonnement doit être distingué jusqu’à l’examen de la conclusion [cf. § VII. sqq.], en vue d’une meilleure perception. |
<2> II. In corpore articuli est una conclusio, responsiva quaesito affirmative, habens duas partes : Deus est in omnibus rebus intime. |
<2> II. Dans le corps de l'article, une conclusion en deux parties répond à la question par l'affirmative : Dieu est intimement en toute chose. |
<3> Probatur primo prima pars. Deus est ipsum esse per essentiam : ergo habet esse creatum pro proprio effectu, non solum in fieri, sed in conservari : ergo est in omnibus sicut agens, et non sicut accidens aut pars. Ergo est in omnibus rebus. — Prima consequentia declaratur a simili sicut ignire est proprius effectus ignis. Et ly quoad conservari declaratur : sicut lumen causatur a sole quandiu est aer illuminatus. Secunda vero sequela probatur : quia omne agens oportet coniungi ei in quod immediate agit. Quod probatur auctoritate VII Physic, text. 8 [c. I, n. 8] : movens et motum oportet esse simul. |
<3> La première partie <de la conclusion> est premièrement démontrée. Dieu lui-même est l'être par essence : c’est pourquoi il a créé l’être comme son effet propre, non seulement dans le devenir, mais dans la conservation : il est donc en toutes choses comme agent, et non comme un accident ou une partie. Il est donc en toute chose. — La première conséquence est démontrée par analogie, car le feu est l’effet propre du feu. Et il est dit quant à la conservation : il en va de même de la lumière causée par le soleil dans la mesure où l’air est illuminé. Le second enchaînement est prouvé : parce que tout agent doit s'y conjugué en ce qu'il agit immédiatement. C’est ce que prouve l’autorité du septième livre de Physique, texte huitième [c. I, n. 8] : le moteur et le mobile doivent être ensemble. |
<4> Secunda autem pars conclusionis, scilicet ly intime, probatur sic. Esse est formale respectu omnium quae in re sunt : ergo inest profundius omnibus : ergo est intimum cuilibet. Ergo Deus, proprius actor essendi, est in omnibus intime. |
<4> Mais la seconde partie de la conclusion, à savoir ce "intimement", est prouvée comme suit. L’être est en rapport formel avec toutes les réalités : il est donc au plus profond de tout : il est donc intime à chacun. Donc Dieu, l’acteur propre de l’être, est intimement présent en toutes choses. |
<5> III. Circa hunc processum, primo declaranda est forma, deinde termini [cf. § sqq.] ; et post examinabuntur singula [cf. § VII sqq.]. Nota ergo quod in textu prima consequentia non infert utrumque, scilicet quod esse dependeat et in fieri et in conservari : sed tantum quod sit proprius effectus. Visum est autem iungere utrumque in uno consequente, quia in littera omnino secundum horum non probatur, sed declaratur tantum exemplo luminis. Et quia vere consequentia valet, ut inferius [q. CIV, art. 1], cum de dependentia et conservatione rerum erit sermo, patebit ; propterea etiam hic superficietenus manifestantur, quia inferius in loco proprio probabuntur. |
<5> III. Relativement à ce développement, la forme est d'abord déclarée, puis les termes [cf. § sqq.] ; et ensuite le singulier est examiné [cf. § VII sqq.]. Note donc premièrement que dans le texte, la conséquence ne s'infère ni de l’un ni de l’autre, c’est-à-dire que l’être dépend à la fois du devenir et de la conservation : mais seulement dans la mesure de l'effet propre. Mais il semble préférable de joindre ces deux <approches> en une seule conséquence, car dans le texte l'ensemble n'est pas prouvé en fonction d'elles, mais est seulement démontré par l’exemple de la lumière. Et puisque la conséquence est bien valable, comme on le verra plus loin [q. CIV, art. 1], lorsque nous parlerons de la dépendance et de la conservation des choses, ce sera évident ; c'est encore pourquoi, ils ne sont ici manifestés que superficiellement, parce qu’ils seront prouvés ci-dessous en lieu et place. |
<6> IV. Nota secundo, quod in consequente secundae consequentiae, subintelligitur ly immediatum. Ut enim patet ex probatione, sermo est de agente proximo seu immdiate agente, ut sic. Nec est sermo de quacumque immediatione, sed suppositi. Agens enim potest dupliciter dici immediatum, ut docetur in III Cont. Gent., cap. LXX : scilicet immediatione virtutis, et immediatione suppositi. Est autem immediatio virtutis, quando virtus agentis iungitur effectui non mendicando talem coniunctionem ab aliqua alia virtute. Et propterea, quanto agens est superius, tanto immediatius agit immediatione virtutis : quoniam inferius agit virtute superioris, et non e converso. Immediatio autem suppositi est, quando inter suppositum agens et effectum, nullum mediat suppositum subordinatum coagens. Et propterea, quanto agens est inferius, tanto est immediatius immediatione suppositi. Et quoniam hic est sermo de ipso Deo secundum seipsum, an sit in rebus, ideo immediatio suppositalis est ad propositum : ita quod consequens illud intendit quod Deus est in omnibus ut agens immediatum suppositaliter, idest proximum et propinquissimum suppositaliter ; ita quod inter Deum et quamlibet rem, nullum mediat suppositum agens illam. — Patet autem hunc esse sensum litterae, tum ex probatione ibidem inducta, quam constat non nisi de sic proximo agente et movente verificari : tum quia ex sola immediatione virtutis non infertur, ergo Deus secundum seipsum est in omnibus, sed secundum eius diffusam et participatam virtutem ; ut Avicenna, ponens [Metaph., tract. IX, c. IV] primam intelligentiam tantum Deum per seipsum produxisse, concederet. Quomodo autem hoc verum sit, facile manifestabitur. |
<6> IV. Note deuxièmement que, dans l'implication de la seconde conséquence, ce immédiatement est sous-entendu. De fait, comme c'est manifeste partant de la preuve, il est question de l'agent prochain ou de l'agent immédiat. Il n'est pas non plus question d'une immédiateté quelconque, mais bien de celle du sujet. En effet l'agent peut être dit immédiat doublement, comme il est enseigné dans le troisième livre de la Somme contre les Gentils (chapitre 70) : c’est-à-dire d'une immédiateté de vertu, et d'une immédiateté du sujet. Mais l’immédiateté de vertu se produit lorsque la vertu de l’agent est jointe à l’effet sans recourir à une quelconque autre vertu. C’est pourquoi plus l’agent est supérieur, plus il agit immédiatement par la vertu : parce que l’inférieur agit par la vertu du supérieur, et non l’inverse. Mais l’immédiateté du sujet, se produit lorsque entre le sujet agent et l’effet, il n'y a nulle médiation par un sujet intermédiaire qui concourt. Et c'est pourquoi, plus l’agent est inférieur, plus il y a immédiateté du sujet. Et puisqu’il s’agit de parler de Dieu lui-même par rapport à lui-même, <nous demandons> s’il est dans les choses, suivant la même immédiateté dont il était question : de sorte que l’enchaînement demande si Dieu est en toutes choses comme agissant immédiatement selon le sujet, c’est-à-dire sujet prochain et très voisin ; de sorte qu’entre Dieu et toute chose, il n’y a pas de sujet médian agissant sur elle. — Mais que c’est manifestement là le sens du texte, c'est vérifié à la fois par lesdites preuves inductives, et par la proximité de l'agent ; et aussi parce qu'il n'est pas inféré de la simple immédiateté de vertu, donc Dieu est en toutes choses selon ce qu'il est, mais selon sa vertu participative et de diffusion ; comme Avicenne, en posant [Métaphysique, tr. IX, c. IV] que Dieu, première intelligence, n’a produit que par lui-même, en conviendrait. Mais comme cela est vrai, cela se manifestera facilement. |
<7> V. Nota tertio, quod consequens primae consequentiae, scilicet ergo habet esse pro proprio effectu, potest dupliciter intelligi, quantum ad praesens spectat. Uno modo, ut ly proprium distinguitur contra commune : et sic est sensus, esse est effectus a solo Deo proveniens, excludendo omnem mediam causam effectivam. Et hunc sensum accipit Scotus, in Quarto, dist. I, qu. I : et male. Sed de hoc in qu. XLV [art. 5] inferius disputabitur. — Alio modo, ut ly proprium distinguitur contra alienum. Alienum autem, in proposito, dicitur omne quod per aliud inest, etiam si per se insit : et sic proprium idem significat quod per se primo. Et hic est intentus et verus sensus. Esse enim est per se primo effectus primae causae, et ratio cuiusque rei quod sit a prima causa, ut in praedicto loco patebit. Et hoc directe intendit consequentia litterae, volens quod ab esse per essentiam derivetur omne esse ut sic, ut proprius effectus, idest per se primo effectus. — Et quamvis, ut ibi patebit, possit multis modis verificari, ad propositum tamen unus sufficiat, per quem magis liquet praesens littera. Dicitur ergo esse proprius seu per se primo effectus Dei, quia solus Deus potest omnia facere quae exiguntur ad hoc ut aliquid sit, quidquid sit illud. Omnis enim res aut est materialis, aut immaterialis. Si materialis, ad esse eius exigitur materia, quae a solo Deo creatur et conservatur : si immaterialis, a Deo solo est, ut inferius [loc. cit, ad 1um] probabitur, cum de potentia creativa tractabitur. Et hinc patet quod in omni re est aliquid productum et conservatum a solo Deo proxime et immediate : in rebus quidem materialibus, substantia materiae primae ; in separatis autem, ipsa substantia. Et propterea Deus dicitur agens omnium immediate immediatione suppositi. Non enim dicitur in littera quod Deus est agens immediatum omnium quoad omnia, sed quoad aliquid, scilicet ad esse : quia omnia agit immediate, quoad aliquid requisitum ad esse illius. Et propterea assumpsit pro medio termino causalitatem quam habet Deus respectu ipsius esse, quod omnibus oportet esse commune : quod enim non participat esse, non est. |
<7> V. Note troisièmement, que l’enchaînement de la première conséquence, c’est-à-dire il a donc l'être pour son effet propre, peut s'entendre doublement, <du moins> pour ce qui nous concerne maintenant. D’une part, en propre comme distingué du en général, et ainsi le sens est le suivant l’être est un effet ne provenant que de Dieu seul, à l’exclusion de toute médiation causale efficiente. Et c’est ce sens qu’accepte <Duns> Scot, dans la quatrième partie <de son commentaire des Sentences>, première distinction, question une : et à tort. Mais cela sera discuté plus loin à la question 45 [art. 5]. — D’autre part, en propre comme distingué de <l'> étranger. Mais un étranger, dans ce contexte, se réfère à tout ce qui existe par un autre, même s’il existe par lui-même : et ainsi en propre signifie la même chose que premièrement par soi. Et c’est là le sens voulu et véritable. De fait l’être est d’abord l’effet de la cause première, et la raison pour laquelle chaque chose existe à partir de la cause première, comme ce sera clair dans le passage évoqué. Et cette conséquence du texte est directement visée, voulant que tout être, en tant que tel, dérive de l’être par essence, comme un effet propre, c’est-à-dire un effet premier et par soit. — Et bien que, comme nous le verrons le moment venu, cela puisse se vérifier de bien des manières, une seule suffira pour le présent propos, laquelle est présentement la plus évidente dans le texte. Il est donc dit, être propre ou effet premier par soi de Dieu, parce que Dieu seul peut faire tout ce qui est nécessaire pour qu’une chose existe, quelle qu’elle soit. En effet toute chose est ou matérielle ou immatérielle. Si elle est matérielle, son existence exige la matière, laquelle est créée et conservée par Dieu seul ; si elle est immatérielle, elle n’existe que de Dieu, comme nous le prouverons plus loin [loc. cit, ad 1um] en traitant de la puissance créatrice. Et c’est pourquoi il est manifeste qu’en toute chose il y a d'une façon ou d'une autre production et conservation immédiate et directe de Dieu seul : le fait est que dans les choses matérielles, il y a substance de matière première ; mais dans les choses séparées, <il y a> la substance elle-même. Et c’est pourquoi Dieu est dit l’agent immédiat de toute chose d'une immédiateté de sujet. Il n’est en effet pas dit dans le texte que Dieu agit immédiatement en toutes choses par rapport au tout, mais par rapport à chaque chose, c'est-à-dire <par rapport> à l’être : parce qu’il agit immédiatement pour toutes choses, en ce qui est nécessaire à leur être. Et c’est pourquoi il a pris comme moyen terme la causalité que Dieu exerce vis-à-vis de l'être, qui doit être commune à tous : en effet ce qui ne participe pas à l'être, n’existe pas. |
<8> VI. Nota quarto, quod in probatione secundae partis conclusionis, esse dicitur profundius ac intimius omnibus, quia est formale respectu omnium. Et merito : nihil enim in re aliqua est, quod non actuetur per esse, sive pars essentialis, sive integralis, sive praedicatum substantiale vel accidentale ; omnem enim gradum, omnem rationem esse attingit. Multa tamen in re sunt, quae non sunt substantia, aut corpus, etc. Profundius ergo omnibus, et quod ultimo in resolutione restat, et quod primo compositionem terminat, est esse, etc. |
<8> VI. Note quatrièmement, que dans l’enchaînement de la deuxième partie de la conclusion, l'être est dit plus profond et plus intime que tout, lequel entre formellement en relation avec toute chose. Et à juste titre : en effet rien n'est en une chose quelconque, s'il n'est pas actualisé par l’être, ou comme partie essentielle, ou comme partie intégrante, ou comme un prédicat substantiel ou accidentel ; de fait, l'être atteint en toute chose chaque degrés, chaque raison. Cependant, il y a beaucoup de choses dans la réalité qui ne sont ni substance, ni corps, etc. Donc, ce qui est au plus profond de toute chose, et qui reste la résolution ultime, et ce qui termine la composition, c’est l’être, etc. |
<9> VII. Circa sensum conclusionis et tituli [cf. § I., II.], dubium occurrit ex Scoto, in Secundo, dist. II, qu. V. Ibi enim, « Quaero », inquit, « quid intendis quaerere et concludere ? Aut praesentiam Dei in omnibus ratione operationis, aut ratione immensitatis. Si primum, ergo committitur petitio principii : quia conclusio est, Deus est in omnibus, idest coniunctus omnibus ut agens, et medius terminus est hoc idem, ut patet in littera. Et praeterea, haec conclusio non est ad propositum : quia quaestio tua est de praesentia quae spectat ad immensitate Dei, ut in introductione quaestionis ponis. — Si secundum, ergo praesentia immensitatis concluditur apud te a posteriori, ex praesentia agentis ut sic. Et tunc sequitur ulterius, ergo substantia spiritualis est in loco prius natura quam aliquid operetur, quod tu negas in materia de loco angelorum. » |
