LES 29 QUESTIONS DISPUTÉES SUR LA VÉRITÉ

EN PRÉSENCE DE MAÎTRE THOMAS D'AQUIN

Docteur de l'Église

(Cette série de questions disputées a été défendue de 1256 à 1259, donc en début de la carrière professorale de saint Thomas)

 

Deuxième édition édition http://docteurangelique.free.fr, août 2012.

Les œuvres complètes de saint Thomas d’Aquin

© et traduction par les moines de l’Abbaye Abbaye sainte Madeleine du Barroux, France. (Complet 24 août 2012)

 

 

PREFACE DU PERE ELDER : 7

Question 1 ─ LA VÉRITÉ 11

Lieux parallèles 12

Article 1 - QU’EST-CE QUE LA VÉRITÉ ? 13

Article 2 - LA VÉRITÉ SE TROUVE-T-ELLE PRINCIPALEMENT DANS L’INTELLIGENCE, PLUTÔT QUE DANS LES RÉALITÉS ? 23

Article 3 - LA VÉRITÉ EST-ELLE SEULEMENT DANS L’INTELLIGENCE QUI COMPOSE ET DIVISE ? 28

Article 4 - Y A-T-IL SEULEMENT UNE VÉRITÉ PAR LAQUELLE TOUTES CHOSES SONT VRAIES ? 31

Article 5 - Y A-T-IL, EN PLUS DE LA VÉRITÉ PREMIÈRE, UNE AUTRE VÉRITÉ ÉTERNELLE ? 40

Article 6 - LA VÉRITÉ CRÉÉE EST-ELLE IMMUABLE ? 56

Article 7 - LA VÉRITÉ SE DIT-ELLE EN DIEU ESSENTIELLEMENT OU PERSONNELLEMENT ? 62

Article 8 - EST-CE DE LA VÉRITÉ PREMIÈRE QUE VIENT TOUTE AUTRE VÉRITÉ ? 65

Article 9 - LA VÉRITÉ EST-ELLE DANS LE SENS ? 72

Article 10 - QUELQUE RÉALITÉ EST-ELLE FAUSSE ? 74

Article 11 - LA FAUSSETÉ EST-ELLE DANS LES SENS ? 82

Article 12 - LA FAUSSETÉ EST-ELLE DANS L’INTELLIGENCE ? 86

Question 2 ─ LA SCIENCE DE DIEU_ 88

LIEUX PARALLÈLES 90

Article 1 - Y A-T-IL SCIENCE EN DIEU ? 91

Article 2 - DIEU SE CONNAÎT-IL, A-T-IL SCIENCE DE LUI-MÊME ? 101

Article 3 - DIEU CONNAÎT-IL D’AUTRES CHOSES QUE LUI-MÊME ? 112

Article 4 - DIEU A-T-IL, DES RÉALITÉS, UNE CONNAISSANCE PROPRE ET DÉTERMINÉE ? 128

Article 5 - DIEU CONNAÎT-IL LES SINGULIERS ? 137

Article 6 - L’INTELLIGENCE HUMAINE CONNAÎT-ELLE LES SINGULIERS ? 150

Article 7 - À CAUSE DE LA POSITION D’AVICENNE DÉJÀ SIGNALÉE, ON SE DEMANDE SI DIEU CONNAÎT L’EXISTENCE OU LA NON- EXISTENCE ACTUELLE DU SINGULIER, CE QUI REVIENT À SE DEMANDER S’IL CONNAÎT LES ÉNONCÉS, ET SURTOUT CEUX QUI CONCERNENT LES SINGULIERS. 155

Article 8 - DIEU CONNAÎT-IL LES NON-ÉTANTS ET LES CHOSES QUI N’EXISTENT PAS NI N’EXISTERONT NI N’ONT EXISTÉ ? 159

Article 9 - DIEU CONNAÎT-IL LES INFINIS ? 163

Article 10 - DIEU PEUT-IL FAIRE DES INFINIS ? A-T-ON DEMANDÉ INCIDEMMENT. 172

Article 11 - LA SCIENCE SE DIT-ELLE DE FAÇON PUREMENT ÉQUIVOQUE DE DIEU ET DE NOUS ? 178

Article 12 - DIEU CONNAÎT-IL LES FUTURS CONTINGENTS SINGULIERS ? 186

Article 13 - LA SCIENCE DE DIEU EST-ELLE VARIABLE ? 199

Article 14 - LA SCIENCE DE DIEU EST-ELLE CAUSE DES RÉALITÉS ? 207

Article 15 - DIEU CONNAÎT-IL LES MAUX ? 213

Question 3 ─ LES IDÉES 217

LIEUX PARALLÈLES 217

Article 1 - FAUT-IL ADMETTRE [EN DIEU] DES IDÉES ? 218

Article 2 - FAUT-IL ADMETTRE UNE PLURALITÉ D’IDÉES ? 229

Article 3 - LES IDÉES SE RAPPORTENT-ELLES À LA CONNAISSANCE SPÉCULATIVE, OU SEULEMENT À LA CONNAISSANCE PRATIQUE ? 238

Article 4 - LE MAL A-T-IL UNE IDÉE EN DIEU ? 247

Article 5 - LA MATIÈRE PRIME A-T-ELLE UNE IDÉE EN DIEU ? 251

Article 6 - Y A-T-IL EN DIEU UNE IDÉE DES CHOSES QUI NI N’EXISTENT, NI N’EXISTERONT, NI N’ONT EXISTÉ ? 254

Article 7 - LES ACCIDENTS ONT-ILS UNE IDÉE EN DIEU ? 256

Article 8 - LES SINGULIERS ONT-ILS UNE IDÉE EN DIEU ? 260

Question 4 ─ LE VERBE 264

LIEUX PARALLÈLES 264

Article 1 - LE NOM DE VERBE SE DIT-IL EN DIEU AU SENS PROPRE ? 265

Article 2 - LE NOM DE VERBE, EN DIEU, SE DIT-IL ESSENTIELLEMENT OU NE SE DIT-IL QUE PERSONNELLEMENT ? 276

Article 3 - LE NOM DE VERBE CONVIENT-IL AU SAINT-ESPRIT ? 284

Article 4 - LE PÈRE DIT-IL LA CRÉATURE PAR LE VERBE PAR LEQUEL IL SE DIT ? 287

Article 5 - LE NOM DE VERBE IMPLIQUE-T-IL UNE RELATION À LA CRÉATURE ? 293

Article 6 - LES RÉALITÉS EXISTENT-ELLES PLUS VÉRITABLEMENT DANS LE VERBE OU EN ELLES-MÊMES ? 300

Article 7 - LE VERBE SE RAPPORTE-T-IL AUX CHOSES QUI NI N’EXISTENT NI N’EXISTERONT NI N’ONT EXISTÉ ? 304

Article 8 - TOUT CE QUI A ÉTÉ FAIT EST-IL VIE DANS LE VERBE ? 306

Question 5 ─ LA PROVIDENCE 310

LIEUX PARALLÈLES 311

Article 1 AUQUEL DES ATTRIBUTS DIVINS LA PROVIDENCE SE RAMÈNE-T-ELLE ? 312

Article 2 - LE MONDE EST-IL GOUVERNÉ PAR LA PROVIDENCE ? 322

Article 3 - LA DIVINE PROVIDENCE S’ÉTEND-ELLE AUX RÉALITÉS CORRUPTIBLES ? 331

Article 4 - TOUS LES MOUVEMENTS ET LES ACTIONS DES CORPS INFÉRIEURS DE CE MONDE SONT-ILS SOUMIS À LA DIVINE PROVIDENCE ? 336

Article 5 - LES ACTES HUMAINS SONT-ILS GOUVERNÉS PAR LA PROVIDENCE ? 344

Article 6 - LES BÊTES ET LEURS ACTES SONT-ILS SOUMIS À LA DIVINE PROVIDENCE ? 349

Article 7 - LES PÉCHEURS SONT-ILS GOUVERNÉS PAR LA DIVINE PROVIDENCE ? 352

Article 8 - LA CRÉATION CORPORELLE EST-ELLE TOUT ENTIÈRE GOUVERNÉE PAR LA DIVINE PROVIDENCE AU MOYEN DE LA CRÉATION ANGÉLIQUE ? 355

Article 9 - LA DIVINE PROVIDENCE DISPOSE-T-ELLE LES CORPS INFÉRIEURS PAR LES CORPS CÉLESTES ? 366

Article 10 - LA DIVINE PROVIDENCE GOUVERNE-T-ELLE LES ACTES HUMAINS AU MOYEN DES CORPS CÉLESTES ? 383

Question 6 ─ LA PRÉDESTINATION_ 390

LIEUX PARALLÈLES 391

Article 1 - LA PRÉDESTINATION APPARTIENT-ELLE À LA SCIENCE OU À LA VOLONTÉ ? 391

Article 2 - LA PRESCIENCE DES MÉRITES EST-ELLE LA CAUSE ET LA RAISON DE LA PRÉDESTINATION ? 402

Article 3 - LA PRÉDESTINATION EST-ELLE CERTAINE ? 413

Article 4 - LE NOMBRE DES PRÉDESTINÉS EST-IL CERTAIN ? 424

Article 5 - LES PRÉDESTINÉS ONT-ILS LA CERTITUDE DE LEUR PRÉDESTINATION ? 433

Article 6 - LA PRÉDESTINATION PEUT-ELLE ÊTRE AIDÉE PAR LES PRIÈRES DES SAINTS ? 435

Question 7 ─ LE LIVRE DE VIE 441

LIEUX PARALLÈLES 442

Article 1 - LE LIVRE DE VIE EST-IL QUELQUE CHOSE DE CRÉÉ ? 442

Article 2 - EN DIEU, L’EXPRESSION « LIVRE DE VIE » SE DIT-ELLE ESSENTIELLEMENT OU PERSONNELLEMENT ? 451

Article 3 - LE LIVRE DE VIE EST-IL APPROPRIÉ AU FILS ? 455

Article 4 - LE LIVRE DE VIE EST-IL LA MÊME CHOSE QUE LA PRÉDESTINATION ? 458

Article 5 - L’EXPRESSION « LIVRE DE VIE » SE RAPPORTE-T-ELLE À LA VIE INCRÉÉE ? 460

Article 6 - L’EXPRESSION « LIVRE DE VIE » SE RAPPORTE-T-ELLE À LA VIE NATURELLE DANS LES CRÉATURES ? 464

Article 7 - L’EXPRESSION « LIVRE DE VIE », AU SENS ABSOLU, SE RAPPORTE-T-ELLE À LA VIE DE LA GRÂCE ? 467

Article 8 - PEUT-ON PARLER DE LIVRE DE MORT COMME ON PARLE DU LIVRE DE VIE ? 470

Question 8 ─ LA CONNAISSANCE DES ANGES 473

LIEUX PARALLÈLES 475

Article 1 - LES ANGES VOIENT-ILS DIEU DANS SON ESSENCE ? 476

Article 2 - L’INTELLIGENCE DE L’ANGE OU DE L’HOMME BIENHEUREUX COMPREND-ELLE L’ESSENCE DIVINE ? 487

Article 3 - L’ANGE A-T-IL PU, PAR SES PROPRES FACULTÉS NATURELLES, PARVENIR À LA VISION DE DIEU DANS SON ESSENCE ? 493

Article 4 - L’ANGE QUI VOIT DIEU DANS SON ESSENCE CONNAÎT-IL TOUTES CHOSES ? 506

Article 5 - LA VISION DES RÉALITÉS DANS LE VERBE A-T-ELLE LIEU PAR DES RESSEMBLANCES DE CELLES-CI EXISTANT DANS L’INTELLIGENCE ANGÉLIQUE ? 521

Article 6 - L’ANGE SE CONNAÎT-IL LUI-MÊME ? 526

Article 7 - UN ANGE CONNAÎT-IL UN AUTRE ANGE ? 533

Article 8 - L’ANGE CONNAÎT-IL LES RÉALITÉS MATÉRIELLES PAR DES FORMES, OU PAR SON ESSENCE DE CONNAISSANT ? 546

Article 9 - LES FORMES PAR LESQUELLES LES ANGES CONNAISSENT LES RÉALITÉS MATÉRIELLES SONT-ELLES INNÉES OU REÇUES DES RÉALITÉS ? 553

Article 10 - LES ANGES SUPÉRIEURS, COMPARÉS AUX INFÉRIEURS, CONNAISSENT-ILS PAR DES FORMES PLUS UNIVERSELLES ? 562

Article 11 - L’ANGE CONNAÎT-IL LES SINGULIERS ? 566

Article 12 - LES ANGES CONNAISSENT-ILS LES FUTURS ? 576

Article 13 - LES ANGES PEUVENT-ILS SAVOIR LES SECRETS DES CŒURS ? 583

Article 14 - LES ANGES CONNAISSENT-ILS PLUSIEURS CHOSES EN MÊME TEMPS ? 588

Article 15 - LES ANGES CONNAISSENT-ILS LES RÉALITÉS EN PROCÉDANT DISCURSIVEMENT D’UNE CHOSE À L’AUTRE ? 600

Article 16 - DOIT-ON DISTINGUER DANS LES ANGES LES CONNAISSANCES MATINALE ET VESPÉRALE ? 609

Article 17 - LA CONNAISSANCE ANGÉLIQUE EST-ELLE ADÉQUATEMENT DIVISÉE EN MATINALE ET VESPÉRALE ? 618

Question 9 ─ LA COMMUNICATION DE LA SCIENCE DES ANGES 622

LIEUX PARALLÈLES 623

Article 1 - UN ANGE EN ÉCLAIRE-T-IL UN AUTRE ? 624

Article 2 - UN ANGE INFÉRIEUR EST-IL TOUJOURS ÉCLAIRÉ PAR UN SUPÉRIEUR, OU PARFOIS IMMÉDIATEMENT PAR DIEU ? 636

Article 3 - LORSQU’UN ANGE EN ÉCLAIRE UN AUTRE, LE PURIFIE-T-IL ? 640

Article 4 - UN ANGE PARLE-T-IL À UN AUTRE ANGE ? 645

Article 5 - LES ANGES INFÉRIEURS PARLENT-ILS AUX SUPÉRIEURS ? 655

Article 6 - UNE DISTANCE LOCALE DÉTERMINÉE EST-ELLE REQUISE POUR QU’UN ANGE PARLE À UN AUTRE ANGE ? 659

Article 7 - UN ANGE PEUT-IL PARLER À UN AUTRE ANGE DE TELLE FAÇON QUE LES AUTRES NE PERÇOIVENT PAS SA PAROLE ? 662

Question 10 ─ L’ESPRIT 664

LIEUX PARALLÈLES 666

Article 1 - L’ESPRIT (MENS), EN TANT QU’ON Y RECONNAÎT L’IMAGE DE LA TRINITÉ, EST-IL L’ESSENCE DE L’ÂME OU QUELQUE PUISSANCE DE L’ÂME ? 667

Article 2 - LA MÉMOIRE EST-ELLE DANS L’ESPRIT ? 676

Article 3 - LA MÉMOIRE SE DISTINGUE-T-ELLE DE L’INTELLIGENCE COMME UNE PUISSANCE SE DISTINGUE D’UNE AUTRE ? 684

Article 4 - L’ESPRIT CONNAÎT-IL LES RÉALITÉS MATÉRIELLES ? 690

Article 5 - NOTRE ESPRIT PEUT-IL CONNAÎTRE LES CHOSES MATÉRIELLES SINGULIÈREMENT ? 696

Article 6 - L’ESPRIT HUMAIN REÇOIT-IL UNE CONNAISSANCE ISSUE DES CHOSES SENSIBLES ? 700

Article 7 - L’IMAGE DE LA TRINITÉ EST-ELLE DANS L’ESPRIT EN TANT QU’IL CONNAÎT LES CHOSES MATÉRIELLES, OU SEULEMENT EN TANT QU’IL CONNAÎT LES ÉTERNELLES ? 710

Article 8 - L’ESPRIT SE CONNAÎT-IL LUI-MÊME PAR SON ESSENCE OU PAR UNE ESPÈCE ? 719

Article 9 - EST-CE PAR LEUR ESSENCE OU PAR UNE RESSEMBLANCE QUE NOTRE ESPRIT CONNAÎT LES HABITUS EXISTANT DANS L’ÂME ? 736

Article 10 - QUELQU’UN PEUT-IL SAVOIR QU’IL A LA CHARITÉ ? 749

Article 11 - L’ESPRIT, DANS L’ÉTAT DE VOIE, PEUT-IL VOIR DIEU DANS SON ESSENCE ? 754

Article 12 - L’EXISTENCE DE DIEU EST-ELLE ÉVIDENTE PAR ELLE-MÊME POUR L’ESPRIT HUMAIN, COMME LES PREMIERS PRINCIPES DE LA DÉMONSTRATION, DONT L’ESPRIT HUMAIN NE PEUT PENSER LE NON-ÊTRE ? 765

Article 13 - LA TRINITÉ DES PERSONNES PEUT-ELLE ÊTRE CONNUE PAR LA RAISON NATURELLE ? 776

Question 11 ─ LE MAÎTRE 782

LIEUX PARALLÈLES 783

Article 1 - ENSEIGNER ET ÊTRE APPELÉ MAÎTRE, EST-CE POSSIBLE À L’HOMME OU À DIEU SEUL ? 783

Article 2 - QUELQU’UN PEUT-IL ÊTRE APPELÉ SON PROPRE MAÎTRE ? 800

Article 3 - UN HOMME PEUT-IL ÊTRE ENSEIGNÉ PAR UN ANGE ? 804

Article 4 - ENSEIGNER EST-IL UN ACTE DE LA VIE ACTIVE OU DE LA VIE CONTEMPLATIVE ? 817

Question 12 ─ LA PROPHÉTIE 820

LIEUX PARALLÈLES 822

Article 1 - LA PROPHÉTIE EST-ELLE UN HABITUS OU UN ACTE ? 823

Article 2 - LA PROPHÉTIE PORTE-T-ELLE SUR LES CONCLUSIONS DES SCIENCES ? 835

Article 3 - LA PROPHÉTIE EST-ELLE NATURELLE ? 840

Article 4 - POUR POSSÉDER LA PROPHÉTIE, UNE DISPOSITION NATURELLE EST-ELLE REQUISE ? 857

Article 5 - LA PROPHÉTIE REQUIERT-ELLE QUE L’ON AIT DE BONNES MŒURS ? 862

Article 6 - LES PROPHÈTES VOIENT-ILS DANS LE MIROIR DE L’ÉTERNITÉ ? 868

Article 7 - DANS LA RÉVÉLATION PROPHÉTIQUE, DIEU IMPRIME-T-IL DANS L’ESPRIT DU PROPHÈTE DE NOUVELLES ESPÈCES DES RÉALITÉS, OU SEULEMENT UNE LUMIÈRE INTELLECTUELLE ? 879

Article 8 - TOUTE RÉVÉLATION PROPHÉTIQUE SE FAIT-ELLE PAR L’INTERMÉDIAIRE D’UN ANGE ? 887

Article 9 - LE PROPHÈTE EST-IL TOUJOURS ÉLOIGNÉ DE SES SENS LORSQU’IL EST TOUCHÉ PAR L’ESPRIT DE PROPHÉTIE ? 891

Article 10 - LA PROPHÉTIE EST-ELLE CONVENABLEMENT DIVISÉE EN PROPHÉTIE DE PRÉDESTINATION, DE PRESCIENCE ET DE MENACE ? 897

Article 11 - TROUVE-T-ON DANS LA PROPHÉTIE UNE VÉRITÉ IMMUABLE ? 908

Article 12 - LA PROPHÉTIE QUI A LIEU SEULEMENT PAR UNE VISION INTELLECTUELLE EST-ELLE PLUS ÉMINENTE QUE CELLE QUI COMPORTE UNE VISION INTELLECTUELLE EN MÊME TEMPS QU’UNE VISION IMAGINAIRE ? 914

Article 13 - DISTINGUE-T-ON LES DEGRÉS DE PROPHÉTIE PAR LA VISION IMAGINAIRE ? 925

Article 14 - MOÏSE FUT-IL PLUS ÉMINENT QUE LES AUTRES PROPHÈTES ? 933

Question 13 ─ LE RAVISSEMENT 937

LIEUX PARALLÈLES 938

Article 1 - QU’EST-CE QUE LE RAVISSEMENT ? 938

Article 2 - SAINT PAUL, DANS SON RAVISSEMENT, A-T-IL VU DIEU DANS SON ESSENCE ? 947

Article 3 - L’INTELLIGENCE D’UN VOYAGEUR PEUT-ELLE ÊTRE ÉLEVÉE À LA VISION DE DIEU DANS SON ESSENCE SANS ÊTRE ABSTRAITE DES SENS ? 954