<9> VII. Relativement au sens de la conclusion et du titre [cf. § I., II.], un doute surgit de <Duns> Scot, dans la seconde partie <de son commentaires des Sentences>, deuxième distinction, question cinq. Là en effet, « Je demande », dit-il, « que cherchons-nous à interroger et à conclure ? Ou bien la présence de Dieu dans toutes choses en raison de l'opération, ou bien en raison de l'immensité. Si c'est la première <alternative>, alors une pétition de principe est commise : car la conclusion est <la suivante>, Dieu est dans toutes choses, c'est-à-dire connecté à tout comme agent, et le moyen terme est le même, comme c'est évident dans le texte. Qui plus est, cette conclusion est sans rapport avec le propos : car ta question porte sur la présence qui touche à l'immensité de Dieu, comme tu le poses dans l'introduction de ta question. — Si c'est la seconde <alternative>, alors la présence d'immensité se conclut chez toi a posteriori, à partir de la présence de l'agent en tant que tel. Et alors il s'ensuit encore, que la substance spirituelle est dans un lieu avant que n'opère une certaine nature, ce que tu nies dans le passage traitant des anges ». |
<10> VIII. Ad hoc dicitur, quod coniunctio Dei cum rebus potest sumi dupliciter : uno modo, pro ipso contactu, quo Deus ipse rem per seipsum tangit ; alio modo, pro relatione praesentiae, qua, denominatione relativa, dicitur praesens secundum se alicui. Si sumitur primo modo, sic Deum esse in rebus, nihil aliud est quam immediate producere et conservare res. Si vero sumitur secundo modo, sic est relatio rationis in Deo consequens contactum praedictum. |
<10> VIII. Il est dit à cela, que l’union de Dieu avec les choses peut s'entendre doublement : d’une part, pour son contact, par lequel la chose elle-même est atteinte par Dieu lui-même ; d’autre part, pour une relation de présence, laquelle, par une dénomination relative, est dite présence de lui-même à l'autre. Si nous l’entendons de la première manière, alors Dieu est dans les choses en ne faisant rien d'autre que produire et préserver immédiatement ces choses. Mais si nous l’entendons de la seconde manière, il s’agit d’une relation de raison en Dieu suite audit contact. |
<11> IX. Ad obiectionem ergo Scoti [cf. § VII.], dicitur quod, formaliter loquendo, hic est quaestio de praesentia spectante ad immensitatem : sed non de illa quam ipse fingit priorem omni contactu. Sed praesentia immensitatem consequens, cum non possit intelligi absque extremorum existentia, nisi sumatur in potentia, aut est ipse contactus creaturarum, quo creaturae fiunt et sunt sic quod impossibile est aliquid fieri aut esse quod non taliter tangatur a Deo ; sicut praesentia corporis infiniti ad omnia loca, esset contactus omnium locorum, sic quod impossibile esset poni locum qui non tangeretur ab eo (sed in hoc fallitur imaginatio : quia contactus localis supponit utrumque extremum ; contactus autem divinus non supponit, sed facit creaturas ; alioquin non esset is quo res fiunt et sunt) : aut est relatio praesentiae, qua Deus relative dicitur actualiter praesens creaturae ; et haec manifeste sequitur existentiam creaturae. In proposito igitur, dicendum est quod quaeritur de praesentia immensitatis indistincte [cf. § I.]. |
<11> IX. Aussi, pour répondre à l’objection de <Duns> Scot [cf. § VII], nous disons que, formellement parlant, le question est ici celle de la présence qui regarde l'immensité : mais non de celle qu’il imagine primer avant tout contact. Mais la présence d’immensité suit, puisqu’elle ne peut s'entendre sans l’existence des extrêmes, à moins de l'entendre en puissance, ou qu’elle ne soit le contact même des créatures, par lequel les créatures viennent à l’être et sont de telle sorte qu’il est impossible que quelque chose devienne, ou soit, qui ne soit pas ainsi touché par Dieu ; de même que la présence d’un corps infini en tout lieu serait le contact de tous les lieux, de sorte qu’il serait impossible de poser un lieu qui ne soit pas touché par lui (mais en cela l’imagination échoue : parce que le contact local suppose les deux extrêmes : mais le contact divin ne le suppose pas, mais fait les créatures : autrement il ne serait pas celui par qui les choses viennent à être et sont) : ou c’est la relation de présence, par laquelle il est dit que Dieu est actuellement présent à la créature ; et cela découle évidemment de l’existence de la créature. Aussi, pour ce qui est de notre propos, nous disons qu'il est question de la présence d’immensité indistinctement [cf. § I.]. |
<12> Nec sequitur, ergo datur alia praesentia spiritualis substantiae prior operatione : quoniam praesentia immensitatis coincidit cum praesentia per operationem. — Nec sequitur, ergo est ibi petitio principii. Tum quia quaestio et conclusio est de praesentia indistincte : medium autem est praesentia per modum agentis immediati : et sic est processus ab inferiori ad superius affirmative. Tum quia, dato quod quaestio et conclusio esset de coniunctione contactus, medium est definitio ipsius coniunctionis : et sic non est petitio, quoniam concluditur quasi passio de subiecto, per definitionem passionis ; dum ostenditur Deum esse per seipsum coniunctum omnibus, per definitionem eius quod est esse coniunctum per seipsum ; quod nihil aliud est quam immediate, immediatione suppositi, agere ac conservare omnia. Tum quia, si quaestio et conclusio est de esse in rebus per relationem praesentiae, medium est quasi causa, seu fundamentum, maioris extremitatis. — Et sic patet quod, si quaestio ista intelligitur de esse in rebus specialiter, processus est a priori, scilicet a definitione passionis vel a fundamento relationis. Si autem indistincte, sic est ab inferiori ad superius affirmative. Et sic nunquam admittitur vitium. |
<12> Il ne s’ensuit pas <la chose suivante>, une autre présence de la substance spirituelle est donc donnée avant l'opération, puisque la présence d’immensité coïncide avec la présence par l’opération. — Il ne s’ensuit pas non plus <la chose suivante>, il y a donc là une pétition de principe. A la fois, parce que la question et la conclusion concernent la présence indistinctement, mais le médium est la présence par mode d’agent immédiat, et ainsi le développement procède de l’inférieur au supérieur affirmativement. Également parce que, étant donné que la question et la conclusion portaient sur la conjonction du contact, le médium est la définition de cette conjonction : et donc il n’y a pas de pétition <de principe>, puisqu’il est conclut comme de la passion du sujet, par la définition de la passion ; il est encore démontré que Dieu est par lui-même uni à toute chose, par sa définition qui est l'être uni de lui-même ; ce qui n’est pas autre chose qu’agir et conserver immédiatement toute chose, par immédiateté de sujet. Enfin, parce que, si la question et la conclusion portent sur l’être dans les choses par relation de présence, le médium s'apparente à une cause, ou un fondement, du plus grand extrême. — Et il est donc manifeste que, si cette question s'entend de l’être dans des choses particulières, le procédé est a priori, c’est-à-dire à partir de la définition de la passion ou du fondement de la relation. Mais si c’est indistinctement, alors c’est de l’inférieur au supérieur affirmativement. Et ainsi, un défaut n’est jamais admis. |
<13> X. Circa probationem secundae consequentiae [cf. § II.], occurrit dubium ex Scoto, in Primo, dist. XXXVII, qu. unica, ubi vult et quod ista assumpta propositio, agens oportet coniungi ei in quod immediate agit, est falsa : et quod illa Aristotelis, movens et motum oportet esse simul, est quasi per accidens : et quod processus iste, ex his inferens Deum secundum seipsum esse praesentem omnibus, non valet. |
<13> X. Relativement à la preuve de la seconde conséquence [cf. § II], un doute de <Duns> Scot se présente, dans la première <partie de son commentaire des Sentences>, distinction trente-septième, question unique, où il affirme que la proposition en question, l’agent doit se conjugué à ce sur quoi il agit immédiatement, est fausse : et que celle d’Aristote, le moteur et le mû doivent opérer simultanément, n’est qu’accidentelle ou presque : et que cet enchaînement, à partir duquel il est inféré que Dieu est présent à toute chose selon lui-même, n’est pas valable. |
<14> Primum igitur probat sic. Sol agit immediate ubi non est : ergo. Antecedens probatur : quia sol generat in visceribus terrae mineram vel aliquod mixtum ; et proximum principium elicitivum talis generationis est substantia solis ; ergo. Quod enim substantia solis sit principium generationis substantialis illius mixti, patet. Quod autem sit proximum principium, probatur : quia accidens quodcumque, sive lumen sive quodlibet aliud, non potest esse principium substantiae. — Praeterea, agens naturale non posse agere in distans nisi praeagat in praesens, oritur ex altero horum : scilicet, aut ex concursu duarum potentiarum subordinatarum in eodem agente ; aut ex imperfectione potentiae activae, non potentis producere perfectius, nisi procedendo de imperfectiori ad perfectius. Exemplum primi : sol non generat hoc, nisi illuminet medium. Exemplum secundi generans non generat, nisi alteret et disponat, etc. Ergo agens non posse agere in distans quin agat in praesens, est propter istas conditiones. Igitur non est necessarium simpliciter : quia potest dari agens, in quo neutra harum conditionum habet locum. |
<14> Ainsi donc, il prouve comme suit premièrement <la chose suivante>. Le soleil agit immédiatement là où il n’est pas : donc <etc.>. L’antécédent est prouvé : parce que le soleil génère dans les profondeurs de la terre des minéraux ou un quelconque mélange ; et le principe élicitif prochain d’une telle génération est la substance du soleil ; donc <etc.>. De fait, que la substance du soleil soit le principe de la génération substantielle de ce mélange, c'est patent. Mais que ce soit le principe prochain, c'est prouvé : parce qu’aucun accident, qu’il soit lumineux ou autre, ne peut être principe de la substance. — De plus, l’agent naturel ne peut agir à distance, sauf à agir dans le présent, ceci se tire de ces deux points : c’est-à-dire ou du concours de deux puissances subordonnées en un même agent ; ou de l’imperfection de la puissance active, ne pouvant produire le plus parfait, si ce n'est en procédant du plus imparfait au plus parfait. Premier exemple : le soleil ne génère cela que s’il éclaire le médium. Deuxième exemple, ce qui génère ne génère que s’il modifie, dispose, etc. Donc, un agent ne peut pas agir à distance sans agir dans le présent, du fait de ces exigences. Aussi, ce n’est absolument (simpliciter) pas nécessaire : parce qu’il peut exister un agent en lequel aucune de ces conditions n’a de place. |
<15> Et hinc sequitur secundum : quia propter istas conditiones verificatur de moventibus et motis. |
<15> Et il s’ensuit cette seconde chose : qu’en raison de ces conditions, ce qui touche au moteur et au mobile se vérifie. |
<16> Et tertium : quia Deus est agens omnipotens, in quo nulla harum conditionum reperitur ; et propterea, ex hoc quod immediate producit aliquid, non sequitur necessario, ergo secundum seipsum est praesens illi. — Et confirmatur, inquit, hoc tertium dupliciter. Primo, quia, si Deus esset in aliquo certo situ, posset immediate producere aliquid in quacumque distantia, quia esset omnipotens : ergo ex immediata productione non necessario infertur praesentia secundum essentiam. Secundo, quia posito priori, non necessario sequitur positio posterioris : sed praesentia Dei secundum potentiam, est prior praesentia eius secundum substantiam : ergo posita illa, non est necesse poni istam. Probatur minor : quia prius natura creatura terminat actum divinae potentiae, quam sit ei Deus praesens, ut patet in prima mundi productione. |
<16> Et troisièmement : que Dieu est un agent tout-puissant, en qui aucune de ces restrictions ne se rencontrent ; et donc, de ce qu'il produit immédiatement une quelconque chose, il ne s’ensuit pas nécessairement <que> il est donc présent selon ce qu'il est. — Et ce troisième point, dit-il, se confirme doublement. Premièrement, parce que si Dieu se trouvait dans un certain endroit, il pourrait produire immédiatement quelque chose à n’importe quelle distance, puisqu’il serait tout-puissant ; donc, de la production immédiate, la présence selon l’essence n’est pas nécessairement inférée. Deuxièmement, que si l’on pose un antérieur, il ne suit pas nécessairement que l'on pose un postérieur : mais la présence de Dieu selon sa puissance est antérieure à sa présence selon sa substance ; donc, en posant ceci, il n’est pas nécessaire de poser cela. La mineure est prouvée : parce que la nature de la créature limite l’acte de la puissance divine avant que Dieu ne soit présent à elle, comme c'est clair dans la première création du monde. |
<17> XI. Ad evidentiam horum, sciendum est quod, quia in his agentibus quae apud nos sunt, invenitur duplex praesentia agentis ad passum, altera situalis, qua ultima eorum sunt simul, altera virtualis, qua operatio agentis attingit effectum seu passum, nullum attingendo medium, sive intersit aliquid sive non, distincta est etiam in agentibus spiritualibus duplex praesentia : altera secundum substantiam, qua ipsa substantia agentis definita, aut quasi definita est huic passo ; altera secundum virtutem, sicut in supradictis. Et propter hanc duplicem praesentiam, laboravit tantum Scotus [cf. § VII.], imponens s. Thomae utramque contradictionis partem : et quod posuit primam praesentiam in hoc articulo, et quod negavit eam in materia de loco angelorum ; et quod plus est, quod apud s. Thomam hic, praesentia secundum substantiam est prior quam secundum potentiam. Sed longe aliter est. Quoniam apud s. Thomam, licet aliud sit esse praesentem secundum substantiam, et aliud secundum potentiam ; non tamen aliud est esse praesentem secundum substantiam, et aliud secundum potentiam immediate attingentem effectum seu passum : praesentia enim potentiae, ut in sequenti [art. 3] patet articulo, non exigit immediationem suppositi. Nec tamen sunt omnino idem esse praesentem secundum substantiam, et secundum potentiam immediate agentem, etc. : sed distinguuntur sicut ratio praesentiae et res praesens. Quoniam immediate attingere est ratio praesentiae, non solum potentiae, sed substantiae : ita quod, sicut substantia situata, situ est praesens, et tamen ipsa substantia est praesens ; ita substantia spiritualis immediata attinctione est praesens, ita quod ipsa substantia est praesens, et non operatio eius, ut quod. Et sic istae duae praesentiae, in spiritualibus, non omnino duae sunt, nec omnino una : sed habent se medio modo, scilicet ut quo et quod. Et propterea diximus [cf. § II.] quod in littera, quae ex immediate attingere concludit praesentiam substantiae proceditur a definitione ad definitum, idest a ratione ad id cuius est ratio. |
<17> XI. Pour avoir l'évidence de ces choses, il faut noter que parmi nos acceptions des agents, nous relevons une double présence de l’agent au patient, l’une situationnelle, qui les inclut tous simultanément, l’autre virtuelle, par laquelle l’opération de l’agent atteint l’effet ou passion, sans nulle accession au médium, qu'il y ait un intermédiaire quelconque ou non, il y a encore une distinction pour la double présence des agents spirituels : l'une selon la substance, qui définit la substance même de l’agent, ou définit presque pour ce patient ; l’autre selon la puissance, comme nous l’avons dit plus haut. Et de cette double présence, <Duns> Scot a œuvré, imposant à saint Thomas les deux membres de la contradiction : et qu’il a placé la première présence dans cet article, et qu’il l’a niée en lieu et place de la matière des anges ; et qui plus est, que pour saint Thomas ici, la présence selon la substance est antérieure à celle selon la puissance. Mais c’est très différent. Car, selon saint Thomas, bien que ce soit une chose d’être présent selon la substance, et une autre <d’être présent> selon la puissance ; cependant ce n’est pas une chose d’être présent selon la substance, et une autre d’être présent selon la puissance accédant immédiatement à l'effet ou passion, la présence selon la puissance en effet, comme on le voit nettement dans l’article suivant, n’exige pas l’immédiateté du sujet. Il n’y a cependant pas non plus identité totale entre être présent selon la substance et <être présent> selon la puissance immédiatement agissante, etc. : mais elles sont distinguées comme la notion de présence et la chose présente. Car l’accession immédiate est la raison de la présence, non seulement de la puissance, mais de la substance : de sorte que, comme la substance est située, elle est présente dans le lieu[, et cependant cette substance elle-même est présente] ; ainsi, la substance spirituelle est présente par l'immédiate accession, de sorte que la substance elle-même est présente, et non son opération, comme ce qui est. Et ainsi ces deux présences, pour le domaine spirituel, ne sont pas tout à fait deux, ni tout à fait une : mais elles ont un mode médian, c’est-à-dire comme ce par quoi et comme ce qui est. Et c’est pourquoi nous avons dit [cf. § II.] que dans le texte, de ce que l'accession immédiate conclut à la présence substantielle, le procédé opère de la définition au défini, c’est-à-dire de la raison à ce dont elle est la raison. |
<18> XII. Ad rationes ergo Scoti [cf. § X.] singillatim dicendo, ad primam, negatur quod sol agat immediate in distans : falsum que est quod forma substantialis sit elicitivum principium generationis minerae. Quoniam substantia nullius operationis est proximum et elicitivum principium, ut in qu. LXXVII [art. 3] ostendetur diffuse. Nec inconvenit accidens esse principium instrumentale generationis substantiae : instrumentum enim non est causa, sed causae organum. |
<18> XII. Aux arguments de <Duns> Scot, [cf. § X] pris individuellement, il est donc nié, au premier <point>, que le soleil agisse immédiatement et à distance : qu'il est faux que la forme substantielle soit le principe élictif de la génération de la matière. Car la substance n’est le principe prochain et opératif d’aucune opération, comme on le verra largement dans la question 77 [art. 3]. Il n’est pas non plus inopportun que l’accident soit le principe instrumental de la génération de la substance : en effet l’instrument n’est pas la cause, mais l’organe de la cause. |
<19> XIII. Ad secundam vero dicitur, quod propter neutram illarum causarum convenit agentibus naturalibus non posse agere in distans, nisi in propinquum praeagant : sed est propter imperfectionem negative pertinentem ad virtutem activam inquantum limitata est. Et ideo reservatur hoc soli Deo. — Hanc rationem ei sensibus accepimus : illas vero Scotus finxit. Unde Aristoteles, VII Physic. [c. II, n. 3, 4], inductive ex sensibilibus probat movens, etiam intentionale, et motum oportere esse simul ; ut patet ibi de obiectis sensuum. |
<19> XIII. Au second <point>, nous disons que, pour aucune de ces raison, il ne convient pas que les agents naturels puissent agir à distance, à moins qu’ils n’agissent à proximité : mais cela est dû à l’imperfection négative qui se rapporte à la vertu active, en tant qu’elle est limitée. Et pour ces raisons cela est réservé à Dieu seul. — Nous avons reçu ce raisonnement par les sens, mais <Duns> Scot l’a formulé. D’où Aristote, dans le septième livre de la Physique [c. II, n. 3, 4], prouve inductivement partant des sens qu’un moteur, même intentionnel, et un mû doivent exister simultanément ; comme c'est ici manifeste des objets sensibles. |
<20> XIV. Et si quaeratur quae universalis ratio sit quod agens et immediatum patiens oportet esse simul, seu coniungi : respondetur quod, cum esse simul seu coniungi, et immediate attingere, non uniformiter se habeant, non potest eis uniformis ratio assignari. Iam enim dictum est [cf. § XI.] quod praesentia substantiae et praesentia potentiae immediate, in quibusdam sunt omnino diversae, in quibusdam autem coincidunt. Et propterea dicendum est quod, ubi hae praesentiae sunt omnino diversae, praesentia operationis infert praesentiam potentiae, ex limitatione agentis : ubi autem sunt quasi idem, illatio tenet ex identitate illarum. Et propterea propositio illa, omne agens etc., est universaliter vera in omnibus agentibus ; quamvis ex diversis radicibus in diversis. Et ideo ex ipsa merito procedi potuit ad in ferendam praesentiam immensitatis divinae in omnibus. |
<20> XIV. Et si il est demandé quel est le fondement universel <exigeant> que l’agent et le patient immédiat doivent être simultanément ou conjugués : nous répondons que, lorsqu’ils sont ensemble ou conjugués, et immédiatement en contact, ils ne se conduisent pas uniformément, on ne peut pas leur attribuer une notion uniforme. Nous avons en effet déjà dit [cf. § XI.] que la présence de la substance et la présence de la puissance immédiate sont tout à fait différentes dans certains cas, tandis que dans d’autres elles coïncident. Et c’est pourquoi il faut dire que là où ces présences sont entièrement différentes, la présence de l’opération implique la présence de la puissance, partant de la limitation de l’agent ; mais là où elles sont comme identiques, la déduction tient de l'identité de celles-ci. Et c'est pourquoi cette proposition, chaque agent... etc., est universellement vraie pour tout agent ; bien qu'il y ait des fondements diverses à ces différences. Et ainsi il pouvait avec raison procéder à l'exposition de la présence d’immensité divine en toutes choses. |
<21> XV. Et per hoc patet responsio ad utramque confirmationem. Ad primam quidem, negatur conditionalis : quoniam ex illo antecedente sequitur et illud consequens, et eius contradictorium ; ac per hoc neutrum sequitur. Si enim Deus esset in aliquo certo situ, ex eo quod Deus omnipotens, sequitur quod posset in quodcumque ubicumque : ex eo vero quod in certo situ, sequitur quod in nihil posset nisi mediante proximo ; hoc enim spectat ad rationem limitati situaliter. Et sic patet quod sequitur utraque pars contradictionis simul : et consequenter nulla. — Ad secundam vero dicitur quod, licet verum sit prius non inferre necessario posterius, quando sunt omnino diversa ; attamen hae praesentiae non sunt omnino diversae, sed, ut dictum est [cf. § XI.], coincidunt, in spiritualibus, ut ratio et id cuius ratio. Et propterea se habent aliquo modo ut prior et posterior. |
<21> XV. Et par là est manifeste la réponse aux deux confirmations. Pour la première <confirmation>, la conditionnelle est niée : car de cet antécédent découle le conséquent et son contradictoire ; et par là ni l’un ni l’autre ne s’ensuit. Si Dieu en effet était dans une certaine localisation quelconque, du fait que Dieu est tout-puissant, il s’ensuit qu’il pourrait être dans n’importe quel lieu : mais de ce qu’il est dans une certaine localité, il s’ensuit qu’il ne pourrait être en rien si ce n'est par une médiation prochaine ; cela se rapporte en effet à la raison limitative de la localisation. Et il est donc clair que les deux membres de la contradiction se suivent simultanément : et conséquemment aucun n'est vrai. — À la seconde <confirmation> cependant, il est dit que, bien qu’il soit vrai qu’on n'infère pas nécessairement le postérieur de l'antérieur, quand ils sont tout à fait différents ; cependant, ces présences ne sont pas tout à fait différentes, mais, comme il a été dit, coïncident, en matière spirituelle, comme la raison vis-à-vis de ce dont elle est la raison. Et c'est pourquoi, il se trouve un certain mode d’antériorité et de postériorité. |
<22> XVI. In responsione ad tertium, adverte primo, quod distantia, in proposito, est quadruplex : scilicet, situalis, naturalis, suppositalis, et virtualis. Situalis patet : naturalis vero est dissimilitudo naturae : suppositalis autem, mediatio virtualis demum, mediatio virtutis virtualiter. Propositio autem illa, agens, quanto virtuosius, tanto potest agere in distantius, loquendo non de agente tali vel tali, sed absolute, de sola distantia naturae est vera simpliciter. — De distantia enim situs, patet quod est falsa : quia non omne agens habet situm, etiam definitive. — De distantia quoque virtutis, patet etiam : quia quanto agens est superius, et consequenter virtuosius, tanto est propinquius virtualiter, ut patet ex dictis [cf. § IV.]. — De distantia autem suppositi, est aliquo modo vera : simpliciter autem, idest totaliter, falsa. Potest siquidem dupliciter intelligi. Uno modo sic : agens, quanto virtuosius, tanto potest in distantius suppositaliter quoad aliquid. Et sic est verissima : unde Deus posset per infinita quodammodo supposita media cooperantia, educere formam bovis de potentia vel materia, vel aliquid huiusmodi facere, quae ipse non producit immediate immediatione suppositi, sed virtutis tantum. Alio modo sic : tanto potest in distantius suppositaliter secundum se totum. Et sic propositio est falsissima. Imo, ut in littera dicitur, hoc ad maximam Dei potentiam spectat, ut nihil compati possit distans secundum se totum suppositaliter : quia in quolibet subsistente oportet aliquid esse productum ac conservatum continue a Deo immediate immediatione suppositi, ut dictum est [cf. § V.]. Et quia de ista distantia praesens articulus loquitur, ac de praesentia illi opposita, ideo in littera, absque alia distinctione, negata est, et bene, propositio illa, intendens de distantiori secundum se totum, et non secundum aliquid sui. — De distantia autem naturae, cuius etiam littera meminit, propositio est simpliciter vera : quia quanto agens est virtuosius, tanto ex elongatiori potentia potest facere sibi simile ; adeo ut Creator ex nullo modo simili producere possit, scilicet ex nulla potentia, quia ex nihilo. |
<22> XVI. En réponse au troisième <point>, considère premièrement que la distance en question est quadruple : à savoir, situationnelle, naturelle, de sujet et de puissance (virtualis). La <distance> situationnelle est manifeste : la <distance> naturelle recouvre la dissemblance d'avec la nature ; mais <la distance> de sujet, c'est finalement une médiation virtuelle, une médiation de la vertu virtuellement. Mais cette proposition, plus il y a virtualité de l'agent, plus il peut agir à distance, ne parle pas de tel ou tel agent, mais <en parle> absolument, vraie de la seule distance naturelle. — En effet de la distance situationnelle, il est clair qu’elle est fausse : parce que tous les agents n’ont pas de position, même définitivement. — En ce qui concerne la distance de puissance (virtualis), c'est encore manifeste : parce que plus l’agent est supérieur, et conséquemment d'une plus haute virtualité, plus il est virtuellement proche, comme on le voit par les affirmations précédentes [cf. § IV.]. — Mais de la distance de sujet, c’est vrai d’une certaine manière ; mais dans l'absolue (simpliciter), c'est-à-dire totalement, c'est faux. Nous pouvons de fait la comprendre doublement. D’une part ainsi : autant l'agent est d'une haute virtualité, autant peut-il agir sur de quelconques sujets plus distants. Et c’est très vrai : d’où Dieu pourrait, par la médiation d'une infinité de sujets pour ainsi dire, faire sortir la forme d’un bœuf de puissance ou de matière, ou faire d'autres choses semblables, qu’il ne produit pas immédiatement par le recourt à un sujet, mais seulement par vertu. D’autre part ainsi : autant peut-il agir de soi sur des sujets comme un tout. Et ainsi la proposition est des plus fausses. Il s'agit bien plutôt, comme il est dit dans le texte, de la puissance maximale de Dieu, de ne pouvoir de soi pâtir de rien qui soit distant quant au sujet : car dans tout être subsistant, il faut qu'il y ait quelque chose de produit et conservé continuellement par Dieu immédiatement, par une immédiateté de sujet, comme nous l’avons dit [cf. § V.]. Et parce que cet article parle de cette distance, et de la présence qui lui est opposée, aussi dans le texte, sans autre distinction, elle a été valablement niée, cette proposition, visant le plus distant de soi au tout, et non selon une chose quelconque à lui. — Mais pour la distance de nature, dont le texte parle aussi, la proposition est vraie absolument (simpliciter) : parce que plus l’agent est d'une haute virtualité, plus il peut opérer, d’une puissance éloignée, semblablement à lui ; à tel point que le Créateur ne peut produire d’aucun mode semblable, c’est-à-dire d’aucune puissance, puisque de rien (ex nihilo). |
<23> XVII. Adverte secundo, quod in littera fit mentio de distantia suppositali, et de coniunctione virtuali penetrante et superante quodammodo distantiam suppositalem, et de immediatione suppositali. Et ex hoc quod non distantia suppositalis, sed coniunctio virtualis penetrans inventam suppositalem distantiam, spectat ad perfectionem virtutis, infertur implicite : ergo non distantia, sed coniunctio agentis cum effectu, sequitur perfectionem agentis. Et ex hoc infertur explicite : ergo ad maximam Dei virtutem pertinet, ut nihil a se distare suppositaliter possit secundum se totum, sed oporteat ipsum esse coniunctum suppositaliter omnibus. Et est processus iste per locum a maiori : si in productione in qua invenitur distantia suppositalis, ipsa distantia non sequitur perfectionem agentis, sed potius coniunctio penetrans illam ; ergo, simpliciter, ipsa distantia suppositalis non spectat ad perfectionem agentis, sed potius coniunctio. Ergo posse agere in distantius secundum se totum suppositaliter, non sequitur perfectionem virtutis sed potius coniunctum oportere esse omnibus, ad maximam virtutem spectat. |