Article 4 - QUELLE ABSTRACTION EST REQUISE POUR QUE L’INTELLIGENCE PUISSE VOIR DIEU DANS SON ESSENCE ? 965

Article 5 - QU’EST-CE QUE L’APÔTRE A SU DE SON RAVISSEMENT, ET QU’EST-CE QU’IL N’A PAS SU ? 972

Question 14 ─ LA FOI 978

LIEUX PARALLÈLES 979

Article 1 - QU’EST-CE QUE CROIRE ? 980

Article 2 - QU’EST-CE QUE LA FOI ? 988

Article 3 - LA FOI EST-ELLE UNE VERTU ? 1001

Article 4 - EN QUOI LA FOI SE TROUVE-T-ELLE COMME DANS UN SUJET ? 1009

Article 5 - LA FORME DE LA FOI EST-ELLE LA CHARITÉ ? 1015

Article 6 - LA FOI INFORME EST-ELLE UNE VERTU ? 1024

Article 7 - LA FOI INFORME ET LA FOI FORMÉE SONT-ELLES UN MÊME HABITUS ? 1027

Article 8 - L’OBJET PROPRE DE LA FOI EST-IL LA VÉRITÉ PREMIÈRE ? 1032

Article 9 - LA FOI PEUT-ELLE PORTER SUR DES CHOSES QUE L’ON SAIT ? 1041

Article 10 - EST-IL NÉCESSAIRE À L’HOMME D’AVOIR LA FOI ? 1048

Article 11 - EST-IL NÉCESSAIRE DE CROIRE EXPLICITEMENT ? 1057

Article 12 - LA FOI DES MODERNES EST-ELLE IDENTIQUE À CELLE DES ANCIENS ? 1066

Question 15 ─ RAISON SUPÉRIEURE ET RAISON INFÉRIEURE 1068

LIEUX PARALLÈLES 1069

Article 1 - L’INTELLIGENCE ET LA RAISON SONT-ELLES EN L’HOMME DES PUISSANCES DIFFÉRENTES ? 1069

Article 2 - LA RAISON SUPÉRIEURE ET LA RAISON INFÉRIEURE SONT-ELLES DES PUISSANCES DIFFÉRENTES ? 1086

Article 3 - LE PÉCHÉ PEUT-IL EXISTER DANS LA RAISON SUPÉRIEURE OU INFÉRIEURE ? 1101

Article 4 - LA DÉLECTATION MOROSE, QUI A LIEU DANS LA RAISON INFÉRIEURE PAR UN CONSENTEMENT À LA DÉLECTATION SANS CONSENTEMENT À L’ACTE, EST-ELLE UN PÉCHÉ MORTEL ? 1107

Article 5 - LE PÉCHÉ VÉNIEL PEUT-IL EXISTER DANS LA RAISON SUPÉRIEURE ? 1119

Question 16 ─ LA SYNDÉRÈSE 1122

LIEUX PARALLÈLES 1122

Article 1 - LA SYNDÉRÈSE EST-ELLE UNE PUISSANCE OU UN HABITUS ? 1123

Article 2 - LA SYNDÉRÈSE PEUT-ELLE PÉCHER ? 1135

Article 3 - LA SYNDÉRÈSE S’ÉTEINT-ELLE EN QUELQUES-UNS ? 1140

Question 17 ─ LA CONSCIENCE 1144

LIEUX PARALLÈLES 1145

Article 1 - LA CONSCIENCE EST-ELLE UNE PUISSANCE, UN HABITUS OU UN ACTE ? 1145

Article 2 - LA CONSCIENCE PEUT-ELLE SE TROMPER ? 1158

Article 3 - LA CONSCIENCE OBLIGE-T-ELLE ? 1164

Article 4 - LA CONSCIENCE ERRONÉE OBLIGE-T-ELLE ? 1168

Article 5 - LA CONSCIENCE ERRONÉE, EN MATIÈRE INDIFFÉRENTE, OBLIGE-T-ELLE PLUS OU MOINS QU’UN COMMANDEMENT DU PRÉLAT ? 1176

Question 18 ─ LA CONNAISSANCE DU PREMIER HOMME DANS L’ÉTAT D’INNOCENCE 1180

LIEUX PARALLÈLES 1181

Article 1 - L’HOMME DANS L’ÉTAT D’INNOCENCE A-T-IL CONNU DIEU DANS SON ESSENCE ? 1182

Article 2 - L’HOMME DANS L’ÉTAT D’INNOCENCE A-T-IL VU DIEU À TRAVERS LES CRÉATURES ? 1194

Article 3 ADAM, DANS L’ÉTAT D’INNOCENCE, A-T-IL EU UNE FOI PORTANT SUR DIEU ? 1200

Article 4 ADAM, DANS L’ÉTAT D’INNOCENCE, A-T-IL EU CONNAISSANCE DE TOUTES LES CRÉATURES ? 1203

Article 5 ADAM, DANS L’ÉTAT D’INNOCENCE, A-T-IL VU LES ANGES DANS LEUR ESSENCE ? 1215

Article 6 ADAM, DANS L’ÉTAT D’INNOCENCE, A-T-IL PU SE TROMPER OU ÊTRE TROMPÉ ? 1226

Article 7 - LES ENFANTS QUI SERAIENT NÉS D’ADAM DANS L’ÉTAT D’INNOCENCE AURAIENT-ILS EU LA PLEINE SCIENCE DE TOUTES CHOSES, TOUT COMME L’A EUE ADAM ? 1237

Article 8 - LES ENFANTS NOUVEAU-NÉS DANS L’ÉTAT D’INNOCENCE AURAIENT-ILS EU PLEINEMENT L’USAGE DE LA RAISON ? 1243

Question 19 ─ LA CONNAISSANCE DE L’ÂME APRÈS LA MORT 1249

LIEUX PARALLÈLES 1249

Article 1 - L’ÂME, APRÈS LA MORT, PEUT-ELLE PENSER ? 1250

Article 2 - L’ÂME SÉPARÉE CONNAÎT-ELLE LES SINGULIERS ? 1265

Question 20 ─ LA SCIENCE DE L’ÂME DU CHRIST 1269

LIEUX PARALLÈLES 1270

Article 1 - FAUT-IL ADMETTRE DANS LE CHRIST UNE SCIENCE CRÉÉE ? 1270

Article 2 - L’ÂME DU CHRIST VOIT-ELLE LE VERBE PAR QUELQUE HABITUS ? 1277

Article 3 - LE CHRIST A-T-IL UNE AUTRE SCIENCE DES RÉALITÉS QUE CELLE PAR LAQUELLE IL LES CONNAÎT DANS LE VERBE ? 1284

Article 4 - L’ÂME DU CHRIST CONNAÎT-ELLE DANS LE VERBE TOUT CE QUE LE VERBE SAIT ? 1289

Article 5 - L’ÂME DU CHRIST SAIT-ELLE TOUT CE QUE DIEU PEUT FAIRE ? 1302

Article 6 - L’ÂME DU CHRIST CONNAÎT-ELLE TOUTES CHOSES DE CETTE CONNAISSANCE QUI LUI FAIT CONNAÎTRE LES RÉALITÉS DANS LEUR NATURE PROPRE ? 1309

Question 21 ─ LE BIEN_ 1312

LIEUX PARALLÈLES 1313

Article 1 - LE BIEN AJOUTE-T-IL QUELQUE CHOSE À L’ÉTANT ? 1313

Article 2 - L’ÉTANT ET LE BIEN SONT-ILS CONVERTIBLES QUANT AUX SUPPÔTS ? 1323

Article 3 - LE BIEN, DANS SA NOTION, EST-IL ANTÉRIEUR AU VRAI ? 1329

Article 4 - TOUTES CHOSES SONT-ELLES BONNES PAR LA BONTÉ PREMIÈRE ? 1333

Article 5 - LE BIEN CRÉÉ EST-IL BON PAR SON ESSENCE ? 1344

Article 6 - LE BIEN DE LA CRÉATURE CONSISTE-T-IL EN UN MODE, UNE ESPÈCE ET UN ORDRE, COMME DIT SAINT AUGUSTIN ? 1351

Question 22 ─ L’APPÉTIT DU BIEN LA VOLONTÉ 1359

LIEUX PARALLÈLES 1360

Article 1 - TOUTE CHOSE RECHERCHE-T-ELLE LE BIEN ? 1361

Article 2 - TOUTE CHOSE RECHERCHE-T-ELLE DIEU MÊME ? 1372

Article 3 - L’APPÉTIT EST-IL UNE CERTAINE PUISSANCE SPÉCIALE DE L’ÂME ? 1376

Article 4 - DANS LES ÊTRES RAISONNABLES, LA VOLONTÉ EST-ELLE UNE AUTRE PUISSANCE S’AJOUTANT À L’APPÉTITIVE DE LA PARTIE SENSITIVE ? 1381

Article 5 - LA VOLONTÉ VEUT-ELLE QUELQUE CHOSE PAR NÉCESSITÉ ? 1386

Article 6 - LA VOLONTÉ VEUT-ELLE PAR NÉCESSITÉ TOUT CE QU’ELLE VEUT ? 1397

Article 7 - CE QUE L’ON VEUT PAR NÉCESSITÉ, MÉRITE-T-ON EN LE VOULANT ? 1404

Article 8 - DIEU PEUT-IL CONTRAINDRE LA VOLONTÉ ? 1406

Article 9 - UNE CRÉATURE PEUT-ELLE FAIRE CHANGER LA VOLONTÉ, OU LAISSER EN ELLE UNE IMPRESSION ? 1410

Article 10 - LA VOLONTÉ ET L’INTELLIGENCE SONT-ELLES UNE MÊME PUISSANCE ? 1416

Article 11 - LA VOLONTÉ EST-ELLE UNE PUISSANCE PLUS HAUTE QUE L’INTELLIGENCE, OU EST-CE LE CONTRAIRE ? 1421

Article 12 - LA VOLONTÉ MEUT-ELLE L’INTELLIGENCE ET LES AUTRES PUISSANCES DE L’ÂME ? 1431

Article 13 - L’INTENTION EST-ELLE UN ACTE DE LA VOLONTÉ ? 1436

Article 14 - EST-CE PAR LE MÊME MOUVEMENT QUE LA VOLONTÉ VEUT LA FIN ET QU’ELLE A L’INTENTION DES MOYENS ? 1445

Article 15 - L’ÉLECTION EST-ELLE UN ACTE DE LA VOLONTÉ ? 1449

Question 23 ─ LA VOLONTÉ DE DIEU_ 1452

LIEUX PARALLÈLES 1453

Article 1 - CONVIENT-IL QUE DIEU AIT UNE VOLONTÉ ? 1454

Article 2 - PEUT-ON DISTINGUER LA VOLONTÉ DIVINE EN ANTÉCÉDENTE ET CONSÉQUENTE ? 1463

Article 3 - LA VOLONTÉ DIVINE EST-ELLE CONVENABLEMENT DIVISÉE EN VOLONTÉ DE BON PLAISIR ET VOLONTÉ DE SIGNE ? 1470

Article 4 - DIEU VEUT-IL PAR NÉCESSITÉ TOUT CE QU’IL VEUT ? 1476

Article 5 - LA VOLONTÉ DIVINE IMPOSE-T-ELLE UNE NÉCESSITÉ AUX RÉALITÉS VOULUES ? 1488

Article 6 - LA JUSTICE DANS LES RÉALITÉS CRÉÉES DÉPEND-ELLE DE LA SIMPLE VOLONTÉ DE DIEU ? 1492

Article 7 - SOMMES-NOUS TENUS DE CONFORMER NOTRE VOLONTÉ À LA VOLONTÉ DIVINE ? 1497

Article 8 - SOMMES-NOUS TENUS DE CONFORMER NOTRE VOLONTÉ À LA VOLONTÉ DIVINE DANS L’OBJET VOULU, C’EST-À-DIRE EN SORTE QUE NOUS SOYONS TENUS DE VOULOIR CE QUE NOUS SAVONS QUE DIEU VEUT ? 1508

Question 24 ─ LE LIBRE ARBITRE 1515

LIEUX PARALLÈLES 1516

Article 1 - L’HOMME EST-IL DOUÉ DE LIBRE ARBITRE ? 1517

Article 2 - LE LIBRE ARBITRE EXISTE-T-IL CHEZ LES BÊTES ? 1534

Article 3 - LE LIBRE ARBITRE EXISTE-T-IL EN DIEU ? 1541

Article 4 - LE LIBRE ARBITRE EST-IL OU NON UNE PUISSANCE ? 1545

Article 5 - LE LIBRE ARBITRE EST-IL UNE SEULE OU PLUSIEURS PUISSANCES ? 1555

Article 6 - LE LIBRE ARBITRE EST-IL LA VOLONTÉ, OU UNE PUISSANCE AUTRE QUE LA VOLONTÉ ? 1559

Article 7 - PEUT-IL EXISTER UNE CRÉATURE QUI AIT UN LIBRE ARBITRE NATURELLEMENT CONFIRMÉ DANS LE BIEN ? 1563

Article 8 - LE LIBRE ARBITRE DE LA CRÉATURE PEUT-IL ÊTRE CONFIRMÉ DANS LE BIEN PAR QUELQUE DON DE LA GRÂCE ? 1571

Article 9 - LE LIBRE ARBITRE DE L’HOMME DANS L’ÉTAT DE VOIE PEUT-IL ÊTRE CONFIRMÉ DANS LE BIEN ? 1577

Article 10 - LE LIBRE ARBITRE D’UNE CRÉATURE PEUT-IL ÊTRE OBSTINÉ DANS LE MAL, OU Y ÊTRE IMMUABLEMENT AFFERMI ? 1581

Article 11 - LE LIBRE ARBITRE DE L’HOMME DANS L’ÉTAT DE VOIE PEUT-IL ÊTRE OBSTINÉ DANS LE MAL ? 1596

Article 12 - LE LIBRE ARBITRE SANS LA GRÂCE, DANS L’ÉTAT DE PÉCHÉ MORTEL, PEUT-IL ÉVITER LE PÉCHÉ MORTEL ? 1604

Article 13 - UN HOMME EN ÉTAT DE GRÂCE PEUT-IL ÉVITER LE PÉCHÉ MORTEL ? 1624

Article 14 - LE LIBRE ARBITRE PEUT-IL SE PORTER VERS LE BIEN SANS LA GRÂCE ? 1627

Article 15 - L’HOMME PEUT-IL, SANS LA GRÂCE, SE PRÉPARER À AVOIR LA GRÂCE ? 1634

Question 25 ─ LA SENSUALITÉ 1638

LIEUX PARALLÈLES 1639

Article 1 - LA SENSUALITÉ EST-ELLE UNE PUISSANCE COGNITIVE OU SEULEMENT APPÉTITIVE ? 1639

Article 2 - LA SENSUALITÉ EST-ELLE UNE SEULE PUISSANCE SIMPLE, OU EST-ELLE DIVISÉE EN PLUSIEURS PUISSANCES, À SAVOIR L’IRASCIBLE ET LE CONCUPISCIBLE ? 1648

Article 3 - L’IRASCIBLE ET LE CONCUPISCIBLE SONT-ILS SEULEMENT DANS L’APPÉTIT INFÉRIEUR, OU AUSSI DANS LE SUPÉRIEUR ? 1656

Article 4 - LA SENSUALITÉ OBÉIT-ELLE À LA RAISON ? 1661

Article 5 - LE PÉCHÉ PEUT-IL EXISTER DANS LA SENSUALITÉ ? 1665

Article 6 - LE CONCUPISCIBLE EST-IL PLUS CORROMPU ET INFECTÉ QUE L’IRASCIBLE ? 1672

Article 7 - LA SENSUALITÉ, EN CETTE VIE, PEUT-ELLE ÊTRE GUÉRIE DE LA CORRUPTION SUSDITE ? 1678

Question 26 ─ LES PASSIONS DE L’ÂME 1681

LIEUX PARALLÈLES 1683

Article 1 - COMMENT L’ÂME SÉPARÉE DU CORPS SOUFFRE-T-ELLE ? 1683

Article 2 - COMMENT L’ÂME UNIE AU CORPS SUBIT-ELLE ? 1698

Article 3 - LA PASSION EST-ELLE SEULEMENT DANS LA PUISSANCE APPÉTITIVE SENSITIVE ? 1703

Article 4 - QU’EST-CE QUI FONDE LA CONTRARIÉTÉ ET LA DIVERSITÉ, PARMI LES PASSIONS DE L’ÂME ? 1718

Article 5 - L’ESPOIR, LA CRAINTE, LA JOIE ET LA TRISTESSE SONT-ELLES LES QUATRE PASSIONS PRINCIPALES DE L’ÂME ? 1726

Article 6 - MÉRITONS-NOUS PAR LES PASSIONS ? 1734

Article 7 - LA PASSION ACCOMPAGNANT LE MÉRITE DIMINUE-T-ELLE LE MÉRITE ? AUTREMENT DIT, QUI MÉRITE DAVANTAGE : CELUI QUI FAIT DU BIEN À UN PAUVRE AVEC UNE CERTAINE COMPASSION DE PITIÉ, OU CELUI QUI LE FAIT SANS AUCUNE PASSION, PAR LE SEUL JUGEMENT DE LA RAISON ? 1748

Article 8 - Y EUT-IL DE TELLES PASSIONS DANS LE CHRIST ? 1755

Article 9 - LA PASSION DE DOULEUR FUT-ELLE DANS L’ÂME DU CHRIST QUANT À LA RAISON SUPÉRIEURE ? 1765

Article 10 - LA DOULEUR DE LA PASSION QUI ÉTAIT DANS LA RAISON SUPÉRIEURE DU CHRIST EMPÊCHAIT-ELLE LA JOIE DE LA FRUITION, ET VICE VERSA ? 1774

Question 27 ─ LA GRÂCE 1786

LIEUX PARALLÈLES 1787

Article 1 - LA GRÂCE EST-ELLE UNE CHOSE POSITIVEMENT CRÉÉE DANS L’ÂME ? 1788

Article 2 - LA GRÂCE SANCTIFIANTE EST-ELLE LA MÊME CHOSE QUE LA CHARITÉ ? 1796

Article 3 - UNE CRÉATURE PEUT-ELLE ÊTRE CAUSE DE GRÂCE ? 1802

Article 4 - LES SACREMENTS DE LA LOI NOUVELLE SONT-ILS CAUSES DE GRÂCE ? 1818

Article 5 - N’Y A-T-IL DANS UN HOMME QU’UNE SEULE GRÂCE SANCTIFIANTE ? 1834

Article 6 - LA GRÂCE EST-ELLE DANS L’ESSENCE DE L’ÂME COMME EN UN SUJET ? 1846

Article 7 - LA GRÂCE EST-ELLE DANS LES SACREMENTS ? 1851

Question 28 ─ LA JUSTIFICATION DE L’IMPIE 1855

LIEUX PARALLÈLES 1856

Article 1 - LA JUSTIFICATION DE L’IMPIE EST-ELLE LA RÉMISSION DES PÉCHÉS ? 1856

Article 2 - LA RÉMISSION DES PÉCHÉS PEUT-ELLE AVOIR LIEU SANS LA GRÂCE ? 1864

Article 3 - POUR LA JUSTIFICATION DE L’IMPIE, LE LIBRE ARBITRE EST-IL REQUIS ? 1876

Article 4 - QUEL MOUVEMENT DU LIBRE ARBITRE LA JUSTIFICATION REQUIERT-ELLE : EST-CE UN MOUVEMENT VERS DIEU ? 1893

Article 5 - DANS LA JUSTIFICATION DE L’IMPIE, EST-IL REQUIS UN MOUVEMENT DU LIBRE ARBITRE DIRIGÉ VERS LE PÉCHÉ ? 1901

Article 6 - L’INFUSION DE LA GRÂCE ET LA RÉMISSION DE LA FAUTE SONT-ELLES UNE MÊME CHOSE ? 1905

Article 7 - LA RÉMISSION DE LA FAUTE PRÉCÈDE-T-ELLE NATURELLEMENT L’INFUSION DE LA GRÂCE ? 1908

Article 8 - DANS LA JUSTIFICATION DE L’IMPIE, LE MOUVEMENT DU LIBRE ARBITRE PRÉCÈDE-T-IL NATURELLEMENT L’INFUSION DE LA GRÂCE ? 1916

Article 9 - LA JUSTIFICATION DE L’IMPIE SE FAIT-ELLE EN UN INSTANT ? 1925

Question 29 ─ LA GRÂCE DU CHRIST 1934

LIEUX PARALLÈLES 1936

Article 1 - Y A-T-IL DANS LE CHRIST UNE GRÂCE CRÉÉE ? 1936

Article 2 - LA GRÂCE HABITUELLE EST-ELLE REQUISE POUR QUE LA NATURE HUMAINE SOIT UNIE AU VERBE DANS LA PERSONNE ? 1944

Article 3 - LA GRÂCE DU CHRIST EST-ELLE INFINIE ? 1947

Article 4 - LA GRÂCE DE CHEF [DE L’ÉGLISE] CONVIENT-ELLE AU CHRIST EN SA NATURE HUMAINE ? 1956

Article 5 - UNE GRÂCE HABITUELLE EST-ELLE REQUISE DANS LE CHRIST POUR QU’IL SOIT CHEF [DE L’ÉGLISE] ? 1968

Article 6 - LE CHRIST A-T-IL PU MÉRITER ? 1974

Article 7 - LE CHRIST A-T-IL PU MÉRITER POUR D’AUTRES ? 1979

Article 8 - LE CHRIST A-T-IL PU MÉRITER AU PREMIER INSTANT DE SA CONCEPTION ? 1987

 

 

 

PREFACE DU PERE ELDER

 

La publication du texte complet des Questions disputées sur la vérité de saint Thomas d’Aquin dans une édition bilingue est un événement à saluer. Il s’agit d’une des œuvres majeures du grand philosophe et théologien que fut saint Thomas. En 1971 la Commission Léonine a publié la magnifique édition critique du texte latin, édition qui présente le texte original tel qu’il avait été dicté par Thomas lui-même. Ce texte critique est à la base de cette traduction. La publication de ce texte bilingue intégral s’inscrit dans l’intérêt croissant chez nos contemporains pour les études médiévales et, en particulier, pour la pensée de Thomas d’Aquin. Il est admirable qu’aujour­d’hui, alors que tant de nos concitoyens vivent dans le concret et l’immédiat et se noient dans un flot continuel d’images, les pères bénédictins de l’abbaye Sainte-Madeleine osent nous inviter à un superbe effort intellectuel d’analyse et de recherche des premiers concepts du réel.

Par le passé, on a publié des traductions françaises de certaines des 29 questions qui composent les Questions disputées sur la vérité. Des traductions partielles sont parues aussi en allemand et en espagnol, mais il n’y avait pas de version complète, sauf en italien et en anglais. Les pères bénédictins de l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux ont entrepris cette tâche titanesque et l’ont conduite à bonne fin. On mesure l’immensité et la complexité de ce travail, quand on tient compte de la difficulté des thèmes traités dans les 29 questions disputées et du texte latin, écrit dans un langage très abstrait. Notons aussi que l’ouvrage compte plus de 2 000 pages comprenant les textes latin et français, auxquelles s’ajoutent la longue et magnifique introduction du P. Abélard Lobato, o. p., les annexes et l’index. On est familier des traductions de la Somme de théologie et de la Somme contre les Gentils, mais il est regrettable qu’il y ait moins de traductions des autres ouvrages de saint Thomas. De nos jours, le nombre de personnes qui peuvent lire et étudier avec facilité le texte latin du Sur la vérité a bien diminué. C'est donc avec joie et gratitude que, grâce aux pères de l’abbaye du Barroux, l’on voit rendues accessibles à un plus grand public les Questions disputées sur la vérité, ensemble de 29 questions et 253 articles.

Ces questions sur la vérité ne sont pas les seules questions disputées parmi les œuvres de saint Thomas. Il y a aussi les Questions disputées sur la puissance et celles Sur les vertus ainsi que les Questions quodlibétales. Chaque recueil de ces questions porte le nom de la première, bien qu’il contienne des disputes sur des thèmes assez variés. Ainsi, la lecture du Sur la vérité présente des disputes sur des questions qui se rapportent aux problèmes de la connaissance : la science divine ; la providence ; la connaissance des anges (section où interviennent parfois les philosophes arabes) ;

la question de l’esprit (mens) de l’homme en 13 articles, où Augustin occupe une place centrale, et la célèbre question sur le maître (De magistro), qui est une remarquable analyse du processus d’enseignement et d’apprentissage.

Après une discussion sur la connaissance prophétique, la mystique et la foi, on nous présente des disputes sur des questions qui relèvent de la philosophie morale, comme celles de la syndérèse et de la conscience. Il y a aussi une dispute sur la connaissance de l’âme après la mort et la science du Christ. Avec la dernière série de questions disputées, QQ. 21 à 29, le lecteur se trouve dans le domaine de la science morale ; après une subtile analyse de ce qu’est le bien – le pendant de l’étude du vrai dans la première question – on passe à une splendide investigation sur la volonté humaine : en 15 articles est étudié le rôle de la volonté dans la vie humaine, par rapport à l’homme lui-même, au monde et à Dieu. Cette question se termine avec des analyses des actes principaux de la volonté, comme l’intention et l’élection. Une question spéciale est consacrée au libre arbitre, thème très discuté à l’époque de saint Thomas. Les cinq dernières questions traitent de la sensualité, des passions, de la nature de la grâce divine et de son octroi.

Rappelons d’abord l’importance des questions disputées dans la vie des universités médiévales. Dans l’enseignement de la dialectique, on présentait aux participants au cours plusieurs opinions divergentes au sujet d’une question précise. La dialectique était très présente dans les écoles de l’Antiquité et la dispute scolastique en a hérité. Introduite dans l’enseignement scolastique, la question disputée a été institutionnalisée dans les universités autour de 1200 pour devenir un élément essentiel des études et de la recherche. On a pu l’appeler l’acte le plus significatif de l’enseignement universitaire, à côté des leçons que le magister (maître en théologie) devait donner tous les matins. Dans son excellente et magistrale introduction à cette édition, que le lecteur trouvera ci-après, le professeur Lobato, pendant de longues années président de l’Académie pontificale de saint Thomas d’Aquin, explique l’organisation de la question disputée, un événement académique auquel participaient professeurs et étudiants avancés.

Il s’agissait d’un travail en groupe, où le maître avait le rôle principal ; on débattait une question proposée quelque temps auparavant par le professeur. Des arguments en faveur d’une certaine position étaient avancés ; un répondant devait les critiquer et proposer la thèse opposée. Enfin, souvent pas tout de suite, mais un ou plusieurs jours après, le maître faisait le point dans un exposé, appelé la determinatio, qui indiquait la solution et répondait aux thèses et aux objections des deux côtés. C’était aussi le maître qui devait publier l’ensemble de la discussion, qu’un notaire avait pris en note.

L’exercice servait à compléter les leçons des maîtres, à déterminer avec une grande précision certains points de doctrine et à développer une connaissance approfondie et une bonne maîtrise de l’analyse des problèmes. La valeur éducative de cette dispute scolastique est considérable : on étudiait les divers aspects d’une question et on acquérait une vue d’ensemble et une connaissance en profondeur difficile à atteindre par d’autres voies. Les observations critiques des répondants et les réponses données par le maître aidaient à approfondir la compréhension d’un problème. Ce qui avait semblé d’abord une chose assez simple et comme allant de soi, comme l’exposé d’un thème par un maître dans ses leçons, s’avère être beaucoup plus compliqué. Ainsi la dispute devient une activité hautement intéressante et complexe (Q. 11). Le lecteur moderne est saisi d’admiration devant l’honnêteté intellectuelle, l’acuité profonde et la largeur d’horizon avec lesquelles on discutait un problème en mettant en lumière des aspects insoupçonnés. Les questions disputées passent en revue un grand nombre des aspects des thèmes discutés, auxquels l’auditeur lui-même n’aurait pas pensé, elles rappellent les positions des grands penseurs du passé et révèlent la complexité du thème.

Thomas construit sa « détermination », c’est-à-dire son exposé doctrinal à la fin de la dispute, en partant des principes premiers et de structures irréfutables de la nature. Un exemple : en traitant de la volonté pour la situer dans l’ensemble de la réalité, il attire l’attention sur le fait que, dans la nature, toutes les choses cherchent à atteindre un bien, qui est leur fin. Chez les êtres doués de connaissance sensitive, ce mouvement naturel se manifeste aussi dans l’appétit des objets que les sens présentent. Chez l’homme, il y a donc un appétit qui correspond à la connaissance sensitive, et un autre qui se situe sur le plan de l’esprit. Ainsi la question de la volonté est-elle enchâssée dans une synthèse beaucoup plus vaste. Il faut aussi souligner l’attention portée aux opinions divergentes, que Thomas énumère le plus complètement possible, avec bienveillance et discrétion, en écrivant par exemple : « Sur ce point, quelques-uns ont professé diverses opinions » ; ou : « Sur ce sujet, il y a eu diverses positions. » Avec une merveilleuse clarté, il introduit alors des distinctions, de sorte que peu à peu apparaît la véritable solution du problème. Il faut toutefois noter qu’il y a un présupposé dans l’ensemble de ces disputes, des analyses et des raisonnements : la capacité de la raison humaine à trouver la vérité ou, en d’autres termes, l’ouverture de notre intelligence à la réalité, d’une part, et la vérité des choses qui se communique à nous, d’autre part. En bref, Thomas opère un retour constant à la nature, au monde créé par Dieu. Cette philosophie naturelle est présente dans l’ensemble de l’ouvrage. Dans les Questions disputées sur la vérité sont présupposées l’existence de Dieu, la création et la dépendance de l’être du monde à l’égard de Dieu. Signalons aussi la pénétration éblouissante des thèmes et la façon géniale du Docteur angélique de présenter une synthèse. Il suffit de lire le texte magistral sur les concepts transcendantaux (les propriétés de l’étant), au premier article de la première question, pour être saisi d’admiration devant cette déduction unique dans l’histoire de la métaphysique.

Il y a encore un autre aspect de cet ouvrage, qui mérite d’être mis en avant. Les questions disputées, telles que saint Thomas les a rédigées, sont en même temps un voyage à travers la tradition. Un grand nombre d’autorités sont citées pour illustrer ou défendre une certaine position. Parmi les philosophes, ce sont Algazel, Anaxagore, Aristote, Averroès, appelé le Commentateur d’Aristote, Avicenne, Boèce, dont cinq traités sont cités, parmi lesquels le De consolatione philosophiae et le De hebdomadibus sont les ouvrages les plus consultés. Le Liber de causis est souvent mentionné. Nous rencontrons aussi le Liber sex principiorum, Cicéron, Clément le philosophe, Maïmonide (Rabbi Moïse) et Porphyre. Aristote est très présent avec près de 460 références, mais Platon est aussi cité fréquemment. Parmi les Pères de l’Église et les auteurs chrétiens, saint Augustin occupe la place d’honneur avec 696 références. Ce qui est remarquable, c’est la très grande familiarité avec ses œuvres, dont témoignaient les participants à la dispute. Dans l’ensemble des Questions sur la vérité, on se réfère à plus de 30 ouvrages du grand docteur et à cinq de ses épîtres. Les livres les plus cités sont le Livre des LXXXIII questions, le De Trinitate, le De vera religione et le De Genesi ad litteram. On dirait que saint Augustin est un participant silencieux dans de nombreuses disputes, et qu’il est toujours présent dans la pensée de tous. Sont cités aussi les saints Anselme (84 fois), Ambroise (13 fois), Basile et Bernard, Cassiodore, saint Jean Chrysostome, Denys l’Aréopagite et Maxime son commentateur, Gilbert de la Porrée, saint Grégoire le Grand (99 références), Guillaume d’Auvergne, saint Hilaire, Hugues et Richard de Saint-Victor, Jean Damascène, saint Jérôme, Jovinien, Origène et Pierre Lombard, qui est cité comme Le Maître (magister). Ainsi la question disputée devient un débat dans lequel interviennent les philosophes du passé, les Pères de l’Église et les meilleurs auteurs chrétiens.

La fréquence des références est un signe du haut niveau des connaissances théologiques chez les universitaires de l’époque et du fait que, au lieu de faire des recherches en théologie à partir de prises de positions personnelles, on examinait les questions en se plaçant au sein de la tradition de l’Église. Dans l’élaboration des réponses aux questions, souvent imbriquées et hautement subtiles, saint Thomas a récupéré les parcelles de vérité qu’il trouvait dans les écrits de ses prédécesseurs. D’autre part, on voit aussi des différences notables dans la fréquence et l’à-propos des citations. Il me semble que, pour les articles où celles-ci sont peu nombreuses dans les objections ou les arguments sed contra et les réponses, il s’agit sans doute plutôt de la reproduction d’une discussion dans un petit cercle ou d’une simple leçon devant un groupe restreint d’étudiants que d’une dispute publique. Il semble probable aussi que saint Thomas ait ajouté ici et là des articles pour compléter le traitement du thème général d’une question, sans qu’une dispute académique fût réellement intervenue. Signalons la question de savoir si le libre arbitre de l’homme, quand celui-ci se trouve dans l’état de péché mortel, peut éviter des péchés mortels sans la grâce divine. Thomas répond en six pages, un exposé qui, au vu de sa longueur, pourrait bien dépasser le cadre d’une dispute académique.

Comme on le verra, le De veritate consiste en 29 questions, chacune comportant plusieurs articles, dont le nombre varie entre 2 et 17. Chaque article traite un thème précis, en lien avec le groupe de problèmes qui constituent ensemble la question. Prenons comme exemple la Q. 14 sur la foi. Chacun des douze articles a un sujet propre, comme la détermination de ce qu’est la foi ; ce qu’est son objet ; son mode de présence dans l’âme du croyant ; ce qu’il faut croire, etc. Cela comporte une difficulté : les thèmes accusent des différences considérables et présentent une masse de données. On ne voit pas comment, dans une seule session académique, le maître aurait pu discuter de tous les articles qui composent le texte d’une question. D’autre part, pendant les trois ans de son activité de maître de théologie à Paris, Thomas n’a guère pu tenir plus d’une trentaine de questions disputées et quodlibétales officielles et solennelles. C’est pourquoi il est vraisemblable que le maître devait organiser des questions disputées plus simples pour ses propres étudiants, avec une plus grande fréquence. Il me semble, en effet, que certains articles relèvent d’un débat plus simple, auquel peu de personnes participaient. Voire, il est possible aussi que saint Thomas, pour compléter le thème à traiter, ait composé certains articles sous la forme d’une question disputée, de même qu’il a rédigé les articles de la Somme de théologie en soulevant lui-même quelques difficultés, auxquelles il répondait dans le corps de l’article ou dans les réponses.

Un autre avantage de cette grande édition est le fait que celle-ci permet facilement de comparer ce que saint Thomas a enseigné sur certains points de doctrine au début de sa carrière et plus tard dans ses ouvrages postérieurs. La liste de références à des textes parallèles, qu’on trouvera au début de chaque question, facilitera un tel examen.

La traduction est d’une grande clarté. Elle reste très proche du texte latin, en modelant certains mots français sur les termes latins. Le lecteur devra s’y habituer peu à peu, mais l’avantage est une très grande précision et une fidélité totale à l’original. On a toutefois l’impression, au fur et à mesure, en poursuivant sa lecture, alors qu’on s’approche de la dixième question, que la traduction française s’assouplit quelque peu. Il sera utile de consulter le Glossaire pour mieux comprendre le sens de certains termes, comme « puissance obédientielle », « quantité virtuelle », « science subalternée », etc. Signalons encore l’excellente qualité de l’édition : des textes très lisibles ; au début de chaque question, une brève analyse du thème, puis la liste des articles qui composent la question et une énumération des textes parallèles dans les autres ouvrages du Docteur angélique.

Nous sommes vraiment reconnaissant aux pères bénédictins de l’abbaye de la Madeleine pour l’immense travail accompli et l’extraordinaire service rendu aux étudiants de la pensée médiévale en général et de saint Thomas d’Aquin en particulier. Les lecteurs non seulement trouveront des trésors de sagesse dans les pages du livre, ils pourront aussi, en passant par les Questions disputées sur la vérité, étudier plus facilement la transition de la pensée théologique de saint Thomas, du Scriptum sur les Sentences à la Somme de théologie. Certains articles du Sur la vérité, comme ceux sur la science divine, sont plus complets et, en les comparant aux textes respectifs de la Somme de théologie, Ire partie, on comprend mieux ce que saint Thomas a voulu dire quand il écrivit au début de la Somme qu’il a adapté le contenu à l’enseignement des novices. On peut prendre aussi le thème de chaque article comme un sujet de discussion dans des séminaires sur la pensée médiévale ou des groupes d’étude de la pensée du Docteur angélique.

 

 

Léon Elders, s.v.d.

 

 

Question 1 ─ LA VÉRITÉ

 

LA QUESTION PORTE

SUR LA VÉRITÉ.

 

Article 1 : Qu’est-ce que la vérité ?

Article 2 : La vérité se trouve-t-elle principalement dans l’intelligence, plutôt que dans les réalités ?

Article 3 : La vérité est-elle seulement dans l’intelligence qui compose et divise ?

 

Article 4 : Y a-t-il seulement une vérité par laquelle toutes choses sont vraies ?

Article 5 : Y a-t-il, en plus de la vérité première, une autre vérité éternelle ?

 

Article 6 : La vérité créée est-elle immuable ?

Article 7 : La vérité se dit-elle en Dieu essentiellement ou personnellement ?

 

Article 8 : Est-ce de la vérité première que vient toute vérité ?

Article 9 : La vérité est-elle dans le sens ?

Article 10 : Quelque réalité est-elle fausse ?

Article 11 : La fausseté est-elle dans les sens ?

Article 12 : La fausseté est-elle dans l’intel­ligence ?

Quaestio est

de veritate.

 

Primo quid est veritas.

Secundo utrum veritas principalius inveniatur in intellectu quam in rebus.

Tertio utrum veritas sit tantum in intellectu componente et dividente.

Quarto utrum sit tantum una veritas qua omnia sunt vera.

Quinto utrum aliqua alia veritas praeter primam veritatem sit aeterna.

Sexto an veritas creata sit immutabilis.

Septimo utrum veritas in divinis dicatur essentialiter vel personaliter.

Octavo utrum omnis veritas sit a veritate prima.

Nono utrum veritas sit in sensu.

Decimo utrum res aliqua sit falsa.

Undecimo utrum falsitas sit in sensibus.

Duodecimo utrum falsitas sit in intellectu.

 

 

Plan de cette question (voir aussi l’analyse p. 64)

 

La vérité :

     définitions (art. 1)

     dans l’intelligence plutôt que dans les réalités (2)

     dans l’intelligence qui compose et divise (3)

     dans les créatures (4)

     en Dieu :

         unicité (5)

         immuabilité (6)

         signification personnelle ou essentielle (7)

              origine des autres vérités (8)

     dans le sens (9)

 

Son opposé, la fausseté :

     dans les réalités, relativement à l’intelligence humaine (10)

     dans le sens, en certains cas (11)

     dans l’intelligence (12)

 

 

 

 

Lieux parallèles

 

Art. 1 : Super Sent. I, d. 8, q. 1, a. 3 et d. 19, q. 5, a. 1, ad 3 et 7 ; Sum. Th. I, q. 16, a. 1 et 3.

 

Art. 2 : Super Sent. I, d. 19, q. 5, a. 1 ; Sum. Th. I, q. 16, a. 1 ; Super Periherm. I, l. 3 ; Super Metaph. VI, l. 4.

 

Art. 3 : Super Sent. I, d. 19, q. 5, a. 1, ad 7 ; infra a. 9 ; Cont. Gent. I, cap. 59 ; Sum. Th. I, q. 16, a. 2 ; Super De anima III, l. 11 ; Super Periherm. I, l. 3 ; Super Metaph. VI, l. 4 et IX, l. 11.

 

Art. 4 : Super Sent. I, d. 19, q. 5, a. 2 ; infra a. 8 ; infra q. 21, a. 4, ad 5 ; infra q. 27, a. 1, ad 7 ; Sum. Th. I, q. 16, a. 6.

 

Art. 5 : Super Sent. I, d. 19, q. 5, a. 3 ; De pot., q. 3, a. 17, ad 27 ; Sum. Th. I, q. 10, a. 3, ad 3 et q. 16, a. 7.

 

Art. 6 : Super Sent. I, d. 19, q. 5, a. 3 ; Sum. Th. I, q. 16, a. 8.

 

Art. 7 : Sum. Th. I, q. 16, a. 5, ad 2 et q. 39, a. 8.

 

Art. 8 : Super Sent. I, d. 19, q. 5, a. 1 et a. 2, ad 2 ; ibid. II, d. 28, a. 5, ad 1 et d. 37, q. 1, a. 2, ad 1 et 2 ; Sum. Th. I, q. 16, a. 5, ad 3 ; Super Metaph. X, l. 2.

 

Art. 9 : Sum. Th. I, q. 16, a. 2 et q. 17, a. 2.

 

Art. 10 : Super Sent. I, d. 19, q. 5, a. 1 ; Sum. Th. I, q. 17, a. 1 ; Super Periherm. I, l. 3 ; Super Metaph. V, l. 22 et VI, l. 4.

 

Art. 11 : Sum. Th. I, q. 17, a. 2 et q. 85, a. 6 ; Super De anima III, l. 6 ; Super Metaph. IV, l. 12.

 

Art. 12 : Super Sent. I, d. 19, q. 5, a. 1, ad 7 ; Cont. Gent. I, cap. 59 ; Sum. Th. I, q. 17, a. 3 ; ibid. q. 58, a. 5 et q. 85, a. 6 ; Super De anima III, l. 11 ; Super Periherm. I, l. 3 ; Super Metaph. VI, l. 4 et IX, l. 11.

 

 

Article 1 - QU’EST-CE QUE LA VÉRITÉ ?

(Et primo quaeritur quid est veritas.)

 

 

Il semble que le vrai soit tout à fait la même chose que l’étant.

 

1° Saint Augustin dit au livre des Soliloques : « Le vrai, c’est ce qui est. » Or ce qui est, n’est rien d’autre que l’étant. « Vrai » signifie donc tout à fait la même chose que « étant ».

 

2° Le répondant disait qu’ils sont une même chose quant aux suppôts, mais qu’ils diffèrent par la notion. En sens contraire : la notion d’une chose, quelle qu’elle soit, est ce qui est signifié par sa définition. Or saint Augustin assigne « ce qui est » comme une définition du vrai, après avoir réprouvé certaines autres définitions. Puis donc que le vrai et l’étant se rejoignent en ce qui est, il semble qu’ils soient une même chose quant à la notion.

 

3° Les choses qui diffèrent par la notion, quelles qu’elles soient, se comportent de telle façon que l’une peut être pensée sans l’autre ; c’est pourquoi Boèce dit au livre des Semaines que l’on peut penser que Dieu existe, si par l’intelligence on fait momentanément abstraction de sa bonté. Or en aucune façon on ne peut penser l’étant si l’on fait abstraction du vrai, car ce qui permet de le penser, c’est qu’il est vrai. Le vrai et l’étant ne diffèrent donc pas quant à la notion.