<23> XVII. Considère deuxièmement que dans le texte, il est fait mention de la distance de sujet, et de la connexion virtuelle pénétrant et dépassant d’une certaine manière et la distance de sujet, et la l'immédiateté de sujet. Et de ce que ceci n’est pas la distance de sujet, mais la conjonction virtuelle pénétrante touchant la distance de sujet, qui regarde la perfection virtuelle, il est implicitement inféré : donc ce n’est pas de la distance, mais de la connexion de l’agent avec l’effet que la perfection de l’agent se déduit. Et il est de là inféré explicitement : il s’agit donc de la puissance maximale de Dieu, que rien ne peut se tenir à distance de lui-même, mais qu’il doit comme sujet être lié à toutes choses. Et ce procédé dans ce passage procède du plus grand : si, dans une production en laquelle se trouve une distance de sujet, cette distance ne suit pas la perfection de l’agent, mais plutôt une conjonction qui la traverse ; alors, dans l'absolu (simpliciter), cette distance de sujet ne concerne pas la perfection de l’agent, mais plutôt la connexion. Aussi, pouvoir agir à une plus grande distance en accord avec le tout ne suit pas la perfection virtuelle, mais plutôt la conjonction qui doit être en toutes choses, regardant la plus grande virtualité. |
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Article 2 : DIEU EST-IL PARTOUT ? |
<1> I. Titulus clarus. — In corpore duo : primo distinguit ; secundo respondet quaesito unica conclusione bimembri, iuxta propositam distinctionem. |
<1> I. Le titre est clair. — Dans le corps <de l'article>, deux <choses sont faites> ; premièrement, il opère une distinction ; secondement, une unique conclusion bipartite répond à la question, touchant ladite distinction. |
<2> Distinctio est ista. Esse in loco dupliciter : ut in re, et ut in loco. Probatur : quia locus est res et locus. |
<2>
La distinction est celle-ci. Être dans un lieu s'entend doublement :
comme dans la chose, et comme dans une localité. C'est prouvé : car le
lieu est la chose et la localité. |
<3> Conclusio vero responsiva est : Deus est utroque modo, secundum aliquid, ubique. |
<3>
La réponse conclusive est <la suivante> : Dieu est selon ces deux
mode <et> d’une certaine manière, partout. |
<4> Probatur quoad primum modum. Deus dat esse, virtutem et operationem omnibus rebus : ergo omnibus locis. — Quoad secundum vero. Deus dat esse omnibus replentibus loca : ergo est in omnibus locis quodammodo ut replens omnia loca. |
<4> C'est prouvé quant au premier mode. Dieu donne l’être, la puissance et l’opération à toutes choses, donc en tous lieux. — Quant au second mode, Dieu donne l’être à tout ce qui occupe les lieux : il est donc en tous lieux d’une certaine manière comme occupant toutes les localités. |
<5> II. Circa haec adverte, quod replere locum dupliciter dicitur : scilicet formaliter, et effective. Corpus locatum replet locum formaliter : Deus effective. Et ex hoc sequitur differentia in littera posita, quod corpus replens excludit alia : Deus autem replens non, imo facit alia locari. Et propterea in conclusione non absolute dicitur quod Deus est in loco ut in loco absolute : sed secundum aliquid, idest quodammodo ; quia scilicet non formaliter, sed causaliter. |
<5> II. Considère relativement à ceci, qu'occuper une localité s'entend doublement : à savoir formellement et effectivement. Un corps local occupe formellement une localité : Dieu effectivement. Et de là découle la distinction posée dans le texte, qu'un corps occupant <telle localité> exclu tout autre : mais Dieu n'occupe pas, il procède bien plus au placement d'autres. Et c’est pourquoi dans la conclusion il n'est pas dit que Dieu est dans un lieu comme dans une localité absolue, mais relativement (secundum aliquid), c’est-à-dire d’une certaine manière ; c’est-à-dire non pas formellement, mais causalement. |
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Article 3 : DIEU EST-IL PARTOUT PAR L'ESSENCE, LA PUISSANCE ET LA PRESENCE ? |
<1> I. Titulus, ex quid nominis in corpore, clarus. |
<1> I. Le titre <de l'article>, à partir de ce qui est nommé dans le corps <de l'article>, est clair. |
<2> In corpore duo : primo distinguit ; secundo respondet quaesito, ibi : Sic ergo [cf. § III.]. — Quoad primum, distinctio est ista. Deus est in aliquo dupliciter : scilicet effective, et obiective, Differunt, quoad propositum, hi modi, quia primus est generalis, eo quod effective Deus est in omnibus : secundus specialis, eo quod obiective est tantum in creatura rationali. Et vocatur hic modus esse per gratiam : eo quod ex gratia habet creatura rationalis quod cognoscat ac diligat Deum actu vel habitu. — Rursus, modus generalis essendi in omnibus, distinguitur in esse per essentiam, praesentiam et potentiam ; ut patet in rege respectu loci proprii, et loci in prospectu suo, et regni sui ; et inde applicando ad Deum. |
<2> Dans le corps <de l'article>, deux <choses sont faites> : premièrement il opère une distinction ; secondement il répond à la question, à cet endroit : Ainsi donc <...> [cf. § III.]. — En ce qui concerne le premier <point>, la distinction est celle-ci. Dieu est en quelque chose de deux manières : à savoir, effectivement et objectivement. Ces modes diffèrent quant à ce qu'ils se proposent, parce que le premier est général, puisque Dieu est effectivement en toutes choses ; le second est particulier, en ce qu'il n'est objectivement que dans les créatures raisonnables. Et ce mode est appelé être par grâce, en ce que par la grâce, la créature raisonnable a la possibilité de connaître et d’aimer Dieu, en acte ou habituellement. — De plus, le mode général d’être en toutes choses se distingue de l'être par l’essence, <de l'être par> la présence et <de l'être par> la puissance ; comme c'est manifeste chez un souverain en ce qui concerne sa position propre, et son domaine et l’étendue de sa royauté ; et de là à Dieu. |
<3> II. Adverte hic primo quod, quamvis littera in principio corporis ponat distinctionem modi essendi Dei in rebus scilicet effective vel obiective, postmodum tamen non subdividit modum essendi in esse per essentiam, praesentiam, et potentiam, quoniam falsa esset subdivisio : sed intendit subdistinguere modum generalem quo Deus est in omnibus. Et accipit distinctionem ex rebus humanis, applicatque ad Deum respectu omnium creatorum. |
<3> II. Considère ici premièrement que, bien que le texte au commencement du corpus distingue le mode d’existence de Dieu dans les choses, c’est-à-dire effectivement ou objectivement, après quoi il ne subdivise pas le mode d’existence en mode d’être par essence, présence et puissance, car cette subdivision serait fausse : mais il entend sous-distinguer le mode général par lequel Dieu existe en toutes choses. Et il fait sienne la distinction partant des choses humaines, qu'il applique à Dieu relativement à toutes les créatures. |
<4> Adverte secundo, quod in littera non solum applicantur declarati modi ad Deum : sed probatur quodammodo rectam esse interpretationem eorum, ex eo quod singuli contra singulos excellentium hominum errores ponuntur. Contra Manichaeos namque, esse per potentiam, idest esse in omnibus immediate immediatione virtutis : ita quod omnia agunt quidquid agunt, virtute Dei. Contra Averroem vero, esse per praesentiam penetrativam omnium et singulorum suo intuitu. Contra Avicennam autem, esse per es idest immediate immediatione suppositi : quia in quolibet est aliquid creatum a Deo immediate. |
<4> Considère deuxièmement que, dans le texte, non seulement les modes déclarés s’appliquent à Dieu : mais qu’il est prouvé d’une manière ou d’une autre que c’est l’interprétation correcte de ceux-ci, puisque chacun d’eux est opposé aux erreurs d’hommes excellents individuellement. Contre les manichéens, <c'est l'> être par la puissance, c’est-à-dire exister immédiatement en toutes choses par la vertu : de sorte que tout ce qui agit, quelle que soit son agir, agit par la vertu de Dieu. Contre Averroès, <c'est l'> être par la présence pénétrante de tous et chacun dans sa propre réflexion. Mais contre Avicenne, <c'est l'> être par essence, c’est-à-dire immédiatement par immédiateté du sujet : parce qu’en chacun il y a quelque chose de créé par Dieu immédiatement. |
<5> III. Quoad secundum [cf. § I.], respondet quaesito affirmative : Deus est in omnibus per praesentiam, essentiam et potentiam. |
<5> III. Quant au second <point> [cf. § I.], il répond à la question par l’affirmative : Dieu est en toutes chose par <mode de> présence, d'essence, et de puissance. |
<6> IV. Circa singulos modos, singula occurrunt dubia ex Aureolo, ut refert Capreolus, in Primo, dist. XXXVII. — Circa illum quidem modum specialem [cf. Ibid.], dubium est. Tum quia Deus est obiective in non sanctis ; et in quibusdam sanctis, puta infantibus, non obiective : tum quia Augustinus dicit [cf. I Sent., dist. XXXVII, cap. II] Deum esse in sanctis, quia intensius. |
<6> IV. Relativement à ces modes singuliers, des doutes particuliers surgissent de <Pierre> Auriol, cité par <Jean> Capréolus, dans le premier livre, distinction trente-sept. — En ce qui concerne ce mode spécifique [cf. Ibid.], il y a un doute. A la fois parce que Dieu n'est objectivement pas dans les personnes qui ne sont pas saintes ; et chez certains saints, comme les enfants, non objectivement <également> : et encore parce qu'Augustin dit [cf. I Sent., dist. XXXVII, cap. II] que Dieu est dans les saints, d'une façon intensive. |
<7> Ad hoc breviter dicitur, quod iste modus, scilicet per gratiam, non distinguitur contra modum essendi Dei obiective : sed est pars eius, a sacris doctoribus per gratiam nominatus. Et importat Deum esse obiective ut intellectum notitia pariente charitatem : quod patet solis sanctis convenire ; et etiam infantibus, quia habitum fidei et charitatis ex baptismo sortiuntur. — Augustinus autem et Magister modum hunc, non formaliter, ut s. Thomas, sed causaliter descripserunt. Ex hoc enim quod Deus deiformes facit rationales creaturas, quod est intensius et plenius operari consurgit Deum cognosci et carum haberi ab eis. |
<7> A cela il est brièvement dit que, ce mode, c’est-à-dire par grâce, ne se distingue pas du mode d’être objectivement de Dieu, mais qu’il en est une partie, appelée par grâce par les saints docteurs. Et ceci implique que Dieu est objectivement comme connu de l’intelligence à laquelle se joint la charité, ce qui à l'évidence n’appartenant qu’aux saints ; et encore aux enfants, auxquels la foi et de la charité échoient par le baptême. — Mais Augustin et le Maître ont décrit ce mode, non pas formellement, comme l’a fait saint Thomas, mais causalement. En effet de ce que Dieu divinise les créatures raisonnables, ce qui est une opération des plus intenses et plus des plus denses, il résulte que Dieu est reconnu et aimé d'elles. |
<8> V. Contra modum per praesentiam arguit : quia cognitum est in cognoscente, et non e converso. Ac per hoc, secundum cognitionem non debet dici Deus esse in rebus. |
<8> V. Contre le mode par présence, il argumente : que le connu est dans le connaissant, et non l’inverse. Et par là, selon la connaissance, nous ne devrions pas dire que Dieu est dans les choses. |
<9> Ad hoc breviter dicitur, quod in cognitione sunt duo : modus cognoscendi, et vis cognitionis. Si attendatur modus, optime procedit obiectio. Si vero vis cognitionis, sic est e converso : quoniam vis cognitionis consistit in penetratione omnium, usque ad intima quaeque ; unde ad Hebr. IV [v. 12] dicitur de Dei sermone, quem constat esse intellectus signum, quod pertingit usque ad divisionem animae et spiritus, compagum quoque ac medullarum dens, cognitionumque et intentionum cordis. Et ad hoc attendens divus Thomas dixit Deum esse per praesentiam in omnibus. — Quamvis etiam et dici possit quod aliud est loqui de notitia absolute : et aliud de notitia intuitiva, de qua hic est sermo. Haec enim ad res, ex propria ratione qua intuitiva est, tendit ; et propterea modum essendi per praesentiam optime constituit ; quamvis ex ratione notitiae in communi, cognoscens non tendat in cognitum. |
<9> A cela, il est brièvement dit que deux choses sont dans la connaissance : le mode de connaissance et la puissance de connaissance. Si l’on considère le mode, l’objection procède validement. Mais si nous considérons la puissance de connaissance, c’est le contraire : puisque la puissance de connaissance consiste dans la pénétration de toutes choses, même jusqu’en leurs parties les plus intimes ; d’où il est dit dans le chapitre quatrième de l’Épître aux Hébreux [v. 12] de la parole de Dieu, combien elle un signe intellectuel, laquelle est pénétrante jusqu'à partager âme et esprit, jointures et moelles ; elle juge les sentiments et les pensées du cœur. Et partant de cela, saint Thomas a dit que Dieu est présent en toutes choses. — Bien qu’il puisse encore être dit que c’est une chose de parler de connaissance absolue : et une autre de parler de connaissance intuitive, de laquelle il est question ici. En effet elle se dirige vers les choses, selon sa propre nature qui est intuitive ; et c’est pourquoi il établit très bien le mode d’être par la présence ; bien que de la notion d'évidence en général, le connaissant ne s’étend pas vers le connu. |
<10> VI. Contra modum per essentiam instat : quia coincidit cum modo per potentiam. |
<10> VI. Contre le mode par essence, il insiste : qu’il coïncide avec le mode par puissance. |
<11> Ad hoc dictum iam est [cf. § II.] : quia per potentiam ponit immediationem virtutis ; per essentiam vero, immediationem suppositi. Illa est respectu omnium, quoad omnia : ista est respectu omnium, sed non quoad omnia, sed quoad aliquid cuiusque , ut patet ex dictis [cf. art. 1, § V.]. |
<11> A cela nous répétons ce qui a déjà été dit [cf. § II.] : que, par la puissance, il pose l’immédiateté de vertu ; mais par l'essence, <il pose> l’immédiateté du sujet. Celle-ci se rapporte à toutes choses quant au tout ; celle-là se rapporte à toutes choses, mais non quant au tout, mais quant à une quelconque chose pour chacun, comme c'est manifeste partant de ce qui a déjà été dit [cf. art. 1, § V]. |
<12> VII. Contra modum potentiae instat : quia rex non est vere in regno secundum potentiam, sed secundum apprehensionem executorum. |
<12> VII. Contre le mode de puissance, il insiste : que le roi ne l’est pas vraiment dans le royaume selon la puissance, mais selon l’appréhension des exécutants.. |
<13> Ad hoc breviter dicitur, quod rex est in regno secundum potentiam modo convenienti suae potentiae : talis autem modus est media apprehensione, etc. Deus autem est in omnibus secundum potentiam proportionaliter, idest modo suae potentiae congruo : talis autem est participatio virtutis divinae secundum rem in omnibus. Unde nihil obstat, nisi proportionales processus a doctrina alienos quis putet : quod est erroneum in arte sciendi. |