 

4° Si le vrai n’est pas la même chose que l’étant, il est nécessaire qu’il soit une disposition de l’étant. Or il ne peut pas être une disposition de l’étant. En effet, il n’est pas une disposition qui corrompt totalement, sinon on déduirait : « c’est vrai, c’est donc un non-étant », comme on déduit : « c’est un homme mort, ce n’est donc pas un homme. » Semblablement, le vrai n’est pas une disposition diminuante, sinon on ne déduirait pas ainsi : « Cela est vrai, donc cela est », de même qu’on ne peut pas déduire ainsi : « Il est blanc quant à ses dents, donc il est blanc. » De même, le vrai n’est pas une disposition particularisante ou spécifiante, car alors il ne serait pas conver­tible avec l’étant. Le vrai et l’étant sont donc tout à fait la même chose.

 

5° Les choses dont la disposition est une, sont les mêmes. Or le vrai et l’étant ont la même disposition. Ils sont donc identiques. En effet, il est dit au deuxième livre de la Métaphysique : « La disposition d’une chose dans l’être est comme sa disposition dans la vérité. » Le vrai et l’étant sont donc tout à fait identiques.

 

6° Toutes les choses qui ne sont pas identiques diffèrent en quelque façon. Or le vrai et l’étant ne diffèrent aucunement. En effet, ils ne diffèrent pas par l’essence, puisque tout étant, par son essence, est vrai ; ni par des différences, car il serait alors nécessaire qu’ils se rejoignent en quelque genre commun. Ils sont donc tout à fait identiques.

 

 

7° En outre, s’ils ne sont pas tout à fait la même chose, il est nécessaire que le vrai ajoute quelque chose à l’étant. Or le vrai n’ajoute rien à l’étant, puisqu’il est même en plus de choses que l’étant : ce que le Philosophe montre clairement au quatrième livre de la Métaphysique, où il dit que, par définition, nous disons le vrai quand ce qui est, nous le disons être, ou ce qui n’est pas, n’être pas ; et ainsi, le vrai inclut l’étant et le non-étant. Le vrai n’ajoute donc rien à l’étant ; et ainsi, il semble que le vrai soit tout à fait la même chose que l’étant.

 

En sens contraire :

 

1) La répétition inutile de la même chose est une futilité. Si donc le vrai était la même chose que l’étant, il y aurait futilité quand on dit « vrai étant » ; ce qui est faux. Ils ne sont donc pas la même chose.

 

2) L’étant et le bien sont convertibles. Or le vrai n’est pas convertible avec le bien, car il est une chose vraie qui n’est pas un bien : par exemple, que quelqu’un fornique. Le vrai n’est donc pas non plus convertible avec l’étant, et ainsi, ils ne sont pas une même chose.

 

3) Selon Boèce au livre des Semaines, dans toutes les créatures, « l’être diffère de ce qui est ». Or le vrai signifie l’être de la réalité. Donc, dans les choses créées, le vrai est différent de ce qui est. Or ce qui est, est la même chose que l’étant. Donc le vrai, dans les créatures, est différent de l’étant.

 

 

 

4) Il est nécessaire que toutes les choses qui se rapportent l’une à l’autre comme antérieur et postérieur soient différentes. Or le vrai et l’étant se comportent de la façon susdite car, comme il est dit au livre des Causes, « la première des réalités créées est l’être » ; et le commentateur dit au même livre que toutes les autres choses sont dites par détermination formelle de l’étant, et ainsi, elles sont postérieures à l’étant. Le vrai et l’être sont donc différents.

 

5) Les choses qui se disent de façon commune de la cause et des effets, sont plus un dans la cause que dans les effets, et sont surtout plus un en Dieu que dans les créatures. Or en Dieu, ces quatre choses : l’étant, l’un, le vrai et le bien, sont appropriées de telle façon que l’étant concerne l’essence, l’un la Personne du Père, le vrai la Personne du Fils, le bien la Personne du Saint-Esprit. Et les Personnes divines ne diffèrent pas seulement par la notion, mais aussi réellement ; c’est pourquoi elles ne se prédiquent pas l’une de l’autre. Donc dans les créatures, à bien plus forte raison, les quatre choses susdites doivent différer plus que par la notion.

 

Réponse :

 

De même que, dans les démonstrations, il est nécessaire de se ramener à des principes que l’intelligence connaît par eux-mêmes, de même quand on recherche ce qu’est chaque chose ; sinon, dans les deux cas, on irait à l’infini et ainsi la science et la connaissance des choses se perdraient tout à fait. Or ce que l’intelligence conçoit en premier comme le plus connu et en quoi il résout toutes les conceptions, est l’étant, comme dit Avicenne au début de sa Métaphysique. Par conséquent, il est nécessaire que toutes les autres concep­tions de l’intel­ligence s’entendent par addition à l’étant. Or, à l’étant ne peuvent s’ajouter des choses pour ainsi dire étrangères, à la façon dont la différence s’ajoute au genre, ou l’accident au sujet, car n’importe quelle nature est essentiellement étant ; c’est pourquoi le Philosophe prouve lui aussi au troisième livre de la Métaphysique que l’étant ne peut pas être un genre, mais que, si l’on dit que des choses ajoutent à l’étant, c’est en tant qu’elles expriment un mode de l’étant lui-même, mode non exprimé par le nom d’étant.

 

Or cela se produit de deux façons. D’abord, en sorte que le mode exprimé soit un mode spécial de l’étant – il y a, en effet, différents degrés d’entité, selon lesquels différents modes d’être se conçoivent, et les divers genres de réalités sont pris selon ces modes. Car la substance n’ajoute à l’étant aucune différence qui désignerait une nature ajoutée à l’étant, mais on exprime par le nom de substance un certain mode spécial d’être, à savoir, l’étant par soi ; et il en est de même dans les autres genres. Ensuite, en sorte que le mode exprimé soit un mode général accompagnant tout étant ; et ce mode peut être entendu de deux façons : d’abord comme accompagnant chaque étant en soi, ensuite comme accompagnant un étant relativement à un autre.

 

 

 

Si on l’entend de la première façon, on distingue selon qu’une chose est exprimée dans l’étant affirmativement ou négativement. Or, on ne trouve rien qui, dit affirmativement et dans l’absolu, puisse être conçu en tout étant, si ce n’est son essence, d’après laquelle il est dit être ; et c’est ainsi qu’est donné le nom de « réalité », lequel, selon Avicenne au début de sa Métaphysique, diffère de « étant » en ce que « étant » est pris de l’acte d’être, au lieu que le nom de « réalité » exprime la quiddité ou l’essence de l’étant. Quant à la négation accompagnant tout étant dans l’absolu, c’est l’absence de division, laquelle est exprimée par le nom de « un » ; l’un n’est rien d’autre, en effet, que l’étant sans division.

 

Si l’on entend le mode de l’étant de la seconde façon, c’est-à-dire suivant une relation d’une chose à l’autre, alors il peut y avoir deux cas. Ce peut être d’abord suivant une distinction entre l’une et l’autre ; et c’est ce qu’exprime le mot aliquid (quelque chose), car on dit aliquid comme si l’on disait aliud quid (quelque autre chose) ; donc, de même que l’étant est appelé « un » en tant qu’il est indivis en soi, de même il est appelé aliquid en tant qu’il est distingué des autres. Ce peut être ensuite suivant une convenance d’un étant à un autre ; et cela n’est vraiment possible que si l’on prend une chose qui soit de nature à s’accorder avec tout étant ; or telle est l’âme, qui « d’une certaine façon est toute chose », comme il est dit au troisième livre sur l’Âme ; et dans l’âme, il y a la puissance cognitive et l’appétitive. La convenance de l’étant avec l’appétit est donc exprimée par le nom de « bien » – ainsi est-il dit au début de l’Éthique que « le bien est ce que toute chose recherche ». La convenance de l’étant avec l’intelligence est exprimée, quant à elle, par le nom de « vrai ».

 

Or toute connaissance s’accomplit par assimilation du connaissant à la réalité connue, si bien que ladite assimilation est la cause de la connaissance : ainsi la vue connaît la couleur parce qu’elle est disposée selon l’espèce de la couleur. La première comparaison entre l’étant et l’intelligence est donc que l’étant concorde avec l’intel­ligence ; cet accord est même appelé « adéquation de l’intelligence et de la réalité » ; et c’est en cela que la notion de vrai s’accomplit formellement. Voilà donc ce que le vrai ajoute à l’étant : la conformité ou l’adéquation de la réalité et de l’intelli­gence ; et de cette conformité s’ensuit, comme nous l’avons dit, la connaissance de la réalité. Ainsi donc, l’entité de la réalité précède la notion de vérité, au lieu que la connaissance est un certain effet de la vérité.

 

Par conséquent, la vérité ou le vrai se trouve défini de trois façons : d’abord, d’après ce qui précède la notion de vérité, et en quoi le vrai est fondé ; et c’est ainsi que saint Augustin donne au livre des Soliloques cette définition : « Le vrai est ce qui est » ; et Avicenne, dans sa Métaphysique : « La vérité de chaque réalité est l’appro­priation de son existence qui lui est assurée » ; et un certain auteur s’exprime ainsi : « Le vrai est l’absence de division entre l’être et ce qui est. » Ensuite on définit la vérité d’après ce en quoi la notion de vrai s’accomplit formellement ; et en ce sens, Isaac dit : « La vérité est adéquation de la réalité et de l’intelligence » ; et Anselme, au livre sur la Vérité : « La vérité est une rectitude que l’esprit seul peut percevoir » – en effet, cette rectitude a le sens d’une certaine adéquation –, et le Philosophe dit au quatrième livre de la Métaphysique que, par définition, nous disons le vrai quand ce qui est, est dit être, ou ce qui n’est pas, n’être pas. Enfin le vrai se définit selon l’effet consécutif ; et c’est en ce sens que saint Hilaire dit : « Le vrai fait clairement voir l’être, et le manifeste » ; et saint Augustin, au livre sur la Vraie Religion : « C’est la vérité qui montre ce qui est » ; et au même livre : « C’est par la vérité que nous jugeons des choses inférieures. »

 

Réponse aux objections :

 

1° Cette définition de saint Augustin concerne la vérité en tant qu’elle a un fondement dans la réalité, et non en tant que la notion de vrai s’accomplit dans l’adé­quation de la réalité et de l’intelligence. Ou bien il faut répondre que lorsqu’il est dit : le vrai est ce qui est, le mot « est » n’y est pas employé en tant qu’il signifie l’acte d’être, mais en tant qu’il dénote l’intelli­gence qui compose, c’est-à-dire en tant qu’il signifie l’affirmation de la proposition ; le sens est alors le suivant : le vrai est ce qui est, i.e. il y a vrai quand l’être est affirmé de quelque chose qui est ; de sorte que la définition de saint Augustin se ramènerait à celle du Philosophe mentionnée précédemment.

 

2° La solution du deuxième argument ressort clairement de ce qu’on a dit.

 

3° Penser une chose sans l’autre, cela peut s’entendre de deux façons. D’abord, en ce sens qu’une chose est pensée sans que l’autre le soit. Et en ce sens, les choses qui diffèrent par la notion sont telles que l’une peut être pensée sans l’autre. Ensuite, penser une chose sans l’autre peut s’entendre en ce sens qu’elle est pensée sans que l’autre existe ; et dans ce cas, l’étant ne peut être pensé sans le vrai, car l’étant ne peut être pensé sans qu’il concorde ou soit en adéquation avec l’intelligence. Il n’est cependant pas nécessaire que quiconque pense la notion d’étant pense la notion de vrai, de même que quiconque pense l’étant ne pense pas l’intellect agent ; et pourtant, rien ne peut être pensé sans l’intellect agent.

 

4° Le vrai est une disposition de l’étant, non comme s’il ajoutait quelque nature ou comme s’il exprimait quelque mode spécial de l’étant, mais en tant qu’il exprime quelque chose qui se trouve d’un point de vue général en tout étant, et qui n’est cependant pas exprimé par le nom d’étant ; par conséquent, il n’est pas nécessaire qu’il soit une disposition qui soit corrompe, soit diminue, soit particularise.

 

5° La disposition n’est pas entendue ici comme étant dans le genre qualité, mais comme impliquant un certain ordre ; en effet, puisque les choses qui sont causes de l’être des autres sont suprêmement étants et que celles qui sont causes de vérité sont suprêmement vraies, le Philosophe[1] conclut que l’ordre d’une réalité est le même dans l’être et dans la vérité, c’est-à-dire que là où l’on trouve ce qui est suprêmement étant, il y a le suprêmement vrai. Il en est donc ainsi non point parce que l’étant et le vrai

seraient identiques par la notion, mais parce qu’une chose est d’autant plus naturellement en adéquation à l’intelligence qu’elle a plus d’entité ; et par conséquent, la notion de vrai suit la notion d’être.

 

 

6° Le vrai et l’étant diffèrent par la notion, parce que dans la notion de vrai se trouve quelque chose qui n’est pas dans la notion d’étant, et non en sorte que dans la notion d’étant se trouve quelque chose qui n’est pas dans la notion de vrai ; ils ne diffèrent donc pas par l’essence, ni ne se distinguent l’un de l’autre par des différences opposées.

 

7° Le vrai n’est pas en plus de choses que l’étant, car l’étant se dit du non-étant, en un certain sens, dans la mesure où le non-étant est appréhendé par l’intelligence ; c’est pourquoi le Philosophe dit au quatrième livre de la Métaphysique que la négation ou la privation de l’étant est en un sens appelée « étant » ; c’est aussi la raison pour laquelle Avicenne dit au début de sa Métaphysique que l’énonciation ne peut être formée qu’au sujet de l’étant, car il est nécessaire que ce à propos de quoi la proposition est formée soit appréhendé par l’intel­ligence. D’où il ressort que tout vrai est en quelque façon un étant.

 

Réponse aux objections en sens contraire :

 

1) S’il n’y a pas futilité quand on dit « vrai étant », c’est parce que par le nom de vrai est exprimé quelque chose qui n’est pas exprimé par le nom d’étant, et non parce qu’ils différeraient réellement.

 

 

 

2) Bien que ce soit une mauvaise chose

que celui-là fornique, cependant, dans la mesure où cette chose a un tant soit peu d’entité, elle est de nature à être conformée à l’intelligence, et dans cette mesure la notion de vrai y est obtenue ; et ainsi, il est clair que ni le vrai ne dépasse l’étant, ni il n’est dépassé par lui.

 

3) Lorsqu’il est dit : « L’être diffère de ce qui est », l’acte d’être est distingué de ce à quoi cet acte convient ; or le nom d’étant est pris de l’acte d’être et non de ce à quoi l’acte d’être convient, l’argument n’est donc pas concluant.

 

 

4) Si le vrai est postérieur à l’étant, c’est parce que la notion de vrai diffère de la notion d’étant de la façon susdite.

 

 

5) Cet argument a trois défauts. D’abord, bien que les Personnes divines soient réelle­ment distinctes, cependant les choses qui leur sont appropriées ne diffèrent pas réellement, mais seulement par la notion. Ensuite, bien que les Personnes soient réellement distinctes entre elles, elles ne sont cependant pas réellement distinctes de l’essence ; c’est pourquoi le vrai, qui est approprié à la Personne du Fils, n’est pas réellement distinct de l’étant, qui se tient du côté de l’essence. Enfin, bien que l’étant, l’un, le vrai et le bien soient plus unis en Dieu que dans les réalités créées, cepen­dant, de ce qu’ils sont distincts en Dieu, il ne découle pas nécessairement qu’ils soient aussi réellement distincts dans les choses créées. Cela se produit en effet pour les choses qui ne doivent pas à leur notion le fait d’être un en réalité : comme la sagesse et la puissance, qui, alors qu’elles sont réellement un en Dieu, sont réellement distinctes dans les créatures ; mais l’étant, l’un, le vrai et le bien doivent à leur notion le fait d’être un en réalité ; donc, partout où on peut les trouver, ils sont réellement un, quoique l’unité de la réalité qui les unit en Dieu soit plus parfaite que l’unité de la réalité qui les unit dans les créatures.

 

Videtur autem quod verum sit omnino idem quod ens.

 

Augustinus in libro Solil. [II, 5] dicit, quod verum est id quod est. Sed id quod est, nihil est nisi ens. Ergo verum significat omnino idem quod ens.

 

Respondens dicebat quod sunt idem secundum supposita, sed ratione differunt. – Contra, ratio cuiuslibet rei est id quod significatur per suam definitionem. Sed id quod est, assignatur ab Augustino, ut definitio veri, quibusdam aliis definitionibus reprobatis. Cum ergo secundum id quod est, conveniant verum et ens, videtur quod sint idem ratione.

 

 

Praeterea, quaecumque differunt ratione, ita se habent quod unum illorum potest intelligi sine altero : unde Boetius in libro de Hebdomadibus [ed. Peiper, p. 171,85] dicit, quod potest intelligi Deus esse, si separetur per intellectum paulisper bonitas eius. Ens autem nullo modo potest intelligi si separetur verum : quia per hoc intelligitur quod verum est. Ergo verum et ens non differunt ratione.

 

 

Praeterea, si verum non est idem quod ens, oportet quod sit entis dispositio. Sed non potest esse entis dispositio. Non enim est dispositio totaliter corrumpens, alias sequeretur : est verum, ergo est non ens ; sicut sequitur : est homo mortuus, ergo non est homo. Similiter non est dispositio diminuens, alias non sequeretur : est verum, ergo est ; sicut non sequitur : est albus dentes, ergo est albus. Similiter non est dispositio contrahens, vel specificans : quia sic non converteretur cum ente. Ergo verum et ens omnino sunt idem.

Praeterea, illa quorum est una dispositio, sunt eadem. Sed veri et entis est eadem dispositio. Ergo sunt eadem. Dicitur enim in II Metaphysic. [cap. 1 (993 b 30)] : dispositio rei in esse est sicut sua dispositio in veritate. Ergo verum et ens sunt omnino idem.

 

Praeterea, quaecumque non sunt idem, aliquo modo differunt. Sed verum et ens nullo modo differunt : quia non differunt per essentiam, cum omne ens per essentiam suam sit verum ; nec differunt per aliquas differentias, quia oporteret quod in aliquo communi genere convenirent. Ergo sunt omnino idem.

 

Item, si non sunt omnino idem, oportet quod verum aliquid super ens addat. Sed nihil addit verum super ens, cum sit etiam in plus quam ens : quod patet per philosophum, IV Metaphys. [l. 16 (1011 b 25)], ubi dicit quod : verum definientes dicimus cum dicimus esse quod est ; aut non esse quod non est ; et sic verum includit ens et non ens. Ergo verum non addit aliquid super ens ; et sic videtur omnino idem esse verum quod ens.

 

 

 

Sed contra. Nugatio est eiusdem inutilis repetitio. Si ergo verum esset idem quod ens, esset nugatio, dum dicitur ens verum ; quod falsum est. Ergo non sunt idem.

 

Item, ens et bonum convertuntur. Sed verum non convertitur cum bono ; aliquod est enim verum quod non est bonum, sicut aliquem fornicari. Ergo nec verum cum ente convertitur, et ita non sunt idem.

 

 

Praeterea, secundum Boetium in libro de Hebdomadibus [ed. Peiper, p. 169,26] : in omnibus creaturis diversum est esse et quod est. Sed verum significat esse rei. Ergo verum est diversum a quod est in creatis. Sed quod est, est idem quod ens. Ergo verum in creaturis est diversum ab ente.

 

Praeterea, quaecumque se habent ut prius et posterius, oportet esse diversa. Sed verum et ens modo praedicto se habent, quia, ut in libro de Causis [prop. 4] dicitur, prima rerum creatarum est esse ; et commentator in eodem libro [comm. 18 (17)] dicit quod omnia alia dicuntur per informationem de ente, et sic ente posteriora sunt. Ergo verum et ens sunt diversa.

 

Praeterea, quae communiter dicuntur de causa et causatis, magis sunt unum in causa quam in causatis, et praecipue in Deo quam in creaturis. Sed in Deo ista quatuor, ens, unum, verum et bonum, hoc modo appropriantur : ut ens ad essentiam pertineat, unum ad personam patris, verum ad personam filii, bonum ad personam spiritus sancti. Personae autem divinae non solum ratione, sed etiam re distinguuntur ; unde de invicem non praedicantur. Ergo multo fortius in creaturis praedicta quatuor debent amplius quam ratione differre.

 

 

 

Respondeo. Dicendum, quod sicut in demonstrabilibus oportet fieri reductionem in aliqua principia per se intellectui nota, ita investigando quid est unumquodque ; alias utrobique in infinitum iretur, et sic periret omnino scientia et cognitio rerum. Illud autem quod primo intellectus concipit quasi notissimum, et in quod conceptiones omnes resolvit, est ens, ut Avicenna dicit in principio suae Metaphysicae [I, 5]. Unde oportet quod omnes aliae conceptiones intellectus accipiantur ex additione ad ens. Sed enti non possunt addi aliqua quasi extranea per modum quo differentia additur generi, vel accidens subiecto, quia quaelibet natura est essentialiter ens ; unde probat etiam philosophus in III Metaphys. [l. 8 (998 b 22)], quod ens non potest esse genus, sed secundum hoc aliqua dicuntur addere super ens, in quantum exprimunt modum ipsius entis qui nomine entis non exprimitur.