<13> A cela, il est brièvement dit que le roi est dans le royaume selon le mode de puissance qui convient à sa puissance : mais un tel mode s'obtient par une appréhension médiate, etc. Or, Dieu est en toutes choses selon la puissance et proportionnellement, c’est-à-dire d’un mode qui s’harmonise avec sa puissance : mais telle est la participation virtuelle divine selon la réalité en toutes choses. Il n'y a donc là aucun empêchement, sauf à penser que les procédés proportionnés sont étrangers à la doctrine : ce qui est une erreur dans l’art de connaître. |
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Article 4 : ETRE PARTOUT EST-IL PROPRE A DIEU ? |
<1> I. Titulus clarus. — In corpore una conclusio, responsiva quaesito affirmative, sic : Esse ubique per se et primo, est proprium Deo. |
<1> I. Le titre est clair. — Dans le corps <de l'article> une conclusion répond ainsi à la question affirmativement : Être partout par soi et premièrement, est le propre de Dieu. |
<2> Hac posita, declarantur termini : scilicet ly primo, et ly per se. — Deinde probatur conclusio. Deum oportet, non secundum partem, esse in omnibus locis, quotcumque ponantur ergo esse ubique primo et per se, est proprium Dei. Antecedens probatur, quoad secundam partem : quia nihil potest esse sine Deo in eo. Consequentia patet ex terminis. |
<2> Ceci étant posé, les termes sont explicités : c'est-à-dire ce premièrement et ce par soi. — Alors la conclusion est prouvée. Dieu doit être, non selon les parties, en tous lieux, donc quel que soit l'endroit, être partout premièrement et par soi revient en propre à Dieu. L’antécédent est prouvé, quant à la seconde partie : parce que rien, si ce n'est Dieu, ne peut exister en tout cela. La conséquence est manifeste partant des termes. |
<3> Adverte quod, ratione claritatis materiae, littera, brevitati studens, non fuit sollicita circa probationem exclusivae, scilicet quod soli Deo conveniat : sed, sola exponens affirmativa explicite probata, negativa relicta est ut nota ex eodem medio. Nihil enim aliud a Deo est, quod oporteat esse non secundum partem in quotcumque locis, ut patet. Et propterea hoc non solum convenit Deo, sed soli Deo :quod est esse ei proprium. |
<3> Considère que, pour clarifier la question, le texte, cherchant la brièveté, ne s'est pas enquis de la preuve exclusive, à savoir qu’elle ne convient qu’à Dieu : mais, n'exposant explicitement que la preuve affirmative, la négative a été laissée là comme évidente suivant la même approche. De fait, il ne revient à nul autre que Dieu, d'être en tout lieux autrement que selon les parties, comme c'est manifeste. Et c’est pourquoi ceci ne convient pas seulement à Dieu, mais Dieu seul <le peut>, c’est-à-dire que c'est le propre de son être. |
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Question 9 : L'IMMUTABILITE DE DIEU |
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Article 1 : DIEU EST-IL ABSOLUMENT IMMUABLE ? |
<1> I. Titulus clarus. — In corpore una conclusio responsiva quaesito affirmative : Deus est omnino immutabilis. |
<1> I. Le titre est clair. — Dans le corps <de l'article> une conclusion répond ainsi à la question affirmativement : Dieu est absolument immuable. |
<2> Probatur triplici ratione, et auctoritate. Primo sic. Deus est primum ens : ergo actus purus: ergo omnino immutabilis. Antecedens probatum fuit in qu. II. Prima consequentia probatur : quia actus est naturaliter prior potentia. Secunda vero : quia in omni mutabili oportet esse potentiam.— Secundo sic. Deus est omnino simplex : ergo non potest mutari. Probatur sequela : quia omne quod mutatur, est aliqualiter compositum ; quia quoad aliquid manet, scilicet subiectum, et quoad aliquid non. — Tertio sic. Deus est infinitus : ergo non potest se extendere vel pertingere ad aliquid de novo : ergo non potest moveri. Prima consequentia probatur : quia infinitum coraprehendit in se totam essendi perfectionem. Secunda vero : quia omne quod mutatur, pertingit ad aliquid ad quod prius non pertingebat. Auctoritas est antiquorum philosophorum, qui, quasi a veritate coacti, primum principium immobile fecerunt. |
<2> C'est triplement prouvé en raison et par autorité. Premièrement ainsi. Dieu est l’être premier : donc acte pur : donc complètement immuable. L’antécédent a été prouvé dans la deuxième question. La première conséquence est prouvée : parce que l’acte prime naturellement sur la puissance. La seconde : en tout changement il doit y avoir de la puissance. — Deuxièmement ainsi. Dieu est complètement simple : il ne peut donc pas changer. L’enchaînement est prouvé : parce que tout ce qui est sujet au changement est est composé d'une façon ou d'une autre ; car il y a ce qui demeure, c’est-à-dire le sujet, et il y a le reste pour qui ce n'est pas le cas. — Troisièmement ainsi. Dieu est infini : il ne peut donc pas s'étendre ou atteindre quelque chose de nouveau : il ne peut donc pas se mouvoir. La première conséquence est prouvée : parce que l’infini comprend en lui-même toute la perfection de l’être. La seconde : que tout ce qui est mu atteint quelque chose qu’il n’atteignait pas auparavant. L’autorité est celle des anciens philosophes, qui, comme poussés par la vérité, ont rendu le premier principe immuable. |
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Article 2 : ETRE IMMUABLE EST-IL PROPRE A DIEU ? |
<1> I. In titulo, proprium sumitur ut distinguitur contra commune : immutabile sumitur negative, ut negat omne mutabilitatis genus. |
<1> I. Dans le titre <de l'article>, en propre s'entend comme distingué de en général : immuable s'entend négativement, comme négation de tout genre de mutabilité. |
<2> II. In corpore articuli una est conclusio, responsiva quaesito affirmative : Solus Deus est omnino immutabilis. — Haec conclusio, cum sit exclusiva, habet exponentem affirmativam, Deus est omnino immutabilis, probatam in praecedente articulo ; et negativam, nihil aliud a Deo est omnino immutabile; cui aequivalet universalis affirmativa de praedicato finito, seu opposito, scilicet, omne aliud a Deo est aliquo modo mutabile. Et propterea in littera haec universalis affirmativa probatur primo : deinde, epilogando, colligitur probatio totius exclusivae responsivae quaesito. |
<2> II. Dans le corps de l’article, il y a une conclusion qui répond par l’affirmative à la question : Seul Dieu est absolument immuable. — Cette conclusion, comme elle est exclusive, a une exposition affirmative, Dieu est absolument immuable, ce qui est prouvé dans l’article précédent ; et une exposition négative, rien d’autre que Dieu n’est absolument immuable ; ce qui est équivalent à l’affirmative universelle du prédicat fini, ou à son contraire, à savoir que tout ce qui n’est pas Dieu est en quelque sorte muable. Et donc, dans le texte, cette affirmative universelle est d’abord prouvée : ensuite, à la façon d'une récapitulation, la preuve de toute la réponse exclusive à la question est réunie. |
<3> III. Probatio autem illius universalis affirmativae fit dupliciter : primo, quoad unam communem speciem mutationis ; secundo, quoad singulas universi partes, secundum diversas mutationes. Probatur ergo primo, quod omnis creatura est mutabilis per potentiam in altero, sic. Omnis creatura est mutabilis de nihilo in aliquid, et rursus ex aliquo in nihil : ergo. — Antecedens patet. Consequentia probatur : quia ex simplici voluntate Dei pendet creatio et conservatio. |
<3> III. Mais la preuve de cette affirmation universelle s’établit doublement : premièrement, quant à l'unité générale du genre du changeant ; deuxièmement, quant aux différentes parties de l'univers, selon les divers changements. Il est donc ainsi prouvé premièrement que toute créature est disposée à la mutation par puissance d'autre chose. Toute créature est disposée au changement du rien en quelque chose, et encore du quelque chose en rien : donc <etc.>. — L’antécédent est clair. La conséquence est prouvée : parce que la création et la conservation dépendent de la simple volonté de Dieu. |
<4> Secundo, quod omnis creatura est mutabilis per potentiam in se, vel secundum esse substantiale et accidentale vel secundum esse accidentale, puta locum ; vel secundum malum et bonum, et applicationem ad diversa. Probatur. In omni creatura est aliquid potens stare cum privatione esse substantialis, vel localis, vel boni, et contactus virtutis huius : ergo. — Antecedens patet, distinguendo tres universi partes : sphaeram elementorum cum mixtis, corpora caelestia, et substantias spirituales. Consequentia probatur : quia omnis mutatio secundum potentiam in se, est ex possibili esse cum utroque oppositorum successive. |
<4> Deuxièmement, que toute créature est disposée à la mutation par sa puissance propre, ou selon l'être substantiel et accidentel, ou selon l’être accidentel, par exemple, le lieu ; ou selon le mal et le bien, et son application à des choses semblables. C’est prouvé. En chaque créature, il y a quelque chose qui est capable de demeurer avec une privation d'être substantiel, ou local ou bon, et du contact de cette vertu : donc <etc.>. — L’antécédent est clair, distinguant trois parties de l’univers : la sphère des éléments avec compositions, les corps célestes et les substances spirituelles. La conséquence est prouvée : car toute mutation selon la puissance propre, provient de l’être possible avec sa double opposition successive. |
<5> IV. Circa ea quae hic dicuntur, adverte primo quod, cum in littera distinguitur potentia passiva in potentiam ad esse et ad consecutionem finis, non distinguitur consecutio finis contra esse in communi, ac si nullum poneret esse : sed contra esse absolute, quod est esse substantiale, ut dicitur VII Metaphys. [c. I] ; vel contra esse, ut est proprius effectus actus primi ; consecutio namque finis in actu secundo consistit. — Adverte secundo, quod in littera, ad perfectionem doctrinae, non solum ponuntur ea quae ad conclusionem spectant directe, quae scilicet mutabilitatem omnis creaturae pandunt ; sed etiam ea quae ad immutabilitatem aliquam earum spectant. Et quoniam de his inferius [q. I, a. 5 ; q. LXVI, a. II] ex proposito erit sermo, in locis propriis, cum de angelis ac caelestibus tractabitur, nunc pertranseundum est. De aliis autem mutabilitatem concernentibus modo tractandum est. |
<5> IV. Considère premièrement qu’il est dit relativement à tout ceci que, lorsque, dans le texte, la puissance passive est distinguée entre puissance d'être et <puissance> d'obtention de la fin, l'obtention de la fin n’est pas distinguée de l’être en général, comme s’il n’y avait pas d’être du tout ; mais plutôt de l’être absolu, qui est l’être substantiel, comme il est dit dans le septième livre de la Métaphysique [ch. I] ; ou de l’être, comme effet propre de l'acte premier ; car l'obtention de la fin consiste dans l'acte second. — Considère deuxièmement, que dans le texte, pour une parfaite intelligence de la doctrine, sont non seulement posés les éléments qui touchent directement la conclusion, c'est-à-dire ceux qui concourent à la mutabilité de toute créature ; mais aussi les éléments qui touchent à l'immutabilité de certains d'entre eux. Et puisqu’il sera question plus bas de ces choses [q. I, a. 5 ; q. LXVI, a. II], en place propre, lorsqu'il sera traité des anges et des êtres célestes, il convient maintenant de passer outre. Mais nous traitons des autres modes de mutations en question. |
<6> V. Circa primum membrum distinctionis, in littera applicatum ad mutationem ex nihilo et in nihil, etc. [cf. § III.], occurrit turba multa invehentium, ex ignorantia peripateticae philosophiae. Non possunt siquidem, aut nolunt percipere quod aliquid creatum sit secundum se immutabile substantialiter, et tamen mutabile per potentiam in alio : mutabile dico, modo exposito. Et licet rationes ac verba eorum multiplicentur ac dilatentur, radix tamen duplex est : altera rationis, altera auctoritatum. Ratio est quia, accepto angelo, Aut est ens possibile, aut necessarium. Si possibile, habetur intentum : nam possibile esse et non esse non est praedicatum accidentale, aut extraneum. ut dicitur X Metaphys. [c. XII] ; sed est substantia, vel in substantia. Si necessarium, ergo est impossibile non esse : ergo per nullam potentiam potest non esse ; nulla namque potentia potest impossibile. — Auctoritas est Averrois, I Caeli, comment. CXXIV, et XII Metaphys., comment. XLI. Algazel quoque dicit [philos. lib. I, tract. II] possibile esse quod, alio non existente, non est. — Repugnat etiam fidei ponere aliquid praeter Deum esse necessarium. Ergo. |
<6> V. Dans le texte, relativement au premier membre de la distinction touchant la mutation du rien et en rien, [cf. § III], une grande foule de détracteurs s’est présentée, par ignorance de la philosophie péripatéticienne. Par suite, ils ne peuvent, ou ne veulent pas percevoir qu’une certaine créature soit substantiellement immuable d'elle-même, et cependant disposée à la mutation en d'autres : disposée à la mutation, dis-je, par mode d'exposition. Et bien que leurs raisons et argumentations se multiplient et s’étendent, cependant, le fondement est double : d'une part, de la raison, d'autre part, des autorités. La raison en est que, si nous prenons l’ange, c’est ou un être possible, ou un être nécessaire. Si <c'est un être> possible, nous avons cette idée : car être ou ne pas être possiblement ne se prédique pas accidentellement ou de l'extérieur, comme il est dit dans le dixième livre de la Métaphysique [c. XII] ; mais c’est la substance, ou dans la substance. Si <c'est un être> nécessaire, le non-être est donc impossible : il peut donc ne pas être par aucune puissance ; le fait est que nulle puissance ne peut l'impossible. — L’autorité est Averroès, sur le traité Du ciel, commentaire 124, et sur le douzième livre de la Métaphysique, commentaire 41. Algazel dit aussi (philos. livre I, traité II) de l'être possible que, l'autre n'existant pas, il n'est pas. — De fait, la foi répugne à admettre un quelconque être nécessaire autre que Dieu. Donc <etc.>. |
<7> VI. Ad horum evidentiam, tria notanda sunt, ex quibus omnia ad hanc materiam spectantia, a quibuscumque obiecta, solvuntur. Primum est, quod magna differentia est inter necessarium et possibile, ut sunt differentiae entis realis, et ut sunt differentiae entis veri. Inquantum enim sunt differentiae entis veri, sumuntur logice, et consistunt in sola habitudine terminorum, ut patet. Ut autem sunt differentiae entis per se, quod significat substantiam, quantitatem, etc., ut dicitur V [c. VIII] et VI Metaphys. [c. II], sic sunt conditiones substantiales rerum intrinsecae ipsis rebus ; ut X Metaphys., textu ultimo [c. XII], dicitur de corruptibili et incorruptibili. Aliud est ergo loqui de necessario et possibili, ut sunt differentiae reales ; et aliud ut sunt differentiae habitudinis terminorum. Quoniam hoc modo abstrahunt a potentia in se vel in alio : imo ab omni potentia proprie dicta, quoniam inveniuntur in mathematicis secundum nullam vere potentiam, ut dicitur in V Metaphys., capite de Potentia [c. XII], et in IX eiusdem, in principio [c. I]. IIIo vero modo, attenditur secundum intrinseca rerum. Unde distinguatur tam necessarium quam possibile in reale et logicum, nec fiat confusio. |
<7> VI. Pour avoir l'évidence de ces choses, il faut noter trois points, en lesquels est résolu l'ensemble des choses se rapportant à cette matière, quel que soit son objet. La première est qu’il y a une grande différence entre le nécessaire et le possible, comme il y a des différences entre l’être réel et l’être véritable. En effet dans la mesure où il y a des différences pour l'être véritable, elles s’entendent logiquement et ne consistent que dans le rapport des termes, comme c'est clair. Mais comme différences pour l’être en soi, elles signifient la substance, la quantité, etc., comme il est dit dans les livres cinquième [c. VIII] et sixième de la Métaphysique [chap. II], ce sont des conditions intrinsèques relatives aux choses elles-mêmes ; comme il est dit dans le dixième livre de la Métaphysique, dans le dernier texte [c. X*], à propos du corruptible et de l’incorruptible. C’est donc une chose de parler du nécessaire et du possible, comme relevant d'une différence réelle ; et une autre comme d'une différence dans le rapport des termes. Car c’est ainsi qu’ils font abstraction de la puissance en soi ou en d'autres, et même de toute puissance proprement dite, puisqu’on les trouve dans les mathématiques sans aucune véritable puissance, comme il est dit dans le cinquième livre de la Métaphysique, au chapitre de la Puissance [chap. XII], et au commencement du neuvième [c. I]. De cette façon, on s'attarde à la réalité intrinsèque. De sorte qu'il faut distinguer tant la nécessité que la possibilité dans le réel et la logique, pour ne pas faire de confusion. |
<8> Secundum est, quod potentia in re existens ad non esse, a qua res possibilis dicitur, non potest, etiam si fingendi licentia detur, aliter poni quam secundario, quia scilicet est in re potentia ad aliud esse incompossibile huic esse quoniam nulla potentia, nullusque appetitus respicit primo non esse, ut dicitur I Ethic. [c. I, n. I]. Unde oportet ut res carens potentia ad aliud esse incompossibile huic, careat etiam potentia ad non esse. Et cum constet quod potentia realis ad aliud esse, remaneat et perficiatur in adventu illius consequens necessario est ut omne in quo est potentia ad non esse, habeat vel sit aliquid potens remanere cum privatione eius esse quod actu habet. Et ideo in littera optime dicitur quod possibile per potentiam in se, oportet esse istiusmodi, intendens de possibili reali. Et per oppositum, necessarium reale, quod aequivalet immutabili, est quod caret tali potentia. Et hinc sequitur quod aliquid est possibile logicum, quod tamen est necessarium reale. Possibile quidem logice : quia neutra pars contradictionis de secundo adiacente, implicat contradictionem ; puta, nec ista, caelum est, nec ista, caelum non est. Necessarium vero reale : quia in eo non est potentia ad aliud esse, ac per hoc nec ad privationem esse quod habet. Et quoniam supponimus quod quidquid non implicat contradictionem, est possibile, non solum logice, sed potentia reali omnipotentis Dei, ideo possibile logicum vocari potest etiam possibile reale ; extrinsece tamen, quia per potentiam in alio. Et propterea in littera, ubi de Deo agitur et rebus, possibile per potentiam in alio dictum est. |
<8> La seconde est que la puissance au non-être qu'il y a dans une chose, par laquelle une chose est dite possible, ne peut pas, encore que l'imagination le permette, être posé autrement que comme secondaire, c'est-à-dire qu'il y a dans cette chose une puissance à être autre qui est incompatible avec l'être en lequel il n'y a nulle puissance, puisque nulle puissance ou appétit ne regarde prioritairement le non-être, comme il est dit dans le premier livre de L’Éthique à Nicomaque [c. I, n. I]. D’où il est nécessaire qu’une chose dépourvue de puissance à une existence autre, soit encore dépourvue de puissance au non-être. Et puisqu’il est établi que la puissance réelle à une existence autre demeure et se perfectionne dans son avènement, il suit nécessairement que tout ce en quoi se trouve une puissance au non-être, a ou soit quelque chose capable de demeurer avec la privation de son être qui est son acte. Et c’est pourquoi, dans le texte, il est fort justement dit que le possible par puissance en soi, doit être de cette sorte, étendue à la possibilité réelle. Et par opposition, est réellement nécessaire, ce qui équivaut à immuable, ce qui est dépourvu d'une telle puissance. Et il suit ceci qu'une chose quelconque est logiquement possible, et cependant réellement nécessaire. Logiquement possible en effet : parce qu’aucune des deux parties de la contradiction du second coté, n’implique contradiction ; par exemple, ni celle-ci le ciel est, ni celle-là le ciel n'est pas. Et réellement nécessaire : parce qu’en elle il n’y a pas de puissance à être autre, et par là pas non plus privation de l’être qui est sien. Et puisque nous supposons que tout ce qui n’implique pas une contradiction est possible, non seulement logiquement, mais par la puissance réelle de Dieu tout-puissant, de même le possible logique peut encore être appelé réellement possible ; extrinsèquement cependant, car par puissance d’autre. Et c’est pourquoi, dans le texte, où il est question de Dieu et des choses, il est parlé du possible par puissance en d'autres. |
<9> Tertium est, quod commune est omni rei diversae a Deo, habere non hanc conditionem affirmativam, proprie loquendo, scilicet ex se non esse : sed habere hanc negativam, scilicet non ex se esse, quia ab alio pendet, non solum in fieri, sed in conservari; quemadmodum aer non ex se est illuminatus. Et propter hanc conditionem, dicitur quod creaturae sunt ex se nihil, et ex originis natura de fectibiles sunt, et quod possunt non esse, et multa alia : quae omnia ad praedictum sensum sunt reducenda, quoniam dependentiam ab alio in fieri et conservari tantum ponunt, non potentiam in creatura ad oppositum. |
<9> La troisième, c’est qu’il est commun à toutes les choses distinctes de Dieu d'avoir cette condition non affirmative, à proprement parler, c’est-à-dire de ne pas être d’elles-mêmes, mais d’avoir cette condition négative, c’est-à-dire d'être non d’elles-mêmes, parce qu’elles dépendent d’une autre, non seulement pour venir à l’existence, mais pour être conservées ; tout comme l’air n’est nullement illuminatif par lui-même. Et c’est à cause de cette condition qu’il est dit que les créatures ne sont rien par elles-mêmes, et qu’elles sont défectueuses par nature dès leur origine, et qu’elles ne peuvent pas être, et bien d’autres choses encore : qui doivent toutes être réduites au sens précité, puisqu’elles ne posent de dépendance à un autre dans la seule mesure du devenir et de la conservation, et non de puissance à opposition dans la créature. |
<10> VII. His igitur praelibatis, iam patet responsio ad omnia [cf. § V.]. Ponit enim s. Thomas hic, et in II Contra Gent., cap. XXX et LV, et in Qu. de Potentia, qu. V, art. 3, et ubique, angelos et corpora caelestia entia necessaria realia, possibilia tamen logice et per potentiam in alio ; et solum Deum omnimodo necessarium. — Nec hoc repugnat philosophiae aut fidei. Non philosophiae quidem, ut iam patet. Nec etiam philosophis quoniam aequivocant de possibili et necessario, ut facile patet inducendo. Dicere autem quod repugnat fidei, summae est ignorantiae : qualis moderno tempore regnare videtur apud quosdam Parisienses, qui praefatum s. Thomae capitulum ut suspectum habent. Sed hos cum sua ignorantia relinquamus : non enim sunt digni de quibus verba fiant in re tam ardua. |
<10> VII. C’est pourquoi, dans ces considérations préliminaires, la réponse à l'ensemble est déjà claire [cf. § V]. En effet saint Thomas affirme ici, et dans le deuxième livre de la Somme contre les Gentils, chapitre trentième et cinquante-cinquième, et dans les questions disputées Sur la Puissance, article trois de la cinquième question, et partout, la réelle nécessité de l'être des anges et des corps célestes, toutefois logiquement possible et en puissance d'autre ; et seul Dieu est absolument nécessaire. — Et ceci ne contredit ni la philosophie ni la foi. Pas la philosophie, comme c'est manifeste de ce qui a déjà été dit. Ni même les philosophes, du fait de l'équivoque entre le possible et le nécessaire, comme cela a été facilement montré. Mais dire que ceci contredit la foi, c'est le comble de l’ignorance : laquelle semble régner dans les temps modernes chez certains Parisiens, qui regardent comme suspect lesdits textes de saint Thomas. Mais laissons-les avec leur ignorance : ils ne sont en effet pas dignes qu’on en fasse mention dans des questions aussi ardues. |
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Question 10 : L'ETERNITE DE DIEU |
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Article 1 : QU'EST-CE QUE L'ETERNITE ? |
<1> I. Titulus clarus. — In corpore quatuor : primo, modus investigandi divinam aeternitatem ; secundo, prosequitur illum quoad particulas positas in definitione intrinsece, ibi : Cum enim [cf. § III.] ; tertio, quoad particulas positas in definitione ut additum, ibi : Item ea dicuntur [cf. § VI.] ; quarto, applicando ad propositum omnia, respondetur quaesito affirmative, ibi : Sic igitur [cf. § VIII.]. |
<1> I. Le titre est clair. — Il y a quatre choses dans le
corps <de l'article> : premièrement, le mode d’investigation de la
divine éternité ; deuxièmement, il accompagne cela des éléments
intrinsèquement constitutifs à la définition, à cet endroit : En effet
<...> [cf. § III.] ; troisièmement, il ajoute encore quant à ces
éléments intrinsèquement constitutifs à la définition, à cet endroit : En
outre, on dit <...> [cf. § VI.] ; quatrièmement, appliquant
l'ensemble à la question, il est répondu affirmativement, à cet endroit : Ainsi
donc <...> [cf. § VIII]. |
<2> II. Quoad primum : Aeternitas cognoscenda est per tempus. — Probatur : quia se habet ad ipsum ut simplex ad compositum. Aeternitas enim, ut patebit [cf. § II.], est unitas, tempus vero numerus : illa absque successione, hoc prioris et posterioris, etc. Constat autem quod numerus compositus est respectu unitatis : et similiter prius et posterius componunt, respectu eius quod stat absque his differentiis. |
<2> II. Quant à la première
: l’éternité se comprend à travers le temps. — C’est prouvé : parce qu’il se
rapporte comme du simple vers le composé. En effet l’éternité, comme nous le
verrons, est unité, tandis que le temps est numérique : elle est dépourvue de
succession, d'un antérieur et d'un postérieur, etc. Or, il est évident que la
composition numérique se rapporte à l’unité : et pareillement la computation
de l'antérieur et du postérieur, s'y rapporte comme étant dépourvue de toutes
ces oppositions. |
<3> III. Quoad secundum : Ratio aeternitatis consistit in apprehensione uniformitatis eius quod est omnino extra motum. — Declaratur. Ratio temporis consistit in numeratione prioris et posterioris in motu : ergo. Probatur consequentia : quia proportionaliter se habent, sicut tempus ad successionem partis post partem in motu, ita aeternitas ad rem carentem his. |
<3> III. Quant à la seconde,
la notion d’éternité consiste dans l’appréhension de l’uniformité de ce qui
est tout à fait en dehors du mouvement. — C’est déclaré. La notion de temps
consiste dans la numération de l’antérieur et du postérieur en mouvement :
donc <etc>. La conséquence est prouvée : parce qu’ils s’apprécient
proportionnellement, de même que le temps se rapporte à la succession de
partie à partie en mouvement, de même l’éternité se rapporte à la chose qui
en est dépourvue. |
<4> IV. Adverte hic, quod haec propositio in littera posita, scilicet ratio aeternitatis consistit in apprehensione uniformitatis, potest dupliciter exponi, quoad ly in apprehensione. Uno modo, quod significet illam consistere in apprehendi seu cognosci : ita quod aeternitas sit completive ab anima, sicut de tempore dicitur. Et sic, iudicio meo, non intelligitur : eo quod unitas uniformitatis perennis actu est absque actu animae, non minus quam unitas essentiae divinae. Alio modo, quod significet idem quod in conceptione obiectiva, quam frequenti usu vocamus rationem ; ac si dixisset : ratio aeternitatis consistit in apprehensione idest in ratione uniformitatis. Et hic est sensus intentus. |
<4> IV. Considère ici que cette proposition énoncée dans le texte, à savoir que la notion d’éternité consiste dans l’appréhension de l’uniformité, peut être expliquée doublement, quant à ladite appréhension. D’une part, qu'elle signifie ce "consister à être appréhendé ou connu", de sorte que la notion d’éternité soit saisie par l'âme, comme il est dit aussi du temps. Et ainsi, à mon avis, elle ne s'entend nullement, puisque l’uniformité unique et perpétuelle en acte existe indépendamment de l’acte de l’âme, non moins que l’unité de l’essence divine. D’autre part, qu'elle signifie la même chose que dans la conception objective, que nous désignons couramment comme la raison ; comme si l’on disait : la raison de l’éternité consiste dans l’appréhension, c’est-à-dire dans la notion d’uniformité. Et c’est là le sens intentionnel <de l'auteur>. |
<5> Sed tamen adhuc potest dupliciter exponi. Quoniam potest interpretari formaliter, vel materialiter : formaliter quidem, ita ut ratio aeternitatis sit ipsa uniformitas ; materialiter vero, ut sit unitas uniformitatis. Et quamvis quidam materialiter hanc litteram interpretandam putent, propter verba s. Thomae in I Sent., dist. XIX, qu. II, art. I (ubi dicit quod sicut prius et posterius motus ut numerata constituunt tempus, ita permanentia actus ut una unitate, ut habet rationem mensurae, est aeternitas) ; et ex hoc solutas putent omnes obiectiones Aureoli, recitatas in IX distinctione Primi [contra 2 concl.] a Capreolo, quia procedunt contra hoc dictum formaliter, et non materialiter intellectum : ego tamen formaliter hunc textum, sicut et ceteros, intelligo, motus ea ratione, quia nihil cogit ad materialem sensum ; semper enim formalis intellectus reliquis praeponitur, si salvari aeque potest. |
<5> Mais cependant, ceci peut encore s’exposer doublement. Car il est possible d’interpréter formellement,
ou matériellement : formellement, de telle sorte que la raison de
l’éternité soit l’uniformité elle-même ; matériellement, cependant,
pour que ce soit l’unité de l’uniformité. Et bien que certains pensent
que ce texte doit être interprété matériellement, en raison des passages de
saint Thomas dans le commentaire du premier livre des Sentences,
distinction dix-neuvième, question deux, premier article (où il dit que, de