 

Quod dupliciter contingit : uno modo ut modus expressus sit aliquis specialis modus entis. Sunt enim diversi gradus entitatis, secundum quos accipiuntur diversi modi essendi, et iuxta hos modos accipiuntur diversa rerum genera. Substantia enim non addit super ens aliquam differentiam, quae designet aliquam naturam superadditam enti, sed nomine substantiae exprimitur specialis quidam modus essendi, scilicet per se ens ; et ita est in aliis generibus. Alio modo ita quod modus expressus sit modus generalis consequens omne ens ; et hic modus dupliciter accipi potest : uno modo secundum quod consequitur unumquodque ens in se ; alio modo secundum quod consequitur unum ens in ordine ad aliud.

Si primo modo, hoc est dupliciter quia vel exprimitur in ente aliquid affirmative vel negative. Non autem invenitur aliquid affirmative dictum absolute quod possit accipi in omni ente, nisi essentia eius, secundum quam esse dicitur ; et sic imponitur hoc nomen res, quod in hoc differt ab ente, secundum Avicennam in principio Metaphys. [I, 6], quod ens sumitur ab actu essendi, sed nomen rei exprimit quidditatem vel essentiam entis. Negatio autem consequens omne ens absolute, est indivisio ; et hanc exprimit hoc nomen unum : nihil aliud enim est unum quam ens indivisum.

 

Si autem modus entis accipiatur secundo modo, scilicet secundum ordinem unius ad alterum, hoc potest esse dupliciter. Uno modo secundum divisionem unius ab altero ; et hoc exprimit hoc nomen aliquid : dicitur enim aliquid quasi aliud quid ; unde sicut ens dicitur unum, in quantum est indivisum in se, ita dicitur aliquid, in quantum est ab aliis divisum. Alio modo secundum convenientiam unius entis ad aliud ; et hoc quidem non potest esse nisi accipiatur aliquid quod natum sit convenire cum omni ente : hoc autem est anima, quae quodammodo est omnia, ut dicitur in III de Anima [cap. 8 (431 b 21)]. In anima autem est vis cognitiva et appetitiva. Convenientiam ergo entis ad appetitum exprimit hoc nomen bonum, ut in principio Ethic. [I, 1 (1094 a 3)] dicitur quod bonum est quod omnia appetunt. Convenientiam vero entis ad intellectum exprimit hoc nomen verum.

 

Omnis autem cognitio perficitur per assimilationem cognoscentis ad rem cognitam, ita quod assimilatio dicta est causa cognitionis : sicut visus

per hoc quod disponitur secundum

speciem coloris, cognoscit colorem. Prima ergo comparatio entis ad intellectum est ut ens intellectui concordet : quae quidem concordia adaequatio intellectus et rei dicitur ; et in hoc formaliter ratio veri perficitur. Hoc est ergo quod addit verum super ens, scilicet conformitatem, sive adaequationem rei et intellectus ; ad quam conformitatem, ut dictum est, sequitur cognitio rei. Sic ergo entitas rei praecedit rationem veritatis, sed cognitio est quidam veritatis effectus.

 

 

Secundum hoc ergo veritas sive verum tripliciter invenitur diffiniri. Uno modo secundum illud quod praecedit rationem veritatis, et in quo verum fundatur ; et sic Augustinus definit in libro Solil. [II, 5] : verum est id quod est ; et Avicenna in sua Metaphysic. [VIII, 6] : veritas cuiusque rei est proprietas sui esse quod stabilitum est ei ; et quidam sic : verum est indivisio esse, et quod est. Alio modo definitur secundum id in quo formaliter ratio veri perficitur ; et sic dicit Isaac [Liber de definicionibus] quod veritas est adaequatio rei et intellectus ; et Anselmus in libro de Veritate [cap. 11] : veritas est rectitudo sola mente perceptibilis. Rectitudo enim ista secundum adaequationem quamdam dicitur, et philosophus dicit in IV Metaphysic. [l. 16 (1011 b 25)], quod definientes verum dicimus cum dicitur esse quod est, aut non esse quod non est. Tertio modo definitur verum, secundum effectum consequentem ; et sic dicit Hilarius [De Trin. V, 3], quod verum est declarativum et manifestativum esse ; et Augustinus in libro de Vera Relig. [cap. 36] : veritas est qua ostenditur id quod est ; et in eodem libro [cap. 31] : veritas est secundum quam de inferioribus iudicamus.

 

Ad primum ergo dicendum, quod definitio illa Augustini datur de veritate secundum quod habet fundamentum in re, et non secundum id quod ratio veri completur in adaequatione rei ad intellectum. Vel dicendum, quod cum dicitur, verum est id quod est, li est non accipitur ibi secundum quod significat actum essendi, sed secundum quod est nota intellectus componentis, prout scilicet affirmationem propositionis significat, ut sit sensus : verum est id quod est, id est cum dicitur esse de aliquo quod est, ut sic in idem redeat definitio Augustini cum definitione philosophi supra inducta.

Ad secundum patet solutio ex dictis.

 

 

Ad tertium dicendum, quod aliquid intelligi sine altero, potest accipi dupliciter. Uno modo quod intelligatur aliquid, altero non intellecto : et sic, ea quae ratione differunt, ita se habent, quod unum sine altero intelligi potest. Alio modo potest accipi aliquid intelligi sine altero, quod intelligitur eo non existente : et sic ens non potest intelligi sine vero, quia ens non potest intelligi sine hoc quod concordet vel adaequetur intellectui. Sed non tamen oportet ut quicumque intelligit rationem entis intelligat veri rationem, sicut nec quicumque intelligit ens, intelligit intellectum agentem ; et tamen sine intellectu agente nihil intelligi potest.

 

Ad quartum dicendum, quod verum est dispositio entis non quasi addens aliquam naturam, nec quasi exprimens aliquem specialem modum entis, sed aliquid quod generaliter invenitur in omni ente, quod tamen nomine entis non exprimitur ; unde non oportet quod sit dispositio vel corrumpens vel diminuens vel in partem contrahens.

 

Ad quintum dicendum, quod dispositio non accipitur ibi secundum quod est in genere qualitatis, sed secundum quod importat quemdam ordinem ; cum enim illa quae sunt causa aliorum essendi sint maxime entia, et illa quae sunt causa veritatis sint maxime vera ; concludit philosophus, quod idem est ordo alicui rei in esse et veritate ; ita, scilicet, quod ubi invenitur quod est maxime ens, est maxime verum. Unde nec hoc ideo est quia ens et verum ratione sunt idem, sed quia secundum hoc quod aliquid habet de entitate, secundum hoc est natum adaequari intellectui ; et sic ratio veri sequitur rationem entis.

 

Ad sextum dicendum, quod verum et ens differunt ratione per hoc quod aliquid est in ratione veri quod non est in ratione entis ; non autem ita quod aliquid sit in ratione entis quod non sit in ratione veri ; unde nec per essentiam differunt, nec differentiis oppositis ab invicem distinguuntur.

 

Ad septimum dicendum, quod verum non est in plus quam ens ; ens enim aliquo modo acceptum dicitur de non ente, secundum quod non ens est apprehensum ab intellectu ; unde in IV Metaphys. [l. 1 (1003 b 5)], dicit philosophus, quod negatio vel privatio entis uno modo dicitur ens ; unde Avicenna etiam dicit in principio suae Metaphysicae [I, 5], quod non potest formari enuntiatio nisi de ente, quia oportet illud de quo propositio formatur, esse apprehensum ab intellectu ; ex quo patet quod omne verum est aliquo modo ens.

 

 

 

Ad primum vero eorum, quae contra obiiciuntur, dicendum, quod ideo non est nugatio cum dicitur ens verum, quia aliquid exprimitur nomine veri quod non exprimitur nomine entis ; non propter hoc quod re differant.

 

Ad secundum dicendum, quod quamvis istum fornicari sit malum, tamen secundum quod aliquid habet de entitate, natum est hoc conformari intellectui, et secundum hoc consequitur ibi ratio veri ; et ita patet quod nec verum excedit nec exceditur ab ente.

 

Ad tertium dicendum, quod cum dicitur : diversum est esse, et quod est, distinguitur actus essendi ab eo cui ille actus convenit. Nomen autem entis ab actu essendi sumitur, non ab eo cui convenit actus essendi, et ideo ratio non sequitur.

 

Ad quartum dicendum, quod secundum hoc verum est posterius ente, quod ratio veri differt ab entis ratione modo praedicto.

 

Ad quintum dicendum, quod ratio illa deficit in tribus. Primo, quia quamvis personae divinae re distinguantur, appropriata tamen personis non differunt re, sed tantum ratione. Secundo, quia etsi personae realiter ad invicem distinguantur, non tamen realiter ab essentia distinguuntur ; unde nec verum quod appropriatur personae filii, ab ente quod se tenet ex parte essentiae. Tertio, quia, etsi ens, unum, verum et bonum magis uniantur in Deo quam in rebus creatis, non tamen oportet, quod ex quo distinguuntur in Deo, quod in rebus creatis etiam distinguantur realiter. Hoc enim contingit de illis quae non habent ex ratione sua quod sint unum secundum rem, sicut sapientia et potentia, quae, cum in Deo sint unum secundum rem, in creaturis realiter distinguuntur : sed ens, unum, verum et bonum secundum rationem suam habent quod sint unum secundum rem ; unde ubicumque inveniantur, realiter unum sunt, quamvis sit perfectior unitas illius rei secundum quam uniuntur in Deo, quam illius rei secundum quam uniuntur in creaturis.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Article 2 - LA VÉRITÉ SE TROUVE-T-ELLE PRINCIPALEMENT DANS L’INTELLIGENCE, PLUTÔT QUE DANS LES RÉALITÉS ?

(Secundo quaeritur utrum veritas principalius inveniatur in intellectu quam in rebus.)

 

 

Il semble que non.

 

1° Comme on l’a dit, le vrai est convertible avec l’étant. Or l’étant se trouve principa­lement dans les réalités, plutôt que dans l’âme. Donc le vrai aussi.

 

2° Les réalités sont dans l’âme non par essence, mais par leur espèce, comme dit le Philosophe au troisième livre sur l’Âme. Si donc la vérité se trouve principalement dans l’âme, elle ne sera pas l’essence de la réalité, mais sa ressemblance et son espèce, et le vrai sera l’espèce de l’étant qui existe hors de l’âme. Or l’espèce de la réalité, espèce qui existe dans l’âme, ne se prédique pas de la réalité qui est hors de l’âme, pas plus qu’elle n’est convertible avec elle : car être convertible, c’est être prédiqué de façon convertible. Donc le vrai non plus ne sera pas convertible avec l’étant ; ce qui est faux.

 

3° Tout ce qui est en quelque chose, suit ce en quoi il est. Si donc la vérité est principa­lement dans l’âme, alors le jugement sur la vérité suivra l’estimation de l’âme ; et ainsi reviendra l’erreur des anciens philosophes qui disaient que tout ce que l’on opine dans l’intelligence est vrai, et que deux propo­sitions contradictoires sont vraies ensem­ble ; ce qui est absurde.

 

 

4° Si la vérité est principalement dans l’intelligence, il est nécessaire de placer dans la définition de la vérité quelque chose qui concerne l’intelligence. Or saint Augus­tin réprouve une définition de ce genre au livre des Soliloques, comme aussi la sui­vante : « Le vrai est ce qui est tel qu’on le voit », car alors, ce qui ne serait pas vu ne serait pas vrai, ce qui est manifestement faux pour les minéraux les plus cachés, qui sont dans les entrailles de la terre ; et semblablement, il rejette et improuve cette définition : « Le vrai est ce qui est tel qu’il apparaît à un connaissant, s’il veut et peut connaître », car alors, quelque chose ne serait vrai que si un connaissant voulait et pouvait connaître. Le même raisonnement vaudrait donc aussi pour toute autre défini­tion en laquelle on placerait quelque chose concernant l’intelligence. La vérité n’est donc pas principalement dans l’intelligence.

 

En sens contraire :

 

1) Le Philosophe dit au sixième livre de la Métaphysique : « Le faux et le vrai ne sont pas dans les réalités, mais dans l’esprit. »

 

 

2) « La vérité est adéquation de la réalité et de l’intelligence. » Or cette adéquation ne peut exister que dans l’intelligence. La vérité n’est donc, elle aussi, que dans l’intelligence.

 

Réponse :

 

Quand une chose se dit de plusieurs avec antériorité de l’une sur l’autre, il n’est pas nécessaire que le prédicat commun se dise d’abord de celle qui est comme la cause des autres, mais de celle en laquelle la notion de ce prédicat commun s’accomplit en premier ; par exemple, « sain » se dit d’abord de l’animal, en lequel se trouve en premier la parfaite notion de santé, quoique la médecine soit appelée saine en tant qu’elle peut causer la santé. Voilà pourquoi, puisque le vrai se dit de plusieurs choses avec antériorité de l’une sur l’autre, il est nécessaire que le vrai se dise d’abord de celle où se trouve en premier la complète notion de vérité.

 

Or l’achèvement de n’importe quel mouve­ment ou opération est dans son terme ; et le mouvement de la puissance cognitive a pour terme l’âme : en effet, il est nécessaire que l’objet connu soit dans le sujet connaissant à la façon du connais­sant. Par contre, le mouvement de l’appé­titive a pour terme les réalités ; c’est pourquoi le Philo­sophe décrit au troisième livre sur l’Âme un certain cercle dans les actes de l’âme, de la façon suivante : la réalité qui est hors de l’âme meut l’intelligence, une fois pensée elle meut l’appétit, et l’appétit tend à atteindre la réalité qui était au départ du mouvement. Or, comme on l’a dit, le bien implique une relation de l’étant à l’appétit, au lieu que le vrai implique une relation à l’intelligence ; de là vient ce que le Philo­sophe dit au sixième livre de la Métaphy­sique : que le bien et le mal sont dans les réalités, au lieu que le vrai et le faux sont dans l’esprit. Et la réalité n’est appelée vraie que dans la mesure où elle est adéquate à l’intelligence ; par conséquent le vrai se trouve postérieurement dans les réalités, et premièrement dans l’intelligence.

 

Mais il faut savoir qu’une réalité se rapporte à l’intelligence pratique autrement qu’à l’intelligence spéculative. En effet, l’intel­ligence pratique cause les réalités, c’est pourquoi elle est la mesure des réalités qui adviennent par elle ; au lieu que l’intel­ligence spéculative, parce qu’elle reçoit en provenance des réalités, est en quelque sorte mue par les réalités elles-mêmes, et ainsi les réalités la mesurent. D’où il ressort que les réalités naturelles, d’où notre intelligence reçoit la science, mesu­rent notre intelligence, comme il est dit au dixième livre de la Métaphysique, mais sont mesurées par l’intelligence divine, en laquelle sont toutes choses, comme les pro­duits de l’art sont tous dans l’intel­ligence de l’artisan. Ainsi donc, l’intel­ligence divine mesure et n’est pas mesurée ; la réalité naturelle mesure et est mesurée ; et notre intelligence est mesurée, et ne mesure pas les réalités naturelles, mais seulement les artificielles.

 

La réalité naturelle, établie entre les deux intelligences, est donc appelée vraie suivant une adéquation à l’une ou à l’autre ; en effet, elle est appelée vraie selon une adéquation à l’intelligence divine, en tant qu’elle remplit ce à quoi elle a été ordonnée par l’intelligence divine, comme le montrent clairement Anselme au livre sur la Vérité, saint Augustin au livre sur la Vraie Religion, et Avicenne dans la définition citée, à savoir : « La vérité de chaque réalité est l’appropriation de son existence qui lui est assurée » ; et la réalité est appelée vraie selon une adéquation à l’intelligence humaine, en tant qu’elle est de nature à produire une estimation vraie d’elle-même ; comme, à l’inverse, on appelle fausses « celles qui sont de nature à paraître ce qu’elles ne sont pas, ou telles qu’elles ne sont pas », comme il est dit au cinquième livre de la Métaphysique. Et la première notion de vérité est dans la réalité avant la seconde, car son rapport à l’intelligence divine précède son rapport à l’intelligence humaine ; c’est pourquoi, même si l’intel­ligence humaine n’existait pas, les réalités seraient encore appelées vraies relativement à l’intelligence divine. Mais si l’on concevait par impossible, les réalités demeurant, que les deux intel­ligences disparaissent, alors la notion de vérité ne demeurerait aucune­ment.

 

Réponse aux objections :

 

1° Ainsi qu’il ressort de ce qu’on a déjà dit, le vrai se dit en premier de l’intelligence vraie, et ensuite de la réalité qui lui est adé­quate ; et de l’une et l’autre façon le vrai est convertible avec l’étant, mais différem­ment. En effet, au sens où il se dit des réalités, le vrai est convertible avec l’étant par prédica­tion, car tout étant est adéquat à l’intelli­gence divine et peut se rendre adéquate l’intelligence humaine, et vice versa. Mais si l’on entend le vrai au sens où il se dit de l’intelligence, alors il est convertible avec l’étant qui est hors de l’âme, non par prédi­cation, mais par conséquence, attendu qu’à n’importe quelle intelligence vraie doit nécessairement correspondre un étant, et vice versa.

 

 

2° On voit dès lors clairement la solution du deuxième argument.

 

3° Ce qui est en quelque chose, ne suit ce en quoi il est, que lorsqu’il est causé par les principes de ce dernier ; ainsi la lumière, qui est causée dans l’air depuis l’extérieur, c’est-à-dire par le soleil, suit le mouvement du soleil plutôt que l’air. Semblablement, la vérité qui est causée dans l’âme par les réalités ne suit pas l’estimation de l’âme mais l’existence des réalités, « puisque le discours est appelé vrai ou faux selon que la chose est ou n’est pas », et de même l’intelligence.

4° Saint Augustin parle de la vision de l’intelligence humaine, de laquelle la vérité de la réalité ne dépend pas : en effet, il est de nombreuses choses qui ne sont pas connues de notre intelligence. Cependant il n’en est aucune que l’intelligence divine ne connaisse en acte, et que l’intelligence humaine ne connaisse en puissance, puisqu’il est dit que l’intellect agent est « ce qui est capable de produire toutes choses », et que l’intellect possible est « ce qui est capable de devenir toutes choses ». On peut donc placer dans la définition de la chose vraie la vision en acte de l’intelligence divine, mais non de l’intelligence humaine, si ce n’est en puissance, comme il ressort de ce qui précède.

 

Et videtur quod non.

 

Verum enim, ut dictum est, convertitur cum ente. Sed ens principalius invenitur in rebus quam apud animam. Ergo et verum.

 

Praeterea, res sunt in anima non per essentiam, sed per suam speciem, ut dicit philosophus in III de Anima [l. 13 (431 b 28)]. Si ergo veritas principaliter in anima invenitur, non erit essentia rei sed similitudo et species eius, et verum erit species entis extra animam existentis. Sed species rei existens in anima, non praedicatur de re quae est extra animam, sicut nec cum ipsa convertitur : converti enim est conversim praedicari ; ergo nec verum convertetur cum ente ; quod est falsum.

 

Praeterea, omne quod est in aliquo, consequitur id in quo est. Si ergo veritas principaliter est in anima, tunc iudicium de veritate erit secundum aestimationem animae ; et ita redibit antiquorum philosophorum error, qui dicebant, omne quod quis opinatur in intellectu esse verum, et duo contradictoria simul esse vera ; quod est absurdum.

 

Praeterea, si veritas principaliter est in intellectu, oportet quod aliquid quod ad intellectum pertinet, in definitione veritatis ponatur. Sed Augustinus huiusmodi definitionem reprobat in libro Solil. [II, 5], sicut istam : verum est quod ita est ut videtur : quia secundum hoc, non esset verum quod non videretur ; quod patet esse falsum de occultissimis lapillis, qui sunt in visceribus terrae ; et similiter reprobat et improbat istam : verum est quod ita est ut cognitori videtur, si velit et possit cognoscere, quia secundum hoc non esset aliquid verum, nisi cognitor vellet et posset cognoscere. Ergo et eadem ratio esset de quibuscumque aliis definitionibus in quibus aliquid ad intellectum pertinens poneretur. Ergo veritas non est principaliter in intellectu.

 

 

 

Contra. Philosophus dicit in VI Metaphysic. [l. 4 (1027 b 25)] : non est falsum et verum in rebus sed in mente.

 

Praeterea, veritas est adaequatio rei et intellectus. Sed haec adaequatio non potest esse nisi in intellectu. Ergo nec veritas est nisi in intellectu.

Solutio. Dicendum, quod non oportet in illis quae dicuntur per prius et per posterius de multis, quod illud prius recipiat praedicationem communis, quod est ut causa aliorum, sed illud in quo est primo ratio illius communis completa ; sicut sanum per prius dicitur de animali, in quo primo perfecta ratio sanitatis invenitur, quamvis medicina dicatur sana ut effectiva sanitatis. Et ideo, cum verum dicatur per prius et posterius de pluribus, oportet quod de illo per prius dicatur in quo primo invenitur completa ratio veritatis.

 

 

Complementum autem cuiuslibet motus vel operationis est in suo termino. Motus autem cognitivae virtutis terminatur ad animam : oportet enim quod cognitum sit in cognoscente per modum cognoscentis : sed motus appetitivae terminatur ad res ; inde est quod philosophus in III de Anima [l. 15 (433 a 14)] ponit circulum quemdam in actibus animae, secundum, scilicet, quod res quae est extra animam, movet intellectum, et res intellecta movet appetitum, et appetitus tendit ad hoc ut perveniat ad rem a qua motus incepit. Et quia bonum, sicut dictum est, dicit ordinem entis ad appetitum, verum autem dicit ordinem ad intellectum ; inde est quod philosophus dicit VI Metaphys. [l. 4 (1027 b 25)], quod bonum et malum sunt in rebus, verum autem et falsum sunt in mente. Res autem non dicitur vera nisi secundum quod est intellectui adaequata ; unde per posterius invenitur verum in rebus, per prius autem in intellectu.

Sed sciendum, quod res aliter comparatur ad intellectum practicum, aliter ad speculativum. Intellectus enim practicus causat res, unde est mensura rerum quae per ipsum fiunt : sed intellectus speculativus, quia accipit a rebus, est quodammodo motus ab ipsis rebus, et ita res mensurant ipsum. Ex quo patet quod res naturales, a quibus intellectus noster scientiam accipit, mensurant intellectum nostrum, ut dicitur X Metaph. [l. 2 (1053 a 31)] : sed sunt mensuratae ab intellectu divino, in quo sunt omnia sicut omnia artificiata in intellectu artificis. Sic ergo intellectus divinus est mensurans non mensuratus ; res autem naturalis, mensurans et mensurata ; sed intellectus noster mensuratus et non mensurans res quidem naturales, sed artificiales tantum.

 

 

Res ergo naturalis inter duos intellectus constituta, secundum adaequationem ad utrumque vera dicitur ; secundum enim adaequationem ad intellectum divinum dicitur vera, in quantum implet hoc ad quod est ordinata per intellectum divinum, ut patet per Anselmum in libro de Verit. [cap. 7] et per Augustinum in libro de Vera Religione [cap. 36], et per Avicennam in definitione inducta, scilicet : veritas cuiusque rei est proprietas sui esse quod stabilitum est ei ; secundum autem adaequationem ad intellectum humanum dicitur res vera, in quantum est nata de se facere veram aestimationem ; sicut e contrario falsa dicuntur quae sunt nata videri quae non sunt, aut qualia non sunt, ut dicitur in V Metaphysic. [cap. 29 (1024 b 21)] Prima autem ratio veritatis per prius inest rei quam secunda, quia prius est eius comparatio ad intellectum divinum quam humanum ; unde, etiam si intellectus humanus non esset, adhuc res verae dicerentur in ordine ad intellectum divinum. Sed si uterque intellectus, rebus remanentibus per impossibile, intelligeretur auferri, nullo modo ratio veritatis remaneret.

Responsio ergo ad primum quod, sicut ex iam dictis patet, verum per prius dicitur de intellectu vero, et per posterius de re sibi adaequata ; et utroque modo convertitur cum ente, sed diversimode, quia secundum quod dicitur de rebus, convertitur cum ente per praedicationem : omne enim ens est adaequatum intellectui divino, et potens adaequare sibi intellectum humanum, et e converso. Si autem accipiatur prout dicitur de intellectu, sic convertitur cum ente quod est extra animam, non per praedicationem, sed per consequentiam ; eo quod cuilibet intellectui vero oportet quod respondeat aliquod ens, et e converso.

 

Per hoc patet solutio ad secundum.

 

 

Ad tertium dicendum, quod illud quod est in aliquo non sequitur illud in quo est, nisi quando causatur ex principiis eius ; unde lux quae causatur in aere ab extrinseco, scilicet sole, sequitur motum solis magis quam aerem. Similiter et veritas quae est in anima causata a rebus, non sequitur aestimationem animae, sed existentiam rerum : quoniam eo quod res est vel non est, dicitur oratio vera vel falsa, similiter et intellectus.

Ad quartum dicendum, quod Augustinus loquitur de visione intellectus humani, a qua rei veritas non dependet. Sunt enim multae res quae nostro intellectu non cognoscuntur ; nulla tamen res est quam intellectus divinus non cognoscat actu, et intellectus humanus in potentia ; cum intellectus agens dicatur quo est omnia facere, intellectus possibilis quo est omnia fieri. Unde in definitione rei verae potest poni visio in actu intellectus divini, non autem intellectus humani nisi in potentia, sicut ex superioribus patet.

 

 

 

 

 

 

 

 

Article 3 - LA VÉRITÉ EST-ELLE SEULEMENT DANS L’INTELLIGENCE QUI COMPOSE ET DIVISE ?

(Tertio quaeritur utrum veritas sit tantum in intellectu componente et dividente.)

 

 

Il semble que non.

 

1° Le vrai se dit conformément au rapport entre l’étant et l’intelligence. Or le premier rapport de l’intelligence aux réalités a lieu lorsqu’elle forme les quiddités des réalités, en concevant leurs définitions. Le vrai se trouve donc principalement et première­ment dans cette opération de l’intelligence.

 

 

2° « Le vrai est l’adéquation des réalités et de l’intelligence. » Or, de même que l’intel­ligence qui compose et divise peut être adéquate aux réalités, de même l’intelli­gence qui conçoit les quiddités des réalités. La vérité n’est donc pas seulement dans l’intelligence qui compose et divise.

 

En sens contraire :

 

1) Il est dit au sixième livre de la Méta­physique : « Le vrai et le faux ne sont pas dans les réalités, mais dans l’esprit ; et ils ne sont pas même dans l’esprit pour les [formes] simples et pour la quiddité. »

 

2) Au troisième livre sur l’Âme : « L’intel­lection des indivisibles a lieu là où le vrai et le faux n’ont pas de place. »

 

Réponse :

 

De même que le vrai se trouve première­ment dans l’intelligence et ensuite dans les choses, de même il se trouve premièrement dans l’acte de l’intelligence qui compose et divise, et ensuite dans l’acte de l’intelligence qui forme la quiddité des réalités.

 

En effet, la notion de vrai consiste dans l’adéquation de la réalité et de l’intelli­gence ; or le même n’est pas adéquat à soi-même, mais l’égalité porte sur des choses différentes ; c’est pourquoi la notion de vérité se trouve dans l’intelligence en premier là où l’intelligence commence à avoir en propre quelque chose que n’a pas la réalité extérieure à l’âme ; mais cette réalité a quelque chose qui y correspond, et entre ces deux « quelque chose » peut se concevoir une adéquation. Or l’intelligence qui forme la quiddité des réalités n’a qu’une ressemblance de la réalité qui existe hors de l’âme, comme c’est le cas du sens en tant qu’il reçoit l’espèce du sensible ; mais lorsque l’intelligence commence à juger de la réalité appréhendée, alors son jugement même est pour elle un certain propre qui ne se trouve pas à l’extérieur dans la réalité. Et quand il est adéquat à ce qui est à l’exté­rieur dans la réalité, le jugement est appelé vrai. Or l’intelligence juge de la réalité appréhendée quand elle dit qu’une chose est ou n’est pas, ce qui est le fait de l’intelli­gence qui compose et divise. C’est pourquoi le Philosophe dit aussi au sixième livre de la Métaphysique que « la compo­sition et la division sont dans l’intelligence, et non dans les réalités ». Et de là vient que la vérité se trouve premièrement dans la composition et la division de l’intelligence.

 

De façon secondaire, le vrai se dit ensuite pour l’intelligence qui forme les quiddités ou les définitions des réalités. La définition est donc appelée vraie ou fausse en raison d’une composition vraie ou fausse : comme lorsque la définition est attribuée à ce dont elle n’est pas la définition, par exemple si l’on assignait au triangle la définition du cercle ; ou encore, lorsque les parties de la définition ne peuvent s’harmoniser entre elles, par exemple si l’on donnait de quelque réalité la définition « animal insensible », car la composition impliquée, à savoir « quelque animal est insensible », est fausse. Et ainsi, la définition n’est appelée vraie ou fausse que par référence à la composition, tout comme la réalité est appelée vraie par référence à l’intelligence.

 

De ce qu’on a dit, il ressort donc que le vrai se dit d’abord de la composition ou de la division de l’intelligence ; il se dit ensuite des définitions des réalités, dans la mesure où une composition vraie ou fausse est impliquée en elles ; en troisième lieu, des réalités, dans la mesure où elles sont adé­quates à l’intelligence divine, ou naturelle­ment aptes à être en adéquation à l’intelli­gence humaine ; en quatrième lieu il se dit de l’homme, parce qu’il peut faire choix du vrai, ou que, par les choses qu’il dit ou qu’il fait, il donne une opinion vraie ou fausse de lui-même ou des autres. Quant aux mots, ils reçoivent la prédication de vérité comme les conceptions qu’ils signifient.

 

Réponse aux objections :

 

1° Bien que la formation de la quiddité soit la première opération de l’intelligence, cependant ce n’est pas par elle que l’intel­ligence a quelque chose de propre pouvant être adéquat à la réalité ; voilà pourquoi la vérité n’y est pas proprement.

 

2° On voit dès lors clairement la solution du second argument.

 

Et videtur quod non.

 

Verum enim dicitur secundum comparationem entis ad intellectum. Sed prima comparatio qua intellectus comparatur ad res, est secundum quod format quidditates rerum, concipiendo definitiones earum. Ergo in ista operatione intellectus principalius et prius invenitur verum.

 

Praeterea, verum est adaequatio rerum et intellectus. Sed sicut intellectus componens et dividens potest adaequari rebus, ita intellectus intelligens quidditates rerum. Ergo veritas non est tantum in intellectu componente et dividente.

 

 

 

Sed contra. Est quod dicitur in VI Metaph. [l. 4 (1027 b 25)] : verum et falsum non sunt in rebus, sed in mente ; in simplicibus autem, et quod quid est, nec in mente.

 

Praeterea, in III de Anima [cap. 6 (430 a 26)], indivisibilium intelligentia in illis est in quibus non est verum et falsum.

 

 

Responsio. Dicendum, quod sicut verum per prius invenitur in intellectu quam in rebus, ita etiam per prius invenitur in actu intellectus componentis et dividentis quam in actu intellectus quidditatem rerum formantis.

Veri enim ratio consistit in adaequatione rei et intellectus ; idem autem non adaequatur sibi ipsi, sed aequalitas diversorum est ; unde ibi primo invenitur ratio veritatis in intellectu ubi primo intellectus incipit aliquid proprium habere quod res extra animam non habet, sed aliquid ei correspondens, inter quae adaequatio attendi potest. Intellectus autem formans quidditatem rerum, non habet nisi similitudinem rei existentis extra animam, sicut et sensus in quantum accipit speciem sensibilis ; sed quando incipit iudicare de re apprehensa, tunc ipsum iudicium intellectus est quoddam proprium ei, quod non invenitur extra in re. Sed quando adaequatur ei quod est extra in re, dicitur iudicium verum ; tunc autem iudicat intellectus de re apprehensa quando dicit aliquid esse vel non esse, quod est intellectus componentis et dividentis ; unde dicit etiam philosophus in VI Metaph. [l. 4 (1027 b 29)], quod compositio et divisio est in intellectu, et non in rebus. Et inde est quod veritas per prius invenitur in compositione et divisione intellectus.

 

 

 

Secundario autem dicitur verum et per posterius in intellectu formante quiditates rerum vel definitiones ; unde definitio dicitur vera vel falsa, ratione compositionis verae vel falsae, ut quando scilicet dicitur esse definitio eius cuius non est, sicut si definitio circuli assignetur triangulo ; vel etiam quando partes definitionis non possunt componi ad invicem, ut si dicatur definitio alicuius rei animal insensibile, haec enim compositio quae implicatur, scilicet aliquod animal est insensibile, est falsa. Et sic definitio non dicitur vera vel falsa nisi per ordinem ad compositionem, sicut et res dicitur vera per ordinem ad intellectum.

 

Patet ergo ex dictis quod verum per prius dicitur de compositione vel divisione intellectus ; secundo dicitur de definitionibus rerum, secundum quod in eis implicatur compositio vera vel falsa ; tertio de rebus secundum quod adaequantur intellectui divino, vel aptae natae sunt adaequari intellectui humano ; quarto dicitur de homine, propter hoc quod electivus est verorum vel facit existimationem de se vel de aliis veram vel falsam per ea quae dicit vel facit. Voces autem eodem modo recipiunt veritatis praedicationem, sicut intellectus quos significant.

 

 

 

Ad primum ergo dicendum, quod quamvis formatio quidditatis sit prima operatio intellectus, tamen per eam non habet intellectus aliquid proprium quod possit rei adaequari ; et ideo non est ibi proprie veritas.

 

Et per hoc patet solutio ad secundum.

 

 

 

 

 

 

Article 4 - Y A-T-IL SEULEMENT UNE VÉRITÉ PAR LAQUELLE TOUTES CHOSES SONT VRAIES ?

(Quarto quaeritur utrum sit tantum una veritas qua omnia sunt vera.)

 

 

Il semble que oui.

 

1° Anselme dit au livre sur la Vérité que la vérité est aux réalités vraies ce que le temps est aux choses temporelles. Or le temps se rapporte à toutes les choses temporelles de telle façon qu’il y a seulement un temps. La vérité se rapportera donc à toutes les choses vraies de telle façon qu’il y aura seulement une vérité.

 

2° [Le répondant] disait que la vérité se dit de deux façons : d’abord en tant qu’elle est identique à l’entité de la réalité, comme saint Augustin la définit au livre des Solilo­ques : « Le vrai, c’est ce qui est » ; et ainsi, il est nécessaire qu’il y ait plusieurs vérités, puisqu’il y a plusieurs essences des réa­lités. Ensuite en tant qu’elle s’exprime dans l’intelligence, comme saint Hilaire la défi­nit : « Le vrai fait clairement voir l’être » ; et de cette façon, puisque rien ne peut mani­fester quelque chose à l’intelli­gence si ce n’est par la vertu de la vérité première divine, toutes les vérités sont un, d’une certaine façon, dans l’acte de mouvoir l’intelligence, de même que toutes les couleurs sont également un lorsqu’elles meuvent la vue, en tant qu’elles la meuvent, c’est-à-dire en raison d’une seule chose, la lumière. En sens contraire : le temps de toutes les choses temporelles est numéri­quement un. Si donc la vérité est aux réa­lités vraies ce que le temps est aux choses temporelles, il est nécessaire que toutes les choses vraies aient une vérité numérique­ment une ; et il ne suffit pas que toutes les vérités soient un dans l’acte de mouvoir, ou qu’elles soient une dans le modèle.

 

3° Anselme argumente ainsi au livre sur la Vérité : si à plusieurs choses vraies corres­pondent plusieurs vérités, il est nécessaire que les vérités varient selon la variété des choses vraies. Or les vérités ne varient pas selon la variation des réalités vraies, car, une fois détruites les réalités vraies ou droites, il reste encore la vérité et la rectitude suivant lesquelles elles sont vraies ou droites. Il y a donc une seule vérité. Il prouve la mineure par ceci que, une fois détruit le signe, il reste encore la rectitude de la signification, car il est correct de signifier ce que ce signe signifiait ; et pour la même raison, une fois détruit n’importe quoi de vrai ou de droit, sa rectitude ou sa vérité demeure.

 

 

4° Dans les choses créées, rien n’est ce dont il est la vérité ; par exemple, la vérité de l’homme n’est pas l’homme, et la vérité de la chair n’est pas la chair. Or n’importe quel étant créé est vrai. Donc aucun étant créé n’est vérité ; toute vérité est donc un incréé, et ainsi, il y a seulement une vérité.

 

 

5° Rien n’est plus grand que l’esprit humain, si ce n’est Dieu, comme dit saint Augustin. Or la vérité, comme il le prouve au livre des Soliloques, est plus grande que l’esprit humain, car on ne peut pas dire qu’elle soit plus petite : dans ce cas, en effet, l’esprit humain aurait à juger de la vérité, ce qui est faux, car il juge non pas d’elle, mais selon elle, tout comme le juge ne juge pas de la loi, mais selon elle, ainsi que le même saint Augustin le dit au livre de la Vraie Religion. Semblablement, on ne peut pas dire non plus qu’elle lui soit égale, car l’âme juge toutes choses selon la vérité, mais elle ne juge pas toutes choses selon elle-même. Il n’y a donc de vérité que Dieu ; et ainsi, il y a seulement une vérité.

 

 

 

6° Voici comment saint Augustin prouve au livre des 83 Questions que la vérité n’est pas perçue par un sens du corps : on ne perçoit par un sens que ce qui est chan­geant ; or la vérité est immuable ; elle n’est donc pas perçue par un sens. On peut argumenter semblablement : toute créature est changeante ; or la vérité n’est pas chan­geante ; elle n’est donc pas une créature ; elle est donc une réalité incréée ; il y a donc seulement une vérité.

 

7° Au même endroit, saint Augustin argu­mente dans le même sens de cette façon : « Il n’est point d’objet sensible qui n’offre quelque apparence de fausseté, sans qu’on puisse en faire la discrimination. En effet, pour ne citer que ce fait, tout ce dont nous avons la sensation physique, même quand cela ne tombe pas actuellement sous les sens, nous en éprouvons pourtant les images tout comme si c’était présent, par exemple dans le sommeil, ou dans l’hallu­cination. » Or la vérité n’a aucune appa­rence de fausseté. La vérité n’est donc pas perçue par le sens. On peut argumenter semblablement : toute créature a quelque apparence de fausseté, en tant qu’elle a de la défectuosité ; donc rien de créé n’est la vérité ; et ainsi, il y a seulement une vérité.

 

En sens contraire :

 

1) Saint Augustin dit au livre sur la Vraie Religion : « De même que la ressemblance est la forme des choses semblables, de même la vérité est la forme des choses vraies. » Or, à plusieurs choses semblables correspondent plusieurs ressemblances. À plusieurs choses vraies correspondent donc plusieurs vérités.

 

2) De même que toute vérité créée dérive de la vérité incréée comme d’un modèle et tient d’elle sa propre vérité, de même toute lumière intellectuelle dérive de la première lumière incréée comme d’un modèle et lui doit sa puissance de manifestation. Cepen­dant nous disons qu’il y a plusieurs lumiè­res intellectuelles, comme le montre claire­ment Denys. Il semble donc que, d’une façon toute semblable, il faille accorder sans réserve qu’il y a plusieurs vérités.

 

3) Bien que les couleurs doivent à la puissance de la lumière de mouvoir la vue, on dit tout bonnement que les couleurs sont nombreuses et différentes, et ce n’est qu’à un certain point de vue qu’elles peuvent être dites un. Donc, bien que toutes les vérités créées s’expriment aussi

à l’intelligence par la vertu de la vérité première, on ne pourra cependant pas en déduire que la vérité est une, si ce n’est à un certain point de vue.

 

4) De même que la vérité créée ne peut se manifester à l’intelligence que par la vertu de la vérité incréée, de même, dans la créature, aucune puissance ne peut agir si ce n’est par la vertu de la puissance incréée. Et nous ne disons nullement qu’une est la puissance de toutes les choses qui ont une puissance. Il ne faut donc pas davantage dire qu’une est la vérité de toutes les choses vraies.

 

5) Par rapport aux réalités, Dieu est dans une triple relation de cause, à savoir : efficiente, exemplaire et finale ; et par une certaine appropriation, l’entité des réalités se rapporte à Dieu comme à une cause efficiente, la vérité comme à une cause exemplaire, la bonté comme à une cause finale – quoique chacune puisse aussi être rapportée à chaque cause en propriété de termes. Or aucune façon de parler ne nous permet de dire qu’une est la bonté de tous les biens, ou une l’entité de tous les êtres. Nous ne devons donc pas dire non plus qu’une est la vérité de toutes les choses vraies.

 

6) Bien qu’il y ait une unique vérité incréée, modèle de toutes les vérités créées, cepen­dant ces dernières ne la reproduisent pas de la même façon ; car, bien qu’elle se rapporte à toutes semblablement, cepen­dant toutes ne se rapportent pas à elle semblablement, comme il est dit au livre des Causes ; et c’est pourquoi la vérité des choses néces­saires et celle des choses contingentes la reproduisent différemment. Or une façon différente d’imiter le modèle divin produit une diversité dans les réalités créées ; il y a donc, absolument parlant, plusieurs vérités créées.

 

7) « La vérité est adéquation de la réalité et de l’intelligence. » Or, pour des choses qui diffèrent par l’espèce, il ne peut y avoir une unique adéquation entre la réalité et l’intel­ligence. Puis donc que les réalités vraies diffèrent par l’espèce, il ne peut y avoir une unique vérité de toutes les choses vraies.

 

8) Saint Augustin dit au douzième livre sur la Trinité : « Il faut croire que la nature de l’esprit humain est tellement liée aux réa­lités intelligibles que tout ce qu’il connaît est regardé par lui dans une certaine lumière de son genre à lui. » Or la lumière par laquelle l’âme connaît toutes choses est la vérité. La vérité est donc du genre de l’âme elle-même, et ainsi, il est nécessaire que la vérité soit une réalité créée ; il y aura donc, en des créatures différentes, des véri­tés différentes.