même que les mouvements antérieurs et postérieurs constituent le temps comme numération,
de même la permanence de l'acte comme unité une, comme ayant la
raison de mesure, c’est l’éternité) ; et de là, ils pensent que toutes les
objections de <Pierre Auriol>, énoncées dans la neuvième distinction du commentaire du premier livre des Sentences,
[contr. 2 concl.] de <Jean> Capréolus, sont résolues parce qu’elles procèdent contre cette affirmation
formellement entendue, et non matériellement : cependant, moi, je comprends formellement ce texte, ainsi
que les autres, poussé par
cette raison, parce que rien n’indique un sens
matériel ; en effet,
l’acception formelle est toujours préférée aux autres, si elle est en mesure
d'apporter la solution. |
<6> Scito igitur quod, cum uniformitas sit species unitatis (dicit enim unitatem contractam ad formam : rem enim uniformem synonyme dicimus rem unius formae), addere unitatem ad uniformitatem est nugatio ; sicut addere animal homini. Unde in I Sent. [loc. cit.] non dicitur quod « uniformitas actus ut una », sed, « permanentia actus ut una ». Ac per hoc, dicere aeternitatem esse uniformitatem, et dicere esse unitatem, non differunt, nisi quia specialius, perfectius atque melius dicitur uniformitas ; sicut universaliter melius explicat naturam rei genus proximum quam remotum. Et propterea merito in hac littera, postremo edita, melior declaratio posita est. Consistit igitur aeternitatis ratio in ratione uniformitatis, ut uniformitas rationem mensurae habet. — Patet autem hanc esse mentem litterae, ex eo quod expresse apprehensio (idest ratio) uniformitatis proportionaliter apponitur contra numerationem prioris et posterioris motus. |
<6> En conséquence
sache que, partant du fait que l’uniformité soit l’espèce de l'unité (il dit
en effet que l'unité se contracte dans la forme : nous appelons donc
équivalemment une chose uniforme une chose pourvue d’une seule forme),
ajouter une unité à l’uniformité est une bévue ; tout comme l’ajout de
l'animalité à l'humanité. C’est pourquoi il n’est pas dit dans le commentaire
du premier livre des Sentences [loc. cit.] que « l’uniformité
est l'acte en tant qu’unité », mais, « la permanence de l’acte en tant
qu’unité » [cf. loc. cit.,
corp., in fine]. Aussi, dire que l’éternité est uniformité, et ou
unité, ne diffère pas, si ce n'est que l’uniformité est dite plus
spécifiquement, plus parfaitement et mieux ; de même, universellement, elle
explique mieux la nature d’une chose dans son genre prochain que par
l'éloignement. Et c’est pourquoi, derechef et à juste titre dans le texte,
une explication préférable est avancée. La notion d’éternité consiste donc
dans la notion d’uniformité, en tant que l'uniformité a
raison de mesure. — Il est clair, cependant, que c’est le sens du texte, de
ce que l’appréhension (c’est-à-dire la raison) de l’uniformité se rapporte en
proportion à la numération du mouvement antérieur et postérieur. |
<7> V. Rationes autem Aureoli facile solvuntur. Consistunt enim in his duobus punctis. Primum est. Uniformitas est ipsa immutabilitas, et consequenter est quod mensuratur aeternitate : ergo non est formaliter aeternitas. Tenet consequentia : quia aliud attributum est immutabilitas, et aliud aeternitas. Antecedens probatur : quia uniformitas opponitur motui quoad eius varietatem ; ergo. — Secundum est. Tempus non est formaliter difformitas motus : ergo aeternitas non est formaliter uniformitas eius quod est extra motum. Et tenet sequela ex progressu huius litterae. |
<7> V. De là les arguments de <Pierre> Auriol trouvent
aisément leurs solutions. Ils
se réduisent en effet en ces deux points. Le premier. L’uniformité est
l'immuabilité même, et conséquemment elle se mesure par l’éternité : elle
n’est donc pas formellement l’éternité. La conséquence se tire : parce que
l’immuabilité est un attribut, et l’éternité en est un autre. L’antécédent
est prouvé : parce que l’uniformité s’oppose au mouvement dans sa variété ;
donc <etc.>. Le second. Le temps n’est pas formellement une
difformité du mouvement : donc l’éternité n’est pas formellement l’uniformité
de ce qui est au dehors du mouvement. Et l’enchaînement se tire de ce
qu'affirme la suite du texte. |
<8> Ad haec siquidem respondetur, ostendendo quomodo se habeat uniformitas ad immutabilitatem. Res enim, ut in praemissa patuit quaestione [art. II], dicitur et est immutabilis, per negationem potentiae quomodolibet ad aliter se habere : et ex hoc innascitur in se negatio omnis successionis, et consequenter omnis numeri prioris et posterioris. Hoc autem, adiuncta ratione mensurae, est esse uniforme. Uniformitas enim nihil aliud quam unum (cui primo ratio mensurae convenit, ut dicitur X Metaphys. [c. II]) in forma, universalissime accipiendo formam, ponit. Et propterea uniformitatis nomine utimur etiam in motu, sicut etiam unitas omnia circuit. Et hinc provenit quod uniformitas est multiplex, iuxta res quibus applicatur, sicut et unitas alia est enim uniformitas motus, alia rei permanentis, alia mensurati, alia mensurae. Et tamen arguens utitur uniformitatis vocabulo ac si esset univocum, contra Aristotelis doctrinam, IV Metaphys. [c. III]. |
<8> À cela il est
donc répondu, en montrant de quelle façon l’uniformité se rapporte à
l’immuabilité. Une chose en effet, comme on l’a vu clairement dans la
question précédente [art. II], est immuable et est dite <telle>, par la
négation de sa puissance à être, de quelque façon que ce soit, autrement : et
de là son irréductibilité dans la négation de toute succession, et
conséquemment de toute numération d'antérieurs et postérieurs. Celle-ci
cependant, jointe à la notion de mesure, doit être uniforme. Car l’uniformité
n’est rien d’autre qu'être un (à laquelle convient la notion première
de mesure, comme il est dit au dixième livre de la Métaphysique [c.
II]) dans la forme, recevant la forme dans le sens le plus universel.
Et c'est pourquoi le nom d’uniformité est également usité quant au mouvement,
tout comme l’unité englobe le tout. De là vient que l’uniformité est
multiple, selon les éléments auxquels elle s’applique, comme l’unité est
différente, tout comme autre est l'uniformité du mouvement, et autre
<celle de> la permanence des choses, autre <celle> pour les
éléments mesurés, autre <celle> pour la mesure elle-même. Et pourtant,
l’argument use du terme d’uniformité comme s’il était univoque, contre la
doctrine d’Aristote dans le quatrième livre de la Métaphysique [c.
III]. |
<9> Formaliter ergo ad rationes Aureoli, negatur quod uniformitas sit formaliter immutabihtas : imo est ut eius passio. Et similiter negatur quod sit quod mensuratur : imo est mensura. Ad probationem vero, dicitur quod varietati motus opponitur uniformitas, non absolute, sed motus, eo modo quo primum motum uniformem dicimus. Sed non de tali est hic sermo : sed de uniformitate ut mensura est immutabilitatis. — Ad secundum vero, negatur sequela : quoniam difformitas motus et uniformitas immobilis non proportionaliter se habent ad rationem temporis et aeternitatis. Quia ad rationem aeternitatis sat est unitas formae immutabilis ad rationem vero temporis, non sat est diversitas formae motus, sed exigitur quod sit diversitas talis formae, scilicet prioris a posteriori ut sic. Et ideo, cum difformitas motus non dicat nisi diversam formam motus, non ponit numerum talis formae motus secundum prioritatem et posterioritatem ; et consequenter non sufficit ad temporis rationem. Uniformitas autem rei immobilis, quia ponit unitatem omnis formae, idest conditionis rei immutabilis, omnia complectitur constituentia aeternitatem formaliter. |
<9> Formellement
donc, quant aux arguments de <Pierre> Auriol, nous nions que
l’uniformité soit formellement l'immuabilité : elle est plutôt comme sa
passion. Et de même, il est nié qu'elle soit ce qui est mesuré : c’est plutôt
la mesure <même>. Pour ce qui est de la preuve, nous disons que
l’uniformité s’oppose à la variété du mouvement, non pas absolument, mais du
mouvement, en ce mode que nous disons premier mouvement uniforme. Mais là
n'est pas la question : il s’agit plutôt de l’uniformité comme mesure de
l’immuabilité. — En second lieu, l’enchaînement est nié : parce que la
difformité du mouvement et l’uniformité de l’immobile sont sans commune
mesure quant au rapport du temps et de l’éternité. Parce que touchant la
notion d’éternité, l’unité de la forme immuable est suffisante, et touchant
la notion de temps, la diversité de la forme du mouvement n’est pas
suffisante, mais elle requiert la diversité de telle forme,
c’est-à-dire l'antérieure et la postérieure en tant que telle. Et donc,
puisque la difformité du mouvement n'apporte rien si ce n'est la diversité de
forme du mouvement, elles ne pose donc pas le nombre
de telles formes de mouvement selon l'antériorité et la postériorité ; et
conséquemment, elle ne suffit pas pour la notion de temps. Cependant,
l’uniformité de la chose immobile, parce qu’elle pose l’unité de toute forme,
c’est-à-dire la condition de la chose immuable, intègre formellement tout ce
qui constitue l’éternité. |
<10> VI. Quoad tertium [cf. § I.] : Res omnino immutabilis caret principio et fine. — Probatur : quia caret successione. Declaratur : quia mensuratum tempore habet principium et finem in tempore, ex eo quod omne motum habet principium et finem. |
<10> VI. Quant
au troisième point [cf. § I.] : Toute chose immuable est complètement
dépourvue de commencement et de fin. — C’est prouvé : parce qu’il n'y a pas
de succession. C'est avancé : que ce qui est mesure du temps est pourvu d'un
début et d'une fin dans le temps, de ce que tout mouvement a un début et une
fin. |
<11> VII. Adverte hic breviter, quia haec ex IV Physic. sumpta sunt, quod directe sermo praesens est de principio et fine durationis, excepta ultima propositione, in qua probatur mensuratum tempore habere terminos durationis ex terminis subiecti motus. Non enim loquitur de terminis durationis subiecti, cum possit mobile, puta caelum, poni aeternum : sed de terminis magnitudinis subiecti. Et intendit quod, quia omne mobile ab aliquo in se termino incipit moveri, et usque ad alium in se terminum movetur, ideo omne mensuratum tempore habet principium et finem durationis. Et est optima ratio a priori : eo quod prius et posterius in motu et tempore, ex priori et posteriori magnitudinis mobilis et spatii sunt, ut patet in IV [c. IX, n. 3, 4] et VI Physic. [c. I, IV]. Alium autem dixi terminum a quo et ad quem, sive formaliter et materialiter, ut in motu recto ; sive formaliter tantum, ut in motu circulari. Nec obstat si caelum ponatur semper ab aeterno motum : quia, ut in II Caeli [c. II, n. 7] dicitur, sat est quod incoeperit virtualiter, idest habeat in se unde, si incoepisset, inchoatus esset eius motus, puta punctum Arietis. |
<11> VII. Considère brièvement ici, ce qui est dit clairement dans la quatrième livre de la Physique touchant le début et la fin de la durée, à l’exception de la proposition finale, en laquelle il est prouvé que le temps est mesuré dans les limites du sujet en mouvement. Il ne parle assurément pas des bornes de la durée du sujet, puisqu’un mobile, par exemple le ciel, peut être considéré comme éternel : mais des limites de l'amplitude du sujet. Et il montre que, du fait que tout mobile commence à se mouvoir partant d’une limite intrinsèque, et jusqu'au terme d'une autre limite intrinsèque, tout élément temporellement mesuré a un début et une fin durative. Et c’est là la meilleure argumentation a priori : en ce que l’antérieur et le postérieur en mouvement et dans le temps correspondent à l'amplitude a priori et a posteriori du mobile et de l’espace, comme c'est manifeste dans le quatrième [c. IX, n. 3, 4] et le sixième livre [c. I, IV] de la Physique. J’ai encore posé le terminus a quo et le terminus ad quem, ou formellement et matériellement, comme dans le mouvement droit ; ou seulement formellement, comme dans le mouvement circulaire. Il n'y a pas davantage d'empêchement si l’on suppose que les cieux sont éternellement en mouvement : car, comme il est dit dans le deuxième livre <du traité> Du Ciel [c. II, n. 7], il suffit qu’il y ait virtuellement un commencement, c'est-à-dire qu'il ait en lui-même un point d'où, s'il avait commencé, son mouvement aurait commencé, par exemple le point du Bélier. |
<12> VIII. Quoad quartum [cf. § I.], conclusio responsiva elicitive ponitur affirmative, scilicet : Definitio illa est conveniens. — Probatur : quia notificat aeternitatem ex duobus : scilicet ex proprio mensurato, in ly interminabilis vitae ; et ex propria quidditate, in ly tota simul existens. |
<12> VIII. Quant au quatrième
point [cf. § I.], la conclusion trouve sa réponse dans l'affirmative, à
savoir : Cette définition convient. — C'est prouvé : parce qu’elle cerne
l’éternité par ses deux cotés : à savoir sous sa propre mensuration, dans son
interminable vie ; et de sa quiddité propre, en sa totale et
simultanée existence. |
<13> IX. Adverte hic quod, quia definitio processu compositivo investigatur ministrante divisione, idcirco in littera distinxit, ex parte mensurae, mensuram durationis in mensuram per modum numeri successivi, et per modum unitatis immobilis : et exclusa prima, quia tempus est, secundam intulit. Ex parte vero mensurati, distinxit mensuratum in terminatum principio et fine, et in interminatum utrinque et excluso primo, quia temporale est, intulit secundum. Cumque haec in aeternitatis definitione adducta ponantur, conveniens conclusa est. — Nec officit quod omissum est ly perfecta. Tum quia implicite tactum est, ponendo uniformitatem immobilis omnino : talis enim non est uniformitas ipsius nunc temporis, cum non sit extra motum. Tum quia in responsione ad quintum erat hoc explicandum. |
<13> IX. Considère ici
que, parce que la définition est étudiée au travers du processus de
composition divisant, pour cette raison le texte distingue, partant de la
mesure, la mesure de la durée comme mesure à la manière des nombres successifs,
et par le moyen d’une unité immobile : et en excluant la première, laquelle
est le temps, il a introduit le second. Quant à la partie mesurée, il cerne
la mesure dans le terme du commencement et de la fin, et dans l’indéfinité de
part et d'autre en excluant la première, parce qu’elle est temporelle, il a
introduit la seconde. Et quand on harmonise tout cela dans la définition de
l’éternité, une conclusion convenable est établie. — Il n'y a aucun dommage à
omettre ladite perfection. D'une part, parce qu'il était implicitement
évoqué, en posant l'uniformité de tout élément immobile : telle n'est en
effet pas l'uniformité du temps présent lui-même, puisqu'il n'est pas hors du
mouvement. D'autre part parce que cela devait être expliqué dans la réponse
au cinquième point. |
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Article 2 : DIEU EST-IL
ETERNEL ?