 

Réponse :

 

Ainsi qu’il ressort de ce qu’on a dit plus haut, la vérité se trouve proprement dans l’intelligence humaine ou divine, comme la santé dans l’animal ; et la vérité se trouve dans les autres réalités par une relation à l’intelligence, tout comme la santé se dit de certaines autres choses en tant qu’elles produisent ou conservent la santé de l’animal. La vérité est donc dans l’intel­ligence divine premièrement et proprement, dans l’intelligence humaine proprement mais secondairement, et dans les réalités improprement et secondairement, car elle n’y est que par un rapport à l’une des deux vérités.

 

Il y a donc une seule vérité de l’intelligence divine, de laquelle dérivent plusieurs vérités dans l’intel­ligence humaine, « de même que d’un seul visage d’homme rejail­lissent plu­sieurs ressemblances dans un miroir », comme dit la Glose à propos de ce verset : « Les vérités ont été altérées par les enfants des hommes. » Et les vérités qui sont dans les réalités sont nombreuses, tout comme les entités des réalités. De son côté, la véri­té qui se dit des réalités relativement à l’in­telligence humaine est, d’une certaine fa­çon, accidentelle aux réalités, car, supposé que l’intelligence humaine n’existe pas ni ne puisse exister, la réalité demeu­rerait encore dans son essence. Mais la vérité qui est dite d’elles relativement à l’intelligence divine leur est insépara­blement consécutive, puis­qu’elles ne peuvent subsister que par l’intelligence divine qui les amène à l’existence. De plus, la vérité est dans la réalité relativement à l’intelligence divine avant d’y être relati­vement à l’intelligence humaine, puisque la réalité se rapporte à l’intelligence divine comme à une cause, mais à l’humaine, d’une certaine façon, comme à un effet, en tant que l’intelligence reçoit la science depuis les réalités. Ainsi donc, c’est princi­palement par rapport à la vérité de l’intelligence divine qu’une réalité est dite vraie, plutôt que par rapport à la vérité de l’intelligence humaine.

 

Si donc l’on prend cette vérité proprement dite selon laquelle toutes choses sont vraies principalement, alors toutes choses sont vraies d’une seule vérité, à savoir, de la vérité de l’intelligence divine : et c’est en ce sens qu’Anselme parle de la vérité au livre sur la Vérité. Mais si l’on prend cette vérité proprement dite selon laquelle les réalités sont appelées vraies secondairement, alors à de nombreuses choses vraies corres­pondent de nombreuses vérités, et même une seule chose vraie a plusieurs vérités en différentes âmes. Et si l’on prend la vérité improprement dite selon laquelle toutes choses sont appelées vraies, alors il y a plusieurs vérités pour plusieurs choses vraies, mais pour une seule chose vraie seulement une vérité.

 

Et les réalités sont dénommées vraies d’après la vérité qui est dans l’intelligence divine ou dans l’intelligence humaine, comme la nourriture est dénommée saine d’après la santé qui est dans l’animal, et non comme d’après une forme inhérente. En revanche, d’après la vérité qui est dans la réalité elle-même, et qui n’est rien d’autre que l’entité adéquate à l’intelligence, ou se la rendant adéquate, [la réalité] est dénommée [vraie] comme d’après une forme inhérente, comme la nourriture est dénommée saine d’après sa qualité, qui la fait appeler saine.

 

Réponse aux objections :

 

1° Le temps est aux choses temporelles ce que la mesure est au mesuré ; il est donc clair qu’Anselme parle de cette vérité qui est la mesure de toutes les réalités vraies, et cette vérité est numériquement unique, de même que le temps est un, comme conclut le deuxième argument. Mais la vérité qui est dans l’intelligence humaine, ou dans les réalités mêmes, n’est pas aux réalités ce que la mesure extrinsèque et commune est aux choses mesurées, mais ou bien elle est ce que le mesuré est à la mesure, comme c’est le cas de la vérité de l’intelligence humaine, et ainsi il est nécessaire qu’elle varie selon la variété des réalités, ou bien elle est comme une mesure intrinsèque, comme c’est le cas de la vérité qui est dans les réalités mêmes ; et il est nécessaire que ces mesures aussi se diversifient selon la pluralité des choses mesurées, de même que les différents corps ont des dimensions différentes.

 

2° Nous l’accordons.

 

3° La vérité qui demeure après la destruc­tion des réalités est la vérité de l’intelligence divine, et cette vérité est numériquement une, absolument parlant, au lieu que la vérité qui est dans les réalités ou dans l’âme varie selon la variété des réalités.

 

4° Quand on dit : « aucune réalité n’est sa vérité », cela se comprend des réalités qui ont un être achevé dans la nature, comme quand on dit « aucune réalité n’est son être ». Et cependant, l’être de la réalité est une certaine réalité créée ; et de la même façon, la vérité de la réalité est quelque chose de créé.

 

5° La vérité selon laquelle l’âme juge de toutes choses est la vérité première. En effet, de même que de la vérité de l’intel­ligence divine s’écoulent vers l’intelligence angélique les espèces innées des réalités, par lesquelles les anges connaissent toutes choses, de même de la vérité de l’intel­ligence divine, comme d’un modèle, procède en notre intelligence la vérité des premiers principes, selon laquelle nous jugeons de toutes choses. Et parce que nous ne pourrions pas juger par elle si elle n’était une ressemblance de la vérité première, on dit que nous jugeons de toutes choses selon la vérité première.

 

6° Cette vérité immuable est la vérité première, laquelle n’est pas perçue par le sens, et n’est pas non plus quelque chose de créé.

 

7° Même la vérité créée n’a aucune appa­rence de fausseté, bien que n’importe quelle créature ait quelque apparence de faus­seté ; car la créature a quelque apparence de fausseté dans la mesure où elle est déficiente, au lieu que la vérité accompagne la réalité créée non pas du côté où elle est déficiente, mais pour autant que, conformée à la vérité première, elle s’éloigne du défaut.

 

 

Réponse aux objections en sens contraire :

 

1) La ressemblance se trouve proprement dans l’un et l’autre semblable, au lieu que la vérité, étant une certaine convenance de l’intelligence et de la réalité, se trouve proprement non pas dans l’une et l’autre, mais dans l’intelligence ; par conséquent, puisqu’il y a une intelligence unique, la divine, par conformité avec laquelle toutes choses sont vraies et sont appelées vraies, il est nécessaire que toutes les choses soient vraies d’après une vérité unique, bien que dans une pluralité de choses semblables il y ait diverses ressemblances.

 

2) Bien que la lumière intellectuelle ait pour modèle la lumière divine, cependant « lumière » se dit proprement des lumières intellectuelles créées ; mais « vérité » ne se dit pas proprement des réalités qui ont leur modèle dans l’intelligence divine ; voilà pourquoi nous ne disons pas la lumière une, comme nous disons la vérité une.

 

 

3) Et il faut répondre semblablement au troisième argument sur les couleurs, car elles aussi sont proprement appelées visibles, bien qu’on ne les voie que par la lumière.

 

4) & 5) Et il faut répondre semblablement au quatrième argument sur la puissance, et au cinquième sur l’entité.

 

6) Bien que les réalités reproduisent diver­sement la vérité divine, cela n’exclut cepen­dant pas, à proprement parler, qu’elles soient vraies par une vérité unique et non par plusieurs : car ce qui est diversement reçu dans les reproductions du modèle n’est pas proprement appelé vérité, comme il est proprement appelé vérité dans le modèle.

7) Bien que les choses qui diffèrent par l’espèce ne soient pas, du côté des réalités elles-mêmes, adéquates à l’intelligence divine par une adéquation unique, cepen­dant l’intelligence divine, à laquelle toutes choses sont adéquates, est une ; et de son côté, il y a une unique adéquation à toutes les réalités, quoique toutes ne lui soient pas adéquates de la même façon ; voilà pourquoi la vérité de toutes les réalités est une, de la façon susdite.

 

8) Saint Augustin parle de la vérité qui est une reproduction de l’esprit divin lui-même dans notre esprit, comme la ressemblance d’un visage rejaillit dans un miroir ; et de telles vérités, qui rejaillissent de la vérité première dans nos âmes, sont nombreuses, comme on l’a dit. Ou bien l’on peut répondre que, d’une certaine façon, la vérité première est du genre de l’âme, en prenant le genre au sens large, comme on dit que toutes les intelligibles ou les incorporels sont d’un seul et même genre, selon la manière de s’exprimer de Act. 17, 28 : « Car nous aussi sommes de la race [litt. du genre] de Dieu. »

 

Et videtur quod sic.

 

Anselmus enim dicit in libro de Veritate [cap. 13] quod sicut tempus se habet ad temporalia, ita veritas ad res veras. Sed tempus ita se habet ad omnia temporalia quod est unum tempus tantum. Ergo ita se habebit veritas ad omnia vera quod erit tantum una veritas.

 

Sed dicebat, quod veritas dupliciter dicitur. Uno modo secundum quod est idem quod entitas rei, ut definit eam Augustinus in libro Solil. [II, 5] : verum est id quod est ; et sic oportet esse plures veritates secundum quod sunt plures essentiae rerum. Alio modo prout exprimit se in intellectum, prout definit eam Hilarius [De Trin. V, 3] : verum est declarativum esse ; et hoc modo, cum nihil possit aliquid manifestare intellectui nisi secundum virtutem primae veritatis divinae, omnes veritates quodammodo sunt unum in movendo intellectum, sicut et omnes colores sunt unum in movendo visum, in quantum movent ipsum, in ratione scilicet unius luminis. – Sed contra, tempus est unum numero omnium temporalium. Si ergo ita se habet veritas ad res veras sicut tempus ad temporalia, oportet omnium verorum unam esse numero veritatem ; nec sufficit omnes veritates esse unum in movendo, vel esse in exemplari unam.

 

 

 

Praeterea, Anselmus in libro de Veritate [cap. 13] sic argumentatur : si plurium verorum sunt plures veritates, oportet veritates variari secundum varietates verorum. Sed veritates non variantur per variationem rerum verarum, quia destructis rebus veris vel rectis adhuc remanet veritas et rectitudo, secundum quam sunt vera vel recta. Ergo est una tantum veritas. Minorem probat ex hoc quia, destructo signo, adhuc remanet rectitudo significationis, quia rectum est ut significetur hoc quod illud signum significabat ; et eadem ratione, destructo quolibet vero vel recto, eius rectitudo vel veritas remanet.

 

Praeterea, in creatis nihil est id cuius est veritas, sicut veritas hominis non est homo, nec veritas carnis est caro. Sed quodlibet ens creatum est verum. Ergo nullum ens creatum est veritas ; ergo omnis veritas est increatum, et ita est tantum una veritas.

 

Praeterea, nihil est maius mente humana nisi Deus, ut dicit Augustinus [e.g. De lib. arb. I, 10 ; II, 6 ; De Trin. XV, 1]. Sed veritas, ut probat Augustinus in libro Solil. [De lib. arb. II, 12], est maior mente humana, quia non potest dici quod sit minor. Sic enim haberet mens humana de veritate iudicare, quod falsum est. Non enim de ea iudicat, sed secundum eam, sicut et iudex non iudicat de lege, sed secundum eam, ut idem dicit in libro de Vera Relig. [cap. 31]. Similiter nec etiam dici potest quod sit ei aequalis, quia anima iudicat omnia secundum veritatem ; non autem iudicat omnia secundum seipsam. Ergo veritas non est nisi Deus ; et ita est tantum una veritas.

 

Praeterea, Augustinus probat in libro LXXXIII Quaestionum [qu. 9], quod veritas non percipitur sensu corporis, hoc modo : nihil percipitur a sensu nisi mutabile. Sed veritas est immutabilis. Ergo sensu non percipitur. Similiter argui potest : omne creatum est mutabile. Sed veritas non est mutabilis. Ergo non est creatura ; ergo est res increata ; ergo est tantum una veritas.

 

Praeterea, ibidem Augustinus argumentatur ad idem hoc modo : nullum sensibile est quod non habeat aliquid simile falso, ita ut internosci non possit ; nam, ut alia praetermittam, omnia quae per corpus sentimus, etiam cum ea non adsunt sensibus, imagines tamen eorum patimur tamquam prorsus adsint, velut in somno, vel in furore. Sed veritas non habet aliquid simile falso. Ergo veritas sensu non percipitur. Similiter argui potest : omne creatum habet aliquid simile falso, in quantum habet aliquid de defectu. Ergo nullum creatum est veritas ; et sic est una tantum veritas.

Sed contra. Augustinus in libro de Vera Religione [cap. 36] : sicut similitudo est forma similium, ita veritas est forma verorum. Sed plurium similium plures similitudines. Ergo plurium verorum plures veritates.

 

 

 

Praeterea, sicut omnis veritas creata derivatur a veritate increata exemplariter, et ab ea suam veritatem habet, ita omne lumen intelligibile a prima luce increata derivatur exemplariter, et vim manifestandi habet. Dicimus tamen esse plura lumina intelligibilia, ut patet per Dionysium [De cael. hier., cap. 13, § 3]. Ergo videtur consimili modo concedendum simpliciter esse plures veritates.

 

Praeterea, colores quamvis habeant ex virtute lucis quod moveant visum, tamen simpliciter dicuntur esse plures colores et differentes, nec possunt dici esse unum nisi secundum quid. Ergo quamvis et omnes veritates creatae se intellectui exprimant virtute primae veritatis, non tamen ex hoc dici poterit una veritas nisi secundum quid.

 

 

Praeterea, sicut veritas creata non potest se intellectui manifestare nisi virtute veritatis increatae, ita nulla potentia in creatura potest aliquid agere nisi virtute potentiae increatae. Nec aliquo modo dicimus esse unam potentiam omnium habentium potentiam. Ergo nec dicendum est aliquo modo esse unam veritatem omnium verorum.

 

Praeterea, Deus comparatur ad res in habitudine triplicis causae : scilicet effectivae, exemplaris et finalis ; et per quamdam appropriationem entitas rerum refertur ad Deum ut ad causam efficientem, veritas ut ad causam exemplarem, bonitas ut ad causam finalem, quamvis etiam singula possunt ad singula referri secundum locutionis proprietatem. Sed non dicimus aliquo modo locutionis esse unam bonitatem omnium bonorum, aut unam entitatem omnium entium. Ergo nec dicere debemus unam veritatem omnium verorum.

 

Praeterea, quamvis sit una veritas increata, a qua omnes veritates creatae exemplantur, non tamen eodem modo exemplantur ab ipsa ; quia, quamvis ipsa similiter se habeat ad omnia, non tamen similiter omnia se habent ad ipsam, ut dicitur in libro de Causis [comm. 24 (23)] ; unde alio modo exemplatur ab ipsa veritas necessariorum et contingentium. Sed diversus modus imitandi exemplar divinum facit diversitatem in rebus creatis, ergo sunt simpliciter plures veritates creatae.

 

Praeterea, veritas est adaequatio rei et intellectus. Sed diversorum specie non potest esse una adaequatio rei ad intellectum. Ergo, cum res verae sint specie diversae, non potest esse una veritas omnium verorum.

 

 

Praeterea, Augustinus dicit in libro XII de Trinitate [cap. 15] : credendum est, mentis humanae naturam rebus intelligibilibus sic esse connexam, ut in quadam luce sui generis omnia quae cognoscit, intueatur. Sed lux per quam anima cognoscit omnia, est veritas. Ergo veritas est de genere ipsius animae, et ita oportet veritatem esse rem creatam ; unde in diversis creaturis erunt diversae veritates.

 

 

 

Responsio. Dicendum, quod sicut ex praedictis [art. 2] patet, veritas proprie invenitur in intellectu humano vel divino, sicut sanitas in animali. In rebus autem aliis invenitur veritas per relationem ad intellectum, sicut et sanitas dicitur de quibusdam aliis in quantum sunt effectiva vel conservativa sanitatis animalis. Est ergo veritas in intellectu divino quidem primo et proprie ; in intellectu vero humano proprie quidem sed secundario ; in rebus autem improprie et secundario, quia non nisi per respectum ad alteram duarum veritatum.

Veritas ergo intellectus divini est una tantum, a qua in intellectu humano derivantur plures veritates, sicut ab una facie hominis resultant plures similitudines in speculo, sicut dicit Glossa [P. Lombardi, PL 191, 155 A] super illud [Ps. XI, 2] : diminutae sunt veritates a filiis hominum. Veritates autem quae sunt in rebus, sunt plures, sicut et rerum entitates. Veritas autem quae dicitur de rebus in comparatione ad intellectum humanum, est rebus quodammodo accidentalis, quia posito quod intellectus humanus non esset nec esse posset, adhuc res in sua essentia permaneret. Sed veritas quae de eis dicitur in comparatione ad intellectum divinum eis inseparabiliter concomitatur : cum nec subsistere possint nisi per intellectum divinum eas in esse producentem. Per prius etiam inest rei veritas in comparatione ad intellectum divinum quam humanum, cum ad intellectum divinum comparetur sicut ad causam, ad humanum autem quodammodo sicut ad effectum, in quantum intellectus scientiam a rebus accipit. Sic ergo res aliqua prin­cipalius dicitur vera in ordine ad veritatem intellectus divini quam in ordine ad veritatem intellectus humani.

Si ergo accipiatur veritas proprie dicta secundum quam sunt omnia principaliter vera, sic omnia sunt vera una veritate, scilicet veritate intellectus divini ; et sic Anselmus de veritate loquitur in libro de veritate [cap. 13]. Si autem accipiatur veritas proprie dicta, secundum quam secundario res verae dicuntur, sic sunt plurium verorum plures veritates et etiam unius veri plures veritates in animabus diversis. Si autem accipiatur veritas improprie dicta, secundum quam omnia dicuntur vera, sic sunt plurium verorum plures veritates ; sed unius veri tantum una veritas.

 

 

Denominantur autem res verae a veritate quae est in intellectu divino vel in intellectu humano, sicut denominatur cibus sanus a sanitate quae est in animali, et non sicut a forma inhaerente ; sed a veritate quae est in ipsa re, quae nihil aliud est quam entitas intellectui adaequata, vel intellectum sibi adaequans, denominatur sicut a forma inhaerente, sicut cibus denominatur sanus a qualitate sua, a qua sanus dicitur.

Ad primum ergo dicendum, quod tempus comparatur ad temporalia sicut mensura ad mensuratum ; unde patet quod Anselmus loquitur de illa veritate quae est mensura omnium rerum verarum ; et ista est una numero tantum, sicut tempus unum, ut in II arg. concluditur. Veritas autem quae est in intellectu humano vel in ipsis rebus, non comparatur ad res sicut mensura extrinseca et communis ad mensurata, sed vel sicut mensuratum ad mensuram, ut est de veritate intellectus humani, et sic oportet eam variari secundum varietatem rerum ; vel sicut mensura intrinseca, sicut est de veritate quae est in ipsis rebus : et has etiam mensuras oportet plurificari secundum pluralitatem mensuratorum, sicut diversorum corporum sunt diversae dimensiones.

 

Secundum concedimus.

 

Ad tertium dicendum, quod veritas quae remanet destructis rebus, est veritas intellectus divini ; et haec simpliciter est una numero : veritas autem quae est in rebus vel in anima, variatur ad varietatem rerum.

 

Ad quartum dicendum, quod cum dicitur : nulla res est sua veritas : intelligitur de rebus quae habent esse completum in natura ; sicut et cum dicitur : nulla res est suum esse : et tamen esse rei quaedam res creata est ; et eodem modo veritas rei aliquid creatum est.

 

Ad quintum dicendum, quod veritas secundum quam anima de omnibus iudicat, est veritas prima. Sicut enim a veritate intellectus divini effluunt in intellectum angelicum species rerum innatae, secundum quas omnia cognoscunt ; ita a veritate intellectus divini procedit exemplariter in intellectum nostrum veritas primorum principiorum secundum quam de omnibus iudicamus. Et quia per eam iudicare non possemus nisi secundum quod est similitudo primae veritatis, ideo secundum primam veritatem dicimur de omnibus iudicare.

 

Ad sextum dicendum, quod veritas illa immutabilis, est veritas prima ; et haec neque sensu percipitur, neque aliquid creatum est.

 

Ad septimum dicendum, quod ipsa etiam veritas creata non habet aliquid simile falso, quamvis creatura quaelibet aliquid simile falso habeat ; in tantum enim creatura aliquid simile falso habet, in quantum deficiens est. Sed veritas non ex ea parte rem consequitur creatam qua deficiens est, sed secundum quod a defectu recedit primae veritati conformata.

 

 

Ad primum vero eorum quae contra obiiciuntur, dicendum est, quod similitudo proprie invenitur in utroque similium ; veritas autem, cum sit quaedam convenientia intellectus et rei, non proprie invenitur in utroque, sed in intellectu ; unde, cum sit unus intellectus, scilicet divinus, secundum cuius conformitatem omnia vera sunt et dicuntur, oportet omnia vera esse secundum unam veritatem, quamvis in pluribus similibus sint diversae similitudines.

 

Ad secundum dicendum, quod quamvis lumen intelligibile exempletur a lumine divino, tamen lumen proprie dicitur de intelligibilibus luminibus creatis ; non autem veritas proprie dicitur de rebus exemplatis ab intellectu divino ; et ideo non dicimus unum lumen, sicut dicimus, unam veritatem.