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<1> I. Titulus clarus. — In corpore duo. Primo, directe respondet quaesito affirmative : Deus est maxime aeternus. Probatur. Deus est maxime immutabilis : ergo est maxime aeternus. — Probatur sequela : quia aeternitas consequitur immutabilitatem, sicut tempus motum. |
<1> I. Le titre <de
l'article> est clair. — Il y a deux chose dans le
corps <de l'article>. Premièrement, il répond directement par
l’affirmative à la question : Dieu est éternel au plus haut point. C’est
prouvé. Dieu est immuable au plus haut point : il est donc éternel au plus
haut point. — L’enchaînement est prouvé : parce que l’éternité est
exigée par l’immuabilité, comme le temps pour le mouvement. |
<2> II. Secundo, assignatur modus quo est aeternus, ponendo aliam conclusionem, scilicet : Deus est sua aeternitas. Hoc enim est dicere quod non est aeternus denominative, sed essentialiter. — Hanc autem conclusionem primo ostendit claudere in se quandam singularem Dei excellentiam ; secundo, probat ; tertio, declarat. |
<2> II. Deuxièmement,
lui est assigné un mode d'éternité, posant <par là> une autre
conclusion, à savoir : Dieu est son éternité. C'est là dire qu'il n'est pas
éternel par dénomination, mais essentiellement. — Cette conclusion montre
premièrement qu’elle renferme en elle-même une certaine excellence singulière
de Dieu ; deuxièmement, elle <le> prouve ; troisièmement, elle
<le> déclare. |
<3> Cum enim aeternitas species sit durationis, dicendo quod Deus est sua aeternitas, dicitur quoque quod est sua duratio. Hoc autem, idest rem esse suam durationem, singulare est in Deo : nulli siquidem alteri convenire in littera dicitur. |
<3> Puisque
l’éternité est du genre de la durée, en disant que Dieu est son éternité, il
est encore dit qu’il est sa durée. Mais celle-ci, c’est-à-dire sa durée, est
singulière à Dieu : nous disons donc qu’elle ne convient à aucun autre. |
<4> Probatur deinde simul et conclusio et singularitas inclusa in ea. Deus est suum esse uniforme, et nihil aliud a Deo est suum esse : ergo solus est sua duratio, quae aeternitas in eo est. |
<4> Ensuite, il prouve à la fois la conclusion et la singularité qu’elle contient. Dieu est son être uniforme, et rien d’autre que Dieu n’est son être : il est donc lui seul sa durée, qui est l’éternité en lui. |
<5> Declaratur postremo a simili : quia sicut est sua essentia, ita est sua aeternitas. |
<5> Nous posons
donc en définitive son identité : parce que telle est son essence, telle est
son éternité. |
<6> III. Circa vim ac sensum probationis secundae conclusionis, adverte quod res hic sumitur pro re subsistente, cuius tantum est esse, proprie loquendo. Ita quod non intendit littera quod omnis res alia a Deo distinguatur a sua duratione, cum tempus non distinguatur ab ipsa : sed intendit quod nulla res quae est quod est et quod durat, est sua duratio. Vis autem rationis consistit in hoc, quod, cum res, esse et duratio ordine quodam se habeant (quoniam duratio non inest rei nisi mediante esse : non enim res durat nisi ratione sui esse ; quia namque retinet esse, durat res omnis, et non ob aliud ) : cum inquam ita sit consequens est quod, si alterum extremorum non est idem medio, quod nec sit idem reliquo extremo ; magis enim distant extrema inter se, quam a medio. Res autem durans alia a Deo, quae est unum extremum, non est idem quod suum esse, ut supponimus. Ergo nec est idem quod sua duratio, quae extremum alterum est. |
<6> III. Relativement à la validité de la preuve de la
seconde conclusion, considère que la chose est
prise ici pour une réalité subsistante, dont la seule essence, à
proprement parler, est d’être. Ainsi, l’intention du texte n’est pas <de
dire> que toute chose autre que Dieu se distingue par sa durée, puisque le
temps ne s’en distingue pas : mais il entend dire qu’aucune chose qui est ce
qu’elle est et qui est dans la durée, n’est sa durée. La force du
raisonnement consiste en ceci, que, dans les choses, l'être et la durée sont
dans un certain ordre (car la durée n’existe pas sauf comme médiatrice :
une chose en effet ne dure que par la raison de son être ; le fait est
qu'elle conserve l’être, la durée de la chose, et non avec autre) : car
lorsque je dis cela la conséquence en est que, si
l'un des extrêmes n'est pas identique à l'intermédiaire, l'autre extrême n'est pas non plus identique ; en effet, les extrêmes sont
plus éloignés entre eux que du moyen. Mais la chose durative autre que Dieu, qui est un extrême, n’est pas
identique à ce qu'est son être, comme comme il est supposé. Donc il n'est pas
non plus identique à sa durée, qui est l'autre extrémité. |
<7> IV. Circa eandem probationem, dubium ex Aureolo, apud Capreolum, in IX distinctione Primi [contra concl. 2], occurrit. Impugnat siquidem id quod implicite dicitur, quod aeternitas Dei sit formaliter duratio. Quia omnis duratio, alteri comparata, est maior, minor, aut aequalis : aeternitas non est huiusmodi. Probatur : quia non potest intelligi maior, secluso post vel ante plus durare ; ergo omnis duratio maior habet ante vel post ; quod repugnat aeternitati. |
<7> IV. Relativement à la même preuve, un doute surgit de <Pierre> Auriol, suivant <Jean>
Capréolus, dans la neuvième distinction du premier <livre de son
commentaire des Sentences> [contra concl. 2]. Elle s’oppose en effet à ce qui est
implicitement affirmé, <à savoir> que l’éternité de Dieu est
formellement la durée. Parce que toute durée, comparée à une autre, est ou
plus grande, ou plus petite, ou égale : <et> l’éternité n’est pas de
cette sorte. C’est prouvé : parce qu’on ne peut pas entendre qu’elle soit
plus grande, enfermée dans la plus ou moins grande durée ; donc toute durée plus
grande possède de l’avant et de l’après ; ce qui répugne à
l’éternité. |
<8> V. Ad hoc breviter potest dupliciter responderi. Primo, negando minorem. Et ad probationem dicitur, quod durationem maiorem includere prius et post in se, contingit dupliciter, uno modo formaliter, alio modo virtualiter et eminenter, sicut calor est in sole : et quod aeternitas est maior ceteris, et verificatur de ea durare prius vel post tempus aliquod, quia in se illa praehabet eminenter. — Secundo potest responderi, negando maiorem, proprie loquendo. Quoniam comparatio proprie non fit nisi in unius rationis rebus : aeternitas autem est duratio alterius omnino rationis a tempore. Et hoc secundum se loquendo : quamvis, concepta ut coexistens, tempori comparetur etiam a viris illustribus. |
<8> V. A cela nous pouvons brièvement répondre
doublement. Premièrement, en niant la mineure. Et pour la preuve il est dit,
qu’une durée plus grande intègre en elle-même de l'antérieur et du postérieur,
qui s'entendent doublement, d'une part formellement, d’autre part virtuellement et éminemment,
comme la chaleur est dans le soleil : et que l’éternité est plus grande que
ces autres <choses>, et qu’il est vérifié qu’elle perdure avant ou
après un temps quelconque, parce qu’elle les possède éminemment. — Deuxièmement, nous pouvons y répondre, en
niant, à proprement parler, la majeure. Car la comparaison ne se fait proprement que dans les choses d’une
notion unique : mais l’éternité est d'une durée d’une espèce tout autre que
le temps. Et cela parle de lui-même : bien que, considérée comme coexistant,
il soit comparé au temps même par des hommes illustres. |
<9> VI. In responsione ad primum, adverte duo. Primum est quod, sicut punctum motum dicitur causare lineam, et tamen in nullo genere causae causat illam in esse ; et propterea non est causa lineae in esse reali, sed est causa eius in esse cognito, quia facit cognitionem illius in nobis : ita nunc stans dicitur causare aeternitatem, non in esse reali, sed in esse cognito, quia causat rationem illius in nobis. Et quemadmodum impossibile est punctum moveri, et tamen concipimus et dicimus punctum motum, idest si moveretur, causare lineam : ita, dato quod impossibile sit nunc stare, attamen optime dicimus, nunc stans facit aeternitatem, idest, si staret, constitueret aeternitatem. |
<9> VI. En
réponse au premier <point>, considère deux choses. La première
est que, de même qu’il est dit qu’un point du mouvement est cause de la
ligne, il ne cause cependant en aucune façon cette ligne dans l'être ; et
c'est pourquoi, il n’est pas la cause de la ligne dans son existence réelle,
mais plutôt sa cause dans l’être cognitif, puisqu’il en cause la connaissance
en nous : ainsi, l'instant présent, est dit cause de l’éternité, non
pas dans l’existence réelle, mais dans l’existence cognitive, parce qu’il en
génère en nous le concept. Et de même qu’il est impossible au point de se
mouvoir, cependant nous concevons et disons que le point est en mouvement,
c’est-à-dire que s’il était en mouvement, il causerait une ligne : de même,
étant posé qu’il est impossible que le présent s’arrête, nous pouvons
néanmoins dire avec raison que l'instant présent fait l’éternité,
c'est-à-dire que, s'il s’arrête, il crée l’éternité. |
<10> Secundum est, quod hinc patet quam vanus contra nos fuerit labor rationum Aureoli, ubi supra [cf. § I.], ad impugnandum hoc dictum Boetii et s. Thomae, quia nunc non potest concipi ut stans, et ad removendum nunc a Deo. Aequivocat namque de nunc, imo supponit non dari nisi nunc temporis : cum tamen nunc aeternitatis sit alterius rationis a nunc temporis. Et rursus, ut dictum est, ipsum nunc temporis, si staret, aeternitatem constitueret : sicut punctus, si moveretur, lineam faceret. Quare non opus esse censui obiectiones suas adducere : ex his enim facillime solvuntur. |
<10> La deuxième est,
qu'il est de là manifeste que les efforts de <Pierre> Auriol contre
nous ont été vains, comme nous l’avons déjà noté [cf. § I.], pour réfuter les
objecteurs de Boèce et de saint Thomas, parce que le maintenant ne
peut s’entendre statiquement, et de l’éloignement du maintenant à
Dieu. Car il y a équivoque quant à ce maintenant, il suppose en effet
qu’il n’y rien si ce n'est le temps présent : cependant l’éternel
présent est d’une nature différente du temps présent. Et encore,
comme on l’a dit, ce temps présent s'il existait, il constituerait
l’éternité : comme un point, <qui> s’il se mouvait, créerait une
ligne. Je n’ai donc pas jugé opportun de présenter ses objections
supplémentaires, car celles-ci peuvent aisément être solutionnées. |
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Article 3 : EST-IL PROPRE
A DIEU D'ETRE ETERNEL ?
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<1> I. In titulo, proprium distinguitur contra commune. — In corpore duae conclusiones. Prima est : Aeternitas vere et proprie est in solo Deo. Probatur. Solus Deus est omnino immutabilis : ergo solus Deus est vere et proprie aeternus. — Tenet sequela : quia aeternitas immutabilitatem consequitur. |
<1> I. Dans le titre
<de l'article>, en propre est distingué de en commun. —
Dans le corps <de l'article>, il y a deux conclusions. La première est : que l’éternité se trouve
véritablement et proprement en Dieu seul. C’est prouvé. Seul Dieu est
complètement immuable : donc, seul Dieu est véritablement et proprement
éternel. — L’enchaînement se tient : parce que l’immuabilité
implique l’éternité. |
<2> Secunda est : Aeternitas participative invenitur in aliis. Probatur. Immutabilitas participatur quadrupliciter ab aliis ergo aeternitas. — Tenet sequela : quia inquantum aliqua sunt immutabilia, intantum sunt aeterna. Antecedens declaratur secundum quatuor gradus immutabilitatis. Primus est secundum diuturnitatem : et in hoc sunt corruptibilia sed longaeva valde, ut montes et colles. Secundus est secundum perpetuitatem secundum totum : et in hoc sunt elementa corruptibilia secundum partes et non secundum totum : quamvis in littera praepostero ordine numerentur hi gradus. Tertius est secundum incorruptibilitatem substantialem simpliciter : et in hoc sunt caelestia et angeli. Quartus est secundum immutabilitatem operationis eiusdem numero omnino : et in hoc sunt beati ut sic. |
<2> La seconde est : l’Éternité participé se rencontre en d'autres. C’est prouvé. L’immuabilité est quadruplement participative en d'autres, donc <aussi> l’éternité. — L’enchaînement se tient : puisque en ce que certaines choses sont immuables, elles sont par là éternelles. L’antécédent est déclaré selon quatre degrés d’immuabilité. La première est selon la durée : et dans cette optique il y a des choses corruptibles mais d'une longévité considérable, comme les montagnes et les collines. La seconde est selon la perpétuité relativement au tout : et dans cette optique il y a des éléments corruptibles selon les parties et non selon le tout : bien que dans le texte ces degrés interviennent dans un autre ordre. La troisième est selon l’incorruptibilité substantielle au sens propre : et dans cette optique il y a les cieux et des anges. La quatrième est selon l'immutabilité de l'opération du même nombre dans son ensemble : et dans cette optique il y a les bienheureux comme tels. |
<3> II. In responsione ad tertium, si nescis, novitie, quomodo intelligatur quod necessarium significat quendam veritatis modum, memento secundi libri Perihermenias [c. XII], ubi de modalibus agitur ; et videbis necessarium in actu signato modum compositionis, in qua sola est veritas, addere supra propositionem. Et sic intelliges necessarium in actu exercito, cuius argumentum hoc meminit, modum compositionis vere exercere, a quo necessaria dicuntur et principia et conclusiones demonstrationum. |
<3> II. En réponse au
troisième <point>, si vous ne savez pas, novices, comment comprendre que le nécessaire
signifie un certain mode de vérité, rappelez-vous le deuxième livre du traite De l'interprétation
[Περὶ ἑρμηνείας
Peri Hermeneias ; ch. XII], où les modalités sont examinées ; et vous verrez le
nécessaire dans l'acte signifié par mode de composition, en lequel seul il y a la vérité, se surajoutant à la proposition. Et ainsi
vous comprendrez le nécessaire dans l’acte exercé, que l’argumentation
soutient, en un mode de composition vraiment exercé, lequel nécessaire est
dit principe et conclusion des démonstrations. |
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Article 4 : L'ETRENITE
DIFFERE-T-ELLE DU TEMPS ?
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Article 5 : LA
DIFFERENCE ENTRE L'AEVUM ET LE TEMPS
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Article 6 : Y A-T-IL UN
SEUL AEVUM, COMME IL Y A UN SEUL TEMPS ET UNE SEULE ETERNITE ?
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