 

Et similiter dicendum ad tertium de coloribus ; quia colores etiam proprie visibiles dicuntur, quamvis non videantur nisi per lucem.

 

 

Et similiter dicendum ad quartum de potentia, et ad quintum de entitate.

 

 

Ad sextum dicendum, quod quamvis exemplentur difformiter a veritate divina, non tamen propter hoc excluditur quin res una veritate sint verae, et non pluribus, proprie loquendo ; quia illud quod diversimode recipitur in rebus exemplatis, non proprie dicitur veritas, sicut proprie dicitur veritas in exemplari.

Ad septimum dicendum, quod quamvis ea quae sunt diversa specie, ex parte ipsarum rerum una adaequatione non adaequentur divino intellectui, intellectus tamen divinus, cui omnia adaequantur, est unus ; et ex parte eius est una adaequatio ad res omnes, quamvis non omnia sibi eodem modo adaequentur ; et ideo modo praedicto omnium rerum veritas una est.

 

Ad octavum dicendum, quod Augustinus loquitur de veritate quae est exemplata ab ipsa mente divina in mente nostra, sicut similitudo faciei resultat in speculo ; et huiusmodi veritates resultantes in animabus nostris a prima veritate, sunt multae, ut dictum est. Vel dicendum, quod veritas prima quodammodo est de genere animae large accipiendo genus, secundum quod omnia intelligibilia vel incorporalia unius generis esse dicuntur, per modum quo dicitur Act., XVII, 28 : ipsius enim Dei et nos genus sumus.

 

 

 

 

 

 

 

Article 5 - Y A-T-IL, EN PLUS DE LA VÉRITÉ PREMIÈRE, UNE AUTRE VÉRITÉ ÉTERNELLE ?

(Quinto quaeritur utrum aliqua alia veritas praeter primam veritatem sit aeterna.)

 

 

Il semble que oui.

 

1° Anselme, parlant de la vérité des énoncés, dit dans son Monologion : « Soit que l’on pense que la vérité a principe et fin, soit que l’on reconnaisse qu’elle n’en a pas, la vérité ne peut être enclose par aucun principe ni fin. » Or on reconnaît que toute vérité, ou bien a un principe et une fin, ou bien n’a pas de principe ni de fin. Aucune vérité n’est donc enclose par un principe et une fin. Or tout ce qui est tel, est éternel. Toute vérité est donc éternelle.

 

 

2° Tout ce dont l’être est consécutif à la destruction de son être, est éternel, car, que l’on affirme qu’il est ou qu’il n’est pas, il s’ensuit qu’il est ; et quel que soit le temps où l’on se place, il est nécessaire d’affirmer pour chaque chose qu’elle est ou n’est pas. Or il s’ensuit de la destruction de la vérité que la vérité est ; car si la vérité n’est pas, il est vrai que la vérité n’est pas, et rien ne peut être vrai que par la vérité. La vérité est donc éternelle.

 

 

3° Si la vérité des énoncés n’est pas éter­nelle, alors on pourra déterminer un temps où la vérité des énoncés n’était pas. Or en ce temps-là cet énoncé était vrai : « Il n’est aucune vérité des énoncés. » Donc la vérité des énoncés était, ce qui est contraire à l’hypothèse. On ne peut donc pas dire que la vérité des énoncés n’est pas éternelle.

 

 

 

4° Au premier livre de la Physique, le Philosophe prouve que la matière est éter­nelle – quoique ce soit faux – par la raison qu’elle demeure après sa corruption et qu’elle est avant sa génération, attendu que, si elle est corrompue, elle se corrompt en quelque chose, et si elle est générée, elle est générée à partir de quelque chose ; or, ce à partir de quoi une chose est générée et ce en quoi une chose se corrompt, est matière. Or semblablement, si l’on affirme que la vérité est corrompue ou générée, il s’ensuit qu’elle est avant sa génération et après sa corruption ; car si elle est générée, elle est changée du non-être à l’être, et si elle est corrompue, elle est changée de l’être au non-être ; or, quand la vérité n’est pas, il est vrai que la vérité n’est pas, ce qui, évidemment, ne peut avoir lieu sans que la vérité soit. La vérité est donc éternelle.

 

 

5° Tout ce dont le non-être ne peut pas être pensé, est éternel, car tout ce qui peut ne pas être, on peut en penser le non-être. Or on ne peut pas penser que la vérité même des énoncés n’est pas, car l’intelligence ne peut rien penser sans penser que c’est vrai. La vérité même des énoncés est donc elle aussi éternelle.

 

 

6° Ce qui est futur a toujours été futur, et ce qui est passé sera toujours passé. Or une proposition au futur est vraie parce que quelque chose est futur, et une proposition au passé est vraie parce que quelque chose est passé. La vérité d’une proposition au futur a donc toujours été, et la vérité d’une proposition au passé sera toujours ; et ainsi, non seulement la vérité première est éternelle, mais de nombreuses autres aussi.

 

 

 

7° Saint Augustin dit au livre sur le Libre Arbitre que « rien n’est plus éternel que la notion de cercle, et que deux et trois font cinq ». Or la vérité de ces choses est une vérité créée. Il y a donc une vérité éternelle en plus de la vérité première.

 

 

8° Pour la vérité d’une énonciation, il n’est pas nécessaire que l’on énonce actuelle­ment quelque chose, mais il suffit qu’il y ait ce à propos de quoi l’énonciation peut être formée. Or, avant que le monde fût, il y eut, en plus même de Dieu, quelque chose à propos de quoi l’on aurait pu énoncer. Donc, avant que le monde ne fût fait, il y eut la vérité des énoncés. Or ce qui fut avant le monde, est éternel. La vérité des énoncés est donc éternelle. Preuve de la mineure : le monde a été fait de rien, c’est-à-dire après le néant. Donc, avant que le monde fût, il y avait son non-être. Or l’énonciation vraie ne se forme pas seule­ment à propos de ce qui est, mais aussi à propos de ce qui n’est pas : de même en effet qu’il nous arrive d’énoncer en vérité que ce qui est, est, de même nous arrive-t-il d’énoncer en vérité que ce qui n’est pas, n’est pas, comme on le voit clairement au premier livre du Péri Hermêneias. Donc, avant que le monde fût, il y eut de quoi pouvoir former une énonciation vraie.

 

9° Tout ce qui est su est vrai pendant qu’il est su. Or Dieu a su de toute éternité tous les énoncés. La vérité de tous les énoncés est donc de toute éternité ; et ainsi, plusieurs vérités sont éternelles.

 

 

10° [Le répondant] disait qu’il ne s’ensuit pas de là que ces choses sont vraies en elles-mêmes, mais qu’elles le sont dans l’intelligence divine. En sens contraire : c’est dans la mesure où des choses sont sues qu’il est nécessaire qu’elles soient vraies. Or, de toute éternité, toutes choses sont sues de Dieu non seulement en tant qu’elles sont dans son esprit, mais aussi en tant qu’elles existent en leur nature propre ; Eccli. 23, 29 : « Du Seigneur Dieu, avant qu’elles fussent créées, toutes les choses étaient connues, de même qu’après leur achèvement il les considère toutes. »

Et ainsi, après que les réalités ont été accomplies, il ne les connaît pas autrement qu’il ne les a connues de toute éternité. Il y eut donc de toute éternité plusieurs vérités non seulement dans l’intelligence divine, mais aussi en soi.

 

11° Une chose est dite être, absolument parlant, lorsqu’elle est dans son achève­ment. Or la notion de vérité est achevée dans l’intelligence. Si donc plusieurs choses vraies ont été dans l’intelligence divine de toute éternité, il faut accorder sans réserve que plusieurs vérités sont éternelles.

 

 

12° Sag. 1, 15 : « La justice est perpétuelle et immortelle. » Or la vérité est une partie de la justice, comme dit Cicéron dans la Rhétorique. Elle est donc perpétuelle et immortelle.

 

13° Les choses universelles sont perpétu­elles et incorruptibles. Or le vrai est suprê­mement universel, car il est convertible avec l’étant. La vérité est donc perpétuelle et incorruptible.

 

14° [Le répondant] disait que l’universel est corrompu non par soi, mais par accident. En sens contraire : une chose doit être nommée plutôt d’après ce qui lui convient par soi que d’après ce qui lui convient par accident. Si donc la vérité est de soi perpé­tuelle et incorruptible et n’est corrom­pue ou générée que par accident, il faut accorder que la vérité dite universellement est éternelle.

 

 

15° De toute éternité, Dieu fut antérieur au monde. La relation d’antériorité est donc en Dieu de toute éternité. Or, si l’on pose un relatif, il est nécessaire de poser aussi l’autre relatif. Il y eut donc de toute éternité postériorité du monde par rapport à Dieu. Il y eut donc de toute éternité une autre chose en dehors de Dieu, à laquelle la vérité convient en quelque façon ; et nous retrouvons ainsi la même conclusion que ci-dessus.

 

16° [Le répondant] disait que cette relation d’antériorité et de postériorité est quelque chose non dans la nature, mais seulement dans la raison. En sens contraire : comme dit Boèce à la fin du livre sur la Consolation, Dieu est par nature antérieur au monde, même si le monde avait toujours existé. Cette relation d’antériorité est donc une relation de nature et pas seulement de raison.

 

17° La vérité de la signification est la rectitude de la signification. Or de toute éternité il a été correct que quelque chose soit signifié. La vérité de la signification a donc existé de toute éternité.

 

18° Il a été vrai de toute éternité que le Père a engendré le Fils, et que le Saint-Esprit a procédé de l’un et l’autre. Or ce sont plusieurs choses vraies. Plusieurs choses vraies existent donc de toute éternité.

 

19° [Le répondant] disait que ces choses sont vraies par une vérité unique, et qu’il ne s’ensuit donc pas qu’il y ait plusieurs vérités de toute éternité. En sens contraire : ce par quoi le Père est Père et engendre le Fils diffère de ce par quoi le Fils est Fils et spire le Saint-Esprit. Or ce par quoi le Père est Père rend vraie cette proposition : « Le Père engendre le Fils », ou celle-là : « Le Père est Père » ; et ce par quoi le Fils est Fils rend la suivante vraie : « Le Fils est engendré par le Père. » De telles proposi­tions ne sont donc pas vraies par une vérité unique.

 

 

20° Bien que « homme » et « capable de rire » soient convertibles, cependant la vérité des deux propositions suivantes n’est pas toujours la même : « l’homme est homme » et « l’homme est capable de rire », puisque la propriété prédiquée par le nom d’homme n’est pas la même que celle prédiquée par l’expression « capable de rire » ; or semblablement, les noms de Père et de Fils n’impliquent pas la même pro­priété. Les propositions susdites n’ont donc pas la même vérité.

 

21° [Le répondant] disait que ces propo­sitions n’ont pas existé de toute éternité. En sens contraire : chaque fois qu’il y a une intelligence qui peut énoncer, il peut y avoir énonciation. Or il y a eu de toute éternité une intelligence divine qui pense que le Père est Père et que le Fils est Fils, et ainsi, qui énonce ou dit, puisque, suivant Anselme, dire et penser sont une même chose pour l’esprit suprême. Les énoncia­tions susdites ont donc existé de toute éternité.

 

En sens contraire :

 

1) Rien de créé n’est éternel. À part la vérité première, toute vérité est créée. Donc seule la vérité première est éternelle.

 

 

2) L’étant et le vrai sont convertibles. Or un seul étant est éternel. Donc une seule vérité est éternelle.

 

Réponse :

 

Comme on l’a déjà dit, la vérité implique une certaine adéquation et une commen­suration ; une chose est donc nommée vraie à la façon dont elle est nommée commen­surée. Or le corps est mesuré tant par une mesure intrinsèque, comme la ligne, la surface ou la profondeur, que par une mesure extrinsèque, comme l’occupant d’un lieu est mesuré par le lieu, le mouvement par le temps, et l’étoffe par l’aune. Quelque chose peut donc aussi être nommé vrai de deux façons : d’abord d’après une vérité inhérente ; ensuite d’après une vérité extrinsèque, et c’est ainsi que toutes les réalités sont nommées vraies d’après la vérité première. Et parce que la vérité qui est dans l’intelligence est mesurée par les réalités elles-mêmes, il s’ensuit que non seulement la vérité de la réalité mais aussi la vérité de l’intelligence, ou de l’énon­ciation, qui signifie la pensée, est nommée d’après la vérité première.

 

Mais dans cette adéquation ou commen­suration de l’intelligence et de la réalité, il n’est pas nécessaire que l’un et l’autre des extrêmes soient en acte. Car notre intel­ligence peut maintenant être adéquate aux choses qui existeront dans le futur mais n’existent pas maintenant ; autrement cette proposition ne serait pas vraie : « L’Anté­christ naîtra » ; cela est donc nommé vrai seulement d’après la vérité qui est dans l’intelligence, même quand la réalité elle-même n’existe pas. Semblablement, l’intel­ligence divine a pu être adéquate de toute éternité aux choses qui n’ont pas existé de toute éternité mais ont été faites dans le temps ; et ainsi, les choses qui sont dans le temps peuvent être nommées vraies de toute éternité d’après la vérité éternelle. Si donc nous prenons la vérité des choses vraies créées inhérente à celles-ci, vérité que nous trouvons dans les réalités et dans l’intelligence créée, alors n’est éternelle ni la vérité des réalités ni celle des énoncés, puisque les réalités mêmes ou les intel­ligences auxquelles ces vérités inhèrent n’existent pas de toute éternité. Mais si l’on prend la vérité des choses vraies créées d’après laquelle toutes choses sont nommées vraies comme par une mesure extrinsèque, qui est la vérité première, alors la vérité de toutes les réalités, de tous les énoncés et de toutes les intelligences est éternelle ; et l’éternité d’une telle vérité est découverte par saint Augustin au livre des Soliloques, ainsi que par Anselme dans son Monologion ; c’est pourquoi Anselme dit au livre sur la Vérité : « Tu peux comprendre comment j’ai prouvé dans mon Monologion, par la vérité d’un propos, que la vérité suréminente n’a ni principe ni fin. »

 

Or cette vérité première ne peut porter sur toutes choses sans être une. Dans notre intelligence, en effet, la vérité se diversifie de deux façons seulement : d’abord, à cause de la diversité des choses connues, dont l’intelligence a différentes connais­sances, d’où résultent différentes vérités dans l’âme ; ensuite, à cause des différentes façons de concevoir : en effet, la course de Socrate est une réalité unique, mais l’âme qui, en composant et divisant, pense du même coup le temps, comme il est dit au troisième livre sur l’Âme, pense diversement la course de Socrate comme présente, passée et future ; et par conséquent, elle forme diverses conceptions en lesquelles se trouvent différentes vérités. Or les deux modes susdits de diversité ne peuvent se trouver dans la connaissance divine. En effet, Dieu n’a pas différentes connais­sances des différentes réalités, mais il connaît toutes choses par une connais­sance unique, car c’est par un [moyen] unique, c’est-à-dire par son essence, qu’il connaît toutes choses, « n’appliquant pas sa connaissance à chacune d’elles », comme dit Denys au livre des Noms divins. Sembla­blement, sa connaissance n’est pas relative à un temps, puisqu’elle est mesurée par l’éternité qui, contenant tout temps, fait abstraction de tout temps. Il reste donc qu’il n’y a pas plusieurs vérités de toute éternité.

Réponse aux objections :

 

1° Comme Anselme s’explique lui-même au livre sur la Vérité, il a dit que la vérité des énonciations n’était pas enclose par un principe et une fin, « non que ce propos » – c’est-à-dire le propos qu’il envisageait et qui signifiait en vérité qu’une chose devait se produire – « ait été sans principe, mais parce qu’on ne peut pas concevoir en quel temps le propos existerait et la vérité lui ferait défaut ». Cela fait donc apparaître qu’il a voulu établir comme étant sans principe ni fin non pas la vérité inhérente à la réalité créée, ni le propos, mais la vérité première, d’après laquelle l’énonciation est appelée vraie comme d’après une mesure extrinsèque.

 

2° Hors de l’âme, nous trouvons deux choses, à savoir : la réalité elle-même, et les négations et privations de la réalité ; et assurément, ces deux choses ne se rappor­tent pas de la même façon à l’intelligence. Car la réalité elle-même, par l’espèce qu’elle possède, est adéquate à l’intelligence divine comme le produit de l’art est adéquat à l’art ; et en vertu de la même espèce, la réalité est de nature à se rendre adéquate notre intelligence, en tant que, par sa ressemblance reçue dans l’âme, elle produit une connaissance d’elle-même. Mais le non-étant, considéré hors de l’âme, n’a ni de quoi être coadéquat à l’intelligence divine, ni de quoi produire une connaissance de soi dans notre intelligence. Si donc le non-étant est adéquat à une quelconque intelli­gence, ce n’est pas en raison de soi, mais en raison de cette intelligence qui accueille en elle-même la notion de non-étant. La réalité qui est positivement quelque chose hors

de l’âme a donc en soi de quoi pouvoir

être appelée vraie, ce qui n’est pas le cas

du non-être de la réalité : tout ce qu’on

lui attribue de vérité est du côté de

l’intelli­gence. Donc, quand on dit : « Il est vrai que la vérité n’est pas », puisque la vérité signifiée ici porte sur un non-étant, elle n’a rien sinon dans l’intelligence. Par consé­quent, de la destruction de la vérité qui est dans la réalité, il s’ensuit seulement que la vérité qui est dans l’intelligence existe. Et ainsi, il est clair que l’on peut seulement en conclure que la vérité qui est dans l’intelli­gence est éternelle ; et de toute façon, il est nécessaire qu’elle soit dans une intelligence éternelle, et cette vérité est la vérité première. Par l’argument susdit, on montre donc que la seule vérité première est éternelle.

 

3° & 4° On voit dès lors clairement la solution des troisième et quatrième arguments.

 

5° On ne peut pas penser, dans l’absolu, que la vérité n’est pas ; cependant, on peut penser qu’il n’est aucune vérité créée, comme on peut aussi penser qu’il n’est aucune créature. En effet, l’intelligence peut penser qu’elle n’est pas et qu’elle ne pense pas, quoiqu’elle ne pense jamais sans qu’elle soit ou qu’elle pense ; car il n’est pas nécessaire que tout ce que l’intelligence possède quand elle pense, elle le pense lorsqu’elle pense, car elle ne fait pas toujours retour sur elle-même ; voilà pourquoi il n’y a pas d’inconvénient si elle pense que la vérité créée, sans laquelle elle ne peut penser, n’existe pas.

 

 

6° Ce qui est futur, en tant qu’il est futur, n’est pas, et de même pour ce qui est passé, en tant que tel. Par conséquent, on juge pareillement de la vérité du passé et du futur, et de la vérité du non-étant : d’où l’on ne peut conclure à l’éternité d’aucune vérité, si ce n’est de la vérité première, comme on l’a déjà dit.

 

7° La parole de saint Augustin doit être ainsi comprise : ces choses sont éternelles en tant qu’elles sont dans l’esprit divin ; ou bien il prend « éternel » au sens de « perpétuel ».

 

8° Bien que l’on fasse une énonciation vraie à propos de l’étant et du non-étant, cependant l’étant et le non-étant ne se rapportent pas de la même façon à la vérité, ainsi qu’il ressort de ce qu’on a dit plus haut ; la solution de l’objection est dès lors évidente.

 

9° Dieu a su de toute éternité de nombreux énoncés, mais cependant, il a su ces nombreux énoncés par une seule connais­sance. Par conséquent, il n’y a eu de toute éternité qu’une seule vérité par laquelle fut vraie la connaissance divine des nombreu­ses réalités devant avoir lieu dans le temps.

 

10° Ainsi qu’il ressort de ce qu’on a dit plus haut, l’intelligence est adéquate non seule­ment aux choses qui sont en acte, mais aussi à celles qui ne sont pas en acte, surtout l’intelligence divine, pour laquelle rien n’est passé ni futur. Par conséquent, bien que les réalités n’aient pas été de toute éternité dans leur nature propre, cependant l’intelligence divine fut adéquate aux réa­lités devant exister dans le temps en leur nature propre ; voilà pourquoi elle eut de toute éternité une connaissance vraie des réalités également dans leur nature propre, quoique les vérités des réalités n’aient pas été de toute éternité.

 

11° Bien que la notion de vérité s’accom­plisse dans l’intelligence, cependant la notion de réalité ne s’accomplit pas dans l’intelligence. Donc, bien que l’on accorde sans réserve que la vérité de toutes les réalités était de toute éternité parce qu’elle était dans l’intelligence divine, on ne peut cependant pas accorder sans réserve que les réalités aient été vraies de toute éternité pour la raison qu’elles étaient dans l’intel­ligence divine.

 

12° Cet argument se comprend de la justice divine. Ou bien, si on le comprend de la justice humaine, alors elle est appelée per­pétuelle comme les réalités naturelles sont elles aussi appelées perpétuelles : ainsi nous disons que le feu se meut toujours vers le haut à cause de son inclination de nature, sauf s’il est empêché. Et parce que la vertu, comme dit Cicéron, est « un habitus qui suit la raison à la façon d’une nature », elle a, autant qu’il dépend de sa nature de vertu, une inclination indéfectible vers son acte, quoiqu’elle soit parfois empê­chée ; voilà pourquoi il est dit également au début du Digeste que « la justice est une volonté constante et perpétuelle qui fait droit à